mardi, 10 mars 2009
Cent verrous...
"Dans le temps même où la tuile ne se défendait pas encore du soleil et de la pluie, où le chêne fournissait l'abri et la nourriture, c'était dans les bosquets et les cavernes, non pas au grand jour, que se rejoignaient les amants; tant cet âge encore barbare respectait la pudeur ! Mais aujourd'hui, nous affichons nos exploits de la nuit et nous payons très cher quoi ? Le seul plaisir de parler. aussi bien en tous lieux on détaille les charmes de toutes les femmes, pour dire au premier venu : "Celle-là aussi je l'ai eue", pour en avoir toujours une à montrer du doigt, pour que toutes celles que tu auras touchées deviennent le sujet de certaines conversations légères. Il y a plus encore : Certains inventent des aventures qu'ils désavoueraient si elles étaient vraies, à les entendre, ils ont eu les faveurs de toutes les femmes. s'il leur est possible de prendre la personne, ils s'en prennent à son nom, lorsqu'ils le peuvent et la renommée est flétrie bien que le corps n'ait jamais été touché. Va maintenant, gardien que nous détestons, ferme bien la porte sur ta maîtresse, mets cent verrous à la porte solide. Où trouver une protection sûre, puisqu'il y a des gens qui violent les réputations et qui désirent faire croire à un bonheur qu'ils n'ont pas eu ? Pour nous, nous ne racontons qu'avec retenue nos succès, même réels, nos larcins amoureux restent protégés par le mystère d'un silence impénétrable."
OVIDE : extr. "discrétion absolue en Amour" in "L'Art d'Aimer". Société d'édition "Les belles lettres" 1960-1961.
"L'art d'Aimer" : Voilà l'un des plus beaux titre du monde et l'un des livres le plus sûr de vivre encore longtemps. J'avais envie de mettre en contraste avec les deux billets ci dessous, l'acuité, l'incroyable modernité d'OVIDE. Ce livre fût écrit pour toutes les conditions. OVIDE y songe aux pauvres comme aux riches, aux belles comme aux laides "les plus nombreuses" écrit-il... Un livre écrit pour les deux sexes donc, et pour toutes les sortes d'Amours. OVIDE ne nous cache pas ce que valent les serments d'Amour, et il nous avertit aussi que l'Amour a toujours assez de flêches pour nous consoler de nous avoir frappés. L'auteur est né dans les Abruzzes en l'an 43 avant J.C et L"Art d'Aimer" date du début de l'ère chrétienne, ce qui force l'admiration. Il précède "Les remèdes de l'Amour" et "Les produits de beauté pour le visage de la femme" dont j'espère vous livrer quelques extraits ici, un jour... (Parce que vous le valez bien ;-)
Secrets bien gardés : Il se passe de drôles (?) de choses derrière la porte de cette chapelle (dite de St Avoye) qui n'a pas cent verrous mais une porte cossue, cloutée, et bien fermée. Je ne saurai rien vous dire de plus même si je savais, "Les mystères du silence sont impénétrables !" ... Vue dans le brionnais en janvier 2009 © Frb
14:23 Publié dans A tribute to, De visu, Le vieux Monde, Mémoire collective | Lien permanent
lundi, 09 mars 2009
"Tu seras bonne ménagère, ma Jacqueline !"
Comme un lundi.
Suite à la réaction de certains lecteurs, à propos de l'authenticité du billet précédent (ou suivant) c'est à dire billet du dimanche voir ci-dessous : "journée de...", je vous propose, un texte vraiment authentique, datant de 1950, qui ne sera pas détectable en tant que "faux" sur la toile, puisque je le tiens en vrai entre mes mains, à cet instant, bien ouvert à la page 102. Ce livre, concerne toujours, sinon, l'économie domestique, les bons conseils à l'épouse ou la fiancée. L'ouvrage s'appelle "Construire un foyer" qui dût être très utile en son temps à "Jacqueline" (la jeune fille à qui sa mère s'adresse et prodigue des conseils, des informations dont je vous épargne les passages les plus "anatomiques", quoiqu'un jour peut-être)... L'extrait a été choisi ici, en résonance avec le faux-vrai (?) "manuel scolaire catholique d'économie domestique" de 1960. Une variation sur les deux thèmes (quasi jouxtés) mensonge-vérité... A vous de savoir si, entre ce qui se cache sous la vraie rose, et ce qui se cache sous ce graff (qui se prend pour une vraie rose), si entre vérité et mensonge; il y a, au fond, de tant de différences que cela...
"Tu seras une bonne ménagère, ma Jacqueline, c'est à dire une vraie maman pour les tiens. Tu as appris à faire la cuisine, à laver, à coudre, à repasser, à entretenir un appartement, à le rendre gai et accueillant par tout le charme des détails : rideaux, fleurs, photos, qui sont le secret de la femme. Il faudra continuer, malgré les efforts que cela te demandera chaque jour de ta vie, à tenir ton foyer attirant et joyeux. Cela ne sera pas si facile lorsque s'ajouteront encore les soins à donner aux enfants et que tu devras veiller tard parfois pour que le lendemain toute ta petite famille, sans oublier le papa, ait bien ce qu'il lui faut (...) Il faut perdre ta vie pour la retrouver. Et tu n'auras jamais tant de joie que lorsque tu verras ton mari rentrer du travail, tes enfants de l'école, ravis de te retrouver, toujours souriante, nette, élégante même (on peut l'être avec si peu de choses, un peu de poudre, un tablier propre) ayant tout préparé pour que le foyer soit un nid bien chaud où il fait si bon vivre."
CLAIRE SOUVENANCE extr. "Construire un foyer" - "Le livre de la fiancée et de la jeune épouse" - Editions Xavier Mappus , 1950
Photo : Vrai-faux printemps (?) foulé aux pieds sur les escaliers de la Grande Côte, qui mène à la colline travailleuse. Vrai faux graff, "introuvable (improuvable?) en ce mois de mars, (car déjà effacé par les brigades nettoyeuses, hélas !). Il fût pourtant vu l'année dernière à Lyon, presque à la même saison. © Frb.
