jeudi, 06 septembre 2012
Toujours plus
C’est en tant que cinéaste que s’élabore mon travail critique, et non pas en tant que critique de cinéma. En tant que critique, je suis essentiellement un laudateur. La critique peut fonctionner avec des mots, mais le mot est toujours plus discutable que l’image. L’image, elle, tord un peu la réalité mais peut frapper visuellement. Un distributeur automatique de baguettes de pain, c’est plus visuel à l’image qu’à l’écrit, n’est-ce pas ? Et bien, voilà, c’est ce que je filme !
LUC MOULLET, extr. de propos recueillis par Katia Bayer et Mathieu Lericq que vous pouvez retrouver en intégralité sur le site "Format Court", ICI.
"Toujours plus", essai de présentation :
"Aujourd’hui, les supermarchés se construisent sur l’emplacement des cinémas ou des églises. Évolution normale, puisque le consumérisme était la religion du vingtième siècle"
Cet extrait datant du milieu des années 90, présentait succintement le film "Toujours Plus" de Luc Moullet, montrant cette évolution dite "normale" (ou "normative") de notre société, ainsi qu'une certaine entreprise de séparation généralisée, pour ne pas dire de sape (définitive ?) du vivant, de l'humain en particulier.
Le XXIem siècle (après Luc Moullet), persiste à affermir cette "nouvelle religion" alors que l'humain y semble plus réduit que jamais, ciblé et noyé de contradictions assiégé par un tas de nouveaux besoins, que des stratégies ultra-séductrices savent lui suggérer, bardé d'outils merveilleux, de sollicitations ininterrompues, il paraît malgré tout rendu au constat désolant de ne pouvoir lutter contre son sentiment de frustration, de clivages et d'inanité, à mesure que l'espace vital et le temps s'emplissent de denrées et d'objets multicolores initialement prévus pour le bonheur de tous.
Le faix existentiel n'ayant pas été allégé, il devient délicat de montrer le sujet à distance ironique, sans que cela soit immédiatement estampillé via toutes sortes de connotations souvent consternantes, on pourra encore admirer avec quelle malice enfantine Luc Moullet aura eu le don d'échapper...
Le film "Toujours plus" (1993), précédant "Toujours moins" (2010), autre film qui évoquait en 13mn environ, l'évolution et l'accroissement des disposititifs fondés sur l'informatique, automates, bornes et autres)... appréhende avec un regard et une intuition époustouflante son temps aussi bien que les temps où nous nous trouvons, puisqu'en nos courses sans grande alternative, nous sommes d'ores et déjà passés de plus à moins, obligés à réduire nos précieuses perspectives d'avenir, les médias ne cessant de le marteller, avec toutes sortes d'information inclus quelques messages paradoxaux, du genre "méthodes de vie" gaiement "sponsorisées", pour combattre le consumérisme, tandis que la voix humaine singulière se trouve peu à peu submergée, certes, tout ça on le sait...
Nous publierons peut-être ici un jour, le film "toujours moins", puisqu'à ce moins nous avons déjà cédé notre part, n'ayant pu éviter la logique de cet ordre prompt à nous intégrer dans une forme ou une autre de catégorie, le modèle du genre devenu intenable incontournable ; c'est dans "l'ordre", pour une fois, que je vous présenterai les balises du chemin et ses envolées conçues par le regard génial de Luc MOULLET ; parcours où tout abonde, avant que le plat de résistance ou d'épuisement des résistances (?) nous fasse entrer à l'insu de notre plein gré dans un monde pas si loin de la schizophrénie. Cette contradiction devenue "notre" lot, surprend ses créatures en flagrant délit d'impuissance mais au nom des vertus d'un (re)tour à la normale qui n'est jamais partie, quels efforts ne ferait-on pas ?
Voilà pourquoi, déjouant cette question lamentable afin de favoriser un message utile et agréable que m'enseigna ironiquement feu mon père cinéphile et cycliste né à la même époque que Luc Moullet, (je délivre le message : "Le cinéma, y'a que ça de vrai") je glisserai aujourd'hui "Toujours plus", en tête de ma gondole. Un billet doublement dédié, (profitez ! c'est la semaine de la dédicace).
Nota : Si le côté foutraque, doux dingue, et la poétique hilarante de Luc MOULLET sont d'un style qui régale, n'oublions pas que le cinéaste est aussi l'un des plus grands (très modeste d'ailleurs) théoricien français du cinéma vivant et qu'il est fin connaisseur en matière de cinéma hollywoodien bien que ses films soient à l'opposé esthétiquement.
