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mercredi, 28 novembre 2012

Le loup dans mon oeil gauche

"Je suis riche de pauvreté"

CHOMO alias Roger Chomeaux propos recueillis par Laurent Danchin in "Chomo" éditions Claude Simoën, 1978.

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Parler du royaume de Chomo c'est pour l'heure, une figure de prétérition, une préface pour vous dire que nous ne l'évoquerons pas ce jour ou très peu, l'univers de Chomo servant à ouvrir une fenêtre sur une autre manifestation, mais je reviendrai aux oeuvres de Chomo, prochainement puisque nous en aurons le temps et qu'il me paraît plus pressé de parler d'un spectacle donné par la compagnie de l'Iris, (et son théâtre villeurbannais) aujourd'hui bien connu, dont nous soutenons sans réserve les créations et la démarche exigeante au fil du temps, pour que l'art vivant le reste et puisse encore se partager simplement. Le theâtre de l'Iris, on le sait, en plus des nombreux spectacles qu'il propose et crée depuis des années, reste une mine d'explorations surprenantes, d'échanges entre des disciplines scéniques très différentes, où la rencontre avec les acteurs, les créateurs, les auteurs, offre une approche généreuse autant qu'une interrogation constante de la vie au spectacle et réciproquement. L'Iris a résisté contre vents et marées et continue à chercher et triturer dans l'humain, des sources classiques à contemporaines jusqu'à celles oubliées ou encore incréees avec un soin scrupuleux de réflexion, de transmission, le tout très accueillant.

Pour ceux qui souhaiteraient se rendre à ce spectacle (je vous le recommande chaleureusement) il s'appelle: "Le loup dans mon oeil gauche" pour ceux qui ne connaissent pas, ils trouveront le théâtre de l'Iris au 331 rue Francis de pressenssé à Villeurbanne, l'endroit ne manque pas de charme puisque c'est en 1988 que la Compagnie s'est installée dans un des derniers petits cinémas de quartiers alors que le cinéma permanent par exemple le "Fantasio" (premier cinéma à s'équiper du parlant, non loin du coin des frères Lumière, ô capitale du cinéma !) a vu depuis des lustres sa mémoire effacée, contre l'avis des habitants pour grossir la cité dortoir, il n 'en reste quasi aucune trace, quant à la création, aujourd'hui dans la rue de nos ateliers, les derniers îlôts artistiques, lieux d'échanges officieux sont déjà sous les bulldozzers, les notres frappés de servitude, c'est dire (-dits graissons-), par les temps qui courent, combien le lieu où l'Iris a choisi de poursuivre ses créations demeure précieux et nécessaire, il colle parfaitement avec l'esprit de son theâtre où la création résiste en peaufinant son art et souvent le fait voyager. Le projet initial toujours en évolution, le théâtre de l'Iris reste aussi un "passage" (au sens imagé du passeur) pour rencontrer des oeuvres et des artistes rares.

C'est encore la compagnie de L'iris qui vient nous offrir aujourd'hui une traversée aussi profonde qu'époustouflante dans l'univers singulier de l'art brut. Trop rarement célébré, on ne sait pas exactement quelle place lui accorder, lui qui semble n'en vouloir aucune. Il y a dans l'art brut des attraits mystérieux, des sentiers qui s'évasent...

Chaque jour à notre insu, des gens, des anonymes et inconnus dits "ordinaires", après ou avant leur travail, créent, dessinent, découpent, peignent, bâtissent, inventent, sculptent ou écrivent. Rien que de banal, direz vous ? Rien de plus extraordinaire au contraire, lorsqu'il ne s’agit pas de leur métier et que ce qu’ils font là, ils le réinventent totalement, sans l’avoir jamais appris. Passion, visions, transcendance, mais aussi désespoir et quelque fois maladie. 

