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samedi, 15 octobre 2016

La vie rêvée, par Pierre Etaix

Je lègue à la science qui en a tellement besoin
Ma tête chercheuse avec sa cervelle d’oiseau
Et sa suite dans les idées –
Mon nez creux et mes oreilles attentives

PIERRE ETAIX: (1928-2016), "Avant-dernières volontés" in "Textes et textes Etaix", éditions du cherche-Midi, 2012

 

 

Avec tristesse, et grande admiration.

jeudi, 01 janvier 2015

2015 : ralentir

Voeux de sérénité : pour rire un peu de soi s'il est encore possible

 

jeudi, 20 novembre 2014

A travers

Il n'y a de communautaire que l'illusion d'être ensemble. Certes l'amorce d'une vie collective authentique existe à l'état latent au sein même de l'illusion - il n'y a pas d'illusion sans support réel - mais la communauté véritable reste à créer. Il arrive que la force du mensonge efface de la conscience des hommes la dure réalité de leur isolement.

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Il arrive que l'on oublie dans une rue animée qu'il s'y trouve encore de la souffrance et des séparations. Et, parce que l'on oublie seulement par la force du mensonge, la souffrance et les séparations se durcissent ; et le mensonge aussi se brise les reins sur une telle pierre angulaire. Il n'y a plus d'illusion à la taille de notre désarroi

Le malaise m'assaille à proportion de la foule qui m'entoure. Aussitôt, les compromis qu'au fil des circonstances j'accordai à la bêtise accourent à ma rencontre, affluent vers moi en vagues hallucinantes de têtes sans visage. Le tableau célèbre d'Edward Munch, Le Cri, évoque pour moi une impression ressentie dix fois par jour. Un homme emporté par une foule, visible de lui seul, hurle soudain pour briser l'envoûtement, se rappeler à lui, rentrer dans sa peau. Acquiescements tacites, sourires figés, paroles sans vie, veulerie et humiliation émiettés sur ses pas se ramassent, s'engouffrent en lui, l'expulsent de ses désirs et de ses rêves, volatilisent l'illusion d'"être ensemble". On se côtoie sans se rencontrer ; l'isolement s'additionne et ne se totalise pas ; le vide s'empare des hommes à mesure qu'ils s'accroissent en densité. La foule me traîne hors de moi, laissant s'installer dans ma présence vide des milliers de petits renoncements. 

Partout les réclames lumineuses reproduisent dans un miroitement de néon la formule de Plotin : "Tous les êtres sont ensemble bien que chacun d'eux reste séparé.Il suffit pourtant d'étendre la main pour se toucher, de lever les yeux pour se rencontrer, et, par ce simple geste, tout devient proche et lointain, comme par sortilège. 

 

Raoul VANEIGEM: extr. du "Traité de savoir vivre à l'usage des jeunes générations", Gallimard, 1967.

 

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In situ : d'un jour à l'autre à Lyon, quelque part entre la vogue sans marrons et l'ogresse, positive, positiviste, fête des lumières. 

 

In city, la presqu'île, November like December © Frb 2014.

samedi, 04 juin 2011

A tribute to Maurice Garrel

"Je pensais ne pas passer le cap de l’année 2000. Finalement, nous sommes en 2011 et je suis toujours là. Il faudra m’abattre à la carabine !"

MAURICE GARREL (24 Février 1923 - 4 Juin 2011), extr. des entretiens de l’émission "A voix nue", par Dominique Féret réalisée pour France Culture en Mai 2011.

