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mardi, 01 février 2011

Île flottante

Etrange ! il glisse des pans du monde à ma gauche et aussi derrière moi (un peu en oblique). Au delà de l'aire de mon attention, inutilement braquée sur l'inouï passage, ils dérivent...

HENRI MICHAUX, extr. "Personnel" in "Face aux verrous", éditions Gallimard, 1992. 

flotter.JPGJe reçois pour la première fois une lettre de votre pays. Je croyais qu'ils m'avaient oublié. Je me sens un peu seul ici. Enfin, je voulais connaître la solitude, un autre pan du monde. Je ne savais pas que c'était à ce point, difficile. Je voulais écrire quelque chose, loin de tout. Un roman, des poèmes, je ne sais pas trop. Il m'importait d'habiter un lieu sans parole, sans acte, sans rien qui justifie le discours des uns ou des autres. Il m'importait que nulle conversation, nul personnage ne viennent jamais embarrasser de conséquences positives ou négatives, cet endroit merveilleux que je me suis choisi pour créer par exemple, une oeuvre. J'aurais voulu écrire un livre, mais je ne sais plus écrire. Et puis, il y a cette chaleur accablante. Ces éléments de la nature, des frétillements, des clapotis, qui ne cessent d'amplifier en moi le souvenir de vos maisons. Ils me ramèneraient sur vos rives, si je ne m'en méfiais pas. Ils me rattacheraient à tout ce que j'ai quitté, me forceraient à réfléchir... Oui, c'est cela, à vivre dans vos maisons, on ne fait que réfléchir. Je ne veux plus rien savoir, rien jamais qui me tente, ou m'invite à la réflexion, je redouterais trop d'en venir à une certaine confusion d'esprit ou à regretter de ne plus avoir ici de miroir pour trouver encore ce qui lie ma pensée à mon apparence.

Quand la nuit tombe, je tourne en rond. Il se peut que ces choses qui me sont étrangères se soient mises à parler dans mon dos, des phrases entières, quelques bruits de vos mondes qui reviennent à mes sens, inaudibles. Cette intrusion est semblable au silence qui précède, semblable au silence qui suit. Cela en vient à m'accabler à mesure que l'intensité du son se précise, toute signification des mots se brouille, il n'en reste qu'une trame, un continuum assourdi dont l'austérité pourrait pétrifier la mémoire, à force. J'ignore au juste ce qui m'est arrivé, je reste ici mais il se peut que je sois en train de perdre les amarres qui m'attachaient encore à vous. Cela advient, c'est une menace que je ne peux vous décrire, ni partager, ni garder pour moi seul. Elle est un éclat de roche erratique égarée dans un corridor. L'élément liquide se transforme en cristaux opaques et rigides, on dirait ces dessins d'étoiles que l'on trouve dans vos livres qui expliquent l'univers aux enfants. Je m'imagine, quelquefois devenir la synthèse du ciel et de l'Océan, cela tiendrait en quelques lignes. Ce serait la fin d'un roman. Ou bien, j'habiterais à l'intérieur d'un coquillage collé à votre oreille. Je ne peux pas vous décrire cela précisément. Je suis un élément perdu, flottant parmi les algues, confondu au milieu d'un système aberrant, le théorème d'une mathématique disparue, un théorème qui ne s'appliquerait à rien, cela donnerait toujours un résultat presque juste, presque faux, avoisinant celui de zéro, peut-être égal à un. Autour se trouveraient des milliards de chiffres auxquels nul ne comprendrait rien.

