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samedi, 10 novembre 2012

Vers l'idéal...

L’avenir n’est pas encore venu, le passé est déjà bien loin [...]

Il me plaît de marcher de travers ne gêne pas mes pieds. C’est le moment de laisser faire.

ZHUANG ZI : "Oeuvre de Tchouang-Zeu"

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Adage : Quand les hommes s'en retournent au pays des Anatidés, ça veut dire que l'hiver ne va pas tarder

Bonus : L'affirmation du jour se multipliera sous l'image et la métamorphose sera presque achevée...

Photo : Saisir à la volée du haut (pas trop) d'une falaise lyonnaise (?) une pêche miraculeuse sur les berges du Mississipi qui ressemblent (étrangement ?) à celles de la Saône, par endroits...

 

Mississipi ou presque © Frb 2012

mercredi, 01 août 2012

Volets vers...

CHAMELET : département : Rhône, code postal : 69620, population : 690 Habitants,  Altitude : 337 mètres,  superficie : 14.77 km2 ou 14, 50 (tout dépend les sources)...


chamelet gare.jpg

Chamelet-Village, ce nom résonne comme un bon cru. Les habitants y sont nommés  les Chamelois et Chameloises. C'est un lieu fortifié aux charmes qu'aucun adjectif ne saurait décrire, ce qui tombe bien parce que je n'ai rien vu et comme toujours je dirai tout, pour quelque fantaisie qui hante l'esprit du pérégrin dans ses égarements, à ce passage rapide de la correspondance en ces villes ou bourgades dont on ne parle jamais dans les livres, quand deux minutes suffisent  à rallonger le temps, pour glisser des images et un tas d'impressions plus ou moins pédagogiques. On peut lire à son rythme... je remercie vivement Michèle Pambrun d'avoir inspiré cette exploration, (certes, approximative), en m'invitant via une récente correspondance ici même, à retrouver l'oeuvre de Pierre Bayard dont un livre particulier s'accorde semble-t-il au thème de cette page ; à cette question qui obnubile également certains jours, une tentation de déplacements légèrement improbables : "Comment parler des lieux où l'on n'a pas été ?".

chamelet.jpg

Ainsi, sans bouger du train bleu aux banquettes confortables, j'ai pu visiter à travers l'espace-temps, par les reflets d'une fenêtre passée dans une autre fenêtre, l'ancienne place forte des sires de Beaujeu, jadis un centre de tissage et de blanchisseries de toiles. J'ai remarqué les halles en bois du XVIème siècle et un donjon carré également du XVIem, tout cela admirable. Ensuite, je me suis dirigée jusqu'à l'ancien relais de poste puis, croisant là, le Marquis de Chalosset, il m'invita à boire un cruchon de beaujolais au Château (de Chalosset évidemment). Son cousin Gervais de Vaurion jouait là au tric-trac, comme cela est courant à Chamelet en été, (j'en profite pour vous montrer le tableau de Le Nain où le Comte Gervais de Vaurion figure avec son chapeau à plumes qu'il ne quitte jamais, bref, Monsieur le Comte me montra les vestiges du château de Vaurion, ce fût un moment agréable. Ensuite nous allâmes à l'église contempler des vitraux d'une finesse remarquable datant du XVème siècle, et dans le foin nous nous roulâmes, bénis par les ombrages d'une petite chapelle arborée. Profitant ardemment de quelques secondes encore vastes, après avoir vu la maison natale de l'illustre ingénieur hydrolicien, le Baron Gaspard de Prony, dont le nom est inscrit sur la tour Eiffel,  et dans une rue du 17 em arrondissement de Paris, je batifolais un instant avec un ou deux chamelois, chameloises entre la vigne, les pâturages et la forêt. Mais il ne fallait pas traîner, comme on dit "le train n'attend pas le nombre des années" bien que le temps échappât et que j'y fus installée, (dans le train et ce temps étrangement envolés), douillettement calée et galopant par des forces cosmiques assez inexplicables, impatiente de visiter les pierres dorées des édifices, de battre la campagne jusqu'aux coins les plus reculés de Chamelet, tout en savourant la mollesse de somnoler au frais, vautrée comme tout  passager qui se respecte les pieds posés sur la banquette d'en face. Ceux qui ont fréquenté ce genre d'expérience, sauront que deux minutes suffisent à s'abstraire totalement, pour toucher l'insoucieuse déréalité insufflée par le bruit d'une locomotive à l'arrêt. On se retrouve alors comme rien, étranger à soi-même, hors temps si loin du monde et des êtres continuent à courir dans les villes vers toutes sortes d'objectifs dont la quadrature obstinée nous paraît soudain incompréhensible. Ce n'est qu'une impression, produit trompeur de l'oisiveté qui peut parfois revêtir, (gare ! gare ! c'est un piège !) les mêmes certitudes que la vérité la plus sûre. Moralité: Méfions nous de nos impressions...

