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samedi, 03 avril 2010

Le printemps est inadmissible

"When I am not this hunchback that you see,
I sleep beneath the golden hill"

LEONARD COHEN extr. "Avalanche" in "Songs of love and hate" (1971)

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Un rade plein de douceurs atteint de gigantisme, à la terrasse de la Manille, j'ordonne mon bazar de printemps. Le soleil, ce tyran, m'impose son accolade. Je suis bien obligée. Comme chacun, je souris, mais les efforts de cette joie me désincarnent. J'aurais préféré sous la pluie épouser tout le gris, que certains disent "inavouable", me coucher sous un chêne, hiberner pendant l'éclaircie. Ici, je fais semblant de ne pas rouler sous la table. j'enfouis ce plomb (inavouable aussi), dans la note minuscule d'un expresso servi à demi-tasse avec cette noisette enrobée d'un chocolat malade, de couleur marronnasse. Trop pâle pour être vrai. Je paye. Je dis merci.

Dehors, tous butinent. Les affiches sont gaies. L'emphatique propagande happe les plus hostiles ; des jupes fendues, aux produits bio, plantes d'amazonie, miraculeux bronzants à base de jojoba, fluides hydratants (hyper), effet jeunesse (bonne mine), qui s'étalent en vitrine dans les pharmacies (parapharm). Des tulipes prépensées, de tristes myosotis tremblent dans les rocades tels des nouveaux nés à têtes de vieillards bleus, s'accrocheraient aux barreaux d'un berceau d'hôpital, plantes à l'air comme en serre griffant les murs polyvalents de quelque autre antichambre. Le printemps draine ses allergies. Une vague odeur d'ambre flotte rue d'Algérie. J'aurais aimé cueillir l'iris, en planter tout l'exquis dans le coeur du promeneur comme on plante un couteau sur un gigot ami. Oserait-on ?

Pour tenir la saison je récite sans reprendre ma respiration tout l'alphabet de gauche à droite, cela me distrait de l'ennui. Je me suspends au W ce signe blanc, agité d'un éclair. Je coche quelques mots au hasard "givre", "bonnet, "chamois" ou "ski". Et ainsi, les heures passent. Le jour est long, jusqu'à 20H38. demain, 39. J'exile des fleurs sur un manège, et me souviens de ces amants à tête de bouquets garnis qui baguenaudaient la parenthèse, montés sur des escalators, comme sur des échasses, vérifiaient en vitesse, leurs charmes irrésistibles, dans les glaces des grands magasins, où chaque angle toujours renvoie des reflets, mille boules de boites de nuit effaçant ça et là les tourments de nos essayages, ou grossissent démesurément nos humanités ébaubies. La belle saison attendrirait, ces gens, un brin de muguet leur poussera dans la main. C'est écrit.

Bras dessus, bras dessous avec un gusse à l'abordage de la saison du blanc et des soldes à 50% sur l'osier et les chaises de jardin, madame Machin menant monsieur fait ses emplettes. Je gambade en robe champêtre sur une savonnette au citron. J'achète deux piles non-dégradables pour alimenter mes engins, je tire à coup de Pentax sur un tag très anti et à la verticale, entre deux filatures, j'embrasse le répit. Dans 15 télévisions d'un magasin (hyper) un ministre parle de travail. La retraite à soixante dix ans. Et pourquoi pas à quatre vingt ? Et qu'il ne reste pas un seul être inactif sur cette terre. Tout devient possible. Il me tarde...

Il me tarde de partir, d'élaguer ce dédain, de flâner entre Houlgate et Le Havre d'adorer Lambersart, de visiter Maubeuge, loin des collines travaillantes, tuer les courbatures qui hantent la poésie, m'extasier à Limoges devant une soupière en porcelaine, aborder dans les granges la candeur d'une tête de cabri, puis d'aller saluer mon âne qui broute à l'infini avec les yeux battus de l'ange, mi pur, mi crétin, fixant (hélas, je ne suis qu'empathie!), avec toujours le même amour, son brin de bouton d'or.

Que cet étroit sillon couturé de bourgeons nous jette à l'inouï. Qu'un peu d'inattendu s'impose au lieu de cette peau de chagrin trop aimable, forçant le joug au spectacle de nos séductions. Légèreté dite de saison qu'une foule idôlatre cueille en son paradis et, fourrageant sans cesse au pays du soleil, s'en ride le sourire d'une joie grimaçante à en faire pleurer les pingouins. Tout le reste du temps, se cuivre dans les plis, sous ces écrans. Toto, nos hâles nous déterminent. Dans ces midis, préludes à quiches et à pizzas à moitiée croquées et laissées au milieu des pelouses, il nous est interdit tout autant de forniquer que de déposer des ordures. Toute cette solennité, indulgence pour qui renaît (A la ville et l'univers !). Etonnez moi Benoît, pardonnez les péchés et ouste ! qu'on en finisse !

Indulgentiam, absolutionem et remissionem omnium peccatorum vestrorum, spatium verae et fructuosae pænitentiæ, cor semper pænitens et emendationem vitæ, gratiam et consultationem sancti Spiritus et finalem perseverantiam in bonis operibus, tribuat vobis omnipotens et misericors Dominus...

Etonnez moi Benoît ! mais avec d'autres vers ! je sors vite, et m'en vais égayer l'avalanche, peut être y retrouverai-je, la piste des rois mages, le rameau bien caché élu des mondes d'Alceste, et que les franges étincellantes des emballages de papillottes me dispensent de ces saloperies qui nous obligent chaque printemps à devenir plus beaux que nous mêmes. Je me déguise en flou de coquelicot, vêtue de tulle, je crapahute avec des breloques aux oreilles devant les vitrines de sandales de la "halle à sandales", j'achète des bougies parfumées "fraîcheur d'Avril", un truc à fleurs et du senbon, une note de fond à base d'héliotropine, caricature d'un idéal, je ris en portant mes cabas. A la terrasse du Voxx, je croise Fifi, Riri,  bardés d'I.pod, de mp3. On se pète les bises et puis je m'assois. "Comment ça va ? Ché pas. Et toi ? Ca va ! et toi ? Ca va bien !". Le serveur apporte les bières. Les reflets de la "Mort subite" épousent le coucher du soleil. On parle d'allergies aux pollens : cyprès, bouleau, chêne, frêne, platane, du rôle déterminant du vent dans le transport des grains, des yeux rouges qui piquent et de l'action de l'histamine. La conversation bat son plein. Tout baigne apparemment, j'aime mon prochain, on m'aime. Je ne suis qu'amour, et lumière. Au grand secret, je traîne à Tignes, à Chamonix, à 2317 mètres d'altitude, un glacier coule lentement sur ma pente. Entre les Roches rouges et le dôme du Goûter, le glacier des Bossons m'appelle.

