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dimanche, 11 septembre 2011

Rentrer

Mes espaces sont fragiles : le temps va les user, va les détruire : rien ne ressemblera plus à ce qui était, mes souvenirs me trahiront, l’oubli s’infiltrera dans ma mémoire, je regarderai sans les reconnaître quelques photos jaunies aux bords tout cassés. Il n’y aura plus écrit en lettres de porcelaine blanche collées en arc de cercle sur la glace du petit café de la rue Coquillière :  "Ici, on consulte le bottin" et "Casse-croûte à toute heure".

GEORGES PEREC in "Espèces d'espaces, éditions Galilée 2006.

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rentrer seul_0109.JPGPlus loin par les méandres d'un plan de Vélov' (ou "vélos d'amour"), la rentrée honorera encore le beau temps sous des blancs de cirrocumulus granulant légèrement le bleu qu'on possède encore en lambeaux et l'on remuera l'aventure sur un pied d'appareil photo, espérant du nouveau, à croquer un peu de perspective. Ici, tout semble prévisible. Rien ; sinon cette chaleur de tripot, cet air brut et torpide. Rien ; sinon que du beau dans la ville aux façades rosées cachant son mal entre les ponts, autant de gouffres côtés du Rhône que de guinguettes aux volets clos et de plages interdites, les boites de nuits plongeant sur Vaise neuf et refait avec sa gare qui fût détruite sous les bombardements du 6 Mai 44, une gare en bois, vite reconstruite entre deux évènements, jusqu'à l'espace multimodal d'aujourd'hui et par dessus, tout ça, il y aura les barres vanillées de la Duche qui regardent le bas, plus pour longtemps, barrées déjà par un projet de ville, il transformera bientôt ce quartier en un "pôle attractif", disons "plus attractif", c'est la fine formule, pôle ou quartier, pourvu que tout cela devienne "attractif". Les mots bleus du Grand Lyon, peaufinant sa vitrine en bonnes concertations abonnées à la cool attitude, nebulus à venir. On ne peut rien en dire. On se porte sur les pentes, on coupe par les traboules où vit encore un monstre de légendes mystérieuses ; on croisera même en rêve les fantômes : des gisants de Loyasse, un secret chu à l'observance  puis on retournera comme hier dans les rues en presqu'île, autour de la place de la Bourse, on verra des messieurs dits "d'un âge", des cadres distingués, à l'allure de Clooney raybanés (comme Dutronc), faussement déglingues, (vaguement Borloo), qui vont de table en table, glissant, leur carte de visite, en toute discrétion, aux jeunes filles venues là pour boucler leur fin de mois. C'est secret de Polichinelle mais ce n'est pas dans tous les bars de presqu'île qu'on fait ça...  Chez Jules on causera d'art (mais à la bonne franquette), à la Manille on jouera (à la Manille), ou on lira sous les mêmes globes lumineux qu'autrefois, des journaux du jour ou de la veille, au Moulin joli on s'emmerdera joliment et les nouvelles couleurs de beige à chocolat nous ferons regretter le vieux "Moulin Joli" terne et bruyant, d'avant.

rentree  cc.jpgIl y aura la sortie des classes vers Ampère ou ailleurs, des ados qui ricanent à trois sur un scooter, roulant les pelles, les mécaniques, claquant de la planche, l'Icare niqué sur des genres d'escaliers. Passée vers la mairie de la place Sathonay, il on croisera Mademoiselle Pugeolles, rejoignant sur une trottinette, son petit F2 de la rue Burdeau, un  cartable tout neuf sous le bras, avec des surpiqûres, et des poches intérieures de la taille d'un kleenex.  Il y aura rue de la Ré plein de monde en grappes vers les cinq heures du soir, des groupements sous la cnaf avec toute la culture de Levy à Musso et des livres de Daniel Pennac à moitié prix entassés près des piles de compils de Pavarotti chante Verdi. Il y aura des regards en biais, sur le flottement d'une jupe plissée bourgeoise, s'attardant devant la vitrine d'Yves Rocher, des mains de femmes chez Sephora dépliant la publicité d'un nouveau parfum (pour les femmes) qui leur affine les hanches pendant qu'elles dorment. Il y aura les dernières robes d'été, des chapeaux d'hommes  à l'Argue, à fines rayures noires et blanches genre maquereaux siciliens à porter avec des bottines en daim à demi lacées, exprès, fausse néglige, de la bohème, encore, des bottines de gamines, vraiment ergonomiques à talons de 7 cm, qui font de belles chevilles et qu'on porte avec des collants 15 deniers de teinte biche.

