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mardi, 06 mars 2012

Ponctualité

Début du printemps,
Je mets ma pendule à l'heure.

l'heure qu'il.JPGMaintenant qu'on a l'éternité, on peut toujours rêver, avec Raoul :

Nous sommes dans le monde et en nous-mêmes au croisement de deux civilisations. L’une achève de se ruiner en stérilisant l’univers sous son ombre glacée, l’autre découvre aux premières lueurs d’une vie qui renaît l’homme nouveau, sensible, vivant et créateur, frêle rameau d’une évolution où l’homme économique n’est plus désormais qu’une branche morte.

Raoul VANEIGHEM in "L'ère des créateurs".

On peut aussi croquer quelques livres d'esprit libre du même auteur, lus et approuvés par la maison (ci-dessous):

http://nouvellerevuemoderne.free.fr/eredescreateurs.htm

On peut encore s'instruire avec Georges un ami de Georges tous deux amis de Georges et de Robert et plus haut, de Roger:

Maintenant, le mouvement de l’horloge donne la cadence aux vies humaines : les humains sont asservis à la conception du temps qu’ils ont eux mêmes produite et sont maintenus dans la peur, comme Frankenstein par son propre monstre. Dans une société saine et libre, une telle domination arbitraire de la fonction humaine par l’horloge ou la machine serait hors de question. Le temps mécanique serait relégué dans sa vraie fonction de moyen de référence et de coordination, et les hommes et les femmes reviendraient à une vision équilibrée de la vie qui ne serait plus dominée par le culte de l’horloge.

Georges WOODCOCK in "War commentary - For anarchism", mars 1944.

Et comme le sujet ne pouvait ignorer ce texte, petit bonus de lecture encore signé Georges Woodcock, "La tyrannie de l'horloge", je vous joins son petit lien salutaire :

http://infokiosques.net/lire.php?id_article=632

Voilà, mes amis, de quoi occuper les prochains jours en belles lectures puisqu'on annonce la pluie, et qu'on ne pourra pas se donner rendez-vous sous l'horloge à point d'heures (sniff, sniff)...

Photo : Le lyonnais, bon marcheur, amoureux de sa ville, et peut-être les autres, reconnaîtront sans doute l'horloge de la rue Grenette située en Presqu'île entre Rhône et Saône. L'instant pur, rare décrochage d'une ville entière et pourquoi pas de ses habitants ? Ou une métamorphose d'un genre éternel ? Un temps sans temps répondra le génie des oisifs qui vit sur son nuage qu'on ne voit jamais et qui sait tout. Hélas, j'émettrai un regret (très personnel, of et hors course) c'est que l'horloge de la rue Grenette ne présente pas son programme aux élections présidentielles 2012, "arrêter le temps", (et là je suis sûre d'avoir raison), ça paraissait pourtant le seul projet enfin sensé pour le pays et surtout le plus émouvant entre tous, afin d'en finir avec les grosses promesses rébarbatives et les formes comptables si peu romantiques.

© Frb 2012.

mercredi, 14 septembre 2011

Le dessous des cartes (c'est déjà demain)

Discours d'investiture : Provinchiales, provinchiaux, mes chers compatriotes. Merchi de m'avoir élue. Vous avez fait le bon choix, le choix du bon chenche. Mais la chituachion étant che qu'on chait, et dans le contechte de rechechion qui menache la nachion, nous jalons touche être forchés de retroucher nos manches. L'opchion de l'auchtérité est auchi chelle de la chagèche, pour che faire, nous rechterons jichi enchemble afin de trouver une choluchion qui rende pochible la cholidarité entre touche. Je compte chur votre conchienche chitoyenne, cha demandera des chacrifiches, mais gil en va de l'avenir de la Franche, ch'est bien trichte mais ch"est comme cha  : Vive la Franche !  de droite de gauche, et du chantre !)

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Photos : Le dessous des cartes de la rue Descartes. Ou solution du petit rébus provincial (y'a un proverbe provincial qui  est signé du Riri, qui dit aussi que "c'est bien partout Vendenesse" mais bon, on fait de la politique, (et c'est exceptionnel) on ne va pas se mettre à faire de la philosophie par dessus le marché...

Villeurbanne © Frasby 2012.

(eh  ben oui ! c'est ça l'avant garde, avec une petite longueur d'avance, en toute humilité ! et dans un but, toujours le même, vous distraire, mes chers compatriotes, vous pouvez me remercier, envoyez vos dons !)

lundi, 02 août 2010

Monts et merveilles

Nous promettons selon nos espérances, et nous tenons selon nos craintes.