Ce spectacle vaut la peine d'un petit déplacement (même dans le froid) puisqu'il est encore facile aux lyonnais (et à ceux de passage) de s'y rendre, à métro par la ligne qui mène direct de presqu'île à Laurent Bonnevay, il suffira de descendre à la station Cusset, et filer au theâtre, pour le plaisir de se retrouver "embarqué...  

extraits:

 Le facteur Cheval ramasse des cailloux sur les chemins, perdant quelque fois le courrier, 

Aloïse institutrice contrariée dans sa vocation de cantatrice tombe éperdument amoureuse de Guillaume II, elle écrit et dessine depuis,

Jeannot a inventé une machine à tailler les vignes, mais se fait voler son invention et se réfugie dans un autre monde, 

Jeanne se voue au spiritisme et à la divination puis dessine, brode et écrit le restant de sa vie en devenant Jeanne d'Arc,

Un autre Jeannot de retour de la guerre d'Algérie s'enferme chez lui pour sculpter un texte halluciné dans le plancher de sa chambre,

Jean-Pierre, quant à lui, nous révèle les origines de l'espèce humaine et du langage dans un Evangile de mille pages qu'il fait tirer à son compte et distribue gratuitement. Il y dévoile la Grande Loi cachée dans la parole et nous démontre la prodigieuse évolution humaine : l'homme descend de la grenouille ! 

La pièce a été mise en scène par Caroline Boisson et Philippe Clément, conçue et écrite par Philippe Clément d'après les oeuvres de Jean-Pierre Brisset, Aloïse Corbaz, Samuel Daiber, Henry Darger, Jules Doudin, Henri Besse, Zdenek Kosek, Lobanov, Marmor, Petit Pierre, Simon Rodia, Jeanne Tripier, Walla, George Widener, Scottie Wilson, Adolf Wölfli etc…

Elle est servie par quatre acteurs (performers) éblouissants: Hervé Daguin, Martine Guillaud, Serge Pillot, Didier Vidal, chorégraphiée par Maryann Perrone, les costumes pas piqués des hannetons sont de Eric Chambon, le son et les lumières, tout est beau, mais, allez voir, le spectacle est jubilatoire et pas seulement, c'est un écho, une émotion, une exploration, (préludienne ?) ramenée du "pays" de l'art brut, celui-ci fût défini par Jean Dubuffet

ici, un extrait du manifeste de 1949, à propos de l'art brut:

Nous entendons par là, des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique dont le mimétisme, contrairement à ce qui se passe chez les intellectuels, ait peu ou pas de part, de sorte que leurs auteurs y tirent tout (sujets, choix des matériaux mis en œuvre, moyens de transposition, rythmes, façons d’écriture, etc.) de leur propre fond et non pas des poncifs de l’art classique ou de l’art à la mode. Nous y assistons à l’opération artistique toute pure, brute, réinventée dans l’entier de toutes ses phases par son auteur, à partir seulement de ses propres impulsions. De l’art donc où se manifeste la seule fonction de l’invention, et non, celles, constantes dans l’art culturel, du caméléon et du singe."

ou plus simple:

Les artistes d'art brut oeuvrent en dehors, sans références et souvent sans démarche intellectuelle.

Certes, il y a des grincements, il faut les éprouver de front. 

Ces créateurs sont par définition des exilés, le chômage, le vieillissement, la maladie, parfois le handicap peuvent en faire des exclus. Certains malgré tout ont inventé leur chemin où il se tiennent, on pourrait dire "au bord du monde". 

Si d'entre eux, quelques uns s'effondrent, condamnés à errer mentalement avec leurs créations, incapables de communiquer à quiconque leur langage mystérieux, d'autres sont parvenus à se reconstruire en s'exprimant dans cette marge grâce à l'art et à la création, pour le créateur d'art brut, l'idée de se glisser dans les programmes des musées ou autres n'est pas le but, les artistes d'art brut disposent d'une gratuité à laquelle nous sommes (principe de réalité oblige) assez peu disposés (quoiqu'on dise), les artistes d'art brut balaient par leur inspiration, les moues des sceptiques qui se demanderaient encore "l'art brut est-ce de l'art pas de l'art ?". Cela n'est pas le souci des artistes d'art brut. Leur vie même étant d'inventer un langage radicalement inédit et totalement dénué d'emprunts, leurs oeuvres ont à voir avec la pulsion, mais cette expression personnelle touche encore à l'universel, sans le secours de références (histoires de l'art, courants d'ismes etc...) jusqu'à ce que nous en éprouvions quelque fois le vertige, une sensation qui hésite entre la peur d'y contempler un puit sans fond et l'émerveillement enfantin devant quelque paradis retrouvé. Entre les deux autant de royaumes ou d'abîmes... L'art brut naît d'un élan vital qui tente encore d'échapper à la destruction à l'anéantissement et fait un retour sur ce que nous avons en nous de plus profond. 