Photo : Le printemps n'est pas inadmissible sur la pelouse du Bordel-Opéra. Deux bienheureux en état de grâce photographiés dans la bonne ville. Une idée du centre du monde. Lyon, Avril 2009. © Frb.

jeudi, 11 mars 2010

Albatros et pigeons

J'avais de la grandeur, ô cher Missisipi
Par mépris des poètes, gastéropode amer;
Je partais mais quel amour dans les gares et quel sport sur la mer
Record ! j'avais six ans (aurore des ventres et fraîcheur du pipi !)
Et ce matin à dix heures dix le rapide
qui flottait sur les rails croisait des trains limpides
Et me jetait dans l'air, toboggan en plongeon
C'était le cent à l'heure et malgré la rumeur
Le charme des journaux enivrait les fumeurs [...]

ARTHUR CRAVAN  extr "Langueur d'éléphant" in "J'étais cigare". Editions Losfeld- Le terrain vague. 1971.

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Tous sont revenus ravis de la classe de neige. Ils ont posé leurs moufles, leurs bonnets à pompons, pour amener le printemps au point le plus fondant, albatros et pigeons, du Placebo dans la prothèse, passeront le pont jusqu'aux arbres encore faibles de la forêt Morand, où près du square, en îlots verts occupés par l'interflora faussement passeïste, des amants en chemises bleu blanc beige, achètent les premiers bouquets de jonquilles pour qui là haut les guettent sur la plus haute branche du parc de la Tordette. Mésanges, bergeronnettes. Attendri par les premiers chants qui firent glisser les neiges, partout un solitaire se meurt dans les pollens. Partout des vieilles pies devisent du printemps, partout de la jeunesse couchée déjà dans l'herbe, (ô pelouses interdites !)  se roule des gamelles et des pétards à la peau de banane sèche aux sorties des cours de physique. Melle Pugeolles s'en retourne à l'heure qui est l'heure dans sa petite 2CV violette, corriger son tas de copies, l'analyse d'un poème de VERLAINE. "Les Saturniens", aubaine ! "je vous distribue les enfants, ce polycope bleu, vert, rose ! que veut dire saturnien dans le poème ?" "les ingénues", soleils couchants. Rossignols. Des souvenirs, une promenade obsessionnelle... "Que me veux tu, mémoire ?" VERLAINE plié, poltron, "son chant d'amour est un chant de printemps", les cheveux, les pensées, tout est soumis au vent. Albatros et pigeons font l'école buissonnière. Dans ma tour, ce donjon en mode cadet rousselle, je m'entiche de BUFFON ou COMTE GEORGES LOUIS LECLERC DE.. toute l'histoire naturelle se grave dans la chair blanche et JEAN DORST moud du grain près des cloches.

« La vieille et toujours jeune histoire naturelle n'est pas morte, bien au contraire elle a encore de beaux jours devant elle. Il nous reste encore beaucoup à apprendre avec une paire de jumelles et une loupe, surtout avec nos yeux ! [...]

Voilà nos yeux qui pêlent sous le coucher de soleil vaguement florentin quand les péniches tanguent molles sur le fleuve menteur lèchant les quais du côté du sixième, du sixième sens peut être. Ainsi albatros et pigeons, pourquoi pas hiboux ou corbeaux ? s'éprendront d'un bateau, de 1869, treizième poème des "Fêtes galantes". L'eau reste sombre la pythie de Lugdumum donne des soirées crépusculaires, l'indécision des passagers cède à la flemme. "Arrête de rêver et travaille!" crie mademoiselle Pugeolles, tout en haut de l'estrade où poussent des champs de tulipes rouges et des vivaces hybrides, des pivoines arbusives des pivoines herbacées aux étamines fines "tiges grêles supportant l'anthère, forme aplatie comme un limbe de feuilles" ô Nymphaea ! Voilà que le bateau s'enivre...

"Les fleuves m'ont laissé descendre où je voulais".

ARTHUR CRAVAN prend la relève. Le taureau par les cornes. Le printemps sera intranquille. J'ai des Fortuna bleues en poche ainsi je m'échappe parée. ARTHUR CRAVAN va sous les jupes des filles, renifle, printanier, de son nez aristocratique, puis éclaire ma lanterne mieux que dix soleil d'Août "Chaque fleur me transforme en papillon". Je cours sur la haute route, ce jour est jour de joie, le colosse revient des Caraïbes. Cela fait des mois je l'attends. Albatros et Corbeau vadrouillés de Boeing, traversent le pont Morand. Aux pas pesants, leurs grosses bottines épousent un goudron solidaire sur lequel tous mentalement ne cessent de s'envoyer en l'air.

Entraîneur aimantant albatros et pigeons,
à cette allure folle, l'express m'avait bercé
Mes idées blondissaient, les blés étaient superbes,
Les herbivores broutaient dans le vert voyou des près
J'étais fou d'être boxeur en souriant à l'herbe.

Un grand type inquiétant, bûcheron dans les forêts trace à grands pas la buissonière : " Dans la nature, je me sens feuillu, mes cheveux sont verts". Je suis ... Je suis. L'autre Arthur, qui trace la ville, malade de ne pas être plus loin à chevaucher peut être, des girafes et des éléphants, ou tout simplement, la donzelle, Madame DELAUNAY en personne épouse de...

"Je ne prétends pas que je ne forniquerai une fois madame DELAUNAY, puisqu'avec la grande majorité des hommes je suis né collectionneur [...]"

"Ah nom de Dieu ! quel temps et quel printemps !"

Photo : Pigeons ou albatros longeant le bordel-Opéra et ses loupiottes venimeuses (hors champ) ; juste avant de passer le grand fleuve sur un(e) mode jeune à l'éveil du printemps. Photographiés en Mars 2010 à Lyon. © Frb

dimanche, 07 mars 2010

Singerie du Mail

Les fleurs ouvrent leurs corolles
Dans le ciel un oiseau-souris
Le soleil fait son parasol
la Denise nettoie ses tapis
Le cyclamen, la renoncule
Font la roue dans le jardinet
Il y a des froids qui s'en reculent
Et des chaleurs qu'on sent monter
On met du rose sur sa figure
Et du bleu et puis du violet
Pour plaire et avoir fière allure
Car le printemps sera très gai.

