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mardi, 16 octobre 2012

Des jours et des jours à la vogue

Dernière grande fête foraine de l'année à Lyon, la vogue des marrons tire son nom des premiers marrons de l'année et du premier vin blanc qu'on y dégustait, à l'imparfait, rien n'est parfait, bien sûr. La vogue des marrons actuelle a démarré le 6 Octobre elle finira le 11 Novembre 2012.

vogue ballons.jpgQu'on l'apprécie ou non, parler de l'esprit bon enfant de la vogue paraît aujourd'hui déplacé (on ne sait où), même si l'enchantement des jolis manèges hante encore notre époque, c'est une image entre autres, de fête et de flonflons, rien qu'une image légendaire puisque pour la plupart d'entre nous, ces fêtes foraines familiales, bricolées sans manières, nous ne les avons pas connues. Nous savons simplement, malgré la joie délitée, et révolue, peut-être, que si la vogue des marrons, à Lyon, n'existait plus, elle manquerait. Mais je n'ose pas ici employer le mot "fête", la vogue est rituelle, c'est admis dans l'esprit des habitants de cette ville, elle marque un temps dans l'année, juste avant la saison des pluies, les foules du 8 décembre et les marchés de Noël, elle balade aujourd'hui plus d'ennui que de gaieté. On s'accorde à l'idée, on s'y traîne, on y flâne sans penser par exemple qu'au XIXe siècle Lyon totalisait plus de 207 jours de vogue, de Pâques à la Toussaint. Il n'en reste qu'une, c'est celle-ci, on la prend pour ce qu'elle est, entre la vogue et notre esprit il y a des nébuleuses... Nous fermons les yeux sur ce qui manque, ou bien encore heureux, nous nous rattachons aux mémoires idéales de ces mondes enfantins qui suçaient les guimauves une fois l'an,  nous nous contenterons des arômes d'un Chardonnay allégeant l'Homme (et son désir), tenterons d'en retenir le dernier tourbillon sans trouver le raccord entre ces vieilles gravures et les temps à venir qui nous invitent à décharger notre poids soucieux ou abêti, matière poreuse ou bons vivants, nous contemplerons en touristes ces rubans colorés où les  jeux vont sans nous. Nous ne savons pas comment cette grande usine à attractions valdinguera les corps, pourvu qu'elle ne valdingue pas les notres (pas le mien en tout cas), des furies techno-funk à la nostalgie du mashed potatoes via le rock à l'antique (Elvis, tuning, sodas, ice-cream), l'over-bass brutalise. Les engins crachent le feu, les flammes, au propre, au figuré, nul ne devrait s'en plaindre car l'intitulé ne ment jamais (desfois qu'on n'aurait pas su lire les enseignes kitsch and cheap)...

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Âmes vagues décomposées seules ou accompagnées, c'est à peu près pareil, voguant dans l'ennui patent de nos semaines contemporaines qu'il faut absolument secouer de loisirs à grands cris sur la place solidaire plombée par la dérive, l'esprit dans la paillette du pepsi pop, les  défilés se suivent et ne tarderont plus à  nous s'enchaîner, (8 décembre, morne plaine, ma flamme dans leur publicité) ; rameutent ici ou là  un bref éclat entre les bruits, tiraillant nos faiblesses: le caprice d'un enfant qui ne veut pas redescendre du manège, des parents sur des chaises et leurs gueules d'enterrement, des gars avec des franges qui tirent comme Charles Bronson sur des figurines en plastique pour gagner une peluche du bon temps de Pandi Panda,  ça reste divertissant de regarder tout ça afin de n'en tirer aucune réflexion particulière. Juste regarder. Et puis voilà.

