jeudi, 21 mai 2009
INCREVABLE 2098, ou le futur révélé par HOZAN KEBO
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Voix et volutes
"J’appelle à moi les tornades et les ouragans
les tempêtes les typhons les cyclones
les raz de marée
les tremblements de terre
j’appelle à moi la fumée des volcans et celle des cigarettes
les ronds de fumée des cigares de luxe
j’appelle à moi les amours et les amoureux
j’appelle à moi les vivants et les morts ... "
ROBERT DESNOS. Extr. "La voix de Robert DESNOS" (14 dec 1926), in "Corps et biens". Editions Gallimard 1953.
Ros(s)er la vie en grises volutes. Les cigarettes de Robert D. ne connaîtront jamais, (on l'espère !), le sort de "la pipatati"... Desfois qu'il "leur" vienne à l'idée d'effacer carrément du poème, ces "ronds de fumée", et autres volutes Desnosiennes, pour livrer l'oeuvre enfin, nettoyée des scories, à nos chers têtes blondes. On enlèvera aussi peut-être des manuels, que Robert DESNOS était un mauvais élève, enfin, il n'aimait pas les cours, (ce n'est pas pareil), ni le patriotisme qui s'apprend dans les écoles, préférant lire des bandes dessinées, les revues "l'épatant", "l'intrépide" les feuilletons populaires, (dont Fantomas). Tout ce que les surréalistes nommeront plus tard : le merveilleux dans la naïveté populaire ou plus précisément encore je cite : "la poésie involontaire".
Les poèmes de R. DESNOS, de la fin des années 20's et des années 30's se sont inspirés de cet imaginaire très enfantin. Héros grandiloquents, Far West, et autres invincibles fous d'aventures. Les surréalistes reprocheront à DESNOS certaines oeuvres, oubliant que DESNOS fût d'abord un autodidacte à la vaste culture mais jamais un lettré, ni un savant. Il est vrai que quand DESNOS se lance dans l'alexandrin, celui ci a parfois treize pieds. Quelle importance ? Le treizième n'est peut-être (qui sait ?) qu'un petit vers offert par la maison et jeté par dessus les fagots comme il l'écrira avec belle conscience :
"Je ne suis pas philosophe, je ne suis pas métaphysicien ... Et j'aime le vin pur".
Ah ! l'imprudent ! après la cigarette, les cigares de luxe, le vin pur ! Il faudrait coller un avertissement sur ses livres : "Lire DESNOS nuit gravement à votre santé et à celle de votre entourage". Juste par acquis de conscience. Pas interdire. Prévenir nos jeunes ;-)
DESNOS, L'enfant terrible, le fou de liberté, appelant par sa voix, à minuit triomphant, les breffrois et les peupliers pour les plier à son désir. DESNOS se laissant adorer par des femmes qu'il n'adore pas, qui viennent à lui et obéissent. DESNOS faisant rougir sur ses lèvres les ouragans, gronder à ses pieds les tempêtes...
(Voilà ce qui arrive quand on boit trop de vin pur, quand on fume trop. Plus de bon sens !)
DESNOS appelant les fossoyeurs, les assassins, les bourreaux, les pilotes, les maçons, les architectes. DESNOS invoquant même la chair. (de sa chère) :
J’appelle la chair
j’appelle celle que j’aime
j’appelle celle que j’aime
j’appelle celle que j’aime...
DESNOS invoquant les vieux cadavres, les jeunes chênes coupés, les lambeaux d'étoffes pourrissant, le linge sèchant aux alentours des fermes, DESNOS par sa voix ressucitant les vieux cadavres, DESNOS rendant la verdure aux jeunes chênes coupés, DESNOS recevant les baisers d'ivresse des cyclones, DESNOS revêtant les vapeurs des fumées des volcans...
"Et Les ronds de fumée des cigares me couronnent".
Toujours par le pouvoir presque invincible d'une voix.
Ainsi monte l'appel. Et dans la nuit, la ritournelle, triture son fil*. DESNOS sait pourtant où il va. ( "Yvonne"* !). Il en appelle à tout ce qui existe, existera, gronde ou subsiste. Jusqu'au chaos. La solitude la plus extrême. Ce qui est effrayant dans le chaos, ce n'est pas la menace même, mais l'absence de tout repère fixe. Il y en a un pourtant. Yvonne. La seule que sa voix n'atteint pas. Unique chère (de sa chaire). Cette unique qui n'entend pas :
"Les maçons ont le vertige en m’écoutant
les architectes partent pour le désert
les assassins me bénissent
la chair palpite à mon appel
celle que j’aime ne m’écoute pas
celle que j’aime ne m’entend pas
celle que j’aime ne me répond pas."
http://kl-loth-dailylife.hautetfort.com/archive/2009/05/2...
Photo : Les rôle s'inversent sur cette affiche qui fait un peu penser à certains graphismes fin 60's début 70's, (à certaines images situationnistes entre autres). Supposons que ce soit Yvonne...
"Attendre que quelqu'un veuille bien m'écouter, que quelqu'un veuille bien me comprendre... Ils ne peuvent accepter une idée qui ..."
Une idée qui... Quoi ?
Attendre. Ne pas entendre... A quelques lettres près. Mondes en instance. Irréciprocités. Loi de l'offre et de la demande. Quête incessante... Ici l'affiche épouse le grain du mur. Un visage toise le promeneur d'un sourire mitigé. Des questions sont posées. Essentielles. Vu rue de Crimée (la belle graffée) sur le plateau de la Croix-Rousse à Lyon. Mai 2009. © Frb.
18:07 Publié dans A tribute to, Affiches, panneaux, vitrines, Art contemporain sauvage, Arts visuels, De visu, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
mercredi, 20 mai 2009
Surveiller et punir
"Quoi d'étonnant si la prison ressemble aux usines, aux écoles, aux casernes, aux hopitaux qui tous ressemblent aux prisons"
MICHEL FOUCAULT "Surveiller et punir". 1975. Editions Gallimard, (réedition : 1993)
Les Visiteurs du mercredi...
Le quotidien régional Sud-Ouest a révélé jeudi, une affaire qui même parmi d'autres du même tonneau de plus en plus fréquentes ne manquera pas d'inquiéter le bon (ou le moins bon) citoyen de la belle France d'après. En plein coeur de nos provinces à Floirac en Gironde, deux garçons âgés de 6 et 9 ans (ou 10 ans selon les sources) ont été interpellés à la sortie de leur école et longuement interrogés dans une supposée affaire de vol de vélos. Selon des témoins, deux véhicules et 6 fonctionnaires de police (Oui ! six ! je vous le mets en toute lettre, il n'y a pas de faute de frappe, si j'ose dire...) sont venus chercher à la sortie de l'école, les deux enfants, deux cousins, que la mère d'un autre élève (une rapporteuse !) avait dit avoir vus aux guidons de vélos lui ayant été dérobés. Les deux enfants sont restés deux bonnes heures dans les locaux de la police en attendant que les parents fournissent quelques explications ; c'est à dire les preuves, que les vélos n'avaient pas été volés ! L'école au doux nom de Louis ARAGON, a vu son directeur assez choqué, par la mobilisation d'un tel dispositif policier, qu'il a jugé "inadmissible" je le cite :
"Ils auraient pu s'adresser à la famille sans attendre la sortie de 200 enfants pour interpeller devant leurs petits camarades deux élèves de neuf et six ans"
Ils auraient pu. Oui... De l'autre côté (non pas des barricades, mais dans un autre monde disons), le directeur départemental de la sécurité publique (DDSP), Albert DOUTRE a apporté bien sûr tout son soutien aux policiers, voilà ce que dit monsieur Doutre :
"Je soutiens entièrement et j'assume entièrement jusqu'au bout ce qui a été fait. Estimant que tout avait été fait dans le cadre "des lois de la République".
