samedi, 24 janvier 2009
Vieux hibou
" J'ai pour voisin de brousse, un vieux que la mort semble dédaigner. son tatouage le rend effrayant ainsi que sa maigreur. il fût condamné autrefois pour anthropophagie. puis on le vit revenir avant l'expiration de sa peine. un farceur de capitaine italien, me voulant du bien, lui raconta que c'était moi, autrefois tout puissant, qui avait intercédé en sa faveur : je ne démentis pas le mensonge et cela me fût utile. Car le vieux, qu'on n'a jamais pu baptiser chrétien, reste pour nous un sorcier; et il a mis sur ma personne et ma maison, le tabou, c'est à dire que je suis sacré. Quoique ayant appris des missionnaires toutes les superstitions que ces religieux leur apprennent, ils conservent encore leurs anciennes traditions. Ce vieux et moi nous sommes des amis et je lui donne du tabac sans que pour cela il s'en étonne. Je lui demande quelquefois si la chair est bonne à manger; c'est alors que sa figure s'illumine d'une infinie douceur (douceur toute particulière aux sauvages) et il me montre son formidable ratelier. J'eus la curiosité de lui donner un jour une boîte de sardines : ce ne fût pas long. Avec ses dents, il ouvrît sans se faire de mal la boîte et il mangea le tout rubis sur l'ongle. Comme on le voit, plus je vieillis, moins je me civilise."
PAUL GAUGUIN Extr. "Second séjour en Océanie In "Oviri" (écrits d'un sauvage), textes choisis et présentés par Daniel GUERIN. Editions Gallimard 1974.
Photo: "Ibou" le jeune, élève (?) dissipé de GAUGUIN (oui, enfin... Il ne faut pas tout croire non plus;-), pose son île citadine en gestes abstraits archisauvages sur les murs de la rue Ozanam dans le premier arrondissement.(Ozanam fait un peu nom d'île non ? sauf que l'île Ozanam s'appelait Frédéric et que c'était un pionnier du catholicisme social mais bon...) La fresque a été vue à Lyon au début du mois de Janvier 2009.
Lien utile : PAUL GAUGUIN biographie : http://www.impressionniste.net/gauguin.htm
21:18 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, Arts visuels, De visu, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
Les pigeons sont des cons
Poids des mots, choc des photos. Alors que nous, gentils humains, cherchons avec bonté (et propreté) à leur apprendre à lire, en leur laissant à terre, ici et là quelques journaux, ou des papiers à entêtes du boucher (ou du boulanger) pour qu'ils se familiarisent un peu avec les lettres de l'alphabet. Eux; ils ne pensent qu'à bouffer... En les regardant parfois je me demande, comment Dieu (s'il existe, à contempler ces bêtes, on en doute) a-t-il pu créer de tels monstres ?
Cependant, si vous les aimez, vous pouvez les aider, (on ne va pas les tuer tout de même!) : http://www.spa.asso.fr/906-pigeons.htm
ou bien vous renseigner : http://www.sciencepresse.qc.ca/node/21700
Ou si le sujet vous indiffére, visionner ce joli film d'animation signé Samuel TOURNEUX qui n'offre des pigeons qu'une version métaphorique... Conte poétique ficellé à merveille, recommandé par la maison : http://vids.myspace.com/index.cfm?fuseaction=vids.individ...
Photo: Horde de pigeons affamés. Vus à la fin du marché sur le boulevard de la Croix-Rousse à Lyon. Janvier 2009. © Frb.
14:01 Publié dans Balades, De visu, Impromptus, Mémoire collective | Lien permanent
vendredi, 23 janvier 2009
Journal d'une dame de pierre (extr.)