vogue in the usa.jpgFlâner entre les hurlements d'humains harnachés par des courroies fixées sur des machines qui montent, tournicotent, gesticulent, brassant l'air, d'accord pour ces crampes d'estomac qu'on se fera à la place des passagers retournés à l'envers, d'accord pour l'empathie-express qui est notre, à ce moment là, superflue, tout-express, même la peur des antres gothiques et ces sorcières qui remuent des balais sur un toit brûlant, même la nuit quand je rentre chez moi, à chaque fois, je suis d'accord avec moi, pour avoir peur de ça. D'accord pour écouter les mécanismes stridulatoires des simulateurs inspirés des plans les plus sombres de L'exorciste qui propulsent mais quoi ? - D'accord pour être propulsée - juste une fois, mais sans rien essayer, parce que la joie d'une vogue c'est aussi de s'y noyer. La vogue n'est qu'une fois dans l'année, alors on peut bien vivre avec son temps une fois, en marchant, pourvu que le boulevard et ses rues parallèles, continuent à sentir la vanille, le nougat, les bonnes gaufres, les crêpes au Nutella... Peut-être vous livrerai-je un jour une traversée by night dans la vogue en sommeil mais je ne promets pas étant donné que c'est déjà un peu ça: une stimulation acharnée qui n'arrive pas à réveiller grand monde, ni grand chose, la nuit au fond de soi, en plein jour, l'émerveillement absent, ou caché sous un air de s'en foutre. Ca validera peut-être cette adhésion sympa à tout ce qui peut plonger l'esprit dans sa paresse, encanailler l'espace avec ses grappes festives d'humanité blasée, toquée de gigantisme, où les bulles énormes font pétiller le corps d'une ville enrobée dans le sucre et la glace à venir. Nous goûtons en deçà, le plaisir monotone de nous disperser puis voguer, ne serait-ce que pour se vouer tout entier à la recherche éperdue du premier cornet de marrons chauds. Chauds, chauds, chauds, les marrons ! où sont-ils ?...

vogue ours.jpgAu hasard, la plus réaliste de cette expédition en quête de marrons, (chauds, chauds chauds), rend le pas tiède ou triste, mollement nous grillons nos cartouches à l'américaine sur de vraies carabines, tellement bien imitées  (des Kalashnikov, on dirait) sans la moindre biquette à caresser, ni un cheval de bois dont on fait les violons, pas de quoi pousser la chansonnette. Nous croiserons plus tard, le nez de Pinocchio qui s'allonge, s'allongera, grâce aux reflets multicolores d'une flaque d'eau.  Cela vaut les discours sur les fameux marrons, promis en cette vogue, seule vérité discordante, ô spleen de nos nuits sans marrons, moins folâtres que les nuits sans Oscar Wilde, (à ce point d'inanité, je vais me faire un peu de réclame) ;  le marchand de marrons (nous apprendrons le jour d'après, que c'est en fait, une marchande) serait-il du genre lève-tard ou couche-tôt ? Nous le cherchons nous le trouvons. Le stand est minuscule, il est  doux, il sent bon, c'est tout ce qu'on vous dira de cette première tentative sans pouvoir plucher le maroncho,  c'est un peu de ma faute, je ne sais pas jouer des coudes en société, ainsi je n'ai même pas eu le culot de bousculer quelques badauds, pour photographier le fameux stand aux marrons, parce qu'il y avait devant, les personnalités de la colline : Monsieur Marcel Rivière (et sa femme, la grande, dont je ne me rappelle plus le prénom) qui charmillonnaient discrètement avec un Alceste entièrement caché sous une toge recouverte d'écorces avec des feuilles rousses et ocres made in Tabareau collées sur son chapeau évasé par le haut en multiples branches ornées de nids de hulottes revenues de Couzon, je n'osais déranger, et ne fixais pas mon objectif afin d'obtenir un cadrage (presque) parfait sur les mains des personnalités qui tenaient leurs cornets de marrons comme on tient des cierges lors des grandes processions hivernales (par exemple, celle en l'honneur de la Sainte Vierge, nous en reparlerons peut-être...). Il faut dire qu'affecté par les privations, on glissera dans la romance de toutes petites choses pourtant vraies, à ce sujet fragile, j'ouvre une parenthèse puisque je ne peux décemment exposer ici Monsieur Alceste piquant à pleine branchées les marrons de Monsieur Rivière, (à lire prochainement "Les marrons de Monsieur Rivière" un inédit  issu des carnets de la mère Caquelon, poètesse Lyonnaise oubliée, grande copine de la Mère Pompon qui mit au point la recette des quenelles de marrons, plat mythique servant à décupler le courage des canuts lors de la révolte en 1831, - là, j'exagère, mais c'est un des nombreux effets secondaires produit par le manque de cornet aux marrons, quand on en goûte un seul, ensuite, ça dure, une vie parfois - quant au livre, je l'ai déniché récemment dans un vide-grenier de la Tabareau, on ne dira jamais assez - surtout en plein coeur de la vogue - qu'il s'en passe de chouettes sur la Tabareau où la rutilante boule lyonnaise n'a que faire des tournis des manèges; les parties de boule lyonnaise se déroulant dans un monde parallèle, en silence, les manches retroussées, les hommes ne pourraient en être déconcentrés ou seulement par une boule dégommant l'autre boule, pour aller se placer à deux millimètres du cochonnet, on entendra alors un gars qui l'ouvrira plus fort que ses copains, mais pas trop, pour dire "ouhla !  joli !", c'est ici, que le vogueur épuisé viendra se reposer sur un banc pas loin de "la Coquette", qui comme son nom l'indique est une coquette auberge, quand on passe devant ça sent bon  le thym et l'échalote, surtout l'été, mais  je ne peux rien en dire je n'ai  pas encore testé), là je referme la parenthèse, (vogue off). Laissant grésiller en paix les marrons, pour goûter les bonbecs, j'ai compté qu'avec trois picaillons, on peut obtenir 80 grammes d'un diamètre de huit centimètres de réglisse + une bille de gum au milieu, après une telle dépense je n'oserais pas entamer mon dernier billet de mille pour dilapider des restes (?) de jeunesse dans la bétaillère jurassique où la foule, clairsemée sur les feuilles abattues, attend de faire son baptême, happée par le plus fameux des glyptodons de Lyon, relouqué par qui vous savez.