Enfin, pour terminer, après la publication sur ce blog des films "Barres" (1984), "Prestige de la Mort" surtout, récemment de "L'homme des Roubines", l'oeuvre de Luc Moullet a suscité une vive curiosité auprès de nos lecteurs, dont certains m'ont demandé d'y revenir et je les remercie, étant inconditionnelle de l'oeuvre de Moullet, je ne me ferai donc pas prier pour vous présenter "Toujours plus" réalisé en 1993/94, tourné en 16mm et en short. A noter que les conditions de travail intenables des caissières et employés des grandes surfaces y étaient déjà finement saisies au vif, bien avant l'ouverture des débats de société sur le monde du travail, le harcélement et autres intolérables, le film laissant à voir, et entendre subtilement l'espace où nous sommes embarqués...
Sur ce coup exceptionnellement, je tenterai une démo de force de vente en ciblant sans vergogne le lecteur adoré, que je sais par ailleurs fort sollicité, et je l'encouragerai vigoureusement à visionner ce petit film hénaurme, peaufiné jusqu'au moindre détail. Je serai prête à parier un caddy de DVD que vous ne le regretterez pas. Les insatisfaits ne seront pas remboursés.
Bonus : http://www.dailymotion.com/video/xgw9r5_regard-082-luc-mo...
Remerciements : à mon ami Jacques, artiste du son et de l'image, doux dingue et lui-même réalisateur, pour bon nombre d'artistes hauts en couleurs qui m'a amplement initiée à l'univers de Luc Moullet par de savants détours (en)cyclopédiques et montagnards, en espérant qu'il nous délivre "son" prochain film (en short, évidemment).
Photo : Ceci n'est pas un autoportrait mais ça pourrait être "notre" autoportrait (?) /(que celui qui n'a jamais éprouvé son corps dans un hyper pour s'absenter rêveur, entre deux marques de yaourts me jette la première pierre )/ Photographié à l'Hyperion de ma zup au rayon laitages, ("on se lève tous pour..."), on pourrait appeler ça si on en était sûr, de la poésie du quotidien. Un exercice plus périlleux qu'il n'y paraît (louez-moi ! :) puisqu'il est strictement défendu de prendre des photos dans les supermarchés et que le vigile sur ce coup là, a dû très gentiment fermer les yeux, sur le contenu de mon baluchon ce qui est rare, d'habitude ils ouvrent les sacs, parfois vident les cabas et les appareils photo non sans violence, (sachez qu'ils n'en n'ont aucun droit), ceci fera peut-être le sujet d'un autre billet dans notre série "nature et découverte", ou certains jours à l'abordage d'un monde de brutes"...
Zup © Frb 2012
Commentaires
Difficile d'apprécier parceque nous sommes impliqué dans ce qui se passe mais je pense que dans 500 ans ce film fera fureur on montrera aux habitants de la planète ( du moins ce qui en restera) comment on vivait à l'age préhistorique du XXI° siècle
reste à savoir si ces humains? issus de la nanotechnologie auront comme nous la fascination des dinozaures
Écrit par : alex | mercredi, 12 septembre 2012
@alex : Evidemment nous sommes impliqués, mais je ne crois pas que cette raison empêche d'apprécier enfin c'est selon les gens on peut aussi imaginer que c'est justement cette implication qui leur permettra d' apprécier, je ne sais pas, il faudrait interviewer les spectateurs à la sortie d'une projection,
Luc Moullet visionné par les hommes dans 500 ans diable, cette idée pourrait peut-être lui plaire !... judicieuse en tout cas, puisque Luc Moullet a étiré son essai d'ouverture sur une vie entière s'il avait l'elixir d'immortalité il ferait un "essai d'ouverture sur 500 ans, 500 ans pour ouvrir une bouteille de Coca cola je suppose que ça l'amuserait, bien que je ne sois pas dans ses confidences...
Peut-être que dans 500 ans les hommes (?) les androïdes (?) les ectoplasme (argh !) naîtront avec un-nano supermarché virtuel greffé dans le cerveau, ou glissés sous les ongles (aïe)!) comme ça les gens ne s'abîmeront plus le dos à tirer des caddys, les caissières seront troubadours, finies les cadences infernales, ce serait chouette non ? :))
Écrit par : frasby | mercredi, 12 septembre 2012
Petit salut rapide pendant que j'ai la connexion... amicalement
Écrit par : patriarch | jeudi, 13 septembre 2012
@ patriarch : plus de connexion ? Et vous avez réussi à avoir un technicien de chez free ???
Comment avez vous réussi ? (sourires),
Merci pour le petit bonjour, j'apprécie,
j'espère que vous allez vite résoudre ... à très bientôt !