Chaque rais de lumière, chaque grain de sable est un hémisphère que j'avale, tout cela m'incorpore au mouvement qui ne peut s'inscrire dans aucun programme. Je suis seul, à présent. J'ai beau l'écrire, à vous, ou à quelqu'un, je ne sais plus comment une telle chose peut se ressentir, si cela m'appartient  si cela m'a été appris par quelques uns de vos amis dans ce besoin de compagnie qui comble les trous, les vides et les silences quitte à les remplacer par des trous des vides et des silences mais pleins de bruits. Dois-je ressasser ainsi que je suis seul comme s'il était admis pour vous que je sois conscient de ma déchéance ? Les journées sont de plus en plus trouées. Tout se clive. J'éprouve le mouvement d'un très lent détraquage. C'est le seul sentiment qui me vient. Je pourrais facilement vous le décrire s'il me restait un peu de volonté. Je suis seul et ils sont innombrables. Ils me suivent. Les nuages liraient ils par dessus mon épaule ? Lisent-ils aussi dans nos pensées ? Tout cela pèse un peu. Je crois voir sous  leur forme la cachette de mes ennemis. M'auraient-ils suivi jusqu'ici ? Ils transportent dans le ciel toutes sortes d'animaux, ceux des cages, ceux des niches, d'autres plus effrayants se seraient ils enfuis du parc zoologique ? Les loups de vos forêts, les chacals, et plus bas, les troupeaux, nombreux, innoffensifs, des formes oblongues ou rondes et, avec elles, encore cachés, les bontés ou les sacrifices. Ils traversent le ciel, les troupeaux, avec une douceur qui pourrait encore attrister. Rien n'est doux en réalité, nulle forme n'adoucirait tout ce qui dedans gronde, ces choses muettes sans courage, auxquelles je souhaitais échapper, elles vous quittent, me retrouvent, longent les flots, s'y reflètent, filant une trame intrépide, les animaux de partout rassemblés en troupeaux, et ces troupeaux me narguent. Ils vous gardent. Je n'ai pas les capacités de modifier la direction de ces nuages. Longtemps j'ai pu croire qu'en soufflant dessus, mais non... Ils m'emballent avec des histoires de pluie et de beau temps où s'emmêlent les votres mais je crains cet aspect trop affable. Ces nuages si serrés auraient-ils empapilloté les cornes du diable, pour venir ici me les présenter ? C'est coton. Savez vous, qu'ils  en sont  peut-être capables ? Les nuages cachent peut être des milliers d'entre nous et les autres, tous un jour portés disparus, volatilisés dans les rues, dans les bars, dans des histoires qui  finissent mal, les victimes d'accidents d'avion, les soldats inconnus, et tous ces morts sans sépulture... Heureusement ils sont rares. Le ciel bleu, uni, me trouble davantage. Cette monochromie épuise tout. Ce lieu m'aura si patiemment désincarné, que lorsque je reviendrai chez vous, vous me trouverez méconnaissable. Je serai devenu ou trop jeune ou trop vieux. J'inspirerai des conversations à voix basses, des regards embêtés. Je connais déjà l'arsenal, tous les apitoiements et votre âme empressée à tirer son épingle au jeu d'une bonne action qui dissimule des champs de ruines, et toutes sortes de déceptions, vous inviteront à vous réjouir de savoir les autres au moins aussi mal aimés, bien aussi seuls que vous. Mais tout ce que je vous écris là, me semble plus sûrement dicté par un autre qui aura pris possession de ma pensée. Vous savez bien qu'en temps normal, je n'aurais jamais pu vous écrire de telles choses. Je suis pris sous cette forme, sous une autre. Quand je me pince fort comme on le fait pour se savoir en vie, ce pincement, je ne le ressens pas. Je pince l'air et l'air me revient, chaud ou froid. Je regarde : il y a juste deux doigts collés l'un sur l'autre, c'est absurde. Il n'y aurait pas plus que cela. Quand pour m'en assurer, je me griffe jusqu'au sang, rien de ce geste encore qui vous paraîtra brusque, ne laissera la moindre trace sur ma peau, je ne saignerai pas, aucune trace de griffure. Tout désir d'en savoir un peu plus me coucherait sur le bord de la route, je longerai vos mondes, en refusant toute participation, mais ici de route, il n'y a pas, juste une plage à perte de vue que la mer prolonge et entoure, et prolonge, etc...

Ainsi sans savoir que j'existe, ni me me soucier de vos affaires, je devrais être gai simplement de me trouver ici sur la plus belle île de la terre, celle dont chacun rêve, dans le plus beau désert, dans la plus belle nuit éclairée par le soleil le plus étincellant, suivant un souffle chaud qui ronge et sème au fil de l'eau des diamants venus de l'envers, les danses molles des écailles d'argent des môles empiffrés de méduses, tout un scintillement qui n'existe pas à l'intérieur de vous ni en moi. Certes, ce scintillement aura peu à peu saturé l'horizon. Il détruit maintenant l'objet de ma contemplation. Ce serait comme si un musicien se mettait un jour à avoir peur de la musique, de sa beauté, de sa révélation. Cette peur me trahit à mesure que je me sens devenir autre. J'ai parfois honte de me plaindre à vous, ainsi sans raison. Souvenez vous, je voulais écrire un journal. Noter tout, le moindre évènement, en consigner chaque détail, puis au retour, vous enticher dans les salons, des récits de mes voyages. Ils vous auraient collé des fourmis dans les pieds, une chair de poule pour chacune de vos émotions, vous m'auriez trouvé magnifique au milieu de mes diapositives de poisson-lune, ma façon de raconter, vous l'auriez trouvée magnifique aussi. Et le coeur à l'ouvrage amplifié de bonnes résolutions, vous m'auriez imité, je crois. Il y aurait eu des coups de foudre la foudre et les métamorphoses après quoi, nous aurions tout tiré vers le haut.