Voilà ce qui s'appelle une belle décomplexion rhétorique "assumer entièrement jusqu'au bout", tant il est vrai que "les lois de la République" sont les lois, (même si la République est parfois plus ou moins la République - ça c'est moi qui rajoute -) et les lois n'ont que faire de se préoccuper de prévenance aux sorties des écoles, ni même d'un peu (oh pas beaucoup) de délicatesse. Chacun sa case, et chacun son boulot. Pour la délicatesse il y a des psychologues, voire des pédopsychiatres enfin quoi ! si on mélange les torchons les serviettes, Dieu sait où ira le pays ! comme chacun sait depuis longtemps : "qui vole un oeuf vole un boeuf", on ne remerciera jamais assez la police d'interpeller publiquement des enfants dès 6 ans devant leurs petits camarades, (bon pour l'exemple !) avant qu'ils ne deviennent les dangereux délinquants de demain, avant qu'ils ne se retrouvent à 20 ans au volant de vos propres autos qu'ils saccageront et brûleront peut être, ("Qui vole un vélo, vole une auto") chapardant tous vos biens mes chers compatriotes. Cela s'appelle tout simplement la prévention, la sécurité, la protection du citoyen (honnête, bien sûr). On pourrait voir ça comme ça. Au lieu de faire des vagues. On pourrait aussi vivre dans le monde du "comme si"... Contournant par là l'inquiétude, d'être à tout moment, suspectés, interpellés, voire accusés à propos de tout et n'importe quoi (par digression voire la récente et ubuesque affaire du "Sarkozy, je te vois" qui fait couler à flot l'encre et secoue l'internet dans le sens de l'indignation). Et c'est tant mieux ! car quelque soit la nature de l'indignation, quelque soit l'incertitude, au moins il est des signes... Et nombreux sont les citoyens qui ne parviennent pas tout à fait à considérer comme "normales" les dérives et violences policières, tout l'attirail sécuritaire déployé parfois démesurément, toutes ces nouvelles dispositions prises à l'égard des enfants et des plus grands etc... qui doucement gagnent du terrain, tandis qu'au même endroit, presque invisiblement, des tas de petites libertés s'éteignent. Oh, nous avons encore la liberté, pour le concept, il y a de la marge... Mais ces tas de petites libertés, mine de rien, sur le terrain, sont aussi le moyen de ne pas plier avec nos peines. Une restriction progressive de ces petites libertés aurait tôt fait de dégommer le genre humain, laissant aux individus leur droit des allées et venues certes, mais dans la crainte du "mauvais chemin" même s'il n'est "mauvais" que dans le relatif d'un système aberrant qui prendrait alors ses dispositions dès la petite école, pour formater dans les esprits tout le bon et le mauvais de nous. Difficile alors de savoir quand la crainte, installerait en nous ses dispositifs (d'auto-censure ou d'autoprotection), pour nous mettre petit à petit en allégeance...
Quant au thème des enfants, la tolérance zéro pour les mineurs, ne date pas de "la France d'après", puisque c'est en 2002 qu'elle fût décrétée par Lionel JOSPIN. Résultat : à partir d'un dépôt de plainte, ou d'une constatation directe, les policiers n'ont plus aucune marge d'appréciation. Et si aujourd'hui en 2009, l'attitude de plus en plus répressive de la police est chaque jour constatée, c'est sans doute que dans l'infernal fonctionnement hiérarchique, les policiers sous pression, subissent des demandes de chiffres considérables qui les transforment en shériffs. Ils sont "sécuritaires dans leur tête" et peuvent à tout instant déraper. Ce qui oblige (un comble) le citoyen à être de plus en plus vigilant.
Bien sûr, cette interpellation d'enfants pour des vélos soit-disant volés, ce n'est pas l'evènement du siècle. Juste un de ces petits faits qui se rajoute à d'autres, de plus en plus nombreux, dans le même style et usant du même genre de procédés. Loin de moi l'idée de soulever une polémique qui nous mènerait sans doute à quelques débats et constats trop stériles. Il s'agit juste parfois poser l'évènement, comme un polaroïd, comme pour dire : "nous en sommes là". Comme on apporterait du grain à moudre... Libre à nous de soumettre le grain ou d'en faire autre chose. Pourvu que subsiste encore ce mot "libre"...(enfin encore, ou quelquepart... ). Et pour la liberté, la vraie la belle, on ne tirera pas ce soir des plans sur la comète philosophique, mais qui sait peut être un de ces jours, un certain jour...
liens utiles ici :
http://www.sudouest.com/accueil/actualite/article/596246/...
http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article1390
http://www.france-info.com/spip.php?article297589&the...
Photo 1 : Trois petits terroristes qui ne sont pas passés en face alors que le panneau est formel, il est bien écrit "piétons passez en face". La planète entière est témoin. Que nos lecteurs se rassurent. Ces voyous seront mis en examen très bientôt. Très forte récompense à ceux qui nous fourniront les noms de ces trois malfrats, afin d'aider les forces de l'ordre à démanteler leur gang. Vus à Villeurbanne. Près d'un chantier de construction face à la place Wilson. Mai 2009. ©
Photo 2 : Sur les marches des escalier du jardins de la Montée de la Grande Côte, une image qui parle toute seule. Poids des mots (on vous épargne le choc des photos, (parce pendant ce temps là, il est des mondes enchantés (affectueux, sucrés) comme celui des roi et des reines... Ames sensibles, s'abstenir)... Donc notre photo c'est un pochoir rouge sang, un pochoir mécontent, foulé chaque jour par des milliers de pieds. Vu début Mai 2009 à Lyon. © Frb
19:29 Publié dans Actualité, Art contemporain sauvage, Certains jours ..., De visu, Impromptus, Le nouveau Monde, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
lundi, 18 mai 2009
Blues rouge
"Ouvrez moi cette porte où je frappe en pleurant."
GUILLAUME APOLLINAIRE in "Alcools". Editions Gallimard 1971.
La petite épicerie était fermée ce lundi. J'avais perdu les clefs de chez moi. J'étais fermée entre deux mondes. Je me languissais de l'épicier et puis surtout, j'avais la dalle...
http://noniouze.blogspot.com/2009/05/dalle.html
"Tango from Force of circumstance"
Photo : Petite boutique fermée le lundi. Vue quelquepart près de la rue du chariot d'Or, sur le plateau de la Croix-Rousse.
Lyon © Frb 2009
00:59 Publié dans Art contemporain sauvage, Certains jours ..., De visu, Impromptus, Le vieux Monde, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
dimanche, 17 mai 2009
Mur du son
"Un son de silence à l'oreille surprise"
EDGAR ALLAN POE, "Al Aaraaf"
Comme un dimanche ...
Il était autrefois des sanctuaires protégés où tous ceux que le bruit avait épuisés se retiraient pour retrouver la paix de l'âme. Ce pouvait être au fond des bois, en pleine mer, ou sur les pentes d'une colline, (qui ce jour, ne travaillait pas). On levait les yeux vers le ciel. On sentait une pluie à peine et l'on se trouvait intérieurement désarmé, (en plein milieu de l'esplanade), par l'intensité du silence. Ce silence venu d'en haut entrait en partition sur le mur d'à côté. Et la couleur tangible, le signe vertical semblaient jouer horizontalement avec cette suite molle de nuages et réciproquement. A en perdre la notion du temps et de l'espace. Une pluie tout à fait silencieuse. Du moins, on pouvait croire... Mais sur la partition sans cesse harmonisée de la surface parfaitement carrelée qui bordait l'escalier, quelquechose nous prouvait encore que le silence n'existait pas. Ca devenait une certitude. Pourtant les oreilles avaient du mal à capter le son. Quel son ?
Y avait-il encore une vie sur terre ?
Le vide venait ici comme un ancien message; arrêté quelquepart en occident, pur extrait du monde persan venu de chez DJALAL AL-DIN RUMI, à la recherche de ce point "où la parole est sans lettres ni sons" :
"Garde le silence comme les points de l'espace, car le roi a effacé ton nom du livre de la parole".
Plus loin on aurait pu voir des bédouins assis en cercle, silencieux, sur l'herbe des jardins. En cercle silencieux... Mais voilà, le silence n'existait pas. C'était juste le calme qu'on appelait silence. Car même obscurément, même sous la pluie discrète. Même très confusément. Le silence était son et l'on ne pouvait rien en dire...
Jeese Glass and Rod Summers "Silence forever"
Pour voir le mur sans le son; cliquez ci-dessous :
http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/02/11/in...
Photo : Mur partitionné par l'averse. Vu ce dimanche sur l'esplanade à quelques pas du haut plateau de la Croix-Rousse à Lyon. Mai 2009. © Frb.
22:28 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, Certains jours ..., De visu, Impromptus, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
samedi, 16 mai 2009
Allez un pt'i coup de rose !
Rose aisselle a vit
Rr'ose, essaie là, vit.
Rôts et sel à vie
Rose, S, L, have I
Rosée, c'est la vie
Rrose scella vît.
Rrose sait la vie
Rose, est-ce, hélas, vie ?
Rrose aise héla vît.
Rrose est-ce aile, est ce elle ?
Est celle
avis.
ROBERT DESNOS. "Rrose Selavy etc..." In "L'aumonyme" (1923) . Extr. "Corps et biens". Editions Gallimard 1953.
"Rrose Sélavy au seuil des cieux, porte le deuil des Dieux"
Rose fêle à vie. Badinant les fées de glacis... Rose, frêle avis, patinant sous l'effet ...
Rose même. Au même endroit même heure. Allez savoir pourquoi ...
Rose fendu buissonnier fait maison juste en un pt'i coup de tête vu un mercredi 13. "Des cheveux ivres" dits par Robert pas très loin du marchand de sel... La tête contre les murs, on peut voir les effets lents roses, les flamands, les hippopotames et d'autres bêtes, même des gens, tous plus ou moins rosés ...
Robert DESNOS : "Description of a dream" 1938
"Si le silence est d'or, Rrose Sélavy abaisse ses paupières et s'endort"...
11:30 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, De visu, Impromptus, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
vendredi, 15 mai 2009
C'est pas rose tous les jours !
Une image juste.
Dans un pays qui ne l'est pas.
Seule la barotte à deux roues semble rose chez cette vieille dame, qui, à la fin du grand charmé (de conille), effectue son petit marché "off". Un petit marché de rien du tout...