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Personne n'aurait vraiment souhaité abattre Maurice Garrel à la carabine, on aurait bien aimé, je crois, le voir encore jouer longtemps. L'acteur est mort, ce 4 Juin 2011 à l'âge de 88 ans, et bien que je ne sois jamais très à l'aise pour chroniquer les disparitions, je tenais à rendre un petit hommage à cet acteur que j'admire depuis que je l'ai vu pour la première fois dans ce vieux film extra, d'Alex Joffé, datant de 1960, intitulé "Fortunat", où Maurice Garrel y jouait le petit rôle d'un inspecteur de la milice, aux côté de Bourvil et de Michèle Morgan, et peu après je le revis en Monsieur Bontemps dans "La peau douce". Maurice Garrel était aussi le père du réalisateur (mythique), Philippe Garrel, ("J'entends plus la guitare" entre autres...), le grand père du beau Louis et de la belle Esther, (tous deux aujourd'hui acteurs également), il fût l'élève de Charles Dullin et de Tania Balachova, il devint pensionnaire de la comédie française de 1983 à 1985. On l'a remarqué chez Truffaut, Rivette, Costa Gavras, Chabrol, Doniol-Valcroze, Deray, Deville, Sautet, Cavalier, René Clément, Marcel Carné, Pierre Kast, Chéreau, Despleschin, Lelouch, dans les films de son fils ou dans ce film étrange, "Alors voilà" réalisé par Michel Piccoli. Et j'en oublie beaucoup... Le plus souvent, il a joué les seconds rôles, il a oeuvré pour des courts métrages, pour le théâtre, pour la télévision, il s'est aussi essayé à la mise en scène avec Laurent Terzieff (un autre "magnifique" disparu, l'été dernier). Il fût nominé deux fois pour les Molière en 1992 et 1994, et deux fois aux Césars pour le meilleur second rôle masculin dans le film (superbe), "Rois et reines" de Arnaud Desplechin, et surtout pour "La discrète" de Christian Vincent où son jeu adhère au personnage avec une classe d'un naturel époustouflant, chacune de ses apparitions se savoure et mène le film à l'excellence. Je n'ai pas trouvé beaucoup d'extraits disponibles sur le net où l'on peut visionner des scènes significatives du fin travail d'acteur de Maurice Garrel, j'ai donc choisi parmi les rares qui nous sont actuellement accessibles et ça tombe plutôt bien, pour ce jeu, qui paraît flegmatique mais révèle un travail d'acteur précis (là où "le travail" justement ne se voit plus). Il y a un autre charme chez Maurice Garrel c'est sa voix au phrasé très particulier, cette élégance un peu maussade, très enveloppante, un je ne sais quoi de magnétique qu'on pourrait appeller plus simplement "une présence". Extrait choisi, entre deux scènes, ça passe trop vite, regarder ce jeu, écouter cette voix, est un pur régal.

 

 

Autres liens pour découvrir plus en détail l'itinéraire de Maurice Garrel, à lire ci-dessous trois articles de presse parus juste après sa disparition  :

http://www.lexpress.fr/culture/cinema/petite-histoire-du-...

http://www.lemonde.fr/culture/article/2011/06/05/l-acteur...

http://www.parismatch.com/Culture-Match/Cinema/Videos/Hom...

A écouter, une suite des entretiens de l'émission "A voix nue" consacrée à Maurice Garrel, ici le second entretien, il y en a cinq en tout, la page vous ménera à l'intégralité, selon votre désir.

http://www.franceculture.com/emission-a-voix-nue-maurice-...

Photo : tirée du film "La maison des bories, réalisé en 1969 par Jacques Doniol-Valcroze

jeudi, 12 mai 2011

Pas si loin de Montmartre...

Ce que tu m’as dit de ta nuit, du ciel, de la lune, du paysage, du silence a dû ranimer en moi des réminiscences similaires... Et alors, j’ai pris feu dans ma solitude car écrire c’est se consumer... L’écriture est un incendie qui embrase un grand remue-ménage d’idées et qui fait flamber des associations d’images avant de les réduire en braises crépitantes et en cendres retombantes. Mais si la flamme déclenche l’alerte, la spontanéité du feu reste mystérieuse. Car écrire c’est brûler vif, mais c’est aussi renaître de ses cendres.

BLAISE CENDRARS, extr. de "L'homme foudroyé", éditions Gallimard 1945.

Pour voir le poète de face, il suffit de lui tapoter un peu sur l'épaule ...

