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mercredi, 10 avril 2013

Icare 2013 (III)

Mon plus grand plaisir est de sentir que tout ce que je valais résidait dans ce que je crois avoir perdu : la capacité à créer de la beauté à partir de mon désespoir [...]

STIG DAGERMAN in "Notre besoin de consolation est impossible à rassasier", éditions Actes Sud 1981.

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Icare n'arrivant plus à s'envoler aussi haut qu'il l'avait autrefois rêvé décida qu'Avril dans sa nature clémente, lui permettrait tout aussi bien d'essayer de marcher sur l'eau. Icare ne savait pas encore que le ciel du mois de Mai s'annonçait pluvieux et brutal, Icare n'écoutait pas la radio, il ne se fiait qu'à notre calendrier singulier destiné à ceux qui ont un léger retard sur la vie, mais il avait notre courage, notre approbation et les cris d'enthousiasme du peuple des oiseaux de la forêt - pic verts, rousseroles et bécassons menant par dessus les choeurs (mes anges !) une section rythmique endiablée en tapant becs et pattes accordés sur tous les bouts de branches qu'ils pouvaient trouver, le départ fût très gai. Icare ne manquait ni d'ingéniosité ni de provisions, nous étions sûrs, cette fois-ci, qu'il ne pouvait pas rater son défi, étant si près du but ...

 

Si vous avez loupé le début il suffit de cliquer dans l'image et tout ce qui précéde se souviendra de nous. 

 

Photo : Un nouvel élan, Icare et l'océan : une autre histoire, au gré du vent, si le vent nous porte plus loin ou plus haut. CQFD... 

 

Ailleurs © Frb 2013.

samedi, 30 juin 2012

Altérité

C'est cette absence autour de nous de frontières, de bornes... chez nous entre qui veut...

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- Pas comme chez lui, chez celui qui s'aime... Lui s'entoure de murailles...
- Lui-même et tout ce qui de près ou de loin lui appartient... ses proches, ses ascendants et descendants, ses animaux domestiques...
- La liste serait longue de tout ce qu'il préserve de toute atteinte derrière des fossés profonds, des chemins de ronde, des tours de garde où veillent des sentinelles toujours sur le qui-vive...
- Que quelqu'un du dehors arrive... on l'a vu venir de loin... on l'examine avec la plus grande prudence. Qu'apporte-t-il là ? Qu'est-ce que c'est ? Mais c'est une vérité... de celles qu'on  "sort " quand on dit : "Je lui ai sorti ses quatre vérités "...

NATHALIE SARRAUTE : "Tu ne t'aimes pas", éditions Gallimard 1989.

 

Photo : Des ronds dans l'eau après la pêche (ou la chasse) ? pourquoi quatre vérités, quatre cent, quatre mille alors qu'une seule suffit ? La seule, elle va remonter tout doucement et toute seule comme une grande,  pas besoin que je m'y rajoute



Là bas © Frb 2012 

jeudi, 01 décembre 2011

Légende d'automne

Donne ta main, retiens ton souffle, asseyons-nous...

légende d'automne,by paul,contes et légendes imaginaires,peaux rouges,défi,vengeance,humains,humiliation,réparation,martres,castors,arbres,paysages lointains,orgueilLà-bas, vivait un homme appelé "Dents pointues" dont l'amour-propre avait été blessé par l'abandon de son épouse. Cette jeune femme avait quitté les siens pour les faveurs d'un riche capitaine blanc, négociant en fourrures de la Baie Caravelle. Afin d'effacer son humiliation, de la façon admise par son peuple, "Dents pointues" profita de la première occasion qui lui fût donnée dans une fête tribale, et brandissant dix belles peaux de martre, se mit à ouvrir un chant de défi sur un air ancien. Ce chant était destiné à ridiculiser la femme qui l'avait délaissé. Ce chant disait : (j'en rapporte un extrait approximatif) :

"Attends !  Attends de voir ce qu'un chef peut faire. Attends, tu vas apprendre bientôt, que je relève la tête.

Attends, belle envolée ! avant de me faire dire combien tu te languis encore de mon amour.