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Enfin, ce qui est bien agréable à la vogue c'est qu'on s'y trouve tous en vadrouille, un peu comme des stars démodées allant incognito, offrant aux sunlights jaunes et verts  nos mines cadavériques, nos lèvres jaunes et nos dents vertes (juste un sourire pour la photo), stars d'un jour flambant à la roulette le mou avant l'hiver, vivotant au sommet, sans se soucier de savoir s'il existe un autre lieu au monde, la colline valant à elle seule, un hémisphère. Une seule fois dans l'année quand la vogue est de retour les Croix-Roussiens vivant en autarcie au  village, se sentent pénétrés du lourd de ces camions beaux comme des barres de la Duchère branchées sur des prises électriques qui  serpentent de la place par les rues et sur les tapis (introuvables) de la place (des tapis), ils croisent aussi les monstres qu'on ne verra (pour de vrai) qu'à la fin du monde, venus culbuter nos grattons, crapahuter sur nos coussins (ces quiétudes ganachées fourrées d'un filet vert, couchés dans leurs boîtes de velours, à se damner). Quelle pagaille, en nos us et coutumes!  quand, soudain, dans les premières heures, du 5 au 6 Octobre, on regarde les gars de la vogue (de magnifiques garçons) déballer le matos afin de monter les engins, on croirait voir construire une ville, elle se fait en un jour ou peut-être une nuit, sous nos yeux se déroulent des kilomètres de câbles et des kilomètres de rallonges sur le bitume courant dans les rigoles, après on s'y balade comme si tout cela avait poussé uniquement par magie, on est dans la vogue-champignon et les jours qui suivront ça scintillera de partout. Je suppose que la vogue des marrons aurait plu à Andy Warhol, ces objets en série multipliés partout, auraient pu lui souffler de sacrés tableaux, l'Amérique qui se pose là, avec ses boîtes en kit, des bistanclaques qui se perdent au milieu d'une foule, cette année, pas trop dense à cause des restrictions. Ce n'était pas complètement étranger à l'oiseau vogueur, lequel, d'une année à l'autre s'était fait grignoter par un sanglier vogueur, voyez qu'il y a quelque changement, (le lecteur assidû, qui s'y connaît forcément en sanglier connaît aussi son paradoxe, toutefois je laisserai ouverte l'interprétation symbolique pour laisser voguer l'homme et son désir dans l'approximation). Bref, chacun sait que le mot sanglier vient du latin "singularis", (au sens isolé, solitaire "singulier") et que le sanglier est aussi ubiquiste, à vrai dire, je ne sais pas ce que signifie sociologiquement cette raréfaction de l'oiseau vogueur au profit plus imposant du sanglier ubiquiste mais je trouve, ma bonne dame, que c'est pas rassurant et peut-être aussi triste que nous autres les festifs désolants qui picorons nos beignets entre les barrières métalliques du boulevard et les autos méchantes, à se demander encore qui a décidé d'encastrer la vogue sur la place des tapis  où l'on entre enjambant des panneaux et des fils alors qu'une partie du boulevard semble plongée dans le gris, sans doute à cause des travaux, d'autre chose, peu importe, on pourrait être ailleurs, déjà à la périphérie, et ce n'est sans doute pas un hasard de trouver de plus en plus de pigeons moches, mal polis (ubiquistes) gouverner sur la tête de notre vénérable inventeur.