LA ROCHEFOUCAULT, Max. 38

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A la fin du XIIIe siècle, les "monts" symbolisaient une grande quantité de choses, au Moyen-Âge, on disait, "promettre les monts et les vaux" (c'est-à-dire les vallées), à ne surtout pas confondre avec les "démons", même si les légendes du Moyen-Âge évoquent souvent "les démons et merveilles". Dès le XVe siècle on utilisait l'expression "conter maux et merveilles" pour raconter des histoires fabuleuses". L'expression s'est ensuite transformée au XVIe siècle en "promettre monts et merveilles". Il s'agit donc de promettre des choses précieuses en grande quantité, choses mirifiques et dans un sens plus figuré : promettre plus qu'on ne peut tenir. Au cours du temps, on a dit aussi "promettre la lune", "chiens et oiseaux", "plus de beurre que de pain"... Mais revenons à cette expression "monts et merveilles" dont l'origine n'est pas anecdotique ; aucun conquérant n'a jamais promis à ses troupes de merveilleux royaumes au-delà des monts, comme le fit le général carthaginois Hannibal, qui fit espérer à ses soldats, du haut des Alpes, la possession de Rome. Un peu plus tard, François Rabelais utilisera "conter monts et merveilles", tandis qu'au XVIIIe siècle, on parlera de "monts d'or" pour évoquer soit des avantages très importants soit des richesses considérables. Dans la suite des temps, par un goût pour la répétition, typique de l'ancien français, l'image a été oubliée et les merveilles ont pris la place des vaux, renforçant ainsi le sens du mot mont, au lieu de le compléter comme précédemment. L'ancien français adorait ces couples de mots, de sonorités voisines et de sens proches. Curieusement, beaucoup nous sont parvenus: bel et bien, sain et sauf, sans foi ni loi, sans feu ni lieu, tout feu tout flamme... On retrouve chez J.J. Rousseau des "merveilles" plus fidèles à la panse rabelaisienne (ça c'est moi qui rajoute). Les "merveilles" sont des rubans de pâte cuits dans le beurre : "La collation fut composée d'échaudés, de merveilles", (cf La nouvelle Héloïse). Ainsi pourrions nous glisser doucement et pour appâter le gourmand lui promettre bien finement "Veaux et merveilles"... Mais cela est une autre histoire cachée entre les terres du Nabirosina et les monts de Genève et je n'en risquerais pas la publication sans m'en aller goûter moi même les merveilles décrites par Rousseau. Quant aux veaux je vous les promets, selon la formule consacrée du poète Auguste Vermeault : "Promettre veaux émerveille". Enfin bon...

Photo : Promenade au bord de l'étang des clefs, (merveille !) et, plus loin, St cyr (mont !) culminant à 771 mètres d'altitude, ce qui nous donne le plus haut sommet de la Bourgogne du sud, où par temps clair, on peut voir les cimes des neiges du blanc (mont) et des Alpes, le Forez, l'Autunois, le Morvan, le Beaujolais et le Mâconnais (Monts), et l'entrée de la cave en croisée d'ogive (Monts et Merveilles !) du poète, (poite ? pouêt ?) Hozan Kebo. Nabirosina. Août 2010.© Frb

jeudi, 10 juin 2010

Une semaine de catas (thema part II)

Pourquoi chercher le bout de la chaîne qui nous relie à la chaîne ?

TRISTAN TZARA  extr. "L'homme approximatif". Editions Gallimard 2007.

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MARDI.

Louis pouvait maintenant rester des heures dans la même position, qu'on lui plie le bras ou le soulève, son bras restait plié ou soulevé, qu'on le pique avec une aiguille, plus rien désormais ne le faisait réagir. Il ressemblait au cadavre, qu'il avait lui-même découvert, à l'aube dans ce fenier, un visage redevenu mémorable qu'il avait cru voir un instant lui sourire, au bout d'une corde. Son frère repensait à tout cela en regardant le savon mousser entre ses mains. Il avait tout compris, et il s'était promis qu'il ne piperait jamais mot à personne, même s'il y avait encore quelque chose à sauver. On ne badinait pas avec la justice immanente, le Seigneur faisait son boulot, il réparait les infamies, et cela était juste et bon. Il faudrait laisser en état ce décret qui venait d'en haut, il marmonna "dans la vie, tout se paye" en approchant ses mains d'un immense torchon blanc.

