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jeudi, 08 septembre 2011

Harpe céleste

Ecoutez bien leur devis,
Détoupez vos oreilles.
Et fa ri ro frere li joli
Ti ti pi ti, chouti toui.
Tu, que dis tu ?

CLEMENT JANEQUIN : extr. "Le chant des Oyseaulx"

Transcription de la partition destinée aux humains, à cliquer sur l'imagetous les oiseaux  B.jpg

- Shéma récapitulatif de la fonction du chant  :  ICI 

- Révision des classiques et autres questions  ci-dessous   :

http://www.freinet.org/creactif/blain/comenius/oiseaux.ht...

Louanges et doux oiseaux-copains by Catherine L. :  ICI

Nota :  Notre canari n'est pas sur le balcon, on l'aura pincé sur une corde de la harpe céleste, suivant une partition pas comme les autres. Selon Clément Janequin, "la doulce saison" se situe plutôt au printemps, mais l'hypothèse vient d'être contestée par le savant de certains jours, qui s'est basé sur notre cadran lunaire à nous, puis a conclu qu'il n'y avait plus de printemps. Ainsi "on ne renaît qu'à l'automne", c'est le sésame de la maison.

Photo : September nous détoupe les oreilles au chouti toui d'oiseau, pendant que la Biennale de Lyon ouvre ses portes, (ce que ne dit pas notre photo),  l'art contemporain sauvage déchiffre sa portée par de minuscules beautés éphémères (sitôt vues, sitôt envolées) et dans les mouvements de la harpe géante caressée par Lily Pinson sous l'aile (invisible) de l'oiseau prophète, (oui,  je sais, c'est un peu compliqué), ne pas confondre avec l'oiseau vogueur, qui ne va pas tarder à nous refaire son manège, souvenez vous...  Finalement plus ça change et plus c'est pareil, à quelques détails près...

Lyon passerelle amarrée © Frb 2011

lundi, 27 septembre 2010

September (part I)

Me voilà entré tout vermoulu dans la zone de noirceur, embroché comme le tournant hémisphère, avec toujours ce sourire idiot qu'un exil de fraîcheur imprime en zézayant sur la face fondante.

TRISTAN TZARA (1896-1963)

Pour lire la suite qui est tout à la fois début de la fin et la fin du début, suivez l'hommesep_0025.JPG

Tu marches à côté d'une route, qui s'allonge à mesure que tu l'imagines. Tu auras un peu honte d'abandonner Madame. Tu laisseras un mot sur la table du salon: "Je suis allé faire un tour du côté du petit train, je reviens". Tu regarderas ta maison disparaître comme un pétard dans l'horizon dont les éclats colleront des petites ailes en carton sous tes semelles, tu auras honte de ne pas avoir prévenu Evelyne, et d'avoir promis à Martine, tout autant qu'à Ghislaine, que tu serais prêt à tout quitter pour elles, si on te laissait faire... Quelqu'un te ramassera ivre mort sous une tôle à mille lieues d'une gare, alors que tu tentes d'apprendre par coeur un poème, Tu as des écouteurs sur les oreilles. Tu écoute "Caravan". Tu espérais qu'ici personne ne pourrait jamais te retrouver. Tu voudrais qu'on se fasse à l'idée que tu disparaisses alors que tu ne t'y accoutumes pas toi même, tu feras tout pour te faire remarquer.