Cela s'appelle le système D.
Ici devant une cagette d'oranges espagnoles elle hésite, prend le temps de choisir. Ce sera au moins ça de pris. Au moins ça que les poubelles n'auront pas. Il suffit juste de se baisser. Il suffit juste...
se baisser ce n'est pas interdit
N'est-on pas en démocratie ??? Hum ? ....
Photo : La fin du marché. Vieille dame faisant ses courses sur le boulevard de la Croix-Rousse à Lyon. Mai 2009. © Frb.
22:35 Publié dans Actualité, De visu, Impromptus, Le monde en marche, Mémoire collective | Lien permanent
mardi, 12 mai 2009
Les corps du Poème
"L'émancipation commence quand on remet en question l'opposition entre regarder et agir, quand on comprend que les évidences qui structurent ainsi les rapports du dire, du voir et du faire appartiennent elles-mêmes à la structure de la domination et de la sujétion. Elle commence quand on comprend que regarder est aussi une action qui confirme ou transforme cette distribution des positions. Le spectateur aussi agit, comme l'élève ou le savant. Il observe, il sélectionne, il compare, il interprète. Il compose son propre poème avec les éléments du poème en face de lui."
JACQUES RANCIERE , "Le spectateur émancipé". Edition "La fabrique" 2008.
On dit de Jacques RANCIERE qu'il est un "perçeur de fenêtres", déjà, le thème nous plaît assez. Et le penseur éclaire les brèches dans un monde des idées pris en étau entre cynisme détaché et listes de diagnostics sur les maux de notre société. Quelque soit le thème abordé, J. RANCIERE cultive déjà depuis plusieurs années une seule philosophie qui est celle de l'émancipation. Le philosophe est singulier (je vous épargne l'adjectif fourre-tout "Atypique", non, RANCIERE n'est pas un "atypique" !), Pour lui chaque mouvement est un évènement qu'aucune vérité ne domine. "Emancipation", est le mot du penseur qui refuse d'être un maître, et met à notre charge l'invention des formes de nos libertés. J. RANCIERE se situe donc toujours "sur les frontières" du politique, "sur les frontières" ne voulant pas dire "à côté" de la politique mais "de là on peut la voir naître et mourir, se différencier ou s'y confondre à nouveau". Ses livres renvoient, aussi aux sources philosophiques, aux grecs, précisément, à l'histoire, voire au lexique, afin de réveiller, convoquer à nouveau les termes. L'auteur mit par exemple en valeur le mot "Démos" pour nous rappeler que ce n'était pas un mot inventé par les démocrates, mais par les adversaires des démocrates, "démos" est un concept polémique litigieux dès le départ, le "démos" ce sont les gens de rien, ceux qui n'ont pas à être comptés et qui ont la prétention d'être tout de même de la collectivité. Il était important pour l'auteur de littéraliser à nouveau, les métaphores de la politique :
"L'homme dans la cité, le citoyen, ce sont des choses dans lesquelles on nage, mais qu'est ce que cela veut dire ? Si on parle de démocratie, essayons de saisir ce qu'il y a de puissance dans ce mot, de puissance non banale, littéralement extraordinaire, originellement scandaleuse (...)"
Dans "Le spectateur émancipé", le philosophe démonte quelques clichés comme "la valeur critique de l'art", l'utilité des intellectuels, ou l'opposition entre parole et image. Ainsi cherche t-il plus subtilement à ajuster notre vision... A partir des années 1960, 70 , on pensait qu'en montrant certaines images du pouvoir (Comme chez GUY DEBORD, par exemple) lors de la dénonciation de "la société du spectacle", qu'en montrant les amoncellements de marchandises, ou les starlettes à Cannes, on ferait naître chez le spectacteur la conscience du système de domination, donc, l'aspiration à lutter contre. Selon J. RANCIERE cette tradition de l'art critique s'est essouflée depuis quelques décennies. Montrer ce qu'on dénonce s'essouffle certes, et surtout ça ne suffit pas ! Au XVII em siècle, au XVIII em, montrer le vice et la vertu au théâtre, était imaginé déjà pour inciter les gens à fuir le vice, honorer la vertu. Pourtant Jean-Jacques ROUSSEAU montra que cela ne marchait pas. Si le spectateur prend plaisir à la représentation du vice, on imagine mal qu'il s'en détourne au sortir du spectacle et s'il a plaisir à voir sur scène s'appliquer la vertu, cela ne signifie pas qu'il l'appliquera dans sa vie. Peu à peu on a mis à l'évidence qu'il y a bien peu d'effet direct entre l'intention de l'artiste et la réception du spectateur. Aujourd'hui les images "critiques" sont omniprésentes dans l'environnement du spectateur...
"quel effet révélateur pourraient-elles encore produire puisque le monde est aujourd'hui conscient que la marchandise est partout ?"
Jeff KOONS à versailles, c'est très beau, mais qu'est ce d'autre, sinon une grosse entreprise artistique accueillie par la grosse entreprise culturelle de l'état ? L'art "critique" étant devenu "officiel" c'est à dire "deux entreprise qui traitent de puissance à puissance".
Et RANCIERE de s'interroger (comme nous d'ailleurs, enfin j'espère...) :
"S'il n'y a rien à révéler, à quoi sert l'art critique ?"
J. RANCIERE reste persuadé que les formes de domination sont aussi solides aujourd'hui qu'hier mais il conteste cette idée de BAUDRILLARD (et co.) que "tout est apparence", qu'il n'y a rien à sauver, J. RANCIERE au contraire, ne pense pas que tout est "écran" ou "communication", c'est le système d'explication du monde qui a perdu sa crédibilité, pour lui, aujourd'hui, un art critique doit encore être possible à condition de bouleverser la distribution des rôles.
"Quand je regarde la télévision – et plus précisément les informations –, je vois beaucoup de gens qui parlent, et très peu d'images, au fond, de la réalité. C'est le défilé des experts, des gens venus nous dire ce qu'il faut penser du peu d'images qu'on voit ! Il suffit de voir l'importance que le mot "décrypter" a prise dans les médias. Et que nous disent ces experts ? A peu près ceci : "Il y a trop d'images intolérables, on va vous en montrer un tout petit peu, et surtout on va vous les expliquer. Parce que le malheur des victimes, n'est-ce pas, c'est qu'elles ne comprennent pas très bien ce qui leur arrive ; et votre malheur à vous, téléspectateurs, c'est que vous ne le comprenez pas plus. Heureusement, nous sommes là."
La posture "parole contre image" est aussi celle du discours dominant, l'important reste le statut des corps mis en images, des corps mis en discours. Art ou information, je cite :
"Il faut savoir de quelle humanité on parle et à quelle humanité on s'adresse, soit on montre les autres comme une masse visuelle indistincte et souffrante, soit on les montre comme des individus avec une histoire un corps capable de parler ou de se taire d'exhiber ou non les marques de ses peines et de ses souffrances"
Face aux discours des experts, des intellectuels, devenus spécialistes des symptômes, diagnosticiens, déplorant et jouant les oracles mais ne soignant plus rien; une question doit être (encore !) posée :
qu'apporte la philosophie ?
Pour J. RANCIERE elle n'est en aucun cas féconde en posant des diagnostics. Elle devrait plutôt devenir cette activité entière qui déplacerait les compétences et les frontières, mettant en question le savoir des gouvernants, des sociologues, journalistes etc... et tenterait de traverser ce champ clos sans jouer avec les experts, car qui dit "compétents" suppose implicitement (ou explicitement) le rejet de ceux qu'on a classés "incompétents".
Il faudrait donc sortir d'un vieux shéma intellectuel relevant de la tradition qui consiste à "expliquer à ceux qui ne comprennent pas". A sortir de ce système d'interprétation du monde, l'Art, de la crise (de la crise dans le monde, ou dans l'Art) qui s'effectue sur un mode médical, voire expertisé. Pour J. RANCIERE il n'y a pas de "crise de la démocratie", mais "un "déficit de la démocratie". Sortir de ces explications, c'est aussi remettre en valeur partout ce qui s'invente comme forme de vie, de discours, de création. J. RANCIERE prend pour exemple le groupe "CAMPEMENT URBAIN" , un collectif fondé en 1997 qui cherche à décloisonner les pratiques artistiques et les savoirs pour les mêler aux habitants, aux acteurs urbains et qui a pris la question des banlieues à revers, en partant du constat que le problème n'était pas le manque de lien social dans les banlieues, mais le manque de lien social "libre". De liens sociaux dit ce collectif il y en a trop, se proposant aussi de réveiller "la possibilité d'être seul". Ils ont donc travaillé à la création d'un lieu où chacun puisse reste seul. Dans le beau livre "Le maître ignorant", RANCIERE relate l'expérience pédagogique de Joseph JACOTOT qui enseigna la liberté à ses élèves. Mais qui, parmi nous connaît à ce jour J. JACOTOT ? La tradition s'est débarrassé de cet encombrant souvenir selon la règle tacite qui commande de faire disparaître tout ce qui promet une anticipation...
Mais je vous laisse à la suggestion de ce livre qui se passera allégrement de mes explications, (n'est-ce-pas ?)
