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vendredi, 14 septembre 2012

La naissance du modèle (II)

Je lui disais "regarde comme on peut bien marcher sur deux jambes. N'est ce pas merveilleux ?"
Un équilibre parfait. Je déplaçais le poids de mon corps d'un pied sur l'autre, faisant brusquement demi-tour sans perdre l'équilibre. C'est quand même quelque chose d'extraordinaire.

GIACOMETTI parlant à son modèle, extr. du livre de Anne MORTAL "Le chemin de personne - Yves Bonnefoy Julien Gracq ", éditions l'Harmattan, 2000.

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Il marchera dix heures par jour pour parcourir une moyenne quotidienne de 35 km entre sa cabane et son île, il rêvera de partir en sandales sur les chemins de Compostelle.

Il marchera sur un manège par des tapis roulants à travers des clôtures incassables, il n'aura pour ami qu'un tricycle à bagages, une trousse de premiers soins, une tente, peut-être un sac, il achètera tout à la boutique du "campeur" de la rue des écoles.

 

Lien  : http://youtu.be/F72jPxRCR7c

Nota : Augurant le thème de la marche et des forces motrices dont aucune n'est à suivre, strictement, (quoique)... parmi des propositions multiples et les vagues à venir, vous trouverez un fragment des dérives du modèle en cliquant dans l'image.

 

Photo : La naissance du modèle sur les chemins de la vie, (pas encore buissonniers), pas encore Homme qui marche, filliforme et précaire, dépouillé de ses accessoires, tel que l'avait imaginé Giacometti, occupé à le faire, le défaire en multiples versions jamais achevées selon l'artiste, foulant l'équilibre de l'homme et de son vide. Le modèle 2012 aura coûté moins cher, (détail mesquin, le cartable coûte un bras, car aujourd'hui hélas, on ne peut plus naître sans rien), le modèle 2012 trace humblement son rêve en habits de gala, il chemine pas à pas, patience ! laissons-le naître... Photographié loin des écoles entre deux rives, sur la Presqu'île exactement.

 

Lyon. © Frb 2012.

mercredi, 09 mai 2012

Un peu froissé

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Merci à Pascale Dufraisse qui m'a aimablement envoyé cette photo, prise le Dimanche 6 Mai 2012 à .... Chut !

Le froissé presque audible touchant à la perfection, je vous laisse  contempler...

lundi, 27 septembre 2010

September (part I)

Me voilà entré tout vermoulu dans la zone de noirceur, embroché comme le tournant hémisphère, avec toujours ce sourire idiot qu'un exil de fraîcheur imprime en zézayant sur la face fondante.

TRISTAN TZARA (1896-1963)

Pour lire la suite qui est tout à la fois début de la fin et la fin du début, suivez l'hommesep_0025.JPG

Tu marches à côté d'une route, qui s'allonge à mesure que tu l'imagines. Tu auras un peu honte d'abandonner Madame. Tu laisseras un mot sur la table du salon: "Je suis allé faire un tour du côté du petit train, je reviens". Tu regarderas ta maison disparaître comme un pétard dans l'horizon dont les éclats colleront des petites ailes en carton sous tes semelles, tu auras honte de ne pas avoir prévenu Evelyne, et d'avoir promis à Martine, tout autant qu'à Ghislaine, que tu serais prêt à tout quitter pour elles, si on te laissait faire... Quelqu'un te ramassera ivre mort sous une tôle à mille lieues d'une gare, alors que tu tentes d'apprendre par coeur un poème, Tu as des écouteurs sur les oreilles. Tu écoute "Caravan". Tu espérais qu'ici personne ne pourrait jamais te retrouver. Tu voudrais qu'on se fasse à l'idée que tu disparaisses alors que tu ne t'y accoutumes pas toi même, tu feras tout pour te faire remarquer.

Ici c'est presque la même chose, au delà de l'extrême rigueur que je me suis imposée avant celle de l'hiver il y aura le brouhaha des foules et des tas de papiers comme des avis de releveurs de compteurs avec des carrés à cocher, des lettres menaçantes pour la note d'électricité, complètement oubliée dans les enluminures de Cluny cet été, des mains de fer dans des chaussures de velours, l'omnipotence du corps médical qui met son doigt dans tout ce qui bouge, le roi de la rolex au secours de la retraite, et des gosses somptueux à moitié dévêtus, des colonies de poussins dévertébrés dans le satin qui s'embrasseront la nuit, au secret des folles skins party, un supplément de glam, de dandysme et d'extase, il s'en trouvera bien un de ma génération qui dénoncera le mal, oubliant qu'il voulait rester jeune avant tout. Il y aura le beau dégoût, le m'enfoutisme général, le bon droit, le bon sens, les effets de montre, les corps métrométrès, des sciatiques, des lumbagos fournis par la valeur-travail, l'ombre du général, et le particulier tout petit qui se fait raboter les peaux mortes à l'institut de beauté, le cerveau, le formol, les bocaux de fruits pas frais du Franprix de la rue Anatole. Et puis il y a l'automne qui prend la couleur de mes cheveux. L'écureuil aux yeux bleus est venu ce matin fouiller dans mes papiers, envoyé pour l'enquête d'une femme à moitié folle, l'écureuil qui grignote les lettres compromettantes où l'amour me surprit au point de l'oxymore, où la tendre violence vouée à l'espèce rare se couche à mes côtés sans oser aborder au point G le point d'orgue, dévorant lentement mon âme livrée au vent mauvais de la bonne chanson, par la tranche d'un livre ouvert sur la transformation des digues imperturbables en virées surhumaines, comme si l'on découvrait un jour le poème de Rimbaud privé de ses voyelles collées aux éphélides, (ou bronzage en passeoire) de ces roux maléfiques. Par la rousseur des roux et de la flambloyance, je me grise et m'élance au coeur de la saison sur un lit de feuilles mortes. L'écureuil aux yeux verts, en habits "Carabas" roule sur quelques noix, l'abyssin élégant de mon voisin chinois s'ébat entre deux branches avec une siamoise, le lexo, le formol... Ulysse voyage chez Tennyson, un poème papillon rejoint les migrateurs, un oiseau de malheur glisse dans mon sac à dos, toute chose vire à l'orange et les feux passent au rouge.

