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jeudi, 16 août 2012

Vitrailler (I)

Oh n'est-ce pas mon Christ, mieux valait l'esclavage,
Les terreurs et la lèpre et la mort sans linceul,
Et sous un ciel de plomb l'éternel Moyen-Age,
Avec la certitude au moins qu'on n'est pas seul !

Jules LAFORGUE, extr. "Certes ce siècle est grand !" in "Poésies complètes", (références incomplètes).

vitrail &.jpgLe temps allé, nos corps se trouvèrent suspendus, il fallait bien choisir entre le haut ou le bas. Nous sommes demeurés dans cette position indécise, un peu voûtés comme les  plafonds en voûte d'arêtes du petit édifice.

L'assemblée est debout, ramassée dans son cercle, elle sommeille.

Quand viendra l'heure de rentrer, il sera difficile de rejoindre les bruits. Entre la solitude et cette clameur là bas, il y a l'ombre d'un homme qui vient chercher la somme déposée dans les troncs, c'est la recette des cartes postales à cinquante centimes pièce. Il marche sur la pointe des pieds, il a fait le signe de croix, c'est une sorte de vicaire. Et toi tu vis de ça, du regard porté sur l'original au milieu des imitations, de l'envie allant au plus simple esquivant les complications de la vie ordinaire, elle aussi, a fini par te coller une lucarne dans l'oeil et tu t'enfuis là haut saisir les éclats de couleurs. La volonté de tout saisir a fait de toi un courant d'homme qui court et court sans cesse après quelque chose de nouveau, même si cette nouveauté reproduit avec précision un savoir millénaire, cela ne rencontrait pas ton rêve. Tu te promènes en touriste comme tout le monde. Un vitrail te sidère. Ta voix veut s'y loger.

A cette heure, tu devrais être avec les autres, sur la plage et tu ris de toi même, toi, le fauve à genoux, l'incrédule amusé qui s'en revient lustrer son corps sur cette pierre. Tu es tombé ici et tu tais ce hasard. Un voeu de Moyen-Âge traverse ton histoire. Tu t'es dit un instant qu'il serait temps peut-être, d'abandonner le reste, si tu le peux encore.

L'assemblée s'est tournée vers toi, elle met un doigt sur ta bouche, comme une seule émission elle te prie. La voix baisse c'est à peine, se taire, tu ne sais pas.

Tu croyais aux rictus de ces diables surgis des chapiteaux, et encore tu t'exclames, pour ce peu de silence...

Pourrais-tu leur reprendre ?

C'est le même rictus qu'autrefois. Ils t'intriguent ces vieux, avec le même dos rond qui passe en communion, quand ils baissaient les yeux à cause du jugement.

Ils t'effrayaient parfois, au delà de leur âge, il y avait autre chose. Tu n'as pas tout compris. Voulaient-ils te prévenir quand toi aussi un jour, tu marcherais voûté et monterais là haut ?

C'était inadmissible de semer la terreur dans l'esprit des enfants de faire d'eux des petits vieux avant l'heure. A présent l'assemblée ne te juge pas, elle rêve, entrée dans ses prières qui vont avec les pleurs et tout ceux que l'on pleure déjà nous pétrifient.

Tu aimes cette clarté du choeur et des travées contre l'obscurité du bas côté où le visage repeint de la Vierge-Marie semble attendre que l'on répare aussi l'enfant blotti contre les plis d'un voile cœruleum. La statue a été soigneusement inclinée derrière une pancarte qui demande une faveur : "prière de ne pas toucher / restauration en cours". 

Par l'allée principale les figurations de l'enfer ne te semblent pas plus sérieuses que ta tête quand elle sort de la nuit, ébouriffée, broyant dans une image une foule illuminée qui disait les messes basses et troublait ton sommeil. C'est comme au cinéma, ça tourne, ça se répète, ça rejoue d'autres scènes: les sentences arbitaires, l'improbable veau d'or... Un sacré beau désordre : il grouillait de bonhommes qui criaient au miracle, de gouailleuses parigottes s'entichaient d'un sauveur et Robert Le Vigan prenait son rôle à coeur,  dans la chair mortifiée d'un Jésus aberrant guidant un peuple élu qui ne peut s'y retrouver. Cette mémoire revient noire de monde...