Ici c'est presque la même chose, au delà de l'extrême rigueur que je me suis imposée avant celle de l'hiver il y aura le brouhaha des foules et des tas de papiers comme des avis de releveurs de compteurs avec des carrés à cocher, des lettres menaçantes pour la note d'électricité, complètement oubliée dans les enluminures de Cluny cet été, des mains de fer dans des chaussures de velours, l'omnipotence du corps médical qui met son doigt dans tout ce qui bouge, le roi de la rolex au secours de la retraite, et des gosses somptueux à moitié dévêtus, des colonies de poussins dévertébrés dans le satin qui s'embrasseront la nuit, au secret des folles skins party, un supplément de glam, de dandysme et d'extase, il s'en trouvera bien un de ma génération qui dénoncera le mal, oubliant qu'il voulait rester jeune avant tout. Il y aura le beau dégoût, le m'enfoutisme général, le bon droit, le bon sens, les effets de montre, les corps métrométrès, des sciatiques, des lumbagos fournis par la valeur-travail, l'ombre du général, et le particulier tout petit qui se fait raboter les peaux mortes à l'institut de beauté, le cerveau, le formol, les bocaux de fruits pas frais du Franprix de la rue Anatole. Et puis il y a l'automne qui prend la couleur de mes cheveux. L'écureuil aux yeux bleus est venu ce matin fouiller dans mes papiers, envoyé pour l'enquête d'une femme à moitié folle, l'écureuil qui grignote les lettres compromettantes où l'amour me surprit au point de l'oxymore, où la tendre violence vouée à l'espèce rare se couche à mes côtés sans oser aborder au point G le point d'orgue, dévorant lentement mon âme livrée au vent mauvais de la bonne chanson, par la tranche d'un livre ouvert sur la transformation des digues imperturbables en virées surhumaines, comme si l'on découvrait un jour le poème de Rimbaud privé de ses voyelles collées aux éphélides, (ou bronzage en passeoire) de ces roux maléfiques. Par la rousseur des roux et de la flambloyance, je me grise et m'élance au coeur de la saison sur un lit de feuilles mortes. L'écureuil aux yeux verts, en habits "Carabas" roule sur quelques noix, l'abyssin élégant de mon voisin chinois s'ébat entre deux branches avec une siamoise, le lexo, le formol... Ulysse voyage chez Tennyson, un poème papillon rejoint les migrateurs, un oiseau de malheur glisse dans mon sac à dos, toute chose vire à l'orange et les feux passent au rouge.

Tu es assis hagard, devant ta table de cuisine. Tu bois du vin de Bohème. Tu regardes ta femmes couper le gruyère en lamelles, tu regardes glisser les lamelles sur un plat en gratin. Tu regardes fondre ta femme, puis Ghislaine et Martine dans ta maison pleine des trous du gruyère qui fondent aussi sur ton jardin. Sur ce champ desséché, tu gémis, tu te plains, tu as oublié de téléphoner à Evelyne. Les feuilles de tes arbres préférés tombent un peu plus chaque jour. C'est la fin de l'été. Tu voudrais échapper aux limites communes de l'existence. Tu voudrais tant, tu voudrais plus ... Et tu vis dans les cotillons. Tout ici te retient, dans les cotillons de l'écriture, et dans les cotillons du monde, tu réessayes, en vain. Apprendre par coeur ce poème de Pennequin ce serait mieux que rien.

Il n’y a rien de pire que les choses qui nous tiennent à cœur
C’est comme si on nous amarrait
C’est comme si le corps était notre amarre
Mais qu’on ne pouvait plus se barrer
On ne peut plus que couler dedans « nous »
Pourtant on voudrait bien se barrer, nous
On voudrait bien foutre le camp, nous

Et rejoindre l’autre.