Bien sûr, on pourrait signaler certaines démarches d'art contemporain comparables ou très proches de l'art brut, certains artistes ont clairement revendiqué l'influence de l'art brut sur leurs oeuvres, d'autres sont à la "limite" mais quelque chose distingue le créateur d'art brut de l'artiste contemporain (prompt à se situer dans un courant): c'est ce point de "désintéressement" dont l'artiste contemporain déplore quelquefois qu'il se soit délité, voir perdu, mais les artistes contemporains ont besoin tôt ou tard de reconnaissance et peut-être (ça ne se dit pas trop) de louanges, même s'ils affectent un esprit "désintéressé", ce désintéressement de l'artiste (plus ou moins proclamé) peut sincèrement exister mais il ne sera jamais le même que celui du créateur d'art brut, en cela, l'artiste contemporain est assez éloigné de l'artiste d'art brut, qui se passe de reconnaissance pour créer, il ne cherche aucune approbation culturelle ou sociale. Peut-être est-il vestale de cette part angélique qui manque à l'homme plus ou moins "adapté"...  (c'est une vue romantique, j'y mets quelques guillemets, il y en a de plus sombres), ce dont on ne doute pas c'est que l'art brut interroge au plus près l'acte de créer, et celui d'être au monde. Comment peut-on créer pour rien ? Et pour personne ? C'est une des multiples questions avec parfois celle des affres de l'univers mental et des frontières de la folie, de la raison - où ça commence ou ça finit ? L'art brut dérange sans vouloir déranger. Il y a bien une sorte de démarche ou plutôt de ressort, mine de rien, très puissant, chez l'artiste d'art brut, c'est le défi solitaire obstiné, qui prend forme quelquefois de quête obsessionnelle: puisqu'on se désintéresse à ce que sont ses oeuvres, eh bien ! soit ! le créateur d'art brut prendra sans notre permission la liberté de "tout dire" et de toutes les façons, sans qu'on accorde une responsabilité à ce qu'il dit, à ce qu'il est puisque précisément, on ne manquera pas de compétences pour le traiter de fou, ou moins encore, d'irresponsable.

(en guise d'introduction de Chomo à la pièce de Philippe Clément , le sujet reste à suivre...)

  
source et  pistes d'exploration pour l'art brut, ci dessous:
 
 
 
A propos de la pièce, "Le loup dans mon oeil gauche":

Il ne reste qu'un jour à peine pour découvrir cette pièce (surtout ne pas se fier à notre horloge ici en mode "jours de traîne"), un regret cependant, j'aurais aimé chroniquer cette manifestation beaucoup plus tôt, le spectacle est une pure merveille, mais je ne l'ai appris qu'à mon retour puisqu'avant je n'étais pas à Lyon et  je n'ai pas de nid faune, mais il n'est pas trop tard :
 
"Le loup dans mon oeil gauche" se joue jusqu'au 2 Décembre 2012 (c'est donc le dernier jour, ce dimanche; attention, pour la der des der, le spectacle commencera à 16H00 pétantes, il est prudent de réserver.
 
Pour des infos complètes, le petit nécessaire du Theâtre de l'Iris est à cliquer ICI 
 
Le programme du theâtre pour cette année, peut se télécharger (en pdf) encore ICI
 
 
Et Chomo dans tout ça ? Chomo, on va en reparler, en attendant, pour illustrer le thème toujours irisé, Chomo vous récite un poème:
 
 
 
 
 
Remerciements à Serge Pillot, la compagnie de L'Iris, abcd art brut.net, Laurent Danchin, Raw vision, et Paul pour leurs invitations, le partage d'une précieuse documentation, et toutes les précisions, liens, éclairages qui ont largement nourri ce billet.
 