"Matin gris. Il va sûrement pleuvoir. Les génies dorment encore. Le kiosque à fleurs vient d'ouvrir. Le jardinier a taillé les arbres hier, d'une drôle de forme pyramidale. Personnellement je trouve ça affreux. Un monsieur passe avec son journal, il salue la dame d'Interflora. C'est très rare les messieurs qui saluent encore en ôtant leurs chapeaux. Personnellement je trouve ça très beau. Je ne sais pas si je me fais couler un bain, en fait, je ne sais pas dans quel bassin... Et s'il pleut c'est idiot. Je vais rester sur mon socle encore un moment, j'aime bien ces moments là. Le problème c'est ma robe, vraiment trop longue. Et quand les oiseaux viennent, ça me fait peur, je sursaute et j'ai peur de me prendre les pieds dedans et de tomber. Comme ma collègue, la Vénus. Et l'autre qui passe sa vie sur mon épaule. Je crois qu'il est amoureux de moi, il vient tous les jours, soit disant qu'il attend ses copains. Il est parti en éclaireur, enfin c'est ce qu'il m'a dit, et quand ses copains seront là, ils feront un grand rassemblement sur la colline d'où paraît il, on voit le jardin du Luxembourg ... C'est là bas qu'il ira avec ses copains. Peut-être qu'il ment ? Cette colline je ne l'ai jamais vue, ni aucun des deux fleuves. Je ne comprends pas trop ce qu'il veut dire par " jardin du Luxembourg" et je n'aime pas cette façon qu'il a de se coller à moi. Il faudrait que je lui explique qu'entre lui et moi c'est une histoire impossible mais j'ai peur de lui faire de la peine. Il est si jeune ! Tiens ! les génies se réveillent... Je vais laisser passer tous ces gens et puis j'irai faire chauffer de l'eau pour le thé."
Extr. du "Journal d'une dame de pierre". Editions "Statues de Minuit". 2008-2009.
14:10 Publié dans Arts visuels, Balades, Ciels, De visu, Le vieux Monde, Mémoire collective | Lien permanent
Carnet de route
"Matin gris en direction du fleuve. Déjà les premiers arbres. D'ici nous pouvons apercevoir un kiosque avec des fleurs, des arbres taillés bizarrement, une statue... Le voyage est agréable malgré la pluie. Bientôt, nous retrouverons l'éclaireur. Puis nous irons sur les hauts de Saône, rejoindre les autres. Ce soir si tout va bien nous dînerons dans les jardins du Luxembourg..."
Extr. du "Journal intime de l'oiseau". Editions "Plumes de minuit". 2009.
10:25 Publié dans Balades, Ciels, De visu, Mémoire collective | Lien permanent
jeudi, 22 janvier 2009
Primum vivere, deinde philosophari
D'abord vivre, après (et seulement après) philosopher...
Ce précepte des Anciens, conseille d'accepter la vie avec toutes ses conséquences pratiques et morales avant de se livrer à des études purement spéculatives. Il s'applique à ceux qui discuttent à perte de vue, en oubliant parfois l'essentiel. Ce qui fera dire à KARL MARX : "Nous avons trop pensé le monde, il faut maintenant le transformer". Personnellement je préfère encore la formule "chimique personnelle" d'ARTHUR RIMBAUD (archiconnue, et modulable à l'infini ): "changer la vie". Mais bon. Pour l'heure, inutile d'en débattre.
Taisons-nous et vivons !
Photo : Les hauts de Saône sont de prodigieux labyrinthes. Culs de sac, impasses, voies sans issues, villas comme cloîtrées, voies riveraines nullement souveraines etc ... Je m'y suis perdue un soir en suivant précisément ce panneau ("toutes directions", ça ne veut rien dire) planté au milieu de nulle part. (Vu l'inclinaison de la chose, j'aurais dû me méfier...). Heureusement, il y avait un coucher de soleil pourpre sur les splendeurs du Grand Vaise et les murs contre lesquels je me suis heurtée jusqu'à tourner bourrique et perdre mon latin me dévoilèrent quelques uns de leurs plus secrets ornements. Promis ! je vous montrerai tout cela un jour, (un certain jour ;-) Comme les "grands de ce monde", ici on ne transforme pas, on ne change rien. On promet.
Qui vivra verra...
A suivre donc...
23:41 Publié dans Affiches, panneaux, vitrines, Balades, Ciels, De visu, Impromptus, Le nouveau Monde, Mémoire collective | Lien permanent
Mine de rien...
