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mardi, 13 octobre 2009

Dendromancie

"Si un tamaris est triste, l’intérieur du pays ne sera pas heureux"

AROUMS P468.JPGLa dendromancie est une branche de la botanomancie : il s’agit d’une divination par les arbres. Tout dans un arbre peut être observé à des fins d’interprétations mantiques dit-on. Le feuillage et son mouvement sous le vent, l’aspect extérieur, le bois même qui peut être disséqué de la même manière qu’un corps animal.
 La vigueur des pousses nouvelles, les craquements du bois, les prodiges apparus dans le tronc ou les branches.

Ainsi peut on lire dans l'ouvrage du Docteur G. Contenau ("la divination chez les assyriens et les babyloniens") quelques exemples de préceptes très anciens :

"Si un palmier est triste, le coeur des gens ne sera pas bon".

"Si un arbre épineux est triste, la santé des gens ne sera pas bonne."

(Voir ci-dessus le triste tamaris), entre autres...
 Nous retrouvons le tamaris dans la divination grecque, à côté du laurier d'Apollon, et des chênes de Zeus, sur la croupe du mont Tamaros à Dodone.
 La divination par le laurier a pour petit nom savant la daphnomancie. Le laurier, consacré à Apollon, (Dieu des prophètes et des devins) était aussi considéré comme symbole par excellence de la divination. On pouvait mâcher des feuilles de laurier pour atteindre un état de transe. (Il ne vaut mieux pas re-tenter l'expérience aujourd'hui, car les feuilles de lauriers sont toxiques à très faible dose, et parfois même mortelles). On pouvait aussi le faire brûler et observer les flammes, y lire peut-être quelque présage dans la fumée ? Plus tard, on confectionna les dés avec le bois de laurier, (dont certains possèdaient le pouvoir d’abolir le hasard, ça c’est moi qui rajoute). On pensait aussi qu’en mettant une branche de laurier près de la tête d’un homme endormi, on faciliterait chez lui, les rêves divinatoires. Quant aux chênes (pour en revenir à la pure dendromancie), les prêtres de l’oracle de Zeus à Dodone considéraient comme une prophétie le bruissement de leurs feuilles agitées par le vent. Homère a évoqué ces oracles de chênes devins dans "l'Iliade" et dans "l'Odyssée" :

"Seigneur Zeus, dieu de Dodone, dieu des Pélasges, dieu au lointain logis, qui règne sur Dodone où sévit de mauvais temps - et les Selles habitent à l'entour, tes interprêtes, qui, les pieds non lavés, couchent sur le sol !" (HOMERE - l'Iliade, XVI - v.234)

"Celui-ci me dit qu'Ulysse s'en était allé à Dodone pour écouter, dans la haute chevelure du chêne divin, les conseils de Zeus sur la manière de revenir au gras pays d'Ithaque, dont il était depuis longtemps, déjà éloigné." (HOMERE - L'Odyssée XIV, v.327)

Si l'on sait aujourd'hui que Dodone était l'oracle de Zeus, on oublie que l'oracle était aussi dédié à Dioné qui était autrefois considérée comme une puissance agraire et comme une déesse du chêne, l'arbre tutélaire de ce bois sacré. L'oracle de Zeus et de Dioné fût donc l'un des plus renommés du monde hellénique. Dès l’époque romaine et jusqu’à nos jours, on a volontiers attribué un arbre à une famille noble et puissante : une branche abattue par la foudre, une maladie du bois, des feuilles tombant prématurément étaient autant de présages d’un accident ou d’un décès dans cette famille. Souvent, de la mort de l’arbre tout entier, on pronostiquait la ruine ou la disparition de la famille. De nombreuses lignées seigneuriales en Europe ont vu leur sort lié à celui de leur totem végétal. Elles ne suivaient en cela que l’exemple donné par la famille romaine de Jules dont le bosquet de lauriers plantés par Auguste se déssécha à la mort de Néron.

Il faut voir là, une conception de la magie sympathique entraînant secondairement des conséquences divinatoires. Une telle notion rejoint le principe des totems, des attributs mythologiques, des animaux compagnons des saints dans l’iconographie médiévale, des statuettes de cire des sorciers de village etc... La dendromancie est profondément enracinée dans l’esprit humain et qui sait ? En de nombreuses superstitions qui parfois nous hantent tout bas...

Souvent je songe à ce chêne rouge que mon père planta le jour de ma naissance, dont la racine tenait dans le creux d'une main. Durant toute mon enfance je le vis grandir et puis me dépasser. Le chêne ne tarda pas à me dominer d’un bon mètre, puis de deux... Tandis que je lisais mes premiers "Oui-Oui" dans son ombre. Lorsque je découvris le "bateau ivre", le chêne rouge était un géant, il aurait dû survivre à ma génération et à celles qui suivraient. Mon père veilla longtemps sur sa tranquille maturité. Tant que le chêne rouge allait, tout irait. Puis il y eût d'autres livres et des feuilles plus sombres. Une nuit, l’orage foudroya notre chêne, brisa en deux parties nettes le tronc. Quelques jours après, on vit arriver la faucheuse.