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Chaque fois que la littérature me paraît un peu vide ou trop molle je retourne chez CENDRARS et ramasse les points de vie fondue dans la puissante liberté d'esprit du corps et du langage qui anime son écriture. L'écriture n'est pas vaine celle de Blaise encourage la vie. Son existence imprévisible était entièrement vouée au présent sans grand souci que les récits qu'il racontait à lui même ou à ses amis soient véridiques, il y avait en lui une autre quête de vérité bien plus intransigeante qui ne fût jamais servile et ne céda à aucune domestication artistique. CENDRARS représente encore aujourd'hui, la jeunesse absolue du monde, de l'Homme, la poésie mais pour atteindre la poésie, son message est limpide : il faudra abuser du monde. La "lettre océan" n'a pas été inventée pour faire de la poésie.

La lettre-océan n’est pas un nouveau genre poétique
C’est un message pratique à tarif régressif et bien meilleur marché qu’un radio
On s’en sert beaucoup à bord pour liquider des affaires que l’on n’a pas eu le temps de régler avant son
départ et pour donner des dernières instructions
C’est également un messager sentimental qui vient vous dire bonjour de ma part entre deux escales
aussi éloignées que Leixoës et Dakar alors que me sachant en mer pour six jours on ne s’attend
pas à recevoir de mes nouvelles
Je m’en servirai encore durant la traversée du sud-atlantique entre Dakar et Rio-de-Janeiro pour
porter des messages en arrière car on ne peut s’en servir que dans ce sens-là
La lettre-océan n’a pas été inventée pour faire de la poésie
Mais quand on voyage quand on commerce quand on est à bord quand on envoie de lettres-océan
On fait la poésie

CENDRARS dit une chose si évidente, qu'on pinaillerait encore par crainte que l'exaltation déboussole nos petits nids et secoue favorablement les esprits. Les métamorphoses désirables visant à nous extraire de nos plis ne sont pas sans danger, au final. Saurions nous les vivre entièrement ? Y faire entrer avec tout le vertige, un peu de paresse aussi, la plus grande liberté possible ? C'est pourtant la proposition de CENDRARS, qui un brin hâbleur, balayant les faiseurs de rimes, posera sa phrase sous nos yeux, c'est si bête...

Le seul fait d'exister est un véritable bonheur

Ma foi, oui. Mais ce bonheur ne vient pas par niaiserie, il n'exclût pas la violence. La poésie du Blaise est celle d'un conquérant, d'un gourmet, et gourmand ; de l'ogre tout en même temps. Maintenant que les continents ont tous été découverts puis explorés, il s'agira de tenter d'en pénétrer le plus grand nombre possible d'aspects. CENDRARS donjuanise l'espace, il traque, poursuit les lieux, hanté par toutes les capitales, par les ports, les routes, les sierras etc... Cela pour lui est comme de grandes conquêtes amoureuses qu'il envisage au rythme enjoué et nerveux de courses et de combats. Il n'accorde aucune concession à la grâce, peu d'attendrissement, ou léger, assez drôle. Pour être digne du monde qui n'a pas le temps de s'apesantir, CENDRARS est dur, il cale son pas sur la cadence des villes, des bruits, des trains etc... En 1924, il écrit, (il n'écrit pas, il le martelle) :

Nous ne voulons pas être tristes
C'est trop facile
C'est trop bête
C'est trop commode
Tout le monde est triste
Nous ne voulons pas être tristes