Sources : Télérama 3074 "entretien Jacques RANCIERE", (propos recueillis par O. P. MOUSSELARD) / revue "Vacarme 09". Automne 1999 (entretien Jacques RANCIERE (propos recueillis par M. POTTE-BONNEVILLE et I. SAINT -SAENS).
Photo 1 : "Le(s) spectateur(s) émancipé(s)" vu par ... Hantant les champs libres de l'esplanade de l'Opéra (côté "grille-pain") à Lyon.
Photo 2: "Savoir de quelle humanité on parle", je vous le demande... Et pourtant, elle marche ! Vu cours Vitton à Lyon début mai 2009. © Frb.
08:27 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, Arts visuels, Balades, Ciels, De visu, Mémoire collective | Lien permanent
lundi, 11 mai 2009
Allez un pt'i coup de blanc !
Aujourd'hui à Lyon, le blanc était mis...
Pour ceux qui veulent un p'ti coup de rouge
IL FAUT ALLER ➔ ICI
Un air de vieille romance et d'élégance classique passe sur les grands boulevards, côté mairie en revenant de "la soierie". (Je ne suis pas tout à fait sur la ligne blanche, juste cachée derrière l'arbre). C'est ce qu'on appelle au pays des Canuts (et des Canettes) : "une filature charmillonnée"...
Entre blanc de Conille et rouge de Lutèce, à vous de choisir. Mais peut-être est-il préférable, (pour la santé) d'envisager le p'ti coup de rouge avant le blanc. Comme dit le proverbe :
"Blanc sur rouge, rien ne bouge. Rouge sur blanc, tout fout l'camp."
Fin de notre interlude. C'est tout pour aujourd'hui.
http://www.deezer.com/track/291132
Photo : La "blanche" vue un lundi (Jour terrible du sans-marché) sur le plateau de la Croix-Rousse à Lyon. Mai 2009. © Frb.
01:03 Publié dans Balades, Certains jours ..., De visu, Impromptus, Le monde en marche, Le vieux Monde, Mémoire collective | Lien permanent
dimanche, 10 mai 2009
Comme un dimanche à la campagne...
A sesmieurs les dindons et autres edams dindonnes du naf club imsarpial à qui Lavitate pliât et uax utraes saspionnés de véchas.
"J’aime Dubuffet parce qu’il a peint quatorze vaches qui ne sont pas les vaches de tout le monde. Ce ne sont plus des vaches, ce sont des vachissimes, avec des pieds en fourchette. Mieux : des minauderies et des grâces printanières."
ALEXANDRE VIALATTE. Extr. "Que peut-on penser de monsieur JEAN DUBUFFET ?" in JEAN DUBUFFET / ALEXANDRE VIALATTE : "Correspondance(s), Lettres, dessins et autres cocasseries, 1947-1975. Éditions : Au Signe de la licorne.
On sait qu'Alexandre VIALATTE et Jean DUBUFFET étaient de bons amis et par delà leur petites coquetteries d'hommes tout à fait exquis, leurs virées de belle guigne dans le profond Morvan ; ils furent deux bougres épistoliers à la production pléthorique et autres taquineries cocasses. Mais en parlant de coquetterie revenons un peu au début de cet écrit où le grand VIALATTE ne tarit point d'éloges sur l'apparence de son ami, avec à peine quelque vacherie et un charmant Co(n)chon-Quinette qui fournissait, (le saviez vous ?) l'uniforme des pompiers de Clermont Ferrand dont les tissus furent réquisitionnés pendant la guerre, pour vêtir nos armées ce qui posa un gros problème aux fournisseurs et aux pompiers ;-) nous reparlerons de cet évènement trop méconnu peut être ici un certain jour (j'ai dit peut-être ;-)... Trêve de gridessoin. Revenons à nos dindons. Je cite VIALATTE dans le texte (pour le plaisir des belles lettres et de la parenthèse) :
"On me demande pourquoi j’aime Dubuffet. J’aime Dubuffet parce qu’il est charmant ! D’abord il a des petits cheveux tondus ras, bien frottés à la toile émeri, qui lui font un crâne de légionnaire, des yeux bleus en toile de Vichy, bien lavés de frais, qui se souviennent d’on ne sait quels fjords ; il est toujours bien lavé, bien propre, bien joli, bien appétissant ; il est mignon comme une image de dictionnaire. Il se coiffe à Londres avec un petit chapeau moutarde ; il s’habille, il se chausse à Londres, chez le plus grand bottier d’Angleterre, D’Europe. Du Monde. Petit à petit sous mon influence, Dubuffet s’habille dans le Puy-de-Dôme. Il se sert chez Conchon-Quinette, établissement de grande réputation, aux succursales nombreuses, réellement apprécié. Il en acquiert une élégance pour ainsi dire plus départementale, une dignité plus auvergnate et un fruité plus onctueux. (...)
(Note serponnelle en apraté: que le "Naf club de Lavitate" ne m'oivene toinp ses droufes car ce sont toinp des nocerines, l'eau s'en foin !)
Du fruité onctueux il y en en a dans "les vaches" de Jean DUBUFFET avec leurs prénoms de vedettes. L'Art des musées n'étant pas le sien, DUBUFFET peu soucieux de croquer fidèlement les appâts de l'attachante bête la pourvût de quatre pattes banalisées comme on en fait en maternelle c'est beaucoup mieux comme ça non ? Et pourtant l'Art s'y retrouve beaucoup plus qu'honoré voir le billet suivant, ou précédent (selon la logique de chacun). Et j'ai lu quelquepart (sous la plume d'Alice BAXTER que : "Quiconque a croisé un jour une vache de DUBUFFET en est à jamais habité". Et c'est tout à fait constatable. Car la vache est le doux de nous, et monsieur JEAN l'a bien compris. Sous ses doigts "vachissimes" chacune de ses vaches a son petit caractère. Doucement serponnalisées, DUBUFFET les sort une à une du troupeau, chacune heureuse, bien dans sa peau, dont le grand coeur s'affirme à vue d'oeil, avec tout le vigoureux qui épouse en diable leur prénom. Pour mémoire entre autres : "La belle fessue", "La belle encornée", la belle muflée", "la belle tétonnée", "la belle queutée". Belle ! oui, car chacune est digne et nous rapproche de la série "des corps de dames" (Je vois déjà doinpre les goinps graeurs des chardes de griennes et utraes LMF, têpre à ivrour leur dangre gelue, du celma ! les berelles !), la comparaison n'est pas déplacée puisque la série "vaches" vînt après celle des "corps de dames". Et il n'est pas possible vraiment de disjoindre les deux, "les vaches" de DUBUFFET sont pareilles aux vraies dames, tandis que "les corps de dames" sans être tout à fait vaches acquièrent un je ne sais quoi d'épaisseur animale sous la plume Dubuffienne, une robustitude que ne renierait pas mon Immaculée "Charollaise". Il suffit de regarder ICI ou LA pour mieux lier les sujets... "Vache au pré noir", "Vache au pré vert", "Vache au nez subtil" (une de mes préférées) Dame "la vache" va à son pré comme s'il était lui même issu de son pelage et réciproquement, ça se passe comme ça chez DUBUFFET. Vache libre, délicieuse, insolente et coquette ; la vache de DUBUFFET broutera jusqu'à la corde la moquette des musées mais elle a le regard si tendre qu'il ne lui sera rien reproché.
Pour voir un vrai clin d'oeil de vache (non Dubufienne). Trinité en couleur de nos sacrées "Immaculées Charollaises", cliquez ci-dessous:
http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/07/23/co...
Photo : On ne touchera pas à celle-là, ma "Blanchette", belle fessue, bien encornée, muflée, tétonnée jusqu'il faut, joliment queutée, avec son petit caractère, sa mise en plis "Salon Gisèle" (les mises en plis des vaches, me fascineront toujours), ses grands cils de chamois et ses belles paupières blanches en fourrure véritable. Dame "Charollaise", ne se laisse pas marcher sur les pieds (Ah ça non !). Vue dans son pré, du hameau "les clefs". Les clefs des champs, sans doute (ça ne s'invente pas). En sépia parce que la photo date de mai 2007 et qu'avec l'arrivée du grand Paon, soudain la vie perdît toutes ses couleurs. Oyez le fumeux argument, prochain voyage aux pré des clefs, promis je repeindrai ma vache en vert. © Frb.
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samedi, 09 mai 2009
Du pain, du vin, Dubuffet...
"Entre la sécrétion mentale et la production d'une oeuvre qui la restitue et la transmette, il y a, c'est bien vrai, une très difficultueuse opération de mise en forme que chacun doit inventer telle qu'elle convienne à son propre usage. C'est bien plus vite fait d'y utiliser la formule de mise en forme que tient toute prête à disposition la culture. Mais qui s'en saisit constate aussitôt qu'elle n'est propre à moudre qu'une seule sorte de grain, qui est le grain spécifique de la culture, elle le tient même à disposition. D'où farine facilement faite, mais ce n'est plus du tout la vôtre. La culture tient aussi à disposition un modèle de cervelle, faite de son grain, pour mettre à la place de la vôtre."