Le temps venu, femme passée aux mains et aux tribus blanches de la Baie Caravelle.

Oseras-tu m'envoyer une bouteille de "Vieux Tom", c'est pourquoi, dès ce jour, je te fais adresser par mes hommes, une poignée de peaux de castors."

En réalité, ces fourrures valaient plus que des peaux de castors, elle représentaient toute la fortune de la tribu. C'étaient des peaux de martre, qu'un chef riche bafoué, avait le droit de sacrifier dans le but de jeter le ridicule sur une femme inconstante.

Le défi lancé supposait que la femme serait incapable, après son envolée, de lui rendre la pareille. Au tour de la femme, à présent, de répondre par un don d'une valeur encore plus chère (la pareille, serait insuffisante), c'était pour elle l'ultime moyen de sauver son honneur.

Elle releva le défi, d'une manière imprévue. Pour discréditer "Dents pointues" avec l'aide d'un artisan ami du capitaine, elle fît offrir à "Dents pointues" un grand canot taillé dans un tronc de cèdre qui servait de totem à ceux de sa famille, de la sorte, elle avait offert "le Vieux Tom", mieux encore, des centaines de "Vieux Tom" sous forme d'un canot de commerce. Le canot fût porté au provocateur au milieu d'une fête, et par ce don, qui avait arraché un cèdre millénaire, symbole de sa lignée, la femme écrasa "Dents Pointues".

La légende dit encore qu'en sapant les racines du grand arbre sur sa terre natale, la femme avait repris à son ancien époux le meilleur de lui même. Elle dépassait ainsi l'orgueil de celui qui avait espéré sa perte. "Dents pointues", se devait malgré tout de rester digne, supporta l'épreuve sans broncher, mais l'épouse jadis volage l'avait davantage humilié par la valeur inestimable du cadeau, c'est ainsi que le chef se trouva diminué aux yeux des hommes de sa tribu. Et la femme regagna par sa témérité ce qui lui manquait de vertu.

A ce moment, il y eût un vague remou dans la tribu, les hommes commencèrent à fuir ou à tourner la tête. Il se mirent à chercher au delà de l'horizon convoitant les trésors de la Baie Caravelle. Les plus lâches firent croire à "Dents pointues" qu'il ne se tramait rien de facheux, pourtant dans les jours qui suivirent, ils se nommèrent tour à tour chefs, mimèrent les funérailles de "dents pointues" lors de cérémonies secrètes, ces simulacres auraient pu tout autant être découragés car aucun homme par le vote désigné, ne pût tenir sa position de chef. Hélas, la coutume ordonnait quand une décision s'engageait, qu'on ne pouvait plus revenir en arrière.

La tribu peu à peu délaissa les travaux, répudia les festivités menées par l'ancien chef. Les chants de guerre de "Dents pointues", n'enchantèrent bientôt que les arbres entourant la montagne, les hommes préparaient en secret un voyage qui les emmenerait du côté de la Baie caravelle. Après le confluent, ils rejoindraient la mer, il faudrait aussi retrouver les peaux de martres imposer le pouvoir en ce nouveau pays, s'y installer pour y règner en maîtres.

Par une nuit sans lune, les hommes de la tribu de "Dents pointues" le laissèrent pour vaincu, déjà mort à leurs yeux. Ils embarquèrent serrés, sur le canot de cèdre, sans faire un signe d'adieu au vieux chef. Une fois que le canot serait rendu sur la rive, ils le briseraient, aucun retour ne serait plus permis. Le bois de cèdre servirait à construire leur totem. A eux désormais, de dominer l'homme blanc et toute forme de vie sur la Baie Caravelle.

La légende ne dit pas combien de temps le canot endura les intempéries. L'histoire a confirmé qu'aucun homme ne planta de totem sur les rives de la Baie Caravelle. Leur terre, là bas, abandonnée, devint rouge de la colère d'un seul homme, qui ferait au pays, le don de sa mort volontaire.