sep_0025.pngMais il y a que tout t'en empêche, et que tout ici te retient : ton canapé en cuir, ton couvre-lit à motifs "Arlequin" que t'a tricoté Ghislaine pour que tu n'aies pas froid l'hiver et surtout que tu penses à elle, le soir, quand tu te couches. Tu tiens à ta commode Louis XV, Louis XVI, Louis XVII, à ton salon de jardin, à ces petites babioles cabossées qui te suivent, ces cadeaux de mariages, ces maquettes de trains, ta collection de canards en bois, à ces assiettes en porcelaine où sont illustrées à la main quelques fables de La Fontaine, tu tiens à ton fauteuil Voltaire à ta lampe Diderot, à ton pot de Werther, à ton épluche-Villon, à ton petit poignard que tu tripotes sans cesse qui déforme le jersey de ton pantalon blanc, à ta sorbetière serbe, à ta cravate à pois, à ta rampe d'escalier, à ton sirop d'orgeat, tu tiens à ton Smecta, à ta pipette d'Haldol, et à ton entonnoir, ta compote.Tu tiens à tout oui, oui. Tu tiens à tout, tout, tout. Et même tu te retiens, car si tout ça ne tenait qu'à toi, tu l'as dit à Nicole une copine de Ghislaine, que si tout ça n'était qu'à toi, tu casserais tout, tout, tout et puis tu t'en irais très loin au bout du monde, et plus personne ici n'entendrait parler de toi. Mais voilà, on te tient, tu ne peux pas partir, tu veux, tu ne peux pas. C'est comme ça, tant pis, c'est tout, c'est un point délicat dont tu ne parles pas. Tu y penses tous les jours et tu tiens et tu bous. Tout est là. Rien ne manque, tu es bien installé, tout se tient, à l'endroit, même cet attirail que t'a offert Evelyne pour mettre la pâtée au chameau, l'attirail il va là, à côté de l'escabeau, et ton blazer pied de poule va dans l'armoire à glace, la laisse du kangourou pendue près du bateau, chaque chose à sa place, une place pour chaque chose, à cause de toute cette merde, tu ne peux pas partir au bout du monde, tu l'as dit à Yvonne une copine de Martine, et tes tables gigognes héritées de la tante Berthe se rangent dans le salon à gauche près du bahut. Ces objets de valeur te tiennent et te retiennent et tu vides les poubelles tout dans les cotillons de ta lampe hallogène, de ton écran macro, tu ne tiens plus, tu tiens tout, tu tiens le bout du rouleau. Il y a même des choses auxquelles tu tiens plus qu'à tout.Tout comme à la prunelle de tes yeux un peu morts, tu tiens au grand chêne rouge quand il pleut dans le jardin, au ruisseau magnifique qui coule entre tes mains, à l'affection du chat, et au chant du serin qui chante soir et matin, au milieu de toute cette merde, tout comme à la prunelle...

Photos : Le réel et son double, vus, rue de la République à Lyon un lundi de Septembre à midi. ©Frb 2010.

jeudi, 02 septembre 2010

September (Part II)

Si on ne cherche pas à exprimer l'inexprimable, alors rien n'est perdu. L'inexprimable est plutôt inexprimablement dans l'exprimé.

LUDWIG WITTGENSTEIN

Sept II cl.jpgIl y a des locos, des saxos, des pandas sur le parking aux alentours de la gare du Bois d'Oingt, il y a des gens âgés avec des grosses valises qui semblent attendre au bout du quai, on se demande ce qu'ils font là. Depuis que la ligne est changée, le train ne s'arrêtera désormais plus jamais au Bois d'Oingt. On voit des paraboles sur le toit des maisons, une jeune fille en jupe longue qui promène un bébé dans un landau à pois. J'apprends par une voyageuse, que le Bois d'Oingt est jumelé avec la Wallonie depuis 1968, qu'on le surnomme "village de roses" et que les habitants s'appellent les buisantins tout simplement parce qu'autrefois l'ensemble du territoire était couvert de buis, qu'il y a là bas, les vestiges d'un château construit au XIIIem siècle avec des passages voûtés, des fenêtres à meneaux. Le Bois d'Oingt sonne à mes oreilles autant que la Marie-Charlotte, une cloche comme une autre, obsolète et fêlée. La voyageuse lit à voix haute, le document qu'elle veut me montrer, je me demande à quoi ça pourrait m'avancer d'en savoir un peu plus sur les cloches obsolètes, mais j'écoute parce j'aime que des voix me bercent:

"Ce jourd’huy 31 mai 1751 a été faitte avec les cérémonies solennelles prescrites dans le rituel la bénédiction de la 4ème cloche du Bois d’Oingt pesant 8 quintaux. Cette bénédiction a été faite par moy soussigné accompagné de messires les curés de Frontenas, vicaires de Bagnols et du Bois d’Oingt."