Photo : Crépuscule aux oracles d'un dieu brésar vu près de la dame et ses génies (dont certains de l'agriculture) dans la mythique forêt Morand. Photographié à Lyon rive gauche. Au début de l'hiver 2008. © Frb

vendredi, 09 octobre 2009

Agrophylax

"Quel bruit fait l'arbre qui tombe dans un bois où il n'y a personne pour l'entendre ?"

IMGP0309.JPGAvant l'explication par la science de la naissance du monde, l'homme vivait sur une terre enchantée. Dans un "Traité sur les rivières et les montagnes" datant du IIIem siècle et attribué à PLUTARQUE, nous apprenons ceci d'une pierre de Lydie qui ressemble à l'argent et que l'on appelle "agrophylax" : "il est assez difficile de la reconnaître car elle est intimement mêlée à la poudre d'or que l'on trouve dans le sable des rivières, elle possède des propriétés très étranges. Les riches lydiens la placent à l'entrée de leur coffre, afin qu'elle protège leur réserve d'or, car chaque fois qu'un voleur s'approche, la pierre émet un son qui ressemble à celui d'une trompette et le larron se croyant découvert, s'enfuit, et précipité au fond d'un gouffre périt de mort violente"(1).

Björn ERIKSSON :"Ballad Ollo Dallab"
podcast

 

(1) Extrait : "Traité des rivières et des montagnes" cité par F. D. Adam in "The birth and development of the geological sciences" N.Y. 1938.

Source : R. Murray Schafer : "Le paysage sonore". Editions J.C Lattès 1979. A voir encore ICI.

Photo : L'absence de vie ne s'accompagnant pas forcément de l'absence de sons (nous y reviendrons), juste ici la "Pierre de Charpennes" en lamentations, quelques jours après l'enterrement du brésar. Et sous l'asphalte, suivant un long soupir, l'enfer se dép(r)ave dans le caviar. Vu et entendu à Villeurbanne en Octobre 2009. © Frb.

lundi, 03 août 2009

Suivez l'hydre !

"Que de gens ressemblent à l’hydre ! que de gens ont autant de coeurs à donner que cette hydre compte de têtes !"

BESTIAIRE DU MOYEN AGE Extr. (bienheureuse me rendra celui qui me dira de qui...)

marais157BV.jpg"Si les messins ont leur "Graoully", pendu en l'air ou accroché aux pavés des ruelles, les nabirosinais ont certainement leur hydre, que l’on voit glisser hors des étangs par temps chauds les nuits d’été. Hydre voilà un mot ! J'aime ces mots passés, ceux dont la musicalité est souvent aussi fantastique que la mythologie. De quoi descendre dans la salle des archives, (du château) pour feuilleter quelques grimoires qui raconteraient des histoires d’eaux. Rien à voir avec l'hydre qui décore le fauteuil en osier de je ne sais quelle vacancière. Hydre ! le mot tourne diablement dans la tête, l'esprit semble en être possédé. La créature taraude. Une des plus fascinantes de la mythologie grecque : la légende raconte qu’Hercule la tua durant ses douze travaux, (il existe à ce propos une amphore attique à figures noires, (env. 540-530 av.J.C.)  qui représente "Héraclès et l’hydre de Lerne", celle-ci souvent reproduite dans nos manuels d’histoire ancienne). Souvenez vous.

Décrite comme un serpent à eau, à corps de chien, l’hydre possédait dit on plusieurs têtes dont une, immortelle et ses têtes se régènéraient doublement lorsque elles étaient tranchées. L’haleine de la bête soufflée par les multiples gueules exhalait un poison radical, même pendant son sommeil.

La bête fût décrite différemment selon les différentes légendes. On la figura aussi comme ayant un corps de dragon (A nous deux graoully !) et sept têtes (seulement). La tête "centrale" était intelligente elle dirigeait le corps. Une tête immortelle ! Chaque fois qu’un chevalier la coupait, deux nouvelles têtes poussaient. Dans la mythologie grecque cette bête atroce habitait les royaumes aquatiques et les marais. Elle possédait un corps de chien et entre cinq et mille têtes. Là encore la tête était immortelle, constituée en partie d’or. Le monstre ravageait le bétail, saccageait les récoltes.

Dans les bestiaires d’Amour du Moyen Age, l’un des bestiaires associe l’hydre au crocodile,  l'hydre est son ennemi mortel :

"[...] Qui le voyant désespéré après qu’il a dévoré un homme et se jetant sans discernement sur toute espèce de nourriture, se place sur sa route. Le crocodile la saisit, l’engloutit toute entière. L’hydre n’y est pas plutôt, qu’elle lui déchire les entrailles et sort toute triomphante du corps de son ennemi mort
"

Et puis je repensais à la fin du prologue (juste avant le début de la fin :-) : "Que de gens ressemblent à l'hydre !". A ce venin qui court sur les flots, précédant d'étranges bestioles à tentacules... A ces petites proies paralysées par le venin, ces vers de vase. Je pensais aux connotations... De la gueule du diable, aux précis de morale humaine. Divins bestiaires du Moyen-âge.