île9657.JPGCe manque vous use, vous en crevez, comme j'en crevais jadis quand je vivais chez vous. Je sais qu'il vous manque cette espèce de curiosité, effarante... Elle pourrait favorablement bouleverser le cours de nos existences en décupler le déroulement. Il m'arrive parfois de croire aux métamorphoses Vous m'auriez écouté bouche bée. Vous auriez dit "c'est incroyable !"... La pureté de cette fantaisie qui me pare vous aurait paré vous aussi. Le désintéressement de toute chose vous serait venu, comme il me vient ici, dans la gratuité de ce qui se détraque quand tout est trop gratuit.  Chacun aurait pu se sentir capable un instant de mettre la main dans cette nouvelle pâte. Qu'un seul montre un chemin, celui là, celui ci, qui n'ait jamais été vécu par aucun autre... Cela irait au delà de l'écriture. Il aurait fallu écrire la réfutation, l'effacer aussi vite. On aurait rasé les bibliothèques sans le moindre état d'âme, l'unité du monde revenue à l'état de parcelles indifférenciées nous aurait peut-être amusés et cet éclatement sans précédent si un seul l'avait convoqué, si un seul d'entre nous en était revenu favorablement transformé, tous les autres auraient pu le suivre, n'est ce pas ?... Du moins c'est ce que je me disais. 

  Voilà, ce que j'aurais pu écrire sur mes carnets, dans mon journal si la chaleur n'était pas aussi écrasante. Je ne fais rien. Depuis que je suis arrivé, je ne fais rien de mes journées. J'ai dû marcher lontgemps, avant de trouver l'ombre, juste assez pour construire une cabane. Auparavant, il aura fallu que je me débarrasse de la plupart de mes bagages ils étaient  lourds, je me voûtais. Mais c'est étrange, plus je m'allège plus mon corps devient lourd. Je me suis démis des objets les plus précieux et leur poids, colle à moi, plus encore qu'au temps où je les portais. Je n'en n'éprouve aucun regret. Je ne fais rien, rien ne m'arrive, rien qui puisse honorer le projet de ce livre pour lequel je m'étais déplacé jusqu'ici. Maintenant, je ne fais que ramasser des coquillages, tous identiques, en général des multivalves qui ont une espèce de coquille articulée sur leur dos, ils se ressemblent tous à quelques nuances près. J'aime la nacre, la blancheur profonde de la nacre un peu boursouflée, forée dans la coquille. Cela constitue mon unique passe-temps. Je ne sais pas si cela vous paraîtra intéressant à lire, mais c'est devenu mon but, il est futile et passionnant. Je ramasse des coquillages toute la journée. J'en ai pour l'instant trois mille cinq cent cinquante huit, tous de taille identique, de couleur identique, je les trie patiemment, trois mille cinq cent cinquante huit sans compter les reflets de nacre dont les nuances imperceptibles sont connues de moi seul. Maintenant que je m'applique à cela, comme le ferait n'importe quel artiste envoûté par des coquillages, je me sens presque indifférent à tout mais toujours un peu seul, j'ai gardé mon harmonica. Je ne l'ai pas encore sorti de son étui. Pourtant je reste un artiste vous le savez, vous à qui j'aimais tant parler de choses qui ne vous intéressaient pas. Dites le à nos amis, s'ils m'oublient. Dites leur que je vais bien, et dites leur surtout qu'ici je suis heureux que je revis.

Demain, j'irai ramasser d'autres coquillages, je m'impose depuis peu une discipline très stricte, je me lève très tôt le matin, il me faut trouver-cinq cent quarante huit coquillages par jour tous identiques (hormis la nacre, dont les reflets doivent être différents, mais pas trop). A part ça les jours n'en finissent pas. Heureusement, j'agis sur les choses, je suis devenu extrêmement méthodique. Je ne ramasse pas un coquillage sans avoir fait au préalable mille deux cent soixante dix sept pas dont je note le passage dans le sable par une croix à mesure que je marche. J'avance, ensuite j'ai comme la certitude que ces pas ne seront plus à refaire. Je m'arrête après mille deux cent soixante dix huit pas, je me repose, un peu, deux minutes, pas davantage. puis je repars et ainsi de suite jusqu'à la tombée de la nuit. Si je n'étais pas aussi organisé, je crois que je deviendrais complètement fou.

Photo 1 : Une île flottante au parc de la Tête d'Or, à moins que ce soit la tête d'Or,  elle même !  (qui remonte ? (my God !) sachant qu'on ne l'a jamais retrouvée. Photographié près d'un simili point d'eau qui borde une simili plaine sauvage peuplée de vrais flamands roses de vrais toucans, de canards  authentiques vivant en parfaite harmonie avec les réels zébus et autres charmants wapitis...

Photo 2 : Un lac en forme d'Océan pacifique (si on veut) ou indien (à la convenance de chacun) plus près de l'esprit des flots du père Phonse (de Lam') à Saint point (ô lac !), vue dans le plus beau parc romantique de toute la galaxie, toujours le même, le Parc de Tête D'Or, à Lyon. Photographié au mois de Janvier de cette année là. © Frb 2011.

jeudi, 06 janvier 2011

Comme des fourmis qui n'ont rien à faire...

 Pour tout être humain, quelles que soient sa force et sa résistance, il existe ici-bas une chose unique à lui seul destinée, qui est plus forte que lui et toujours le domine, qu’il est incapable de supporter !