MADELEINE LACROIX : Extr : "Le fardeau ivre". Préfacé par Guy Dubord (PDG de la Scala de Vaise). Editions Dupanier. Vaise 2009.

singerie.JPGA noter que le 20 Mars à 15H30, Madeleine LACROIX récitera ses poèmes salle Rosemonde Gérard, au 8 allée Jean Rochefort dans le 9em arrondissement de Vaise (Prendre troisième rue à droite, juste après l'Hyper Rion Géant, face à la station essence Esso). Madeleine LACROIX sera accompagnée par la Denise à la flûte traversière. Le récital sera suivi d'une séance de réflexion et d'un débat animé par Guy Dubord sur le thème "Quelle place pour le printemps en 2010 ?". Cette animation-réflexion sera elle même suivie puis précédée d'une soirée de gala intitulée "le grand bal du Printemps 2010", animée par l'orchestre pop "Décontraction". Un mini-bus emmènera les participants à la Scala de Vaise pour une soirée prestigieuse. Venez nombreux. Inscription gratuite auprès du syndicat d'initiative de Vaise, (demandez Marie-Claude à l'accueil).

Prix d'entrée : Cent vingt deux francs cinquante. Les bénéficiaires de la brioche et des boissons seront reversés au club de gymnastique poétique "Les gymnapoésies" qui donneront une séance de démonstration sur des poèmes d'Aragon le 22 Avril 2019 à 20H00, au N° 3 avenue Yves Rocher à Dardilly dans les locaux des magasins "Phildar Rhône-Alpes". Mais je vous en reparlerai... Faites moi penser, si j'oublie.

Photo : A quelques jours du printemps, on a croisé les demoiselles de la colline (Melle Lacroix et Melle Pinturault rudement sacochées) en grand péché de coquetterie, flagrant délit, et tentations, rêvant devant des robes chasubles, toutes autres folies vraiment olé olé, débardeurs en jersey (sans manches oh ! my god !). Oseront-elles ? Photographiées, on va dire au hasard, rue du Mail, (toujours imitée jamais égalée), en plein coeur de la Croix-Rousse à Lyon,par le Riri et son instamatic Kodak en Mars 2010. © Le Riri (avec l'aimable participation de la maison kodak).

lundi, 11 mai 2009

Allez un pt'i coup de blanc !

Aujourd'hui à Lyon, le blanc était mis...

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Pour ceux qui veulent un p'ti coup de rouge


IL FAUT ALLER ICI


Un air de vieille romance et d'élégance classique passe sur les grands boulevards, côté mairie en revenant de "la soierie". (Je ne suis pas tout à fait sur la ligne blanche, juste cachée derrière l'arbre). C'est ce qu'on appelle au pays des Canuts (et des Canettes) : "une filature charmillonnée"...

Entre blanc de Conille et rouge de Lutèce, à vous de choisir. Mais peut-être est-il préférable, (pour la santé) d'envisager le p'ti coup de rouge avant le blanc. Comme dit le proverbe :

"Blanc sur rouge, rien ne bouge. Rouge sur blanc, tout fout l'camp."

Fin de notre interlude. C'est tout pour aujourd'hui.

http://www.deezer.com/track/291132

Photo : La "blanche" vue un lundi (Jour terrible du sans-marché) sur le plateau de la Croix-Rousse à Lyon. Mai 2009. © Frb.

jeudi, 30 avril 2009

Après après-demain, dans cent ans et plus...

"Je suis amoureux de la peinture depuis que j'ai pris conscience de son existence, à l'âge de six ans. J'ai fait quelques tableaux que je croyais très bons quand j'ai eu cinquante ans, mais rien de ce que j'ai fait avant l'âge de soixante-dix ans n'avait aucune valeur. A soixante-treize ans j'ai fini par saisir tous les aspects de la nature : oiseaux, poissons, animaux, arbres, herbe, tout. Quand j'aurai quatre-vingts ans j'irai encore plus loin et je posséderai vraiment les secrets de l'art à quatre-vingt dix. Quand j'atteindrai cent ans mon art sera vraiment sublime, et mon but ultime sera atteint aux environs de cent dix ans, lorsque chaque trait et chaque point que je tracerai seront imprégnés de vie."

HOKUSAÏ  (1760-1849) "Le vieillard fou de son Art" (Postface aux "Cent vues du Mont Fuji)

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En septembre 2008, je vous avais promis une suite au billet célèbrant brièvement HOKUSAÏ : "le Poète fou de peinture" (Voir ICI) ou "Vieillard fou de son art" ou encore "Vieux, fou de dessin". Vous verrez, plus loin, que les traductions de ce texte très connu ne manquent pas... Dans un premier temps, j'avais plutôt le projet de tenir ma promesse autour du printemps 2098 (procrastiniotat oblige) avec, peut être une suite, plus affinée au cours de l'année 3008, mais vues les circonstances inquiétantes (ce soir, de niveau 5), je me dépêche (vite ! vite ! vite!) de vous livrer ce petit brouillon du 30 Avril 2009, tout autant qu'un extrait de promesse, (c'est ce que vous voyez sur la photo l'arbre à promesses en train de naître), sachant que tout cela ne demande qu'à traverser deux ou trois siècles pour toucher ne serait-ce qu'une infime seconde de félicité.

HOKUSAÏ KATSUSHIKA ou HOKUSAÏ, (comme chacun sait), fût probablement le meilleur peintre et dessinateur japonais de sa génération, celui dont la renommée traversa les continents. L'artiste croqua la vie, l'éternité, l'espace, les choses, les relations des hommes à la nature et plus encore... Il fût aussi graveur, auteur de récits populaires japonais et peintre spécialiste de l'Ukiyo-e qui est un terme japonais désignant le monde flottant. Un terme appliqué durant l'époque d'EDO (1605, 1868), qui désignait l'estampe et la peinture populaire narrative. Ce genre, d'abord considéré comme vulgaire par sa représentation de scènes quotidiennes (voir ICI) connût un grand succès en occident après l'ouverture forcée du Japon sur le monde extérieur en 1868. Paradoxalement HOKUSAÏ, qui était pourtant un artiste du peuple, mourût presque ignoré, sinon méprisé de la classe aristocratique. En Europe il fascina de nombreux artistes, dont GAUGUIN, VAN GOGH et CLAUDE MONET. Ce  qui engendra un courant artistique appelé "LE JAPONISME". Le peintre HOKUSAÏ signa parfois ses oeuvres (à partir de 1800) par la formule "Gakyôjin" = "le fou de dessin"...