chamelet gare poème visuel.jpg

La locomotive toussotant un peu au démarrage, j'y gagnais trente secondes de vitesse hyper lente (qui n'est plus de la vitesse mais une lenteur peut-être plus rapide que la lenteur ordinaire, tout cela difficile à mesurer précisément) puis après avoir exploré de fond en comble, Chamelet, ses alentours, (sans jamais bouger de mon fauteuil, là, j'insiste) je me suis aperçue (avec stupéfaction) que ce qu'on ne mentionne jamais quand on évoque le village de Chamelet c'est le lieu fou de la maisonnette laquelle, très curieusement a pris le nom de gare. A cet endroit qui devient aussi un instant magique, on peut, durant deux minutes s'égarer et le reste s'évase. Ainsi, en contemplant ces discrets joyaux villageois par les fenêtres de la maison du chef de gare, là où s'arrête la modernité, je dus encore me réjouir d'un léger réenchantement des lieux, dans la briéveté du temps qui passe et ne passe pas, devant ces beaux lettrages rouges qu'on croyait disparus, et je vanterai en passant, les bienfaits visuels et spirituels des volets verts, ainsi que la bonté intrinséque des rideaux dits "bonne femme", que l'on glane à des prix imbattables à Lyon, chaque mardi au marché de la colline (qui travaille), on n'exaltera jamais assez l'esthétique de la bonne franquette qui adoucit les moeurs autant que les vins de l'Azergue mettent le palais en sympathie avec la terre... Malgré l'annonce des deux minutes, d'arrêt, (en fait, d'annonce il n'y a pas, c'est au voyageur de faire le calcul et comme le temps moderne est arrêté ce n'est pas mince affaire, à cette heure du départ), il faut être matheux pour demeurer d'équerre sur les rails enfumescents "que nos rêves enfumaient", c'est de L'Emile...  Paisible, je suis restée, à Chamelet, deux minutes égales à longtemps, admettons que ce soit une imitation fort bien faite de l'éternité que je pris pour la vraie, collée à toutes les fenêtres, (ubiquité oblige), sans m'y pencher bien qu'étant fort tentée comme au temps de la lison où l'on pouvait ouvrir à volonté autant que refermer ou tomber de l'autre côté, pour un instant d'inattention,  et mourir dans une cotonnade anthracite, (à lire absolument "les périls colossaux" du philosophe cascadeur, Italien E.P. Sporgersi). Ne pouvant pas entrer le corps dans Chamelet entier (certains détracteurs de Sporgersi ayant cher payé de provoquer l'auteur sur ses mouvants territoires), près de ce quai à trente secondes de ce coup de sifflet d'un chef de gare du genre homme invisible, je voyageais encore dans l'air conditionné d'un wagon de deuxième aussi frais que le petit train des gentianes et après réflexion, je décidais de vous glisser quelques images de l'atmosphère inimitable de Chamelet-gare: une fenêtre par minute...  déjà le train nous presse, mais rien ne sert de courir, en soufflant sur une plume par le vent mythomane, l'oiseau vogueur pourra conduire, éconduire le lecteur de Chamelet à Kharbine en tirant légèrement sur les rails avec ses ailes comme sur un élastique jusqu'à l'oubli certain de nos destinations.

 

 

 

 

 

Nota : Pour voir toujours plus grand, il est recommandé de cliquer sur les images. Pour le titre assez lacunaire vous pouvez complèter ...

Photos : Dans l'ombre d'un train, des fenêtres, les derniers volets vers... peut être. Quelques vues. Tout est là ou plus sûrement ailleurs...

 

Chamelet © Frb 2012

mardi, 06 mars 2012

Ponctualité

Début du printemps,
Je mets ma pendule à l'heure.

l'heure qu'il.JPGMaintenant qu'on a l'éternité, on peut toujours rêver, avec Raoul :

Nous sommes dans le monde et en nous-mêmes au croisement de deux civilisations. L’une achève de se ruiner en stérilisant l’univers sous son ombre glacée, l’autre découvre aux premières lueurs d’une vie qui renaît l’homme nouveau, sensible, vivant et créateur, frêle rameau d’une évolution où l’homme économique n’est plus désormais qu’une branche morte.

Raoul VANEIGHEM in "L'ère des créateurs".