Ils montent le long de la colline,
Chacun le front couvert d'épines...
Par centaines...

Toi, tu étais enfant, ces vieux jetaient au ciel les cailloux qu'ils trouvaient en chemin, ça leur faisait des têtes de perpétuels orphelins. Ils revenaient parfois ramper sous forme de bêtes, elles peuplaient les armoires dans la maison austère d'une cousine Charliendine ou d'une tatan chartraine. Les têtes de fouines glissaient sur des manteaux immenses qui ne sortaient que le dimanche. On te prenait la main. On t'emmenait à la messe. Tu trottais derrière eux. Tu aimais ces vitraux qui rappelaient les cubes ou les étoiles de mer avec ton imagination tantôt géométrique tantôt bercée de sphères. Déjà tu ne savais plus  comment faire pour choisir entre le haut, le bas. Le mieux eût été de demeurer toujours ainsi, pendu dans l'air...

Tu ris parce que ces vieux sont devenus d'hier. Ils ne te font plus peur à présent. Ils prient, ils pensent à eux. Ils se consolent entre eux. Ils ont peur des cailloux qui rouleront dans ta bouche, quand tu les chasseras. Ils savaient bien pourtant qu'au temps venu personne ne peut passer son tour. Ils croient que l'heure est proche, ça les hante, ces comètes, les pôles à la dérive, la barbarie, les guerres. C'est écrit dans le livre et même dans les vitraux, des genres d'apocalypse...

Tu contemples ces simples qui mettent des croix partout : aux chemins des calvaires, aux murs des crucifix...  tu ris un peu de tout, avec ta science qui pèse, ton jugement qui claque mais ne flambe pas les mitres. Viserais tu le haut avec tes rimes en raout ? Tu te crois tellement libre de savoir lier ton verbe à ces sortes de vrilles que tu finis aussi par mettre des croix partout : dans des cases, sur des plans sur les gens, sur le blanc, parfois sur tes amours, et ta bouche énumère comme ils faisaient hier, tout un tas de hantises. Tes images nous délivrent. Tes fidèles adoreront un jour ta face de chèvre. Nous te regardons rire sans savoir quoi penser, quoi tirer de nous mêmes. Pour apprécier pleinement la lumière du dehors entrée par les vitraux, peut-être faudrait-il nous crever les yeux puis en fabriquer de nouveaux qui ne soient pas tentés de nous refléter dans tes images.

Au milieu de l'allée, tu as ouvert un sac, tu as sorti des miniatures d'outils afin de mobiliser l'objectif sur ce noyau de vieux, tu les prends, tu les cadres, les traques et les mitrailles comme si tu désirais que l'image te révèle le verrou de leur Dieu. Le ciel t'appartiendrait. Tu nous libérerais avec cet air badin qui voit dans un vitrail, un produit idéal. Capturant l'éternel, tu pressens la tendance, le charme vaste et mystique de nos prochaines vacances. Cet air ne mange pas de pain, il multiplie les êtres postés en file indienne entre les cars multicolores et les modillons minuscules qui veillent sur le jardin de l'ancien presbytère. La place est pleine de monde espérant l'ouverture du choeur par un portail, une excursion bancale sur un rai de lumière. Comme il pèse à présent ce chant des vieux qui tardent dont le silence se perd encore dans la question.

What are you doing after the apocalypse ?

 

 

 

 

Photo : Récemment restauré par l'artiste Rachid ben Lahoucine, ce vitrail magnifique a été photographié en la petite église de Bois St Marie (voir billet suivant ou précédent ICI). Le rendu des couleurs du vitrail n'a pas été modifié par quelque procédé photographique, seuls les murs déjà très sombres de l'église ont été un peu assombris. Pour mieux voir vous pouvez cliquer sur l'image.

Là bas © Frb 2012

vendredi, 10 août 2012

Vitrailler (II)

”Écoute ! Écoute ! C’est moi, c’est Ondine qui frôle de ces gouttes d’eau les losanges sonores de ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ; et voici, en robe de moire, la dame châtelaine qui contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau lac endormi.
Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant, chaque courant est un sentier qui serpente vers mon palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le triangle de feu, de la terre et de l’air. Écoute ! Écoute ! Mon père bat l’eau coassante d’une branche d’aulne verte, et mes sœurs caressent de leurs bras d’écume les fraîches îles d’herbes, de nénuphars et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc et barbu qui pêche à la ligne.”
Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son anneau à mon doigt, pour être l’époux d’une Ondine, et de visiter avec elle son palais, pour être le roi des lacs.
Et comme je lui répondais que j’aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s’évanouit en giboulées qui ruisselaient blanches le long de mes vitraux bleus.