Il songea que son pauvre frère avait dû reconnaitre le visage de Jeanine, cette fille née de travers, avec une petite case en moins, à qui il avait dû promettre pour rire, monts et merveilles, un jour de foire, il y a plus de 40 ans, suite à un pari bête avec des copains de régiment. Il avait dit à Jeanine, des choses très émouvantes, avec l'air d'y croire tant lui même, qu'elle avait tout gobé mot pour mot. Pour épater les copains, dissiper l'ennui de ses permissions, faire briller un pari contre quelques fillettes de côte de Beaune, il lui avait dit qu'il l'aimait, plus que cela, qu'elle était la femme de sa vie, il l'avait toujours su et quand il aurait fini son armée, qu'il reprendrait la ferme de son père, alors, il l'épouserait, elle, pas une autre.

Jeanine avait l'âge mental d'une enfant de 10 ans. Elle rêvait de robe blanche et de trenne, tout son imaginaire s'offrait aux balancelles, aux cornets de dragées bleues et roses, au prince charmant. Et, le prince charmant était venu, revenu exprès pour elle, elle en était persuadée. Il y a juste quarante ans, Louis était reparti finir son régiment, deux ans à l'étranger, elle l'avait attendu chaque jour, en comptant les minutes, les secondes, courant au moindre bruit d'auto, de son lit à la fenêtre, le coeur battant au moindre grincement de porte. Aucun objet n'avait pu la distraire, ni tricotin, ni chapelet, pas même les ouvrages au crochet, encore moins les napperons, pourtant brodés amoureusement, avec ses initiales à elles, ses initiales à lui, bleues et roses, côte à côte et toujours enlacées. Elle avait attendu ses lettres, quelque signe de lui. Elle n'obtînt rien. Il n'était jamais revenu au pays, pas avant la semaine dernière, et bien qu'il n'eût guère envie de retrouver ces paysans qui trahissaient une origine qu'il abhorrait plus que tout, il avait bien été bien forcé par devoir, peut-être par superstition, de sacrifier un peu de son temps, pour venir enterrer son père. Il n'avait pas tenu à s'installer sur le banc avec la famille. Cette cérémonie était l'opportunité parfaite et symbolique pour bien leur signifier qu'il n'avait plus rien à voir avec eux, un frère qui ne parlait pas ou qui parlait si bas qu'on le comprenait à peine, des cousins, des cousines plus ou moins attardés. Quant à ses anciens copains, d'école ou de régiment, la plupart étaient devenus crétins, abêtis par l'alcool. C'est ainsi qu'il les voyaient tous, des humains aussi bruts que leurs bêtes, dénués du moindre désir de transcender quoi que ce soit, avec leur petite vie foutue d'avance, et des conversations trop terre à terre.

Après l'armée, Louis avait rencontré sa future épouse, une élégante, très raffinée, professeur de philosophie, qui le trouvant bel homme mais pas trop dégrossi, l'avait aidé à passer des diplômes et des équivalences. Il n'avait pas voulu que ce soit dit, il en avait bavé plus que les autres, mais il était devenu à son tour, après des efforts insensés, professeur de philosophie, versé dans toutes sciences humaines: sociologie psychologie et surtout dans la poésie. Il enseignait maintenant à la Sorbonne et fréquentait un cercle de bels gens trié sur le volet, tous érudits. Il était devenu de surcroit, le principal maître à penser d'un cénacle de parnassiens. Il avait oublié le village, et aussi que son frère avait dû reprendre la ferme à sa place au lieu de poursuivre des études pour lesquelles on le disait doué. Cela était un autre sac de noeuds, mais il avait tourné cette page. Ces gens étaient trop petits pour lui. C'est ainsi que depuis quarante ans  il s'appliquait à jouir du temps présent et à se cultiver, parmi ceux d'une société formidable à laquelle il appartenait.

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C'était sorti comme une voix hors de lui, un grossier personnage reniant aux plis les surfaces arrondies du monsieur délicat qu'il était devenu. Il ne s'était pas montré très aimable, en lui criant "Vas te faire pendre !". Il n'avait pas reconnu Jeanine, en cette souillon qui trainait autour de sa chambre, soir et matin à la même heure, en gémissant, et qui semblait l'épier, importunait jusqu'à Madame son épouse, en lui jetant des cailloux au visage. Louis avait cru à une mendiante de celles dont on ne peut se débarrasser qu'en leur donnant quelques gri-gris, des porte-clefs ou des médailles. "Ces femmes ont quelque chose d'ensorcellant, tant qu'elles n'obtiennent pas ce qu'elles désirent...". Il lui avait donné un mousqueton, pour la calmer, cela n'avait pas suffi. Il n'aurait pas pu dire combien de fois il avait croisé cette folle depuis son arrivée. Dix fois par jour, peut être ? Ca devenait trop harcelant. Elle le hantait. Son frère le regardait de loin chasser Jeanine comme on chasse la vérole et restait stupéfait qu'on puisse à ce point oublier.