WITOLD GOMBROWICZ extr. "Le rat" (écrit en 1939) publié en 1933, dans la revue littéraire de Varsovie "Skamander". Publié dans le recueil de contes "Bakakaï" (1957), disponible aux éditions Gallimard (Folio) 1990.

co des fourmis.JPGNotre cercle parait sans histoire. Nous parlons grosso modo de nous et de nos sous. C'est comme un disque rayé. Nous espérions dépasser la limite, préserver la part innocente mais c'est toujours l'idiotie qui gagne. Nous voici affalés la plupart du temps, dans des bars. Les plus doués d'entre nous, écrivent encore sur les nappes, des poèmes à la noix de coco et nous, en général, on cause de nous, et de nos sous. Nous avons continué d'engranger tout en disséminant aux quatre vents nos plus somptueux avantages. Nous pourrions au moins nous coucher sur le goudron pour contempler la voie lactée. Nous restons agités, les yeux sur terre, comme des fourmis qui n'ont rien à faire. Ce qui se cache dans nos silences nous rendrait presque fous. Tous ces fils déliés d'étoiles, ça devient inhumain d'y repenser. Pour oublier, nous citons des auteurs, quelques vers de poèmes épiques, des flux de poésie apportés par les Dieux, nous en connaissons un paquet. Ca pourra durer des années. Le pire c'est la nuit, à se souvenir de ces vies que nous aurions pu vivre. Ce qu'il en reste.

Notre cercle est bancal. Nous obtenons un grand nombre de directions et nous sommes arrivés presque à destination dans ce hors-lieu entravé de calcul mental. Des divisions, des soustractions. A pinailler sur des virgules. Nous nous privons c'est ça, notre habitude. Quand nous croyons renaître, il se trouvera toujours une phrase pour gâcher tout. Notre réponse vient par réflexe mais sans ferveur. Les dits s'agrémentent de modifications mais ça dépend encore de nous : "les prix augmentent chaque jour". Ou bien : "le but c'est de joindre les deux bouts.", ou encore, "Oui, mais l'essence coûte cher, la carte grise et la vignette sans compter l'assurance... quand même !". Pour changer la conversation, desfois j'évoque des sujets différents, comme "la cuisine à l'huile de noisette" ou "le retour des pantalons à franges", histoire de détendre l'atmosphère. Au lieu d'en rire, vous pleurnichez, vous sortez vos "quand même", vous dites "C'est quand même malheureux ! avec les femmes on ne peut jamais avoir une vraie conversation intelligente", vous dites : "Les gens ne savent pas combien ils sont superficiels, ils faudrait qu'on leur dise un jour, quand même !". Pour vous, tout est superficiel. Votre lucidité monte au ciel jette sur nous le tonnerre, qui nous éclaire de "vérités", votre lucidité engloutit l'univers pour faire advenir en nous la conscience, ces menaces qui grouillent alentour et nous poussent aux regrets. Vous en voulez au monde entier comme si le monde entier se devait de souffrir à votre place. Avec vos airs tout pétris de "quand même !" qui voudraient nous apprendre à vivre. Sans chercher à savoir quelles vies nous avons traversées. Vous dites : "ce n'est pas le moment de plaisanter, nous parlons de coût de la vie, faudrait pas tout confondre, quand même !". Et vous comptez encore combien nous serons chez vous à table. Toutes ces bouches à nourrir pour une simple soirée. Dieu sait combien cela va encore vous coûter !

Notre vie est progressivement réglée par vos "quand même" qui s'offusquent à propos de tout. Nos facéties, nos jeux, vous paraissent encore trop légers au regard de ce que vous appelez "les choses essentielles", le prix de vos efforts. Votre sens du principe de réalité qui foule aux pieds nos rêves avec l'insolence d'un banquier qui considérerait ses semblables comme des produits dérivés de sa  succursale, rassemblés en petits paquets sous le terme générique de "partenaires". Vous parlez d'argent sans arrêt. Vous déplorez, l'ingratitude, l'indifférence des "gens" cette entité sournoise à laquelle il vous déplairait au plus haut point d'appartenir.

Quelquefois, je me balade avec d'autres dans mon genre au milieu de villes-champignons, on est de plus en plus nombreux, à avoir des toupies dans la tête, on erre, on se perd, on tourne comme des fourmis qui n'ont rien à faire. On contemple les nids déserts, ça procure un léger malaise que le vent d'hiver atténue. Si une ou deux fourmis osent exprimer la volonté de se remettre au travail, on les tue. La bombe anti-fourmis diffuse une senteur de violette, d'après un procédé que j'ai mis au point avec des corolles de violettes et quelques savants paresseux. Tout le monde croit que les fourmis se désintègrent, c'est faux. En réalité elles meurent petit à petit d'intoxication. C'est ni vu ni connu.