ALOYSIUS BERTRAND : "Gaspard de la nuit", Nouvel Office d’Édition, Poche-Club fantastique, 1965,

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Entre le poème d'Aloysius Bertrand d'inspiration gothique, et le vitrail non figuré d'art roman sacré, restauré finement par le maître verrier Rachid Ben Lahoucine, il y a comme un fil reliant la géométrie, les espaces et le temps. Le rêveur fantastique fusionnera t-il avec l'artisan médiéval pour permettre au promeneur de vitrailler à l'infini entre le soleil excessif, et cette pluie de giboulées ? C'est la question de l'été.

De l'église en campagne, aux palais ondoyants, les murs fondent sur un vitrail. "Qui ne fait chateaux en Espagne ?", c'est de Jean de La Fontaine, c'est aussi un work in progress qui consiste à croiser les lignes de là bas à ici...

Quant à la fascination d'Aloysius Bertrand pour les monastères, l'écho boscomarien filant chez "Gaspard de la Nuit" semble écrit noir sur blanc. Extrait.

 Les moines tondus se promènent là-bas, silencieux et méditatifs, un rosaire à la main, et mesurent lentement de piliers en piliers, de tombes en tombes, le pavé du cloître qu'habite un faible écho.

 

Liens plus ou moins buissonniers :

à propos du "Gaspard de la Nuit" de Maurice Ravel :

http://pianosociety.com/cms/index.php?section=168

à propos de peintres et vitraux :

http://suite101.fr/article/peintres-de-la-lumiere-et-vitr...

à propos du lieu où se trouve ce vitrail :

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/08/09/comme-un-dimanche.html

 

Photo: Le vitrail aux losanges silencieux a été photographié en la petite église de Bois St Marie, par un jour assez doux sous un ciel bleu comme un grand monochrome.

 

Bois ste Marie © frb 2012

dimanche, 06 novembre 2011

La voix

Il me semble avoir, toute ma vie, entendu une certaine voix, étrangère à moi-même et pourtant très intime, qui me parle par intermittence et ne peut pas ou ne sait pas,  ou ne veut pas me dire tout ce qu’elle sait. Un guide quelquefois, parfois aussi un abîme, un conseil dangereux, mais toujours une vérité revenue de très loin, exigeante et irréfutable, une sorte de démon de la conscience, de la connaissance (ou plutôt de l’inconnaissance), m’imposant le devoir absolu de transcrire avec soin, ses injonctions, ses plaintes et même ses menaces.

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Lorsque à mon tour, c’est moi qui interroge et qui demande : "Pour qui ? Pour quoi ? Dans quel but ?", cette voix ne répond pas, mais elle a du moins le pouvoir de me communiquer une certitude obscure : c’est que (peut-être dans ce monde, peut-être hors de ce monde), il existe une région sereine et innocente où tout est su, compris et consommé d’avance. Où la rencontre d’un seul avec tous est non seulement possible mais attendue depuis toujours. Au-delà de toute vie et de tout déclin, de toute présence et de toute absence, de toute joie, de toute douleur, au-delà même de toute parole, une "réconciliation" avec ce qui nous dépasse et nous dévore. La fusion et le retour des êtres séparés qui se retrouvent dans l’unité, dans l’absence originelle.

JEAN TARDIEU : "Da Capo", éditions Gallimard, 1995 (P.35).

 


 

 

Photo : Détail d'un tableau de Christophe Miralles, "Le souffle de vie", photographié au mois de Septembre 2011, à l'église St Polycarpe rue René Leynaud, lors d'une visite de l'exposition collective intitulée "Le souffle", inscrite dans le cadre de la 8eme biennale d'art sacré actuel de Lyon.