rentrer.JPG

Antithèse : ICI

Photos : Des filatures fragiles aux quatre points cardinaux d'une ville entre deux ponts et deux collines, du quartier de bureautique (et domotique) aux costumes froissés près des gares (1) juste à proximité de l'école (2), un passage clouté de bellecour en Presqu'île (3) enfin, sortie du temple où la terre promise distribue de la marchandise et pour quelques centimes (de plus) vous avez les cabas recyclables, bien de quoi battre le pavé jusqu'aux prochaines vacances (4). Juste quelques images from Lyon entre déjà hier, dans le vieil aujourd'hui, aussi loin que demain.

 

Lyon vu par © Frb : 2011.

Commentaires

dans le vieil aujourd'hui, aussi loin que demain.
tandis qu’ailleurs vaque dans ses ombres
à ses crémat- i-ons !
(waaah ! on dirait du Mallarmé)

mais quand même : « rentrer » « rentrer » « RENTRER »
quelle répétition du toujours même on fait que ça « rentrer »
depuis la primitive sortie vagissante hors « l’origine du monde »
et aujourd’hui hier demain ces cons s’ensuivant queue (basse) leu leu
comme un train rentrant ad libitum dans le sempiternel tunnel des jours après les jours
ça a quelque chose d’obscène tout « ça »
(moins le clin d’œil jovial d’Hitchcok dans le dernier plan de « la mort aux trousses »)

(et merde ! dans « trousses » il y a aussi des vagues senteurs de « rentrée » : on n’en sort jamais )

Écrit par : hozan kebo | lundi, 12 septembre 2011

@Hozan Kebo : Mallarmé un peu en recoin, je pensais pas que ça se verrait (:o!) en réalité c'est pire que ça. Je reprends ma place au fond de la classe près du radiateur, et je sors un camembert péteur pour faire rire les copains, vous n y 'êtes pas du tout mon ami je n'ai d'ailleurs pas immédiatement songé aux crémations de l'ailleurs (venues à la Virenque) mais juste à l'éternelle histoire, toujours imitée jamais égalée de Rosemonde Gérard, souvenez vous de ce tube (!) planétaire, j'en révèle juste les vers cachés (on nous cache tout... ), et ça donne exactement ça, je cite l'original :

"Car vois-tu chaque jour je t'aime davantage,
Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain,
Bien aussi loin que l'ailleurs"

Pour "le rentrer", oui, je sais, c'est obscène, je prévois que mon prochain billet il va s'appeler "sortir" ni vu ni connu. entre nous, qui verra réellement la différence ? à part vous, parce que je vous le dis :) vue la chaleur tropicale qu'on a en ce moment à Lyon, vous ne voudriez pas, en plus que je vous trouve des titres somptueux ?

Mes félicitations pour les "senteurs de rentrée" ! A vue de nez, on n'est plus très loin du "petit chemin qui sent la noisette", ça finit toujours comme ça, fallait s'y attendre,z'avez raison, on n'en sort pas et pis après on rentrera, "comme d'habitude", il disait Claude François...

Écrit par : Frasby | lundi, 12 septembre 2011

Et moi qui parle de noisettes avant d'avoir lu votre réponse à Hozan, oups!!

Écrit par : Sophie | lundi, 12 septembre 2011

@Sophie : Et vos noisettes se sont envolées ... ?