Tu manges en vitesse une cochonnerie au Quick du coin. A 15H00, tu as rendez vous avec ton psychanalyste qui se prénomme Guillaume comme ton père. Tu auras honte de raconter à ton psychanalyste que tu n'aimes ni ta femme, ni Evelyne, que souvent tu hésites entre Ghislaine et Martine mais qu'au fond tu sais bien que la femme de ta vie sera toujours une autre que tu vénéres d'un amour impossible et qui habite Jinchang dans le Gansu au nord ouest de la Chine avec un acteur brun, ténébreux, qui te dépasse d'au moins 20 centimètres, tu sais qu'il est plus intelligent que toi, surtout, beaucoup plus drôle. Tu sais bien qu'en parler ne servira à rien, mais tu en parleras quand même parce qu'il faut bien que tu en parles à quelqu'un même si tu dois payer pour ça. Tu fumeras une cigarette juste en face d'une église, tu verras un clochard danser comme un indien autour d'un magnéto à cassettes qui diffusera tout dans l'aigu une chanson de Lucienne Delylle, tu croiseras des gamines de 15 ans fardées comme des putains, tu les suivrais volontiers jusqu'au pays des Bisounours, si tu ne craignais pas une fois de plus, de paraître ridicule, à cause de la différence d'âge. Tu penseras un peu à Evelyne qui serait plus jolie dans les robes de ta femme, tu maudiras Ghislaine de ne pas avoir les cheveux de Martine. Tu téléphoneras à Jouvenot avec ton adaptateur kit piéton que ton beau frère t'a offert, le jour de tes 45 ans. Des passants croiront que tu parles seul. Tu parles seul. Tu reliras dans le métro le rapport du vulcanologue. Tu te souviendras de ce matin du 24 Août 79, tu étais à Pompeï avec ta secrétaire, à tirer sur un joint devant des flamands roses, vous vous prépariez à fêter les Vulcanalia, organisées par le comité des fêtes de ta boîte. Mais toi, tu savais bien que le Vésuve grondait déjà depuis des mois. Et tu n'as pas osé leur dire... C'est depuis ce temps là que ton corps brûle. Tu auras mal à l'estomac à l'idée que demain, Jouvenot changera la place des bureaux du personnel désormais tu travailleras aux côtés de Chantal que tu détestes parce qu'elle a des varices et fait trop de bruit avec sa bouche quand elle mange des caramels. Tu te retrouveras à Paris, sans trop savoir pourquoi, tu croiseras Sophie K. chargée de sacs courant en direction de la gare, tu lui offriras d'aller boire un verre au bistro du Festival le Balmoral à Montréal, elle te répondra qu'elle n'a pas le temps. Elle te dira "on nous avale" avant de disparaître dans une bouche de métro.

Ici c'est presque la même chose, pas tout à fait quand même, les nuages abondants m'apportent une licorne, j'ai le Bois d'Oingt en mandala embué sur un pictogramme, le chef de gare a les yeux roux, c'est très rare et très beau. Je m'interesse à tout, à lui, à toi, aux autres. Et je suis ce que le Bois d'Oingt veut bien me montrer de lui, je le suivrai jusqu'à Poule, Poule qui est dedans ce que je veux de Poule quand je ne pense qu'à Poule. Quand je suis mal à Poule je suis bien au Bois d'Oingt. Au Bois D'Oingt je ne suis qu'un point pas plus gros qu'un mammouth. Et je prends la place qui m'appartient et je prends la parole et je prends la main d'un autre, et quand je lui dis, à lui, qu'il n'est pas plus gros qu'un mammouth, il sourit et il doute, quand il doute, je doute aussi, plus on est de points et plus on retrécit, puis à la fin, ce sont les jours, les mois, c'est tout qui rétrécit. Des montagnes accouchent ma souris. Septembre vient, Novembre demain... Ce train s'arrêtera définitivement à Tours. Nous sommes 24 mammouths à descendre avant Tours, avec nos cils fragiles, nos paupières qui bougent, et nos groins cuits par le plein soleil des Issambres, 24 mammouths avec un grain qui descendent en riant d'un train. Septembre vient. On me le dit à Poule. Après des mois d'absence, je suis devenue, rien. Si je me tais, personne ne le remarquera. Septembre vient, je ne suis pas rien. Pas peu rien, ni moins bien que personne. Si j'essaie de le dire, on ne l'entendra pas. En Septembre tous se rentrent, et chacun voudrait devenir mieux que ce qu'il était en Aôut. Rien ne tient. Jamais, personne ne saura désirer se donner les moyens d'éprouver je ne sais quoi...