Et pour comparer un peu les manières de traduire cette "postface aux cent vues du Mont Fuji", ou sublime projet de vie artistique bien remplie ; je vous propose une autre mouture du même texte, bouclant la boucle d'une promesse dont je me demande si elle ne trouverait pas matière à se prolonger d'ici quinze à trente ans voire peut être plus tôt... (Quinze à trente jours ??? Je n'ose telle imprudence ...) Enfin vous verrez bien. D'abord bouclons la boucle. La première version ci-dessus est elle même citée par HENRY MILLER au tout début du livre "Big Sur et les oranges de Jérome BOSCH" succédant à deux autres citations l'une de THOREAU, l'autre de PICASSO. Celle qui suit, je ne saurai plus vous dire dans quel livre je l'ai trouvée, mais elle me paraît moins limpide, plus emberlificotée. A vous de voir... Les mêmes propos dans un tout autre style. donc d'un tout autre effet. Est ce qu'une même matière de réflexion autrement dite, produit une autre réflexion ? (that is the big question) :

"Depuis l’âge de six ans, j’avais la manie de dessiner les formes des objets. Vers l’âge de cinquante, j’ai publié une infinité de dessins ; mais je suis mécontent de tout ce que j’ai produit avant l’âge de soixante-dix ans. C’est à l’âge de soixante-treize ans que j’ai compris à peu près la forme et la nature vraie des oiseaux, des poissons, des plantes, etc. Par conséquent, à l’âge de quatre-vingts ans, j’aurai fait beaucoup de progrès, j’arriverai au fond des choses ; à cent, je serai décidément parvenu à un état supérieur, indéfinissable, et à l’âge de cent dix, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant." (Ecrit, à l’âge de soixante-quinze ans, par moi, autrefois Hokusai, aujourd’hui Gakyo Rojin, le vieillard fou de dessin".)

Photo : L'arbre à promesses en ce jardin ... Attendez un peu qu'il fleurisse. Vous allez voir ce que vous allez voir ! Avril 2009. © Frb.

Après demain, un autre jour...

"Une vie immense, très lente, mais terrible par sa force révélée, émeut le corps formidable de la terre, circule de mamelons en vallées, ploie la plaine, courbe les fleuves, hausse la lourde chair herbeuse.
Tout à l'heure, pour se venger, elle va me soulever en plein ciel jusqu'où les alouettes perdent le souffle."

JEAN GIONO. Extr. "Colline". Ed. Grasset, coll. "Les cahiers rouges".

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Si demain fût annulé, il n'en n'est pas de même pour hier et après-demain... Comprend qui veut ! si acrobatiquement on peut encore tracer un sillon quelquepart entre ces deux points (temporels) qui ne seraient ni aujourd'hui, ni demain, je veux dire qu'on pourrait peut-être se trouver (toujours quelquepart) entre hier et après demain, n'est ce pas ?... C'est pour cela que l'endroit (temporel !) s'apellerait "certains jours" au pluriel, ce qui permettrait quelques petits arrangements situés (encore quelquepart) entre les présents, les absents, ou bien entre deux trains, entre le graff et le crottin, l'architecture de Jean NOUVEL et l'épicéa centenaire dont cinq bras d'hommes ne parviennent toujours pas à faire le tour (hélas, de ce bois là, je n'ai pu vous ramener d'image, car le bel arbre classé, mais très peu visité est planté au coeur d'une forêt effrayante et profonde, la lumière ne l'effleure pas sinon en ses sommets, (mais je n'ai pas encore le courage, ni la souplesse de risquer ma vie pour ce blog). Cela dit, je crois bien que l'Ami Alceste, y conçoit ses quartiers d'hiver... Un sillon, un passage, une faille spatio-temporelle d'où je reviens sans savoir encore à cette heure si je suis vraiment arrivée. Mais si demain est annulé, j'ai ramené pour après demain quelques fragments d'hier : la naissance du printemps en bas de la colline, ça a l'air mais ce n'est pourtant pas, la légende de cette photo, ce sera celle des photos à venir, (un texte explicatif qui commente une photo que vous ne pouvez pas voir, (pour mémoire : une légende, au sens propre est un petit récit mêlant le réel au merveilleux, celle qui, (si ça se trouve), est dans l'oeil du lecteur qui fait sa petite histoire en regardant des images. Mais il ne s'agit pas du tout de celle là, (l'anglais dit "Legend"). Il s'agit plutôt d'une légende ordinaire au second sens tout propre aussi du terme c'est à dire : un petit texte commentant une iconographie (l'anglais dirait "caption"). Tout le monde avait compris je crois ;-) Un domaine qui m'est cher, appelerait cela "L'expérience du désordre" = se retrouver ici sans être tout à fait revenue de là bas. Le retour paraît bordélique. Coller une légende aux photos qui n'existent pas, (Pas encore...). Nommer "Certains Jours", les jours les plus incertains qui soient. Expliquer aux lecteurs des choses qu'ils savent déjà et promettre des choses toujours...  Promettre, on sait, mais des choses qu'on ne sait pas. Et GIONO dans tout ça ? Et bien "Colline" n'a pas grande  similitude avec cette photo. (ah si ? le petit bout de colline dira l'observateur sagace, c'est ma foi vrai !) non, mais sans rire, il faut se méfier des apparences ;-) la "Colline" de GIONO c'est beaucoup plus "sanglant" que ça; d'abord dans sa "Colline" il y a le drame de l'eau : parce qu'une source tarit, un hameau est menacé de mort... Alors que mon hameau, (cf. notre photo) il n'est pas menacé de mort. Enfin, pas en apparence. Car si l'eau de notre puits (qui nous vient des sources ancestrales du plus haut d'une autre montagne), semble limpide et transparente comme le plus pur des ruisseaux du premier jour du monde (cf. notre photo, hors champ), malheur à l'imprudent qui s'amuserait à boire cette eau ! Nous avions reçu un relevé d'analyse il y a cinq ou six ans... Nous avions lu, horrifiés ; c'était marqué en gros en rouge et souligné trois fois :"impropre à la consommation", une source inépuisable, qui traversant les siècles, ne fût JAMAIS impropre, (il est vrai qu'en ces temps reculés le mot "consommation n'existait pas), enfin, pour dire... Personne jusqu'à ces dernières années n'en fût empoisonné... Je vous épargne la liste des produits, plutôt chimiques, détectés dans cette eau (une histoire cochonne de pénétration et de nappe phréatique)... Tous les gens du hameau (7 ou 8 ) durent très vite, entamer les travaux pour raccorder tous leurs tuyaux à la javel municipale, personne n'osa trop protester, puisqu'en sulfatant leurs champs d'engrais et autres pesticides, les paysans s'étaient eux mêmes (disons à l'insu de leur plein gré) privés de leur belle eau de source (pourtant gratuite!). Quant aux ruisseaux magnifiques qui traversent forêts et prairies, ils sont devenus décoratifs, ils ont l'air purs, on tente bien de s'agenouiller au plus près de cette eau, mais on ne porte pas aux lèvres, même si ce n'est pas marqué sur le ruisseau, c'est comme une intuition qui court partout. c'est comme manger des fleurs, maintenant, ça nous ferait peur...