Photo : Mon quincailler est un étalagiste d'art brut mais il ne le sait pas, lorsqu'on lui dit, il s'en fiche. A chaque saison, sa façon bien à lui, d'agencer ses vitrines semble s'éloigner des tiroirs ordinaires de la quincaille contemporaine, chez lui, pour trouver par exemple, un clou, il faut d'abord croiser quelques biches qui nous observent comme si nous n'avions rien à faire ici (quelle idée me direz vous, d'aller acheter un clou dans une quincaillerie ?) - ça c'est la biche qui le dit - ainsi, à chaque saison un nouveau peuple d'animaux occupe les lieux avec une vraie légitimité saisonnière (ça reste dans une logique bien plus intéressante que celle des vitrines de la fête des lumières mais je m'égare, pardon). L'année dernière, dans la vitrine, c'était des écureuils qui sciaient des fagots avec des scies sans lame auxquelles il manquait le manche, (un peu comme le couteau quantique de Lichtenberg, qui n'est pas brut du tout mais ça reste une idée de cadeau), mon quincailler a aussi une façon formidable de faire la promotion de ses outils z'et matériaux, tant pis pour le castor, mon quincailler est fier de ses scies, cette année, on ne boude plus les plaisirs, avec des si t'avais peur du loup dans ton oeil gauche, t'aurais deux biches dans ton oeil droit, et le quincailler qui te donnerait à la place du clou, des champignons en mousse plus vrais que toi pour ton dîner que tu mettrais dans ta brouette afin te promener en ville avec ton ourson sur ta tête ou pour les manger quand tu rentrerais le soir dans ta maison en pain d'épice, en attendant, que des promoteurs du village préludien te la construisent, mais au lieu de lire ces fadaises cours dont vite à l'Iris, voir le loup, si tu ne veux pas te faire effacer par l'anprinte...
 
 
Villeurbanne © Frb 2012 (avec l'aimable participation de Paul)

mardi, 20 novembre 2012

Etat des lieux

Pas de fluctuations possibles, d'écarts brusques, d'arrachements, de rapprochements imprévus, de soudaines fusions. Chacun ici est à sa place. Une place que rien ne peut lui faire perdre.

NATHALIE SARRAUTE in "L'usage de la parole", éditions Gallimard 1980.

 

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Nous étions invisibles nous devenons absents. 

Nous prenons la distance nécessaire.

  

Photo : Un matin d'automne au pied du mont St Cyr.

 

 Là bas © Frb 2012

mercredi, 14 novembre 2012

Je suis un artiste

"Je ne suis pas un papillon je suis Frédéric, je ne suis pas une machine à répéter je ne suis pas un animal je suis un humain je ne suis pas analphabète je suis un arbre je ne suis pas une fille je suis un garçon je ne suis pas un objet [...] voici mon bureau où je mets aussi quelques cadres et des posters de chevaux [...] j'ai aussi un enregistreur j'ai un ordinateur avec sa caméra et des personnes qui peuvent voir dans l'ordinateur [...] et j'ai même dans ma chambre un grand piano et ça fait du bien de chanter avec le piano [...] voici mon grand jardin avec une serre où je fais tout des légumes variés [...] j'ai toujours des jambes longues je suis grand je suis fort j'essaie de trouver la vérité et d'être le plus beau du monde"

FREDERIC:  extraits choisis "Je suis Frédéric", une pièce sonore réalisée par Damien Magnette mixée par Christophe Rault,  produite par l'ACSR (atelier de création sonore radiophonique- Bruxelles).

 

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"j’aime écouter ma voix".


Voilà Frédéric. Mentalement déficient qui aime les sons follement, qui décrit sa vie quotidienne à Damien Magnette. Il s’enregistre depuis des années, collectionne les sons, chuchote ou crie dans le micro. Il nous fait visiter son monde : sa maison, son atelier de jardinage, ses goûts, ses pensées. On déambule avec lui dans un univers baroque de bric et de broc. Frédéric est "mentalement déficient". Peu importe, son énergie emporte tout. Il dit « je » mille fois. Un "je" servi par une parfaite réalisation de guingois.

(source de partage sonore : SILENCE RADIO)


"Je suis Frédéric"

 

Pour tenter d'en présenter un peu l'essentiel. Cette pièce sonore est une des plus fulgurantes entendue depuis bien longtemps, elle a été relayée par nombre de médias qui l'ont unanimement encensée, elle a remporté de nombreux prix notamment en 2011 un second prix de création radiophonique au festival longueur d'ondes. Le Festival "bobines rebelles" a eu l'excellente idée de programmer cette composition, le week end du 24 et 25 Novembre 2012, (à venir sur notre calendrier récalcitrant, et sans doute advenu déjà) mais comme nous n'avons pas tous l'opportunité de partir un week end pour un festival en Seine St Denis, je vous propose d'entrer dans la maison de Frédéric, qui est bien sûr un monde. Damien Magnette a composé, décomposé, recomposé la réalité du quotidien de Frédéric pour nous inviter en terre angélique  le metteur en ondes a dû brouiller, comme nous l'aimerons toujours, la fiction et la réalité. Entre des faits anecdotiques, un singulier parcours, surgissent implicitement des abîmes et les questions universelles, les plus claires de la vie humaine, comme les phrases que nous n'osons plus prononcer quand nous parlons à la première personne, histoire de "dire" "communiquer" s'il est possible, d'exprimer qui nous sommes.

