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mercredi, 15 septembre 2010

Mot pour Monique

Mais quand d'un passé ancien rien ne subsiste, seules plus frêles, mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidéles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps".

 MARCEL PROUST : extr. "Du côté de chez Swann" in "A la recherche du temps perdu". Editions, le livre de poche 1992.

mot pour monique.JPGExplorant les joies du cosmos dans ses coins les plus oubliés, (avec l'outrecuidance de compléter (?) la minuscule liste des "plus frêles, plus vivaces" de PROUST, je glanerai aujourd'hui un peu de voix humaine du côté de l'excellent site Silence Radio, (et ses pastilles multicolores), pour vous convier à l'écoute d'un module très curieux, de 1,40 mn, intitulé "Résolution", enregistré le 10 Janvier 1969, sur terre, par un émouvant inconnu.

"Un disque souple (on disait autrefois "flexible") 45 tours, uni-face, pour Monique. 
Comme une bouteille (vide ?) jetée à la mer, lancée sur une platine auto-recording, échouée au marché aux puces pour finalement aboutir sur une radioweb de création."

Un temps de vie humaine dérobée, nous revient plus de trente après, aussi fragile que le support qui nous la livre, aussi grave que l'intimité, peut tomber (par accidents heureux ou malheureux), un jour dans le domaine public, mais heureusement, on ne connaîtra pas la fin ...

Avec mes remerciement pour Silence Radio, et une dédicace très spéciale à Monique, à ce monsieur, l'inconnu. Et à tous les messieurs connus ou inconnus activant dès ce jour leurs bonnes résolutions, pour la sonothèque du futur.


 RESOLUTION : anonyme (via Silence-Radio)
podcast
 

 

 Photo : Ce qu'il reste après vous et Monique à ce point, juste avant de perdre la fréquence. Une métonymie on dira, de l'absence ? Ou de l'écoute flottante ? La chaise attitrée de Monique ? Le support de votre Madeleine ? Vus, une nuit, sur le trottoire du "Café des voyageurs", fermé, comme chaque nuit, depuis que la nuit est nuit. Boulevard de la Croix-Rousse, Lyon, 2010. © Frb

mardi, 14 septembre 2010

Cosmos

Nous ferons sonner en nous les verres cassés
les monnaies d'argent mêlées aux fausses monnaies
les débris des fêtes éclatées en rire et en tempête
aux portes desquelles pourraient s'ouvrir les gouffres
les tombes d'air les moulins broyant les os arctiques
ces fêtes qui nous portent les têtes au ciel
et crachent sur nos muscles la nuit du plomb fondu

TRISTAN TZARA, extr. "L'homme approximatif"

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Photo : Un temps intense et mince. A moins que ne soit une destination fondue entre mille autres. Perrache-gare. Lyon Septembre 2010. © Frb.

lundi, 12 avril 2010

Un rien s'ébruite

"Tout dormait comme si l'univers entier était une vaste erreur"

FERNANDO PESSOA : "Le livre de l'intranquillité". Editions Christian Bourgois 1999.

crin195_2.JPG

Les objets m'échappent des mains. Toute parole me semble insolite. Le mot n'a rien à dire, rien d'essentiel. Il accumule l'inécoutable, l'inentendu ou l'inaudible. Doucement, je reprends la musique. Un fil mène aux lèvres serviles, au "Souvenir de chair", à "L'archéoptéryx". Tous, titrant le moment de quelques pièces acousmatiques de mon bon maître.

"L'archéoptéryx signifie "aile ancienne" en grec. De la taille d'un pigeon, cet oiseau était malhabile au vol. Ses doigts dotés de gros ongles lui permettaient de s'agripper aux arbres et aux rochers. Il est probable que l'animal passait beaucoup de temps dans les arbres s'aidant de ses griffes, de ses pattes puissantes pour grimper jusqu'au sommet. Il pouvait alors planer de branche en branche. Il semble aussi que l'archéoptéryx n'était pas capable de se percher de manière stable et qu'il avait besoin de courir pour atterrir. Il avait un bec et des dents pointues, utiles pour attraper ses proies. D'abord vu comme un oiseau, (théropode maniraptorien), qui se serait débrouillé pour "bricoler" tout un système lui permettant de voler, on dit (et nul n'en sera plus instruit), qu'on ne sait pas vraiment ce qu'il fût. On le considère plus souvent aujourd'hui comme un dinosaure et on dit que ses plumes, héritées d'autres dinosaures, mais d'un tout autre usage, ont été recyclées pour le vol à la suite de tentatives répétées ou d'un évènement inconnu (!)".

La bête fascine, je la vois s'agripper gauchement d'arbre en arbre. Je viens à la forêt comme d'autres loin de la plage, draguent les requins blancs. Un souvenir de chair près des arbres. Je touche l'écorce tiède d'un conifère comme si elle contenait déjà des milliers d'aiguilles fossilisées. Sur la plus grosse branche du cerisier en fleurs, l'archéoptéryx me surveille. A côté et partout, des milliers d'années remuent l'air, dans ce silence que j'imagine comme à la perfection, (à force de vivre en ville sourde et bavarde comme tant d'autres). Ce monde criblé de sons, je dois le reprendre à zéro. Il est dédale brûlant et "retour en arrière pour aller de l'avant", me dis-je. Sur la plus grosse branche du cerisier en fleurs, l'archéoptéryx lit dans mes pensées. Je suis un perroquet. Je repète bêtement ce que j'ai lu la veille. "Pour aller de l'avant ?". Je le vois ricaner... Quel avant ?