Fin de la digression concernant le drame de l'eau (et des fleurs). GIONO donc, et "Colline" (pour ne pas oser l'injonction: "lisez ce livre !" enfin faites comme vous voulez mais lisez ce livre!). Il raconte qu'il y a une épreuve dans le hameau, un incendie qui éclate et recrée la solidarité entre les hommes... Bien sûr, dit comme ça, voyez, personne n'aura envie de le lire ce livre... Voilà comment on bousille les auteurs en voulant résumer leurs livres... Parce que ce n'est pas ça l'important. L'important c'est que GIONO il était parti pour faire un roman et qu'au final il s'est retrouvé avec un grand poème qui grouille et qui fourmille avec une terre et puis des hommes dedans GONDRAN, JAUME , MAURRAS, et leurs femmes, GAGOU (un simple d'esprit)... GONDRAN qui tue un lézard et se met à penser que la nature est toute puissante, il en parle à JAUME et ça prend des proportions inouies et puis un matin JAUME voit un chat noir (chaque fois qu'il a vu un chat noir, c'était deux jours avant un grand malheur). L'endroit s'appelle "les bastides blanches"... Des signes annoncent le malheur. Et le malheur si redouté arrive. Tout à coup la fontaine du village cesse de couler et le chat reviendra encore porteur de mauvaises nouvelles... Et j'en oublie presque le plus beau, le doyen JANET qui dans sa fièvre "déparle" et tient d'étranges et méchants propos comme si les bêtes, les plantes, les rochers la colline parlaient à travers lui. Ce qu'il dit finit par faire peur. Le hameau se trouve éprouvé. La nature semble résister aux hommes. tandis que la mort rôde. JANET poursuit son chant de malédiction... Mais chut ! je n'en dit pas plus. Pour ne pas réduire et casser par des mots; toute la verve hallucinée, le sang et le feu, cette terre comme un être insatiable exigeant des hommes son dû. "Colline" on pourrait en parler des heures, le style y est incomparable, on retrouve aussi ce vertige, cette sensualité toute brute, l'humain à fleur de peau, dans les deux autres volets de la "Trilogie de PAN" (dont "Colline" est le premier, avant "Un de Beaumugnes, et "Regain", tous deux sublimes). Peut être "Colline" s'écoute t-il ? Peut-être, ne pourra t-on jamais tout à fait exprimer le rendu d'un chant par des mots ? Voilà tout l'indicible du récit de Giono: sa musicalité...

Quant à notre colline à nous, elle est sans cigales et plus douce que les "bastides blanches" du vieux Jean. Je vous promenerai en images, puisque je suis encore temporellement là bas entre hier et après demain, par les arbres et par les chemins où le silence est comme un rêve. Et puisqu'il n'y a plus de demain, nous pouvons d'ores et déjà nous installer aujourd'hui dans le mois de Mai qui nous plaît. Enfin libres ! au revoir Avril ! rangé, le fil jusqu'à Septembre...

Nota: Je remercie tous les lecteurs z'et lectrices, commentateurs z'et trices qui ont eu la délicatesse de continuer à visiter ce blog malgré l'absence de nouveaux billets. Merci encore vraiment... Je trouve ça bien chouette.

Photo : L' Alcestienne révérence à la colline de pins, qui doucement borde une montée, jusqu'au village de Montmelard (le bien nommé). Vue de loin, au milieu des champs, du hameau dit de "Vicelaire", un certain jour je chercherai pourquoi on appelle ce hameau "Vicelaire" et viendrai vous dire toute la vérité sur ce très vilain nom de hameau. (Promettre toujours promettre !). Avril 2009.© Frb

mardi, 14 avril 2009

Ici bas...

"En pleine mer
Vers les quatre-vingts îles
A la rame je vogue.
Dites le au pays,
Bateaux de pêcheurs !"


ONO NO TAKAMURA (802-852) in "Anthologie de la poésie japonaise classique". Ed. Poésie/ Gallimard. Unesco 1971.

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Un peu plus intimiste que le lac de LAMARTINE, beaucoup plus chatoyant que l'étang de Montrouan, voici un coin gentil où j'ai choisi de vivre. Sur ma barque, au printemps...

 

Gabriel Fauré "Ici bas" op 8 N° 3

podcast

 

Photo : Parc de la tête d'Or. Entre la grande allée pas si loin de la roseraie, et le lac romantique (celui de Lamartine) juste un petit chemin sous les ombrages, avec vue sur le pacifique. Lyon. Avril 2009. © Frb

vendredi, 10 avril 2009

Roses meringues

mt fleurs gr cote.JPGVoilà ce que nous avons commandé au Grand Pâtissier de Cocagne. Une pastelle friandise qui se mangera des yeux bientôt. (Des yeux seulement !)... Le colis sera livré au mois de Mai, et les friandises installées dans le plus grand secret à une date précise qui se révèlera bien d'elle-même. Cela commence même un peu à se savoir. Et certains vont déjà, discrètement, goûter et caresser leur pente.

Autres roses, autres meringues (pour les gourmets) voir ci dessous:

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/12/18/mo...

Vraies roses pas roses mais dorées à l'or fin (pour la douce folie printanière (celles-ci prévues courant Mai/Juin à la petite Roseraie du Parc) à voir encore ci-dessous:

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/05/27/ce...

Et puisqu'il n'y a jamais de choses tout à fait roses, la chanson est ici : Des fleurs avec du gris  ↓

http://www.deezer.com/track/2642575

Photo: Aperçu, (en avant première) des vergers de la Grande Côte. Roses meringues, croisées loukoums. C'était en mai l'année dernière et ce sera en mai, cette année. La même livraison tout sucre, aux mêmes teintes de roses. Bonbons volages; douce folie du gourmand printanier. Vues aux jardins. Montée de la grande Côte, sur les pentes de la Croix-Rousse. Lyon. Mai 2008. © Frb

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vendredi, 03 avril 2009

Enfiler des perles...

"Avril dont l'odeur nous augure
Le renaissant plaisir,
Tu découvres de mon désir
La secrète figure"

PAUL JEAN TOULET  Extr. "Les contrerimes" in "Paul Jean TOULET qui êtes-vous ?" par Pierre-Olivier WALZER . edition "La manufacture". 1987.

perlus.JPG

Aucune loi n'existe qui postule nécessairement la participation des poètes aux remous des évènements et qui exige d'eux qu'ils chaussent quotidiennement le cothurne pour voler au secours d'un monde en perdition. Paul VALERY dît à ce propos :

" A chaque terrible époque, on a toujours vu un monsieur assis dans un coin qui soignait son écriture et enfilait des perles "