et vogue sur la tête au père jacquard  kb.jpegLe lendemain ce fût la même vogue ainsi les jours d'après telle l'année précédente, malgré une fine pluie, (ce retard coutumier de l'automne), après que le thermomètre eût marqué  26° à l'ombre, sous un ciel mitigé, comme on dit chez nous desfois "ça mouillassait", le gros rire (voguenard ?) du sanglion raillant l'inventeur des métiers m'attira sous un stand abrité, c'était une sorte de vestiaire à peluches (peluchons) encore des pantelantes arachnoïdes à cornes et multipattes difformes (soyeuses ? Je n'ai pas approché), je remarquais juste, que l'une des bestioles tristement pendue par les pieds portait entre les oreilles, un bonnet de lutin indécollable qui ressemblait à un cône de Lübeck, pourquoi, des cônes de Lübeck sur la tête de nos bêtes à la vogue ? Vous me direz! alors que des cornets de marrons seraient plus rigolos ? (Vous remarquerez que l'odeur des marrons grillés peut très vite taper sur le système surtout quand on les cherche), enfin voilà pour l'énoncé d'une vogue aux présumés marrons, nous repasserons, (enfonçons un clou dans ce marron), je subodore que si je n'ai point l'occasion de goûter au seul produit annoncé chaque année dans cette vogue, par cet  engouements précaire qui jalonne les recherches de certains jours, (comme leur façon là bas de fabriquer la barbapapa), ça tournera à l'obsession.

vogua.jpgEnfin, sortant de là, un peu sonnée, seule ou accompagnée, de toutes les façons harassée, je ne rejoindrai pas les copains comme prévu au RV du café du bout du monde où c'était encore convivial de pouvoir causer un brin tranquillement après avoir patassé (comme dit le lyonnais les pieds dans sa bassine de sel) puisqu'ils sont revenus déçus, les copains, de voir le bout du monde remplacé par un bar à bière,  un autre ! dont nous ne pensons à peine moins que rien, le houblon on s'en fiche, au départ on voulait un voyage en ballon de blanc (même de rouge, ô fillette !) avec des cornets de marrons (si je radote, mon lecteur, râle et  indigne toi mais là, minute papillon ! je promets de boucler la boucle et après on n'en reparlera plus jamais), un cornet de rien du tout, pour dire que ce n'était pas demander la lune. Oui, certes, mais il est comme ça le monde, dès qu'on veut quelque chose de simple, même si on on le demande gentiment, ce n'est jamais possible, ou alors ça devient compliqué parce que c'est rare etc... Et s'il faut demain voir en vrai griller des marrons, je serai prête à faire sonner le réveil (sacrilège) vers les 14H00 du matin. C'est vrai qu'à ces heures à la vogue y'a moins de monde. Un tout petit monde, discret , lent, pas  bégueule, du coup ça fait vogue oubliée et certains jours ça paraît bizarrement plus gai bien que beaucoup de stands soient vides, on admire le courage des forains, mine de rien, rude métier !

vogue.jpgEn guise de conclusion (j'ai dit en guise), c'est une bénédiction, pour nous autres gastronomes du plateau, que le citymarché (unanimement fréquenté en colline) ferme ses portes à 21H30,  c'est à dire après la vogue (mais un conseil, allez-y à 21H00 parce qu'après 21H15 les vigiles, qui n'aiment pas voir les gens lambiner se mettent à fouiner dans votre filoche, avec le vocabulaire de Rambo, (surtout un), c'est très laid, mais ce n'est pas à cause de la vogue (très influencée par Rambo également, pas pour les mêmes raisons), donc, le  citymarché, reste un endroit très pratix pour trouver de la vraie crème de marrons Clément Faugier, c'est pas en cornet (heureusement pour les manchons d'hermine de la bourgeoise), mais après ces promesses de vogue aux marrons rarissimes, ça pourra apaiser un peu notre besoin de consolation.

La conclusion, la vraie : à défaut de grives (aux marrons, vogue ! mon pijon) on mangera un merle à la crème de châtaignes. La suite de la vogue une prochaine fois peut-être (avec ou sans marrons, seul ou accompagné, si les petits ânes ne nous mangent pas). la dernière image à cliquer ICI vous donnera l'aperçu vite fait, du sort des animaux de la vogue, sous les yeux de l'enfant tirant pile dans la cible qui s'en retournera, en serrant dans ses bras un authentique Stormtrooper bien utile pour battre les Flogs, les Froschs et neutraliser l'homme vieillot qui cherche avec son groin (ubiquiste) des marrons sous les platanes du boulevards (vogue, vogue !), l'homme vieillot qui ne sait même plus le nom des arbres, ni le nom des fruits qui poussent sur les platanes, qui croit que les marrons tombent tout chauds des platanes et qui pleure et dit à tout le monde que tout fout le camp, et personne ne l'entend, pas une âme ne se lèverait pour lui tendre un cornet, un tout petit cornet de marrons chauds, un cornet de frites à la rigueur, et encore ! ah non, vraiment l'être humain n'est plus ce qu'il était, la fête est triste le monde est moche, on est tous triste on est tous moche. Alors qu'avec un cornet (même tout petit) de marrons chauds, même des châtaignes grillées... suffiraient, suffiront, comme l'écrit lademoiselle Pinturault (que je salue vigoureusement) dans son dernier recueil de poème intitulé "L'hiver des poètes", préfacé par Madeleine Lacroix, (je cite): "Desfois la beauté tient à pas grand chose". Vous pouvez ricaner mais si ça se trouve, elle a raison.

