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dimanche, 11 janvier 2015

2015 : ça ne suffira pas, mais il faut essayer...

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Nota : Le street-art rend hommage en "free style" aux victimes des attentats du 7 Janvier 2015, aux dessinateurs, à ceux qui restent qui vont tenter de continuer, à défendre leur plus libre expression possible, aujourd'hui, mais aussi pour la suite du monde, j'aimerais (I have a dream) que le mouvement in situ de la rue, (re)donne un sens, si ce n'est à tous à quelques uns, (sans naïveté évidemment), je ne sais pas si "je suis Charlie", (je m'en fous un peu) mais je sais que je soutiens de tout coeur, les créateurs, ceux qui restent, je les admire, et j'espère que nous les soutiendrons, encore après, ainsi que toutes les formes d'expression, quand l'émotion spectaculaire, se délitera peu à peu, c'est là, que ça risque d'être "coton", mais bon... Foin du noirte horizon !

Merci à eux.

Merci à ceux du "Canard enchaîné" qui eux aussi ont subi, subissent encore à ce jour de très sérieuses menaces, ils ont désiré absolument, ne rien réduire de leur ligne éditoriale, un soutien aux confrères, like Libé, "terre d'asile", pas sans risque, et ce, sans la bénédiction du pape, (Flanchouai, mît bémol, ravi qui dans sa bulle... continue ses voyages, ajoutant à la bonne eau bénite, l'huile sur le feu sacré versée dans tous les encriers, ce qui ne va pas, (il me semble), apaiser, ni aider les forces communes et individuelles à se ré-accorder, (couac) ni la création déjà très fragile, et encore plus fragilisée, depuis ces infamies, ni l'expression encore libre, juste armée de pinceaux, d'instruments de musique ou de plumes (sur la commode, et plus ...) des créateurs chenapans, et des gens entrés en résistance, avec une grande tristesse, une immense détermination à ne rien lâcher, rien, nada, nothing, autant que nous le pourrons,  même si cela paraît naïveté, s'exprimer sans craindre pour sa vie et celle des gens qu'on aime, si possible, doit être, la moindre des choses, autant que nous vivrons...

J'ois, pleinement, ce jour la bonne chanson "mourir pour des idées", par la bénédiction universelle du mécréant frère Georges qui fuyait les cortèges. Un grand salut à Luz, à Riss, et tous leurs camarades pour la suite, et la une du Charlie, malicieuse, excellente, la bande des Charlie, vraiment très courageuse, puissent-ils vivre, longtemps et qu'un jour on arrive enfin à comprendre leur langage et à leur foutre la paix, tirer sur un canard avec des armes de guerre, ne peut guère être justifié, par "des limites" à imposer au rire, qu'il soit de "bon goût" ou non, la bien-pensance, la religion, les puissants personnages (réels ou s'imaginant tels) n'ont rien à limiter à personne sinon leurs propres craintes, leurs fantasmes de domination, ces violences intérieures passées à l'extérieur sont bien antérieures aux dessins des Charlie. Les caricatures ont toujours existé. Mon parti-pris vu d'une lorgnette, d'abord celle du dessin, puis, de l'expression, de la création en France, je précise, les enjeux politiques étant très complexes, là encore, il y a beaucoup trop d'inquiétudes, de langages de cultures que moi même je ne comprendrais pas. Mais je ne suis pas certaine que la censure pour quiconque, y compris des personnages qu'on exècre, soit le moyen le plus efficace pour défendre la démocratie, ses belles idées de liberté et tout ça. Ici, dans tel contexte il me semble que tout créateur, qu'il soit écrivain, poète, musicien, peintre, clown, etc ce jour et sans autres illusions, doit se tenir au plus près de ses camarades créateurs (de ceux qui désirent se rallier) pour défendre ce dernier rempart face à l'impuissance générale qui vient greffer sur nous, la peur, cette peur que nous n'éprouvions pas à l'origine, et qui n'est pas de notre désir, peur que l'horreur ne creuse en nous encore plus silencieusement le sentiment de voir gagner l'ignorance, la vengeance, la lâcheté, la sottise, la perfidie, nos failles personnelles également, ce jour en question, pire même que la censure : l'autocensure qui vient déjà, viendra, forcément, insidieuse si l'on se met à craindre pour son intégrité physique qu'une idée soit très mal comprise. 

Celui qui s'exprime met son univers au partage, une fois lâché son dessin, sa musique, ses écrits, etc... appartiennent aussi à qui les reçoit, celui qui livre l'expression de son imaginaire peut toujours s'expliquer, présenter des excuses si lui-même conçoit que cela est peut-être "trop", il accepte la contestation, ou bien il la refuse, ou l'offensé s'en remettra aux procédures, ultimes limites mais jamais, un individu qui s'exprime ne devrait craindre pour sa peau et mourir pour cela, toute forme d'expression reste libre aussi à celui qui va l'interpréter, en prolonger les idées, ou les dévoyer voir les anéantir, mille lectures seront possibles, on le sait, cela a toujours été, mille malentendus, c'est le risque inhérent à tout homme qui s'exprime, quel que soit ses idées, une idée se combat avec des idées, jamais avec un arsenal de guerre, foin de banalités, et phrases des plus naïves qui seront toujours à redire face au pire et au plus sordide des malentendus, jamais vu en France, ni concevable avant ces attentats, exaltation de la morgue, de l'obscurité qui ronge en dedans le coeur même du vivant, les créateurs et les gens, tous les gens ont le droit non seulement civique, mais le droit naturel de s'exprimer, les limites (et tant pis aujourd'hui pour le pape) c'est le droit d'en débattre et même de s'engueuler, mais si cela advient sous menace d'armement, ou quelque autre intimidation idéologique, l'homme mourra d'asphyxie dans son repli, sa peur de l'ouvrir parce que la peur, est la première et la plus vulnérable des émotions, et tous les prédateurs le savent. Si demain, comme aujourd'hui un individu pense qu'il va risquer sa vie en s'exprimant et cela, par malheur cela, est arrivé et si (avec des si) progressivement cette emprise devenait acceptable. Nous ne serions plus rien.