Au plus fort des guerres de religion, RONSARD s'il lui arrive de lancer l'anathème contre quelque ministreau de Genève, entreprend clairement de chanter les charmes (douteux d'ailleurs ;-) d'HELENE DE SURGERES et c'est pendant que crépitent les mitraillettes de Verdun que naît l'intemporelle beauté de "la jeune Parque" . Dans le même temps P.J TOULET polit ses contrerimes (patience ! nous y reviendrons). Jusqu'en 1920 (date de sa mort), le poète restera un homme de 1900. Il est vrai que le siècle avait fort bien commencé. 1900,  Luxe emplumé, légereté oisive, après les années de pénitence qui suivirent la défaite de 1870, Paris reprend goût  à la vie, à ses plaisirs, à ses déboires. le commerce français prospère, les étrangers affluent à l'exposition, le modern style triomphe. La littérature qu'on lit est représentée par A. FRANCE, ZOLA, BOURGET, BARRES, COPPEE, CAPUS, PREVOST, MIRBEAU, BRUNETIERE, LEMAITRE et l'on ne met personne au dessus de ROSTAND. L'écriture artiste étale ses prétentieux enchantements dans les oeuvres de Jean LORRAIN ou du SÂR PELADAN. Ailleurs, DOSTOIEVSKI, TOLSTOÏ, IBSEN, BJÖRNSON, NIETSZCHE sont sur le point d'être promus écrivains. Quant à la littérature qu'on ne lit pas, elle trouve refuge dans les revues, ("La Plume", L'Ermitage", "la Vogue","L'Occident", "Le festin d'Esope", "Le mercure" ) où se découvrent les signatures de P. FORT, FAGUS, P. LOUŸS, GIDE, APOLLINAIRE et tout ce qui comptera en 1925. L'importance de la révolution qui impose le règne de la machine et qui reste le plus angoissant problème du siècle échappe complètement à P.J TOULET de même que les problèmes sociaux qu'elle a engendrés. La première Panhard roulant dans les rues de Paris n'est pas un spectacle amusant pour lui, et le premier coup de canon de la guerre de 1914 ne lui donnera pas non plus l'impression d'entrer dans une époque nouvelle. Il a beau mettre dans ses vers "La laideur sans espérance de la tour Eiffel", les bars, les taxautos (ce fût le 1er nom des taxis) ce ne sont là que des touches de modernisme vaguement utiles à son art. Le pittoresque le touche plus que l'essentiel, et il se refuse à chanter les couplets louant le génie inventif de l'Homme, tout comme à tenter de deviner les pesantes questions que posera aux habitants de la planète le déclenchement de l'ère mécanicienne. Pourtant il vit la fin d'une époque. Les solides pharisaïsmes, les cadres sociaux rigides hérités du XIX em siècle sont sur le point de se fissurer mais tout se passe comme si PAUL-JEAN TOULET ne s'en apercevait point ...

"Comme je lui levais sa jupe, curieux
De voir son bas plus rose où le jarret l'affleure
- "Fumez plutôt, mon cher. Fleurter ce n'est pas l'heure ;"
Me dit -elle immobile, et "soyons sérieux"...

Photo : Fleurtons... Enfilons, premières perles (roses) du printemps, celles qui sont sur les arbres fruitiers, tandis que le monde agonise... Vues tout près du chateau du Marquis de Montrouan (un ami du cher Carabas) dans le brionnais en ce beau mois d'Avril 2009.© Frb

Notes : d'après P.O. WALZER "Paul-Jean TOULET qui êtes vous ?"

jeudi, 02 avril 2009

La chose et les carnets

"L'amant est attiré par l'objet aimé, comme le sens par ce qu'il perçoit ; ils s'unissent et ne forment plus qu'un. L'oeuvre est la première chose qui naît de cette union. Si l'objet aimé est vil, l'amant s'avilit. Si l'objet avec lequel il y a eu union est en harmonie avec celui qui l'accueille, il en résulte délectation, plaisir et satisfaction. L'amant est-il uni à ce qu'il aime, il trouve l'apaisement ; le fardeau déposé, il trouve le repos. La chose se reconnaît avec notre intellect"

LEONARD DE VINCI. Extr "Carnets, tr. * 9a in LEONARD DE VINCI "Prophéties, précédé de philosophie et aphorismes", traduits de l'italien par Louise Servicen. Editions Gallimard 1942.

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Voilà donc, sur la trame de nos parcours tendres, le secret révélé en cette courte phrase achevant mine de rien l'impertubable logique amoureuse de ce bon Léonard ( Homme pratique, pas fleur bleue pour un sou), si nos lecteurs, lectrices, s'en désolent, ils se consoleront bien vite en cliquant une fois sur l'image :

"La chose se reconnaît avec notre intellect"

"-Quoi, quelle chose ?" me répondit Rosie Pomponnette quand je lui certifiais (en revenant bredouille d'une soirée "Cerceau Disco" donnée au Macumba" de Vaise), que l'intellect (voire l'intellectuel ;-)) était un facteur érotique, tandis qu'elle relevait doucement ses jupons sur une diabolique guêpière, dans l'unique but de se faire emmener en Vespa par Léonard... Sans se soucier d'affinités (intellectuelles bien sûr!). "- Quoi ? L'intellectuel est un facteur ? J'comprends rien !" grogna t-elle en grimpant joyeusement sur le porte-bagage du scooter ailé de Léonard ("ailé", oui. Léonard aimait bricoler il avait customisé son scooter, et greffé méticuleusement des ailes de chauve-souris géantes derrière la selle qui pouvaient se déplier à mesure que l'engin prenait de la vitesse)  Pendant ce temps là, la phrase, fameuse et belle, faisait son chemin dans ma tête. Evidemment je ne savais pas que cet homme, ce génie de la Renaissance avait énoncé la chose avant moi. "- quelle chose ?" demanda encore Rosie Pomponnette tandis que Léonard faisait ronfler le moteur de son puissant scooter, non seulement ailé mais pourvu d'un moteur d'avion "Antoinette" à huit cylindres avec refroidissement par évaporation, (celui là même qu 'ALBERTO SANTOS DUMONT utilisa pour la première fois en 1906)...  Mais je fus bien ravie de le lire noir sur blanc que "La chose se reconnaît avec notre intellect" trois fois, oui ! (cela s'appelle enfoncer le clou). Ainsi, je décidai de finir la nuit seule, à parcourir ça et là, la traduction de quelques uns des carnets du peintre et savant . Des manuscrits curieux dans tous les sens du terme, au format et au contenu varié, certains si petits qu'ils se glissent comme rien dans une poche (les grands malades atteints de carneïte aigue, et Dieu sait qu'ils sont nombreux ! apprécieront, les pick pockets en rêveront...). Ces carnets contiennent des notes, des croquis, des ébauches de traités sur toutes sortes de sujets dont certains n'ont pas encore perdu leurs mystères. La bibliothèque de L'institut de France en a conservé douze datant de 1487 à 1508. Ces carnets sont écrits en italien mêlé de dialecte Lombard et l'écriture en est inversée (on appelle ça une écriture "spéculaire" ou en miroir, sans rapport avec notre "nolbe et marchant Charmillon"), elle se lit de droite à gauche car LEONARD était gaucher. A la fin du XVIII em s., ces carnets furent distingués au moyen de lettres de A à M qui les caractérisent toujours. Quelques 13000 pages d'écritures et de dessins, des notes mises à jour quotidiennement, et aussi durant ses voyages. L'artiste observait le monde. Fier et conscient. Il se définissait lui-même comme "un homme sans lettres". Plus étonnant, on y trouve, aussi ses listes de commissions de quelconque épicerie, ou notes à l'usage de ses débiteurs. Des compositions de peinture, des études de détails et de tapisserie,des études de visages, d'émotions, des animaux, des dissections, des études botaniques, géologiques, mécaniques, des machines de guerre, des machines volantes et des travaux d'architecture. Ces carnets, initialement "feuilles volantes" (ça laisse songeur, non ?) furent légués à ses amis puis compilés (sous différentes formes de carnets après sa mort) ils ont trouvé leur place dans des collections importantes (au chateau de Windsor, au musée du Louvres, bibliothèque Nationale d'Espagne, bibliothèque Ambrosienne de Milan etc ...). Ces carnets auraient pu être destinés à la publication, car le mode d'organisation semblent avoir été conçu pour en faciliter l'édition et la raison pour laquelle ils n'ont pas été publiés du vivant de VINCI n'est pas vraiment connue, mais certains estiment que la société de l'époque n'était pas prête à les recevoir, notamment L'Eglise qui aurait été fort choquée par les travaux anatomiques.