Écrit par : frasby | jeudi, 13 septembre 2012
que celui qui n'a jamais éprouvé son corps dans un hyper pour s'absenter rêveur, entre deux marques de yaourts me jette la première pierre
ce jour d'hui ai été faire emplette de trois paquets de tabac à rouler "Fleur du Pays" (quelle appellation de merde !) (mais je suis accro au goût) à l'épicerie tabac journaux pain poste and so on de mon village (nommée trés orgueilleusement et majusculairement :"L'Epicerie" , avec un pannonceau "attention passage d'Epicier" because la réserve à épicerie est d' laut" côté de la rue et qu'il vaut mieux pas nous l'écraser notre épicier(même si désormais c'est une épicière , deux en fait) (comment que ty retrouves , t'avais un épicier et son épicière et maintenant c'est deux épicières ) (des fois elles sont les deux à la caisse mais des fois non)
bon je sais que c'est pas une hyper-épicerie mon épicerie
mais je peux en causer deux mots , non ?
et je n'ai aucune pierre à lancer
ni une première
encore moins une aut'
Écrit par : hozan kebo | jeudi, 13 septembre 2012
@hozan kebo : choc des mondes ! quel récit ! :)
pas de pierre à lancer, ça c'est une bonne nouvelle ! d'autant que ça serait difficile d'en lancer une autre après ne pas avoir lancé la première, enfin, bon, c'est vrai que c'est bête ce que j'ai écrit :), nous autres gens des villes on croit qu'après la ville y'a la zup des nipères et puis rien, le désert et rien derrière mais c'est nous gens des villes, les ploucs en réalité, à nous imaginer que tout le monde aurait besoin d'un nipère pour faire ses courses enfin si vous voulez en recauser, deux mots même trois revenez quand vous voulez, pour ma part c'est bien volontiers.
En tout cas votre histoire donne envie de prendre une barotte et de la tirer jusqu'à votre village pour s'y installer et y vivre dans une cabane en rondin jusqu'à la fin des temps
Mais attendez encore quelques années, qu'on vous "construise ces fameuses villes à la campagne" c'est la mode de la ruralité en ville, vous n'avez pas entendu parler du grand parc d'attraction qu'ils vont construire autour la Grosne ?
Ca va s'appeler "Grosneland", les citadins qui hésitent toute la semaine entre le Yop et la Danette, payeront pour venir voir des "vrais gens", labellisés "gens du pays" en train de faire leurs commissions à l'ancienne (z'avez remarqué en ville on dit "faire les courses" à la campagne on "fait les "commissions":) les gens des villes arriveront par cars entiers de Paris, New york, du Japon, ils payeront des tour operator pour vous voir acheter vot pain vot' tabac et peut-être des trucs pour le jardin genre des semis, des bêches, le sécateur ? Attention, je ne me moque pas, j'ai passé l'été dans un village que j'aime bien qui se trouve à vol de pinson du votre et je suis très heureuse que l'épicerie ait été sauvée de justesse, elle s'appelle originairement "la corbeille" mais l'enseigne principale est aussi majusculairement "l'Epicerie" et l'hiver la camionnette elle va livrer dans la neige ceux qui ont pas de pneus-neige, pis on a le bureau de tabac mais il est à part, il vend des plaques de cimetière, des cahiers, des plantes vertes et puis il fait un peu droguerie à côté des cahiers il s'appelle humblement :
"Le tabac", il est fermé le lundi et le mercredi donc faut aller à l'autre qui est à 8 km dans un autre village, l'autre il s'appelle "Le Yéti" et il fait salle de réunion pour les chasseurs...
Rien que de l'authentique ! :))
Écrit par : frasby | vendredi, 14 septembre 2012
de quoi ! qu'ouis-je ? ch'us pas un vrai gens !
et careful with my fourche Eugene and Cie !
http://www.youtube.com/watch?v=tMpGdG27K9o
Écrit par : hozan kebo | vendredi, 14 septembre 2012
@hozan kebo : mais si ! z'êtes un vrai gens !
vous z'y avez nouïe pas comme que je voulais dire c'est parce que j'ai dûsse pas y tourner ma phrase comme il faut mais, je vous rassure ! z'êtes un VRAI gens, plus vrai que moi par exemple. Les gens pas vrais sont ceusses cabitent dans des villes cons des nipères crépusculaires et cons jamais vûsse des épiceries majusculaires
je suis désolée, avec ce soleil et la nambroisie j'écris avec les pieds, mais ça a fait l'occasion que vous nous z'y ameniez les pique-feuilles de la grande époque
be careful with your fourche, hein ! sinon je vais t'être obligée d'aller chercher du renfort :
http://www.deere.fr/wps/dcom/fr_FR/products/equipment/combines/w_series/w_series.page?
- careful with my motocultor , John D.and Zig ....
http://youtu.be/-h2hox--bR8
Écrit par : frasby | vendredi, 14 septembre 2012
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