Je crains le pire, et comme chacun, sidéré, je manque de mots pertinents ou impertinents, je ne crains pas de m'exprimer, ce jour sans aucune éloquence, je crains juste qu'un jour la menace devienne plus prégnante que la libre expression de chacun, par là, que toutes ses intentions singulières se pervertissent sournoisement sous le poids de cette pression, ce qui existait larvé déjà, bon. Ces attentats laissent un peu pantelants sur le bord du chemin, mais il fût "consolant" un jour de pouvoir partager mille différences avec tous les êtres qui avaient décidé de marcher en respectant toutes les nuances, qu'on soit Charlie ou non, on pouvait n'être que soi, solidaire et vivant ce jour avec les autres, sans s'aveugler de tout, et c'est bien de se dire que cela un jour a pu exister puissamment sans autre embrasement dramatique, in situ. 

Il y a beaucoup de gens isolés, dans les villes, et partout beaucoup de gens qui n'ont pas la culture, encore moins la parole, ils se sont exprimé ce jour là, nous avons vu cela, émouvant et sans frime, sans exagération, ce n'est pas rien et ne peut se décrire, je crois qu'il ne faut pas mépriser le pas des hommes et des femmes qui se mettent en marche, même un seul jour, même si cela fût orchestré, comme l'émotion - dit-on - peut-être, ce mouvement est issu d'un paradoxe et de contradictions mais beaucoup in situ n'était pas dupe, je crois, en tout cas nous n'avons pas, avec mes amis, ressenti à Lyon, ce que nous ressentons d'ordinaire dans une foule, et qui nous met si mal à l'aise, cette espèce d'injonction béate, marcher suffisait, pas obligé de "suivre" tout et n'importe quoi, foule vivante, visages tristes, sourires éblouissants, et des mots d'un instant toutes raisons différentes, les pas étaient splendides, chacun prouva sans doute à sa façon que l'émotion personnelle n'était pas, seulement réductible à un réflexe conditionné, et cela fit une belle, une magnifique journée.

Le scepticisme de chacun s'est perçu, également, l'inquiétude de l'après, la tristesse mais aussi la fragile espérance d'un jour réconfortée par cette marche, lente, mesure de l'humain, de milliers d'êtres humains ensemble qui s'aident à se relever d'un choc épouvantable, c'est d'un monde trop sensible pour être traduit encore avec des mots, du moins pas pour l'instant.

Nous entrons dans l'après, dans le "rien ne sera comme avant", peu importe pour l'instant qui trame ceci cela, quel machins, quels salauds... avaient tramé cela avant, on lit déjà partout un tas d'insanités, l'hypocrisie des "grands" de ce monde, on la connaît, ok, c'est à ce point délicat de devoir, à présent défendre individuellement (et commencer par ça) ce qu'on est déjà soi, ensuite collectivement, défendre une liberté d'expression violemment touchée, désormais ensanglantée, ce n'est plus la même liberté, (déjà bien malmenée depuis pas mal de temps) mais nous savons que cela est possible pourtant de la défendre encore, on ne peut pas décider autre chose que tenter, comme on marche pour ne pas se coucher, l'expression nécessaire d'une respiration, telle la marche ouvre au souffle précieux de la chaleur humaine, des personnes profondément choquées, tristes et gaies, de toutes parts ont donné une réponse, sur l'instant, la plus intelligente qui soit, cette réponse ne peut-être réductible aux observations, à distance, ni aux analyses plus subtiles, elle concerne un instant, un bref passage du temps, même si nous resterons sur nos gardes, longtemps, moins nombreux, c'est certain, et sans trop d'illusions, pour la plupart, je crois, lucides là bas ou ici, face au choc terrifiant, devant un grand saccage de vies humaines, on sait que  la parole tournera un peu en rond, encore un temps, et qu'il ne sera pas possible d'oublier l'évènement, que l'éloquence ne masquera que ce très lourd malaise qui nous serre le coeur encore à cette heure, quand nous pensons aux attentats, aux victimes, à ceux qui restent, comme l'info, ne cesse pas depuis ces attentats, là bas et ici, elle tourne encore en boucle embrouillant l'acuité des petits nains que nous sommes, à tenter de s'informer écouter, regarder, et essayer de comprendre, pour rester dans le vif, sans autres considérations politiques H.O donc la tentative d'une marche nous réveille c'est un essai troublant, devenu inouï, qui ne suffira pas. La cohue devant les maisons de la presse, j'en discute souvent avec le marchand de journaux de mon quartier ces jours-ci, si ça nourrit les petits canards qui étaient boiteux avant, tant mieux, s'il faut du sang pour les nourrir ça reste sidérant.

J'aimerais (encore rêver, on peut ?) que la réalité de cette marche nous donne une force réelle pour porter preuve après, que cet imaginaire vive ainsi qu'il nous préserve encore, épargne, s'il se peut, les mômes qui gambadent insouciants, pour que nous préservions leurs rires, ce monde à eux, leurs rires cons comme on est, et leurs blagues à Toto, qui font les mômes radieux, comme ce pigeon de Dieu rejetant son pique-nique sur la veste du président, grain de sable, pure pralin, rire de Luz, poésie de l'instant, du mauvais goût peut-être ? Qu'un fou rire en plein coeur d'une cérémonie solennelle, soit aussi important, un détail disproportionné, face aux crimes monstrueux, oui, sûrement, c'est bien bête que de tenir encore à l'imagination qui galope librement et pour ce tout venant, respectueux de nous, en cette sale époque, où la vie peine rudement, (dit comme ça, ma bonne dame ! ouh ben !) ....

Comme je n'ai jamais eu trop le goût d'exalter le néant, ni ici ni ailleurs, malgré le doute, ni folie des grandeurs du paradis, ou de l'enfer, exalter juste la vie, comme elle vient, certains jours, d'expression singulière, qui se partage ou non, sans occulter ce qu'elle a de bizarre et fragile, espérer que la création paradant au travers s'y amuse et de temps en temps qu'elle vous amuse peut-être ou non, que les idées s'expriment sans vigiles ni cerbères, ce n'est pas un voeu pieux, mais un désir humain pour ne pas que toute âme  finisse dépossédée par ces valeurs autoritaires, les obscurantismes, leurs remèdes, à craindre des coups de bâton, mourir pour ça, mort physique ou mentale, qu'on soit croyant ou non, ça tue les forces vives, par avance, d'y songer. Ici, nous jouons, nous marchons, et nous rions de tout, des winners, des losers des détails, des horreurs, ainsi de nos échecs, rire de tout vaut toujours mieux qu'un cynique ricanement qui tourne encore à vide sur le vide, négation même de l'autre comme une mort en dedans que les gars de Charlie ne défendaient jamais, avec leurs dessins "gratinés", desfois cheap, desfois "trop" mais aussi très "chiadés", leur critique qui n'épargne personne, même pas eux, a poursuivi l'ouvrage d'une autre génération de l'après 68, portant l'expression d'une contestation sur une société qui n'en pouvait plus de ses frustrations.