Jeanine après de longues années d'attente, s'était lentement affaissée, dans un monde bien à elle, entre ses rêves de pureté et une saleté réelle. Elle était devenue méchante, à force d'implorer le ciel. Sa vie n'avait été qu'une douloureuse attente, agrémentée par des rituels quotidiens, incompréhensibles, pour le retour de son aimé. Et elle savait qu'un jour il reviendrait. Que tous deux, ils se marieraient. Il lui avait promis. Cela ne pouvait être autrement.

Il y avait eu une altercation très violente, juste en bas du fenier. Jeanine, s'était jetée sur lui, pour l'embrasser, enfin comblée ! le frère avait vu ça de loin, assis sur le muret des cabanes à lapins, avec sa pipe en coin et son béret sur le côté. Il avait entendu les injures proférées, hurlées et répétées. Ca allait loin ! Le frère songea qu'aucun homme, même le plus grossier, n'avait le droit de dire des choses pareilles à un autre être humain. Après avoir déversé les pires mots sur la femme, Louis était parti sans se retourner, il s'était  adressé à son frère juste pour pester encore, de ne pas être à cette heure, à son cercle privé de poésie, qu'il animait tous les mardis à St Germain des près. Il ne cachait plus son irritation à devoir encore rester un jour au pays. C'était le jour de trop. Le frère ne comprit pas d'emblée, pourquoi Jeanine avait trainé la grande échelle.

L'après midi fût plus tranquille, une belle journée d'été. Le lendemain à l'aube, le frère s'aperçût que la corde qui tenait la cloche du portail, avait été volée. La cloche gisait dans l'herbe. Comme ce matin, si tôt, il n'avait pas encore vu Jeanine dans les parages, le frère eût une intuition un peu sombre. Il se dit que cette histoire avait assez duré. Il était temps que le Seigneur intervienne. Il courût dans la chambre d'amis chercher Louis, à peine éveillé, prétexta qu'il fallait à tout prix monter dans le fenier pour l'aider à descendre un outil dont il avait besoin tout de suite, et comme lui, avec sa sciatique etc, etc... En échange de l'hospitalité, "pour une fois un petit coup de main"... Louis accepta, c'était son dernier jour ici, "après tout rendre petit service" il pensa que :"ça ne mangeait pas de pain !". C'est là haut, dans un coin du fenier, en voyant de près le visage de la créature, un visage rajeuni de 40 ans qui, au bout d'une corde, encore, lui souriait comme en adoration, avec cette drôle d'expression qu'on eût dit de béatitude, qu'il dût se passer quelquechose. Après quoi tout devient mystérieux.

Le médecin appelé d'urgence par le frère devant les deux corps immobiles dont un seul respirait, plia le bras, piqua un peu l'homme partout avec une aiguille. Plus rien de ce corps ne réagissait. C'est ainsi, désormais que le malade vivrait, figé dans une posture horrible, comme celle d'une statue hantée, ou d'un cadavre dont l'âme s'épuisait aux enfers. Avant de repartir tout en saluant le fermier, le médecin crût très utile de rajouter: "Pour guérir votre frère, cher monsieur, il suffirait que je connaisse la cause profonde du choc terrible qu'il vient d'endurer, si vous avez quelque élément, n'hésitez pas à m'en parler, ce serait l'unique moyen de le guérir". Le frère prit un air désolé "vous savez moi, je ne sais rien, j'suis jamais au courant de rien !". Dans le foin, le visage de Jeanine était devenu sublime, près d'elle un homme mort respirait, la bouche déformée, fixée dans une grimace affreuse. Quand le medecin fût reparti, le frère alla avec un petit sourire en coin jusqu'au robinet de la cuisine, il vit par la fenêtre, passer l'épouse de Louis dans sa nuisette en tulle. C'est vrai qu'elle avait belle allure ! il remonta sa grosse culotte de velours d'un air très satisfait, fît un clin d'oeil complice au portrait du Seigneur qui trônait dans un cadre au dessus du buffet puis se lava les mains longtemps.

CATALEPSIE.

Photo 1 : Judas bois polychromé, détail art lorrain du XVem siècle.

Photo 2 :  Reproduction d'un Christ couronné d'épines. Art lorrain, début du XVI em siècle tiré d'un catalogue ancien sur le "Nouveau musée de Metz". Archives personnelles. ©Frb.