JEAN DUBUFFET (1901- 1985). Extr. "Asphyxiante culture". Les Editions de Minuit 1986.
Notre lecteur appréciera, j'espère, l'opération "difficultueuse", plus délicate que l'opération ordinairement "difficile", émise par le peintre Jean DUBUFFET, ce savant assemblage, (offert à la guise de chacun) pour ne pas s'en tenir plus ou moins bêtement, au choses émises ou bien apprises.
Jean DUBUFFET pourfendeur des institutions a produit une oeuvre abondante dont la clef fût peut-être sa constante remise en question. Et pour cause, il toucha à quelques multiples drôles de mondes ne puisant pourtant son inspiration qu'ici bas.
Issu d'une famille normande (de négociants en vin), il suivit l'école des Beaux-Arts du Havre, puis après l'obtention du baccalauréat, s'inscrivit à l'Académie Julian à Paris, où il cotoya la fine fleur "arty" de son époque : Suzanne VALADON, Max JACOB, André MASSON, Fernand LEGER, Juan GRIS, Charles-Albert CINGRIA... Il mèna une vie de bohème jusqu'en 1922 puis il effectua son service militaire comme "météorologiste à la tour Eiffel" (Cela ressemble presque à un titre de tableau mais pourtant, ça ne s'invente pas !). En 1924, doutant de la vie culturelle, il stoppa ses études pour entrer dans la vie active. Il s'embarqua à Buenos Aires où il travailla dans un atelier de chauffagiste. Six mois plus tard, il retourna au Havre s'occuper du commerce familial. En 1930, DUBUFFET s'installa à Paris avec sa femme et sa fille et créa une entreprise de négoce de vins en gros à Bercy. Et puis il se remît à peindre. Confectionna des masques, fabriqua des marionnettes, réalisa des portraits (d'Emily CARLU dite Lili qui devînt sa deuxième épouse en 1937). Ses affaires négligées périclitèrent. Il abandonna à nouveau la peinture. En 1939, il fût mobilisé, puis muté pour indiscipline et évacué vers le sud. En 1940, à son retour, il reprit en main son commerce qui prospèra entre trafic et marché noir. A partir de 1942, riche et plus libre de son temps, il décida de se consacrer uniquement à l'Art et réalisa des images primitives au dessin volontairement malhabile, proche de la caricature et bien sûr du graff. D'un expressionnisme "bariolé". Il créa sa série "Vues de Paris", inspirées de dessins d'enfants. Au cours d'un voyage à Heidelberg, les dessins des malades mentaux l'inspirèrent également. Au printemps 1943, il produisit quelques toiles à propos de métro (un thème recurrent chez lui) et de jazz. En 1944, il dessina ses premiers graffitis, ses messages à l'encre de chine, des gouaches et encres sur papiers journaux, ainsi que ses premières tables.
1944 (Octobre) est aussi l'année de sa première expo à la galerie DROUIN, il y présenta sa série de "marionnettes de la ville et de la campagne". En 1946, il récidiva avec "mirobolus, macadam § C°, "hautes pâtes". La facture de ses tableaux fît scandale, DUBUFFET s'était détourné de la peinture à l'huile traditionnelle pour fabriquer des mélanges de sa confection : céruse, mastic liquide, vernis, goudrons, sable, graviers, plâtre, éclats de verre, poussière... Sur cette pâte il incisa, coupa, râcla, utilisa le grattoir, la cuilller, le couteau et même ses doigts. En 1947, il réalisa des portraits d'écrivains qui suscitèrent un autre scandale. Ces toiles "à ressemblance extraite, à ressemblance cuite et confite dans la mémoire, à ressemblance éclatée dans la mémoire" ont pour titre "Léautaud sorcier peau-rouge", "Ponge plâtre meringué", "Tapié grand-duc", "Michaux façon momie"…
Entre 1947 et 49, après la vente de ses entrepôts, il effectua plusieurs voyages dans le Sahara, apprît la langue arabe et réalisa encore des gouaches, des dessins à la colle, des tableaux au crayon de couleur. Son idée devait aboutir à un cycle d'oeuvres sur le désert, mais le projet fût avorté. En 1947, aussi, ce fût sa toute première exposition à New York qui connût un immense succès. Dès 1945, DUBUFFET avait commencé en France, en Suisse, une étrange collection d'oeuvres populaires, sculptures, peintures, tapisseries, objets divers élaborés par des médiums, malades mentaux, artisans; marginaux, détenus etc... DUBUFFET inventa pour ces oeuvres le terme d'ART BRUT, afin de présenter, de décrire, un Art spontané ignorant tout de la "culture" (officielle s'entend) et des canons artistiques. Ses oeuvres furent exposées au sous-sol de la galerie DROUIN en 1947, et en 1948, avec André BRETON, Michel TAPIE et Jean PAULHAN, Jean DUBUFFET fonda "la compagnie de l'art brut" vouée à l'étude et à la diffusion de l'Art involontaire c'est à dire un Art sans culture et sans tradition. La collection voyagea jusqu'à trouver sa place définitive à Lausanne en 1976 où elle constitue aujourd'hui le fond du musée de l'Art Brut.
Dans les années 50's; Jean DUBUFFET multiplia les séries "Corps de dames" (1950-51) brisant un nouveau tabou esthétique, suggérant une distorsion un gros brin animale à l'éternelle représentation de la femme. "Sols et terrains (1950-1952) prolongea ses recherches sur la matière. Il donna également une superbe et importante série de "Vaches". J'espère pouvoir tenir cette promesse de vous livrer un "certain jour", des extraits de la correspondance (très vasoureuse) entre Jean DUBUFFET et Alexandre VIALATTE où il est justement question de vaches... Celles de DUBUFFET ont des noms à en désespérer la très rebelle "Blanchette", (vache de Monsieur SEGUIN, bien sûr !) que les noms à coucher dehors de la ferme DUBUFFET, auront rendue complètement chèvre mais je m'égare... Car Les vaches de monsieur Jean ont des noms à coucher dehors (ou plutôt à coucher avec). Des noms d'opulentes danseuses venues des plus chauds cabarets Montmartrois. Goûtez plutôt : "La belle allègre", "La belle fessue", "la belle tétonnée". Il travailla aussi à cette époque, à ses 44 "petites statues de la vie précaire" en papier journal, tampon à récurer, pieds de vigne etc...
En 1955, il s'installa à Vence et reprit quelques assemblages commencés en 53, des collages de fragments de tableaux, textures, morceaux de papiers tachés d'encre, il crée des tableaux d'assemblages, des lithographies qui reprennent des montages initiaux par redécoupages et sont associées autrement sur un autre support. Tout ce travail aboutît en 1957 aux "Texturologies" ; hauts reliefs de matériaux mixtes, non picturaux dont sont exclues toute anecdote et toute figuration. "Terres radieuses", "Pâtes battues", "Routes et chaussées"... DUBUFFET célèbre le sol. 1953 fût aussi l'année des premiers tableaux "en ailes de papillon". De 1958 à 1962, il travailla à des compositions lithographiques ("Cycle des phénomènes"), réalisant aussi une série d'assemblages d'empreintes sur le thème des Barbes, utilisa des végétaux différents pour ses assemblages d'éléments botaniques et commença le grand cycle des "Matériologies" (série assez austère) qui ne l'empêcha pas d'entretenir des solides relations avec le collège de pataphysique. En 1960-1961, J. DUBUFFET aborda aussi la création musicale avec ASGER JORN (un des fondateurs de COBRA) : en résulta un album de quatre disques de "Musique phénoménale" Suivi d'un album de six disques d"expériences musicales" de jean DUBUFFET (seul, 1961). Musique phénoménale oui. Voire en freestyle. Ecouter ici "Coq à l'oeil" (dédié aux esprits lovatiles qui peuplent un peu ce glob). Idéal pour les banquets, les mariages, ou pour vous venger d'un voisin. C'est du piano freestyle, peut être moins préparé que celui de John CAGE. En freestyle quoi ! On vous aura prévenus ;-)
http://ubu.artmob.ca/sound/dubuffet_jean/Dubuffet-Jean_Mu...
La même année, advînt le cycle "Paris Circus" qui marqua le retour à la peinture aux couleurs primaires, formes exacerbées. La ville, ses rues, ses enseignes, son mouvement...
De 1962 à 1974, ce fût le grand cycle de "L'Hourloupe". Peinture de fragments bariolés très imbriqués. Un style également appliqué sur des séries de sculptures en résine à dimension parfois gigantesque ; des oeuvres qui commencent toujours par des griffonnages distraits souvent effectués au téléphone, des tracés en puzzle, un dessin net cloisonné, strié de rouge ou de bleu. Le graphisme Hourloupéen est en soi un grand manifeste pictural, variable à l'infini, à l'infini proliférant... Tous les formats, tous les stylos possibles, même le marker sur des toiles de 8M. (cf: "les inconsistances" 1964). DUBUFFET utilisa le polystyrène expansé, pour ses oeuvres en volumes, bas reliefs, architectures ou "Anarchitectures" comme l'écrira Michel RAGON.
