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mercredi, 28 juillet 2010

Dead souls

L'idée d'inspiration, si l'on se tient à cette image naïve d'un souffle étranger, ou d'une âme toute puissante, substituée, tout à coup pour un temps à la nôtre, peut suffire à la mythologie ordinaire des choses de l'esprit. Presque tous les poètes s'en contentent. Bien plutôt, ils n'en veulent point souffrir d'autre. Mais je ne puis arriver à comprendre que l'on ne cherche pas à descendre dans soi-même le plus profondément qu'il soit possible.

PAUL VALERY : extrait d'une lettre écrite en 1918, publiée dans la revue "Le Capitole", en 1926 (La pléiade, I, p. 1654).

forêt II.JPG

Les serments nous dévident. Au soleil, nous disparaissons. Incapables de choisir entre le bien et le mal, nous prenons dans l'épreuve le lot de faux plaisirs, l'enrobons du contentement des sots. Nous sommes calmes, avenants, marchons les bras chargés de fleurs, des choses nous illuminent, nous les nommons, leur donnons vie, par mégarde elles nous sont reprises. On les emporte au loin. Au loin est un lieu impossible, déjà l'imposture nous fait autres. Les regrets s'éternisent. Des passagers descendent, d'autres montent. Le cochet fouette des chevaux blancs. Le carosse a des airs de train de marchandises ou de charrette à bras portée par quelques monstres. Qui se douterait que ce beau véhicule aura déjà servi, toujours à l'identique ? Des tas de gens tous identiques, absorbés par l'azur auront traversé ce même lieu tous, indifféremment et s'y seront perdus à convoiter l'âme promise, jusqu'au mal le plus vif, au mouvement brut, des bris de là, tout au bord d'un sentier, entre les pierres sculptées, le calcaire d'une église au tympan martellé, dentelle d'apocalypse et de Christ adoré.

Le paysage nous prend et déchire nos chemises. Les oracles prédisent des temps à venir périlleux, ensuite, peut-être éblouissants. Ce serait tout comme à l'origine. Un endroit féerique né d'un péché puissant. A terre gît l'écorce éclatée d'un arbre centenaire, une sève figée, blanche et terne, de belle opacité, un point ultrasensible au centre d'un sillon qui semble se fermer à vue d'oeil, en s'approchant, on sait qu'il s'ouvre sur des mondes. Alceste qui s'y connaît, dit que les arbres ne meurent pas. Il faut les tuer, pour qu'ils tombent. S'il l'on écoute on peut entendre une plainte en écho. Un chant, des turpitudes attendrissent les dunes. Rares sont ceux qui le savent. Quelque chose cède à l'embarras, plus fort que toute vélléité d'accéder aux limites. On a beau croire que la douceur s'annule comme rien, au milieu de tout ça, l'humain chute, et cette chute fait encore peine à voir, on le regarde s'agripper à la haie du chemin, la tête noire comme un mûron: rumex, rumicis, ruberraspberry, blackberry, cloudberry, dewberry, salmonberry, nagoonberry, thimbleberry, jusqu'à l'explosion des fruits rouges. Les lèvres imitant le baiser, lèchant le jus sombre, et le suc. Si délectables, enfin.

Rien ne dissipe le muet battement qui ravive la nuit. Les chants de ces rapaces aux yeux frontaux existent bien à l'écart du monde.

"Leur attitude au sage enseigne / Qu'il faut en ce monde qu'il craigne / Le tumulte et le mouvement;" (1)

Leurs cris semblent montrer la figure souveraine, le chemin des grandes terres, et du soleil couchant. Toute crainte terrestre s'en trouve remuée, mais rien jamais ne peut si aisément se rompre. Nous accueillons la vanité et nous cachons ce vierge, ce muet en nous même, qui nous plie, nous allonge sur un fil, et lie les univers les uns aux autres, un seul ressort si mystérieux qu'on ne sait déjouer. L'effroi succède aux tumultes, aux mouvements, les aveux magnifiques se taisent.

Tout était lumineux, et tout nous enchantait. Nos pavanes ne sont plus que bredouillements de gêne. Nous cherchons l'absolu ou l'oubli ou les deux et la nuit nous pleurons. La nuit ça continue, ne viennent que subterfuges, et les vains substituts. Quand l'heure est dépassée, on se rentre en citrouille. Toutes ces grâces enfantines n'en finissent plus de nous hanter et ces folles entreprises, tours de main, tour de cour, et ce rire de l'humain, noyant dans l'excès d'encre, les belles exhumées. Toutes ces grâces vont échues en petites notes éparses, pages blanches, cahiers reliés de cuir, ratures, effets de style à découvrir sous la lame du coupe-papier, tous ces ratés monumentaux dont on voudrait faire oeuvre ; tous ces paradis personnels, solitaires, déjà déchus. La main n'atteindra pas le coeur de la forêt. Et les songes inouis, trop criants, finiront par nous rendre sourds.