Ce qu'il fallait montrer (ou démontrer)... Certaines promenades se suivent et nous rassemblent, combinant imperturbablement la logique au hasard de notre présence. Notre lot ? Cela scotcherait net si nous n'étions pas saturés d'images plus séduisantes les unes que les autres (Ah ! les soldes!). Mais ce graff là, à croquer sans attendre; sorti du petit monde à la mine de plomb (le plus beau) d'un graffeur anonyme, dont le tracé manuscrit semble fragile, est particulièrement touchant vu d'une rue où tout s'inscrit officiellement en gros. Emouvant peut être aussi par la grâce de ces deux mots qui changent tout, ce chaleureux : "Allons amis"...
Après le crayon à papier, il faudrait bien songer à un "crayon à mur" ou comme le proposait ALEX à un retour des petites ardoises (avec craies) à disposition de tous, dans les rues ou plus précisément sur les murs. Je profite de la bonne aubaine pour dédier amicalement ce billet à Alex et son grain à moudre si cher à certains jours.
P.S : Alex, de notre "fief" de Lyon, nous transmettons ta proposition à monsieur le maire... S'il ne veut pas nous voir écrire sur les murs (et il ne voudra pas ), s'il trouve trop couteux "le plan ardoises de Lyon 2009", peut-être pourrons-nous lui proposer qu'il mette à disposition de son peuple, des feuilles volantes et quelques petits pots de colle ? Ca tombe bien il s'appelle "Colomb" (Et chez nous on ne prononce pas le b final). Prenons ça pour une injonction... Tout de suite, là, maintenant ! Amis, allons...
Photo: Surface tout aussi fraternelle qu'une page écrite sur un cahier de brouillon. On imagine presque derrière ce mur, la table de multiplication classiquement jointe au verso des dits cahiers. Vu Rue Pizay dans la presqu'île de Lyon. Aujourd'hui. 22 Janvier 2009. © Frb.
23:40 Publié dans Art contemporain sauvage, De visu, Impromptus, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
Après tout
Un oubli, (ou des oublis ?) vu hier sur le mur qui se trouve être le mien. Tel un adage... Gris de facture qui se lit comme la boule de cristal. Sous les yeux, notre lot. Murs jalonnés de signes aux instants où l'on prierait presque pour ne pas les rencontrer. Où à tant de questions posées, ne subsistent que de vagues doutes sur la nécessité de poursuivre la promenade. Que cherchons nous à dire ici et à prouver ? Regarderons nous encore radicalement les choses jusqu'à leur épuisement ? Où bien ne serait-il pas nécessaire d'en arrêter le flux tout de suite avant qu'elles ne se brouillent, entâchées sans doute par trop de vanité ? GEORGES BRAQUE disait : "Le tableau est fini quand il a effacé l'idée". Et cette inscription fortuitement croisée, paraît ressembler, soit à l'idée augurant l'esquisse d'un tableau qui, pour toucher à l'état de grâce conçu par BRAQUE, (l'effacement de l'idée par le tableau même), doit poursuivre son évolution. Soit au tableau fini qui, d'ores et déjà, efface l'idée tout autant, que celui ou celle prétendant avoir quelquechose à montrer.
Sous l'écrit de l'oubli naît une ligne floue dont on ne sait encore si elle est de démarcation ou plus poreuse que la Maginot et qui ressemble étrangement à une plinthe...
22:35 Publié dans De visu, Impromptus, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
mercredi, 21 janvier 2009
Comme un mercredi
Comme un mercredi matin
En passant rue Désiré, à Lyon, mais un autre mercredi (de décembre l'année dernière) aux alentours de 10 H00 du matin, j'avais pu lire une page entière sur un mur, face à un café, mots de révolte, phrases rageuses jetées sur la surface publique (le mur) d'un triste beige clair, de haut en bas, dont je ne vous livre qu'un minuscule échantillon. Difficile de ne pas remarquer, tant cette page de mur où il était surtout question de racisme, de ségrégation (cf. notre photo) frappait le regard. Ce matin là, je vis de nombreux passants assez heureux (ou curieux) de s'arrêter et lire le mur, comme d'autres dans le métro lisent le journal...
Comme un mercredi après midi
Enfant, je m'étais toujours demandée pourquoi on mettait des gommes aux bouts des crayons. J'eus à cette heure précise l'impression d'avoir partiellement découvert la réponse...