"Dents pointues", s'attacha à un arbre avec des cordelettes, fît renaître un instant la chaleur oubliée grâce aux poissons-chandelle puis le feu prit, qui courût par une cordelette sur son corps, on raconte qu'il chanta à tue-tête l'ultime chant sarcastique d'une vengeance éternelle en implorant les dieux. Ce feu de joie dura toute la nuit secoué de couplets que la mort emporta. Malgré toutes nos recherches, nous n'avons jamais retrouvé aucune trace de ce chant.

Depuis cette époque sur la terre où fût abandonné "Dents pointues", le vent aura disséminé un petit tas de cendres là où ne pousse plus rien que des arbres broussailleux où se nichent des oiseaux affreux et le bétail sauvage est si malodorant qu'aucun homme qui chercha par la suite à s'installer ici, ne pût tenir un jour, sans être pris de nausée, tant la terre et le fleuve exhalent à présent, une odeur de charogne semblant encore courir partout dans l'atmosphère comme autant de peaux de martre qui pourrissent lentement sous les pas de celui ou sur celle qui désire fureter de trop en le lieu.

Quant à la baie Caravelle, on raconte qu'elle fût engloutie par un ouragan. Entièrement engloutie. Mais on ne posséde à ce sujet, qu'une documentation partielle, revenue des "on dit". Aucun livre, aucune carte, ne pourraient apporter la preuve que "Dents pointues" et peut être son âme fûrent doués à ce point du pouvoir tout puissant d'influencer les dieux.


Nota 1 :  Ce texte est une adaptation libre inspiré d'une légende amérindienne tombée dans le domaine public. Toute ressemblance avec des personnages ayant existé, si elle n'est pas fortuite n'a pas encore reçu à ce jour, de certificat d'authenticité.

Nota 2 : La phrase qui ouvre la légende au dessus de l'image est la première d'un poème de Paul Verlaine intitulé "Circonspection", que je reproduirai peut-être ici avant l'an neuf.

Photo : détail d'un totem au pays de légendes plus amènes.

texte et photo Paul © 2011

lundi, 04 juillet 2011

Oublier DSK

Il se pourrait
Qu'à un certain moment
Rien ne bouge,
nulle part

E. GUILLEVIC ,  extr. "Du domaine", éditions Gallimard 1977.

campP2463.JPGP8120098.JPGoublier dsk,chemins,pierres,éloge de la fuite,guillevic,du domaine,paysages,partir,murs,vieux monde,abandon,s'extraire,oubli,pays perdu,tranquillité,silence,maisons,nabirosina,balade,se barrer,loincampagneF5461.JPGcampCF5437.JPG

 

Photos : Du domaine clos assez proche, aux domaines aussi vastes que lointains, quelques lignes de fuite pour s'extraire. Se défaire. Ou se refaire sans s'occuper de rien. "Pas de destin, pas de tragique" écrivait encore Guillevic. A la recherche d'un espace plus lucide plein d'interrogations, de négations et de silence. On parle si peu du vent.  "Moteur d'une perturbation possible" et toujours invisible au monde comme les larmes de Tchekhov. Un peu de vent sur la pierre, exacte, concise, comme la vigilance"... Comme le vent qui n'écrit que l'histoire du vent.

Les billets passent à l'éphémère une langue d'outre pierraille" (dixit Eugène)... Passer entre, passer outre.  Et pour les autres, passez de bonnes vacances.

© Frb 2011

jeudi, 02 septembre 2010

September (Part II)

Si on ne cherche pas à exprimer l'inexprimable, alors rien n'est perdu. L'inexprimable est plutôt inexprimablement dans l'exprimé.