Bien sûr, CENDRARS n'a pas fait qu'endurer il a aussi laissé voir ses doutes, ses regrets, ses amours, que les conquêtes des espaces et toutes les aventures n'ont pas réussi à combler, alors il nous donne par un mouvement paradoxal les poèmes les plus drus les plus beaux et le plus poignant de son verbe, où la détresse humaine longtemps camouflée (parfois sous les bravades), paraît encore plus inéluctable jusqu'à l'aveu bouleversant comme dans ce final de "Pâques à New York", que j'ai plaisir à vous offrir, et j'offrirai dans ce même élan, (pourquoi pas ?), un supplément de Blaise à ce blog comme posant une cerise à l'eau de vie sur un petit Lu d'anniversaire (de trois ans d'âge et des poussières) tenu par le fil très fragile de nos correspondances et des lieux, tramant d'inutiles rêvasseries, des passages à la redonne, et puis toujours la ritournelle dans un coin minuscule de nos mondes réels et virtuels qui existent tous en même temps... Je dois à Blaise l'amour des mots, des rues, des villes et de la profusion. Je l'ai tellement cité certains jours, qu'il me tentait de rendre à CENDRARS ce qui n'appartient qu'à CENDRARS, et je le referai encore autant de fois qu'il me plaira. Il faut relire CENDRARS, mes amis, même foudroyé, Blaise is alive and well. Extrait choisi.

Seigneur, je rentre fatigué, seul et très morne …
Ma chambre est nue comme un tombeau …

Seigneur, je suis tout seul et j’ai la fièvre …
Mon lit est froid comme un cercueil …

Seigneur, je ferme les yeux et je claque des dents …
Je suis trop seul. J’ai froid. Je vous appelle …

Cent mille toupies tournoient devant mes yeux …
Non, cent mille femmes … Non, cent mille violoncelles …

Je pense, Seigneur, à mes heures malheureuses …
Je pense, Seigneur, à mes heures en allées …

Je ne pense plus à vous. Je ne pense plus à vous.

BLAISE CENDRARS, New York, avril 1912

Photo : En exclusivité, Blaise CENDRARS photographié par Frasby, eh oui !  et ce sera une autre preuve que CENDRARS est toujours en vie. Genèse d'une rencontre incroyable : Le hasard d'une balade à bicyclette aura fait apparaître sous mes yeux (éblouis !), môssieur Blaise CENDRARS en personne, photographié hier, le long des quais du Rhône à Lyon. Il regardait tristement les péniches amarrées, il m'a demandé : "Dis, Frasby, sommes nous loin de Montmartre ?". Je lui ai répondu "Oui, msieur Blaise ! bien trop loin, mais par la loi de la relativité, Montmartre est à côté et les roues de mon vélo sont des moulins à vent. Montez donc sur mon porte bagage, allez hop ! je vous emmène !". Ce qui fût dit fût fait et c'est avec plaisir que je fis ardemment grincer mon pédalier pour le poète. Le temps d'un aller retour, bringueballant, j'ai déposé Blaise à la terrasse du café Planchon; (très bon endroit, connu des "vrais" Montmartrois, et vivement recommandé par la maison, portant un autre doux nom à l'enseigne du "Rêve"; situé au 89 de la rue Caulaincourt (dans le XVIIIe à Paris), ultime endroit de la capitale où l'on trouve encore un bon gros téléphone à jetons (qui fonctionne !). Et me voici à nouveau sur la même berge, à Lyon, balayant du regard les péniches amarrées, à me demander si je n'ai pas rêvé. Pourtant non, la gouaille du Blaise (c'est pas pour me vanter mais nous avons bien rigolé), me manque déjà, autant que sa présence (un peu brute décoffrée mais au fond, tellement tendre)... Je me consolerai, en songeant à tous ceux qui n'ont pas eu la chance de rencontrer CENDRARS. Certains jours je me demande ce que j'ai fait au bon Dieu pour qu'il exauce avec autant de simplicité mes plus chers voeux. (Cela dit il y a baleine sous gravillon, elle se cache dans l'image, celui qui saura la trouver se verra remettre "la médaille de la sagacité" de certains jours avec un petit compliment de la crémière).

Photo : Frb © 2011.

dimanche, 27 mars 2011

Prélude aux secrets de la création

Je fais mon oeuvre comme je dois, comme je puis, voilà tout ce que je peux vous dire.

Claude DEBUSSY  (mais ceci n'est pas une oeuvre de Claude Debussy)


 

 

dimanche, 20 février 2011

Ready (re)made : le Porte-foulard by Hozan Kebo

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Photo : Remix by Hozan Kebo Février 2011.