Écrit par : Frasby | lundi, 12 septembre 2011

Et vos noisettes se sont envolées ... ?

ah certes non ! septembre "temps des rentrées" est aussi le temps des noisettes : j'en cueillis moult paniers , les triai , les dépiautai , les mis à sécher etc et en cassai plus que quelques unes pour un fameux gâteau dit "à la poudre de noisette" (une bonne heure de cassage de noisettes pour en avoir assez) (à la fin ça vous les brise un peu)
Casse-Noisette (en russe : Щелкунчик ; prononcer Chtchelkountchik) est un ballet-féerie en deux actes, trois tableaux et 15 scènes,

nuts :testicles. Also used in the singular, as "nut".
I got hit in my nuts.

Fat Bastard: Jesus Christ! This diaper is making my nuts rub together. It's gonna start a fire.

-- Austin Powers in Goldmember (2002 film)

Ryan: It won't happen again.

Man: Yeah if it does, someone's getting his nuts cut off.

-- "Happiness", Wilfred (TV), Season 1 Episode 1 (2011)

Écrit par : hozan kebo | mardi, 13 septembre 2011

@hozan Kebo : Qui dit rentrée dit noisette, des noisettes et rien d'autre (nutting cracker) courant derrière moults paniers, je guettoi (with my nut's eyes) the recette of the non gelée of la noisette, me pamoi, en dépiautoi le paletot, la croquoi en chemin, hésitoi entre le moule à flan de la Sophienuts, et la poudre des bons noysettiers de la Grosnes d'Hozanuts, oyant a valse des flocons (de noisettes) me souvenoi que partout dans le monde, à cet instant cuisoient dans les fourneaux les gateaux traditionnels fêtant le fruit (fee-nuts festival) de september et la coquille akène dotée d’un péricarpe ligneux appelée "écale" du Proverbe indonésien qui dit :
Agustus kacang
September dengan kemiri
inspiré lui même de l'oracle hindi kidi
अगस्त अखरोट
हेज़लनट के साथ सितम्बर
n'étant point sans similitude avec le dicton bulgare
Август гайка
Септември с лешник qui nous rappelera évidemment
le refrain de cette célèbre chanson de Théos Noisetopoulos:
Август гайка
Септември с лешник
tiret du livret de l'anonyme philippin titré :
Agosto kulay ng nuwes
Septiyembre sa kastanyas
lui même inspiré de l'incipit de l'éphéméride
viet namien qui prouve à juste titre que
Tháng tám hạt
Tháng chín với hazelnut
et que je traduirai dans la langue de Rabelnutais
par :

"Août à la noix
Septembre à la noisette" ;

ce qui donnera plus tard le
Casse-Noisette (en russe : Щелкунчик ; prononcer Chtchelkountchik) , inspirées des armoiries de Langenlehsten,
et pour notre plus grand plaisir elles sont trois
trinuts apologies : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/7/79/Langenlehsten_Wappen.png
Nous sommes d'accord, n'est ce pas ? :)

Écrit par : Frasby | mercredi, 14 septembre 2011

Ben...non! (vous embrasse)

Écrit par : Sophie | mardi, 13 septembre 2011

@Sophie : Pardon, mais où avais je la tête ? La voici tombée dans un moule à flan ! m'en lèche les babouines et vous embrasse itou

Écrit par : Frasby | mercredi, 14 septembre 2011

Nous sommes d'accord, n'est ce pas ? :)

mais bien évidemment ! suffit parfois de rien pour se comprendre !

Écrit par : hozan kebo | mercredi, 14 septembre 2011

@hozan kebo: Oui, j'en ai bien conscience, quelque part je ne ne sais où j'en suis même désolée, c'est bien tout ce qu'il reste en rayon, je veux dire "rien" qu'il reste en rayon... Un rien suffit, parfois, mais avec le soutien indéfectible de Dame noisette, qui est, il faut bien le dire, bien, plus compréhensive que la noix de coco; le rien a son pesant de...
:)

Écrit par : Frasby | mercredi, 14 septembre 2011

va falloir que je pense à changer de chaussures si je veux arriver à suivre sans oublier une barre de coupe faim (marque LION) pour tenir le coup, mais la ballade est plaisante; c'est vrai que " les espaces sont fragiles"