22:52 Publié dans Art contemporain sauvage, Certains jours ..., De visu, Le vieux Monde, Mémoire collective, Pépites | Lien permanent
dimanche, 08 mars 2009
Journée de... "quelques conseils, pour vous, mesdames"
Comme un dimanche (Exclusivement féminin)
Personnellement, ces " journées de ... ", je ne suis pas trop pour, je préfèrerai, que la journée de la femme (comme la St Valentin ;-) soit acquise tous les jours dans l'esprit de chacun, mais vu que le monde ne s'interesse pas trop à ce que je préfère, je dis : "d'accord, va pour une journée de la femme !" Emballé c'est pesé. Et vlà ti-pas que comme tout le monde, j'y vais de mon petit refrain. Donc, pour célèbrer l'évènement, je vous convie à un léger rétropédalage (ou voyage dans le temps si vous préférez) et je vous propose, (avec un plaisir non dissimulé - surtout celui de ne pas avoir été de ce monde dans les années 60 -) de vous livrer, un authentique (?) extrait d'un "MANUEL SCOLAIRE CATHOLIQUE D'ECONOMIE DOMESTIQUE" publié en 1960 exactement. Nos lectrices en seront transformées (âmes sensibles, s'abstenir) et nos messieurs lecteurs (vous, nos maîtres !), plus que comblés. Lisez plutôt ce qui se cache sous la rose...
"MANUEL SCOLAIRE CATHOLIQUE D'ECONOMIE DOMESTIQUE à l'usage des femmes et particulièrement des épouses "
MORCEAUX CHOISIS :
Faites en sorte que le dîner soit prêt "Préparez les choses à l’avance, le soir précédent s’il le faut, afin qu’un délicieux repas l’attende à son retour du travail. C’est une façon de lui faire savoir que vous avez pensé à lui et vous souciez de ses besoins. La plupart des hommes ont faim lorsqu’ils rentrent à la maison et la perspective d’un bon repas (particulièrement leur plat favori) fait partie de la nécessaire chaleur d’un accueil."
Soyez prête "Prenez quinze minutes pour vous reposer afin d’être détendue lorsqu’il rentre. Retouchez votre maquillage, mettez un ruban dans vos cheveux et soyez fraîche et avenante. Il a passé la journée en compagnie de gens surchargés de soucis et de travail. Soyez enjouée et un peu plus intéressante que ces derniers. Sa dure journée a besoin d’être égayée et c’est un de vos devoirs de faireen sorte qu’elle le soit."
Rangez le désordre "Rangez le désordre Faites un dernier tour des principales pièces de la maison juste avant que votre mari ne rentre. Rassemblez les livres scolaires, les jouets, les papiers, etc. et passez ensuite un coup de chiffons à poussière sur les tables."
Réduisez tous les bruits au minimum "Au moment de son arrivée, éliminez tout bruit de machine à laver, séchoir à linge ou aspirateur. Essayez d’encourager les enfants à être calmes. Soyez heureuse de le voir. Accueillez-le avec un chaleureux sourire et montrez de la sincérité dans votre désir de lui plaire."
Ecoutez le "Il se peut que vous ayez une douzaine de choses importantes à lui dire, mais son arrivée à la maison n’est pas le moment opportun. Laissez-le parler d’abord, souvenez-vous que ses sujets de conversation sont plus importants que les vôtres. Faîtes en sorte que la soirée lui appartienne."
Ne l'accueillez pas avec vos plaintes et vos problèmes "Ne vous plaignez pas s’il est en retard à la maison pour le souper ou même s’il reste dehors toute la nuit. Considérez cela comme mineur, comparé à ce qu’il a pu endurer pendant la journée. Installez-le confortablement. Proposez-lui de se détendre dans une chaise confortable ou d’aller s’étendre dans la chambre à coucher. Préparez- lui une boisson fraîche ou chaude. Arrangez l’oreiller et proposez-lui d’enlever ses souliers (de les cirer même !). Parlez d’une voix douce, apaisante et plaisante. Ne lui posez pas de questions sur ce qu’il a fait et ne remettez jamais en cause son jugement ou son intégrité. Souvenez-vous qu’il est le maître du foyer et qu’en tant que tel, il exercera toujours sa volonté avec justice et honnêteté."
Lorsqu'il a fini de souper, débarrassez la table et faites rapidement la vaisselle "Si votre mari se propose de vous aider, déclinez son offre car il risquerait de se sentir obligé de la répéter par la suite et après une longue journée de labeur, il n’a nul besoin de travail supplémentaire. Encouragez votre mari à se livrer à ses passe-temps favoris et à se consacrer à ses centres d’intérêt et montrez-vous intéressée sans toutefois donner l’impression d’empiéter sur son domaine. Si vous avez des petits passe-temps vous-même, faites en sorte de ne pas l’ennuyer en lui parlant, car les centres d’intérêts des femmes sont souvent assez insignifiants comparés à ceux des hommes." ( "Insignifiants" ? c'est un euphémisme ! ;-)
A la fin de la soirée "Rangez la maison afin qu’elle soit prête pour le lendemain matin et pensez à préparer son petit déjeuner à l’avance. Le petit déjeuner de votre mari est essentiel s’il doit faire face au monde extérieur de manière positive. Une fois que vous êtes tous les deux retirés dans la chambre à coucher, préparez-vous à vous mettre au lit aussi promptement que possible."
Hygiène et respect "Bien que l'hygiène féminine soit d’une grande importance, votre mari fatigué, ne saurait faire la queue devant la salle de bain, comme il aurait à le faire pour prendre son train. Cependant, assurez-vous d’être à votre meilleur avantage en allant vous coucher. Essayez d’avoir une apparence qui soit avenante sans être aguicheuse. Si vous devez vous appliquer de la crème pour le visage ou mettre des bigoudis, attendez son sommeil, car cela pourrait le choquer de s’endormir sur un tel spectacle."