 

Lyon  © Frb 2011

mercredi, 12 août 2009

Page d'échos

"Sur les tablettes des cheminées ou des radiateurs (l'on considérera toutefois que la chaleur peut, à la longue, se révéler quelque peu nocive), entre deux fenêtres, dans l'embrasure d'une porte condamnée, sur les marches d'un escabeau de bibliothèque, rendant celui-ci impraticable (très chic, cf. Renan), sous une fenêtre, dans un meuble disposé en épi et séparant la pièce en deux parties (très chic, fait encore meilleur effet avec quelques plantes vertes)."

GEORGES PEREC : "Endroits d'une pièce où l'on peut disposer des livres" in "Penser Classer". Editions Seuil 2003.

modillon0195 BC.jpg

Peut-être l'image aurait-elle plus de sens au chapitre suivant : "Choses qui ne sont pas des livres et que l'on rencontre souvent dans les bibliothèques" avec les fleurs séchées, les verres à pieds, les pyrophores garnis et les photographies dans les cadres en laiton doré... Je laisse à son lecteur (pourvu de quelques rayonnages de livres), le bon soin de nous communiquer aimablement et s'il le souhaite, la liste de ses petites bimbeloteries personnelles que nous livrerons telles, à la planète et qui étofferont la liste des choses citées dans le beau livre de PEREC.

L'important étant l'ordre : celui-ci un brin monastique, après les livres fantastiques de la très grande bibliothèque de Vareilles (la TGBV), vous racontera que le modillon a quelquechose du livre (ça c'est moi qui rajoute) ou quelque chose de l'ornement sublimant le rayonnage. Quand la mode du Bouddha en série lassera, viendra celle du modillon-bougeoire et bourgeois, (en véritable cire d'abeille), trônant devant les livres de bête bégueule ou de Bralo, de Le Clézio, son lecteur (fin observateur;-) remarquera côté-déco que les plantes y trônent déjà, c'est un petit miracle dont je ne peux expliquer l'origine. (A moins que ce soit ces étranges et fameux choux boscomariens qui furent à l'origine du non moins fameux modillon, (qui du chou ? qui du modillon ?). Le roman est bien né de la rose, dit-on. Comme l'affirmait une dame défendant l'attachement obsessionnel (au modillon) de quelques fêlés archéologues médiévistes: "le modillon est une personne". Et je crois qu'elle avait raison. Mais on en sait trop peu sur l'histoire "du peuple menu des modillons" (sic). Cela vaut quelques précisions...

Le modillon roman est un bloc de pierre sculpté finement ou grossièrement, placé sous les corniches, et l'illusion d'optique pourrait même nous faire croire qu'il les supporte. Il relève de l'art populaire, illustre autant la vie courante que l'imaginaire médiéval le plus fantastique. Il peut être décoratif, (on revient à nos fleurs séchées), à motifs géométriques; ou plus figuratifs, végétal, animal etc...) La finesse ou la grossiéreté des figures dépend surtout des matériaux dont disposaient les sculpteurs jugés artistiquement naïfs et gauches mais qui ne manquaient pas de créativité, les plus riches ornementations furent ciselées dans le calcaire, les roches granitiques, volcaniques donnant une sculpture plus sévère. En l'absence de sources historiques laissées par les sculpteurs romans, on a déduit qu'il n'y avait pas de projet symbolique global émanant de ces modillons (n'a pas encore été trouvé le grand modillon d'Alexandrie ou de Babylone), pas de programme iconographique entier, comme on en découvre sur les tympans ou sur les chapiteaux médiévaux. Pourtant il semble que certains modillons considérés séparément ne soient pas sans message... On a souvent tendance devant un modillon, "à voir trop ou trop peu". Nul besoin d'être historien pour déceler dans ces sculptures, tous les efforts qu'accomplissait une société pour tenter de se raconter, se parfaire, et surtout perpétuer ses légendes.

Peut-être qu'un jour, sur quelque autre chemin roman, (si je le croise), je vous parlerai de "l'homme vert", ou bien faudra-t-il que j'accepte enfin, cette invitation en Dordogne (merci mon troll !) pour croquer ces masques feuillus d'époque romane, motifs que l'on  peut contempler partout en Europe, voire jusqu'à Istanbul. Il en existe datant du 2em siècle de notre ère, à Périgueux, avec des bonnets de feuillages comme dans les églises d'Espagne et, à L'église de Colombiers en France (datant du XIIes) où l'on peut admirer des têtes de personnages aux oreilles remplacées par des oisillons auxquels d'insolites oiseaux donnent la becquée. Peut-être chasserons-nous le feuillu jusqu'en Grande Bretagne, où il s'en trouve qu'on appelle bêtement "The Green man", figure déjà connue avant la Rome antique pour être le gardien des bois et l'Esprit des anciennes forêts. Il faudrait chercher à "masque feuillu" en France, peu étudié, la documentation est parfois fantaisiste, le plus souvent insuffisante...