Écrit par : alex | jeudi, 15 septembre 2011

@Alex : ben oui, Sinon tu peux aller à roulettes c'est plus marrant et ça n'usera pas tes chaussures, pour la barre coupe-faim, tu peux alterner la barre de la marque Lion et la barre Mars (conseil de la crèmière) mais quoique tu fasses, il sera impossible d'échapper aux noisettes, tu en trouveras partout. L'Empire de la noisette nous tient, et réciproquement. Oui les espaces sont fragiles, c'est bien l'unique thématique qui posera (grosso modo) la toile de fond de nos (pas certains) jours... Comme dirait l'autre (je cite) :
"Je ne puis asseurer mon object : il va trouble et chancelant, d'une yvresse naturelle. Je le prens en ce poinct, comme il est, en l'instant que je m'amuse à luy. Je ne peinds pas l'estre, je peinds le passage : non un passage d'aage en autre, ou comme dict le peuple, de sept en sept ans, mais de jour en jour, de minute en minute[...] Je pourray tantost changer, non de fortune seulement, mais aussi d'intention : C'est un contrerolle de divers et muables accidens, et d'imaginations irresoluës, et quand il y eschet, contraires : soit que je sois autre moy-mesme, soit que je saisisse les subjects, par autres circonstances, et considerations. Tant y a que je me contredis bien à l'advanture, mais la verité, comme disoit Demades, je ne la contredy point. Si mon ame pouvoit prendre pied, je ne m'essaierois pas, je me resoudrois : elle est tousjours en apprentissage, et en espreuve..."

Écrit par : Frasby | jeudi, 15 septembre 2011

je suis prêt à parier trois pots de gelée de mûrons que ce cher vieux Montaigne aimait cueillir des noisettes !
un homme qui écrivit que " sur le trône le plus élevé du monde, nous ne sommes encore assis que sur notre cul"
avait forcément le goût des nourritures terrestres les plus simples (et d'autres)

Écrit par : hozan kebo | jeudi, 15 septembre 2011

@hozan kebo : Puisse Montaigne reconnaissant, faire grossir toutes les nourritures, par dessus et dessous les buissons de la mûre, en vos terres . Et si, par dessus le marché vous venez parier ici avec des pots de gelée de mûrons, je suis quasi damnée, et vous promets déjà, qu'avec ma grosse cuillère en bois j'irai par les bibliothèques et remuerai moults parchemins, jusqu'à fouiller dans les silos de la Babel s'il le faut, afin de vous retrouver les nombreux textes que Montaigne (qui aimait les noisettes, c'est décidé :) a écrit à propos de la cueillette des noisettes, de la tarte aux noisettes, du dindon farci aux éclats de noisettes, du sanglier au jus de noisette, du verre de liqueur de noisettes, du petit vin cuit à la noisette etc ...

Écrit par : Frasby | vendredi, 16 septembre 2011

J'ai survolé cette note de rentrée plusieurs fois et à différentes altitudes mais j'ai peur d'avoir raté des choses. Pourriez-vous me résumer votre propos dans une coquille de noisette ?

Écrit par : Fernand Chocapic | jeudi, 15 septembre 2011

@Fernand Chocapic ; Jolie question :) ce qu'il faut retenir c'est que ce texte ne délivrera son mystère qu'à l'obscurité du quatrième millénaire, (quoiqu'on en soit pas sûr ) en attendant comme j'ai le vertige dans le funiculaire, je crois qu'il faut laisser les altitudes se dorer au soleil et revenir à la réalité, pour bien comprendre le message qu'elle délivre d'un point de vue pratique, purement utilitaire : ce qu'il vous faut savoir à hauteur d'homme, car il me semble que cela pourrait aussi servir le cordon bleu de la cuisine moléculaire (que vous faites) : c'est qu'on ne peut pas faire tenir des collants 15 deniers de teinte biche dans une coquille de noisette ... (même pas en rêve ! :))

Écrit par : Frasby | vendredi, 16 septembre 2011

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