Car en repassant rue Désiré l'après-midi, du même jour, vers 16H30, je m'aperçus que cette belle page, ce souffle de vie, cet élan d'expression spontanée était tout simplement en train de se tourner...
Mais le plus effarant fût peut être de regarder avec quelle application, quel soin mais aussi quel ennui, le monsieur (cf. notre photo) s'appliquait à bien faire son travail ... C'est à dire : à recouvrir, la libre (?) prose murale, d'une peinture d'un beige vaguement similaire au beige original, choisi sans doute en quatrième vitesse, dont la couleur en ton sur ton pas très heureux, faisait surtout penser à de la pisse...
Réparait-il ? Détruisait-il ?
Je vous laisse avec la question .
Liens utiles : AFFICHAGE LIBRE :Pages communes d'écritures et autres murs où l'on parle et écrit. Un site à visiter ABSOLUMENT
22:59 Publié dans ???????????, Art contemporain sauvage, Certains jours ..., De visu, Impromptus, Le monde en marche, Le nouveau Monde, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
mardi, 20 janvier 2009
La gloire et ses affluents...
"Oui, j'ai inspiré OBAMA, et ses équipes nous ont copiés"
SEGOLENE ROYAL : "Interview" journal "Le Monde" 20 janvier 2009.
Ce n'est pas pour me vanter mais il me semble avoir également inspiré feu Madame ROYAL avec ma photo prise à Washington Lyon sur le toît de la salle du Capitole, le mur des pentes de la Croix-Rousse en Amérique à Lyon, la semaine dernière. Souvent, le soir, au palais, quand je regarde mon collier de perles devant mon miroir, assise sur ma chaise dans la cuisine, je me demande si Martin Luther King Barack OBAMA aurait eu l'idée de se présenter aux élections présidentielles américaines s'il n'avait pas lu le chef d'oeuvre absolu qu'est ce blog.
L'Histoire nous le dira...
Lire plus : ICI
Madame S.ROYAL est-elle une illuminée ? à voir : ICI
Mémoire des pépites : ICI
17:44 Publié dans A tribute to, Actualité, Art contemporain sauvage, De visu, Mémoire collective, ô les murs !, Pépites | Lien permanent
Qui s'enfuit déjà...
La gloire n'a qu'un temps...
En 1937 alors que l'ouvrage "La nausée" est déjà écrit mais pas encore publié, J.P SARTRE craint de ne pas accéder à la gloire. il écrira plus tard dans "Les carnets de la drôle de guerre":
"A 32 ans, je me sentais vieux comme le monde, comme elle était loin cette vie de grand Homme que je m'étais promise, par dessus le marché, je n'étais pas très content de ce que j'écrivais et puis j'aurais bien voulu être imprimé, je mesure aujourd'hui ma déception quand je me rappelle qu'à 22 ans j'avais noté sur mon carnet cette phrase de Töppfer qui m'avait fait battre le coeur:
"CELUI QUI N'EST PAS CELEBRE A 28 ANS DOIT RENONCER POUR TOUJOURS A LA GLOIRE"
REF : J.P. SARTRE in "Carnets de la drôle de guerre Nov 1939- Mars 1940. Paris, Gallimard 1983.
Source : E. ROUDINESCO in "Philosophes dans la tourmente". Librairie Anthème, Fayard 2005.
Photo: La fameuse horloge, incontournable au regard du voyageur. Vue au dessus de l'entrée principale de la gare de la Part-Dieu à Lyon. Janvier 2009. ©Frb.
16:33 Publié dans A tribute to, De visu, Le nouveau Monde, Mémoire collective | Lien permanent
La petite aiguille sur la grande...
Heure ouvrable sur l'horloge commune bordant un cours Vitton presque désert, devant les bâtiments modernes (résidences cossues du sixième arrondissement de Lyon, dont une baptisée "des célibataires"), juste en face de l'illustre "brasserie du Parc" et son enseigne rouge sombre que je vous montrerai un jour (un certain jour). Mine de rien, pour notre RV (séance-photo), la pendule était à l'heure, et moi aussi, comme quoi, il y a de ces hasards sur terre ...