Nous avons, mes amis et moi-même, de la génération de Charb, bénéficié de ce vent de liberté, nous l'avons beaucoup contesté, et nous l'avons aimé, sans être des inconditionnels, de tous les opus de Charlie Hebdo, nous sommes les enfants des pionniers de cette mouvance libertaire, un souvenir dilettante de la contre-culture en France plutôt rare de trouver cette presse-là avant eux, qui pût parfois nous concerner, nous étions vers les 12 à 15 ans égarés dans les années-fric, la petite province encore poujadiste s'épouvantait à nous voir lire, Reiser, Cabu, sans oublier le feu prof Choron qui traînait dans les chambres des grands frères des copines, Hara kiri mort Charlie Hebdo occupa cycliquement les cours ennuyeux, glissé sous les bureaux, acheté par un et lu par tous, à pouffer de rire sur des dessins qui passaient de main en main (sous le bureau, sous le manteau) et faisaient grinçer joyeusement les chaises austères de notre respectable école, lors des cours de dessin catholique, enseignés par la polyvalente Melle Pugeolles, au collège St Marie, les enfants pré-ados bécassons que nous étions (et vieux bécassons, nous restons) payèrent cher en interminables heures de colle (vous me copierez 100 fois - "je ne dois pas lire Charlie Hebdo" ou du genre, tours de cour les mains sur la tête, confisqués, les revue "cochonnes", j'exagère à peine c'est pour dire : Charlie Hebdo n'était pas du goût de tout le monde, ces lectures engagées, rigolotes émancipèrent sans qu'on s'en rende trop compte, notre créativité fulgurante, et nous dessinâmes à notre tour, (les revues confisquées, il fallait bien essayer autre chose), nous avons compris bien plus tard que les contestataires d'une époque à nos yeux révolue, nous avaient ouvert l'esprit et libéré de pas mal de trucs, un terrain fertile s'est ouvert en mille autres différents, pas banals pour les voies de la création, et surtout l'expression qui s'y développait en roue libre.

Bon, jusque là, dit, à chaud on serait presque tous d'accord. Anecdote très compassionnelle. Alors que nous marchions. Grosse surprise de croiser place Bellecour notre bonne Melle Pugeolles, complètement amnésique, épanouie, rayonnante dans son nouveau tee-shirt "Je suis Charlie" enfilé à la vrac sur sa même robe chasuble (beige-grenat) accompagnée par le redoutable Monsieur Bouchard, responsable du martinet et du fouet à l'école "Notre Dame" en 1976, revenu lui aussi en tee-shirt XXL "je suis Charlie", super-sympa. Moralité : y'en a pas. Que ceci reste une belle histoire, de bravoure hyper-love et sans rancune of course. A part ça...

Nous sommes des êtres doux, vulnérables, nous sommes beaux et grotesques, nous sommes petits et fiers, nous sommes faiblesse de notre époque, nous sommes forts de notre naïveté, de nos défauts de nos lâchetés, de nos questions, de notre maladresse à ne savoir nous exprimer mieux, nous sommes les gens du siècle munis de notre intelligence, (relative) de nos lacunes (champs inexplorés), de notre liberté de pensée, de nos erreurs, de notre langage fourbu de culture, d'inculture, de nos inspirations irrégulières, d'un savoir faire très libre, nous précis, nous gentils, nous très approximatifs, nous multiples, identiques, nous, nous, nous...  Comme disait un monsieur dans la rue : "on bricole, on n'a que ça pour vivre", Vivre, ouais, ouais  pas mourir. Nous ne mesurons qu'à court terme, toutes les conséquences de nos gigues*- ["Sous toutes ses formes, la gigue exerce une fascination peu commune sur la population locale; par sa virtuosité, son accord parfait à la musique, la finesse de ses mouvements et l’énergie qu’elle déploie*"] ; la violence, les hybridations de nos drôles de machines qui permet de mondialiser le Charlie, avec tous les drapeaux en berne, n'est pas le moindre de nos soucis, le spectre effrayant d'un monde sécuritaire (pour notre bien) nous fait, froid dans le dos, l'administration de la peur vient comme une hantise au coeur de la vie brève, nous tentons quelque chose sans promettre, parce qu'on ne peut pas ne rien tenter un peu à notre échelle, et nous aurons encore besoin de réconfort.

Ce billet a été corrigé (pas très bien mais tant pis) signé et approuvé de tout coeur par Melle Pugeolles, qui nous a présenté ses excuses, lors d'un très beau discours, elle nous a demandé pardon de nous avoir injustement infligé - bien à tort- des heures de colle pour avoir lu Charlie Hebdo, qu'elle trouve aujourd'hui formidable, bien autant que ses créateurs. Acte de contrition, à coeur, espérance, forcément sublime.  Amen.

   

Photo: Tant que...

Tant que les murs ne seront pas muets. Un signe fort, en pochoir, saisi le lendemain du choc, sur la Montée de Grande Côte  à  Lyon.

mercredi, 10 septembre 2014

Eighties : Frigo-Bellevue-Code Public and works

"L'analyse, c'est la pratique".

30 mn 37 à découvrir, ou fragments d'une constellation. Enjoy !

 

 

Vidéo via le site de Christian Vanderborght, réalisée par FRIGO-CODE PUBLIC : Mike Hentz, Gérard Couty, Rotraut Pape, Gérard Bourgey, Alain Garlan, Jacques Bigot, Marc Moget, et tant d'autres ...

A suivre ICI ou voir le billet ci-dessous.

