Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 20 mai 2013

Une histoire sans parole (ou presque)


Hana no kage

aka no tanin wa

nakari keri

 

ISSA alias Kobayashi Issa. La traduction se trouve au terme de la balade. Si vous êtes trop pressés vous pouvez oublier le printemps et retrouver une saison (de saison), ICI. 

 

whit.jpg

pensée sauv.png

interlude silencieux (ou presque),mouvement,printemps,fleurs,haïku,issa,mai,jardin,couleurs,rose,blanc,parme,saisons,changer d'air,le peu,le presque


coit y.jpg



interlude silencieux (ou presque),mouvement,printemps,fleurs,haïku,issa,mai,jardin,couleurs,rose,blanc,parme,saisons,changer d'air,le peu,le presque


















afrer bis.jpgDSCF0005.JPG





 

 


À l’ombre des fleurs

même un parfait étranger

ne l’est déjà plus

 

 

Photo :  Le dire avec des fleurs, dans un jardin, c'est mieux...

 

 

Là bas : © Frb 2013.

mardi, 10 mai 2011

Cependant

Me retournant sur la plage
Même les traces de mes pas
ont disparu

ISSA,  "Et pourtant, et pourtant", (1), éditions Moundarren 1991.

night parc.JPGRien de quoi s'accrocher. Trop de volonté, si peu naturelle, en somme. Il faudra bien laisser couler ce qu'il reste de temps hors du monde. Entre le printemps et l'été, il y aura une cinquième saison, comme le nouvel an au Japon. Une saison des pluies, la mousson, des mélodies pour cordes en terrain gadouilleux, ce sera aussi un no man's land. On entrera en barbarie avec soi, juste avant le règne des fleurs. On cherchera son pays hors des corps familiers, un passage au milieu des autres entre les saules et les broutilles. On s'arrêtera là. On ira trouver les saisons, la sixième, la septième, celle du quatrième monde, retraverser ces temps où les hommes et les animaux parlaient le même langage jusqu'à en éblouir la nuit.

Des étoiles s'allument nous allument nous éteignent. Voici l'écho au chapitre de l'illusion ; un coucher sans soleil sur le lac, poumon liquide gris bleu; où hier, d'anciens marécages servaient d'exutoire au fleuve Rhône. Sous le lac, peut être enfouie, une tête de Christ en or. Plus loin, l'île des cygnes, un monument aux morts de la guerre de 14-18. Et là bas, le long des berges, on voit des bancs, des barques, des amants enlacés sous les arbres. L'importance des petits insectes aux ailes translucides nous feraient oublier les grands hommes qui oeuvrent en secret au contenu des bibliothèques de demain. On deviendra épisodique, épiphénomènal, épis, épi, fil blanc d'un verset de sutra (du lotus du diamant, ou de l'arbre), pour l'oubli, le renouvellement. On rejoindra son ermitage entre les sauges, sur un caillou. On sera dans la soustraction, délesté pour un bref instant de tout ce qui nous appartient, nous retient, nous posséde. Une illusion à tête humaine, la bouche en peau de banane, fera le zouave en équilibre entre l'eau et la barque.

Ce qui peine peut mourir encore. Rien de quoi s'accrocher de manière permanente, brièveté maximale, un au-delà flottant, à peine indifférent mené par sa balade, dans cette espèce de deshérence on regardera les oies sauvages et les canetons, s'écraser sur les flots. On goûtera, comme nous l'ont appris les peintres ou le marchand de cartes postales, on goûtera ce coucher de soleil sans soleil, après quoi de ce jour il ne restera rien.

"Une bulle dans un nuage de thé", un rêve de sons retournant le sol en tous sens, l'absence de temps qui passe de temps qui vient, l'absence des temps du souvenir, un cendrier rond peu profond frôlé par les volutes et les petits papiers qu'on déchire, numéros de téléphone, des notes d'une musique expirée, fêtes galantes, onctuosités, harmonie du soir au lac miniature, une plage immense près d'un gigantesque cendrier rempli à ras bord d'une eau pure... Par temps clair on y voit flotter deux belles grues griffées de lettres et de ratures, elles ont l'air bête, elles nous ressemblent. Déjà pliées, t'en souviens-tu ? Joies de l'origami.

 

Nota (1) : Kobayashi ISSA (1763-1828), nom de plume ISSA (signifiant "Tasse-de-thé") est un poète japonais de la fin de la période Edo, auteur d'environ 20 000 Haïkus, il en a aussi modernisé la forme et le propos, avec subtilité, il est (à mon sens) l'un des plus grands avec BASHÔ, BUSON l'un des plus fins. Vous pouvez visiter les liens ci-dessous, ses poèmes sont absolument à découvrir. 

 

http://www.arfuyen.fr/html/ficheauteur.asp?id_aut=1058

http://nekojita.free.fr/NIHON/ISSA.html

http://haikuguy.com/issa/

 

Photo : Le lac du Parc de la Tête d'Or à Lyon, aux alentours de vingt et une heure, (et son ours vert endormi), photographié, au mois de Mai, juste après la pluie.

 

Frb © 2011

mercredi, 01 décembre 2010

Sur le banc de neige

Viens
allons voir la neige
jusqu’à nous ensevelir !