En ce qui concerne les relations intimes avec votre mari "Il est important de vous rappeler vos vœux de mariage et en particulier votre obligation de lui obéir. S’il estime qu’il a besoin de dormir immédiatement, qu’il en soit ainsi. En toute chose, soyez guidée par les désirs de votre mari en ne faites en aucune façon pression sur lui pour provoquer ou stimuler une relation intime. (que voulez vous dire par "stimuler ?" ma chère Lisette ?)
Si votre mari suggère l'accouplement "Acceptez alors avec humilité tout en gardant à l’esprit que le plaisir d’un homme est plus important que celui d’une femme, lorsqu’il atteint l’orgasme, un petit gémissement de votre part l’encouragera et sera tout à fait suffisant pour indiquer toute forme de plaisir que vous ayez pu avoir."
Si votre mari suggère une quelconque des pratiques moins courantes :"Montrez-vous obéissante et résignée, mais indiquez votre éventuel manque d’enthousiasme en gardant le silence (ou en pensant à l'Angleterre) . Il est probable que votre mari s’endormira alors rapidement ; ajustez vos vêtements, rafraîchissez-vous et appliquez votre crème de nuit et vos produits de soin pour les cheveux.
Vous pouvez alors remonter le réveil Afin d’être debout peu de temps avant lui le matin. Cela vous permettra de tenir sa
tasse de thé du matin à sa disposition lorsqu’il se réveillera."
Voilà, mesdames... J'espère que ça vous a plu. Maintenant que vous avez les conseils, il ne vous reste plus qu'à les appliquer (avec Amour, si possible). Et honnies soient les désobéissantes, les excessives, les fortes en gueule au caractère 'trempé", quoiqu'il me démange un peu (beaucoup, passionnément) de leur rendre ici plus qu'un vibrant hommage :
http://www.youtube.com/watch?v=xvsvrlQBFc0
http://www.youtube.com/watch?v=7xHzVtTCZF0
05:48 Publié dans Certains jours ..., De visu, Mémoire collective, Pépites | Lien permanent
samedi, 07 mars 2009
A chacun sa vérité
"Mon opinion représente une vision que j'ai... Jusqu'à ce que je trouve quelque chose qui me fasse changer d'idée."
LUIGI PIRANDELLO
Traces et déchirures traversant une palissade, fleurs mauves et tags couleur sang, restes de mots mangés par le passage du temps, les gestes du passant, foisonnements de signes torchés, menés à vide ou significations à venir par de nouvelles tentatives, éclatements de papiers collés ? Pas seulement. Ce qu'il reste. Un fragment du dit collectif. Le bazar significatif. Le plan d'une ville ? Des milliers d'opinions multiples se posent là, en forme de ruine, le sens se perd, on ne peut rien en dire, archive en mille pièces, (de spectacles, d'expressions libres, de revendications, mots scandaleux, qui sait ? ) Des graffs pour rien comme cette fleur mauve visible au milieu du désastre. Du désordre. Cette main aux trois doigts rouge sang. Le ravissement esthétique du multiple où l'on ne se retrouve pas vraiment, dont on ne sait s'il augure le début ou la fin. La vérité ou le mensonge...
Pour les adeptes de la vérité ou du mensonge voir une affiche claire et nette ci-dessous (à noter que celle-ci a été visible environ 3 jours seulement et n'aura pas subi les assauts du temps mais celle plus radicale des brigades nettoyeuses du Grand Lyon :
http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/06/03/le...
Pour les sceptiques, les sans vérités ni mensonges, amateurs de déchirure, au mieux d'interrogations autre expression murale en forme de ruine celle-ci au fil du temps s'est pour ainsi dire désagrégée, il faudrait que je vous la photographie un certain jour et vous en ramène ce qu'il en reste, autant dire presque rien, à ce jour :
http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/07/15/le...
Et entre les deux, multiple, mix de flou et de lisible, entre grattage et déchirure, un peu de revendication. ( A suivre, ici, lors d'un futur repérage) juste pour savoir si parmi trois de ces échantillons, un seul au moins pourrait survivre ...
http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/06/08/de...
En espérant que vos vérités s'y retrouveront...
Photo : Vu rue Ste Catherine, en plein quartier "chaud" des Terreaux à Lyon, un soir de février 2009. © Frb
23:06 Publié dans Affiches, panneaux, vitrines, Art contemporain sauvage, De visu, Le nouveau Monde, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
Vérité du mensonge
" Et devant cette petite toile qui a l'intention prétentieuse d'imiter la nature vraie, on est tenté de dire : ô homme que tu es petit. Puis aussi "qu'un kilo de vert est plus vert qu'un demi-kilo" (1) (...) Puis comme un kilo de vert est plus vert qu'un demi-kilo, il faut pour faire l'équivalent (votre toile étant plus petite que la nature) mettre un vert plus vert que celui de la nature. Voilà la vérité du mensonge. De cette façon votre tableau illuminé d'après un subterfurge, un mensonge sera vrai puisqu'il vous donnera la sensation d'une chose vraie (lumière, force et grandeur), aussi variée d'harmonies que vous pourrez le désirer. Le musicien CABANER (2) disait que pour donner en musique la sensation du silence, il se servirait d'un instrument de cuivre donnant une seule note aigüe, rapide et très forte. Ce serait donc l'équivalent en musique, traduisant une vérité par un mensonge."
PAUL GAUGUIN : extr "Second séjour en Océanie" in "Oviri" ou "Ecrits d'un sauvage". Editions Gallimard 1974.