09:59 Publié dans Affiches, panneaux, vitrines, Balades, De visu, Le nouveau Monde, Mémoire collective | Lien permanent
lundi, 19 janvier 2009
Comme un lundi dans les beaux quartiers
Ici les parquets "chevron" craquent sous l'escarpin verni. Quelques moulures discrètes sur un plafond ivoire, deux cariatides voilant à peine leurs charmes supportent les corniches, tout à côté, dans la bibliothèque, les oeuvres complètes d'Alphonse de Lamartine.
Nous sommes à deux pas du Parc de la Tête d'Or, la nappe est en dentelle. On a mis le champagne au frais. Au salon, un Steinway. Madame joue du Schumann en peignoir de soie blanc. Tout un monde de voilages. Charme discret de la bourgeoisie...
06:25 Publié dans Certains jours ..., De visu, Impromptus, Le vieux Monde, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
dimanche, 18 janvier 2009
Comme un dimanche
Nappe à carreaux, calendrier des postes, et brioche pralinée, (oui, j'ai regardé ;-) derrière les rideaux "bonne-femme" d'une petite maison des pentes de la Croix-Rousse à Lyon. En fait, ce n'est pas du tout une petite maison, juste un fragment d'immeuble ancien vu rue Pouteau, une rue qui a cette particularité d'être un peu rue et un peu escalier. Comme un dimanche d'hiver où l'on ne sait plus très bien où est la ville, où est la campagne... Les escaliers menant à la colline sont durs aux frileux miséreux, et il n'est jamais vain de faire une halte, pour contempler les jupons de ces fenêtres aux motifs d'une naïveté désarmante... Fleurs des champs, petites silhouettes de coqs, ou farandole de chiens. Il se trouve que de temps en temps, une petite naïveté désarmante, qui vient à nous sans trop prévenir: ça repose.
Rideaux "bonne-femme" sous l'éventail : ICI
Autre modèle proposé par la maison : ICI
Photo: Cuisine sur rue. Rideaux "bonne-femme", rue Pouteau. Lyon. Un dimanche de janvier 2009.© Frb.
23:50 Publié dans Balades, Certains jours ..., De visu, Le vieux Monde, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
L'autre monde ( Part I )
"A qui parlons-nous lorsque nous nous taisons ?"
TARJEI VESAAS (1897- 1970). Extr. "Vivre notre rêve"
Photo: Là bas. Janvier 2009.
06:08 Publié dans ???????????, Balades, Ciels, De visu, Mémoire collective | Lien permanent
L'autre monde ( Part II )
"Le froid habite dans la nuit et le givre habite dans la terre
Le feu habite dans les Hommes et ne change pas de lieu
Le coeur habite dans la nuit parmi les roses."
TARJEI VESAAS. Extr : "Les vivants"
Tarjei VESAAS est un écrivain norvégien de langue néo norvégienne. Né à Vinjem dans la très vieille province du Telemark, (il est du même district que l'inconnu qui rédigea au XIIIem siècle le célèbre "Draumkvaedi", "the dream poem"), il mourût le 15 mars 1970 à Oslo, l'année même où l'on pensait à lui pour le prix Nobel. Ecrivain de l'indicible, de l'ineffable, il resta toute sa vie un homme silencieux, réservé et timide, de cette timidité scandinave qui jouxte la paralysie et peut aller jusqu'à l'inhibition totale. Fils de paysan, il le resta lui aussi, pris dans la gangue de la terre. Son écriture rend le mouvement des saisons, leur respiration, l'exhalaison des brumes à travers champs, le choc des pierres et de la glace, sa langue est rurale, paysanne. Il a choisi de s'exprimer dans la langue de sa province (Nynorsk). Son écriture évolue au même rythme que cette nature dont il est inséparable, par lente croissance et patiente maturation. "La vie au bord du cours d'eau" ou "vie au bord du courant" (selon les traductions), titre de son ultime recueil de poèmes, symbolise cette écriture pudique, méfiante des envolées lyriques, du trop plein pathétique, elle s'en tient à l'essentiel: de l'Amour à en mourir, de la nature au plus profond de la neige, et du feu toujours présent. Un an avant de mourir, il a confié dans "Oiseaux et maisons" : "Ce que je voulais, c'était raconter le jeu caché et secret qui se passe aux heures de la nuit quand le jour nouveau point à peine et que tout devrait dormir dans la maison, un jeu dont personne ne doit être témoin." Tarjei VESAAS s'adresse à tous, solidaire avec tous, sans rejet pour les faibles; à ceux qui savent, par grâce "entendre l'inaudible", l'autre monde se trouve coïncider alors avec le réel sans la moindre solution de continuité."Nous sommes au delà de ce qui peut se dire".