BASHÔ, extr: "Haïku. Anthologie du poème court japonais",
Gallimard, 2002.

Si ce banc vous déplaît en cliquant sur l'image, vous gagnerez sûrement un autre banc. banc de neige647 b.jpg

 Sur le banc de neige je me suis allongée ce matin pour y dormir jusqu'au lendemain. Le banc avait des airs d'ermitage alcestien, quand je m'y suis réveillée, le froid m'engourdissait les mains alors j'ai pris la position du penseur (de Rodin), pour penser à des tas de trucs, à tout un tas de machins. Sur le banc de neige j'ai pensé...

Aux journées à la mer, au bord des lacs et des rivières, aux trouées du vieux Blaise sur des feuilles luisantes et caoutchoutées, j'ai pensé qu'on pourrait monter la route en lacets sur des bottes luisantes et caoutchoutées, j'ai pensé aux tours carrées des villes qui vues de loin paraissent rondes, j'ai pensé que nous regardons les jours diminuer tandis que les nuits deviennent longues, j'ai pensé à ces hommes célèbres qui ne sont pas encore nés, à ces talents ignorés, cette multitude d'artistes pourtant doués qui mourront sans avoir connu un quart d'heure de célébrité, j'ai pensé aux ateliers culinaires de Jean Luc Rabanel, sur le banc de neige, j'ai pensé aux îles flottantes, aux dé-collages d'Asger Jorn, à la taille prodigieuse d'une force dépassant tout ce qu'on peut imaginer, j'ai pensé à Ariane dans l'île de Naxos, gémissant sur l'abandon et l'ingratitude de Thésée, j'ai pensé à la vérité du monde qui n'est pas notre vérité, sur le banc de neige j'ai pensé...

Aux rochers suspendus au dessus de la mer éternellement rongés par le sel de ses eaux, aux corps qui ne semblent pas connaître l'érosion, aux âmes sans agitations, aux esprits qui renversent tout à la moindre contrariété, sur le banc de neige j'ai pensé à la porte de Saint Ouen, au prince de Monaco, et au Panathénées. J'ai pensé aux machines à polir et culotter les grains de cafés, au grallator, au térébinthe, sur le banc de neige j'ai pensé au visage de ce nègre qu'on crût longtemps barbouillé d'encre et aux joues gonflées du père Louis faisant corps avec sa trompette. J'ai pensé aux amants qui n'auront le droit de s'épouser qu'en 2797, au tracé rectiligne qui coupe la forêt Morand jusqu'à ces feuilles géantes qu'on espérait de bananier mais qui portent un nom trop savant pour un effet assez médiocre,  j'ai pensé au lac de Saint Point envahi par les crustacés, au grallator fuyant le térébinthe. Sur le banc de neige j'ai pensé que l'on fondrait peut être à la place de la neige si on avait la certitude qu'elle ne fonde plus jamais, j'ai pensé aux amis malheureux qui cherchent à tout se dire, et ne trouvent pas moyen. J'ai pensé à "l'heure bleue", à "la petite robe noire" de Delphine Jelk, à ces notes de coeur citronnées, de tête au macaron framboise, à cette note de fond au thé fumé, j'ai pensé  à des volets qui s'ouvrent, dans une auberge de Méditerranée avec vue imprenable sur un verger d'agrumes,  j'ai pensé aux formules poétiques courtes mais de grande densité, à l'interminable haiku d'ISSA :

Être là,
tout simplement,
au milieu de la neige qui tombe.

Aux questions imprudentes de SHIKI (Masaoka)

Il y a bien longtemps,
je l'interrogeais sur
la profondeur sans fond de la neige.

Sur le banc de neige, j'ai pensé aux diverses déformations de la volonté jusqu'à l'exaltation ou l'excentricité puis à toutes les craintes qu'elles inspirent, j'ai pensé aux éternels hivers d'hyperborée, à l'humidité qui attaque le bas des murs, aux moisissures qui se glissent entre les poils d'un col de ragondin, et aux paupières tristes comme des pétales fanés de ceux qui ne savent pas où aller. Sur le banc de neige j'ai pensé qu'au lieu de penser sur un banc on pourrait tout autant penser la même chose sur une luge, qu'il suffirait peut être de décoller le banc et puis le bricoler de façon à le rendre plus mobile. J'ai pensé que ce banc ne serait beau que blanc, qu'il nous le faudrait blanc tout le temps mais que ce serait absurde de peindre la neige en blanc du fait qu'on aurait peine à trouver le même blanc et qu'il serait d'ores et déjà vain de s'évertuer à chercher un rendu plus fondant. Sur le banc de neige j'ai pensé qu'on penserait peut être différemment si l'on était bercé par les jeux vocaux des inuits, qui battraient la mesure en tapant sur le banc, mais ça n'empêcherait pas de penser aux mêmes trucs, et aux mêmes tas de machins, et que, moralité:  il n'est pas possible de battre le banc sans abîmer la neige. Sur le banc de neige j'ai pensé.

 

INUIT- Throat-Singing

 



podcast

 

Photo : Le banc de neige, longeant les berges du Rhône quelquepart entre le pont De Lattre de Tassigny et le Parc de la Tête d'Or à Lyon. Photographié dans les premières et volumineuses neiges du premier jour de December.© Frb 2010.