Bientôt, peut-être, un aperçu de FRIGO RESURGENCE écho du 10 au MAC de Lyon, (dixit Frigo Bûro "la bonne ambiance", je confirme), et quelques traces ou liens en images de cet évènement passionnant, très festif et vraiment réussi. Suite aux rétrospectives, l'esquisse d'un grand désir, aujourd'hui et demain : "RESET FRIGO-BELLEVUE 2014", ce rêve dont on pressent qu'il est réalisable, un nuage, des archives en cours de numérisation, des labos avec des étudiants de l'Ensba et des projets à suivre élaborés en diverses villes même divers pays, enfin, une date à retenir: le 13 Septembre à Lyon, avec une projection commentée par le groupe FRIGO dans le cadre de la 16ème biennale de la danse (pour en savoir plus c'est ICI) et des remerciements à ceux qui ont aimé, aimeront et à tous les curieux.

vendredi, 01 février 2013

Avalanche

Et je m'en vais à Panama pour vivre en sauvage. Je connais à une lieue en mer de Panama une petite île (Taboga) dans le Pacifique, elle est presque inhabitée, libre et fertile. J'emporte mes couleurs et mes pinceaux et je me retremperai loin de tous les hommes. 

PAUL GAUGUIN

 

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Il n'a rien entendu de particulier, il s'est contenté de regarder. Il est sur la ligne de départ. Autour de lui le bruit gagne. C'est le seul argument qui retient l'attention, et semblable aux mouvements précédant un parcours, lassé de parcourir, il voit le paysage réduire les perspectives, quelques mots devraient suivre, qu'il tait. Il ne suit pas.

Ce thème est un motif qui vaut un peu la peine de décrire ce qu'il reste, ce qui va disparaître. Il choisit la plus sotte expression parmi des milliers d'expressions possibles, un confort creusé en ce trou, un nombril aspirant, tiède encore, les plaies brûlantes de l'homme, ou les battements d'un coeur humain pas plus qu'un aspirant de rien allant à l'interligne dans l'épaisseur du bruit glorieux de ses échos.

Il y a le temps qui vient, dresse une chape et ça couve sous son poids de chair vive, ça donnera une valeur factice à la surface, quand une porte bat aux vents, quand l'éclat de ces feux attractifs rend l'univers massif, il referme sa fenêtre, il n'aura bientôt plus à se battre pour les siens.

Il a rayé son nom, il a songé aux possibilités d'anéantir enfin sa faculté d'écrire, pour s'en remettre à ce silence d'une cathédrale ou d'une bibliothèque. Oserait-il au moins peindre ? Des Carceri à la mine de plomb, le prix de ses efforts, et puis des fleurs encore, quelques lettres de l'île puis la disparition d'une marge qui portait la couleur dans une ligne de fuite. C'est peut-être un ersatz ou c'est le labyrinthe d'un lieu qui nous décime, milles convives aux fenêtres entre eux autant de vitres, là, de grandes mosaïques comme à Constantinople. 

Il fouille dans cette matière, quand revient la jachère, il y voit un soleil privé de ses ombrages, l'espace habituel où chacun arbitré dans le langage d'un autre réfute l'obscurité porte une perspective de puits et de falaises sur une place noire de monde.

Un mot encore si près à le couvrir de honte, y affûtera son verbe et l'éloquence qui vit toujours en légéreté, impérieusement tenue portera à nos lèvres l'unique grande vérité, la tienne et celle des autres, dans ce fût, sur l'étage du Beaujolais nouveau, la langue et sa piquette, t'as vu ces grands tonneaux à présent tu t'étonnes qu'ils se déversent copiant le bruit du pacifique, épanchant une série de vagues bien tempérées et délayant le corps qui se tait, le défait, comme se défait le verbe.

Il ne peut rien en dire, nous capturons de force ce point d'inanité, c'est à peine une cible qui nous veut repliés dans cette obscurité, elle va nous réfléchir, nous briser, l'emporter, qu'en sait-on ? Qui pourrait nous instruire ?

Nous serions tels que lui, des modèles d'écorchés, barrés de croix, de traits, des figures portant peine à la brutalité où la mort du désir peut encore l'emporter, ne tiendrait qu'un espace lentement annexé ; l'innocence consommée, il faudrait retrouver un mot à prononcer pour cet homme qui ne qui ne sait plus parler.

Un pas de plus, il souhaite couronner son effort, dépasser les obstacles pour bâtir un royaume au flottement discret, des airs de flammes muettes courant sur nos jouets qu'une vague achemine dans le ravissement où l'ignorance nous tient à tout heure disponibles, un bon rire à demeure tel qu'il fût toujours prêt, générant une série d'accidents, de minuscules enclaves où le mot est jeté où le désenchantement se reproduit à l'identique, tandis qu'il essaye de jouer pour simplement jouer.

Un pas de moins, les marchands de plaisirs passeront sur sa peau un baume rafraîchissant, il reluit à nouveau il est comme liquidé mais il reluit pourtant. On peut le suivre ou l'oublier se faire lentement rattraper ou souffler ce pion solitaire, mais cela n'a pas plus d'importance que ce qui est secret et devra forcément nous taire.

Il payera. Il payera en retour du désir affamé de s'affamer encore, quand l'oeil fou qui dévore des vies à la seconde aura mis des cailloux dans cette immense bouche, la sienne voudra se clore, saborder ce qui porte en dedans, ne trouvera aucun mot pour extraire une manière de recommencements à cette fin qui résiste à comprendre.

On connaît le passeur obligé de se rendre. C'est partout le même quai, alignant une suite de croix et de carrés. Partout c'est un poème qui recomptera ses pieds, ça forme sous le soleil quelques cristaux de glace et des ronds de fumée quand la lumière prend l'ombre ou peut-être autre chose, la marche se soustrait, l'homme fume une cigarette et nous voit sidérés que le vocabulaire n'ait jamais su faire mieux que nous aider à exprimer cette sensation profonde de n'avoir rien à dire.

Ca fait longtemps qu'il sait. Il mâchera les cailloux, et sentira la terre lui porter des pelletées, un semblant de jachère devenue cette palette de noirs et de blancs contenant un ensemble de couleurs ou l'absence de couleur. Il goûtera la nuance, afin de se mouvoir d'un espace à un autre sans tirer aucun trait, aucun plan, aucune des conséquences. Il est dans les reflets ou l'absence de reflet comme à ces premiers jours, naissant un peu trop tard, il a pris de l'avance, il se pelotonnait contre un arbre et goûtait au silence sous un ciel moutonné masquant les voix violentes, des ébats festifs d'où revenait puissante, une foule assurée.