En 1973 "Coucou Bazar" fût crée au musée Guggenheim à New York, et au Grand palais à Paris, avec ses décors mouvants motorisés, ses costumes en forme de carapaces rigides, articulées. Une autre oeuvre monumentale "Le salon d'été" commandée par la régie Renault (oui, vous avez bien lu !) en 1973-1975, présenta des défauts dans l'infrastructure, une fois les travaux engagés, la réalisation en fût stoppée en 1976 et l'on détruisît l'oeuvre. De 1975 à 1979, Jean DUBUFFET se consacra à ses "Théâtres de mémoire": des assemblages minutieux constitués de fragments provenant des chutes et du découpage de la série précédente. Entre 1980-1982, il se concentra sur la notion de "Sites"dans des tableaux avec personnages (cf. "Sites aux figurines", "Sites aléatoires", "Psycho-sites") une série de plus de 500 peintures sur papier. En 1983 avec "Les mires , les sites et les personnages disparaissent, laissant place à un espace envahi de hâchures bleues ou rouges sur des fonds blancs ou jaunes. En 1984, ce furent : "les Non lieux". Evoluant vers une abstraction, ces travaux remettaient en question (encore et toujours) de différentes manières, les données spatiales communes. Ces oeuvres ultimes furent quelque peu inspirées par les philosophies orientales (Bouddhisme) et le Nihilisme mais on nota surtout leur grand scepticisme. DUBUFFET mourût le 12 mai 1985 à Paris après avoir rédigé (non sans en pressentir malinement l'urgence) sa "Biographie au pas de course".
Ce billet est très long, je prie le lecteur un peu las de bien vouloir m'en excuser car il ne dit encore presque rien, fait l'impasse sur beaucoup d'oeuvres et d'évènements. Juste un tracé de surface pour cet artiste incomparable qui recommença tout à zéro, à tout âge et toujours, s'appliqua à innover en expérimentant jusqu'à la fin de sa vie sans jamais montrer signe du moindre essoufflement. DUBUFFET s'inspira du commun, des gens, des enfants, (ou des fous) je cite : "Je me suis passionné d'être l'homme du commun du plus bas étage". Mais sa passion incessante des matières, des couleurs, de tout ce qui constitue le tableau, l'a placé au delà d'un art commun ou de "petite quotidienneté", non seulement il explore mais il réhabilite les matières décriées. Et les lettres aussi l'intéressent sous leur angle commun distordu (ou farfelu). Il s'amusera à écrire phonétiquement à la manière des illettrés et s'il n'inventa pas le charmillon, (ah ça !), il publia des petits livres en jargon populaire transcrits phonétiquement : "Ler dla campane" (1948), "Anvouaiaje" (1950), "Labonfam a beber" (1950), tous trois repris dans "Plu kifekler mouikon nivoua" (1950). Suivent par intermittence une dizaine d'autres textes, de "Oukiva trèné ses bottes" (1954) à "Oriflammes" (1983).
Malgré son mépris pour "l'asphyxiante culture", les cercles, et les "milieux dits artistiques", DUBUFFET produisit paradoxalement quelques oeuvres critiques d'un style très raffiné : "Notes pour les fins lettrés" (1946), "Prospectus aux amateurs en tous genres" (1946), "Positions anti-culturelles" (1951)… En 1968, enfin "Asphyxiante Culture", un pamphlet dans la veine anarchiste du début du XXe siècle. Ses écrits, réunis sous le titre "Prospectus et tous écrits suivants" (Gallimard, 1967-1995) occupent quatre volumes. (ça vaut sûrement la peine, de trouver 4 places dans sa bibi-livrothèque). Il faut aussi mentionner une correspondance impressionnante notamment avec L.F CELINE (que J. DUBUFFET admirait sans réserve), W. GOMBROWICZ, J. PAULHAN, A. BRETON, R. QUENEAU, A. VIALATTE (dont nous reparlerons) etc... Enfin, il illustra quelques livres de ses copains entres autres : PONGE, GUILLEVIC, PAULHAN, ELUARD...
IL existe une fondation DUBUFFET crée par l'artiste en 1974, l'oeuvre y est répertoriée , on compte des milliers de travaux à son catalogue raisonné et pour terminer cette petite biographie abrégée d'un dindon de grande panacée, (ce n'est pas parce qu'il est mort qu'il n'a plus rien à dire, d'ailleurs !) nous bouclerons cet abrégé par une de ses phrases sur l'Art qu'il aimait 1000 milliards de fois et des poussières plus que la culture. Vous l'avez bien pomcris je cite encore le vermeilleux pas cultureux :
"L’Art ne vient pas coucher dans les lits qu’on a faits pour lui ; il se sauve aussitôt qu’on prononce son nom : ce qu’il aime c’est l’incognito. Ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s’appelle." Jean DUBUFFET (1960)
Autre lien de C.J à propos de Jean DUBUFFET (avec son graff incognito aujourd'hui effacé) :
http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/01/29/au...
Photos : Pour honorer presque à la lettre, l'intention du monsieur nous n'avons bien sûr, apposé ici, aucune photo qui ait le moindre lien avec l'auteur. Que de l'incognito.
photo 1 : portrait fictif de DUBUFFET dans une télé, en animateur de "Bouillon de culture".
Photo 2 : Portrait de DUBUFFET en crâne d'oeuf qui sourit.
Photo 3 : La sortie de l'usine Lumière à Lyon.
Photo 4 : Les oeuvres complètes de Jean DUBUFFET seront bientôt disponibles en cassette sur notre blog. (Envoyez vos dons !)
Nous avons croisé par hasard, à l'entrée de la rue rue de Crimée - une des plus fardées et fameuses du plateau de la Croix-Rousse - quelques anonymes du commun (des sauvages), qui ont abondamment graffé leur mur en couleurs et beaux bariolés. Quelques extraits issus d'une fresque, vue à Lyon, début mai 2009. A revoir vite en vrai peut-être, si vous êtes lyonnais, avant le passage drastique des brigades nettoyeuses du Grand Nyol), qui ne sauraient tarder, car les Brigades nettoyeuses de plus en plus nombreuses, supportent de moins en moins les grabouillons, semble t-il. (C'est un autre souci ça, un souci ça de Lyon) © Frb
01:40 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, Arts visuels, De visu, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
jeudi, 07 mai 2009
No blog tonight...
21:12 Publié dans A tribute to, De visu, Impromptus, Interieurs-tables de travail, Mémoire collective | Lien permanent
jeudi, 30 avril 2009
Après après-demain, dans cent ans et plus...
"Je suis amoureux de la peinture depuis que j'ai pris conscience de son existence, à l'âge de six ans. J'ai fait quelques tableaux que je croyais très bons quand j'ai eu cinquante ans, mais rien de ce que j'ai fait avant l'âge de soixante-dix ans n'avait aucune valeur. A soixante-treize ans j'ai fini par saisir tous les aspects de la nature : oiseaux, poissons, animaux, arbres, herbe, tout. Quand j'aurai quatre-vingts ans j'irai encore plus loin et je posséderai vraiment les secrets de l'art à quatre-vingt dix. Quand j'atteindrai cent ans mon art sera vraiment sublime, et mon but ultime sera atteint aux environs de cent dix ans, lorsque chaque trait et chaque point que je tracerai seront imprégnés de vie."
HOKUSAÏ (1760-1849) "Le vieillard fou de son Art" (Postface aux "Cent vues du Mont Fuji)
En septembre 2008, je vous avais promis une suite au billet célèbrant brièvement HOKUSAÏ : "le Poète fou de peinture" (Voir ICI) ou "Vieillard fou de son art" ou encore "Vieux, fou de dessin". Vous verrez, plus loin, que les traductions de ce texte très connu ne manquent pas... Dans un premier temps, j'avais plutôt le projet de tenir ma promesse autour du printemps 2098 (procrastiniotat oblige) avec, peut être une suite, plus affinée au cours de l'année 3008, mais vues les circonstances inquiétantes (ce soir, de niveau 5), je me dépêche (vite ! vite ! vite!) de vous livrer ce petit brouillon du 30 Avril 2009, tout autant qu'un extrait de promesse, (c'est ce que vous voyez sur la photo l'arbre à promesses en train de naître), sachant que tout cela ne demande qu'à traverser deux ou trois siècles pour toucher ne serait-ce qu'une infime seconde de félicité.
HOKUSAÏ KATSUSHIKA ou HOKUSAÏ, (comme chacun sait), fût probablement le meilleur peintre et dessinateur japonais de sa génération, celui dont la renommée traversa les continents. L'artiste croqua la vie, l'éternité, l'espace, les choses, les relations des hommes à la nature et plus encore... Il fût aussi graveur, auteur de récits populaires japonais et peintre spécialiste de l'Ukiyo-e qui est un terme japonais désignant le monde flottant. Un terme appliqué durant l'époque d'EDO (1605, 1868), qui désignait l'estampe et la peinture populaire narrative. Ce genre, d'abord considéré comme vulgaire par sa représentation de scènes quotidiennes (voir ICI) connût un grand succès en occident après l'ouverture forcée du Japon sur le monde extérieur en 1868. Paradoxalement HOKUSAÏ, qui était pourtant un artiste du peuple, mourût presque ignoré, sinon méprisé de la classe aristocratique. En Europe il fascina de nombreux artistes, dont GAUGUIN, VAN GOGH et CLAUDE MONET. Ce qui engendra un courant artistique appelé "LE JAPONISME". Le peintre HOKUSAÏ signa parfois ses oeuvres (à partir de 1800) par la formule "Gakyôjin" = "le fou de dessin"...