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Lien : oldies but goldies, la vogue 2010, si ça vous dit.

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2010/10/10/le...

 Photos : Boulevard de la Croix-Rousse et un petit peu place des Tapis: quelques vues hasardeuses de la vogue (des marrons) parcourue à pieds, à vélo, saisies de jour et de nuit, + une pensée émue pour l'Auguste Jacquard et son infinie patience. En vrai il ne s'appelle pas Auguste, ni Albert mais je crois l'avoir déjà beaucoup répété, (la vie des blogs tourne comme un manège), pardon au lecteur adoré, puisque tout doit finir par des chansons c'est inécoutable hélas je ne peux y résister, et peut-être que ça fera plaisir à msieur Fernand. (hypothèse hasardeuse j'en conviens)...

 

Lyon Colline © Frb 2012

jeudi, 30 septembre 2010

Le premier mouvement de la vogue

  Ô mes humains, consolons-nous les uns les autres [...]

JULES LAFORGUE extr. "Complainte d'un certain dimanche"

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Je ne sais pourquoi les vogues, les fêtes foraines, les manèges tournoyants m'ont toujours fait cet effet de merveille triste, et depuis très longtemps il me semble qu'il me manque quelque chose comme une case peut-être, dans laquelle glisser une forme de joie qui m'est tout à fait étrangère, qui serait celle de ces fêtes populaires obligatoires comme si je descendais nouvellement d'une de ces soucoupes volantes du petit manège des quatre à huit ans, mais sans la joie. Enfin, si c'est la joie ça serait une joie pas pareille comme celle des gens qui prennent des fous rires seuls aux enterrements, une joie nerveuse, où on se met à avoir une tête qui sourit tout en serrant les dents, on sait, cette tête ce n'est pas notre tête à nous c'est la tête de tout le monde, la tête des gens dans les tamponneuses, la tête des gens qui marchent le coeur léger avec des gaufres et cette tête ne va pas avec ce qu'il y a dedans. C'est comme si on mettait son autre tête qui se balancerait au bout d'un mousqueton dans sa poche avec le mouchoir dessus, une tête d'enterrement sous un tout petit linceul jetable en papier blanc du style Kleenex.

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Nous revoilà gaiement avec une barbe à papa encombrante qui nous rentre dans les dents, nos doigts gluants, collés de sucre nous feraient redouter de rencontrer par hasard une vague connaissance, par exemple un ancien professeur de philosophie intimidant, ou même monsieur Marcel Rivière (homme d'excellence), pour conjurer le sort de cet éventuel serrage (serrement ?) de main collée collante, on se dit en croisant d'autres gens, avec des pommes d'amour ou des gaufres qu'on aurait dû choisir les pommes d'amour ou les gaufres toutes ces choses que mangent les autres gens, on voudrait les manger aussi dans la vogue dévorante de sucettes en tourbillons pour l'humeur qui part en sucette par les tourbillons de bonbecs et pour le tour en tourbillon d'une machine high tech qui monte dans le ciel sur une musique de geek. A mesure que l'on s'approche d'un autre manège synthétisant le charme (ou l'horreur) des sixties, il y  Elvis Presley qui clignote de l'oeil pour raccoler le pelerin sur des espèces d'autos qui tournent au milieu de Las Vegas sur Rhône, Las Vegas sur "colline qui travaille", ou Las Vegas sur "Gros caillou" version science fiction plutôt d'époque Cosmos 1999 avec un petit côté "Temps X" pour l'insoutenable laideur de l'ensemble. Ceux qui croyaient que la vogue était tout aux marrons (tel est son nom à l'origine) et peut être toute bercée de flonflons, y trouveront un grand décalage, mais que voulez ma bonne dame comme disait le Pépé Dylan "The Times they are a changin".