(1) Cette phrase "Un kilo de vert est plus vert qu'un demi-kilo" est attribuée à P. CEZANNE et notée par P. GAUGUIN lui même, dans le chapitre "A propos de la perspective" toujours extrait du livre "Oviri". Lisez plutôt :
" Et comme on lance un pet pour se débarrasser d'un gêneur, Cézanne dit avec un accent méridional :"un kilo de vert est plus vert qu'un demi-kilo". Tous de rire : il est fou ! Le plus fou n'est pas celui qu'on pense. Ces paroles ont un autre sens que le sens littéral de la phrase. Et pourquoi leur expliquer le sens rationnel ? Ce serait jeter des perles aux pourceaux."
(2) CABANER ou plutôt JEAN DE CABANES dit ERNEST CABANER (1833-1881) fût un compositeur, pianiste, poète, qui mît en musique des poèmes de CHARLES CROS dont le fameux "Hareng saur". Il écrivît ses propres poèmes dont "le pâté" et en composa aussi la musique. Personnage excentrique, figure de la bohème, Ernest CABANER cotoya les impressionnistes au café Guerbois (qui est devenu je crois, magasin de chaussures aujourd'hui - quoique ce serait encore à revérifier - situé jadis au 9 rue de Clichy, fréquenté par MANET, DEGAS,CEZANNE, RENOIR, PISSARO entre autres... Edmond DURANTY et ZOLA, pour les érudits), CABANER fréquenta également le salon de NINA DE VILLARD et le cercle des zutistes, pour lesquels il trouva un local à "l'hôtel des étrangers" où il travaillait comme barman. Il accueillit A. RIMBAUD chez lui quelques temps. A ce propos, il fût souvent mentionné que le poème "Voyelles" devait beaucoup à l'enseignement musical d'ERNEST CABANER, à son chromatisme ou "audition colorée". Il faut dire que CABANER apprenait le piano à RIMBAUD à "l'hôtel des étrangers". Ca ne s'invente pas ! Pas plus que ne s'invente le poème qui suit, appelé "sonnet des sept nombres", signé E. CABANER, dédié à son ami A. RIMBAUD. Jugez plutôt, de l'influence + que probable des "sept nombres" sur les "voyelles" :
"Nombres des gammes, points rayonnants de l'anneau
Hiérarchique, - 1 2, 3 4 5, 6 7 -
Sons, voyelles, couleurs vous répondent car c'est
Vous qui les ordonnez pour les fêtes du Beau.
La OU cinabre, Si EU orangé, DO, O
Jaune, Ré A vert, Mi E bleu, Fa I violet,
Sol U carmin - Ainsi mystérieux effet
De la nature, vous répond un triple écho,
Nombres des gammes ! Et la chair, faible, en des drames
De rires et de pleurs se délecte. - O L'Enfer,
L'Aurore ! La Clarté, La Verdure, L'Ether !
La Résignation du deuil, repos des âmes,
Et La Passion, monstre aux étreintes de fer,
Qui nous reprend ! - Tout est par vous, Nombres des gammes ! "
Ami de CEZANNE et de nombreux autres peintres, E. CABANER ne séparait pas tant les disciplines. Comme A. RIMBAUD, il cherchait un langage complet, universel. Sa méthode: il coloriait les notes et leur attribuait le son d'une voyelle. Mais la méthode est plus ancienne elle date du XVIIem siècle, elle fût imaginée (à l'usage des débutants) par le Père CASTEL, inventeur du clavier oculaire. La méthode fascina RIMBAUD par l'entremise de CABANER via CEZANNE et le Père CASTEL résumant tout : sons, parfums, couleurs... Ainsi naissent les "Voyelles"...
Photo: "Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir" sur la Colline et plus encore, les couleurs du mur de l'Alma se traversent comme un pont. Mise en forme dynamique des surfaces, les fresques ont été réalisées sans trucages, dévalant la pente, par d'étroites friches, elles longent un petit escalier, bordé de longues herbes jusqu'à deux rues plus bas. Le fragment de quartier, ainsi se transforme, par le mouvement secret de graffeurs surdoués (merci à eux), en une improbable galerie d'art contemporain sauvage où il fait bon tendre l'oreille pour contempler ce mur de sons, écouter la tonalité glissant sur le dessin, mêlés à la trame ordinaire des bruits et mouvement urbains.
Couleurs. Un mur qui ne ment pas. Vu rue de l'Alma, (qui en plus de ses fresques possède un des plus beaux panorama qui soit), situé sur le plateau de la Croix-Rousse, à Lyon. Fin Février 2009. © Frb
A écouter dans un tout autre monde, quelques correspondances urbaines, un brin freestyle, comme les fresques et les voyelles :
05:43 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, Arts visuels, Balades, De visu, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
vendredi, 06 mars 2009
Boulangerie - Tapisserie
La boulangerie fait tapisserie les jours de fermeture.
Photo: Vieux monde et nouveau monde exposés en remix, sur une ancienne façade de la colline travailleuse. Quand la rue des Pierres-Plantées se prend pour le Bronx, mais ne mène pas ailleurs qu'au Boulevard de la Croix- Rousse, sans ses bruits de métiers mais encore sous la protection de feu l'inventeur Jacquard (en statue), d'un vieux manège, d'un gros caillou. Le tout hors champ, vous vous en étiez aperçus, j'espère... A découvrir toujours tout droit et toujours en montant... Lyon, mars 2009 © Frb.
jeudi, 05 mars 2009
Place du manège
C'est tout en haut, sur la colline, après avoir longé la tapisserie de la boulangerie, et remonté patiemment, la rue des Pierre-Plantées (voir billet précédent ou du jour suivant), qu'à la nuit tombée, on voit tourner au loin, un rutilant manège, nommé "carrousel 1900", portant son plus beau véhicule : le Nautilus (Petit rappel ICI). Peut-être y croiserez-vous Nemo ou le vieux Jules sur sa drôle de machine ? Ou bien, une portée de pains-chocolats au yeux de pauvres chiens, mangée sur les chevaux de bois par des ogres sans compassion ? Sait-on jamais avec le hasard ...
Photo: Vu place de la Croix-Rousse à Lyon dans la lumière presque mauve d'une fin d'hiver. Mars 2009. © Frb.