LUDWIG WITTGENSTEIN

Sept II cl.jpgIl y a des locos, des saxos, des pandas sur le parking aux alentours de la gare du Bois d'Oingt, il y a des gens âgés avec des grosses valises qui semblent attendre au bout du quai, on se demande ce qu'ils font là. Depuis que la ligne est changée, le train ne s'arrêtera désormais plus jamais au Bois d'Oingt. On voit des paraboles sur le toit des maisons, une jeune fille en jupe longue qui promène un bébé dans un landau à pois. J'apprends par une voyageuse, que le Bois d'Oingt est jumelé avec la Wallonie depuis 1968, qu'on le surnomme "village de roses" et que les habitants s'appellent les buisantins tout simplement parce qu'autrefois l'ensemble du territoire était couvert de buis, qu'il y a là bas, les vestiges d'un château construit au XIIIem siècle avec des passages voûtés, des fenêtres à meneaux. Le Bois d'Oingt sonne à mes oreilles autant que la Marie-Charlotte, une cloche comme une autre, obsolète et fêlée. La voyageuse lit à voix haute, le document qu'elle veut me montrer, je me demande à quoi ça pourrait m'avancer d'en savoir un peu plus sur les cloches obsolètes, mais j'écoute parce j'aime que des voix me bercent:

"Ce jourd’huy 31 mai 1751 a été faitte avec les cérémonies solennelles prescrites dans le rituel la bénédiction de la 4ème cloche du Bois d’Oingt pesant 8 quintaux. Cette bénédiction a été faite par moy soussigné accompagné de messires les curés de Frontenas, vicaires de Bagnols et du Bois d’Oingt."

Tu manges en vitesse une cochonnerie au Quick du coin. A 15H00, tu as rendez vous avec ton psychanalyste qui se prénomme Guillaume comme ton père. Tu auras honte de raconter à ton psychanalyste que tu n'aimes ni ta femme, ni Evelyne, que souvent tu hésites entre Ghislaine et Martine mais qu'au fond tu sais bien que la femme de ta vie sera toujours une autre que tu vénéres d'un amour impossible et qui habite Jinchang dans le Gansu au nord ouest de la Chine avec un acteur brun, ténébreux, qui te dépasse d'au moins 20 centimètres, tu sais qu'il est plus intelligent que toi, surtout, beaucoup plus drôle. Tu sais bien qu'en parler ne servira à rien, mais tu en parleras quand même parce qu'il faut bien que tu en parles à quelqu'un même si tu dois payer pour ça. Tu fumeras une cigarette juste en face d'une église, tu verras un clochard danser comme un indien autour d'un magnéto à cassettes qui diffusera tout dans l'aigu une chanson de Lucienne Delylle, tu croiseras des gamines de 15 ans fardées comme des putains, tu les suivrais volontiers jusqu'au pays des Bisounours, si tu ne craignais pas une fois de plus, de paraître ridicule, à cause de la différence d'âge. Tu penseras un peu à Evelyne qui serait plus jolie dans les robes de ta femme, tu maudiras Ghislaine de ne pas avoir les cheveux de Martine. Tu téléphoneras à Jouvenot avec ton adaptateur kit piéton que ton beau frère t'a offert, le jour de tes 45 ans. Des passants croiront que tu parles seul. Tu parles seul. Tu reliras dans le métro le rapport du vulcanologue. Tu te souviendras de ce matin du 24 Août 79, tu étais à Pompeï avec ta secrétaire, à tirer sur un joint devant des flamands roses, vous vous prépariez à fêter les Vulcanalia, organisées par le comité des fêtes de ta boîte. Mais toi, tu savais bien que le Vésuve grondait déjà depuis des mois. Et tu n'as pas osé leur dire... C'est depuis ce temps là que ton corps brûle. Tu auras mal à l'estomac à l'idée que demain, Jouvenot changera la place des bureaux du personnel désormais tu travailleras aux côtés de Chantal que tu détestes parce qu'elle a des varices et fait trop de bruit avec sa bouche quand elle mange des caramels. Tu te retrouveras à Paris, sans trop savoir pourquoi, tu croiseras Sophie K. chargée de sacs courant en direction de la gare, tu lui offriras d'aller boire un verre au bistro du Festival le Balmoral à Montréal, elle te répondra qu'elle n'a pas le temps. Elle te dira "on nous avale" avant de disparaître dans une bouche de métro.