Après on rentre chez soi dans ce décor hybridé de mandalas et de nappes provençales. On reçoit des amis qui viennent chaque mercredi jouer aux dominos à la maison, et c'est à peu près tout. Parfois nous revient le goût des belles conversations. Nous répétons généralement des choses que nous pêchons dans les internettes, nous n'avons pas grande difficulté à faire croire qu'elles sont de nous. Ce qui est à nous on le précipite dans la clairette de Die Monge-Granon, les crémants dorés de la veuve Ambal. On ne fait même plus la différence entre la Clairette et le Champagne. On en est même venus à se persuader qu'entre les deux il n'y a pas de différence du tout, à part le prix. Le guacamole, on le fait soi même et vous nous offrez les sushis, on dirait pas à voir, vous dites que les sushis "quand même ! c'est très cher pour ce que c'est", vous dites que "les traiteurs se font pas mal de pognon," ça nous fait partir au Japon, ceux qui ont vu les films d'Ozu, en parlent, ceux qui ne les ont pas vus, se sentent un peu idiots. C'est toujours l'idiotie qui gagne, pas de quoi en faire un drame.

A force de faire briller toutes nos vies tous nos sous, nous sommes devenus teigneux par ce péché d'envie, de jalousie, et ces compétitions que nous apprenions dès l'école dans les classes ou pendant la récréation. Nous voudrions engranger plus de choses encore et nous manquons d'espace. Nous défendons le cercle, un lieu irrespirable. La cause est entendue, le dépassement de la vie les limites et nous même, on est dans la boîte à photos caché tout au fond d'un placard. Le passé nous prendrait dans ses flammes si nous nous souvenions un peu, de cette grande espèce de tendresse qui nous mettait du vague à l'âme, mais au prix d'une si grande faiblesse... On en parlera plus. On promet "plus jamais". Ca devient tellement sinistre toutes ces choses dont on parle sur tous ces convertibles montés en kit, qui viennent tous de la même boutique. Ces additions, ces multiplications. Comme si cette obsession de vouloir changer tout, trainait aujourd'hui un poids mort, la dépouille des grands fauves, ces doux parfums d'hier dont on ne peut plus se détacher, ce feu qui brûle sans nous dans les caves et dans les greniers.

On s'y laissera tenter. Peut être un jour, l'idée de jeter au loin ce vieux don de taxidermiste nous trouvera métamorphosés, mais ce serait une chose trop vaste, sûrement insupportable. Il faut bien constater que nous sommes devenus étriqués. Cette idée de tout dépasser pouvait déplacer les montagnes, nous en étions persuadés, on traversait la chaîne des évènements vécus ou crées sans apercevoir les obstacles. On décuplait les songes et tout devenait vrai. Une géante rouge tombait du ciel nous offrait les constellations qui amplifiaient nos chances : lueurs, parfums, messages... Nous ne pouvons pas admettre, que l'écho s'en retrouve aujourd'hui enfermé dans les cavités les plus sombres de notre mémoire telle une pâte refroidie, un trésor qu'on dilapidait sans savoir, à force de l'ignorer, qu'il faudrait finalement, un jour ou l'autre, se mettre au travail jusqu'à cotoyer l'idiotie qui gagne tout.

On repense à cela par hasard et la chose pèse plus ou moins lourd. On radoterait à la répandre. Toute cette nostalgie est déjà si prégnante qu'elle finira par nous faire honte. Il se peut qu'on en sorte de plus en plus bavards, ces milliers de conversations nous mettrons la tête dans le sable. Nous serons de plus en plus sourds. Desfois quand vous semblez navré de si mal nous comprendre, vous évoquez votre sentiment de solitudes, vous dites "mes solitudes", telles des propriétés, chacune a sa nuance que nous ne pourrions pas discerner... Et quand, enfin vous vous interessez à nous, c'est comme si vous lanciez des cailloux dans une mare, moi, j'aime bien "la mare à cailloux", dont parle souvent Marcelle Sand à moins que ce soit encore La Pinturault qui ait lu ça dans "Miroir du monde". Ca ricoche. Tout devient du pareil au même. Et puis il reste les questions que je vous pose, quand nous nous retrouvons tous les deux à faire comme si on était plus nombreux, jamais nous ne tombons d'accord pour savoir qui, de cette somme incalculable de personnes, est la plus réelle d'entre nous.  

 

 

Nota : Le titre de ce billet est inspiré par une phrase tirée du livre de John Cage "Silence" paru chez Denoël en 1970 puis 2004, dans la collection "Lettres nouvelles" (traduit par Monique Fong), un ouvrage vivement recommandé par la maison.

Photo : La marche des fourmis qui n'ont rien à faire, tag au pochoir saisi à l'arrache sur un mur la place Colbert, inspiré par Marcel Darwin et ses héritiers spirituels. Photographié à Lyon, au mois de December. © Frb 2010.

jeudi, 02 décembre 2010

La chaleur humaine

J’ai passé ces derniers mois à passer ces derniers mois. Rien d’autre, un mur d’ennui surmonté de tessons de colère.