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Il y a des gens qui paient une fortune pour s'installer dans des machines dont le seul but est de les retourner à l'envers, (pas les machines, les gens, enfin les deux), il y a la musique de Radio Ener(v)gie pour leur donner envie de vomir, (enfin pas la musique, les gens, mais la musique aussi). Parce que la vogue elle est comme ça, funky, techno, disco, très boite de nuit toute plantée sur les USA dans un esprit Macumba de Palavas les flots. Depuis que la grande roue est en bas, (fût en bas ? c'est que nous du gens du plateau, on descend peu en ville), et qu'il n'y a plus de chenille "Papillon" ou alors je ne l'ai pas vue. La vogue elle est surtout américaine, avec des machine à foison, tellement de machines, qui font des bruits de marteaux piqueurs, de forge, de presse, tellement industrielles qu'on se croirait à l'usine des metallos mais ce serait l'usine en même temps que la sortie de plusieurs usines, sans oublier les ateliers de Chamallow et de fraises Tagada. enfin bref !

vogue0083.JPGQuand j'étais petite je me souviens que j'avais honte sur mon manège et du manège j'en faisais un peu pour faire plaisir à mes parents qui me disaient "Va t'amuser !", et j'avais honte que mes parents ils m'attendent sur une chaise comme dans une salle d'attente, non pas que j'avais honte de mes parents, (ces choses arrivent plus tard) mais je crois qu'il m'était désolant du haut de mon petit âne à poils blanc surmonté d'un diadème, de voir que mes parents me regardaient tourner en rond pour mon seul bon plaisir, sans qu'aucun d'entre nous n'en ressente aucune gêne. Mais ce n'était pas les même manèges, en Nabirosina, il n'y avait pas de soucoupes volantes, ni de machines tonitruantes venues d'une autre planète, et quand le tour de manège était fini, mon père il me donnait 1 francs pour aller tirer des lézards ou des porte-clefs en plastique dans des petites machines à la con, et plus mes parents me disaient "Va t'amuser !", plus j'avais envie de rentrer à la maison, finir mon "Oui-Oui et la gomme magique" tranquillement assise sur les escaliers de la cave. J'ai toujours été rabat- joie de toute façon, dès qu'on me demande de m'amuser, je ne sais pas pourquoi, ça m'énerve, je n'ai plus envie, et là, ce samedi surpeuplé sur la colline, j'ai remarqué une petite fille avec des bas violets qui trainait les pieds à la vogue, on aurait dit que tout le plateau de la Croix-Rousse, l'intéressait, tout sauf la vogue, alors que durant ce mois, le plateau de la Croix Rousse n'existe pas, il devient une fois par an, le plateau de la vogue voire même le paradis des enfants-rois, et la petite fille ce qui l'intéressait sur le plateau de la vogue, c'était justement celui de la Croix-Rousse, avec le café des écoles tout orange, c'était la statue du vénérable Jacquard mangée par les enseignes des stands et les grosses ampoules clignotantes du bazar de l'oiseau vogueur, c'était l'arrêt de bus qui met des flêches dans tous les sens et les huîtres toutes fraîches du "café des Voyageurs" ou du "Jutard", c'était le "Gros Caillou". Et ses parents ils lui disaient à la petite fille aux bas violets "vas t'amuser ! amuse toi voyons !" comme dans la pièce de Michel CHION je ne sais plus si c'est "La ronde" ou bien "On n'arrête pas le regret" , inspirée plus ou moins de Jacques TATI, peu importe que ce soit "La ronde" ou bien "On n'arrête pas le regret", puisqu'il se trouve qu'il n'y a pas grand monde qui connait Michel CHION, peut être que dans le cadre d'une vogue, "On n'arrête pas le regret" ou bien "La ronde", c'est un petit peu pareil...

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Bonus : Pour le plaisir du lo-fi tout au dictaphone je vous ai ramené 43 secondes du son d'un forain de la vogue en train de gonfler des ballons. A noter que ces ballons seront tirés à la carabine l'instant suivant, le forain passant sa journée à gonfler des ballons, des ballons et encore des ballons...


podcast

 

Photo 1 : Le plafond du petit manège (4 à 6 ans) sur la grande place de la Croix Rousse. Adorable, en guise de reste de la vraie vogue disons d'une vogue bon enfant comme on aime...(Aimait ?)

Photo 2 : Au stand de la pêche aux canards. Je n'ai jamais trop compris le principe mais les enfants le comprennent, donc c'est ici que je prends des cours de pêche aux canards, offerts gratuitement par les enfants, du haut d'une chaire (ou d'une chair) celle des braves pères un peu neuneus pour l'occasion, dont certains ne manquent pas de charme, comme celui-ci, dont le visage épanoui (le droit à l'image m'interdit de le révéler ici) me donnerait presque envie d'être à la place de la petite fille, mais enfin, mon papa était bien joli aussi à l'époque où j'avais moi aussi des baskets à la mode avec des collants blancs, faudrait pas croire que la pêche aux canards soit une invention de la Fée Technologie, non mais !