Et si j'étais dans l'ignorance des prodigieux méfaits de l'hydre ? Si on me demandait aux croisées des étangs, de choisir entre suivre le ver de vase ou l'hydre ?

Je mets mes sept mains à couper que je choisirais l'hydre.

Photo: Le nid de l'hydre, aux portes de l'étang des clefs. Nabirosina. Août 2009.© Frb

jeudi, 26 mars 2009

Où est le mal ?

"Où me laissé-je emporter, insensé que je suis ? Pourquoi marcher à l'ennemi la poitrine découverte ? Pourquoi me dénoncer moi- même ? L'oiseau n'enseigne pas à l'oiseleur les moyens de le prendre ; la biche n'apprend pas à courir aux chiens qui se jetteront sur elle. Que m'importe mon interêt ? Je poursuivrai loyalement mon entreprise et donnerai aux femmes de Lemnos * des armes pour me tuer"

OVIDE. Extr: "Laisser croire aux amants qu'ils sont aimés" in " L'Art d'Aimer". Société d'édition "Les belles lettres" 1960.

co mercredi.JPG

"L'Art d'Aimer" d'OVIDE (un petit peu détourné), a fortuitement croisé une image problématique au coeur de la presqu'île près de ces petites rues qui bordent Saint Nizier (et son église de style gothique flambloyant). Ce quartier fût jadis, celui des dames aux moeurs légères qui offraient aux messieurs en l'échange de quelques francs anciens et nouveaux, toutes sortes d'illusions, des plus sophistiquées aux plus élémentaires... Certains d'entre-eux, me raconta Christine, (une pute affranchie, tapinant dans sa rue mais aussi, excellente voisine de palier à cette époque désormais révolue), ne venaient que pour s'asseoir à côté d'elle, ressentir la chaleur humaine et écouter quelques mots doux, qui, pour un tarif un petit peu plus élévé, pouvaient être murmurés jusque dans l'oreille ! Certaines de ses collègues, moins compatissantes, surtout moins affranchies, laissaient les bougres dans l'escalier, et n'acceptaient de recevoir que les gars pour la bagatelle, à l'abattage, vite fait, bien fait. Il était sans doute plus compliqué pour elles d'offrir à leurs clients un mensonge habillé, écouter ou parler, juste cela, plutôt que de coucher sans la moindre empathie au prix d'une prestation choisie. C'était donc, Christine cette doyenne, "affranchie au grand coeur", qui recevait les malheureux ; dont certains exigeaient qu'elle leur fasse des... promesses, tarifées bien sûr et jamais tenues. D'autres encore, les mal mariés, les esseulés, abandonnés, venaient la "consulter" (certains même, une fois par semaine, comme chez la coiffeuse ou le psy) pour être simplement consolés. Cela leur suffisait. Et puis ils repartaient heureux, de quoi "tenir" quelques jours, ou un très court instant, peut-être, s'imaginer, aimés... Enfin , c'est ce que nous racontait Christine, une fois sa journée terminée, tandis qu'elle nous offrait le thé, dans cette chambre à la fois miteuse et coquette, au plafond délavé orné de frises adhésives en forme de roses, dans cette pièces à l'odeur indéfinissable, dont les fenêtres qui fermaient mal avaient été camouflées, par de jolis voilages organza floqués fleurs où mille secrets d'Amour et de misère humaine semblaient peser plus lourd que toute la fornication, les vices, ou simplement le sexe, en ces vagues virées éphémères... Fin de partie croisée, digression pour OVIDE : "Laisser croire aux amants qu'ils sont aimés"...

Quant aux femmes de Lemnos * dit la légende, sous le règne de HYPSIPYLE (petite fille de DYONISOS), elles furent punies par APHRODITE pour avoir négligé son culte, la déesse offensée, les affligea d'une odeur insupportable, ce qui inspira aux maris le dessein de les abandonner. Les Hommes préférèrent suivre les belles captives de Thraces et les femmes de Lemnos (les lemniennes) indignées, se vengèrent à leur tour en faisant égorger une nuit, tous les Hommes de leur île. Sauf un ... Mais ceci est une autre histoire. Celle des femmes de Lemnos, nettement moins "fleur bleue" que la pourtant triste vie de Christine en sa presqu'île à Saint Nizier... Les deux sans correspondances spéciales; sinon vaguement l'Art d'aimer... Et si ce n'est pas de l'Art, qu'est ce que c'est ? ...

Photo : Collage à motifs symboliques, posé sur cette saleté de mal (et de mur) où le mauvais sang glisse, comme la bile noire dans tous les genres de mondes où vivent l'Homme et les Femmes. Géant carapacé d'armure, unique et fort portant sur une lame deux petites créatures nues, innocentes et fragiles (évidemment...)  A noter au passage le fameux coup de crayon ;) de l'artiste. Merci à lui. Vu à Lyon, je ne sais plus si c'est rue de la Fromagerie, de la Poulaillerie ou bien rue Longue, (encore 3 mondes assez distincts, baptisés sans chichis) ; au début du mois de janvier 2009. © Frb.