Ici c'est presque la même chose, pas tout à fait quand même, les nuages abondants m'apportent une licorne, j'ai le Bois d'Oingt en mandala embué sur un pictogramme, le chef de gare a les yeux roux, c'est très rare et très beau. Je m'interesse à tout, à lui, à toi, aux autres. Et je suis ce que le Bois d'Oingt veut bien me montrer de lui, je le suivrai jusqu'à Poule, Poule qui est dedans ce que je veux de Poule quand je ne pense qu'à Poule. Quand je suis mal à Poule je suis bien au Bois d'Oingt. Au Bois D'Oingt je ne suis qu'un point pas plus gros qu'un mammouth. Et je prends la place qui m'appartient et je prends la parole et je prends la main d'un autre, et quand je lui dis, à lui, qu'il n'est pas plus gros qu'un mammouth, il sourit et il doute, quand il doute, je doute aussi, plus on est de points et plus on retrécit, puis à la fin, ce sont les jours, les mois, c'est tout qui rétrécit. Des montagnes accouchent ma souris. Septembre vient, Novembre demain... Ce train s'arrêtera définitivement à Tours. Nous sommes 24 mammouths à descendre avant Tours, avec nos cils fragiles, nos paupières qui bougent, et nos groins cuits par le plein soleil des Issambres, 24 mammouths avec un grain qui descendent en riant d'un train. Septembre vient. On me le dit à Poule. Après des mois d'absence, je suis devenue, rien. Si je me tais, personne ne le remarquera. Septembre vient, je ne suis pas rien. Pas peu rien, ni moins bien que personne. Si j'essaie de le dire, on ne l'entendra pas. En Septembre tous se rentrent, et chacun voudrait devenir mieux que ce qu'il était en Aôut. Rien ne tient. Jamais, personne ne saura désirer se donner les moyens d'éprouver je ne sais quoi...

Des mécaniques t'enjôlent, tu marches à côté de la route qui semble plus enchantée quand tu t'allonges à l'ombre de tes arbres préférés, les feuilles volent, te recouvrent, les serpents muent, les papillons, les champignons, sont tout ce qui reste à présent. Tu as sous la peau une géante bleue de type spectral O ou B invisible à l'oeil nu, et tu t'émeus de la fierté mélancolique qu'il y aurait à s'extraire de la superficie des mondes, à s'ouvrager dans les sonnets d'un élégiaque assourdi par le son des rails.

Sois - et sache à la fois la condition qu'est le non-être,
l'infini fondement qu'il est de ta ferveur vibrante,
et donne à celle-ci, unique fois, pleine existence.

A la nature, utilisée ou bien dormante et muette,
à cette ample réserve, à cette inexprimable somme,
ajoute-toi en joie et ne fais qu'un néant du nombre.

(A SUIVRE... ICI...)

Photo: Wagon abandonné (de la célèbre "Agence-engins" qui eût son heure de gloire dans les années 60). photographié dans une prairie bordant les rails, quelquepart (ou peut-être justement nulle part ?) entre la gare du Bois d'Oingt et celle de Poule les Echarmeaux. Par la vitre du toujours même, indémodable 16846 en provenance de Lyon. Septembre 2010.© Frb.

mardi, 20 juillet 2010

Procrastination

Chaque homme trouve au fond de ses réveils tous les désordres du temps, réduits à la médiocre échelle d'une inquiétude privée.

PAUL NIZAN

Si vous voulez voir la mer, vous pouvez cliquer sur l'image.tout quitter.JPG

Si peu de choses me retiennent. Je pourrais tout quitter... Demain.


SONGS:OHIA /"Body burned away"

podcast


Photo : Le désespoir est assis sur un banc et il ne s'appelle pas Bébert (ou bien est il debout derrière le banc ?). Tout un été à procrastiner face au kiosque à fleurs, sans une fleur à se mettre sous la dent. La vacance dans toute sa splendeur, photographiée place Liautey ou Morand à Lyon au début de l'été 2010.© Frb.

lundi, 21 septembre 2009

Haute voltige

"Mais le jugement du vulgaire ne comprend pas grand chose au désespoir..."