Photo 3 : Les images parlent d'elles mêmes mais j'aime assez la mélancolie des tigres (surtout du blanc aux yeux bleus) qu'on peut donc gagner dans des tirs de bidules et de machins à la carabine dont je ne saurai pas trop vous expliquer les tenants, ni les aboutissants.

Photo 4 : Du côté des plus grands, là où c'est l'Amérique, je ne sais pas trop ce qu'on fabrique, mais ça m'a l'air d'être des histoires de grands, des histoires d'hommes un peu dans l'esprit du poker, mais il faudra que j'y retourne...

Photo 5 : Finalement, pour les joies du reportage j'ai cédé à la tentation de faire un petit tour dans une rutilante Barbie-mobile, n'ayant pas le permis de conduire, vous comprendrez qu'il y avait surement au fond, le plaisir de mêler l'utile à l'agréable tout en m'offrant (je ne me refuse rien), le deuxième frisson de ma vie, puisque la dernière fois que j'ai conduit j'ai embouti joyeusement la Ken-mobile d'un ami dans un arbre, alors autant prendre le moindre risque quoique sur ce coup là de la vogue, la chance n'étant pas avec moi, j'ai dû tourner des heures dans des embouteillages, et comme on dit à Lyon, "c'est plus fort que jouer au bouchon" mais je ne désespère pas, j'irai faire de la Barbie-mobile à une autre heure, peut être pourrais je la piloter par delà les pentes jusqu'au Parc de la tête d'Or ?  Puisqu'on dit que l'avenir appartient aux audacieux... Lyon, Croix-Rousse, l'éternelle vogue et cette année encore... © Frb 2010

dimanche, 04 octobre 2009

Et vogue !

"Le vrai courage ne se laisse jamais abattre."

FENELON

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Le pigeon "petit voyageur" est venu tranquillement faire la conversation à Monsieur JACQUARD, tous deux puissamment privés de leurs privilèges Croix-Roussiens, broyés par le roulis un peu fou de la vogue ("aux marrons"), plus fourbie en machineries funky qu'en cornets de marrons.

L'Auguste a son ange sur sa tête, ainsi il ne risque plus rien, (croit-on). Les deux ne peuvent plus vraiment s'en aller. Sinon il manquerait aux fervents du plateau, quelque félicité...

Le pigeon "petit voyageur", n'allant jamais bien au dessus du nez de l'inventeur, envisage toujours son Octobre en ascension de tête savante. Cette tête est aussi son royaume, du moins tant que dureront les festivités.

Jamais un élan d'albatros. Pas même un penchant migrateur comme l'outarde ou la bernache, qui forment en automne des grands V dans le ciel... Balbuzard pêcheur, milan noir, faucon hobereau, cigogne blanche, pluvier guignard, chevalier stagnatile, sternes pierregarin, autant de migrateurs au long cours que le pigeon "petit voyageur" n'arriverait pas à suivre. Et l'autre ! l'oiseau vogueur animal agité, cet odieux spoliateur qui ne cesse de criarder sur sa piste remuée : "Allez tout le monde s'amuse ! c'est la fête ! amusez vous ! allez ! allez ! "

Quant à JACQUARD l'austère, (dit "bienfaiteur des ouvriers lyonnais"), comme chaque année pendant la vogue, il ronge son frein, dans sa vieille redingote râpée, avec ce con de "petit voyageur ",  tout gris plombé, qui fera désespérément, pendant un mois, le pied de grue sur sa tête. Tous deux exilés de la bonne place. Relégués comme au purgatoire d'une brocante. Figures anachroniques telles qu'on en voit parfois dans les dessins de Sempé. Pour une vogue dite de tradition, c'est presque un comble.

Près de moi, dans la foule, un enfant, contemple une enseigne exhibant son monstre globuleux vaguement crapaud-cyclope. L'enfant lève la tête, montre du doigt "là haut", et tire brutalement sa mère par la manche, lui glissant la bonne question :

- "Dis, Maman c'est qui ce vilain bonhomme avec un aigle sur la tête ?"

- "Euh ben... J'sais pas ! c'est la statue de Louis XIV, je crois..."

Et vogue ... !

Ceux qui suivent la tradition trouveront les horaires de la vogue aux marrons de Lyon : ICI

Photo : L'auguste JACQUARD en disgrâce, (L'Auguste je l'ai écrit mille fois, ici, ne s'appelle pas Auguste, mais Joseph-Marie, né à Lyon en 1752, mort à Oullins 1834. Il inventa le métier à tisser semi automatique). Ici pris dans le tohut bohu de la vogue, accompagné de son vieux copain, un pigeon complètement idiot qui s'installe là, comme chaque année, au moment de la vogue. Allez savoir pourquoi ? Vu à Lyon, place de la Croix-Rousse. Octobre 2009. © Frb.

dimanche, 05 octobre 2008

Comme un dimanche

las-vegas-sur-lyon.jpgVogue by night, (ou Las Vegas sur Rhône.) Ici, un petit bout du  manège "rockn'roll", longeant le boulevard de la Croix-Rousse à Lyon, en direction de la mairie du 4em arrondissement. Photo prise ce dimanche d'octobre  2008, divertissements à suivre jusqu'au 12 novembre cette année.