FERNANDO PESSOA, Lettre à A. Cortes Rodrigues.

chaleurF2640.JPGDe manière progressive, une teinte un peu grise dominait à présent. La poussière devenait liquide quelques éclats abimaient le velours qui avait recouvert la ville tous les jours précédents, la couleur de l'ennui revenait comme toujours, et nous déplorions cet instant où la ville silencieuse avait rassemblé dans le froid les volontaires qui distribuaient la chaleur humaine gratuitement à l'entrée des magasins ou dans les bouches de métro, rien que des volontaires enjoués, prêts à tout pour distraire les passants, les éloigner de "la pensée frileuse" qui s'invitait dans les maisons et couvrait tout du voile de la dépression venue par les brouillards d'Octobre, les premiers frimas de Novembre et les noëls où il manquait toujours quelqu'un aux festivités, chez les uns et les autres, pour que la fête soit absolument réussie. Les solitaires ne souffraient pas. La "dépression saisonnière" pour eux, c'était tout le temps, mais les solitaires ne comptaient pas, ils appartenaient au "domaine à part" qu'on avait classé "atypique", l'adjectif fourre-tout "atypique" plutôt en vogue courait dans des dossiers spéciaux, sur les listes d'attente et vidé de son sens, on avait choisi "atypique" plutôt que ses synonymes tels : "exceptionnel", "hors norme", "inaccoutumé", "inhabituel", ou "singulier" qui connotaient trop dans le particulier, "atypique" était un mot atypique même, une façon de considérer la chose sans vraiment la considérer, les solitaires n'étaient pas tout à fait dans la marge, pas assez dans la marginalité, on pensait d'abord aux familles, aux clans, à tout ce qui rentrait dans les statistiques, il fallait préserver leur joie, leur cohésion, l'intégrité des plaisirs, tout en leur transmettant la certitude qu'ils appartenaient à une collectivité vraiment active, leur forger une identité, une communauté, quelque chose qui ait l'air solide, leur livrer l'illusion leur en fabriquer d'autres, jusqu'à ce qu'ils se sentent protégés par quelque plan définitif. Les volontaires, des jours entiers affinèrent leur stratégies, leur action fût dévouée aux terrains les plus "sensibles". Les volontaires portaient les sacs et les valises des pauvres gens, engageaient les conversations, complimentaient les dames, laissaient leur place aux vieux. Aux époux qui allaient seuls au bistro se saouler avant de rentrer les volontaires offraient un pot, y ajoutaient les distractions (blagues belges, histoire de blondes, bonne humeur et bons mots). Il y avait dans cette sorte de bonté accompagnée de manières généreuses, la gratification de plaire inséparable du souci d'attester que la chaleur humaine était une constante de l'humanité, malgré les derniers évènements, les décrets aberrants, la liberté qui sourdement se réduisait, divisant des classes entières de gens, rien ni personne ne pourrait attenter à cette valeur proclamée "sacrée" de la chaleur humaine, aucun gouvernement ne pourrait jamais modifier ce que la nature avait désiré libre, rien, jamais n'aurait l'outrecuidance de réduire la chaleur humaine à moins que ce qu'elle était, même si chacun laissait au secret ses petits enchantements personnels, c'était justement ça, le travail de ces volontaires : faire fructifier les prodigieuses ressources de chacun, un peu partout afin que la morosité ne ronge pas la saison et n'empêche pas, par ailleurs les réformes de se faire. Les volontaires croyaient à une vie meilleure, ils mettaient une ardeur particulière à divertir les gens, ils se disaient indépendants, bien qu'une rumeur courait qu'ils étaient payés en avantages par les gouvernements. Le ministre de la solidarité, lui même, n'avait pas caché au journal de 20H00, qu'il avait commencé à songer à la création d'un "bureau des chaleurs humaines" avec un système de bons, de tickets, et d'emprunts à un pourcentage raisonnable et des campagnes de prévention menées par des psychologues qu'on pourrait associer à des prêtres pourquoi pas à des artistes ? (Il y en a de serviles-...) qui évalueraient le potentiel de chaleur humaine que chacun pourrait offrir à son prochain dans des proportions raisonnables, et mettraient en place des dispositifs ludiques et opérationnels, pour recréer une dynamique dans le tissu social des villes voire des quartiers. Il y aurait aussi un "bureau des débordements" afin d'éviter toute exagération, on avait réfléchi à des quotas, des systèmes d'amendes et à des soins relatifs aux pathologies "débordantes", il y aurait des orientations systématiques encadrées par des assistants au volontariat, qui permettraient de réguler les flux déviants vers des centres spécialisés dans les troubles psycho-affectifs remboursés par la sécurité sociale jusqu'à 57,3 %, cela, doucement, se mettrait en place par la grâce d'un mécénat proposé par les grands noms de l'industrie pharmaceutiques. De même qu'on réfléchissait à "une journée de la chaleur humaine" où chacun pourrait rencontrer son voisin et l'embrasser avec toute l'affection qu'il n'osait lui offrir dans l'année. Les créatifs d'évènementiel inspirés par des performers d'art contemporain, planchaient sur un projet dément : des farandoles géantes de citoyens et de voisins qui iraient d'immeuble en immeuble chercher d'autres voisins, ils partiraient de ville en ville pour que la chaleur humaine se diffuse et dépasse les frontières, il y aurait des feux d'artifice, des ballons, des lancers de radiateurs symboliques, chacun serait encouragé à offrir des fleurs aux passants, ou à inviter à déjeûner chez lui, celui qu'il jugerait plus démuni que lui. On demanderait aux maires dans les villes d'engager des débats sur les places, aux gens de se parler spontanément, on fabriquerait des affiches invitant les consommateurs à se faire mutuellement la conversation dans les magasins, à s'aimer sincérement, on puiserait l'émotion cachée au fond de chacun pour que le monde ne soit plus qu'émouvant. On pensait même organiser un grand "love-in" de fin d'année animé par des vedettes déjà très investies dans le projet, on parlait de Yannis Noanne, Mimile Matry, de Florent Pagnol et peut être de Claudine Fion, on ferait venir Michel Pornaleff et Jean-Lichel Marre, l'entrée ne serait pas donnée, mais grace à cet argent on pourrait fonder prochainement, un "ministère de la chaleur humaine" qui bénéficierait de moyens, grâce aux dons, pour imposer à tous la valeur de chaleur humaine, guidée des professionnels pluralistes et attentionnés. Il y aurait cette idée de "générosité méritée" appuyée par des philosophes qui viendraient en parler à la télé en bidouillant grosso modo Voltaire à partir d'une seule phrase qui serait placardée dans tous les établissements scolaires, les halls de gare, à l'entrée des supermarchés :