 

"Je suis".

 

Ici, l'immersion est brutale mais d'une immense délicatesse qui évoque et réveille ces attachements au tout venant - de très simple à baroque. Le courant passe par les les oreilles jusque dans l'épiderme, il est électrique, devient partageable et c'est terriblement, que Frédéric "nous" jardinera, mine de rien avec sa voix humaine, ses dessins son piano... Ca deviendra un sortilège.

Cette création est un fondamental à écouter absolument, 38mn 34 de visite guidée par Frédéric, un énoncé très simple en apparence...

Merci encore à l'excellent site : "Silence Radio" de nous permettre de diffuser partager et faire tourner peut-être... Peu de chance d'en sortir indemne.

 

 

"Je suis un dessin [...]

je suis Frédéric Deschamps

mais je ne suis pas méchant"





 


 

Nota :   Quelques lecteurs m'ont signalé que leur navigateur ne permettait pas l'écoute via le player de "Silence radio", si vous rencontrez ce problème vous pouvez écouter la pièce de Damien Magnette en cliquant sur le lien ci-dessous:

 

http://www.silenceradio.org/dbfiles/file_171_high_je_suis...

 

Photo : "Je suis une fenêtre"...


Sources documentaires et sonores : Silence radio- ACSR- France Culture /

 

 Le manoir © Frb2012.

samedi, 10 novembre 2012

Vers l'idéal...

L’avenir n’est pas encore venu, le passé est déjà bien loin [...]

Il me plaît de marcher de travers ne gêne pas mes pieds. C’est le moment de laisser faire.

ZHUANG ZI : "Oeuvre de Tchouang-Zeu"

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Adage : Quand les hommes s'en retournent au pays des Anatidés, ça veut dire que l'hiver ne va pas tarder

Bonus : L'affirmation du jour se multipliera sous l'image et la métamorphose sera presque achevée...

Photo : Saisir à la volée du haut (pas trop) d'une falaise lyonnaise (?) une pêche miraculeuse sur les berges du Mississipi qui ressemblent (étrangement ?) à celles de la Saône, par endroits...

 

Mississipi ou presque © Frb 2012

jeudi, 08 novembre 2012

Portrait du poète en chasseur de perdrix et autres fariboles

Suis-moi. sous ces ormeaux ; viens de grâce écouter
Les sons harmonieux que ma flûte respire :
J'ai fait pour toi des airs, je te les veux chanter ;
Déjà tout le vallon aime à les répéter.


ANDRE CHENIER extr. "L'oaristysDaphnis in "Bucoliques. Idylles et fragments d'idylles", (le poème est disponible intégralement ICI)

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Ayant tout dit, tout lu, il croyait en avoir soupé des feuilles mortes et le vent de Verlaine tamisait ces farines sous la plume refroidie d'un oiseau. Pendant que l'homme ordinaire roulait à la taverne, le poète à pipe et chapeau découpait les saveurs de la vigne avec de la Volvic puis miroitant ainsi sur ces monts et merveilles promettait de suer sang et eau pour écrire un sonnet à sa poule qui aimait la liqueur de griottes, l'eau de vie des figues et de nos damassons.

Les fruits mûrs grands ouverts glissaient dans ses corbeilles. Cela appartenait au grand monde à présent, le pays privé de soleil en cherchait un nouveau, troussant les rondes saisonnières comme les jupons des rousses qui flottaient sur la terre, on ne sût pas comment cet écrin d'amour éphémère fut dépouillé de son velours, on fît mine de ne pas connaitre l'endroit où la pluie croisa la tempête, une forêt poussée sous la brume miraculeusement épargnée cacha tout: douce gemme, mucus fragile louant hier les saponaires et les longs calices tubulés. Le poète soupçonnait le diable de vivre dans une noisette il la mènerait à la casse avant de la croquer.