Pour en revenir au modillon, on peut être parfois étonné de remarquer dans les motifs, certaines obscénités, voire des cruautés. Il ne faut pas oublier que quelques-unes de ces coutumes figurées remontent à des cérémonies païennes transformées par l'église en cérémonies "acceptables" pour les premiers chrétiens. Le modillon obscène représentait aussi, des personnages, (parfois religieux, ou architectes...) dans des postures dégradantes. Il semblerait qu'ils aient été conçus par esprit de vengeance à une époque où les ouvriers soi-disant payés à la pièce pouvaient aussi ne pas être payés du tout. Ainsi, les ouvriers n'ayant que ces pierres là pour exprimer leur rancoeur, pouvaient encore façonner à leur guise leur créditeur en le ridiculisant. Une fois que la pierre était posée à 15 ou 20M de hauteur, il était difficile de l'en déloger. Il y eût sans doute des modillons obscènes issus de quelques bonnes blagues de chantier comme à Chambonas en Ardèche l'un des modillons de l'église romane représente une belle paire de fesse, que des mains écartent pour afficher un anus sans défaut, (hélas pour vous, je n'ai pas d'image, tant pis ! hé hé !). Si la blague n'est pas historiquement prouvée, elle est assez probable. J'espère que nous trouverons matière à développer tous ces sujets, l'été prochain, si quelque épidémie de peste nouvelle ou autres démons bleus ne nous emportent pas.

Pour revenir au pays qui nous tient, il y a en cette merveilleuse petite Eglise de Bois- Ste-Marie, certains vestiges d'inspiration païenne (difficiles à photographier), comme ces modillons trop haut perchés. Celui qui ouvre cette page étant sage comme une image sainte, je refermerai ce billet sur la terrible figure d'un modillon moins catholique : on peut dire un démon. (Mais à Nevers, on a vu pire). On raconte qu'il mange les livres, qu'il ronge l'écran liquide, et qu'il transforme en pierre celui qui le regarde, (on vous aura prévenus). Sur cette pierre, (où reposera ton âme, ô lecteur adoré), je construirai une autre église ! (c'est ma folie en ce moment !), j'y scellerai des modillons et ainsi de suite... L'Histoire n'étant qu'éternel recommencement. A moins que par une flemme assez contemporaine, je sois tentée par le très bas, l'argent facile, qui consisterait à faire fabriquer à la chaîne, (en sous-traitance, bien sûr), des bougies-modillons, des cales-livres en balsa (merci Sophie K.) à simili têtes de dragons, et pourquoi pas ? des modillons un peu coquins en médaillons. Il ne me resterait plus qu'à les vendre (très cher) pour que vous en orniez vos rayonnages. Ainsi tirant par les cheveux mon petit homme vert jusqu'au bureau de tri de l'ami Perec, pourrais-je ajouter ces babioles à votre catalogue d'échos et tenter d'épuiser sous le poids de cette poussière nos esprits compactés du très haut au très bas. L'autre sens étant obsolète voire impensable...

modillon16.JPG

Maudits liens : http://chantecoucou.over-blog.com/article-28883031.html

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/09/15/co...

Photo 1 : Modillon à figure d'ange ou veilleur de troupeau et son chou (?) merveilleux quasi miraculeux vus sur la façade de l'église romane du village de Bois Ste Marie.

Photo 2  : Zoom sur un modillon végétal orné d'une tête de démon (?) ou d'animal (?). Mais je ne crois pas que ce soit "Green man". Vu à l'Eglise romane de Bois Ste Marie. Nabirosina. Août 2009. © Frb.

dimanche, 09 août 2009

Comme un dimanche

"Un peu après l'an Mil, il arriva que les basiliques furent reconstruites dans presque tout l'univers, et principalement en Italie et en Gaule. Bien que la plupart fussent très convenables et n'eussent à peu près besoin de rien, une grande émulation saisît chaque peuple chrétien de l'emporter sur l'autre en magnificence. On eût dit que le monde secouant et rejetant sa vieillesse, revêtait partout, la blanche parure (1) des églises"

RAOUL GLABER : Chroniqueur clunisien, XI em siècle.