20:23 Publié dans Arts visuels, Balades, De visu, Le vieux Monde, Mémoire collective, Transports | Lien permanent
mercredi, 04 mars 2009
Comme un mercredi
"Il faut regarder le monde comme le fait un enfant, avec de grands yeux stupéfaits: il est si beau. Allez courir dans les champs, traverser les plaines à fond de train comme un cheval ; sautez à la corde et, quand vous aurez six ans, vous ne saurez plus rien et vous verrez des choses insensées."
ARTHUR CRAVAN : extr. Revue "Maintenant N°4".
"Tête au carré vous salue bien"... N'oublions pas qu'Arthur CRAVAN: (1887-1918) alias FABIEN AVENARIUS LLOYD, (un pseudonyme bien sûr), présenté comme neveu D'oscar WILDE, "poète aux cheveux les plus courts du monde". VOIR ICI → le très beau spécimen ;-) ne fût pas seulement écrivain, mais aussi vrai boxeur. Il mît d'ailleurs un certain temps à sortir du joug et de l'emphase académique (qui souvent nimbe le monde des écrivains", pour préférer, le jeu, la fantaisie et le scandale. D'auteur très appliqué (influencé par Paul VERLAINE, entre autres), il devînt fougueux, débridé, et volontiers provocateur allant jusqu'à vendre sa revue lui-même (la revue "MAINTENANT"), dans une voiture à bras, en montant sur scène pour des conférences houleuses, ou en boxant sur le ring. La phrase au dessus de "tête au carré" est un de ses manifestes poétiques parmi plusieurs du même tonneau... Le désordre, les associations libres, font tout son style. "De ce chaos,naîtra la poésie" dit il... Sa résolution de jeux, traversant toute son écriture assume tant les fantaisies du corps que celles de l'âme. Dans sa revue Arthur CRAVAN écrira :
"(...) Je ne comprendrai jamais comment Victor Hugo a pu, quarante ans durant, faire son métier. Toute la littérature, c'est: ta, ta, ta, ta, ta, ta." ("Maintenant", n°3)
"Tatata ... Au diable, les poètes respectables ! et leurs cercles condescendants ! J'en connais qui ne vont pas être contents... Ou plutôt, je ne les connais pas encore... Sujet libre à débattre bien évidemment ...
Photo: graff enfantin et son "hello" qui travaille du chapeau (comme un mercredi), vu sur les murs du cours Emile Zola à Villeurbanne. Mars 2009. © Frb.
20:52 Publié dans Art contemporain sauvage, Certains jours ..., De visu, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
mardi, 03 mars 2009
Les mots mystérieux...
Vu sur un tout petit mur près des arrêts de bus, le long du fleuve Rhône, côté presqu'île : un ruban. Un tourment...
Photo: Lyon, à quelques mètres du pont Morand. Mars 2009.© Frb.
07:11 Publié dans Art contemporain sauvage, De la musique avant toute chose, De visu, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
lundi, 02 mars 2009
Lac des cygnes
"Je ne sais pas, je ne sais pas quoi dire
sinon que cela semble, un soir, se déplier très haut
hors de la vue
même pas se déplier :
être là, être grand ouvert
(ce n'est pas assez ou c'est trop dire,
mais on ne peut ni l'oublier, ni le taire)."
PHILIPPE JACCOTTET. Extr. "Après beaucoup d'années". Editions Gallimard 1994
Je ne sais pas par où commencer. Et je ne sais pas quoi dire aux muettes ...
Alors je me tais.
Photo: Ciel d'hiver en volière. Entre rive et presqu'île vu ce lundi. Tête en l'air sur le pont Morand à Lyon. Le deux Mars deux mil neuf © Frb
23:34 Publié dans Balades, Ciels, Mémoire collective | Lien permanent
Voyageur
Le Rhône prend sa source au Saint Gothard dans les Alpes Suisses, sa source est constituée par les eaux de fonte du glacier du Rhône qui comble le sommet de la vallée de Conches, sous les cols de la Furka et du Grimsel. Puissant torrent de montagne, il coule d'abord, dans une direction est-ouest, tout au long de la Vallée du Rhône, à Martigny, sa vallée se rétrécit fortement et il remonte vers le nord avant de se jeter dans le lac Léman, il en ressort à Genève où il reçoit l'Arve, puis pénètre en France. Le tracé de son cours est sinueux jusqu'aux environs de Lyon, où il reçoit la Saône, son plus long affluent : étreinte...
De A à Z; le Rhône traverse successivement les villes suisses de Gletsch, première localité traversée, Brigue-Glis, Sierre, Sion, Martigny, Saint-Maurice, puis sur rive droite du Léman, Montreux, La Tour-de-Peilz, Vevey, Pully, Lausanne, Morges, Gland, Nyon, Versoix et, sur rive gauche du Léman, les villes françaises de Thonon-les-Bains et Évian-les-Bains.
Après Genève, il arrose Bellegarde-sur-Valserine, Culoz, Belley, Montalieu-Vercieu, Sault-Brénaz, Saint-Sorlin-en-Bugey, Lagnieu, Saint-Vulbas, Jonage, Meyzieu, Vaulx-en-Velin, Villeurbanne, Caluire-et-Cuire, Lyon, La Mulatière, Oullins, Pierre-Bénite, Saint-Fons, Irigny, Feyzin, Vernaison, Givors, Vienne, Condrieu, Saint-Alban-du-Rhône, Le Péage-de-Roussillon, Tournon, Tain l'Hermitage, Valence, Le Pouzin, Cruas, Montélimar, Viviers, Pierrelatte, Pont-Saint-Esprit, Orange, Avignon, Villeneuve-lès-Avignon, Beaucaire, Tarascon, Arles, Port-Saint-Louis-du-Rhône et se jette dans la mer au niveau des Saintes-Maries-de-la-Mer.
Et voilà ! Terminus. tout le monde descend.