Un besoin de consolation enfin possible à rassasier...

confiserie-vogue.jpg

Voilà ce qui serait presque l'antithèse d'un précédent billet . CLICK.  Vu du côté des gourmandises de la mythique vogue toujours à la Croix-Rousse à Lyon; où l'on s'accorde en plus des gaufres, quelques chichis bien mérités. Que STIG DAGERMAN  CLICK me pardonne, mais il est des moments très brefs, où l'on sent la nécessité de se faire des petits mensonges à soi-même, comme on se refait une beauté qui durera une heure à peine. Tandis que pour les temps qui viennent, nous apprendrons à conjuguer le verbe "Confiser"...

jeudi, 02 octobre 2008

Vogue, la galère !

facctor-vogue.jpgPerdus entre deux grands manèges (et pas des plus candides) la signalétique des arrêts de bus, sur le boulevard de la Croix-Rousse à Lyon se fait de plus en plus discrète à mesure qu'avance la vogue. En temps ordinaire, la signalétique, on ne voit que ça. Dans le meilleur des cas, si vous cherchez un 13, un 33 ou un 6,un 45, ou encore un 2, (non, je donne pas le tirage du keno!), vous vous retrouverez à tourner en rond dans une chenille, au manège sur une fusée  ou dans une soucoupe volante, au risque d'atterir sur une autre planète. A moins qu'au pays du genre Schtroumpfs ou Blanche-Neige, on vous colle gentiment dans une maison en champignon et là pour en sortir, vous serez marrons (si j'ose dire...)

Pour rentrer chez vous sans galère petit nécessaire  ICI

mercredi, 01 octobre 2008

Comme un mercredi

barbapapa.jpgHier les forains trimaient dur, pour que vous soyez contents à la vogue de chez nous. Et magique ! ils venaient de sortir du camion, la machine à barbapapa. Une véritable petite merveille dans un écrin qui ne s'invente pas. La friandise, ce mercredi, vous collera aux dents, aux doigts, aux vêtements et même au mercredi tout entier...

Photo : Installation de tout ce qu'il faut pour une vogue réussie. Boulevard de la Croix-Rousse à Lyon, vue le dernier jour de septembre 2008 aux dernières heures des préparatifs.

Je tiens à remercier particulièrement, les forains, qui m'ont tous, sans exception, gentiment autorisée à photographier leurs manèges en chantier, leurs échelles et leurs boites à outils, il y en a même qui m'ont promis des tours gratuits de soucoupe volante, et des cornets de marrons chauds... La vogue étant un événement qui n'existe qu'une fois dans l'année à Lyon, soucoupe volante ou non, nous en reparlerons...

dimanche, 28 septembre 2008

Comme un Dimanche

vogggoiso3.jpgSur le plateau de la Croix-Rousse à Lyon, depuis 150 ans, il y a ce qu'on appelait autrefois la "Vogue des Marrons". Au XIXem siècle, les lyonnais raffolaient des vogues (mot qui signifie "abondance", "affluence"). Elles étaient appelées aussi "fêtes baladoires" en l'honneur des bals qui s'y déroulaient et ne s'y déroulent plus tellement depuis que ce quartier a  perdu  beaucoup de son âme populaire.  La vogue a lieu de la toute fin septembre au 12 novembre (cette année) et rassemble plus de 70 forains. Palais des glaces, chenilles, petits manèges, barbapapa, grande roue etc... Elle eût d'abord lieu dans la grande rue de la Croix-Rousse puis gagna le boulevard après la démolition des remparts en 1866. Les lyonnais s'y rendaient en famille, on y proposait même des ménageries et des exhibitions de phénomènes du genre humain. Autant vous dire qu'elles n'y sont plus! La vogue se trouve aujourd'hui entre la mairie du 4em arrondissement et le gros caillou. Il y a toujours les marrons grillés, les gaufres et le petit vin blanc à boire non pas sous les tonnelles mais sur la place, sous la statue Jacquard qui sert aussi d'observatoire au vieil oiseau rebel (que j'ai toujours vu là:-) ce qui fait peur à l'oiseau vogueur mais ça c'est une autre histoire, (vous ne voudriez tout de même pas que je vous la raconte...)