A la saison d'automne plus tendre que les autres saisons, on croiserait des poèmes en petits en tas serrés posés sur un bureau bien à l'abri des courants d'air. On parlerait d'une voix grave un stylo d'argent sur l'oreille du "voeu" et de l'oaristys puis les mots muteraient en touffes de poils de martre, ce pinceau barbouilllerait les jaquettes qui vous bradent des couchers de soleil, du clair obscur, l'extase portant cette écume à vos lèvres chuchoterait : "l'automne est là" en nous, profond comme le ciel faisait valser hier, des lingots d'or qui voltigeaient sur la clairière pour se rouler dans la rosée, nulle chasse, nulle pêche d'alors, juste une cueillette histoire de dorer quelques verbes en rougir jusqu'à la consomption.

Le poète dût réapparaître, souriant pipe au vent, avec son braque Sultan seul compagnon fidèle et facile à aimer, il sonna à grand cor l'ouverture de la chasse, et promit qu'il nous ramènerait une étole en fourrure de petit lièvre, un pagne en plumes du faisan vénéré, des porte-manteaux en pied de biche, une bague en genêt d'or. Prêt à tout embraser, le poète sortait de la campagne cachant dans sa veste de chasse sa couronne de laurier, les couleurs incendiaires affolant son plumier, il tira en premier sur les pattes en corail d'Yvette, une jolie perdrix aux yeux rouges, qu'il blessa mais ne pût achever.

Nous ne reçûmes pas l'étole en fourrure, ni le pagne, pas le moindre petit morceau d'un porte manteau en pied de biche et la bague en genêt (pour la beauté du geste) arriva si fanée qu'il n'osa pas l'offrir. Yvette ayant troublé follement le coeur du poète, il lui construisit un nid de broussailles dans un petit bois rouge et or, y fit mettre tout le confort, délaissa sa vieille poule pour s'installer dans l'arbre avec la perdrix.  Ils vécurent heureux d'amour et d'eau fraîche coupée d'une quantité épatante de liqueur de griottes, figues et bons damassons. Ca pourrait finir là.

Epilogue:

En automne les histoires d'amour commençent bien, mais c'est sans parler du coucou, l'affreux coucou à poitrine rousse qui de loin avec ses yeux ocres épiait le petit nid d'amour. Le coucou lui aussi un jour partirait à la chasse - la chasse au nid d'amour - mais par respect pour la ronde des saisons, je vous raconterai la fin de cette tragique histoire au printemps. Si j'y pense.

 

Photo : Dans l'image toujours la même question. Sinon, c'est l'automne au jardin, tardif, plus sûrement à venir (et à suivre) ...

 

 

 Là bas © Frb 2012

mardi, 06 novembre 2012

Panier (by HK/RL)

"Je les vois se dorer ventre à l'air vos chanterelles d'abord dans une petite mousse grosnienne émeraude bordée de feuilles de chênes ocres puis bercées dans votre panier d'osier"

écrivez vous dans votre commentaire

d'où la photo ci-jointe pour vous prouver que votre "vision" est très exacte (retour d'une longue balade-cueillette en forêt des Trois Monts)"

HK/RL: extrait d'une correspondance automnale et gourmande, (ce n'est pas la première). Vous pouvez  retrouver LR chez nos amis de Lieux dits (en ouvrant la fenêtre) ou vous pouvez rester ici en offrant votre corps et votre âme à ce divin panier pour en jouir sans entraves.

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podcast

 

 

Musique: A very special dédicace to HK/LR, de correspondance en correspondances: John Cage était aussi un fin mycologue allumé par l'art des cueillettes il s'est tôt aperçu que "Music" et "Mushroom" se  touchent dans plus d'un dictionnaire. Ci-dessus, un extrait de  "Mushroom Haïku, excerpt from Silence".

 

Photos: Un panier de chanterelles et des parfums boisés, pour un monde attachant où l'or croît au grand air, se cueille à pleines brassées puis s'attache à nos lèvres. De quoi  passer l'hiver très loin du CAC 40  dans la délectation insolente des plaisirs simples et gais, à humer sans vergogne un  petit vin de région.  Le cueilleur de champis (qui est aussi un marcheur, chercheur patient et silencieux), pourrait  bien se laisser tenter au retour par un de ces Chinon de 10 ans d'âge, un salaire sans la peur,  dans le crépitement  des fricassées, nous lèverons nos verres à la terre, tant qu'elle tourne,  (comme un plat de chanterelles), et trinquerons au tableau merveilleux qu'on pourrait appeler "le repos du  cueilleur". Et ce n'est qu'un début...

 

from the Grosne's-Land © HK/RL 2012.