Et pour comparer un peu les manières de traduire cette "postface aux cent vues du Mont Fuji", ou sublime projet de vie artistique bien remplie ; je vous propose une autre mouture du même texte, bouclant la boucle d'une promesse dont je me demande si elle ne trouverait pas matière à se prolonger d'ici quinze à trente ans voire peut être plus tôt... (Quinze à trente jours ??? Je n'ose telle imprudence ...) Enfin vous verrez bien. D'abord bouclons la boucle. La première version ci-dessus est elle même citée par HENRY MILLER au tout début du livre "Big Sur et les oranges de Jérome BOSCH" succédant à deux autres citations l'une de THOREAU, l'autre de PICASSO. Celle qui suit, je ne saurai plus vous dire dans quel livre je l'ai trouvée, mais elle me paraît moins limpide, plus emberlificotée. A vous de voir... Les mêmes propos dans un tout autre style. donc d'un tout autre effet. Est ce qu'une même matière de réflexion autrement dite, produit une autre réflexion ? (that is the big question) :
"Depuis l’âge de six ans, j’avais la manie de dessiner les formes des objets. Vers l’âge de cinquante, j’ai publié une infinité de dessins ; mais je suis mécontent de tout ce que j’ai produit avant l’âge de soixante-dix ans. C’est à l’âge de soixante-treize ans que j’ai compris à peu près la forme et la nature vraie des oiseaux, des poissons, des plantes, etc. Par conséquent, à l’âge de quatre-vingts ans, j’aurai fait beaucoup de progrès, j’arriverai au fond des choses ; à cent, je serai décidément parvenu à un état supérieur, indéfinissable, et à l’âge de cent dix, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant." (Ecrit, à l’âge de soixante-quinze ans, par moi, autrefois Hokusai, aujourd’hui Gakyo Rojin, le vieillard fou de dessin".)
Photo : L'arbre à promesses en ce jardin ... Attendez un peu qu'il fleurisse. Vous allez voir ce que vous allez voir ! Avril 2009. © Frb.
23:53 Publié dans A tribute to, Arts visuels, Balades, Ciels, De visu, Mémoire collective | Lien permanent
Après demain, un autre jour...
"Une vie immense, très lente, mais terrible par sa force révélée, émeut le corps formidable de la terre, circule de mamelons en vallées, ploie la plaine, courbe les fleuves, hausse la lourde chair herbeuse.
Tout à l'heure, pour se venger, elle va me soulever en plein ciel jusqu'où les alouettes perdent le souffle."
JEAN GIONO. Extr. "Colline". Ed. Grasset, coll. "Les cahiers rouges".
Si demain fût annulé, il n'en n'est pas de même pour hier et après-demain... Comprend qui veut ! si acrobatiquement on peut encore tracer un sillon quelquepart entre ces deux points (temporels) qui ne seraient ni aujourd'hui, ni demain, je veux dire qu'on pourrait peut-être se trouver (toujours quelquepart) entre hier et après demain, n'est ce pas ?... C'est pour cela que l'endroit (temporel !) s'apellerait "certains jours" au pluriel, ce qui permettrait quelques petits arrangements situés (encore quelquepart) entre les présents, les absents, ou bien entre deux trains, entre le graff et le crottin, l'architecture de Jean NOUVEL et l'épicéa centenaire dont cinq bras d'hommes ne parviennent toujours pas à faire le tour (hélas, de ce bois là, je n'ai pu vous ramener d'image, car le bel arbre classé, mais très peu visité est planté au coeur d'une forêt effrayante et profonde, la lumière ne l'effleure pas sinon en ses sommets, (mais je n'ai pas encore le courage, ni la souplesse de risquer ma vie pour ce blog). Cela dit, je crois bien que l'Ami Alceste, y conçoit ses quartiers d'hiver... Un sillon, un passage, une faille spatio-temporelle d'où je reviens sans savoir encore à cette heure si je suis vraiment arrivée. Mais si demain est annulé, j'ai ramené pour après demain quelques fragments d'hier : la naissance du printemps en bas de la colline, ça a l'air mais ce n'est pourtant pas, la légende de cette photo, ce sera celle des photos à venir, (un texte explicatif qui commente une photo que vous ne pouvez pas voir, (pour mémoire : une légende, au sens propre est un petit récit mêlant le réel au merveilleux, celle qui, (si ça se trouve), est dans l'oeil du lecteur qui fait sa petite histoire en regardant des images. Mais il ne s'agit pas du tout de celle là, (l'anglais dit "Legend"). Il s'agit plutôt d'une légende ordinaire au second sens tout propre aussi du terme c'est à dire : un petit texte commentant une iconographie (l'anglais dirait "caption"). Tout le monde avait compris je crois ;-) Un domaine qui m'est cher, appelerait cela "L'expérience du désordre" = se retrouver ici sans être tout à fait revenue de là bas. Le retour paraît bordélique. Coller une légende aux photos qui n'existent pas, (Pas encore...). Nommer "Certains Jours", les jours les plus incertains qui soient. Expliquer aux lecteurs des choses qu'ils savent déjà et promettre des choses toujours... Promettre, on sait, mais des choses qu'on ne sait pas. Et GIONO dans tout ça ? Et bien "Colline" n'a pas grande similitude avec cette photo. (ah si ? le petit bout de colline dira l'observateur sagace, c'est ma foi vrai !) non, mais sans rire, il faut se méfier des apparences ;-) la "Colline" de GIONO c'est beaucoup plus "sanglant" que ça; d'abord dans sa "Colline" il y a le drame de l'eau : parce qu'une source tarit, un hameau est menacé de mort... Alors que mon hameau, (cf. notre photo) il n'est pas menacé de mort. Enfin, pas en apparence. Car si l'eau de notre puits (qui nous vient des sources ancestrales du plus haut d'une autre montagne), semble limpide et transparente comme le plus pur des ruisseaux du premier jour du monde (cf. notre photo, hors champ), malheur à l'imprudent qui s'amuserait à boire cette eau ! Nous avions reçu un relevé d'analyse il y a cinq ou six ans... Nous avions lu, horrifiés ; c'était marqué en gros en rouge et souligné trois fois :"impropre à la consommation", une source inépuisable, qui traversant les siècles, ne fût JAMAIS impropre, (il est vrai qu'en ces temps reculés le mot "consommation n'existait pas), enfin, pour dire... Personne jusqu'à ces dernières années n'en fût empoisonné... Je vous épargne la liste des produits, plutôt chimiques, détectés dans cette eau (une histoire cochonne de pénétration et de nappe phréatique)... Tous les gens du hameau (7 ou 8 ) durent très vite, entamer les travaux pour raccorder tous leurs tuyaux à la javel municipale, personne n'osa trop protester, puisqu'en sulfatant leurs champs d'engrais et autres pesticides, les paysans s'étaient eux mêmes (disons à l'insu de leur plein gré) privés de leur belle eau de source (pourtant gratuite!). Quant aux ruisseaux magnifiques qui traversent forêts et prairies, ils sont devenus décoratifs, ils ont l'air purs, on tente bien de s'agenouiller au plus près de cette eau, mais on ne porte pas aux lèvres, même si ce n'est pas marqué sur le ruisseau, c'est comme une intuition qui court partout. c'est comme manger des fleurs, maintenant, ça nous ferait peur...
Fin de la digression concernant le drame de l'eau (et des fleurs). GIONO donc, et "Colline" (pour ne pas oser l'injonction: "lisez ce livre !" enfin faites comme vous voulez mais lisez ce livre!). Il raconte qu'il y a une épreuve dans le hameau, un incendie qui éclate et recrée la solidarité entre les hommes... Bien sûr, dit comme ça, voyez, personne n'aura envie de le lire ce livre... Voilà comment on bousille les auteurs en voulant résumer leurs livres... Parce que ce n'est pas ça l'important. L'important c'est que GIONO il était parti pour faire un roman et qu'au final il s'est retrouvé avec un grand poème qui grouille et qui fourmille avec une terre et puis des hommes dedans GONDRAN, JAUME , MAURRAS, et leurs femmes, GAGOU (un simple d'esprit)... GONDRAN qui tue un lézard et se met à penser que la nature est toute puissante, il en parle à JAUME et ça prend des proportions inouies et puis un matin JAUME voit un chat noir (chaque fois qu'il a vu un chat noir, c'était deux jours avant un grand malheur). L'endroit s'appelle "les bastides blanches"... Des signes annoncent le malheur. Et le malheur si redouté arrive. Tout à coup la fontaine du village cesse de couler et le chat reviendra encore porteur de mauvaises nouvelles... Et j'en oublie presque le plus beau, le doyen JANET qui dans sa fièvre "déparle" et tient d'étranges et méchants propos comme si les bêtes, les plantes, les rochers la colline parlaient à travers lui. Ce qu'il dit finit par faire peur. Le hameau se trouve éprouvé. La nature semble résister aux hommes. tandis que la mort rôde. JANET poursuit son chant de malédiction... Mais chut ! je n'en dit pas plus. Pour ne pas réduire et casser par des mots; toute la verve hallucinée, le sang et le feu, cette terre comme un être insatiable exigeant des hommes son dû. "Colline" on pourrait en parler des heures, le style y est incomparable, on retrouve aussi ce vertige, cette sensualité toute brute, l'humain à fleur de peau, dans les deux autres volets de la "Trilogie de PAN" (dont "Colline" est le premier, avant "Un de Beaumugnes, et "Regain", tous deux sublimes). Peut être "Colline" s'écoute t-il ? Peut-être, ne pourra t-on jamais tout à fait exprimer le rendu d'un chant par des mots ? Voilà tout l'indicible du récit de Giono: sa musicalité...