Il n'y a plus à douter, pour traverser les lignes, sortir de cette violence, on se dit que parfois il faudrait marcher seul, quand la mécanique sourde continue à cibler, à broyer, elle n'aura pas de phrase pour dépouiller le geste qui recouvre le ciel d'un champ de tournesols. Il n'aura pas besoin de ces flux de paroles pour aimer ces baigneuses divines indolentes ou saisir le silence d'un dernier grand concert dans la fine transparence, les nombreux coups de couteau donnés à la matière, sont peut-être identiques, à ceux que l'on nous donne.

Un mot ne tiendrait pas à capturer cet homme, ou demander pourquoi ces entailles n'ont pas entaillé le visage des nombreux regardeurs ? La question le déplace. Il est là, et il fume du tabac parfumé. Son geste le retient, entre une drôle de clarté et le flou inhérent à la nécessité de se tenir toujours plus près du précipice. De n'en rien ignorer, à présent, il savoure plutôt garder ce vide bien en main, que de craindre l'effroi qui le rendra muet, avec cette habitude de ne parler qu'à soi, d'en ressentir l'outrage sans pouvoir accepter que nous serions tenus de battre ce pavé, nous livrer, nous lustrer, cumuler les effets, de quoi bien tapiner.

Il redoute le courant réducteur, et le malentendu qui placera son coeur d'homme entre le singe et la savane, il comptera sur les doigts d'une seule main ceux qui ont pu survivre à cela sans se fossiliser, sans se faire braconner, ceux qui ont pu créer encore, pour changer la vie quelquepart, pas seulement l'énoncer, non seulement l'énoncer, mais l'appliquer sur soi,  pas gagné ! ce qu'il reste de cobayes ne serait pas si doué à satisfaire ces files qui se massent aux musées, des foules reconnaissantes, l'artiste mort estimable, une somme de vies ratées pour battre des attraits, mourir dans les images.

Longtemps, longtemps plus tard, il trouvera quelques pièces détachées, elles nous tiennent à portée sur un filet de bave, un cri vaste oublié, le prenait corps et âme, et pouvait nous relier par une sorte de chant du monde inépuisable, mais encore trop lointain. Il a vu ce matin, Panama sous la neige, et sa jeune vahinée venue emmitouflée le plongera à nouveau dans l'extase.

 

De la neige et une bestiole inoffensive pour adoucir la dernière ligne droite de l'an 2014.merci à ceux qui ont suivi ce blog, malgré un temps d'arrêt involontaire, une panne d'ordi, et la vie (la vraie) s'y mettant en travers j'ai dû m'astreindre à des obligations laissant la panne courir en cette années si peu clémente qui m'a contrainte à imposer au blog une sorte de latence, le courrier est en rade, depuis pas mal de temps avec un sérieux bug et un bazar en dedans encore compliqué à résoudre  Mes excuses à ceux qui ont écrit, des mails dont certains  datant de cette été ne me sont parvenus que récemment, des courriers sont perdus, pour l'instant, introuvables, ici une zone de flou d'autres les courriers rescapés restent en rade la possibilités d'acheminer correctement les réponses restant aléatoire, je m'abstiens pour l'instant, à suivre, donc, pour l'instant je dédie au Noêl et à la Noêlle et aux autres, s'ils s'y trouvent

 

Echappée belle : à lire et regarder, le livre de Gauguin, "Noa Noa"  paru aux éditions J.J. Pauvert en 1988.

 

Photo : Taboga en hiver, ou le départ de l'élandin.

 

Là bas © Frb 2013.

mercredi, 14 novembre 2012

Je suis un artiste

"Je ne suis pas un papillon je suis Frédéric, je ne suis pas une machine à répéter je ne suis pas un animal je suis un humain je ne suis pas analphabète je suis un arbre je ne suis pas une fille je suis un garçon je ne suis pas un objet [...] voici mon bureau où je mets aussi quelques cadres et des posters de chevaux [...] j'ai aussi un enregistreur j'ai un ordinateur avec sa caméra et des personnes qui peuvent voir dans l'ordinateur [...] et j'ai même dans ma chambre un grand piano et ça fait du bien de chanter avec le piano [...] voici mon grand jardin avec une serre où je fais tout des légumes variés [...] j'ai toujours des jambes longues je suis grand je suis fort j'essaie de trouver la vérité et d'être le plus beau du monde"

FREDERIC:  extraits choisis "Je suis Frédéric", une pièce sonore réalisée par Damien Magnette mixée par Christophe Rault,  produite par l'ACSR (atelier de création sonore radiophonique- Bruxelles).

 

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"j’aime écouter ma voix".


Voilà Frédéric. Mentalement déficient qui aime les sons follement, qui décrit sa vie quotidienne à Damien Magnette. Il s’enregistre depuis des années, collectionne les sons, chuchote ou crie dans le micro. Il nous fait visiter son monde : sa maison, son atelier de jardinage, ses goûts, ses pensées. On déambule avec lui dans un univers baroque de bric et de broc. Frédéric est "mentalement déficient". Peu importe, son énergie emporte tout. Il dit « je » mille fois. Un "je" servi par une parfaite réalisation de guingois.

(source de partage sonore : SILENCE RADIO)


"Je suis Frédéric"

 

Pour tenter d'en présenter un peu l'essentiel. Cette pièce sonore est une des plus fulgurantes entendue depuis bien longtemps, elle a été relayée par nombre de médias qui l'ont unanimement encensée, elle a remporté de nombreux prix notamment en 2011 un second prix de création radiophonique au festival longueur d'ondes. Le Festival "bobines rebelles" a eu l'excellente idée de programmer cette composition, le week end du 24 et 25 Novembre 2012, (à venir sur notre calendrier récalcitrant, et sans doute advenu déjà) mais comme nous n'avons pas tous l'opportunité de partir un week end pour un festival en Seine St Denis, je vous propose d'entrer dans la maison de Frédéric, qui est bien sûr un monde. Damien Magnette a composé, décomposé, recomposé la réalité du quotidien de Frédéric pour nous inviter en terre angélique  le metteur en ondes a dû brouiller, comme nous l'aimerons toujours, la fiction et la réalité. Entre des faits anecdotiques, un singulier parcours, surgissent implicitement des abîmes et les questions universelles, les plus claires de la vie humaine, comme les phrases que nous n'osons plus prononcer quand nous parlons à la première personne, histoire de "dire" "communiquer" s'il est possible, d'exprimer qui nous sommes.

 

"Je suis".