"Rien ne se fait sans un peu d'enthousiasme"

 On prévoyait d'ici 2025 de mieux distribuer le trop plein de chaleur humaine de certains à ceux qui en manquaient, ainsi s'acheminerait-on vers un monde plus parfait que le précédent, aussi convivial que porteur d'espoir d'une civilisation plus authentique, plus équitable. La chaleur humaine allant de pair avec le coeur à l'ouvrage, c'est dans la joie de tous et toutes, marchant main dans la main, qu'il fallait que les bonnes choses se fassent.

Photo : La foule du cours Emile Z. vue d'avion (l'avion de certains jours ne vole pas haut mais c'est quand même un avion). Villeurbanne in December © Frb 2010

dimanche, 06 juin 2010

Révérence

Guy Debord :"Critique de la séparation"

podcast

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peopke.JPGPhoto: Salomé et les anonymes. Photographiés à Lyon, rue de la République en Mars 2010.© Frb

samedi, 13 juin 2009

Foules

Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage.
Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée.

CHARLES BAUDELAIRE : extr : "Les foules" in "Petits poèmes en prose" suivis de "Le spleen de Paris" Editions Garnier 1997.

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"Le spleen de Paris" est un recueil en prose de BAUDELAIRE, qui ne fût publié que deux ans après sa mort.

Ce "Spleen" pourrait être celui de partout mais BAUDELAIRE posséda Paris comme personne et son appréhension magistrale de la ville n'est pas si datée qu'on se l'imagine. "Les foules" de 1864, ne sont donc pas si éloignées des foules du citadin du XXI em siècle. Et pas si différentes, des foules de partout. Ambiguité des séductions; entre errance anonyme, égarement, sentiment compressé par le pouvoir des masses. Et puis intemporelles, Les déambulations parfaitement synesthésiques sont griffées à l'unique patine "Baudelairienne". Par ce trait de fascination du mouvement, ces visions d'abondance que seule la ville permet. Baudelaire cherche ce point "n'importe où hors du monde" quand tout lieu ressemble à l'exil et toute foule à un champ de possibles ou de ruines :

."Il me semble que je serais toujours bien là où je ne suis pas, et cette question de déménagement en est une que je discute sans cesse avec mon âme."
Cf. "N’importe où hors du monde" in "Le Spleen de Paris", 1864.

BAUDELAIRE s'exila d'ailleurs plusieurs fois dans sa ville natale mais sans s'y contenter : les fantômes de Paris, son goût urbain, les murmures de la  cité foisonnnante, ne lui laissèrent aucun répit. L'emprise de la capitale le tenait corps et âme asservi, charmé sous un joug très contradictoire, la foule, les épanchements, la retraite dans la multitude, l'anéantissement . BAUDELAIRE flâneur explore, construit et déconstruit l'ivresse, dérive en tous lieux, au nom de la poétique errance et puis bien sûr, pour "échapper"... (Notamment à ses créanciers - autre foule donc ! -  les nombreux déménagements de BAUDELAIRE ne furent pas en particulier voués à des passions d'homme libre). Il est rare que BAUDELAIRE cite les lieux de façon très précise, chez lui ni monuments, ni places ... (une fois peut-être dans "Le cygne", (cf. "les "Fleurs du mal" 1857) où sont évoqués le Louvre et le Carroussel.