Photo : L'archéoptéryx du Nabirosina, tout simplement. Avril 2010. © Frb.

dimanche, 03 janvier 2010

Se faire couler un bain

29 secondes de toilette dans la salle de bain de l'élan.


dimanche, 20 septembre 2009

Schizophonie

piano.JPGSachant que le préfixe grec "schizo" veut dire, fendre, séparer, et que "phôné" signifie voix (en grec), la schizophonie serait selon RAYMOND MURRAY SCHAFER, la séparation d'un son original de sa transmission ou de sa reproduction acoustique. Au départ, chaque son étant original, il ne se reproduisait qu'à un seul moment et dans un seul lieu à la fois, indissolublement lié au mécanisme qui le produisait. La voix humaine ne voyageait pas plus loin qu'à la limite permise du cri. Les sons impossibles à reproduire étaient uniques, inimitables. Ils pouvaient se ressembler comme les phonèmes d'un mot que l'on répète mais n'étaient jamais identiques. La preuve a été faite de l'impossibilité physique pour l'être le plus rationnel et le plus réfléchi à reproduire un seul phonème de son propre nom deux fois de la même manière, (si vous en doutez, mettez-vous à l'épreuve d'essayer, si un seul d'entre vous y parvient, je brûle ce blog et rejoins les bénédictine de Chantelle). Depuis l'invention des techniques électroacoustiques de transmission et de conservation, tout son, si infime soit il, peut être envoyé dans tous les coins du monde ou gardé sur un disque, bande magnétiques, fichiers son, etc... Nous avons dissocié le son de sa source, nous l'avons arraché à son orbite naturelle. Nous lui avons donné une existence amplifiée et indépendante. Le son de la voix par exemple, n'est plus lié à une cavité du crâne, il est bien libre de surgir de n'importe où dans le paysage sonore. Il peut jaillir de millions d'orifices dans des millions de lieux publics ou privés, ou être conservé en vue d'une diffusion postérieure.

"Nous n'aurions pas conquis l'Allemagne sans [...] le haut-parleur", écrivait HITLER en 1938. Nous savons aussi que l'expansion territoriale des sons post-industriels a servi les "ambitions impérialistes des nations occidentales". Le haut-parleur fût aussi, une invention impérialiste, car il répond au désir des autres par la voix. Tout comme le cri est porteur de détresse, le haut-parleur peut aussi communiquer l'angoisse. Je n'ose pas évoquer en détail, ce que les futurs paysages (impérialistes ?) nous réservent, encore une idée piquée aux artistes, sans vouloir jouer les rabats-joie, je me demande ce que ceci donnerait soudain multiplié à l'échelle d'une ville et toujours du point de vue du récepteur parcourant son paysage sonore... (So funny vraiment ?).

R. MURRAY SCHAFER, compositeur canadien né en 1933 (ne pas confondre avec Pierre SCHAEFFER), a publié en 1977 (Paru en 79 en France), un ouvrage "Le paysage sonore",  (Original :"The tuning of the world"), où il développe ce concept de "paysage sonore" (ou "Soundscape"), c'est là que se lit aussi pour la première fois ce terme de "Schizophonie" : "En forgeant ce thème de "schizophonie", j'ai voulu souligner le caractère pathologique du phénomène voisin de schizophrénie, je le chargeais même du sens d'aberration et de coupure de la réalité, en fait le massacre opéré par les gadgets Hi-fi, non seulement contribue à aggraver le problème Lo-fi mais crée un paysage sonore synthétique dans lequel les sons naturels sont de plus en plus remplacés par des sons artficiels et où les signaux qui ponctuent la vie moderne ne sont plus que des substituts fabriqués par des machines"...

Nota : Evidemment ce texte écrit en 1977, 78 pourrait encore se discutter, ou plus précisément s'ajuster en 2009, où l'environnement sonore s'est peut être encore densifié (tout autant que la schizophonie ? Question.). Par ailleurs, R.MURRAY SCHAFER, qui composa et enseigna, pût aussi mettre sur pied fin des années 60, (grâce à des subventions de l'UNESCO et de la Donner Canadian Fondation) : le "World Soundcape Project", un projet mondial d'environnement sonore, (rattaché à l'université Simon Fraser) consacré à l'étude des rapports de l'être humain avec son environnement acoustique. Ce nom même de "World Soundscape Project", résume à lui seul l'idée qui est au centre du projet : en dehors de nos sens, un "paysage sonore", n'a pas plus de réalité ontologique qu'un paysage "classique", mais le terme permet de désigner la façon dont les êtres perçoivent leur environnement. En tant que récepteur, il est admis que les individus agissent sur les sons " On part du principe que les individus agissent sur les sons dès qu'ils pénètrent dans un espace donné. Produit par l'homme le paysage sonore est la manifestation acoustique du lieu. Les empreintes sonores, analogues aux particularités d'un paysage sont des objets sonores uniques bien localisés. L'objet sonore fût bien décrit par Pierre SCHAEFFER comme "Un objet auquel peuvent s'appliquer nos sens et non un objet mathématique ou électroacoustique à synthétiser". Il s'agit de la plus petite particule autonome du paysage... mais de cela, je parlerai peut être un autre (certain) jour....

Source : R. MURRAY SCHAFER : "Le paysage sonore". Editions J.C Lattès. 1979.

A écouter sur Arte radio : "Une rue à l'oreille de MURRAY SCHAFER" (de Anthony Carcone) où le compositeur M.S. commente le paysage sonore d'une rue parisienne, en ambiance et en anglais : http://www.arteradio.com/son.html?22427

Photo : Paradoxe de la schizophonie: le piano muet de l'avenue Salengro, tandis que partout les rues et les murs bruitent... Vu à Villeurbanne en Septembre 2009. © Frb.