 

Ici, l'immersion est brutale mais d'une immense délicatesse qui évoque et réveille ces attachements au tout venant - de très simple à baroque. Le courant passe par les les oreilles jusque dans l'épiderme, il est électrique, devient partageable et c'est terriblement, que Frédéric "nous" jardinera, mine de rien avec sa voix humaine, ses dessins son piano... Ca deviendra un sortilège.

Cette création est un fondamental à écouter absolument, 38mn 34 de visite guidée par Frédéric, un énoncé très simple en apparence...

Merci encore à l'excellent site : "Silence Radio" de nous permettre de diffuser partager et faire tourner peut-être... Peu de chance d'en sortir indemne.

 

 

"Je suis un dessin [...]

je suis Frédéric Deschamps

mais je ne suis pas méchant"





 


 

Nota :   Quelques lecteurs m'ont signalé que leur navigateur ne permettait pas l'écoute via le player de "Silence radio", si vous rencontrez ce problème vous pouvez écouter la pièce de Damien Magnette en cliquant sur le lien ci-dessous:

 

http://www.silenceradio.org/dbfiles/file_171_high_je_suis...

 

Photo : "Je suis une fenêtre"...


Sources documentaires et sonores : Silence radio- ACSR- France Culture /

 

 Le manoir © Frb2012.

lundi, 02 juillet 2012

L'homme des Roubines

Ernst Lubitsch dit que "La meilleure chose pour apprendre à filmer des acteurs, c'est de filmer des montagnes". Comme je ne suis pas sûr de bien savoir filmer les acteurs, je continue à filmer des montagnes

LUC MOULLET

Contempteur des absurdités humaines, (trop humaines), Luc Moullet distille ce qu'on pourrait appeler (sic les cahiers du cinéma) un gai savoir persévérant, "L'homme des Roubines" est une pure merveille de drôlerie et d'intelligence réalisée par son ami Gérard Courant, qui est aussi son hagiographe officiel, avec Luc Moullet (par lui même) et Jean Abeillé, ce film part de la citation de Lubitsch pour filmer Moullet dans les Alpes de Haute-Provence, où il est né en 1937, où il a tourné la plupart de ses films, où il réside et où il puise son inspiration. Comme j'admire beaucoup ce cinéaste, j'ai déjà diffusé ici l'hilarant "Barres" et le clip "Le prestige de la mort" réalisé avec son frère musicien, Patrice. Dans "L'homme des Roubines", l'artiste nous balade par monts et par vaux, au fil du récit de sa vie de son oeuvre, de sa pensée, le tout, en roue libre. Subtil et saugrenu serait peu dire...

Avertissement : si vous n'aimez pas la montagne, (ni le vélo), passez votre chemin, Si vous aimez, la montagne (et le vélo), ça réconfortera vos univers. z'oeillez donc !

 


dimanche, 04 décembre 2011

Porté par la chose faite

Comment saturer ce qui est déjà saturé ?

danger.pngComment répondre ? Il y aurait soit trop à dire, (on aurait l'air embarrassé), ou rien, pas grand chose mais il se peut que ce "pas grand chose" prenne les dimensions de la montagne la plus inaccessible.

Il se peut, à l'exemple de Bram Van Velde, qu'il y ait une discipline assez serrée qui oeuvre par nécessité dans l'obsession de dépasser les limites de chaque ouvrage afin d'accéder à une forme de discernement, (un poète dirait illumination) qui s'atteint peut être, ou jamais, par des chemins simples ou sophistiqués, ces lieux communs, je vous les livre assez banals, ce sera encore exprès, tels que souvent on les entend un peu partout, on les surprend, pour signifier qu'il faut sans doute se noyer, se cogner longtemps (au delà, ça deviendrait informulable) et ne rien céder aux injonctions plus raisonnables qui rendraient à la vie sa tranquillité et glisserait la pensée dans un confort, mais cela c'est sur le papier qui n'est pas qu'en papier évidemment...

A la volée, dans un bazar urbain, (en vrai, au figuré) au milieu d'une file d'attente assez endurante, je tombe sur un journal qui reproduit un tableau de Bram Van Velde. Ce tableau me relie à un autre ouvrage remarquable, que l'on vient de me prêter, un texte publié chez Fata Morgana en 1978 réédité chez POL : une rencontre de Charles Juliet avec Bram Van Velde où l'écrivain demandait au peintre

- Pourquoi  peignez vous ?

La réponse dût tomber aussi claire pour le peintre qu'elle fût troublante pour l'écrivain

- Je peins pour tuer le mot.

C'était la même raison qui nous avait poussés à choisir la musique, d'un support à l'autre, me revient une autre phrase, un passage fulgurant où Bram Van Velde réfutant un pilier d'une philosophie enracinée se faisait affreusement lumineux, c'est par l'oxymore volontaire que je bouclerai la boucle tout en laissant la boucle ouverte, sans rien résoudre, ni espérer, ni enfermer après quoi toute messe ne pourra se dire, exactement comme on avait prévu de s'en persuader. Je cite :

 

Je pense donc je suis de Descartes est de la foutaise. Il faut dire  : Je pense donc je m'écroule.

 

Bram Van Velde entretien avec Charles Juliet 1979 by editions POL. Ecouter : un instant fulgurant, rarissime, une voix en état de grâce...


 

Text : by frasby, thème, livres et documents sonores proposés par Paul.

Remerciements : à "Raidi pour", présent, disponible, qui discrètement participe, déploie nos pistes de lectures et autres tentatives, insufflant aux thèmes choisis ici, (ou là bas), un mouvement, qui ne pourrait se contenter de débats et de livres.

Photo : Haute tension, début de décollage. Le danger inévitable ? Le danger en voie d'anéantissement ? A chacun sa lecture. 

© P./ frb/ Rp  2011.

mardi, 22 mars 2011

Court circuit

Toujours... Toujours il faut que j'aille dans les rues... Et je sens toujours quelqu'un derrière moi... C'est moi même... Et il me suit.

PETER LORRE dans "M le Maudit" de FRITZ LANG, 1931

ombres002.JPGIl est riche de ses actes, il écrit son nom il l'accole aux gens qu'il croise, et cela est sans conséquences, il ne va pas, il ne se contente pas du peu. Il ne prend pas la page blanche pour le début, c'est sa fin, il l'arrange, s'y rajoute, continue l'existence jusqu'à cette stabilité qui l'insupporte, un monde imaginé par tous ceux qui ont précédé, semblables à ceux qui suivent, des tas de gens, des têtes dont il n'a rien à dire. Un niveau machinal, des relations interchangeables à l'infini, il compose à ce jeu un grattage, il ne gratte pas, il se déchire.