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Sur la route des églises romanes en Nabirosina, se trouve une petite merveille dont la beauté (nul besoin d'être croyant), invite au recueillement. Personnellement, dès que je quitte la ville, c'est là que je retourne à pieds, pas les chemins buissonniers jusqu'au village de Bois Ste Marie, dont l'ancien nom "Sanctua Maria de Bosco", rappelle que ce petit bourg se trouvait autrefois dans une zone fortement boisée. Le nom de Bois Ste Marie, apparaît pour la première fois en 998 dans une charte du cartulaire de Cluny. A l'origine, il avait eu un prieuré de moines bénédictins, qui fût détruit au XVI em siècle lors des guerres de religions. A l'époque médiévale cette petite ville était entourée d'un rempart percé de trois portes. Bois Ste Marie, dont la population était plus importante qu'aujourd'hui était alors le siège d'une châtellenie royale et le centre d'un archiprêtré de 32 paroisses. Elle possédait une prévôté et un hôtel des monnaies (dont je vous montrerai le bâtiment un jour, puisque l'hôtel même, aujourd'hui ne se visite plus, hélas!).  L'endroit fût affecté par les ravages terribles de la part des Armagnacs en 1420, et des calvinistes en 1567. Concurrencée par le bourg voisin de La Clayette, à partir du XV em siècle, son rayonnement déclina peu à peu, seule l'église subsista, témoin de cette ancienne prospérité. Et quelle église ! (un véritable petit bijou), finement restaurée, une des plus belles églises de la région. Elle fût sauvée in extremis de la ruine au XIXem siècle, et restaurée de fond en comble par les soins de l'architecte MILLET disciple de VIOLLET-LE-DUC. Elle est classée monument historique depuis 1862.

L'été dernier déjà, et plus tard, hors saison je vous avais montré quelques vues de ce lieu admirable qui se trouve à moins de 100km de Lyon. Si vous passez par là, n'hésitez pas à visiter ce minuscule village qui n'a pas encore subi les affres du tourisme de masse. Les derniers commerces ont fermé, de même que le dernier bistrot. Ici, on ne rencontre presque personne. Il n'y pas de boulangerie, ni épicerie, pas de bureau de tabac, juste des vieux, des vieux partout qu'on ne voit pas... Et des pierres, vieilles aussi, qui semblent raconter toujours la même histoire, celle d'un Moyen-Age et de ses légendes, peuplées de chevaliers, d'anges et de démons. J'espère rester encore quelques jours dans cette région pour vous montrer l'intérieur de l'église, (s'il est possible), la lumière y est splendide mais difficile à saisir fidélement, au moins, vous montrer le déambulatoire ou les chapiteaux de la nef dont l'un cruel est fascinant (et je ne cesse d'en parler, c'est un comble !)  il a pour nom "Le châtiment du bavard".

A suivre peut être un certain jour...

(1) :Cette métaphore "cultissime" a subi au cours du temps quelques variations toujours liées à l'habit voire l'ornement, ici l'on traduit en "blanches parures des églises" ailleurs on trouve "la blanche robe", mais la métaphore la plus connue toujours attribuée au contesté Raoul GLABER est le fameux "blanc manteau d'églises". Si vous connaissez d'autres versions ayant trait à cette métaphore, n'hésitez pas à nous faire signe. Qui sait si certains jours ne fera pas un petit  nuancier autour de la phrase Glaberienne...

Photo: L'église romane de Bois Ste Marie du moins, une des façades que l'on peut apercevoir juste en arrivant dans le village. Vue d'une petite place qui sert à garer les autos, (celles-ci confiées à la garde indulgente d'une discrète Sainte Vierge cachée dans la verdure). Dimanche 09 Aôut 2009. © Frb.

dimanche, 20 juillet 2008

Comme un dimanche

bois2.jpg
Changement de décor ...Eglise Romane de bois Ste Marie en Brionnais construite au XIem et XIIem siècle( vers 1050 pour le choeur et vers 1100 pour le transept et la nef) restaurée au XIXe siècle .