On peut aussi croquer quelques livres d'esprit libre du même auteur, lus et approuvés par la maison (ci-dessous):

http://nouvellerevuemoderne.free.fr/eredescreateurs.htm

On peut encore s'instruire avec Georges un ami de Georges tous deux amis de Georges et de Robert et plus haut, de Roger:

Maintenant, le mouvement de l’horloge donne la cadence aux vies humaines : les humains sont asservis à la conception du temps qu’ils ont eux mêmes produite et sont maintenus dans la peur, comme Frankenstein par son propre monstre. Dans une société saine et libre, une telle domination arbitraire de la fonction humaine par l’horloge ou la machine serait hors de question. Le temps mécanique serait relégué dans sa vraie fonction de moyen de référence et de coordination, et les hommes et les femmes reviendraient à une vision équilibrée de la vie qui ne serait plus dominée par le culte de l’horloge.

Georges WOODCOCK in "War commentary - For anarchism", mars 1944.

Et comme le sujet ne pouvait ignorer ce texte, petit bonus de lecture encore signé Georges Woodcock, "La tyrannie de l'horloge", je vous joins son petit lien salutaire :

http://infokiosques.net/lire.php?id_article=632

Voilà, mes amis, de quoi occuper les prochains jours en belles lectures puisqu'on annonce la pluie, et qu'on ne pourra pas se donner rendez-vous sous l'horloge à point d'heures (sniff, sniff)...

Photo : Le lyonnais, bon marcheur, amoureux de sa ville, et peut-être les autres, reconnaîtront sans doute l'horloge de la rue Grenette située en Presqu'île entre Rhône et Saône. L'instant pur, rare décrochage d'une ville entière et pourquoi pas de ses habitants ? Ou une métamorphose d'un genre éternel ? Un temps sans temps répondra le génie des oisifs qui vit sur son nuage qu'on ne voit jamais et qui sait tout. Hélas, j'émettrai un regret (très personnel, of et hors course) c'est que l'horloge de la rue Grenette ne présente pas son programme aux élections présidentielles 2012, "arrêter le temps", (et là je suis sûre d'avoir raison), ça paraissait pourtant le seul projet enfin sensé pour le pays et surtout le plus émouvant entre tous, afin d'en finir avec les grosses promesses rébarbatives et les formes comptables si peu romantiques.

© Frb 2012.

jeudi, 01 mars 2012

Le temps des jeux

Plus on médite un sujet, plus il s’étend ; on trouve que c’est l’histoire de tout ce qu’on a dans la tête et de tout ce qui y manque : et cela sert d’autant mieux que les idées et les connaissances y sont plus liées ; il part tant de branches, et ces branches vont s’entrelacer à tant d’autres qui appartiennent à des sciences et à des arts divers, qu’il semble que pour parler pertinemment d’une aiguille, il faudrait posséder la science universelle. Qu’est-ce que c’est qu’une bonne aiguille ? Dieu le sait. Le découragement et le dégoût nous prennent, et dans l’impossibilité de tout dire, car il faudrait tout savoir, on se tait ; parti dont la paresse naturelle s’accommode fort bien.

DENIS DIDEROT : "Sur la diversité de nos jugements", extr. "Oeuvres complètes", édition Assézat, IV.

farnienteCF7246.JPG

 

Photo : Les pieds dans l'eau, un peu de paix au coeur du monde, en état de grâce hors saison, saisi d'un pont sur les berges du Rhône.

 

© Lyon, frb 2012

mercredi, 18 août 2010

Sur le banc de la quiétude

Qu'est ce qu'on raconte ?

JAMES SACRE extr : "La petite herbe des mots", (1986), "Si peu de terre et tout". Editions "Le dé bleu" 2000.

Pour découvrir quand et où se trouve la quiétude vous pouvez cliquer sur l'image.banc.JPG

Sur le banc de la quiétude, je me suis assise ce matin, j'y suis restée je ne sais combien d'années, jusqu'à l'heure du coucher du soleil, j'ai pensé à tout un tas de trucs, à tout un tas de machins, sur le banc de la quiétude j'ai pensé.