Vu de loin, cela contraste avec la notion pour lui, incompréhensible de sympathie. Il élabore des figures qui de près ou de loin l'obsèdent par leur monotonie, il gratte et enterre tout dans son jardin, il rature des pages et des pages jusqu'à l'avènement d'une oeuvre d'art blanche, oeuvre purgée du sentiment, art de s'absorber dans l'espace, de recomposer le désordre avec les éléments. Il se met dans la peau d'un autre qui se trouve déjà dispersé. Le plus sûr de son initiative a déjà échoué. Il voit d'avance, une page qui manque juste au milieu du livre, une morsure au coeur de la toile, les fourches dans les cheveux des filles, un concentré déjà détruit qui contient à lui seul toute l'histoire du monde, celle des hommes et son destin à lui. Dans cette absence, il y a la voie lactée, la conquête de l'espace et l'embrassement d'une fusée avec une étoile filante, la réalité confondue dont il est pure trace,  reliant au ciel sa glaise, son fleuve et son métal, une situation de danger au terme d'un lent acharnement sans aucun but défini à l'avance.

Le cours du temps passe dans l'élasticité de journées indolentes. Aux aguets d'un langage détruit, entre les corps, des bêtes à grosse carapace ont promené sur leur dos, les dépouilles des hommes et des femmes, ceux qui n'ont pu survivre, le résultat grosso modo de toutes les guerres visibles ou invisibles, il ajoute un peu de son corps, qui meurt parfois petitement dans l'amour, se voudrait inspiré, goûtant une telle offrande, prêtant sa chair qui délivre du mal aux baisers de l'éphéméride. Il pourrait avoir honte à se faire aimer trop, sans pouvoir aimer trop lui même, ou aimant trop sa solitude qu'on dit incompatible avec l'amour. Ce on dit, est encore une foutaise. La petite idée se forme dans sa tête qui le taraude pour brûler ce qu'il reste d'obsession à oeuvrer, il voudrait contempler les petits matins, dans la joie de la course à pied, du basket ball, des descentes à vélo sans les mains, tout seul des jours entiers il joue entre des marques tracées sur le sol à la craie, et court sous un panier à essayer de réussir des doubles pas, à s'encourager dans le dribble, les mains apprenant la dextérité en compagnie de joueurs invincibles, qu'il imagine et qui n'existeront jamais. Chaque jour, lui vient de plus en plus d'adresse pour en finir avec le besoin de dextérité. Cela n'est qu'un mouvement dans l'espace juste pour oublier que la pensée peut fondre comme une savonnette. Il est cet enfant souple glissant sur une rampe d'escalier. Il parade le jour. La nuit, il pleure ce que le jour lui a volé.

Des guerres ravagent son écriture, cela engendre une sorte de poème héroïque, avec des idées monstrueuses qui chevauchent des idées sublimes, tous les mots il les plie à sa volonté dans le goût capiteux de répandre l'épuisement sur la terre, l'épuisement des êtres et des lieux jusqu'à qu'il n'en reste rien, ni dedans ni dehors, et la douceur va dans son regard, dans ses yeux bleus ou gris qui pleurent et cela fait comme une pluie de météorites plus loin, ailleurs, il verse l'alcool à brûler dans des fioles d'encre bleue ou grise, un petit feu court sur toute la surface d'une nappe, du genre toile cirée, juste au milieu, il y a un ilôt de cendre qui brille, il y voit une peau de chagrin grosse comme un pois cassé. "Pois cassé", les deux mots roulent entre ses doigts. Existe t-il encore une chose au monde qui ne puisse pas se casser? "Pois cassé", rien à faire, comment casser ce rien ? Les plus petits obstacles sont toujours les plus vains, il devra désormais lutter contre cette chose minuscule qui résiste, dont chaque jour il essaye de s'acquitter au mieux. Le combat à l'oeil nu paraît pourtant facile. Chaque jour il s'applique et chaque jour ayant échoué, après des heures passées, en bras de fer qui l'auront épuisé, il regardera le soleil se coucher, et se dira : "et merde !".

Photo: Une ombre demesurée qui précède ou qui suit on ne sait quoi, on ne sait qui, prise en flagrant délit sur les pavés aux alentours de la bibliothèque de la part-Dieu à Lyon. © Frb 2011.

samedi, 06 mars 2010

Les bienfaiteurs ne poussent pas sur les arbres

A tribute to JIM LEON 1938-2002

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"Depuis l’enfance, les gens m’ont toujours regardé comme un artiste créatif. Quelqu’un qui possédait un don spécial. Durant plus d’un demi-siècle, cela m’a donné une excuse parfaite pour paresser la plupart du temps, juste faire ce que je veux, quand je veux, à mon propre rythme. Bien sûr comme tous les autres, à certaines périodes, j’ai pris mon art et moi-même très au sérieux et j’ai également travaillé très dur, essayant de donner le meilleur, ce qu’on peut appeler «mon code d’honneur » et les résultats ont connu une certaine popularité, aussi tout naturellement, cela me plaisait et m’a appris le respect de moi-même, la confiance en soi et la prise de conscience de l’énorme responsabilité d’être auteur d’un travail sacré de communication, avec en but final de s’adresser aux siècles futurs. Cela implique une moralité sans faille. M’étant fixé des objectifs élevés, non pas en ce qui concerne l’ambition sociale, j’ai connu de nombreux hauts et bas. Je crois que c’est ma paresse objective qui m’a le plus aidé à tenir, ça et le simple fait de reconnaître que les mondanités ne font pas partie de mon rôle, me pousse à fuir. Un panier de crabes comme on dit en français.
C’est la principale raison qui me pousse à préférer l’obscurité de la province, l’oubli quand la mode est passée, une certaine liberté que l’on ne trouve que rarement dans une capitale, m’est chère, O combien frustrante puisse-t-être ma position parfois.
La précarité de ma situation ne me permet pas d’avoir un atelier à moi, assez grand pour mettre en œuvre les projets en suspens depuis des années, ni avoir les moyens d’acheter le matériel nécessaire pour remplir le type d’atelier que j’aimerais avoir, et qui coûterait une fortune. Mais les commérages journalistiques vont bien et l’image qu’ils ont construit au fil des ans est celle d’un sauvage, marginal, artiste Anglais avec du goût pour les femmes, la picole et les drogues. Tout ça ne passe pas bien dans une ville de province comme Lyon, je crois. La bourgeoisie lyonnaise m’évite et je l’évite."