SOREN KIERKEGAARD (1813-1855) in "Traité du désespoir". Editions Galimard 2006

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On dit souvent que S. KIERKEGARD, est le "père de l'existentialisme", (cette idée a été vivement contestée par Asger JORN, dans un excellent texte intitulé "Sur la situation singulière qu'occupent dans l'humanité les mâles", livre dont je vous reparlerai un - certain - jour...), mais au delà du commun des on-dit, (père de... ou non), KIERKEGAARD, (Soren Aabye), (écrivain et philosophe danois), a écrit des oeuvres importantes dans un laps de temps de quelques années. Le "Traité du désespoir" est le dernier ouvrage majeur, qui regroupe aussi les grands thèmes "kierkegaardiens" évoqués dans les précédents livres. Fervent chrétien, théologien, il s'oppose à l'église danoise, (église luthérienne d'état), au nom d'une foi individuelle et concrète. KIERKEGAARD, écrivain, déroute. Ses premières oeuvres sont rédigées sous divers pseudonymes, qui sont autant de personnages inventés et souvent, ces pseudos-auteurs commentent les travaux de pseudos-auteurs précédents (Ex : Johannes Climacus, et l'excellent Anti-Climax). Gilles DELEUZE s'en souviendra lorsqu'il développera sa notion de "personnage conceptuel", désignant des personnages fictifs ou semi-fictifs crées par un ou plusieurs auteurs, afin de véhiculer une ou plusieurs idées.

Pour en revenir au philosophe, plus spécifiquement à "l'angoisse", KIERKEGAARD la considère comme un "vertige du possible". Je résume parce que sinon, il faudrait épuiser une bonne dizaine de blogs, et quelques vies, (c'est angoissant ;-) "vertige du possible", donc (mais ce n'est pas aussi simple que ça !). L'angoisse contrairement à la peur n'a pas d'objet déterminé, si on a peur de quelquechose, il est plus difficile d'angoisser de quelquechose" et quand bien même "le quelquechose angoisserait" cela serait encore pour quelque(s) raison(s) indéterminée(s). L'angoisse met en question l'ensemble de l'existence et nous fait entrevoir le néant. L'homme doit donc se risquer à choisir (vertige ?) et à agir sans pouvoir maîtriser totalement l'avenir. C'est le sens "du saut dans l'absurde" augurant parfois cette entrée dans "le désespoir" (autre thème Kierkegaardien), mais qu'on ne s'y trompe pas, angoisse et désespoir ne sont pas des notions négatives aux yeux de KIERKEGAARD, le "traité du désespoir" malgré son autre titre moins connu "La maladie à la mort", n'a rien d'une lamentation sur la détresse humaine, et paraît même davantage une exploration du rapport à soi. Ensuite libre au lecteur d'affirmer ou de contester l'idée que les plus profonds tourments peuvent élever l'humain à une sorte de joie supérieure... A vrai dire je ne souhaite pas soulever ce lièvre là ;-) disons que ce n'est pas exactement l'objet de notre billet. Je préfère vous livrer un extrait de ce livre, superbe d'acuité. Puisse son lecteur (ou sa lectrice) ne pas trop s'y retrouver ...

"Traité du désespoir", extrait :

"Désespérer d'une chose n'est donc pas encore du véritable désespoir. C'en est le début, il couve comme disent d'un mal les médecins. Puis le désespoir se déclare : on désespère de soi. Regardez une jeune fille désespérée d'amour, c'est à dire la perte de son ami, mort ou volage. Cette perte n'est pas du désespoir déclaré, mais c'est d'elle-même qu'elle désespère. Ce moi, dont elle se fût défait, qu'elle eût perdu sur le mode le plus délicieux s'il était devenu le bien de l'autre, maintenant ce moi fait son ennui puisqu'il doit être un moi sans "l'autre". Ce moi qui eût désespéré - d'ailleurs en un autre sens aussi désespéré - pour elle, son trésor maintenant lui est un vide abominable quand "l'autre" est mort ou comme une répugnance, puisqu'il lui rappelle l'abandon. Essayez donc d'aller lui dire : "Ma fille, tu te détruis" et vous entendrez sa réponse : "hélas  ! non, ma douleur, justement, c'est de n'y parvenir".

Photo: Feuille jaune à bords roussis, isolée dans l'espace. Vue juste à quelques mètres d'une multitude de rousses virevoltant gaiement sur la mythique Tabareau. Lyon, colline, Septembre 2009. © Frb