Nous dormions innocents sur un lit de bleuets. Mais par la main du diable, la création nourrit aussi les ânes, singe la sève et l'arbre. Les ardentes couleurs de nos petits succès, nous font maintenant pâlir de honte : ronds de jambes, jus de framboise, à tu à toi, je mute en rimes qu'on fait moisir confinées, mains absurdes caressant les pistils soyeux, hymen à déchirer dans un joli fourré, bouches en cul de poule, trous de guingois, le mucus libère ses toxines, des hiboux perroquets nous recouvrent de plumes, on prend des airs échevelés, concupiscence, excès. Voici l'éternité. L'ombrage est sans limite et les réveils sont durs. Pourquoi se réveiller ?

 

 

Nota : (1) ces vers sont extrait du poème de Charles Baudelaire : "Les hiboux".

Photo : Ma forêt en Nabirosina. Juillet 2010. Frb©

Commentaires

Frasby, c'est un drang gase qui l'a dit :
"Vous êtes au Nabirosina ce qu'Homère fut à la Grèce antique, Virgile à la Rome d'Auguste".
C'est ainsi que Kloso , l'Ascelte & Frybas sont grands !

Faites de belles balades, de belles photos, profitez bien du bon ria et ne prenez pas frido dans les glisées marones.

Écrit par : Michèle | lundi, 09 août 2010

@Chimèle (ODE !) = S'il manquait une fée au Nabirosina, pour arusser beni-têre et sitorpépér, riafe rousire otut el ourj le pelupe nabirosinais, frourin le brohenu à tuso, sûr ! que l'on vous choisirait Chimèle ! je vous choisirai, (car je connais personnellement monsieur le maire, il ne peut rien me refuser) Sûr ! qu'avec vous le Nabirosina serait en état de grâce, et le rousire resiat pantremen ! C'est l'Hèrome du Nabirosina qui l'a écrit dans son ode célébrissime, et le Vriglie posera à vos pieds un grand panier de mûrons et de fleurs genre bleuets, gage d'une gratitude sans rapiel. Certes (Hérome, Vriglie oh oh) vous exagérez, c'est hénaurme ! (rires) mais c'est très agréable, (et me refa lobieru les inrujes euffrases lues par ailleurs),j'espère que les lecteurs de C J. vous croiront sur parole ! Je vous promets (toujours des promesses) que je tacherai moyen de vous ramener quelques photos des glisées marones (je penserai à vous) et trusout des abybase où je me retire à mes heures pour mieux habiter la fonction. Merci à vous. Je vous embrasse Fée Chimèle ! que cette ronujée vous blomce en totu.

Écrit par : Frasby | lundi, 09 août 2010

dead flowers for dead souls
http://www.youtube.com/watch?v=0ojXKbYFnus

au milieu de tout ça, l'humain chute, et cette chute fait encore peine à voir

sauf quand c'est Keith Richard qui se pète la goule d'un cocotier !

Écrit par : hozan kebo | lundi, 09 août 2010

@Hozan kebo : Heureusement qu'on a ce bon vieux Keith Richards, pour égayer la poisie ;-) n'empêche qu'il est encore bien vert, pour son âge après une chute pareile c'est admirable ! j'avais oublié cette histoire de cocotier, ben bon sang ! c'est qu'il nous a fait peur ! comme dit ma boulangère :" il aurait pu se casser le fémur". Pis la musique, c'est pas des gringalets, les gars! hein ? Du rock du vrai ! De la vraie musique de Rancheros,
ben bon Diou ! moi je pensais plutôt à "Dead Souls" sans les dead fleurs de Joy Division. Mais on dira ce qu'on veut tout ça ne vaut pas les gars du tsarollais ! fondé par feu Joanny Furtin, le Keith Richards du Nabirosina, goûtez moi ça : http://gasdutsarollais.free.fr/joanny_furtin.htm

Écrit par : Frasby | lundi, 09 août 2010

"Mais je ne puis arriver à comprendre que l'on ne cherche pas à descendre dans soi-même le plus profondément qu'il soit possible."
Qu'ajouter à cela sinon qu'à descendre là, au plus profond de soi, on pourra peut-être y découvrir - c'est là qu'il faut travailler, je crois, comme un orpailleur dans sa boue - ce que ces mots-là "de soi" ont tant à dire dans leur "étendue" vers les Autres.
Si nous sommes singuliers, nous le sommes tous : nous ne le sommes donc pas.
Alors comment nous parler ? Comment parler des Autres en parlant de soi ? L'affaire est immense, j'en conviens, mais combien réjouissante !
Bon, euh... je sais pas si j'ai été très clair là, mais bon... :)