Des mécaniques t'enjôlent, tu marches à côté de la route qui semble plus enchantée quand tu t'allonges à l'ombre de tes arbres préférés, les feuilles volent, te recouvrent, les serpents muent, les papillons, les champignons, sont tout ce qui reste à présent. Tu as sous la peau une géante bleue de type spectral O ou B invisible à l'oeil nu, et tu t'émeus de la fierté mélancolique qu'il y aurait à s'extraire de la superficie des mondes, à s'ouvrager dans les sonnets d'un élégiaque assourdi par le son des rails.

Sois - et sache à la fois la condition qu'est le non-être,
l'infini fondement qu'il est de ta ferveur vibrante,
et donne à celle-ci, unique fois, pleine existence.

A la nature, utilisée ou bien dormante et muette,
à cette ample réserve, à cette inexprimable somme,
ajoute-toi en joie et ne fais qu'un néant du nombre.

(A SUIVRE... ICI...)

Photo: Wagon abandonné (de la célèbre "Agence-engins" qui eût son heure de gloire dans les années 60). photographié dans une prairie bordant les rails, quelquepart (ou peut-être justement nulle part ?) entre la gare du Bois d'Oingt et celle de Poule les Echarmeaux. Par la vitre du toujours même, indémodable 16846 en provenance de Lyon. Septembre 2010.© Frb.

mercredi, 01 septembre 2010

September (Part III)

Des maisons se dressaient alentour puissantes,
mais irréelles, - et aucune
Ne nous connût jamais. Qu'y avait-il de réel dans tout cela ?

R.M. RILKE, extr. "Les sonnets à Orphée", VIII, (trad. Angelloz)

septembre bb.jpg

Quand tu marches sur les cailloux, tu entends un bruit de ferraille, tu cotoies les silhouettes longilignes des petits hommes fluos qui plantent des panneaux de signalisation. Tu roules à St Germain des près avec ta mécanique, tu sais qu'il y a des pistes anticyclables du côté de la Loire. Tu prends les abbayes pour ton propre berceau, tu reviens de Golsone déçue par les hérons, tu vois d'un cimetière arriver les bateaux puis tu sors du tunnel pour nous rejoindre, on sait que tu reviens de loin, peut être de cette plaine qui recouvre deux fois la superficie des prairies.

Ici, c'est presque la même chose, je tombe dans les panneaux des départs, je me colle au sommeil d'une file d'attente interminable en goûtant l'immanence de la situation. Je fréquente les marchands de journaux qu'on appelle des points-presse. Je lis les horoscopes, et puis la météo, les journaux quotidiens rendent hommage à Corneau, je poinçonne à l'envers, m'y reprends à quatre fois en tous sens, j'y arrive, je m'énerve, le temps presse, je m'en vais au quai A, un titre de revue du genre "choc des photos" cite une phrase de Fignon :

"Je n'ai pas peur de la mort, je n'en ai juste pas envie, c'est tout".