A l'enthousiasme qui n'est pas un état d'âme d'écrivain, j'ai pensé aux longs chats allongés sur des crêtes, j'ai pensé à tout ce qui peut être l'objet d'un désir honnête, j'ai pensé à la gymnastique, rien qu'à la gymnastique, j'ai pensé aux objets miroitants et fragiles, j'ai pensé à l'amoncellement des volumes informes, j'ai pensé à ce roi qui se couche sur des feuilles après un repas de fruits, j'ai pensé au secret de la beauté, à l'étang lustral, aux lotus, j'ai pensé à l'art d'user des plaisirs, j'ai pensé aux messagers, aux bien aimés, j'ai pensé à ces cages d'escalier, à leur pauvre lumière, j'ai pensé à la transmigration des âmes, aux lucioles et aux vers de terre, j'ai pensé au bateau qui prend forme, aux planchers de sapin usés, j'ai pensé au défi qu'on lance à tous les vices, au repli sans trêve et sans fin, au peuple qui s'engage de son plein gré, sur le banc de la quiétude j'ai pensé.

Midi a sonné à la petite église, il ne m'est pas venu à l'esprit l'idée de déjeûner. Assise sur le banc de la quiétude, j'ai pensé que désormais plus personne n'aurait plus jamais besoin de déjeûner. J'ai pensé à l'arbre de la connaissance, au cloître où sont formé les maîtres, au monstre, à la bête abattue, aux veillées de noël rustiques, j'ai pensé aux fées des roches et des collines, j'ai pensé à la solidité de l'oeuvre, j'ai pensé à la règle bénédictine, aux miradors, aux mirabelles, j'ai pensé au figuier sycomore, aux magnolias, aux immortelles j'ai pensé aux mantilles, à l'évènement ébruité, j'ai pensé aux entrelacs qui se peuplent d'animaux, au spectre de soi qui va et vient entre les murs, j'ai pensé aux âmes des morts ensevelies dans l'étroit cimetière autour d'une église en ruine, j'ai pensé aux hommes visant le gibier, j'ai pensé à l'effeuillement gai, j'ai pensé au rayonnement d'un jour total, au vierge sable osant battre la couche, j'ai pensé aux petites heures et aux grandes heures, j'ai pensé aux livres rangés sur le dos qu'une languette permet d'attraper, j'ai pensé aux confiscations révolutionnaires, à la timidité mortelle. Sur le banc de la quiétude, j'ai pensé.

Je sens que la lumière est moins vive, le jour baisse, assise sur le banc de la quiétude j'ai pensé qu'il devait être plus de cinq heures du soir, j'ai pensé que désormais cinq heures du soir ne voudrait plus jamais rien dire. J'ai pensé que quatre ou cinq c'était comme cinq ou six, j'ai pensé aux chiffres romains, aux racines carrées, aux tables rondes, et au khim, j'ai pensé à l'étincelle en lieu de ce néant, à la main de Damayantî s'en allant vers la capitale du Vidarbha, j'ai pensé à Saint Syméon qui vécut quarante ans sur une colonne, j'ai pensé à l'eau froidement présente, aux grenades entr'ouvertes, aux cloisons de rubis, j'ai pensé à la dispersion et à la perte des livres, aux enluminures romanes et gothiques, j'ai pensé aux moucherons agités qui s'engluent dans la confiture, au rocher que l'on roule devant une porte ouverte, j'ai pensé que très bientôt sur les marchés ça sentirait la mandarine, j'ai pensé aux questions indécises et à la force d'inertie, aux pierres disjointes, j'ai pensé aux intempéries, j'ai pensé à la joie paresseuse, aux perfections des mécanismes, aux gens qui se mordillent la lèvre inférieure avant de se rendre à un rendez-vous, j'ai pensé à la théorie du chaos, aux épaves de la guerre, aux chavirements et aux mouvements de cils d'une biche, aux coeurs qui s'y fient, à l'effacement, j'ai pensé au soleil couchant sur le banc de la quiétude, j'ai pensé.

Le jour décline, je dors couchée sur le banc de la quiétude, j'y dors toutes les nuits depuis près de deux ans et je rêve que je m'assois chaque matin sur le banc de la quiétude, pour penser à des trucs et à des machins.

Nota : Remerciements à Stéphane Mallarmé, Paul Valéry, Etiemble, Julio Cortazar, Boris Vian, Hermann Hesse, Spinoza, et Corneille qui m'ont quand même un tout petit peu aidée (mais pas trop, hein !) pour la rédaction de ce billet. Je dédie le banc de "La quiétude" et même "La quiétude" entière à Christophe Borhen parce que je sais que c'est un endroit qu'il apprécie et enfin, (belle âme !) je dédie "La quiétude" à tous ceux qui en ont besoin (vous pouvez me remercier :)

Photo : Le banc de "La quiétude" n'est pas un tombeau. "La quiétude" est le nom d'une petite maison plus que charmante, (mais je crois que le lecteur aura compris), découverte et photographiée au coeur du bourg de Vareilles, au mois d'Août de l'année dernière, en contrée nabirosinaise © Frb.