Tu es assis hagard, devant ta table de cuisine. Tu bois du vin de Bohème. Tu regardes ta femmes couper le gruyère en lamelles, tu regardes glisser les lamelles sur un plat en gratin. Tu regardes fondre ta femme, puis Ghislaine et Martine dans ta maison pleine des trous du gruyère qui fondent aussi sur ton jardin. Sur ce champ desséché, tu gémis, tu te plains, tu as oublié de téléphoner à Evelyne. Les feuilles de tes arbres préférés tombent un peu plus chaque jour. C'est la fin de l'été. Tu voudrais échapper aux limites communes de l'existence. Tu voudrais tant, tu voudrais plus ... Et tu vis dans les cotillons. Tout ici te retient, dans les cotillons de l'écriture, et dans les cotillons du monde, tu réessayes, en vain. Apprendre par coeur ce poème de Pennequin ce serait mieux que rien.

Il n’y a rien de pire que les choses qui nous tiennent à cœur
C’est comme si on nous amarrait
C’est comme si le corps était notre amarre
Mais qu’on ne pouvait plus se barrer
On ne peut plus que couler dedans « nous »
Pourtant on voudrait bien se barrer, nous
On voudrait bien foutre le camp, nous

Et rejoindre l’autre.

sep_0025.pngMais il y a que tout t'en empêche, et que tout ici te retient : ton canapé en cuir, ton couvre-lit à motifs "Arlequin" que t'a tricoté Ghislaine pour que tu n'aies pas froid l'hiver et surtout que tu penses à elle, le soir, quand tu te couches. Tu tiens à ta commode Louis XV, Louis XVI, Louis XVII, à ton salon de jardin, à ces petites babioles cabossées qui te suivent, ces cadeaux de mariages, ces maquettes de trains, ta collection de canards en bois, à ces assiettes en porcelaine où sont illustrées à la main quelques fables de La Fontaine, tu tiens à ton fauteuil Voltaire à ta lampe Diderot, à ton pot de Werther, à ton épluche-Villon, à ton petit poignard que tu tripotes sans cesse qui déforme le jersey de ton pantalon blanc, à ta sorbetière serbe, à ta cravate à pois, à ta rampe d'escalier, à ton sirop d'orgeat, tu tiens à ton Smecta, à ta pipette d'Haldol, et à ton entonnoir, ta compote.Tu tiens à tout oui, oui. Tu tiens à tout, tout, tout. Et même tu te retiens, car si tout ça ne tenait qu'à toi, tu l'as dit à Nicole une copine de Ghislaine, que si tout ça n'était qu'à toi, tu casserais tout, tout, tout et puis tu t'en irais très loin au bout du monde, et plus personne ici n'entendrait parler de toi. Mais voilà, on te tient, tu ne peux pas partir, tu veux, tu ne peux pas. C'est comme ça, tant pis, c'est tout, c'est un point délicat dont tu ne parles pas. Tu y penses tous les jours et tu tiens et tu bous. Tout est là. Rien ne manque, tu es bien installé, tout se tient, à l'endroit, même cet attirail que t'a offert Evelyne pour mettre la pâtée au chameau, l'attirail il va là, à côté de l'escabeau, et ton blazer pied de poule va dans l'armoire à glace, la laisse du kangourou pendue près du bateau, chaque chose à sa place, une place pour chaque chose, à cause de toute cette merde, tu ne peux pas partir au bout du monde, tu l'as dit à Yvonne une copine de Martine, et tes tables gigognes héritées de la tante Berthe se rangent dans le salon à gauche près du bahut. Ces objets de valeur te tiennent et te retiennent et tu vides les poubelles tout dans les cotillons de ta lampe hallogène, de ton écran macro, tu ne tiens plus, tu tiens tout, tu tiens le bout du rouleau. Il y a même des choses auxquelles tu tiens plus qu'à tout.Tout comme à la prunelle de tes yeux un peu morts, tu tiens au grand chêne rouge quand il pleut dans le jardin, au ruisseau magnifique qui coule entre tes mains, à l'affection du chat, et au chant du serin qui chante soir et matin, au milieu de toute cette merde, tout comme à la prunelle...

Photos : Le réel et son double, vus, rue de la République à Lyon un lundi de Septembre à midi. ©Frb 2010.