"La pensée remonte les fleuves". Et les génies n'ont plus de prise, à la vue de ces tourbillons, qui jour après jour hantent l'âme des citoyens, traverseurs de ponts. Tous ou presque feignent d'ignorer qu'ils sont là, suspendus, par la grâce de la construction entre deux éléments qu'aucune intelligence humaine si progidieuse soit-elle, ne pourra jamais tout à fait consommer. C'est un vertige si l'on s'arrête, si l'on se penche, comme debout au bord d'une fenêtre. Une aventure très singulière, de se retrouver seul sur ce pont là, précisément; au petit jour, ou dans la nuit. Le débit de ce fleuve fait peur. "Sous le pont Morand d'eau" (merci Solko), coule le Rhône, dont les flots que j'imaginais à portée de regard, sont déjà, au moment où je parle à Vernaison, ou St Alban..."Sous le pont Morand d'eau" coule le Rhône... Et nos Amours finissent tous aux Saintes- Maries-de-la-Mer...
Photo: Reflets du ciel gris et fleuve Rhône : vus du Pont Morand (le bien nommé) entre presqu'île et rive gauche, un matin du deuxième jour de mars 2009 à Lyon.© Frb.
23:21 Publié dans Balades, Ciels, De visu, Mémoire collective | Lien permanent
Comme un lundi
Mais où vont tous ces gens ?
Place MORAND évidemment ! ( anciennement place Liautey ;-) Le pont Morand mène aux génies, (de la fontaine et de la dame), et il est rituel que chaque lundi, juste avant le travail, chaque lyonnais (qui respecte sa tradition) parte à l'aube questionner le génie qui veille sur sa corporation, pour savoir si la semaine sera bonne. Comme jadis les anciens consultaient l'oracle.
Ici, nous voyons se presser les premiers lyonnais qui ont RV avec leurs génies. L'un d'eux, sait d'ores et déjà que "Sa semaine ne sera pas bonne", alors il rentre chez lui, à quoi bon ? On peut remarquer qu'il y a une grande différence de démarche entre ceux qui savent de quoi leur semaine sera faite et ceux qui ne savent pas encore (preuve par l'image)...
Quelques citoyens matinaux, dans un Lyon aux brumes retrouvées d'un lundi qui ne colle pas du tout à ce début Mars, gris, guerrier. Autant le dire, l'ordinateur s'est encore trompé, et ce n'est pas le bon lundi. Ce lundi 2 mars est maussade, avec des nuages et de la pluie. Mais comme les lundis sur le fond se ressemblent, peu importe la forme. Celui ci ou un un autre...
Une suite, un arrêt sur image, le mouvement des perpétuels lundis, est à voir ou revoir : ICI.
Photo : Pont Morand le bien nommé, porte les pas du peuple de Lyon, entre l'opéra et la forêt (Morand). Un lundi de Janvier 2009.© Frb
N.B : Si vous voulez mieux comprendre cette histoire de "génies", c'est sur la place Morand (pour les intimes), place Liautey (pour les autres) que je vous conseille de vous instruire, via le lien de l'excellent blog "Rues de Lyon":
http://ruesdelyon.blogspirit.com/archive/2009/01/12/lyaut...
Et, pour adoucir les moeurs: la musique est au rez de chaussée :
06:29 Publié dans Balades, Certains jours ..., De visu, Impromptus, Le monde en marche, Le nouveau Monde, Mémoire collective | Lien permanent
dimanche, 01 mars 2009
Comme un dimanche
"Dame Dieu" n'est pas l'épouse du bon Dieu (autant dire telle la femme de Columbo), ("Dame Dieu" ici est, peut être La Sainte Vierge ou encore Sainte Marguerite Marie Alacoque, pour l'instant je n'ai pas encore trouvé le véritable sens de cette appellation à cet endroit) mais "Dame Dieu ! " elle s'affiche, chaque jour étant sacré, sur les murs de la ville provinciale et infiniment pieuse de Paray le Monial, à propos de laquelle Henri de REGNIER écrivit:
"Paray-le-Monial attire deux sortes de visiteurs : quelques touristes et des pèlerins. Si les pèlerins vont droit à la chapelle de la Visitation où l’on vénère dans sa châsse la Bienheureuse Marguerite-Marie Alacoque (voir plus loin autre billet de ce dimanche), les touristes, eux, se dirigent vers la basilique clunisienne. Elle est la merveille et l’orgueil de la petite cité dont l’histoire est liée à celle de l’illustre abbaye de Cluni *. Comme je l’ai dit déjà, ce fut Cluni qui fonda le monastère de l’Orval et le réunit à ses destinées. Depuis lors, l’Orval fut une filiale de la puissante congrégation bénédictine. Les abbés de Cluni firent du monastère de l’Orval une de leurs résidences favorites et ce fut du monastère que naquit la ville. Paray mérite donc vraiment d’être appelé « Le Monial ".
(*) "CLUNI dans le texte : lire "CLUNY").
Photo: Rue dame-Dieu à situer ICI. Paray Le Monial dans le 71 . Fev 2009. © Frb 2009.
23:26 Publié dans Affiches, panneaux, vitrines, Balades, Certains jours ..., De visu, Le vieux Monde, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
Apparitions
"Il est des personnes tellement remplies des fantômes de l'imagination qu'elles croient voir réellement tout ce qu'elles pensent."
SAINTE THERESE D'AVILA, Château de l'Ame, Sixième Demeure
"Etant donné que la vue et le toucher sont les deux sens qui rendent compte de la façon la plus directe de la réalité objective, il se produit, dans l'apparition ce que les théologiens appellent "le sentiment de la présence". En fait, la personne témoin d'une apparition est convaincue d'être en contact immédiat avec l'objet qui s'est manifesté à elle, et non pas d'en subir une influence quelconque ou de se trouver face à une image, à une reproduction de cet objet".