Écrit par : Jean | lundi, 09 août 2010

@Jean : Bonsoir ! je suis vraiment ravie de vous retrouver, vous lire! il me semble que vous êtes très clair, pour aborder des choses aussi complexes, vous vous en sortez haut la main "comme un orpailleur dans sa boue" la formule est fouillée, oserai je dire, j'admire ! "Nous sommes singuliers, nous le sommes tous, nous ne le sommes donc pas" comme vous dites l'affaire est immense. C'est un vertige ! un oxymore. Et le pire c'est que ce n'est jamais gagné. Et comment nous parler ? Souvent nous parlons aux autres et nous ne faisons que nous regarder, nous admirer en train de leur parler, nous cherchons nous même en l'autre, nous nous berçons de cette illusion, à regarder cela de très près c'est un petit peu affreux,vous ne trouvez pas ? (sourires). Nous nous faisons les héros de l'histoire d'un autre que nous sommes en train d'inventer pour nous mêmes. Et quand nous faisons, ainsi de l'autre notre propre création, nous pouvons bien prononcer tous les plus beaux mots de la terre, ce ne serons que fadaises, nous passerons toujours à côté du réel, de l'autre, évidemment ! (suis je claire ? Non pas trop, hein ? ;-)) Et Lacan (ce poète) dit que le réel "c'est quand on se cogne". Non pas qu'il faudrait absolument se cogner, mais les relations les plus profondes, le + profond de l'être est peut être celui qui va accepter de dépasser justement ce moment de l'altérité, qui a deux sens comme chacun sait. C'est là qu'il faudrait travailler,(oeuvrer c'est mieux) à accepter que l'autre ne soit pas tel qu'on l'a rêvé, mais si nous parvenons à approuver l'autre, dans ce qu'il a de réel (et peut être pas exactement conforme à nos rêves, ou attentes) , approuver, ce je ne sais quoi qui est pareil et à la fois pas pareil du tout, c'est là je crois que, sans le savoir, nous décuplons ce rêve, sans le prévoir tout à fait, non plus, et que la profondeur peut nous surprendre là où on ne l'attendait pas Ainsi monte l'aventure humaine. Mais il faut être sacrément à l'écoute pour accepter de décamper de ses positions, délivrer ses vieux plis. Je trouve que nous sommes tous un peu faibles de ce côté là. C'est dommage car l'affaire serait encore plus immense et le réjouissant, inexprimable....
(mais bon... :-))

Écrit par : Frasby | lundi, 09 août 2010

J'attendais (je cherchais ?) ce qui allait lancer ma journée, c'est ici, dans cet échange-là, à l'étage, juste au-dessus, que se précipite (précipitation chimique) tout ce qui se tricotait depuis que ce matin j'avais ouvert les yeux...
Merci, Frasby & Jean :)
Merci aussi à hozan kebo.

Écrit par : Michèle | mardi, 10 août 2010

@Michèle : Saurez vous un jour à quel point votre apport, le choix très précis de vos mots, votre présence si chaleureuse ici (et là bas) est providentielle ? Non, je n'en dirai rien à la naplète (sourires) car ces choses là se prêtent assez mal à l'exposition détaillée et ne regardent que la chimie (l'alchimie!) et peut être aussi les tricoteurs, tricoteuses (tricoti, tricota ;-) ainsi ça a beau être le mois du compliment, le compliment ne sera pas qu'une fantaisie décorative, je vous le dis douce Fée Chimèle ! ;-). Superbe terme, que celui de "précipitation chimique", ce n'est pas un terme c'est un début, une origine qui rencontre (et quelle rencontre ! ) "l'orpailleur dans sa boue" et la goule sympathique du phenix Keith R. qui tombe du cocotier et se rélève de suite pour nous jouer un petit air de chez lui. et en parlant de musique... (oh Jean ! pendant que j'y suis, vous n'êtes pas en reste, mon ami !!! j'ai adoré !!! mais chuut ! la chimie veut qu'on ne révèle pas tout d'emblée, on distille... ! (c'est le jour des remerciements ;-))
Merci Hozan , merci Jean, merci Chimèle ! merci chimistes ! alchimistes-jardiniers ! (chouïa chouïa, in fine etc... ;-)
Je vous souhaite une journée somptueusement brampunique, Michèle ! (pas moins) !