JIM LEON in "Les bienfaiteurs ne poussent pas sur les arbres", extr du site consacré au peintre J.L. à visiter ICI.

Photo : Beau graff mensonger (que l'on croit ou ne croit pas en Dieu ou aux artistes) vu rue des Pierres plantées à Lyon, presqu'en haut de la Colline qui peint (donc qui travaille). Juste en face d'une pâtisserie orientale présentant en vitrine des cornes de gazelles fabriquées par Dieu lui même (là, ce n'est pas mensonger), très loin du marchand de crabes qui loge je ne sais où (et n'est pas dans mon petit panier). Lyon, photographié le 15 Mars 2010, avec l'aide de Dieu évidemment ! (et de monsieur H.G Wells qui nous a gracieusement prêté le matériel) © Frb.

vendredi, 29 mai 2009

Des rideaux et des colibris (Hozan KEBO's remix)

COLLECTION PRINTEMPS/ ETE 2009 - BOUTIQUES de VOILAGES de LUXE - par le grand couturier HOZAN KEBO :

"Avez vous déjà essayé mesdames, nos fameux "colibris-rideaux" ? Ils protégent efficacement des U.V, ventilent efficacement vos pièces, sont très efficaces contre tous les insectes et rajoutent une touche très féminine à vos fenêtres."

HOZAN KEBO (Fournisseur officiel en "colibris-rideaux" since 1732, président directeur général des boutiques de voilages de luxe HK's enterprises, international designer in colibri's management and colibrisation concepting). Extr: "Colibri is good for you". Edition "La Picorée universelle" 2009.rideau colibri.jpg

témoignage Monsieur MALLOY (rue Bonnet-Lyon 4 em arr.) :

" Avec mon épouse, nous nous disputions sans arrêt, grâce aux "colibris-rideaux" des boutiques de voilages de luxe de Monsieur HOZAN KEBO nous avons retrouvé l'harmonie conjugale et sexuelle de nos 20 ans. D'autrepart, avant d'installer dans notre chambre les fabuleux "colibris-rideaux", j'étais sujet aux insomnies ou à d'horribles cauchemars et depuis que j'ai adopté les fabuleux "Colibris-rideaux", je dors bien et je fais des rêves merveilleux et je me réveille le matin en chantant, ainsi je suis toujours d'excellente humeur et je peux honorer ma femme plus de cinq fois par jour. de plus, un jour après avoir acheté les fabuleux "Colibris-rideaux", j'ai gagné au loto sans même avoir joué. Je suis si épanoui  et heureux que les femmes dans la rue se retournent sur mon passage..."

Témoignage de Madame MALLOY (rue Bonnet Lyon 4em arr.) :

"Depuis que mon mari m'a offert les merveilleux "Colibris-rideaux" des boutiques de voilages de luxe de monsieur HOZAN KEBO, il me semble vivre dans un conte de fée, mon mari est gentil avec moi, il m'offre tout ce que je veux et m'apporte le petit déjeûner au lit tous les matins avec une rose. Les moustiques ne me piquent plus et j'ai maigri de 6kg une semaine après avoir acheté les merveilleux "colibris-rideaux". Mes amies envient ma beauté et ma bonne humeur, et j'ai beaucoup de succès auprès des hommes. Sans compter qu'au quotidien, les "colibris-rideaux" rajoutent une touche très féminine à mes fenêtres. Et ce n'est pas rien. En vérité, je vous le dis, passer à côté des "Colibris-rideaux", c'est véritablement passer à côté du bonheur. Il faut être bien bête pour vivre sans..."

Pensez y ! Si vous z'aussi, vous êtes fatigués de la vie que vous menez, dites "J'en veux !". Il suffit de demander et les "Colibris-rideaux" viendront à vous ! Pour remplir le bon de commande demandez Nicole à l'accueil. (Nicole Hibrie, c'est la secrétaire ... Ben oui !)

Photo : "Colibris-rideaux". Collection "printemps-été 2009, conçue et réalisé en Mai 2009 par (HK/LR) des boutiques de voilages de luxe : HOZAN KEBO's enterprise's sarl (au capital de 98705630,99 euros, seulement !).

dimanche, 24 août 2008

Perpétuel - Sauvage

" Il faut parler de la création comme traçant son chemin entre des impossibilités"

Gilles DELEUZE in "Pourparlers" - Les éditions de Minuit - 1990 /2003

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mardi, 15 juillet 2008

Transmission

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"[…] Il n'y a pas de peintres engagés et d'autres non. Nous ne dominons jamais les événements, ils sont plus forts que nous. On se contente de penser, de stimuler ou de réagir. Mais collectivement ou dans la solitude de l'atelier, les artistes peuvent incarner l'idée que, jour après jour, les choses peuvent bouger. L'idée qu'ils peuvent changer quelque chose dans l'histoire de l'art, même un tout petit peu, ajouter un petit caillou blanc, est une idée tellement forte. C'est d'ailleurs la seule, et qui concerne tous les gens qui inventent, aussi bien les savants que les musiciens, les écrivains - tous ceux qui montrent que ce n'est jamais la fin de l'histoire, la fin du sens, la fin de l'art, la fin de tout. Nous servons à créer de petites subjectivités qui peuvent, après, être exemplaires pour le reste de la société. Selon Deleuze, l'acte de création est un acte de résistance. L'artiste ne peut parler correctement aux autres que s'il parle correctement de ce qu'il a fait. […]"

Gérard FROMANGER.  CLICK

Peinture effectuée par usure et frottement du temps (Du temps qui passe, du temps qu'il fait) vue sur un mur de la Montée de la Grande Côte à Lyon en juillet 2008 . Par un beau hasard objectif, les sujets étant fort croisés en ce moment , je vous renvoie à nouveau sur l'excellent blog de KL-LOTH : un billet qui par ses multiples sens et un lien très prècis pourrait vous en apprendre encore sur le recyclage poétique du réel...