Quand tu vas à la banque tu vois les coquillages que tu as oublié de ramasser sur la plage des Issambres un 24 Juillet 2010, d'énormes coquillages vernis et brevetés avec un logo peint sur le côté, qui décorent ta banque, des personnages étranges habitent ton guichet. Tu poses le coquillage à tes oreille et tu entends le bruit d'une cocotte en papier qui te demande de créditer ton compte au plus vite. Tu crédites de très peu. C'est un nouveau départ. Tu prends un rendez vous chez le coiffeur Jacky qui est aussi "visagiste d'art" tu veux être propre et net dès aujourd'hui, pour reprendre ton travail, tu sortiras ravi avec cette impression d'avoir une nouvelle tête, tes bonnes résolutions dureront jusqu'en Octobre, Une septuagénaire s'en ira du salon avec une mise en plis violette. Le parfum d'encens d'une boutique 100% bio te donnera mal à la tête. Tu lis les horoscopes de Voili en cachette, tu t'en défends devant les copains, mais tu y crois dur comme fer, tu achètes le monde 2, le monde 3, et le magazine télé Z. Tu marches sous les yeux inquiétants de mademoiselle Nothomb, notons, notons, que tu as beau marcher mille fois sur son chapeau, tu suis ce que ta ville te montre, puis tu vas à la banque retirer 100 euros pour t'offrir toutes les vagues que ton amour soulève. Tu craqueras aussi pour des cigarillos. Tu en fumeras un devant un bordel de la rue Mercière en pensant que tu as oublié d'envoyer une carte postale des Issambres à Evelyne, que cela fait un mois qu'elle n'a pas eu de tes nouvelles, tout comme Martine et Ghislaine. Tu auras un peu honte de toi. Tu as peur qu'au milieu du mois, ta femme retombe en dépression, tu as rendez-vous à 16H00 chez le vulcanologue pas très loin de la villa des mystères à Pompéï, tu rejoindras demain Evelyne à 17H00 au café des écoles, vous irez à l'hôtel rue du Mail, tu retrouveras ta femme à 20H30, tu lui diras que tu as eu du retard au bureau à cause d'une réunion qui t'auras épuisé, tu maudiras ce crétin de Jouvenot qui pinaille sur les RTT,  tu prendras un effaralgan 1000, tu embrasseras tes quatre enfants, ton chien ton chat et ton chameau et tu prendras une douche avec un truc qui mousse quand tu le pousses. Tu entendras Johnny chanter à la radio. On a tous quelque chose de n'importe quoi ...Tu rêveras d'aller vivre en Pennsylvannie, juste pour voir Bardo Pond en concert, ta femme te montrera le programme du musée de Cluny elle aimerait visiter l'exposition sur l'art gothique en Slovaquie qui aura lieu du 16 septembre 2010 au 11 janvier 2011 à Paris tu diras oui, tu penseras non. Tu regarderas un extrait de "Pick Pocket", tu trouveras ça complètement con. Tu mangeras des rillettes.

Ici c'est presque la même chose. Mes voisines de voyage sont des blondes aux yeux verts, mère et fille si collées l'une à l'autre qu'on les dirait siamoises, la mère parcourt les pages de "L'horizon", elle prend des notes avec un feutre sur un cahier de brouillon parfois elle écrit dans la marge sur "L'horizon", elle souligne des mots à l'aide d'un stabilo. Sa fille porte un mandala vaguement tibétain tatoué sur une seule épaule. Dehors, il y a les vaches comme dans les Lucky Luke, et des petites maisons avec des jardins bordéliques. Des parasols et des tables en plastiques. Parfois on voit des gens au seuil de ces maisons, des gens tout petits qui secouent des tapis par toutes sortes de fenêtres, des jardiniers avec des grands chapeaux qui méticuleusement, ratissent. Dans quelques minutes nous traverserons le Bois d'Oingt et commencera le bout du monde. Je déplie la tablette propre et beige qu'on trouve dans tous les trains, j'y pose un livre et des crayons, des ormes glissent dans mon sac à dos, le ciel se couvre. Je m'intéresse à tout, au cimetière britannique de Bayeux et ses 4648 tombes, au Cardinal de Retz et à Charles Pennequin, je connais maintenant par coeur son poème que j'aime bien qui s'appelle :"Je suis le gruyère" [...]

Et je suis ce que l'autre veut bien de moi
l'autre est dedans ce qu'il veut quand je suis
bien en lui
quand je suis mal à être bien
tout en lui
quand je suis moins en moi
l'autre n'est pas bien
non plus dans son je suis
tout à lui
tout comme moi
je ne suis rien dans le je suis de l'autre

(A SUIVRE...) 

Nota : Pour les précieuses correspondances, je dédie ce billet à Michèle Pambrun et à Marc.

Photo : Le pays de Septembre, vu quelquepart lors d'un voyage, quelques minutes après la pluie, lors d'un léger ralenti entre Le Bois D'Oingt et Poule les Echarmeaux. Et puis d'ailleurs, quelle importance ? Sur la gauche vous pourrez admirer la maison de personne ou du garde-barrière ou de qui vous voulez. Photographiée le 1er Septembre 2010 entre Lyon et Orléans, du train bleu 16846. © Frb.