Écrit par : Frasby | mardi, 10 août 2010

une journée somptueusement brampunique ?

ah ça alors diantre kesaco ?
à la noreille (interne) "brampunique" ça sonne assez sympa .Ne sais si this day fut "brampunique" mais il ce fut un beau jour pour ...se demander le soir venant ce que veut dire "brampunique"

Écrit par : hozan kebo | mardi, 10 août 2010

@Hozan kebo :Mais oui ! brampunique comme ça se prononce !
Nous allons bien garder le mystère, c'est toujours ça que le petit Robert n'aura pas ! mais ce sera pour mieux éclairer le grand Roger, donc no problem pour moi le day fût somptueusement brampunique, d'abord parce que la cueillette du mûron fût abondamment brampunique (vinzou ! je sais pas chez vous, mais du mûron y'en a partout) d'autrepart parce qu'en montant sur ma petite motte de terre, d'ici je vois votre cave Hozankébique et là, je dois dire qu'au palais (interne) ça m'a l'air pas mal sympathique ;-)

@Chimèle : ça va ? Vous tenez le choc ? (rires)

Écrit par : Frasby | mardi, 10 août 2010

mûron y'en a partout

pas tencore en mon ici bas & néamoins même

(mais les vôtres étant brampuniques sont sans doute plus "avancés" que les piètres miens)

(faudrait quand même que nous conconrassions sur les "gelées" de mûres , pour voir si la brampuniquissation des mures ont une quelconque efficacité )

Écrit par : hozan kebo | mardi, 10 août 2010

@ Frasby : Si je tiens le choc ? brampunique ? Avec vous, on habiterait n'importe lequel des mots qui ne sont pas Tencore dans le dictionnaire. Alors les noms, vous pensez !
Du coup, à la soirée brampunique, on a invité le petit Robert et le grand Roger et on se fait une cure de mûron, frais cueilli de l'ici-haut de votre forêt en Nabirosina et de l'ici-bas de la cave Hozankébique.
On est plus frasbiqués, hozankébiqués et brampuniqués que jamais et je crois bien qu'il va falloir appeler l'orpailleur debout dans sa boue, qu'il nous sorte de ce mauve et pas avec ses mots de soie.

Écrit par : Michèle | mardi, 10 août 2010

@Chimèle : quelle muple vous evaz ! quelle muple vous évase ? fée Chimèle ! à chaque fois j'en reste comme deux grans de flon. Le grand Roger je vais vous dire (c'est le mosi des ponslemtim, fropitez !) le grand Roger disais je c'est comme la confiture par rapport à la gelée, il claquerait le caquet au petit Robert en un tour de rime (trim de roue, drapon) Sûr qu'entre le mûron brampunique du Nabirosina et la cave hozankébique du câmonnias, on pourrait faire une de ces gnôle de voujence à rendre jaloux l'abbé Soury et le Bon dieu lui même. Certes ! sans l'orpailleur, rien ne sera possible. Debout dans la boue ! tous les brampunisés, les hozankébiqués, les frasbiquets de la terre ! inussez vous ! Très forte récompense à qui nous ramènera l'orpailleur (vivant ! beni sûr !!!) orpaillez vous ! Jeanisez vous ! les mots de soie, nous sortirons de ce mauve et pas. (Esprit de Naje êtes vous là ? ... ;-)

Écrit par : Frasby | mercredi, 11 août 2010

@Hozan Kebo : des mûrons, des mûrons ! que lis je ? Pas de mûron dans votre ici bas ? C'est un scandale ! Faut pas vous laisser faire, Hozan ! battez-vous ! Exigez le mûron faites entendre votre voix que diable ! c'est croc injuste ! ! quand je pense que vers ma cabane y'en a partout on est bardés de mûrons, on ne sait plus quoi en faire, et très avancés car qui dit brampuniques dit avancés. Je vais parler à monsieur le maire, voir si on peut pas organiser un charter de mûrons pour votre ici bas, c'est pas normal que je m'en offre des écuelles soir et matin et vous rien. Sinon, je pourrais vous secourir moi-même (dans ma combinaison brampuniesque de superfrasby) je ne sais pas par exemple si un lancer de mûrons du haut de ma motte de terre jusqu'à chez vous, ne serait pas la solution idéale, il faudrait que ça arrive exactement pile dans un bocal calculé par rapport à l'angle de mon lancer, il va falloir calculer ça comme il faut, faire venir un géomètre et tout mais après on pourra conconrassier pépouzes dans les chaises longues sur les gelées de mûres, quoique je préfère la confiture, une bonne confiture de mûrons avec des vrais bouts de mûrons cachés dedans bien brampuniquisatisés, ça a quand même une autre allure qu'une gelée !

Écrit par : Frasby | mercredi, 11 août 2010

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