Quant à notre colline à nous, elle est sans cigales et plus douce que les "bastides blanches" du vieux Jean. Je vous promenerai en images, puisque je suis encore temporellement là bas entre hier et après demain, par les arbres et par les chemins où le silence est comme un rêve. Et puisqu'il n'y a plus de demain, nous pouvons d'ores et déjà nous installer aujourd'hui dans le mois de Mai qui nous plaît. Enfin libres ! au revoir Avril ! rangé, le fil jusqu'à Septembre...
Nota: Je remercie tous les lecteurs z'et lectrices, commentateurs z'et trices qui ont eu la délicatesse de continuer à visiter ce blog malgré l'absence de nouveaux billets. Merci encore vraiment... Je trouve ça bien chouette.
Photo : L' Alcestienne révérence à la colline de pins, qui doucement borde une montée, jusqu'au village de Montmelard (le bien nommé). Vue de loin, au milieu des champs, du hameau dit de "Vicelaire", un certain jour je chercherai pourquoi on appelle ce hameau "Vicelaire" et viendrai vous dire toute la vérité sur ce très vilain nom de hameau. (Promettre toujours promettre !). Avril 2009.© Frb
05:14 Publié dans A tribute to, Balades, Ciels, De visu, Le vieux Monde, Mémoire collective | Lien permanent
samedi, 18 avril 2009
PROCLAMATION MURALE
Demain est annulé ? Tout le monde s'en fout !
quoique...
Je remercie PIERRE-AUTIN-GRENIER qui a eu l'extrême gentillesse de m'envoyer cette incroyable et très forte "Proclamation murale" photographiée à Saint Louis, par son ami le peintre RONAN BARROT (que je remercie aussi), et qui expose en ce moment là bas : (Si vous passez par Saint Louis, les amis, l'indifférence serait impardonnable, voir ci-dessous un très bel avant-goût de quoi susciter le désir de s'y embarquer exprès) :
http://www.museefernetbranca.fr/page000100bb.html
Depuis quelques mois je rêvais, d'un billet d'où je me serais comme absentée, histoire d'ouvrir d'autres fenêtres et je me réjouis que cette "proclamation murale" soit une première. Comme j'aime beaucoup "rendre à César...", (surtout lorqu'il y en a deux). Je dédie à PIERRE AUTIN-GRENIER et au peintre RONAN BARROT, cette page de bel aujourd'hui, (et de bel aujourd'hui seulement) en forme de graff sidérant.
Je ne peux m'empêcher en contemplant l'image de lier les évidences, le jeu des résonances et trouver une sorte de fil très étrange entre cette forte proclamation murale, et le titre d'un livre de PAG non moins vertigineux : "L'Eternité est inutile".
Prenez le temps jusqu'à minuit de lire l'extrait, et sa musique d'un autre temps, dont on parle sans penser à demain... C'est avant minuit ou jamais, puisque demain ... Rideau !
http://pleutil.net/cote_rue/?date=2002-07-01
Quant à moi, j'anticipe. Et tire ma révérence aux lendemains de "Certains jours" pour quelques escapades hors-monde. Histoire de bien prendre ce graff à la lettre. Au pied du mur, si j'ose dire. (Ce qui n'est certes pas la bonne manière...). Il y aura sans doute un retour, mais comme dit toujours cet ami, (expert en relativité), l'Einsteinien Professeur JB, un de ces chers, qu'on placerait bien entre la photo de RONAN BARROT, et L'éternité vue par PAG, je le cite :
"Tant que c'est pas fait, c'est jamais sûr".
Demain, étant un terme abstrait (hélas !) et parfois même un gouffre. Je préfère vous dire à bientôt ! Bientôt sera un autre jour...
Photo: "Proclamation murale". St Louis. Printemps 2009. Posté par PAG. © Ronan Barrot.
07:39 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, Arts visuels, Balades, De visu, Impromptus, Le nouveau Monde, Mémoire collective, ô les murs !, Tapis rouge ! | Lien permanent
mardi, 14 avril 2009
La fin se précise...
"Au commencement de ce monde, la mort n'existait pas. Tout le monde continuait à vivre, et à la fin il y eût tant de gens qu'il n'y avait plus de place pour personne sur terre. Les chefs tinrent conseil pour décider de ce qu'il fallait faire. Un homme se leva et dit que ce serait une bonne chose que les gens meurent et disparaissent pour un petit bout de temps, et qu'ils reviennent ensuite..."
Extr : "Coyote et l'origine de la mort" in "Partition Rouge". Poèmes et chants des indiens d'Amérique du Nord. Traduits et rassemblés par Florence DELAY et Jacques ROUBAUD. Editions du Seuil. 1988
Nous poursuivons la lecture de la "Partition Rouge" ou "livre des poèmes et chants d'Amérique du Nord", tout en jouxtant les pollens blancs de "la Tordette", aux doux "flocons tissés d'or fin" du Stang Alar de Brest où un marchant vaste blogueur a charmilloné son lecteur jusqu'à l'envoûtement...
Ainsi deux commencements de monde où se jouent les métamorphoses en partant des choses telles qu'elles sont. Une souris se dévoue pour porter ces nouvelles à l'autre bout du monde. Click-click. Et la naplète voit le printemps. Mais le résident printanier confond tout. Ses désirs seuls sont clairs. Il ne sait même pas distinguer la partie du tout, ce qui est à lui, ce qui est à l'autre. Il voit un rameau blanc. Prend sécateur. Coupe la fleur. La mange. Sous l'oeil noirte, d'Alceste, caché en haut d'un orme, remuant le mystère de sa prochaine résurrection de par Nyole et ponts romans.
Pendant ce temps là, je veux dire dans un autre temps :
"WICHIKAPACHE se remet à marcher... Il est à l'origine et sur tout le chemin parlant aux fleurs, aux arbres, aux animaux. Il a un vieil arrangement avec eux. ils le montrent du doigt : "Voilà joueur de tour !" celui qui se joue des tours à lui même... Il a été lièvre, corbeau, geai bleu, WICHIKAPACHE, WATCHUNGAGA, NANABUSH, NANABOZHO, NI'HANCA ou IKTOME, l'homme-araignée des Sioux, si fourbe et grand danseur qu'après avoir roulé le monde il s'enroule lui-même en petite boule à huit jambes et disparaît (...) Faux chef. grand CHEF. Grand mystère. Premier né. Premier artisan. Grand père de tous. Farceur. Tricheur. Créateur qui gâche tout..."
Ainsi la fin se précise...
"Quelques temps après que le premier homme fût mort, les hommes-médecine se rassemblèrent dans la maison d'herbe et chantèrent. Environ dix jours plus tard, un tourbillon arriva de l'ouest et tourna tout autour de la maison d'herbe. Coyote le vit. Et comme le tourbillon était sur le point d'entrer dans la maison, il ferma la porte. L'esprit qui était dans le tourbillon, trouvant la porte fermée, passa rapidement en tournoyant. La mort éternelle fût introduite ainsi, et les gens, à partir de ce moment se lamentèrent sur les morts et furent malheureux. Maintenant chaque fois que quelqu'un rencontre un tourbillon ou entend siffler le vent, il dit : "Il y a quelqu'un qui erre par là..."
Source montage textes extr. de "Partition Rouge"
Autre lien à propos de WICHIKAPACHE et des légendes des indiens Crees ici : http://certainsjours.hautetfort.com/tag/wichikapache
Photo: Branchages aux doulces fleurs dont je ne sais toujours pas le nom, nous les appelerons "princess immaculis printinus". Vues au Parc de la Tête d'Or ("Tordette "en Charmillon), au milieu des massifs, longeant le petit chemin, tout près du grand lac romantique (genre LAMARTINE) ben non ! et le ciel peut attendre, je ne vous fourbirai pas "Le lac" de LAMARTINE en lien !). Lyon. Début Avril 2009. © Frb.
23:50 Publié dans A tribute to, Balades, Ciels, De visu, Mémoire collective | Lien permanent