T.VESAAS joue avec cette lumière impensable, la nature du Grand Nord, cette clarté de début du monde qui efface les distances, soulève les apparences, magnifie, irradie, dédouble. Son oeuvre est peuplée de goutelettes ruisselant sur des branches, de violence éclatant dans ce décor primordial, animée d'êtres simples d'esprits, d'idiots de tous les villages mais qui savent voir et entendre, au delà de ce que nous supposons. L'écriture de T. VESAAS pourrait ressembler à des dessins furtifs dans la neige, s'il n'y avait pas ces surgissements d'images violentes, immenses. Sa poésie est prophétie. Menaces mais aussi apaisement. Passionné de chevaux qui ont peuplé sa vie, il y a de la magie dans ses silences, comme celle qui nous surprend parfois au contact des silence animaux. Dans le non-dit passe l'essentiel. Parfois un mouvement crée le contraste mais nous sommes déjà en ses mondes "au delà de ce qui est dit" car rien ne dit beaucoup, ce sont des voix qui disent "je", "nous", la voix du chien, de la forêt, la voix des ponts. Un chant de pureté monte de ses livres et l'on doit s'avancer vers lui avec la même lenteur que sur un lac gelé, tendre l'oreille car dans ses pages, il y a des bruits... La paisible chronique paysanne que nous imaginions lire devient alors "littérature de l'abîme", cette grande pitié du monde s'exprime par des phrases qui chantent mais resteront toujours inconsolées. Hanté par la condition humaine et la mort en marche, il s'approche à pas de loup du sacré de l'Amour (cf. "le palais de glace" 1963, Flammarion). Nous reviendrons sans doute sur cet auteur un jour, (un certain jour ;-) Promesse incertaine, mais promesse tout de même... Je réserve l'avantage à R.M.RILKE de fermer (ou d'ouvrir ?) ce billet sans répondre à la question de Tarjei VESAAS, bien sûr; une belle phrase en forme de dédicace aux "voyages immobiles"de Marc auteur du blog "EPISTOLAIRE" qui a permis de relier en douceur, (de là bas à ici), le passage certain des jours, du plus loin au plus proche:
"Il est des livres qui touchent aux racines les plus sensibles de l'âme et l'on n'a de cesse de tout faire pour en chercher l'auteur et en devenir l'ami"
R.M RILKE à RODIN (01/08/1902)
03:07 Publié dans A tribute to, Balades, Ciels, Mémoire collective | Lien permanent
mercredi, 14 janvier 2009
In a broken dream...
" Je veux délaisser l'Art vorace d'un pays
Cruel, et, souriant aux reproches vieillis
Que me font mes amis, le passé, le génie,
Et ma lampe qui sait pourtant mon agonie
Imiter le chinois au coeur limpide et fin
De qui l'extase pure est de peindre la fin
Sur ses tasses de neige à la lune ravie
D'une bizarre fleur qu'il a sentie enfant,
Au filigrane bleu de l'âme se greffant.
Et la mort telle avec le seul rêve du sage,
Serein je vais choisir un jeune paysage
Que je peindrais encor sur les tasses, distrait.
Une ligne d'azur mince et pâle serait
Un lac parmi le ciel de porcelaine nue,
Un clair croissant perdu par une blanche nue
Trempe sa corne calme en la glace des eaux,
Non loin de trois grands cils d'émeraude,
Roseaux."
STEPHANE MALLARME. Extr. "Las de l'amer repos". In "Poésies". Editions J.C Lattès, Paris, 1989.
Photo: Nuages à la course arrêtée, au dessus de l'étang gelé de Montrouan. Silence dans les mondes perdus où Alceste disparût une nuit de novembre. Certains jours prend un billet aller pour le rejoindre. Mais le retour n'est pas certain...
10:38 Publié dans A tribute to, Balades, Ciels, De visu, Mémoire collective | Lien permanent