"(…) Mais j’ai voulu aussi passionnément connaître et comprendre la nature humaine, savoir ce qu’il y avait à l’intérieur de nos corps. Pour cela, des nuits entières, j’ai disséqué des cadavres, bravant ainsi l’interdiction du pape. (…) Ce que j’ai cherché finalement, à travers tous mes travaux et particulièrement à travers mes peintures, ce que j’ai cherché toute ma vie, c’est à comprendre le mystère de la nature humaine (…)" LEONARD DE VINCI. Extr. "Carnets".

La nuit passait. Le jour se levait presque. J'en étais là de ma lecture, quand j'entendis claquer la porte, et vis entrer presque aussi vite mon amie Rosie Pomponnette en larmes. "Hé bien Rosie ! que t'arrive-t-il ? Je croyais que tu passais la nuit chez Léonard. (lui dis je). Rosie (les bas en tire-bouchon, et la guêpière aussi) me regardait tristement : "Leonard c'est un gros connard ! j'ai tout essayé tu sais, j'ai dansé, j'ai chanté, j'ai relevé mes jupons, et puis même la guêpière, un con! rien ne l'interessait. Et au lieu de ça, tu sais quoi ? il m'a montré, "une tondeuse pour drap de laine!" qu'il avait dessinée pis des "shémas de roulements à bille" ! j'te jure ! et le reste de la nuit,  il m'a parlé de "la rotation de l'aile de l'oiseau quand un oiseau vole par rapport au vent"... Pis là, j'ai baillé, il l'a vu, il voulait me dessiner en train de bailler j'ai dis non, pis voilà."

Je refermai patiemment les "carnets" un à un, en choisit un et le tendit doucement à Rosie Pomponnette: "Tiens, tu devrais lire ça!" puis je lui montrai le passage, celui qui parle de "la chose": "L'amant est attiré par l'objet aimé ..... délectation, plaisir , satisfaction etc ... Une fois le fardeau déposé... gnagna" puis je lisai la dernière phrase à haute voix:

"La chose se reconnaît avec notre 'intellect"...

Rosie acquiessa, en secouant d'un hochement les dernier kikis roses qui rebiquaient autour de la grosse couette qu'elle s'était faite au sommet de sa tête. Elle essuya, tout en reniflant, avec son mouchoir "Snoopy", sa dernière grosse larme. Il y eût un long silence. J'entendis un bruit de plastique de petite quincaillerie douce, (le bruit que toute fille fait quand elle fouille dans son sac à main") et Rosie Pomponnette en sortit son portable très joliment pourvu d'une housse en forme de coeur "Naf Naf"... Elle avait l'air, (grâce à la phrase de l'inventeur, pensai je) tout à fait éclairée.

"ben ouaich! elle est mortelle c'te phrase ! chui trop conne, t'as raison ! j'vais changer de fringues et je vais vite rappeler Léonard !" puis elle courût guillerette, dans sa chambre pour chercher son body lamé et ses baskets à talons ; sous l'oeil mystérieux de Mona au salon qui comme toujours ne pipait mot...

Abréviation : tr * = Codice Trivulziano.

Photo : Les toutes premières fleurs en émoi printanier bordant la forêt Brionnaise, pas très loin de l'étang des clefs... (Et qui n'ont pas besoin de l'intellect pour se faire remarquer ; Elles !). Avril 2009 © Frb

mardi, 24 mars 2009

Mon nom est personne (s)

"L'effarante réalité des choses
est ma découverte de tous les jours
Chaque jour elle est ce qu'elle est,
et il est difficile d'expliquer combien cela me réjouit
Et combien cela me suffit."

FERNANDO PESSOA. Extr. "poèmes désassemblés" in "Le gardeur de troupeaux et autres poèmes d'ALBERTO CAEIRO". Traduction Armand GUILBERT. Editions Gallimard 1960.

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Fernando PESSOA, était un homme "riche d'humeur, tout à la fois obscur et rayonnant" (cf. Le biographe). Le poète se définit ainsi lui même :

"Je ne suis rien n'est pas une parole complice du pauvre Job mais un rappel de ce "Nada" ibérique, qui est au principe de l'être et à sa terminaison"

Trois vers après le "Je ne suis rien" survient une antithèse :

"Je porte en moi tous les rêves du monde"...

F. PESSOA est un nom qui dans sa langue se traduit par "personne", mais ce n'est pas le "Nemo" latin qui gomme toute identité, ce serait plutôt le "Personna" dans l'acceptation de "Masque"...

"Masque ?" drôle d'idée pour illuster des arbres nus ?... Mais pas tant. Car dans le recueil "Le gardeur de troupeaux et autres poèmes", on découvre ces quelques mots, de DRIEU LA ROCHELLE, écrits en 1935, (année de la mort de F. PESSOA), limpides comme les bleus "suprakleiniens" du ciel de Mars et peut-être un brin "Alcestiens" :

"vous dites que je suis double, mais non, je suis immense...
J'ai toujours cru à tout. Dieu et le démon je les confonds
dans mon coeur...
Je ne suis pas dans la société, je suis dans la nature."