"Aussi devant ce Louvre une image m’opprimme
Je pense à mon grand cygne avec ses gestes fous
Comme les exilés, ridicule et sublime
Et rongé d’un désir sans trêve ! et puis à vous
..."

BAUDELAIRE fût l'un des premiers à faire l'expérience de la modernité des espaces urbains, où le flâneur doucement vient presque sans réfléchir, désirer ou se laisse ravir, tout en n'ignorant pas dans ce foisonnement combien l'âme, le corps s'en trouveront au final tristement consommés. Mais le prix de cette ivresse en tous points délicieuse, de cet anonymat aux spectres déguisés, ne saurait s'échanger contre rien d'autre ... Le poète ne saurait exister et ne pas se confondre qu'en des lieux remués et toujours noirs de monde .

"Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu’il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant ; et si de certaines places paraissent lui être fermées, c’est qu’à ses yeux elles ne valent pas la peine d’être visitées.

Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont seront éternellement privés l’égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui présente."
Extr suite : "les foules" in "Petits poèmes en prose" suivis de "Le spleen de Paris"

Photos : Foules comme de vraies fleurs cueillies sur l'espace d'un parking arboré à proximité d'un supermarché, situé quelquepart aux environs de Lyon. Photographiées d'un marchepied. Mai 2009. © Frb.

samedi, 18 avril 2009

PROCLAMATION MURALE

Demain est annulé ? Tout le monde s'en fout !

quoique...

DEMAIN.jpgJe remercie PIERRE-AUTIN-GRENIER qui a eu l'extrême gentillesse de m'envoyer cette incroyable et très forte "Proclamation murale" photographiée à Saint Louis, par son ami le peintre RONAN BARROT (que je remercie aussi), et qui expose en ce moment là bas : (Si vous passez par Saint Louis, les amis, l'indifférence serait impardonnable, voir ci-dessous un très bel avant-goût de quoi susciter le désir de s'y embarquer exprès) :

http://www.museefernetbranca.fr/page000100bb.html

Depuis quelques mois je rêvais, d'un billet d'où je me serais comme absentée, histoire d'ouvrir d'autres fenêtres et je me réjouis que cette "proclamation murale" soit une première. Comme j'aime beaucoup "rendre à César...", (surtout lorqu'il y en a deux). Je dédie à PIERRE AUTIN-GRENIER et au peintre RONAN BARROT, cette page de bel aujourd'hui, (et de bel aujourd'hui seulement) en forme de graff sidérant.

Je ne peux m'empêcher en contemplant l'image de lier les évidences, le jeu des résonances et trouver une sorte de fil très étrange entre cette forte proclamation murale, et le titre d'un livre de PAG non moins vertigineux : "L'Eternité est inutile".

Prenez le temps jusqu'à minuit de lire l'extrait, et sa musique d'un autre temps, dont on parle sans penser à demain... C'est avant minuit ou jamais, puisque demain ... Rideau !

http://pleutil.net/cote_rue/?date=2002-07-01

Quant à moi, j'anticipe. Et tire ma révérence aux lendemains de "Certains jours" pour quelques escapades hors-monde. Histoire de bien prendre ce graff à la lettre. Au pied du mur, si j'ose dire. (Ce qui n'est certes pas la bonne manière...). Il y aura sans doute un retour, mais comme dit toujours cet ami, (expert en relativité), l'Einsteinien Professeur JB, un de ces chers, qu'on placerait bien entre la photo de RONAN BARROT, et L'éternité vue par PAG, je le cite :

"Tant que c'est pas fait, c'est jamais sûr".

Demain, étant un terme abstrait (hélas !) et parfois même un gouffre. Je préfère vous dire à bientôt ! Bientôt sera un autre jour...

Photo: "Proclamation murale". St Louis. Printemps 2009. Posté par PAG. © Ronan Barrot.

jeudi, 12 février 2009

Les remords

"J'ai résisté, j'ai dit : "Non. Non." J'ai tourné la tête en arrière et le baiser n'a pas franchi mes lèvres, ni l'amour mes genoux serrés.

Alors il m'a demandé pardon. Il m'a embrassé les cheveux. J'ai senti son haleine brûlante, et il est parti... Maintenant je suis seule."

PIERRE LOUŸS. Extr. "Les remords" in "Les chansons de Bilitis". Editions Albin Michel 1932.

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Plus tard, on mit la dame sous verre. On l'afficha près des arcades, non loin des jardins du palais. Des messieurs très gentils chaque jour vinrent la visiter, mais chaque fois qu'ils s'approchaient un peu trop près du cadre, Ils entendaient : "Non.Non."

Et puis la dame tournait la tête de l'autre côté.

Photo : Encadrée sous les arcades des jardins du Musée st Pierre, une dame blanche, tête tournée, rêve d'un unique promeneur toujours présent dans ses reflets... Vue à Lyon, non loin de la place des Terreaux, un jour de neige en Février 2009 © Frb