Encyclopédie catholique, in "Les Apparitions de la Vierge", M. Centini, Ed. De Vecchi, Paris, 1999
Gerson, auteur d'un traité sur le Discernement des esprits (De probatione spiritum), indiquait déjà au XIV° siècle (traité "sur la distinction des vraies et des fausses visions") cinq signes permettant de reconnaître les véritables révélations :
- l'humilité
- la discrétion
- la patience du voyant
- la vérité des révélations
- la charité ou l'amour de Dieu
Les experts de la 42° semaine mariale à Saragosse en 1986 ont dénombré au moins 21.000 apparitions mariales depuis l'an 1000, mais l'Eglise n'en a authentifié officiellement qu'une quinzaine.
Au cours de ce seul XX° siècle, il a été recensé près de 400 apparitions mariales (ou prétendues telles), et 200 pour la seule période de 1944 à 1993. Pour 7 d'entre elles, l'évêque local a reconnu le caractère surnaturel des faits : Fatima (1917 - Portugal), Beauraing (1932 - Belgique), Banneux (1933 - Belgique), Akita (1973 - Japon), Syracuse (1953 - Italie), Betania (1976 - Venezuela), et tout récemment Kibeho (1981 - Rwanda) ,auxquelles il faut ajouter Zeitoun (1968 - Egypte) et Shoubra (1983 - Egypte), reconnus par le pape de l'Eglise copte. Dans 17 cas, l'évêque - indépendamment d'un jugement concernant le caractère surnaturel des faits - a autorisé l'expression d'un culte sur les lieux de l'apparition. Enfin, 79 d'entre elles ont reçu un jugement négatif.
Photo : Panneau "annonciateur" vu à Paray le Monial, (toujours sous le signe du "Sacré Coeur" et de la Sainte omniprésente dans cette étrange ville : Marguerite Marie Alacoque ). Février 2009. © Frb
21:17 Publié dans Affiches, panneaux, vitrines, Balades, De visu, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
Est-ce toi, Marguerite ?
"Il me semble que le grand désir que Notre Seigneur a que son Sacré Coeur soit honoré par quelque hommage particulier, est afin de renouveler dans les âmes les effets de la Rédemption. Car son Sacré Coeur est une source inépuisable qui ne cherche qu'à se répandre dans les coeurs humbles, vides, et qui ne tiennent à rien, pour être toujours prêts à se sacrifier à son bon plaisir. Ce divin Coeur est une source intarissable, où il y a trois canaux qui coulent sans cesse: premièrement, de miséricorde pour les pécheurs, sur lesquels découle l'esprit de contrition et de pénitence. Le second est de charité, qui s'étend pour le secours de tous les misérables qui sont en quelque nécessité, et particulièrement pour ceux qui tendent à la perfection; ils y trouveront de quoi vaincre les obstacles. Du troisième découlent l'amour et la lumière pour les parfaits amis qu'il veut unir à lui, pour leur communiquer sa science et ses maximes, afin qu'ils se consacrent entièrement à lui procurer de la gloire, chacun en sa manière. Ce divin Coeur est un abîme de bien, où les pauvres doivent abîmer leurs nécessités; un abîme de joie, où il faut abîmer toutes nos tristesses; un abîme d'humiliation pour notre orgueil, un abîme de miséricorde pour les misérables, et un abîme d'amour, où il nous faut abîmer toutes nos misères."
Extr. Lettre de Ste MARGUERITE MARIE ALACOQUE.
Comme un dimanche, un vrai, en forme d'abîme... Je n'ai pas publié ce texte pour vous en faire partager les vertus (loin s'en faut !, lisez plus loin), ni dans l'intention de le moquer, mais juste parce qu'en le lisant, il me paraissait intéressant de soumettre toute l'étrangeté de ce langage, de cette dévotion, à la lecture de chacun, juste pour savoir, comment un texte simple, écrit fin XVIIem siècle, par une jeune fille dévouée à Dieu (et plus particulièrement au Sacré-Coeur) peut être perçu, voire décrypté en 2009. Mais peut être pour mieux comprendre l'étrangeté de ce texte, faut il aborder un peu l'histoire tout aussi étrange, presque effarante de cette jeune fille : Cinquième enfant d'une famille nombreuse, de parents notables, elle perdit son père à l'âge de huit ans. Elle fût envoyée au couvent des Clarisses à Charolles (cf. nos photos) où elle fît sa première communion, après, il est relaté dans plusieurs ouvrages qu'elle pratiquait en secret des mortifications sévères de son corps. plus tard, de santé fragile elle passa sa vie clouée au lit par des rhumatismes articulaires durant quatre ans. C'est à la fin de cette période, ayant fait voeu à la vierge de se consacrer à la vie religieuse, qu'elle se serait trouvée guérie sur le champ. Recueillie avec sa mère chez des parents qui les tourmentaient, leur ôtant tout contrôle de leurs biens et de leurs actes, Marguerite-Marie trouva son réconfort dans la prière, et c'est là, qu'elle aurait eu ses premières visions de Jésus Christ. Il lui apparaissait d'habitude sur la croix et elle ne s’en étonnait pas, pensant que d'autres recevaient aussi ces visions. Quand elle eut dix-sept ans, sa famille récupéra son bien et sa mère lui confia son désir de l’établir dans le monde. Alors, bien que régulièrement meurtrie par les pénitences qu’elle s’imposait, elle commença à participer aux activités mondaines. Une nuit, alors qu’elle était revenue d’un bal, elle aurait eu une vision du Christ pendant une flagellation : il lui reprochait son infidélité après qu’il lui avait donné tant de preuves d'amour. Pendant le reste de sa vie Marguerite-Marie pleura deux "fautes" qu’elle avait commises en ce temps-là : avoir porté quelques ornements et mis un masque au carnaval pour faire plaisir à ses frères...