On est en droit de s'interroger... Et la nature ? si "authentiquement naturelle", elle avance peut-être masquée ? Admirez l'art de l'enchaînement ;-) → telle ces statues vaudous reprisées par GIACOMETTI, déguisées en arbres ordinaires posant au pied du Mont Blanc (4810,90 mètres), ce qui doit correspondre à la page du mois de janvier de l'almanach des PTT 1973 ayant appartenu à Madeleine Lacroix dont le vrai nom n'est pas Madeleine Lacroix. C'est comme ce cher Alceste, on le soupçonne vaguement de circuler en nos domaines sous un faux nom... Par conséquent, hormis, le biographe, et DRIEU LA ROCHELLE (qui n'était pas de LA ROCHELLE), tous auraient circulé sous de fausses identités dans ce billet, Frasby incluse... Mais que nenni. Nous sommes multiples n'est ce pas ? "Comment nous assurer que nous ne sommes pas dans l'imposture ?" (cf. J.LACAN "Le séminaire" 1973. "Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse") ...

VISIONNAGES : Autres multiples § camouflages : http://www.designboom.com/weblog/cat/10/view/3189/camoufl...

"PESSOA PESSOA ":http://www.youtube.com/watch?v=G4Ia1TYr61w&feature=re...

A VOIR : Une variation fluviale sur le même thème : http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/06/20/la...

Photo: Les arbres nus, ou totems aux longs bras tachetés de neige (?) tourmentent le ciel d'un premier vrai jour de printemps. Vus cours Vitton, dans le sixième arrondissement de Lyon, en revenant du Pont Morand, pas très loin du café "Rive gauche. Mars 2009. © Frb.

A moins que ce ne soit qu'une reproduction de la photo du mois de Janvier de l'almanach des postes 1973 ayant appartenu à © Madeleine Lacroix. "Chamonix en hiver". Ce qui est également possible...

lundi, 23 mars 2009

Les mimosas de Lyon

COMME UN LUNDI PRINTANIER

"Mal nommer les chose c'est ajouter au malheur du monde"

ALBERT CAMUS

mmimo .JPGN'en déplaise à CAMUS, BOILEAU, à tous les botanistes. Je n'échangerai pas mes "mimosas de Lyon" contre aucun nom ; parce que des mimosas, à Lyon, on n'en voit pas. Alors, peut-être suffira t-il de les nommer pour qu'ils existent ? D'ailleurs, les mimosas de Lyon, ce ne sont pas les mimosas. Et si on me demandait pourquoi. Je répondrai ce que me répondait en cours de mathématique mon professeur, (monsieur Chanut) quand il commençait l'exercice par : "Supposons que x..."  et que, presque simultanément, au fond de la classe, près du radiateur quelques voix s'élevaient (choeur des cancres) : "msieur ! msieur ! Pourquoi x ?" et bien, monsieur Chanut, à la question, il nous répondait toujours que : "parce que x c'était comme ça , et qu'il n'y avait pas de pourquoi." Donc, pour le "mimosa de lyon" c'est pareil. Il n'y a pas de pourquoi. Une évidence ! à la croisée des réponses de Monsieur Chanut, et de la pensée de LAO TSEU  parce "c'est cela", "mi-mots ça." soufflerait Jacques L. accoudé au comptoir de la brasserie du parc..."Voilà la grande erreur, toujours s'imaginer que les êtres pensent ce qu'ils disent" (sic)...

Fin du premier tableau.

Deuxième tableau : la nature s'éveille. Les sens sont en émoi. Le mimosa de Lyon croisé pour la deuxième fois presque la même semaine, devient "Mimosa de Vitton". Le précédent était de Denfert-Rochereau, mais on le nomma humblement "mimosa de Lyon". Maintenant, on attend les jonquilles, bientôt les myosotis, les bleuets pour le miel, (ils garderont leur nom, peut-être...). Devant un tel spectacle (Dame-Nature très en beauté), on fait silence. On applaudit. Et c'est justement là, en ne nommant plus rien, que surgit tout le malheur du monde: tandis que nous tapons joyeusement des 2 mains, ébaubis par tout ce bleu, ce jaune. Etat de grâce...

... Le fantome de Monsieur Chanut traverse soudainement la scène, (de long en large), avec sa grande blouse grise en se grattant la tête, puis se tournant vers l'assemblée, il pose sa question :

"Quand deux mains applaudissent, quel est le bruit d'une main ?"

"Est ce que ça porte un nom ?"

Fin du deuxième tableau.

Photo: "Mimosa de Vitton", vu cours Vitton (eh oui!). Pas très loin du cinéma Astoria et presque en face d'un magasin de musique. Lyon, Sixième arrondissement. Ce lundi 23 mars 2009.© Frb

mardi, 17 mars 2009

Prélude

" La beauté du prélude, chez les plus grands auteurs, (Fauré, Debussy) est que justement, il ne prélude à rien, se suffit à lui même c'est une forme brève, qui ne s'impose pas à l'oreille, mais propose ses finesses, ses hésitations, ses nuances, inépuisablement..."

STEPHANE AUDEGUY. Extr. "Préludes" in "Petit éloge de la douceur". Editions Gallimard 2007

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De retour du "charmé", rencontre inattendue avec un tout petit buisson; déjà les fleurs ? Et je me suis glissée dans cette jungle d'or en songeant au poème de S.Mallarmé, à ce point toujours flou où se meuvent les désirs d'un faune dans la chaleur d'un bel après-midi... (Non, pas d'été !)

"Ô bords siciliens d’un calme marécage
Qu’à l’envi des soleils ma vanité saccage,
Tacites sous les fleurs d’étincelles, CONTEZ (...)"

200 milliards d'étoiles ouvrent un livre : 110 alexandrins illustrés par MANET. Mis en musique par DEBUSSY...

Une clef. Combien de notes ?

http://www.mallarme.net/site/Mallarme/LApresMidiDUnFaune

chorégraphiés par V. NIJINSKI. Le tout dans l'effeuillage :

http://www.dailymotion.com/video/x7vxa6_nijinsky-lapresmi...

"Ces nymphes, je les veux perpétuer
Si clair,
Leur incarnat léger, qu'il voltige dans l'air
Assoupi de sommeil touffus ..."

Prélude.

Et le N°3, dans l'esprit de FAURE, volant comme un pollen...(un poème, j'veux dire!)

http://www.youtube.com/watch?v=oDwElky0Adc

Doux préludes.

Photo : Les premiers "Mimosas de Lyon" (toujours imités, jamais égalés), cueillis rue Denfert-Rochereau pas très loin d'une auberge nommée "Les enfants du Paradis", à deux pas de la Tabareau. Des fleurs, des feuilles et puis des branches. Il y a des jours presque parfaits où tout est luxe, calme, etc... Vu à Lyon sur la colline travailleuse le 17 mars 2009. © Frb