Elle visita plusieurs couvents, et en entrant dans celui de la Visitation de Paray-le-Monial, une voix intérieure lui aurait dit : "C’est ici que je te veux". Le 25 mai 1671, à l'âge de 24 ans, elle entra au monastère et, en novembre 1672, elle prononça ses vœux perpétuels. De santé fragile, elle n'en continuait pas moins ses flagellations, ainsi que les macérations les plus extrêmes ( je vous épargne les détails), tandis que le Christ continuait de lui apparaître. Ces manifestations lui valurent d'être mal considérée par le reste des membres de la communauté, qui la traitaient de "visionnaire", au point que sa supérieure lui intima l'ordre de se plier à la vie commune. Elle se plia. Son obéissance, son humilité et sa charité envers ceux qui la persécutaient finirent enfin par l’emporter et sa mission vint à être reconnue par ceux-là même qui lui avaient montré la plus forte opposition. Avec l’aide du Père Claude La Colombière, que Jésus lui aurait présenté comme son "vrai et parfait ami", Marguerite-Marie fera connaître le message que Jésus lui aurait adressé. C’est le début du culte du Sacré-Cœur: Inspirée par le Christ, Marguerite-Marie établit la pratique de l'Heure Sainte, qui pour elle consistait à prier, étendue par terre, le visage contre le sol depuis onze heures du soir jusqu'à minuit le premier jeudi de chaque mois, afin de partager la tristesse mortelle qu'avait supportée le Christ, quand il fut abandonné à son agonie par ses Apôtres. Au cours de sa dernière maladie, elle refusa tout soulagement, ne cessant de répéter : "Ce que j'ai dans le ciel et ce que je désire sur la terre, c'est toi seul ô mon Dieu" et elle mourut en prononçant le nom de Jésus.
Photo: Façade de l'ancien couvent des Clarisses à Charolles où notre triste héroïne fît sa première communion en 1665. Décembre 2008.© Frb.
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samedi, 28 février 2009
L'enfer c'est "mon autre"...
"Il y a quelque chose en moi
Au fond de moi, au centre de moi
Quelque chose d'infiniment aride
Comme le sommet des plus hautes montagnes
Quelquechose de comparable au point mort de la
rétine
Et sans echo
Et qui pourtant voit et entend;
Un être ayant une vie propre, et qui, cependant
Vit toute ma vie et écoute, impassible,
Tous les bavardages de ma conscience"
VALERY LARBAUD . Extr " Le don de soi-même" in "Les poésies de A.O BARNABOOTH". Editions Gallimard 1966.
Mystificateur et démystifiant à la fois, Valery LARBAUD fût-il conscient de tout ce qu'il mettait du plus vrai de lui même en s'appliquant à créer un personnage qui lui fût dissemblable ? A.O. BARNABOOTH est le mystérieux narrateur de ses frasques, le milliardaire, enfant gâté mais c'est aussi Valery LARBAUD lui-même, héritier d'une famille aisée, le mystificateur, narrateur passionné de la vérité. Valery LARBAUD renonce à sa signature et feindra d'être aux ordres d'un capricieux nabab dont il écrira le portrait proche de la caricature. Ainsi pourra-t-il se laisser aller sans vergogne à ses désirs littéraires, dans le pastiche comme dans l'anarchie. "Rarement l'audace a su aussi bien user de la timidité" écrira Robert MALLET en 1966, dans sa préface aux "Poésies de A.O. BARNABOOTH"
L'idée du personnage A.O. BARNABOOTH semble avoir pris naissance dès son enfance à la lecture d'un livre de Louis- Henri BOUSSENARD "Les secrets de Monsieur synthèse". Ce "Monsieur Synthèse" est un homme si riche qu'il peut du jour au lerndemain acquérir "la propriété foncière du globe". V. LARBAUD, enfant, rêve (comme beaucoup d'enfants) de cette omnipotence., il en rêve aussi à la lecture de "L'histoire Romaine de Victor DURUY lorsqu'il découvre les empereurs de la décadence dont l'extrême jeunesse dispose du pouvoir absolu.
En 1902 BARNABOOTH prend vie réelle dans l'esprit de V. LARBAUD, lors d'un voyage à Londres avec un camarade très fortuné qui s'offre tous ses caprices. V. LARBAUD crée son personnage à l'aide d'une localité proche de Londres "Barnes" et du mot "Booth" enseigne des pharmacies anglaises à succursales multiples.
Le "BARNABOOTH" "réel" ne paraîtra qu'en 1908, après une première ébauche dès 1902 à la faveur d'un tour d'Europe et autres séjours à l'étranger. Les matériaux qui serviront à V. LARBAUD à composer les écrits de son personnage sont amorçés; le 4 juillet 1908, paraissent à ses frais 100 exemplaires d'un volume où sont réunies ce qu'il nomme "Les oeuvres françaises de M. BARNABOOTH". A savoir, un conte "Le pauvre chemisier" + les poèmes". Il fait précéder cette oeuvre d'une "Vie de BARNABOOTH" attribuée à X.M TOURNIER DE ZAMBLE. En 1913, après la spontanéité qui défoule, vient la réflexion qui épure, la suppression de la biographie est plus que compensée par "Le journal". 15 pièces sont éliminées et d'autres raccourcies".
BARNABOOTH est l'image même de la puissance que donne la fortune et des limites assignées à cette puissance par des réalités morales ou physiques sur lesquelles l'argent n'a pas de prise.
A.O. BARNABOOTH est lucide. Il ne changera pas le monde tout seul. Il sait qu'il faudrait que le monde fût transformé par les masses, mais il n'a ni le courage ni les moyens de se faire l'apôtre de l'insurrrection alors il se laisse emporter par sa fantaisie.
Ainsi dira t-il de lui même :
" Vous voyez en moi un homme que le sentiment de l'injustice sociale et de la misère du monde a rendu complètement fou".
Sources : " Les poésie de A.O BARNABOOTH - Préface de Robert MALLET.
Photo: Une ouverture entre les murs; pas très loin de la "Chapelle des apparitions" vue à Paray le Monial. Février 2009. © Frb.
21:06 Publié dans A tribute to, De visu, Le vieux Monde, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent