vendredi, 25 septembre 2009
Pyromane II
Il n'est pas dans mon habitude de re-publier des images d'anciens billets. Or celle-ci datant du 31 d'Aôut 2008, me trouble assez (du moins, son intitulé) "Pyromane", titre innocent, à l'époque, insoupçonnable. Juste posé pour désigner un ciel flambloyant au dessus de l'Hôtel Dieu, (où règne, toujours présente, la mémoire d'une ville, et très majestueux, vu de l'intérieur, le dôme fascinant du grand architecte Soufflot). Aujourd'hui, fin Septembre 2009 sans avoir pu imaginer ce qu'il adviendrait de cet Hôtel-Dieu, (au destin déjà suspendu, à l'époque), cet intitulé prend un sens très différent, voire improbable, quelque peu ironique. "Pyromane" oui, mais ce n'est plus le ciel qui brûle ... C'est l'édifice.
LISEZ : http://solko.hautetfort.com/archive/2009/09/29/l-hotel-di...
Je ne rédigerai pas exactement ce qu'on appelle stricto-sensu un billet (dans le jargon). Tout ce qui est indécent, hideux dans ce projet de réamènagement de l'hôtel-Dieu, tout ce qui fait injure à la mémoire des gens, la mémoire d'une ville, réduit à un simple décor (vitrine) ce qui constitue une histoire depuis des siècles, et dépouillera prochainement cette histoire de son site pour les temps présents et futurs, a très bien été exprimé par Solko (un blog plus qu'ami) que je rejoins complètement dans son écoeurement et son indignation. Une lecture attentive des billets de Solko pourra davantage éclairer le lecteur (lyonnais ou non) quant à l'histoire de l'Hôtel-Dieu, (et de son dôme, bien sûr !) Hotel-Dieu d'hier, jusqu'à ce vulgaire aujourd'hui augurant un très regrettable "demain ?" Vidé de sa substance. Encore et toujours, il est question de la mémoire qui nous rattache aux lieux. De ce retour et liens aux racines pour faire en sorte que les paysages, les personnages qui le parcourent, ne se transforment pas en "coquilles vides"... Parallèlement existent, L'âme d'une ville et, sans concertation, ce coeur qu'on nous arrache. On pourrait annoter le chapitre - De la présence de l'Hôtel Dieu à l'avènement d'une future coquille vide - C'est déjà un thème très brûlant, sauf s'il se trouve assez de gens affectionnant autant "le paysage" que son sens même, pour essayer d'empêcher ça... (A lire encore) :
http://solko.hautetfort.com/archive/2009/10/02/sale-vendr...
Lorsqu'en Août 2008, on consultait le Wiki à propos de l'Hôtel-Dieu on pouvait lire ceci: "L'Hôtel Dieu est actuellement un centre hospitalo-universitaire dépendant des Hospices Civils de Lyon. Il renferme également le Musée des Hospices Civils de Lyon, témoin de son riche passé. Sa désaffectation est prévue pour 2010, il semble que les bâtiments historiques puissent être convertis en grand musée médical et anatomique. Aucune décision officielle n'a été encore rendue."
Grand Musée médical, soit ! on attendait ... Réactualisé à la saison d'automne 2009, (J'ose espérer que le lecteur me pardonnera quelques incohérences et antidates dûes à certains retards auxquels ce blog s'attache, j'espère surtout que cela ne gênera pas la compréhension du problème de cette reconversion de l'hôtel-Dieu,) bref ! comme il y a le feu à l'édifice, je tiens à faire passer aujourd'hui ce billet avant tous les autres. Donc automne 2009, dans Wiki toujours on peut lire :
"L'Hotel Dieu sera reconverti en hotel 4 étoiles sous le magnifique dôme de 30 mètres de haut. les cours intérieures accueilleront des boutiques de luxe. C'est ce qui fait suite à la décision prise par Gérard Colomb le 25 Septembre."
Quand j'ai lu ça, j'ai eu peine à croire... (La peine, dans les 2 sens du terme on peut dire). Etait ce une blague ? Peut être une provocation ? Puis il y eût "Libération" (pas celle que vous croyez qui font les heureux dénouements, faut pas rêver ! on est à Lyon !)
"Luxueuse reconversion pour l'hôtel-Dieu lyonnais" c'est le titre ! Là encore, on en apprend sur les merveilleuses méthodes de concertation de notre maire ou comment vite fait, bien fait on scelle le sort d'un lieu cher à son peuple, (4 ou 5 étoiles ! ben voyons !) de la haute cabriole (cabriolet ?) sur l'histoire, injure assez décontractée à la mémoire encore très vivante du lieu. Projet d'une insolente vulgarité. Qui s'en soucie ? Quelques uns... ? Seront ils assez nombreux ? Est-il permis d'espérer ?
http://www.libelyon.fr/info/2009/09/luxueuse-reconversion...
C'est vrai, elles n'ont l'air de rien ces petites phrases comme ça mises bout à bout. Allez, je vous recolle les plus neutres, celles du Wiki, pour le déplaisir (ou la réaction allergique qui pourrait se manifester à la deuxième lecture) :
"L'Hotel Dieu sera reconverti en hôtel 4 étoiles sous le magnifique dôme de 30 mètres de haut" [...]
"les cours intérieures accueilleront des boutiques de luxe".
Hormis qu'on dirait de la réclame. Ca ne vous choque pas ? Bon. Pendant que le vieux polémiste dort, j'enfonce le clou... (Lisez, lisez...)
http://solko.hautetfort.com/archive/2009/10/05/d-un-dome-...
Pyromane, nous voilà ! qu'elle soit de gauche ou de droite, cela s'appelle toujours de la décomplexion. Et ce qu'il y a d'ennuyeux avec la décomplexion, c'est qu'elle est aujourd'hui tellement partout, qu'elle aurait tendance à passer "comme une lettre à la poste", (si j'ose dire !). Et les autres effarés, les "pas d'accord", (les "complexés?"), évidemment non concertés, qui se sentent passablement injuriés, écrasés par tout ça, finiront peut-être par se dire : "à quoi bon ?" on lit tellement de trucs obscènes jour après jour, qu'un de plus un de moins... N'est ce pas ? Et bien non. Un de moins c'est mieux. Toujours ça de mieux.
Je ne suis pas une abonnée de la pétition à tous vents, mais là, je soutiens celle du collectif Hotel Dieu parce qu'elle propose un projet réfléchi, intelligent qui rend encore son sens profond, une cohérence à cet unique hôpital public du centre-ville. Cette pétition propose la création d'un centre de promotion de la Santé à l'Hôtel Dieu, vous trouverez le projet dans le lien ci dessous, tout autant que la possibilité de signer cette pétition.
http://jesigne.fr/promotionsantehoteldieulyon
La voie qui mène encore à défendre l'Hôtel-Dieu et le projet du collectif de l'Hotel Dieu, au lieu d'accepter passivement le travestissement de l'édifice en centre commercial haut de gamme, pur cauchemar, annoncé en fanfare, (et bientôt coupé au ruban ?) est encore à lire chez Solko, (tout très bien expliqué), et je crois que vous aurez tout, enfin tout ce qu'il faut pour vous faire une idée de la situation. Il me reste à remercier Solko, pour ses beaux textes, à raison réactifs, doublés d'une recherche fort documentée effectuée pour nous informer quant à l'histoire de cet hôpital public unique à Lyon, dont le relifting en temple marchand dévoué aux petites joies éphémères des créatures bling bling (et aux rêves inacessibles de la plèbe ?), nous donne d'ores et déjà, la nausée... Vous pouvez choisir vos chemins. Les deux mènent à la pétition. La signer ce n'est pas rien. ... Comme vous l'avez vu à Lyon, cette rentrée se voit dans de différents domaines, sinistrée. De très beaux endroits risquent bientôt d'être intégralement dévitalisés... Transformations qui ne sont pas très glorieuse pour cette ville. Et ne lui font pas honneur... Autre chemin donc + quelques liens dans le lien, et j'en termine.
http://solko.hautetfort.com/archive/2009/10/03/8d0b544274...
Après quoi, on ira se promener... A l'hotel Dieu exactement. Dans la cour pavée, sous les arcades silencieuses, paisibles... On écoutera les pierres, le bruit des pas dans les allées, discrets, respectueux...On regardera les pigeons s'envoler et on ramènera des images, avant liquidation, salopage intégral d'une mémoire, décérébrage du dôme. Avant copie conforme des vitrines à Gucci et autres Zilli and co... Avant de croiser des coquilles vides portant des sacs à lisières dorées, avant de contempler le spectacle de clones sarkozoïdes "tendance" veste en velours gold à losanges surpiquées, déambulant dans les allées avec leur guide "shopping", infiniment "fashionable", et les autres, qui viendront rêver avec leur sac plastique en faux Vichy Tati, à tout ce qu'ils ne peuvent pas se payer. Consommateurs fantômes traînant au grand hôtel une toute autre maladie... Comme celle des fantômes du 8 Décembre qu'on voit errer dans les lumières plus absents que ceux des cimetières, déracinés, coupés du sens. Lierres en pot de chez Jardiland, légumes en serre, proliférant, sur toute cette belle tristesse dorée, tout sans histoire. Soufflot souffrant, mais pété de tunes. L'hôpital public saigné à blanc, mais à la mode mash potatoes relooké par Ferragamo...
Photo : L'Hotel-Dieu encore intouché sous un beau ciel en feu (profitez !). Prochainement dans les "flammes du pognon", en Dolby stéréo, écran géant, fashionorama, (images à suivre en 2010...) On ne détruit pas le bâtiment, non, juste ce qu'il y a dedans ( une mémoire, quelques broutilles, en somme). A suivre donc... Lyon, vue des quais du Rhône. Août 2008. © Frb
01:13 Publié dans Actualité, Arts visuels, Balades, Ciels, De visu, Le nouveau Monde, Mémoire collective | Lien permanent
mardi, 22 septembre 2009
Les automnales de St Nizier
"Semis de Saint Maurice récolte à ton caprice"
Dicton du jour
Le 22 Septembre est le 265 ème jour de l'année au calendrier grégorien. (Plus que 100 jours avant les cotillons). On rend grâce aux Maurice par une géante courge chaussée de coloquintes qui défile dans les rues sur des parachutistes rousses.
Le 22 Septembre. C'est le 29ème jour de la Vierge, folle de sa saison, rêvant place St Nizier d'une gelée de coings-grenades à emporter dans son panier pour manger tout de suite, ou déguster après, sous les parasols vermillon de la Manille, à Tupin.
Le 22 Septembre, Edouard 1er, roi d'Angleterre s'en alla de terre Sainte pour la neuvième croisade, ses esclaves portant au calife, une jarre d'un nectar de raisin de Gloucester (l'équivalent anglais des "tulipes de Juillet du Nabirosina") piqué d'un poison d'amanites vireuses dont le chapeau couleur blanc crème, pourvu d'un mamelon centré, séduisit diablement notre courge qui passant du orange au rouge en effraya le fragon petit houx.
Le 22 Septembre pieds nus sur les pelouses, qui bordent la grande roseraie du parc de Tête d'or, quelques enfants sautent à pieds joints sur des bogues de châtaignes.
Photo : Le 22 Septembre l'année dernière, le vieux Georges, ajustait la rime à son verbe moyenâgeux. Le 22 Septembre, cette année, le magasin des belles personnes aux doigts verts et autres dames jardinières, oeuvre en façade à la nature morte flamande... Il faut croire que la saison des labours inspire. Heureux, qui comme l'automnal, a savouré en léger décalé, un retard qui s'éternise... Il suffit d'une petite boutique d'art floral. Si cette sublime composition n'était pas si consciencieusement étiquetée, j'enverrais volontiers (par pneumatique) un bouquet d'héliantes divariqués au virtuose étalagiste (on peut quand même le remercier). Vu à Lyon, place St Nizier, juste en face de la belle église du même nom et de surcroit assez gothique. Septembre 2009. © Frb
00:29 Publié dans Affiches, panneaux, vitrines, Art contemporain sauvage, Arts visuels, De visu, Impromptus, Mémoire collective | Lien permanent
lundi, 21 septembre 2009
Haute voltige
"Mais le jugement du vulgaire ne comprend pas grand chose au désespoir..."
SOREN KIERKEGAARD (1813-1855) in "Traité du désespoir". Editions Galimard 2006
On dit souvent que S. KIERKEGARD, est le "père de l'existentialisme", (cette idée a été vivement contestée par Asger JORN, dans un excellent texte intitulé "Sur la situation singulière qu'occupent dans l'humanité les mâles", livre dont je vous reparlerai un - certain - jour...), mais au delà du commun des on-dit, (père de... ou non), KIERKEGAARD, (Soren Aabye), (écrivain et philosophe danois), a écrit des oeuvres importantes dans un laps de temps de quelques années. Le "Traité du désespoir" est le dernier ouvrage majeur, qui regroupe aussi les grands thèmes "kierkegaardiens" évoqués dans les précédents livres. Fervent chrétien, théologien, il s'oppose à l'église danoise, (église luthérienne d'état), au nom d'une foi individuelle et concrète. KIERKEGAARD, écrivain, déroute. Ses premières oeuvres sont rédigées sous divers pseudonymes, qui sont autant de personnages inventés et souvent, ces pseudos-auteurs commentent les travaux de pseudos-auteurs précédents (Ex : Johannes Climacus, et l'excellent Anti-Climax). Gilles DELEUZE s'en souviendra lorsqu'il développera sa notion de "personnage conceptuel", désignant des personnages fictifs ou semi-fictifs crées par un ou plusieurs auteurs, afin de véhiculer une ou plusieurs idées.
Pour en revenir au philosophe, plus spécifiquement à "l'angoisse", KIERKEGAARD la considère comme un "vertige du possible". Je résume parce que sinon, il faudrait épuiser une bonne dizaine de blogs, et quelques vies, (c'est angoissant ;-) "vertige du possible", donc (mais ce n'est pas aussi simple que ça !). L'angoisse contrairement à la peur n'a pas d'objet déterminé, si on a peur de quelquechose, il est plus difficile d'angoisser de quelquechose" et quand bien même "le quelquechose angoisserait" cela serait encore pour quelque(s) raison(s) indéterminée(s). L'angoisse met en question l'ensemble de l'existence et nous fait entrevoir le néant. L'homme doit donc se risquer à choisir (vertige ?) et à agir sans pouvoir maîtriser totalement l'avenir. C'est le sens "du saut dans l'absurde" augurant parfois cette entrée dans "le désespoir" (autre thème Kierkegaardien), mais qu'on ne s'y trompe pas, angoisse et désespoir ne sont pas des notions négatives aux yeux de KIERKEGAARD, le "traité du désespoir" malgré son autre titre moins connu "La maladie à la mort", n'a rien d'une lamentation sur la détresse humaine, et paraît même davantage une exploration du rapport à soi. Ensuite libre au lecteur d'affirmer ou de contester l'idée que les plus profonds tourments peuvent élever l'humain à une sorte de joie supérieure... A vrai dire je ne souhaite pas soulever ce lièvre là ;-) disons que ce n'est pas exactement l'objet de notre billet. Je préfère vous livrer un extrait de ce livre, superbe d'acuité. Puisse son lecteur (ou sa lectrice) ne pas trop s'y retrouver ...
"Traité du désespoir", extrait :
"Désespérer d'une chose n'est donc pas encore du véritable désespoir. C'en est le début, il couve comme disent d'un mal les médecins. Puis le désespoir se déclare : on désespère de soi. Regardez une jeune fille désespérée d'amour, c'est à dire la perte de son ami, mort ou volage. Cette perte n'est pas du désespoir déclaré, mais c'est d'elle-même qu'elle désespère. Ce moi, dont elle se fût défait, qu'elle eût perdu sur le mode le plus délicieux s'il était devenu le bien de l'autre, maintenant ce moi fait son ennui puisqu'il doit être un moi sans "l'autre". Ce moi qui eût désespéré - d'ailleurs en un autre sens aussi désespéré - pour elle, son trésor maintenant lui est un vide abominable quand "l'autre" est mort ou comme une répugnance, puisqu'il lui rappelle l'abandon. Essayez donc d'aller lui dire : "Ma fille, tu te détruis" et vous entendrez sa réponse : "hélas ! non, ma douleur, justement, c'est de n'y parvenir".
Photo: Feuille jaune à bords roussis, isolée dans l'espace. Vue juste à quelques mètres d'une multitude de rousses virevoltant gaiement sur la mythique Tabareau. Lyon, colline, Septembre 2009. © Frb
23:09 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, Balades, De visu, Mémoire collective | Lien permanent
dimanche, 20 septembre 2009
Schizophonie
Sachant que le préfixe grec "schizo" veut dire, fendre, séparer, et que "phôné" signifie voix (en grec), la schizophonie serait selon RAYMOND MURRAY SCHAFER, la séparation d'un son original de sa transmission ou de sa reproduction acoustique. Au départ, chaque son étant original, il ne se reproduisait qu'à un seul moment et dans un seul lieu à la fois, indissolublement lié au mécanisme qui le produisait. La voix humaine ne voyageait pas plus loin qu'à la limite permise du cri. Les sons impossibles à reproduire étaient uniques, inimitables. Ils pouvaient se ressembler comme les phonèmes d'un mot que l'on répète mais n'étaient jamais identiques. La preuve a été faite de l'impossibilité physique pour l'être le plus rationnel et le plus réfléchi à reproduire un seul phonème de son propre nom deux fois de la même manière, (si vous en doutez, mettez-vous à l'épreuve d'essayer, si un seul d'entre vous y parvient, je brûle ce blog et rejoins les bénédictine de Chantelle). Depuis l'invention des techniques électroacoustiques de transmission et de conservation, tout son, si infime soit il, peut être envoyé dans tous les coins du monde ou gardé sur un disque, bande magnétiques, fichiers son, etc... Nous avons dissocié le son de sa source, nous l'avons arraché à son orbite naturelle. Nous lui avons donné une existence amplifiée et indépendante. Le son de la voix par exemple, n'est plus lié à une cavité du crâne, il est bien libre de surgir de n'importe où dans le paysage sonore. Il peut jaillir de millions d'orifices dans des millions de lieux publics ou privés, ou être conservé en vue d'une diffusion postérieure.
"Nous n'aurions pas conquis l'Allemagne sans [...] le haut-parleur", écrivait HITLER en 1938. Nous savons aussi que l'expansion territoriale des sons post-industriels a servi les "ambitions impérialistes des nations occidentales". Le haut-parleur fût aussi, une invention impérialiste, car il répond au désir des autres par la voix. Tout comme le cri est porteur de détresse, le haut-parleur peut aussi communiquer l'angoisse. Je n'ose pas évoquer en détail, ce que les futurs paysages (impérialistes ?) nous réservent, encore une idée piquée aux artistes, sans vouloir jouer les rabats-joie, je me demande ce que ceci donnerait soudain multiplié à l'échelle d'une ville et toujours du point de vue du récepteur parcourant son paysage sonore... (So funny vraiment ?).
R. MURRAY SCHAFER, compositeur canadien né en 1933 (ne pas confondre avec Pierre SCHAEFFER), a publié en 1977 (Paru en 79 en France), un ouvrage "Le paysage sonore", (Original :"The tuning of the world"), où il développe ce concept de "paysage sonore" (ou "Soundscape"), c'est là que se lit aussi pour la première fois ce terme de "Schizophonie" : "En forgeant ce thème de "schizophonie", j'ai voulu souligner le caractère pathologique du phénomène voisin de schizophrénie, je le chargeais même du sens d'aberration et de coupure de la réalité, en fait le massacre opéré par les gadgets Hi-fi, non seulement contribue à aggraver le problème Lo-fi mais crée un paysage sonore synthétique dans lequel les sons naturels sont de plus en plus remplacés par des sons artficiels et où les signaux qui ponctuent la vie moderne ne sont plus que des substituts fabriqués par des machines"...
Nota : Evidemment ce texte écrit en 1977, 78 pourrait encore se discutter, ou plus précisément s'ajuster en 2009, où l'environnement sonore s'est peut être encore densifié (tout autant que la schizophonie ? Question.). Par ailleurs, R.MURRAY SCHAFER, qui composa et enseigna, pût aussi mettre sur pied fin des années 60, (grâce à des subventions de l'UNESCO et de la Donner Canadian Fondation) : le "World Soundcape Project", un projet mondial d'environnement sonore, (rattaché à l'université Simon Fraser) consacré à l'étude des rapports de l'être humain avec son environnement acoustique. Ce nom même de "World Soundscape Project", résume à lui seul l'idée qui est au centre du projet : en dehors de nos sens, un "paysage sonore", n'a pas plus de réalité ontologique qu'un paysage "classique", mais le terme permet de désigner la façon dont les êtres perçoivent leur environnement. En tant que récepteur, il est admis que les individus agissent sur les sons " On part du principe que les individus agissent sur les sons dès qu'ils pénètrent dans un espace donné. Produit par l'homme le paysage sonore est la manifestation acoustique du lieu. Les empreintes sonores, analogues aux particularités d'un paysage sont des objets sonores uniques bien localisés. L'objet sonore fût bien décrit par Pierre SCHAEFFER comme "Un objet auquel peuvent s'appliquer nos sens et non un objet mathématique ou électroacoustique à synthétiser". Il s'agit de la plus petite particule autonome du paysage... mais de cela, je parlerai peut être un autre (certain) jour....
Source : R. MURRAY SCHAFER : "Le paysage sonore". Editions J.C Lattès. 1979.
A écouter sur Arte radio : "Une rue à l'oreille de MURRAY SCHAFER" (de Anthony Carcone) où le compositeur M.S. commente le paysage sonore d'une rue parisienne, en ambiance et en anglais : http://www.arteradio.com/son.html?22427
Photo : Paradoxe de la schizophonie: le piano muet de l'avenue Salengro, tandis que partout les rues et les murs bruitent... Vu à Villeurbanne en Septembre 2009. © Frb.
vendredi, 18 septembre 2009
HOP
35 PLIS est de retour, et vient de nous sortir une petite perle hypnotique et pas piquée des verts, ânetons... Une vidéo fameuse avec des invités d'honneur, (que du beau linge !). Certains jours adore 35 PLIS, donc certains jours (dans son immense générosité) vous l'offre. Goûtez-moi ça. Vous m'en direz des nouvelles. Et que ça saute ! Allez HOP !
Remerciements à Sam Quentin et 35 PLIS de nous avoir communiqué la désopilante merveille. (Et pour la suite, Sam, c'est quand tu veux...)
Pour ceux qui ne connaissent pas encore 35 PLIS quelques liens :
22:34 Publié dans A tribute to, Actualité, Art contemporain sauvage, Le nouveau Monde, Mémoire collective, Objets sonores, Tapis rouge ! | Lien permanent
jeudi, 17 septembre 2009
Le duplex de Malévitch
"J'ai débouché dans le blanc, camarades aviateurs, voguez à ma suite dans l'espace sans fin."
KASIMIR MALEVITCH (1878-1935)
"Débouché dans le blanc," On a retrouvé MALEVITCH (Kazimir Sévérinovitch exactement). Des signes qui ne trompent pas."Carré noir sur fond blanc", (peint en 1913, montré en 1915), explose l'art ancien. En 1923, MALEVITCH réalise une esquisse de vêtements, conformément à une peinture murale... MALEVITCH écrit :
"L'harmonisation des formes architecturales, quelque style d'architecture industrielle que ce soit [...] exigera le remplacement du mobilier, de la vaisselle, des vêtements, des affiches et des peintures existants. Je prévois que le mouvement de l'architecture va avoir d'une façon significative, une harmonie suprématiste de formes fonctionnelles".
Cet extrait de texte alerta sérieusement les agents d'expertise de la "manufacture art et cycles de certains jours" qui ne mirent pas longtemps à découvrir le "pot aux roses". MALEVITCH était bien vivant. L'artiste, non content d'avoir explosé l'art ancien en 1923, récidivait en 2009, et très insolemment, doublait la mise sous les yeux d'un Emile Zola médusé, quelque part en banlieue entre Gratte-ciel et la Tordette. Tout le monde se souvient (n'est-ce pas ?) qu'en 1925, MALEVITCH s'était mis à construire des "architectons", compositions suprématistes spatiales... Ainsi tout concordait : Le duplex de MALEVITCH constituait bien le chaînon manquant entre "le carré noir sur fond blanc" et les "architectons". Du moins ce fût la conclusion de nos agents d'expertise de la M.A.C.C.J. qui pour en avoir le coeur net, envoyèrent une convocation à Monsieur K. MALEVITCH. On attendit. Monsieur K. MALEVITCH ne se présenta pas. Une enquête de voisinage menée tambour battant par les agents de la cellule de vérification des arts et cycles de certains jours (C.V.A.C.C.J.) ne pût tout à fait obtenir les résultats souhaités. Certains voisins affirmèrent de source sûre, qu'effectivement Monsieur K. MALEVITCH habitait bien ce duplex, d'ailleurs il avait dérangé les gens sous prétexte de petites rénovations sur la façade côté cours. D'autres furent certains qu'ils n'avaient jamais entendu ce nom là. Seul, un psychiatre réputé, l'éminent Docteur S. Drufe vivant dans la maison d'en face, jura sur la tête de sa femme, de sa mère et de ses patients que ce duplex n'existait pas, sinon dans l'esprit dérangé d'un bon nombre de gens. Il fallût donc revérifier. Les contre-experts de la C.V.A.C.C.J. s'invitèrent dans l'appartement du Docteur S. Drufe, et se mirent à la fenêtre avec des téléobjectifs pour tenter d'arracher la preuve que MALEVITCH était vivant et résidait à Villeurbanne. Auquel cas, il faudrait signaler au gouvernement (à monsieur Ribec, particulièrement) l'existence de ce terroriste (afin de vérifier si ses papiers ... enfin bref !). Seulement voilà... Ce que virent les contre-experts s'avèra tout à fait incompréhensible et confirma irréfutablement les arguments du Docteur Drufe : "Le duplex de MALEVITCH" n'existait pas, pas plus que MALEVITCH ne pouvait être vivant. On touchait au néant : "Carré blanc sur fond blanc"...
Les experts de la C.V.A.C.C.J. ne voulurent pas admettre la vérité qui pourtant résidait dans cette sorte d'énigme dépourvue de paramètres. Cette figure sans trame, ce duplex sans fenêtres qui obsédait, taraudait, désintégrait les hypothèses, posait au milieu des mondes habités un aberrant seïsme d'une puissance de type immobile. Nos contre-experts pas plus que nos experts, ne pourraient désormais s'arracher de cette surface sans éprouver cette sensation de nudité, ou pire encore la suspicion que ce K. MALEVITCH (bien qu'introuvable), avait pris possession de leurs cerveaux et bientôt attaquerait leurs corps...
Bien calé dans son siège "Colombo", le docteur S. Drufe attendait patiemment que ces messieurs quittent la pièce. Tripotant une statuette ramenée de Laponie par son amie Anna de Sandre, le docteur écoutait. Depuis l'irréfutable surgissement de la preuve, les agents de la cellule de vérification, ne tournaient plus très rond. L'un disait : "Je suis sûr que MALEVITCH habite dans ma tête", un autre complètement fou faisait de grands gestes d'exorcisme en hurlant "Kasimir, je t'en supplie, sors de ce corps". Le docteur Drufe, très intrigué fit parler le troisième: "Mais que ressentez vous, au juste, mon ami, si je puis vous aider ?", l'expert cherchait ses mots, il ne les trouvait plus. Il était sûr que c'était ce MALEVITCH qui les lui avait pris. Il demanda au docteur une dernière petite faveur : "Pourriez vous fermer les rideaux s'il vous plaît ? Ce duplex, vous savez, je ne peux plus le voir en peinture !". (Rire du Dr Drufe) "Ah ! Ah ! en peinture ! non ! ça, mon ami, en peinture, ça ne risque pas !". La nuit tombait, le docteur Drufe savait. Le duplex de MALEVITCH ayant existé dans la tête des messieurs, on ne pourrait plus désormais les persuader du contraire. Ces hommes devraient vivre à jamais avec une idée fixe. Le duplex était un rectangle MALEVITCH l'avait vu carré, déjà à l'origine, tout partait sur de mauvaises bases. Le Docteur caressa sa barbe, une idée formidable se formait dans sa tête. Si le carré était un rectangle, c'est qu'il y avait eu glissement ? A en observer le comportement de ces experts, mis à l'épreuve non d'une réalité, mais de la vérité, le duplex était devenu complexe. Le docteur Drufe eût cette vision furtive, son idée traverserait l'avenir. Il murmura : "Des couilles en or". Il venait de découvrir ce qui bouleverserait irrémédiablement la perception de l'homme du XXIIem siècle et rendrait définitivement muette toute tentative de pouvoir l'expliquer voire même l'analyser. Il sortit un carnet tout neuf, et à la première page nota : "Le complexe de MALEVITCH, chapitre 1". Une nouvelle ère commençait...
En attendant vous pouvez être (do it yourself !) vous mêmes ! un MALEVITCH. (Profitons c'est pas tous les jours !) en cliquant sur ce lien, (architectons, avant qu'il ne soit trop tard, camarades !) : http://www.beamalevich.com/
Photo 1 : Le duplex de MALEVITCH vu cours Emile Zola, à Villeurbanne en Septembre 2009.
Photo 2 : Le complexe de MALEVITCH vu le même jour, à la même heure, au même endroit, en Septembre 2009. © Frb.
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mercredi, 16 septembre 2009
Quelques heures avant la nuit. (Part I)
"Je me suis demandé s'il nous arrivait encore d'éprouver des joies où la tristesse ne viendrait se jeter comme à la traverse ; qui ne se mélangeraient pas d'une impression de déclin, de ruine prochaine, de vanité. Tiens, se dit-on, cela existe encore ? Nos joies sont de cette sorte que nous procure un vieux quartier d'habitation rencontré au faubourg d'une ville étrangère et pauvre, que le progrès n'a pas eu le temps de refaire à son idée. Les gens semblent là chez eux sur le pas de la porte, de simples boutiques y proposent les objets d'industries que l'on croyait éteintes; des maisons hors d'âge et bienveillantes, qu'on dirait sans téléphone, des rues d'avant l'automobile, pleines de voix, les fenêtres ouvertes au labeur et qui réveillent des impressions de lointains, d'époques accumulées, de proche campagne; on buvait dans ce village un petit vin qui n'était pas désagréable pour le voyageur."
BAUDOUIN DE BODINAT in "La vie sur terre", Editions, "encyclopédie des nuisances" 1996-1999.
Avant-propos :
Tandis qu'il fût impossible cette nuit de retrouver les nuages, à la bonne adresse, (la fameuse erreur 404)... Le lecteur peut tenter de cliquer sur "Les nuages" rubrique blogosphère, colonne de gauche, desfois que ça viendrait de chez moi... Enfin, c'est là, en début de soirée sur "les nuages", exactement, d'ordinaire ou plutôt, d'extraordinaire, où j'aime aller prendre le large comme d'autres prennent le deltaplane, le vélo ou la jonque... (Nuage, dites-nous s'il vous plaît, ou si vous voulez... Est ce que ça vient de chez moi ?). S'il est encore permis d'être lue ici par un nuage, j'aimerais glisser une pensée vraiment amicale. "Le nuage" était venu là, poser des commentaires et en visitant son domaine, j'avais eu un coup de foudre, (ou un coup de nuage, mais un très beau), depuis je raffole de ce domaine, il y a vraiment de quoi ! univers fascinant entre mille, oeil acéré, intelligence de la photo, Amour des paysages, le monde des "nuages" est (était ? non ! il n'est pas encore venu, le temps des nécrologues), une pépite rare dans notre blogosphère (pléthorique). Autant le dire, à mes yeux, un domaine d'exception. Sauf qu'il y a un hic. Depuis la fin de cette dernière nuit, (qui ne suit pas tout à fait la date ci dessus, allez comprendre ! mais bon), la fameuse erreur 404, persiste. Et le domaine, depuis hier (le 28 /09 exactement), reste désespérement introuvable, c'est vraiment énervant...
Prélude à un billet par contraste beaucoup plus sombre, mais un avant propos en forme de supplique personnellement adressée à l'auteur(e) du, des "nuage(s)" pour que reviennent, peut être, ces fugues océaniques, et autres mondes à perspectives lumineuses. Et puis il y a ces titres au dessus des photos, si finement pensés, touche précise, ciselant les multiples sens du tableau. Les nuages savent aussi choisir malicieusement les mots ... J'ose croire que l'erreur 404 n'est qu'une erreur à rectifier, pas un massacre par immolation (ah ! la touche "supprimer ce blog" menant à l'erreur 404, est une autre bizarre tentation...) Mais il ne faut pas y toucher Nuage ! sinon, quelquechose manquera, quelquechose et quelqu'un. On croit que ce n'est rien, mais c'est un peu comme les étoiles... Voyez... Bon, Je ne ferai pas de sentimentalisme, nulle séquence émotion à trois balles. Je sais aussi (même si nul blog et son bloggueur n'est du point de vue de la vie sur terre vraiment indispensable), quelle béance et quelle peine se trouvent encore quand un bloggeur avec lequel se tisse des liens, au fil à fil, jour après jour, disparaît du jour au lendemain... Même si ce n'est pas lui qui disparaît mais sa publication, dans le contexte virtuel, c'est un peu comme s'il disparaissaît quand même, lui, avec sa publication. On ne s'habituera pas (enfin moi, pas vraiment), à cette page figée, par exemple, au 19 janvier 2009, dernière page, à ce jour, de l'univers de Léopold Revista (l'un des plus bienveillants, et des plus élégants de tous nos "citoyens du monde"). Ce jour là, Léopold, tirait sa référence, au 300em passage, en un billet qui reste en ligne encore à ce jour et qui bouleverse assez. (Tous les autres billets se lisent aussi très bien, surtout, n'hésitez pas). Quelques autres et moi même se souviennent d'une surprise assez "mauvaise" après le doute, une certitude, quand Marc expérimenta, (peu importe la raison, une raison, même déraisonnable, se respecte), la fatale manipulation, qui mène à la page erreur 404 et combien plus immense fût notre étonnement, doublé d'une joie non dissimulée, quand Marc réinventa pour nous, (et pour lui tout autant, je crois) ce magnifique domaine, qui en fascine plus d'un. Une liberté particulière accordée au lecteur, qui vient à ce monde aux questions ouvertes, fruité, spacieux et puis (...) solaire au titre doux d'"Epistolaire". "Une voix dans le choeur", voilà peut être bien exprimé cet indicible "je ne sais quoi", qui ouvre largement le sens. Je n'oublierai pas non plus, l'explosion annoncée par Fabien, et son blog étonnant, encore de l'ouvrage finement amené, avec des textes carrément surprenants, le tout drôlement stylé (s'il me lit, il va râler, tant mieux !). "Un peu moins que quelques bribes", Fabien avait annoncé à ses lecteurs, grosso modo "à telle date, j'explose le domaine". Et il l'a fait ! Fabien a depuis recrée je crois, un domaine, qu'une panne informatique m'a dérobé... (Tributaires que nous sommes, de la technique, malgré nos airs indépendants, Fabien, si tu m'entends et que tu as sous la main ce que je cherche... ;-)
Pour en revenir au ciel d'automne. Je sais aussi que "le nuage" aime follement De Sabato, y aurait t-il quelque injonction de l'Ernesto, derrière ce nuage envolé ? (Ernesto ! c'est pas bien malin !). Ayant appris (merci nuage) combien l'écrivain était pyromane, concernant ses propres oeuvres, j'espère que notre amie, dans je ne sais quel mouvement (peut-être angélique tout autant que ténébreux ?), n'aura pas livré ce blog merveilleux, au bûcher qui renvoie toujours son lecteur, désespérement, à la page "erreur 404". Rien que d'y songer, ça rend malade. Dites nous que non, "Nuages "... Cette erreur, elle vient "bien de chez eux ?" comme on disait avant quand l'écran devenait noir dans la télévision. Sauf que là, chez "les nuages", c'est beaucoup mieux que ce qu'on peut voir dans une télévision ! Alors oui ? "Ca vient de chez eux ?" Juste, un babil, nuage... Que ces lumières du pays qui donne aux saisons des noms à danser sous la pluie et que ces pluies qui caressent doucement, chez vous, les toits de chaume, ne tombent pas définitivement sur cette page arrachée. Si d'aventure, cela ne venait pas de chez eux, la lectrice que je suis, enragerait,( ô désespoir !). Et ceci ne serait pas mon dernier mot...
1- Tandis qu'ici ...
Tandis qu'une fête bat son plein dans Villeurbanne de jour en jour liftée menue, transformée peu à peu en ville-poubelle architecturale, vastes chantiers, à en coincer son château de Merlin entre deux barres dont l'une est pleine de sparadraps jaunes banane troués par des hublots en guise de fenêtres, (je vous montrerai cela un de ces quatres). Une lourde matière pour BAUDOUIN de BODINAT et sa prose essentielle toujours et encore : "la vie sur terre".
"A quoi penser? Les vitres des immeubles en face s'incendient maintenant au soleil couchant. Bruits familiers du soir, cuisines allumées sous le ciel encore clair, tintements de tables mises ; la chanson plaintive d'une radio quelque part derrière les murs et l'odeur des jardins silencieux sans personne dans la pénombre qui monte; l'écho soudain de ma propre voix me disant. Ne la laisse pas monter sur l'appui de la fenêtre !"
Tours de poisse et dégoulinade aux univers nourris de miettes, dopées à toutes les panacées, Lexomyl, trichlorétylène, Kro de base... Pizza vit', rapid cheese, sandwiche pain de mie à la merguez. Le cours Emile Zola, s'engonce dans ses mille paradoxes, du vrai Zola caché dans son arrière boutique, guettant le camion d'un déménageur (breton ?) sur sa montre à gousset, jusqu'aux salons de coiffures high tech, opticiens 1000, 2000, par vingtaine confinés, ici, ailleurs, des fourmis aux doigts de fée découpent au mètre des rubans et au kilomètre, le textile... Plus près, à la fenêtre de la maison de Cadet Rousselle : (Cadet Rousselle a trois maisons, (bis), Qui n’ont ni poutres, ni chevrons, (bis) C’est pour loger les hirondelles...)". La crasse banlieue avale la ville, dévorant un peu plus encore cette vieille idée de rêve social, à en faire tourner, retourner mille fois Lazare G. dans sa tombe. Plus loin, là où c'est encore assez beau à regarder, "le répit de l'agriculteur" médite ces fadaises sous un ciel en forme d'abîme. A moins que ce ne soit que le dépit...
(A suivre ...)
Photo 1 : Des oiseaux préparant peut être un futur voyage d'hiver, à la fin de l'après-midi, vus au dessus des sculptures modernes ornant l'esplanade près de l'Opéra dans la chaleur moite d'un été qui ne finit pas et sous un ciel atone et bizarrement bas. Lyon. Septembre 2009.
Photo 2 : Le temps se couvre... Trop de nuages (pas celui que nous recherchons), et nul oiseau en ces hauteurs. Le ciel épais de Villeurbanne, un no man's land, entre Charpennes et République vu en Septembre 2009. © Frb.
22:55 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, Balades, Ciels, De visu, Impromptus, Le nouveau Monde, Mémoire collective | Lien permanent
Quelques heures avant la nuit. (Part II)
"En réalité, je n’ai aucun sens des choses qui brillent. C’est la raison pour laquelle je n’ai même pas de plumes noires et brillantes. Je suis gris comme cendre. Un choucas qui rêve de disparaître entre les pierres".
FRANZ KAFKA, Gustav Janouch, extr. "Conversations avec Kafka"
Si vous avez loupé le début, cliquez gentiment sur l'image
`2 - Dans la peau de Lara Fabian...
Tandis que la bière coule à flot sur le nouveau square barricadé d'algécos caca d'oie tagués d'insignifiantes laves sur lesquelles tombe le crachat de quelque adulescent ivrogne tirant à bout de force une princesse péroxydée aux sourcils bruns comme ceux de Sharon, chaussée de sandales plateformes à brides serties de faux diamants, comme jadis, ses idoles, les demoiselles du château de Dammarie lès Lys...
Tandis que glisse sous mes pas, ce magma d'enragés, un caïd bodybuildé fait la loi dans le quartier. Quatre ou cinq tamarins le suivent. Le caïd sème la terreur, par le prognathisme de sa grande gueule carrée, et sa façon de glavioter, avec juste ce qu'il faut de haine, vrillage d'une malédiction d'âne bâté, réduite à ses plus sommaires expressions : bruits et crachats. Quand il se sent trop seul sur terre, le caïd appelle ses potes et les potes rappliquent, fidèles comme des caniches et tous vêtus à l'identique, un peu comme Pascal Obispo. La clope au bec, serrée entre les dents, (à la manière du "patron"), ils arrachent à coups d'Adidas (le poète grec), les branches des rares plantes qui tentent (par le bas des portails) d'évader leur corolle. Plus haut, lacérant des grillages, dont certains en forme de coeur, une fille bourrée, lit à haute voix, les noms d'anciennes boîtes aux lettres jouxtant les murs toujours à vendre, depuis des lustres : usine à tulles, jersey, dentelles, imprimeries aux vitres brisées, qui seront bientôt loftées, ou transformées en centre de remise en forme, cabinet de coaching, boutique de téléphonie mobile avec une façade surmontée d'enseignes criardes ou fluos. La fille vitupére à sa guise haussant le ton par l'essayage de tous les timbres possibles, contre tout et n'importe quoi, contre "que dalle, pour foutre la merde"... Une envie de provocation. Un sabbat de semaine chômée. Les vocalises plaintives, mi-aguicheuses mi-dégueulade, annoncent déjà la nuit qui vient...
Elle paraît jeune. Hautement chaussée, née pour la scène, ses chaussures comme une paire d'estrades remuent les bris, shootent la limaille, en jeu de french cancan, les éclats de métal font une pluie d'argent sur sa blondeur platine. Sûre de sa rebellion, dans ce périmètre précis autour de la boîte Algéco, sur ces talons qui brisent l'échine, replient les genoux en dedans, et prêtent à la démarche un pur genre "croupe d'autruche", la femelle s'éclate. Elle résiste. La bibine au goulot. Elle chante Lara Fabian à tue-tête J'y crois encore on est vivant tant qu'on est fort". Consternation. Princesse née manutentionnaire du côté de Garce les Echarmeaux. Une vie précocement active, à vendre à mi temps des glins glins au kiosque à bijou de l'Hyper-Rion de nulle part, autre mi temps à déballer des cartons de kikis au bazar d'ici, un déstocké à cosmétiques, à l'angle de la rue Verlaine près de l'auto-école. Une vie future promise au RSA, de nombreux stages en entreprise. Des amours de boîte de nuit. Un soir, un coup de baise avec un caïd et de près ou de loin, ce fiancé absent, violent, jaloux. Mais qui surveille... Tout cela dissimulé par l'avantageux emballage. Au fil du temps cette beauté en vient à convulser. Vocifère aux entrailles d'un monde penché sur une coiffeuse, celle qu'elle pourra un jour s'acheter à force de travail : en placage de palissandre surmontée d'une psyché à col d'oiseau, un rêve étrange de petite fille au destin porté par Sissi, ne regarder la vie qu'à travers un miroir, devenir reine dans un palais. Quand elle sût que c'était impossible, elle choisît de "devenir star, comme Beyonce." ou comme Lara, passer à la télé.
Hurlement des douleurs ouvrant le coffre de la hyène à en briser menu le verre doublé des minuscules baies de l'immonde barre des "lauréades", un logement et d'autre noms encore pour ces nouveaux logis à nymphes jardinées parfois conçues pour les vieillards. A quelques rues de là, calfeutrée derrière des grilles blanches, ornées de plantes grimpantes, l'ancienne villa d'un couple de retraités : très prochainement "Les Hespérides"... Mais les vieux, ils ne veulent pas partir, ici c'est leur quartier. Et c'est ici qu'ils voudraient finir. Même si tout a changé, même s'ils n'osent plus sortir. Et revoilà le caïd déchiré secouant la grille. "Debout les morts !". Les vieilles personnes en tremblent. Un couvre-feu tacite s'est établi après 20H00. Toute les nuits, la musique sort de ces voitures, portes grandes ouvertes, au matin, le jardin est rempli d'immondices, canettes vides, sacs de chips éventrés, la poubelle renversée, et sur la porte du garage, deux mots en lettres marronnasses déclinent en plusieurs exemplaires un puissant manifeste : "j'encule".
Tandis que la bien aimée, dans la peau de Lara Fabian, le buste corseté en pose d'échassière n'en finit de chanter : "j'y crois encore, on est vivant tant qu'on est fort". Star d'un soir à Charpennnes, l'alcool humidifiant à moitié son petit haut. Longues guibolles titubant, valse gauche des franges fatiguées brodant une jupe mini en lycra rose tendre. Elle est Lara Fabian. Star de toute son âme, ce soir, elle vise la gloire. Et jusqu'à épuisement, en tournant sur elle-même, elle ose être Lara Fabian : "j'y crois encore", les mots viennent et s'éraillent. La volonté, c'est ça. Elle croit très fort. Elle y arrivera. Parce depuis longtemps elle sait qu'elle ne pourra pas rester dans ce trou là. Déjà adolescente une petite voix chuchotait tout au fond d'elle: "reste toi-même, et tente ta chance". Il y avait encore une chose à entreprendre, une seule, mais la plus importante. Devenir vraie.
A l'autre bout de la rue, les vocalises tapent sur les nerfs. Le caïd intervient "Ferme ta gueule ! connasse !". Le couple de retraités monte le volume de la télé. "Ils ne vont pas nous empêcher de regarder "Questions pour un champion" quand même !"...Les hostilités sont ouvertes. La rue est intenable.
"Fermer ma gueule ! plutôt crever !" harangue la princesse. Sur un coup de goulot, elle se lance, conseillée par la petite voix, elle tentera sa chance : "Vas te faire enculer connard, je t'emmerde ! t'entends ?". Tout se poursuit en râles, course folle, chocs d'objets ramassés par terre, cailloux, canettes, bout de ferrailles. la princesse se prend dans la gueule, quasi la moitié d'une poubelle. L'arcade sourcillière saigne. Les potes tambourinent sur la poubelle "Waouhhhhhh euarghhhhhhhhhhhhhh, l'autre il est trop ! putain, t'as vu ? waouheuahhh moooortêêêl !" ils tapent des pieds, shootent les canettes, "Allez cul sec, faut fêter ça !" une grosse bande de gorets, l'un d'eux débraguetté pisse sur la porte vitrée du salon de coiffure. Extase. La fille court en pleurant jusqu'à la bagnole (une R18 turbo customisée Lamborghini), le moteur est toujours en marche, "Skyrock" joue à fond les gamelles. Elle tire de la boîte à gant un rouleau de papier toilette se plonge le visage dedans, entre les mains des lambeaux de papier rouge sang. Des feuilles mortes roulent dans le caniveau.
Mademoiselle Francine Barbonnier, Quatre vingt ans de vie ici née rue Descartes, chuchote à demi cachée derrière son rideau de cuisine: "Mais c'est dont pas Dieu possible de voir ça !"...
Photo: Du côté de l'avenue Salengro (?), un ancien atelier de tulles etc... Mémoire anachronique dans un quartier défait, refait vite fait bien (?) fait. Vu à Villeurbanne en Septembre 2009 . © Frb.
19:40 Publié dans Art contemporain sauvage, De visu, Impromptus, Le nouveau Monde, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
mardi, 15 septembre 2009
Les folles nuits de la Tabareau
"Sur la place Tabareau, un bocage délicieux, se trouve un trône tout serti de pierres précieuses... Autour de lui fleurissent des arbres de toutes essences, dont les branches s'inclinent vers la terre sous le poids des corolles et dans lesquels chantent les oiseaux. Là des abeilles butinent le miel qui coule de ces arbres ; là le paon et la paonne dansent en faisant la roue..."
Petite Adaptation serponnelle d'après CHANDIDASA : "Les Amours de Radha et de Krichna". Editions Stock 1927.
Si vous avez loupé l'épisode précédent c'est ICI
LUI - Ô Rhada ! Douce paonne ! ma bien aimée ! Qu'attends tu pour franchir ce muret, et t' approcher de moi, n'entends tu pas mon chant d'Amour, quand soupire le croissant de lune ?
ELLE - Ô Krichna, mon krichna ! quelle folie que tout cela ! Ton feu m'attire, pourtant je ne puis franchir ce muret, j'ai presque peur en vérité.
LUI - Ô Rhada ! un baiser seulement, par delà ce muret, que nos coeurs s'unissent ! Laisse toi aimer, ma douce !
ELLE - Par tous les Dieux cachés dans ta prunelle fauve, ce mur qui nous sépare est si haut ! aide moi !
LUI - Et bien soit ! pour que vive cette nuit la puissance de notre Amour, j'escaladerai ce muret sur l'instant, que ne ferai-je pas pour te prendre dans mes bras et d'étreindre entièrement ? Ô ma Rhada ! et quand enfin réunis, le désir nous mettra aux anges... Je t'emmenerai là bas, au pied du platane majestueux de notre Tabareau, et je nous ferai une couche, pour t'honorer toute la nuit...
ELLE - Ô Krichna ! mon aimé ...
LUI - Chuut ! ne dis rien ...
Quelques minutes plus tard, au pied du platane majestueux de la Tabareau...
LUI - Là. Voilà... Ici, on sera très bien, ô ma Rhada !
ELLE - Euh... Tu es sûr, mon Krishna, que personne ne nous voit ?
LUI - Mais non, voyons ! quelle question ma Rhada ! je te le jure sur le brasier de ma prunelle. Fais moi confiance. Ne t'inquiète pas ...
(A suivre ...)
Que CHANDIDASA me pardonne, mais il y a le feu sur la Tabareau. Quant aux véritables "Amours de Rhada et de Krishna", cette légende venue du Bengale, (autre foyer, d'une toute autre ardeur), ce sera peut être le sujet d'un autre (certain) jour... Le Dieu Krichna, qui exprime la vie universelle est une des incarnations humaines de Vichnou (Vishnu, 4 bras seulement), source de l'intelligence, de la beauté et de l'Aroum. En lui sont rassemblées toutes les joies offertes aux Hommes. Comme nos feuilles pas tout à fait mortes, J'ose espérer que le choc des photos (et le poids des mots doux), vous en aura persuadés. Du moins ferons-nous un petit peu plus attention, quand à l'avenir nous marcherons près des feuilles (pas si mortes), de ne pas trop massacrer ce joli petit monde ... (Avec ces rouleaux compresseurs qui nous servent parfois de "souliers", ces ignares du microcosme, assassins à talons ou à lourd crêpe plat). Mais je m'égare...
Quant à Rhada, fille d'un roi. (La notre, fille d'un puissant brésar), était une princesse aveugle. Jusqu'au jour où krichna vint vers elle.
"Alors ses yeux s'ouvrirent. Elle le vit avant de voir le monde et l'aima parce qu'il représentait la Création, l'Infini..."
Photo : Dans les secrets de la Tabareau, quelques scènes de la vie nocturne. D'une première esquisse, (dérobée par une ombre intruse : photo 1), jusqu'aux chuchotements, de l'entremise à l'entreprise, ("on ne mégote pas avec l'Aroum" : photo 2), la nuit remue à la Croix-Rousse. Le vrai Grand Lyon et ses mystères, surpris (sans le faire exprès) dans la nuit du 14 au 15 septembre 2009. © Frb.
23:57 Publié dans Art contemporain sauvage, Balades, De visu, Impromptus, Mémoire collective, Parlez vous Charmillon ? | Lien permanent
lundi, 14 septembre 2009
Que votre ombre grandisse...
Comme un lundi place Tabareau.
En cette dérive enfin consentie, la légéreté tient du miracle. La lumière de Septembre pose à la fin de l'été les conditions de la couleur. L'anthracite roule sur la "tabareuse" des étoiles, aux iris châtaignes. Un semblant d' immobilité, offert à ces glaneuses, donne à lire une saison de vies. Les rousses arrivent. Un sillon d'or tracé entre la nuit et la journée. Sous la semelle, d'onctueuses rainures craquent des allumettes. Ici, un projet de brasier, là, quatre feux follets. Du bruissement léger sous le pas des bourreaux, à l'écrasant pied du bouliste portant ses lunes argentées, courtisées par un cochonnet ; nul ne songera un instant à s'immoler dans ces pépites. Il y aura pourtant une foule, penchée sur les sorcières, quelques bonnes fées aussi... Tous ces trésors échappés du fenier de l'Alceste, révèleront un tracé luisant comme la monnaie, ni sonnante ni trébuchante, mais légèrement ombrée quand le soir nous saisit. Si la lumière trébuche aux sillons de la rousse il ne faut pas douter que notre ombre grandira. Tout comme il est écrit (quelquepart, dans le ciel, probablement) que les éphélides hermaphrodites se reproduisent par milliers. Il est certain que d'ici quelques semaines, ou quelques jours à peine, elles recouvriront toute la terre.
Photo : Les premières rousses, posant place Tabareau dans un après-midi de fin d'été. Photographiées à Lyon, sur le plateau de la Croix-Rousse, Septembre 2009. © Frb.
23:12 Publié dans Art contemporain sauvage, Balades, Certains jours ..., De visu, Impromptus, Mémoire collective | Lien permanent
dimanche, 13 septembre 2009
Comme un dimanche
"A peine eût-il descendu dans la cave, qu'on le vit agité par des mouvements convulsifs"
FELIX VICQ D'AZYR, (1748-1794). "Le danger des sépultures", cité par PHILIPPE ARIES in "Essais sur l'histoire de la mort en Occident du Moyen-Age à nos jours". Editions Seuil 1975.
Avant-propos : Ce billet est une suite, (pas tout à fait chronologique) tout autant qu'une variation sur un même thème, si vous avez loupé le début, vous le trouverez sur le billet "Comme un dimanche" daté du 06/09/2009.
On sait maintenant que dans la seconde moitié du XVIIIem s. l'opinion s'est émue des "dangers des sépultures", c'est même le titre d'un essai paru en 1778, écrit par F. VICQ D'AZYR, médecin bien connu aujourd'hui des historiens. Un recueil de faits divers qui démontrent le pouvoir d'infestation contagieuse des cadavres et décrivent aussi ces foyers de gaz toxiques qui se formaient dans les tombes. Certains enterrements célèbres dans les annales de ces premiers hygiénistes tournèrent à l'hécatombe.
Ainsi un jour chaud du mois d'Août 1744, un portefaix s'effondra, ouvrant le caveau des pénitents blancs de Montpellier, à peine eût il descendu à la cave, qu'il fût pris d'un malaise brutal, le frère pénitent qui voulût lui porter secours échappa de justesse au danger. "A peine eût-il saisi l'habit de portefaix qu'il perdit la respiration". On le retira à demi-mort. Bientôt il reprit ses sens mais il lui resta une espèce de vertige et d'étourdissement, signes avant-coureurs des mouvements et des défaillances qui se manifestèrent un quart d'heure plus tard. "Ses troubles heureusement disparurent par le moyen d'une saignée et de quelques cordiaux, mais il fût longtemps pâle et défiguré et il porta depuis, dans toute la ville, le nom de ressucité". Deux autres pénitents tentèrent de sauver le malheureux portefaix qui était toujours au fond de la cave, inanimé. Le premier pénitent se sentant suffoquer eût le temps de faire signe qu'on le retirât. Le deuxième, plus robuste fût victime de sa force et de son audace : "Il mourût presque aussitôt qu'il fût descendu [...] chacun alors comprit, à quoi il s'exposait et personne ne désirât plus se risquer à une telle tentative malgré les exhortations les plus pressantes du clergé".
Source : Philippe ARIES "Essais sur l'histoire de la mort en Occident du Moyen-Age à nos jours".
Même lien, à props de Philippe ARIES : http://bruegel.pieter.free.fr/aries.htm
Photo : Est-il mort ou tente t-il doucement de revenir à la vie ? ce Christ couché à nos pieds et dépouillé de sa croix. Etrangement mis à terre, bras clouées à la pierre, poings rageusement serrés. A terre encore, se trouve, presque à l'endroit de la blessure, et glissant tout le long du corps, une mousse tellement improbable qu'on la croirait miraculeuse, (s'il nous venait encore la certitude de quelques miracles sur terre...). Le temps d'une seconde, l'illusion trouble un peu, et nous surprend encore en flagrant-délit de superstition... Cela comme la feuille noire gisant sur un bitume hanté par les vivants, tout aussi bâtés qu'insoucieux. Ces choses porteront simplement le doux nom de mystère. Je ne saurai rien vous dire de plus. Photographié au Cimetière de Bois Ste Marie, au milieu de l'été 2009. © Frb
19:26 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, Balades, Certains jours ..., De visu, Le vieux Monde, Mémoire collective | Lien permanent
samedi, 12 septembre 2009
Sauver le monde
"Plus on est informé, plus on est prêt pour la propagande"
JACQUES ELLUL cité par J.L. PORQUET : "Jacques ELLUL, l'homme qui avait presque tout prévu". Editions le Cherche-midi 2003.
Il est clair que "sauver le monde à notre niveau" comme on le lit ici et là, s'avérera insuffisant. Maintenant quasi tout le monde, chacun à sa façon, le sachant, fait assez semblant de l'ignorer. Ce qui ne change rien à notre problème. Je ne dis pas qu'on ne peut pas accomplir un petit quelquechose, à son niveau, chacun à sa façon... Encore faudrait il savoir exactement ce que signifie "son niveau", tout autant que "sa façon". (Bonjour PIRANDELLO !). Après on peut relire I.ILLICH (1926-2002) et son concept de contre productivité, de "convivialité" ou son ami J.ELLUL (1912-1994), qu' A.HUXLEY (1894-1963) ("On ne peut avoir une civilisation durable sans une bonne quantité de vices aimables"), nous fît mieux découvrir, avec quelques questions se posant face à l'évolution de "la technique", notamment. (Je résume grosso modo, il s'agit ici d'une rubrique "offre d'emploi", innovant le premier sommet utilitaire de Certains jours, et sans doute le dernier, pas d'un billet philo, que cela soit bien clair entre nous !) ELLUL (Jacques), était l'ami de CHARBONNEAU (Bernard), ne pas confondre avec Jean-Pierre, urbaniste consultant, (là on s'éloigne de notre sujet). Bernard CHARBONNEAU qu'on peut relire aussi, oeuvra avec J. ELLUL à réfléchir (entre autres) aux conséquences de la "mue" des populations de moins en moins rurales, dans notre société. A noter Qu'ELLUL écrivît des choses assez interessantes sur le phénomène de la "propagande" au sein de nos mêmes sociétés (cf. le maître livre "Propagandes" 1962), mettant en relief les propagandes dites sociologiques (par opposition aux plus perceptibles propagandes politiques), ELLUL, militant anarchiste, interessé par la démarche situationniste proposa même un jour, à notre Guy chéri, une collaboration, que le philosophe refusa pour la raison que le christianisme d'ELLUL était peu engageant. No future donc ! ILLICH, ELLUL, DEBORD et tous les autres, n'ayant pu s'accorder pour sauver le monde d'une même voix, son lecteur pourra peut être s'en remettre au "Grand soir", histoire de s'informer un peu d'une autre manière, on ne peut pas sauver le monde, en regardant l'ennui (bien que fort sobre) d'une blonde sur téfin défilant ses infos un peu comme on lit l'annuaire, ni en plaçant tout à fait notre confiance dans les infos de France 2, 3, etc... (de la télévision républicaine, of course), je n'insiste pas sur la critique, "Arrêt sur image" est bien plus compétent que moi. Pas plus qu'on ne pourra croire aujourd'hui, que les femmes parviendront à sauver le monde à elles toutes seules, ou par la force des balconnets. Même si l'idée est fort jolie. Pardon, Loulou, pour ceux qui aiment la belle poisie aroumeuse engagée, voire chantée, mais "la femme avenir de l'homme", d'une part ce n'est pas encore prouvé à 100%, (sinon juste biologiquement), d'autre part, c'est un peu lourd pour nos frêles épaules (je sais de quoi je parle, moi qui adore que ces messieurs m'ouvrent les portes, et aident à porter mes cabas). Aussi, il existe des dames, des vedettes, qui en ce moment enlèvent le haut dans "Elle" et le "Marie Rose" pour la bonne cause, (on est déjà loin de l'ingénue "Margot" qui de son plein gré, mais au delà du bien et du mal, exhibait un tétin discret, pour l'amour des chats du vieux Georges ou de quelques copains de la bande à Lucien). Autant GEORGES, ELLUL, CHARBONNEAU et les autres, (allez hop ! j'amalgame), nous les savons très investis, tout autant "ELLE", "Marie Claude", j'hésite à cautionner (heureusement, personne ne me le demande ;-), pour la bonne cause ! que ne ferait on pas ? Et puis si ce n'est que le haut, il n'y a pas à en faire un drame. Mais parfois, je me dis que je préfère une voiture qui enlève le haut pour rien. "C'est plus franc" comme dirait Lucien. Et les voitures c'est bien connu, "c'est comme les femmes", ça enlève le haut comme rien. Voilà ce calamiteux certains jours virant vers la rubrique "auto"... Que ne ferait on pas pour attirer du monde ? dans un but, toujours le même : la bonne cause. Ca y'est ? Ca commence à rentrer ? En radio, on appelle ça clairement le matraquage. Loin de moi, l'idée d'une polémique, si ce parti-pris (de vedettes enlevant le haut pour aider le dépistage) aide un peu, c'est tant mieux. Ce qui me gêne ce n'est pas tant l'effeuillage, mais ce showbiz, mêlé au monde de la médecine et de la maladie, ce titillement de la peur, grand classique unanime, trifouiller aux entrailles, de la crainte collective, sous prétexte d'informer. Comme si, encore pour ça, pour la bonne cause (dit-on), les protagonistes et les dames qui s'y prêtent (et ne sont pas mauvaises filles, au fond) désiraient nous faire oublier dans leur enthousiasme pétri d'intentions louables, qu'il s'agit encore de spectacle, enfin pas tout à fait l'oubli, "se servir du spectacle, pour aider une bonne cause", cela est entendu, assumé, clamé même ! les dames elles savent, "elles se servent" disent elles de "leur notoriété", mais il y a comme qui dirait un petit décalage entre le monde de la notoriété se déboutonnant pour la photo (même si c'est de la photo-réalité) et celui de cette inconnue qui a rendez-vous avec l'imagerie médicale pour de vrai. Je ne suis pas sûre que les deux exemples, se situent sur la même planète. Ce que ce cher Gilles ou un certain Jean-Luc, appeleraient (peut-être ?) "Les puissances du faux"(?). Ou de l'indistinction ici presque inquiétante, entre le document et la fiction. Et dans ce cas, je ne sais pas s'il faudra enlever le bas pour sauver ce principe de contradiction. Quoi qu'on en dise, tout semblera incorrect, avec ou sans notre façon au regard de l'autre principe, belle noble cause incontestable. Surtout, lorsque d'autres images toujours (pour la bonne cause, "mains propres et tête haute") affichent clairement l'obscénité y compris idéologique, aux arrêts de bus et de métro, voire aux sorties des écoles. Une vieille idée pestilentielle, qui semble remonter d'assez loin, à côté de laquelle ces courageuses filles qui dégrafent leurs corsages aux portes des pharmacies, paraissent bien innocentes (enfin presque) venues offrir encore une part d'humanité à peu près acceptable (quoique). Nous faisant oublier, quoi ? Quelques secondes, à peine, dans la dramaturgie, (une déclinaison de gestes, gestes simples, ceux de tout le monde, le doigt près de la boutonnière, par delà le spectre du cancer, de la chimio, et de la mort peut être ?) tout cet univers de la com', des concepteurs, rois de la tendance, autres viseurs, ô cibles que nous sommes ! et nous nous trouvons surpris d'entrevoir, les dessous moins avantageux, d'une pensée qui râcle les fonds, et réinvente le quotidien avec un balai de chiotte. On s'en étonne, "Ils ont osé mais oui !". Là, le "réflexe mains propres", parfaitement odieux, (il y en a quelques autres du genre, vous n'aurez pas trop de mal à les (re)trouver), pas vraiment du même grain, que nos vedettes déboutonnées, mais passant toujours par le même canal. Voilà un peu le hic. Tout ce qui entre fait ventre ? Et ils ont pour métier de nous intéresser, nous émouvoir, de nous prévenir pour tout dire, de nous mo-ti-ver quitte à nous effrayer ? Pourquoi pas ? Si c'est pour la bonne cause, hein ! allez ! comme le bon père qui dresse son fils au martinet, en lui disant "c'est pour ton bien !" ou comme personne, pour rien, sortes de choses à vide (en 2 ou 1 seul mot). on peut bien bousiller un petit peu les nerfs de nos masses, un petit peu plus, un petit peu moins... Déjà qu'ils sont bien laminés. On sait que les gens s'habituent à tout. Jusqu'à un certain point... La méthode de surcroît étant parfaitement indolore, (au moins, apparemment), pourquoi se priver ? Et puisque ces réalités là, vraies ou fausses, on nous les colle sur notre chemin, au fond quelle importance ? Nous on ne croisera toujours que des images mais tellement reversées, renversées sur nos corps, qu'elles en deviennent la réalité. Nous voilà faits comme des rats ? la critique étant impuissante, elle se débat dans tous ces flux, sitôt parus et sitôt disparus, et voilà qu'on assiste à cette noyade, le mot est beau "déliquescence", en jetant de nostalgiques oeillades, à l'Ami Ricoré (dont je croyais pourtant à une époque qu'on ne pourrait pas vraiment faire pire) et aux redoutables enzymes gloutons, fin des années 60's, qui terrorisèrent tellement les français, dit-on, qu'on dût retirer la lessive, les enzymes étant représentés par des petites tête méchantes (ancêtre, sans doute, du mythique Pacman) avec une grande bouche pleine de dents, on frôla presque la psychose, tant les français eurent peur que les enzymes dévoreurs de saleté, engloutissent aussi leur chemises, pantalons et autres gentilles lingeries. En roue libre, l'imaginaire ! Nous nous arrêterons deux secondes afin de poser bien à plat les problèmes, (là haut sur la colline, sous un vieux saule pleureur, nous contemplerons le panorama); avant de retrousser nos manches, pour l'affaire qui nous interesse: sauver le monde. Pressons ! avant que tous ces gens ne donnent à leurs enfants les (pré)noms des voitures de la maison Renault... Là encore, je n'invente rien. Une publicité dégueulasse, a hanté les villes, attaquant cette rentrée par une toute autre maladie, l'affiche se glisse maintenant partout, (partout où je vais, elle s'y trouve). En attendant que je vous ramène quelques images, (ou pas), vous pouvez lire Boudou. Colère à vif.
Plusieurs centaines de milliers d'années pour inventer la roue, et quelques décennies pour en arriver là, le vertige, à très grande vitesse: l'invention de la brouette, du char à cerf-volant, du grand bi, puis de la Citroën, artiste, la C4,"Grand Picasso" jusqu'à la navette spatiale et ses autres produits dérivés. Je ne parlerai pas de Ron Hubbard "Je ferai de vous des esclaves heureux" (tout un programme ! mais il nous reste un peu de marge, n'est ce pas ?) je ne soufflerai pas un mot à propos de la future ambassade de Raël et je n'entrerai pas dans le détail d'autres héros plus rigolos, à défaut d'un monde complètement sauvé il y aura des élus sous condition bien sûr... (Envoyez vos dons ! qui ne tentera rien, n'aura rien.)
Nota : Pour notre offre d'emploi, il s'agira avant tout de travailler plus, sans être payé du tout (ah ah ! Certains jours devient visionnaire ;-) "le futur vient te chercher chez toi, sans que tu aies à bouger de ton fauteuil, tente ta chance, ô lecteur !", pas d'hésitation, la cause est archi-noble. Messieurs, prenez vos plus belles plumes, vos boucliers, vos arbalètes, n'oubliez pas la petite photo, j'attends de pied ferme, votre CV.
Photo : Une affiche étonnante, détournement vu rue de Sève ! ça ne s'invente pas, (c'est à croire qu'ils le font exprès). La rue de Sève se situe presque en haut du plateau de la Croix-Rousse. Il s'y trouve, hors de l'apocalypse, (loin des fluides anti-peste et des bébés-turbos), quelques fenêtres fleuries comme en voit peu dans nos villes. Un lueur d'espoir ? Qui sait ? A suivre peut être un certain jour... Lyon, fin de l'été 2009. © Frb
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La meilleure façon de marcher
"Marcher dans la foule signifie ne jamais aller plus vite que les autres, ne jamais traîner la jambe, ne jamais rien faire qui risque de déranger l'allure du flot humain."
PAUL AUSTER : "Moon Palace"."Le livre de poche", 1995.
Pour l'habitant des villes la meilleure façon de marcher est encore de mettre un pied devant l'autre, et de recommencer, Confondu dans le flux, il se laissera glisser, rongera son frein, s'empêchera de penser, même si parfois sur quelque ralenti de maudites carcasses empêtrées, lui viendrait presque une envie de tuer. Qu'on accorde ce droit aux marcheurs quotidiens des villes ordinaires, et il ne faudrait pas attendre trop pour voir venir le temps des assassins. Mais il a existé aussi des marcheurs très bizarres, qui, par un mouvement de parade culottée ou autre puissant contresens, donnant, presque sans le faire exprès, un coup de pied dans la fourmillière, accélereraient un brin, le dé-consentement général, et par là même, perturbant l'assurance (générale également), déplieraient tous nos membres, exploseraient le sens de la marche, de la vitesse aussi, puis dissémineraient les osselets jusque dans les étoiles. Ainsi, on aurait on déjà oublié, ces nombreux dissidents du pied et les givrés de l'arpentage ? De merveilleux fous marchant, en réalité. L'espagnol Zlilio DIAZ, un baladeur à sphère, nostalgique, enfantin, marcha en poussant pendant 18 jours, un cerceau, qui l'aida à couvrir 965 km. Il y eût aussi les marcheurs sur les mains (un grand classique !), les marcheurs à cloche-pieds, et surtout les marcheurs à reculons, (très bon pour la santé). Le texan Plennie L. WINGO en 1931, partit à reculons pour aller du Texas à ... Istanbul, (océan non compris, évidemment !). Il eût un disciple en 1980, qui entreprît de réunir New-York-Los Angelès, à pied, en marche arrière, et s'aida de lunettes à rétroviseur afin de réussir l'exploit. Mais il existe encore d'autres marcheurs plus farfelus. En Novembre 1889, trois autrichiens arrivèrent à pied à paris. Ils avaient franchi la distance Vienne-Paris, en poussant une brouette dans laquelle, chacun à tour de rôle avait le droit de s'asseoir. La durée du voyage durant exactement 30 jours. Le 17 Avril 1891, un habitant de Luynes, se mit au défi, de se rendre de Tours à Paris sur ses béquilles en moins de 8 jours. Peu fervent de ce genre d'appareils, c'était un vélocipédiste convaincu, qui s'était lors d'une chute, fracturé la jambe droite, et ne tenant plus en place, cherchait à occuper du mieux possible ses loisirs forcés (Que nos lecteurs à béquilles en prennent de la graine !). En décembre 1891, un marchand des quatre saisons d'Aubervilliers (L. WEX), entreprit de faire le trajet Paris-Liège (et retour), en 9 jours, tout en tirant la voiture servant à son commerce, laquelle pesait la bagatelle de 200kg. Le Pari fût là encore, réussi. Enfin toujours pour cette année épatante, de l'an 1891, qui vit (sait-on pourquoi ?), tant de déplacements extraordinaires, un habitant de Nîmes, se rendît à Paris dans une voiture tirée par un chien danois. Le 17 mars il avait été doublé par un Marseillais, qui relia sa ville natale, à Paris, dans une voiture tirée par quatre gazelles, rapportées d'Afrique. Voilà de quoi fourbir des idées à notre lecteur si un jour il s'ennuie (à mourir) en marchant. Personnellement, je préconiserai volontiers le retour de la charrette à bras, dans nos villes, ou de l'élégante chaise à porteurs, tirées par un quelques echnidés à bec droit, ou par un tranquille Helix Pomatia... Une idée entre mille pour sauver de manière amusante, si ce n'est la planète, un petit peu de son grain extra.
Pour les sceptiques, les chatouilleux du pied, il nous reste Rosalie Dubois déterrant un chant de guerre plus que jamais d'utilité publique. Un hymne véritable, qui s'appelle "Marche ou crève", même si l'époque a délogé ses derniers footeurs de pavés et autres agités à brouettes il ne s'agit plus tout à fait de rouler gentiment son cerceau près de la marcheuse, qui chante pour se donner du coeur. A ouïr, je vous préviens c'est un peu, délicat. Ce qui inspirera peut être à nos plus téméraires ou aux rares touchés par le signe sacré de grand maître Nagra, d'essayer de bien faire marcher ses oreilles. Ou de marcher avec les oreilles, en voilà une idée, pourquoi pas ?
Si la foule vous fatigue, il n'est pas encore interdit de dériver avec G. Debord : ICI
Source : Guy Bechtel et J.C. Carrière : "Le livre des Bizarres" Editions R.Laffont 1991.
Photo : L'immobile à valise, perdu au coeur du flux. Surpris en arrêt, près de l'opéra, comme un personnage de l'oncle Jacques, submergé par le sens de la vitesse. Sorte de monsieur Personne, déguisé en monsieur Tout-le-monde, (comme quoi l'habit ne fait pas toujours le moine), le seul que je vis ce jour là, courageux, impassible, unique au monde, piqué de longues minutes, planté là au milieu de tous, et il fallait oser : SANS RIEN FAIRE. Hommage à ce héros, dernier homme parmi les Hommes,. Une occasion rêvée, de filaturer la valise, belle comme un sou neuf et qui posa pour moi, rutilante, ( à l'insu de son papa ;-) A se demander si ce n'était pas cette valise qui mettait l'homme dans cet état. J'aimerais croire que non. Lyon, quartier Terreaux-Opéra, vu le 12 Septembre 2009. © Frb.
20:54 Publié dans Art contemporain sauvage, Balades, De visu, Le monde en marche, Le nouveau Monde, Mémoire collective, Transports | Lien permanent
vendredi, 11 septembre 2009
Le dernier bal d'une fin d'été
"WILLY RONIS a le sens de l'honneur, oh, pas comme un officier de cavalerie, attendez un peu. Il a déclaré un jour :"Ma perception de l'organisation de l'espace est guidé par le canevas musical des maîtres de la musique que je vénère et qui sont mes anges gardiens". On ne peut mieux parler de l'harmonie. Celui qui est capable d'une telle déclaration ne peut être étroitement matérialiste. Et puis les anges prennent parfois l'aimable aspect de nus féminins. Là, cher WILLY, tu te découvres, en nous offrant tes images pudiques qui sont autant de câlineries visuelles. Ne proteste pas. Souviens toi New York, avec Barbara et Kathy. Nous étions trois au fond du taxi. Toi, tu étais assis à côté de la chauffeuse noire. A peine avions nous traversé deux rues que nous t'avons entendu dire "Vous avez une voix magnifique". Nous venions de découvrir ton système de recrutement des modèles. Le trajet était trop court, mais elle l'avait échappé belle, cette innocente !"
ROBERT DOISNEAU, extr. "A l'imparfait de l'objectif", (Souvenirs et portraits). Editions Actes Sud 1995.
Pour savoir où le vent portera la feuille, cliquer sur cette image:
Les premiers pas foulés sur la colline en ce 11 septembre 2009, ne m'amenèrent pas, comme c'était prévisible sur un tapis de roux, mais à cette chose qui ne se voit presque jamais, à la fin de l'été, une feuille morte complètement noire que je vis tournoyer puis tomber à mes pieds. L'occasion d'essayer un nouvel appareil Pentax et ses nombreux mégapixels ? Pas vraiment. Pour la première mise en boîte, cette fois, j'hésitais. Une feuille noire, je n'aime pas ça. En cette date déjà étrange, croiser une feuille noire en chemin, ce n'est pas du meilleur présage. Non pas que j'attache une importance démesurée aux présages, mais je préfère les feuilles blanches, jaunies, roussies, même les feuilles sèches un peu rongées. Cette feuille me fît un drôle d'effet. Je passais mon chemin. Cherchant ça et là, quelquechose à photographier. Je ne trouvais rien. J'allais à quelque rendez vous du côté de St Nizier. J'oubliais. Sur le chemin du retour, malgré ce vent rembobinant les plus chauds après midis d'Août, je retrouvais devant ma porte, sur la chaussée, la feuille noire. Elle n'avait pas bougé d'un millimètre. Comme scellée au gris de la rue, elle inquiétait l'espace de son augure imperturbable. Je dûs me figurer qu'elle attendait peut-être, un oeil pour "l'immortaliser", dernier acte à tenter : fixer d'elle une trace pour qu'elle disparaisse à jamais. Je ne me risquerais pas, au delà d'un fait si étrange, à faire de l'anthropomorphisme à propos de tout ce qui se trouve caché dans l'esprit d'une feuille morte, surtout si elle est noire, ni à m'émouvoir quant aux signes, (du hasard ? ou pas du hasard ?), ceux-ci m'ayant parfois joué des tours tout aussi troublants que minables, je me refuse de prêter trop naïvement crédit au jeu systèmatique de cette foutue (dite) "poésie du quotidien" qui pose quelquefois du symbole sur chaque détail, asservit son promeneur aux oracles, qui une fois révélés, engloutissent tout dans une tache d'huile. Ainsi, je dissèque les signes, les désenchante, s'il le faut, avant de céder aux messages, si rarement, défiant les présages imbéciles que mon imagination tisserait. Je me méfie, autant que je peux. Mais cette feuille noire, tout de même ! à contre-coeur, je sortais mon Pentax, un boîtier noir (l'autre était argenté), et j'avalais du noir sur noir couché sur du presque anthracite étoilé ou piqueté. L'augure d'une triste journée une fois en boîte. Je laisserais décanter dans quelque purgatoire et livrerais aux lendemains radieux, le soin de balayer tout ça.
Je rentrais donc chez moi avec deux projets terre à terre (si j'ose dire) : d'abord écouter le répondeur, puis ensuite, la radio (11 Septembre obligeait)... Sur le répondeur un message, une très mauvaise nouvelle, A.G. qui tout l'été 2008, m'avait gentiment proposé de poursuivre ce blog à la campagne, en m'offrant l'hospitalité, son bureau, son ordinateur, en me prêtant ses livres, A.G. que j'avais revu cet été, plein de projets, qui ne montrait aucune inquiétude quant à la prochaine opération qu'il devait subir le 10 septembre 2009, A.G. qui m'avait longuement parlé cet été autour du meilleur Porto, de ce qu'il ferait après : mettre à jour les mémoires tirées d'un manuscrit retrouvé d'un soldat de la guerre de 39-40, il ne restait que quelques pages pour que cela, peut être se transforme en un livre, fabriquer des meubles de ses mains, les offrir aux copains, A.G. chaleureux et fidèle, au plus près de l'humain, un ami, gentil, protecteur. Un vrai. "Du premier cercle", depuis longtemps. A.G. venait de se faire ouvrir le coeur. Il ne s'était pas réveillé.
Ayant peine à réaliser, je poussais du pied le répondeur et cherchais quelquechose pour ne pas trop penser. France Info, c'est parfait, et que toutes ces paroles mettent un peu de diversité au "faire part" que j'avais vu choir, un instant, sur un gris piqueté beaucoup plus qu'étoilé. La boite noire remontée aux étages, une feuille noire enfouie taraudait de sa planque, posée là, sur le marbre d'une vieille cheminée qui me sert aussi d'étagère. A la radio, on parlait de quelqu'un. Enfin c'était un homme qui témoignait, il parlait de son ami, d'un fils d'immigrés juifs, des rues peuplées, des toits de Bastille, du Vaucluse et de l'Isle sur la Sorgue... Un homme qui ne pouvait plus courir les rues, ni battre le pavé en quête d'images à attraper, mais qui continuait même sur une chaise roulante à raconter, et à transmettre ses idées, son amour à vif de l'humain et sa passion pour la photographie. Le témoignage se terminait sur la description d'une photo de bal, une de mes préférées et la journaliste rappela les titres dont le principal : "WILLY RONIS est mort".
WILLY RONIS est au plus loin, je ne l'ai jamais rencontré évidemment, mais au plus près de tout ce qui est le plus fin à saisir des personnes. Juste ce qu'il faut pour entrer dans la vie d'une photo, puis regarder tout autrement la vie tout court. Jamais ne se trouve chez WILLY RONIS, le moindre déséquilibre, la moindre malveillance, fond et forme, tout en harmonie. Il est pourtant facile avec un appareil photo de croquer les êtres et de les réduire. "Vous ne trouverez pas une seule photo méchante, je n'ai jamais voulu donner des gens une image ridicule" expliquait W.R au Monde en 2005. Bref, avec WILLY, on respirait. L'artiste était aussi un homme pudique, sachant comment l'impudeur, même par accident, en photographie, est aisée. Dans le plus populaire de ce qu'il nous croqua, y compris de la pauvreté, des quartiers tristes, du misérable, se trouve, toujours en note de fond, cette part d'élégance, une signature sur chaque photo. Pas étonnant, que R. DOISNEAU évoque, (insiste même), sur cet interêt porté au son. WILLY RONIS voulait être musicien, il apprit le violon, l'harmonie puis devint Photographe, mieux que cela, photographe à l'écoute de ce qu'il regardait. Ne dit-on pas de la musique qu'elle possède une couleur ? Et puis, fulgurants, tous ces noirs, ces blancs, cette composition. "Le bon moment des choses". L'engagement aussi. Et quelques compromis sans jamais de compromissions. Ce coeur à gauche qui ne céda jamais, irréductible intégrité au prix d'une vie plus difficile, un certain prix. Un leg, pour nous, inestimable.
W.R. n'aimait pas les rues vides. Mon ami A.G, lui, n'aimait pas les maisons vides. L'un était connu, l'autre pas, mais tous deux se ressemblaient un peu, au fond. Incapables de méchanceté, empathiques par nature, non par devoir. Hommes sans grimaces, créant toujours. Avec cette autre qualité venant aux intelligences rares : une certaine simplicité. Des bienveillants, que Septembre (mois le plus tendre ?) troquera encore contre une feuille noire, poussée un peu plus loin emportant des secrets au plus près, pas si loin, qui se cueilleront peut-être un jour, à mille lieues du gloomy friday...
Liens utiles : WILLY RONIS, biographie et parcours : http://fr.wikipedia.org/wiki/Willy_Ronis
Photographies : http://monsieurphoto.free.fr/index.php?menu=1&Id=3&am...
Entretien illustré ("les nus secrets") : http://bibliobs.nouvelobs.com/20090912/9338/revoir-les-nu...
Amour, enfance, révolte. (W.R. vu par ...) : http://solko.hautetfort.com/archive/2009/09/12/mort-de-wi...
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mercredi, 09 septembre 2009
Lucien du plateau
Comme un mercredi
Le "typique" Croix-Roussien du mercredi semble toujours en vacances. Mais je n'aime pas le mot "typique", ni le mot "atypique" d'ailleurs, (nous reviendrons sur le sujet peut être un jour)... Le Croix-Roussien "né "ou de forte adoption, connaît chaque comptoir comme sa poche, chaque banc du boulevard, ayant usé jadis ses fonds de culotte, en se laissant descendre comme j'te pousse, sur les rampes d'escaliers de la cultissime Pouteau. Allant toujours à pieds, parfois à bicyclette, et abonné au 6 pour le principe. Plus tard, toujours en bras de chemise, jeune homme un petit peu raboulaud, bourru juste ce qu'il faut, rigolard (comme sa boule), un brin coquin, pudique assez, (comme tout lyonnais qui se respecte dit-on), on le retrouve, avec les copains, bras croisés au milieu de la Jacquard et refaisant le monde. Toujours prêt à retarder la fermeture du Jutard ou de la Soierie avec la politique, "Les politiques, tous des guignols !", des séries d'histoires savoureuses (avec ou sans calembours), ou des souvenirs du temps des marrons de la vogue, tandis que la femme du Gaby lui rechanterait "emmène moi danser ce soir", encore mieux que la vraie, un sacré coffre pour une si petite bonne femme. Le Croix-Roussien à l'ancienne, est villageois, bouliste (ça !), il attend la saison de la vogue même s'il trouve que les gaufres ont pas le même goût qu'avant, même s'il déplore. Oui il déplore des tas de choses. Mais à quoi bon ? Il finira sa phrase par : "qu'est ce t'en dis ?", "que veux tu !". Le Croix-Roussien du mercredi il est déboussolé depuis que la boulangerie de la rue d'Austerlitz a changé de propriétaire, il y a bien des années, mais Lucien ne s'habitue pas. Il aimait tellement la serveuse, la fille aînée du boulanger. Sa petite folie... (Mais rassurez vous, les amis, je ne vous referai pas le coup de la Pomponnette ni de la femme du boulanger version "quenelles" à la sauce mère Brazier, non, pas encore.)... Donc, la serveuse elle lui disait en sortant comme toujours les deux pains d'un kilo, et de quoi mettre sur la balance au moins deux cent grammes de chouquettes au sucre : "Alors,msieur Lucien ! ça sera comme d'habitude ?" Il souriait exprès parce qu'elle lui rendait toujours le sourire en même temps que la monnaie. Et quand elle lui souriait à lui, Lucien rajeunissait de vingt ans, et après, sur le chemin du retour, il se sentait comme Jean Gabin (evidemment, dans "Quai des brumes"). Desfois, il se faisait beau exprès, pour le plaisir de plaire, la chemise bleue azur, assortie à ses yeux, il ajoutait alors, une petite touche de senbon, celui pour les grandes occasions, le sien, "brut de Fabergé" et mouillait bien son peigne pour faire un effet gominé comme Jean Gabin encore mais dans "Le cave se rebiffe", ça lui faisait des effets de stries et un cran formidable dans les cheveux, il aimait bien. Alors il marchait tout doucement, savourant au printemps les glycines abondantes glissant aux portes des jardins ou l'automne, accueillant, débonnaire, la rousse voltigeuse posée comme un gros papillon sur sa chemise bleue. Et il allait s'en jeter un, à l'angle, Denfert-Rochereau-Gorjus, pour se donner du courage, il croisait les copains en train de taper les cartes chacun avec sa fillette de Saint Jo. Les copains lui disaient "Dis dont Lucien t'es drôlement beau, tu vas à la noce ?" ou d'autres plus familiers, lui balançaient, hilares, une grande claque sur l'épaule avec leurs grosses mains larges comme des palettes, "Mais regardez moi ça, le Lucien qui s'est mis sur son 31, alors Lucien ? C'est le grand jour ?", Lucien riait à pleine dents et ajoutait mi-heureux mi-penaud :"taisez vous dont, bande de couillons". Un jour, par la faute au "Rasteau-prestige", il avait parlé de la serveuse, à tous les bougres du bistro. Oh trois fois rien. Deux petites coquineries, juste une fanfaronnade, mais correcte, pas de quoi faire des ragots. Il s'était vanté de faire tomber la monnaie exprès à la boulangerie d'Austerlitz, et d'avoir mal au dos exprès, juste pour voir la vendeuse venir de son côté et se baisser exprès. Là il avait encore dindonné, avec une voix grave, roulant ses yeux comme le pompon d'un "manège à lui" bleu, du privilège d'avoir pu contempler les cuisses de la fille de la boulangerie d'Austerlitz, "les plus belles de toute la région". Il avait détaillé un peu le bout de culotte une fraction de seconde aperçue, "une culotte toute en dentelle, ah cré vindieu, les gars !"... Alors, les jours suivants à la boulangerie d'Austerlitz, il y avait eu un drôle de défilé. Les gonsses de la bande du bistro, un à un ou par deux, étaient tous allés chercher le pain là bas, en plus très croustillant, le pain, et la serveuse bien davantage, tous un par un ou deux par deux, avaient fait tomber leur monnaie, à qui mieux mieux, l'un feignant une luxure de la hanche l'autre tirant la patte comme un grand blessé de guerre et la serveuse, jolie comme un coeur, serviable, à souhait, vingt ans à peine très charitable, fit alors quelque gymnastique en toute ingénuité, pour ramasser les pièces de ces messieurs, tandis que les gognands filous, fiers comme la Baraban, se rinçaient l'oeil abondamment. Mais quand la chose tourna en habitude, Lucien mit de l'ordre dans tout ça. Et comment ! La serveuse, on n'y toucherait pas ! Le poing avait pété bien fort au milieu de la table. La voix avait tonné. Et quand Lucien tonnait cela faisait bien plus d'autorité que les sermons réprobateurs du père Panier à Saint Bruno. Lucien savait comment se faire craindre. Il était droit. Il aimait l'ordre. Et c'est pour ça. Parce que très droit, qu'ici on respectait Lucien.
Au fond Lucien, il regrettait. Il aurait bien aimé être comme Jean Gabin (mais dans "Touchez pas grisbi". "ah ça oui !")... Comme Jean Gabin quand il enlace la secrétaire. C'était comme ça qu'il voulait faire avec la petite serveuse de la boulangerie d'Austerlitz. Mais Lucien avait des principes. La probité toujours. Le dimanche, il jouait aux boules avec le père de la gamine. Il s'était dit : "ma foi ! ça serait quand même dommage de trahir un copain, de salir la Croix-Rousse pour une tocade sous un napperon de dentelle". Il continua à courir au pain et sans rien faire, ni laisser paraître son béguin, il goûta gentiment à ses deux minutes de bonheur, un salut quotidien. Desfois le moral ça tient à rien, à presque rien. Puisque Lucien, même en costume, n'était pas Jean Gabin. Il avait pour lui ses yeux bleus à glisser doucement dans les yeux gris, à reflets mauves de sa serveuse. Deux superbes minutes par jour, ce "presque rien" tenant le fil des autres jours...
Le temps passa. Un jour, le boulanger de la rue d'Austerlitz, mit une affichette en vitrine : "changement de propriétaire". Et pour Lucien, ce fût l'apocalypse. Un autre boulanger s'installa, avec une autre serveuse. Le pain était moins croustillant, la serveuse quoique pas vilaine, n'éveillait pas le quart de l'ardeur que Lucien ressentait pour l'ancienne. Mais vint une toute autre blessure : chaque jour, au lieu du doux de la précédente serveuse "Alors msieur Lucien ? ça sera comme d'habitude ?" la nouvelle lui demandait sèchement : "Et le petit monsieur qu'est ce qu'il veut ?". "Petit monsieur !" jour après jour, de quoi détruire un homme. Et cette façon de s'adresser aux gens à la troisième personne du singulier ! "non mais vraiment !". Alors il répétait mollement : "deux pains d'1 kilo, et deux cent grammes de chouquettes"... Le fait de répéter mollement, jour après jour, lui fît sentir le poids du temps, tous ces kilos de pains mangés, que de chouquettes en une vie ! toutes ces années déroulées, sans souci, en croustillant. Et la nouvelle serveuse revenait au pas de charge, cassant encore la rêverie du vieil homme qui n'en pouvait plus de souffrir pareillement. "C'est pour manger tout de suite ou il veut un petit sac ?". Lucien toisait la nouvelle serveuse, blanc comme un mort : "Manger tout de suite deux pains d'un kilo ! Lucien, il veut pas qu'on l'emmerde, un point c'est tout". Lucien rongeait son frein, poussait son coup de gueule dans sa tête puis muet, il prenait la porte, la mâchoire rentrée presque dans les épaules, homme lapidé, réduit déjà par l'ordinaire ritournelle, chantée sans coeur, sans la moindre considération ni pour le pain, ni pour les gens. Lucien sortait digne pourtant, déchiré en dedans et chaque jour lâchant un austère :"à demain mademoiselle", rêvait d'une vengeance prochaine. La réponse du berger à la bergère serait terrible. Un jour viendrait. "Qui sème le vent, récolte la tempête, ils verraient bien"...
A partir de la date du changement de propriétaire, Lucien porta sur son dos, tout le poids de la colline. Mais sa peine s'étendait bien au delà. Aujourd'hui Lucien n'allait pas. Il n'allait pas parce que plus rien n'allait dans ce foutu quartier. Comme si des bouts manquaient, et qu'à la place, toutes ces nouveautés, agrémentaient d'une béance, le désert qui avançait. La révolte s'esquissait mentalement ou sur des coins de nappe. Il n'aimait pas les nouveaux réverbères de l'esplanade du caillou. Cette esplanade, ces réverbères "c'est du n'importe quoi !". Il n'aimait pas la nouvelle boulangerie, une autre encore, qui venait d'être rénovée pas très loin du métro. Pourtant irréprochable. avec des serveuses très aimables, mais on entrait et on se gelait dans l'air conditionné, déjà, une façade de laboratoire d'analyse médicale, c'est triste, mais une boulangerie chirurgicale, qu'en penser ? Lucien disait "Bientôt ils s'habilleront tous en cosmonautes pour nous servir du pain". Il n'aimait pas non plus les nouvelles chaises du café de la soierie, de ces chaises qu'on voit dans les catalogues norvégiens, avec des couleurs de cafards, cette mode de repeindre les murs, le mobilier en marron chocolat."Vert pistache et marron chocolat après "saumon" manquait plus que ça ! Elle est triste la jeunesse !". Il n'aimait pas les guirlandes de Noël toute l'année, à la terrasse du Chantecler. Comme si la vie entière était une veillée de noël "on nous prend pour des... On n'est pas des...". Il n'aimait pas ces landaus à deux, voire trois places ralentissant le pas sur le marché, une recrudescence de jumeaux, de triplés, "Il doit y avoir des trucs dans l'air, des OGM, des hormones, ché pas quoi !" et Lucien marmonnait sa guerre contre la vie de maintenant tout en marchant. Marcher c'était son vaccin contre la rage. Un remède pour ne pas imploser. Il coléra encore dans sa tête, à propos des barottes à deux, quatre, même six roues ! les nouvelles, en plastique transparent ou style sport, toute cette laideur pratique remplaçant l'émouvant panier en osier, des charmés de conille, l'épatante filoche souvent effilochée. Et puis il alla à son bistro de l'angle Denfert Rochereau-Gorjus, il ne le trouva plus. C'était devenu un restau très joli, excellent, oui, sûrement, avec un chouette nom bien de Paris, "les enfants du Paradis" ça s'appellait. Mais, là non plus, une fois encore, ce n'était pas un coin pour lui. Là, ne se trouvaient plus ni son enfance, ni ce qu'il cherchait du paradis. Au menu, pourtant papillants ces "délices de noix de St Jacques saupoudrés au curry sur le nid de fraîche coriandre ". Cette fois, c'était fini. C'est pas là qu'il serait le roi, du graton, du tango, des fanfaronnades. Ici pourtant, il y a peu, il avait battu le Roger au 421, siroté le kir à la framboise, dansé avec la grosse Simone sur un air de Léo Marjane. Il resta longtemps devant l'enseigne, son ancienne deuxième maison dont il oubliait déjà l'ancien nom. "Les enfants du paradis rue Denfert... Fallait oser quand même", pensa Lucien. "Y'a encore des jeunes qui ont de l'humour sur cette terre"... Puis il visa, un autre paradis sur terre, cette chose à lui, les lampions de la "Gargagnole", Ozanam, plus haut que les cieux, mais peut être, avant, il irait goûter le Mâcon blanc, à "La crêche", ou une autre petite folie : un flan phénoménal, une meringue géante à la boulangerie pas bégueule sur le boulevard, près de l'antiquaire. Gargagnole pour la bonne bouche. Il rêva très longtemps, à sa petite boulangère perdue, dont l'image s'effaçait à mesure que ses lèvres radotaient des prénoms de copains, de vieilles maîtresses, de rues, numéros du loto, tiercé gagnant, tout dans le désordre. Les souvenirs allaient, venaient de la dentellière chouquettée d'Austerlitz, au damassé soyeux à trabouler tout en flottant. Et cela s'esquivait doucement au passage des 4X4, entre les bruits furieux de klaxon d'un commercial embrigadé dans une auto (la fameuse citroën CX break), et des fulgurantes mobylettes de Pizza vit' (24H/24/ 7J/7). Il pensa aux cochers, aux diligences, à la statue de l'auguste Jacquard, aux jambes de la Guiguite réinventant tout en même temps les folies bergères du Grand Lyon et les grandes heures du tango de la Scala de Vaise. La Guiguite saôule à rouler par terre, fêtant toute la nuit, la pluie sur Tabareau, juste à cet emplacement précis où il y a maintenant la vespasienne et deux monumentales poubelles sphériques, qu'on a scellé ici pour sauver la planète. Il pensa à la femme du Gaby quand elle chantait Georgette Lemaire, "le coeur désaccordé" au café du marché. Aux bugnes toutes molles qu'on vendrait ce printemps dans des barquettes à Monoprix. Il passa rue Villeneuve, où un groupe sympatoche de jeunôts à casquettes rejouaient Caussimon façon rock à l'accordéon. Il regarda le pli parfait de son pantalon, ce tergal amidon tombant sur la basket, des pieds très étrangers aux siens, qui pourtant le trimballaient partout. "C'est des trotters" avait dit la marchande de la "halle de la chaussure", "des trotters à 35 euros !", il n'avait pas osé dire non. Et tandis qu'un solo de guitare wha wha, débridait Caussimon, il regretta le croustillant de ses chouquettes qu'il mangeait à moitié sur l'étoffe, à moitié sur un bout de banc, son Austerlitz perdu. Il regretta ses mocassins cirés qui croustillaient naguère sur les pavés, sur la terre de la grande place, chaude et sablée comme un gâteau. Il s'aperçût que même sa nostalgie manquait vraiment d'allure. Le coeur n'y était plus. Il comprit en marchant tout ce qui n'allait plus. Au son que faisait sa chaussure, trop discrète, écrasée, par le bruit des voitures. Désolant brouhaha coexistant mine de rien avec tout un feutrage généralisé, un calfeutrage, on dirait presque. Il comprit que le drame était peut être là : plus rien ne croustillait. Ou plus personne. "ça devait venir de ça, sûrement"...
Il tenta de marcher plus fort, d'appuyer mieux son pas, pour que le trottoir fasse corps avec le son de ses souliers. Il marcha sur les bords, dans la terre, partout où il pouvait. Il marcha désespérément, jusqu'au soir. Il voulait entendre la terre qu'il foulait, se sentir là, présent, en vie, lui, le Lucien, Le Lucien du plateau, en particulier. Mais quelquechose l'en empêchait, un puissant calibrage brouillait l'émission de son pas, absorbant tout autant le mouvement que le sens des prochaines balades. Une matière du dernier cri dans la semelle.
Nota : Toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé ne serait que pure coïncidence. (A l'exception de quelques unes peut-être...)
Photo : Lucien (du plateau), marche et cogitations. Boulevard de la Croix-Rousse côté Mairie entre caillou et Tabareau. Pris en filature à vélo, un mercredi de septembre 2009 à Lyon. © Frb
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mardi, 08 septembre 2009
Princesse
"Un prince était vexé de ne s'être employé jamais qu'à la perfection des générosités vulgaires. Il prévoyait d'étonnantes révolutions de l'amour et soupçonnait ses femmes de pouvoir mieux que cette complaisance agrémentée de ciel et de luxe. Il voulait voir la vérité, l'heure du désir et de la satisfaction essentiels. Que ce fût ou non une aberration de piété. Il voulût. Il possédait au moins un assez large pouvoir humain... Toutes les femmes qui l'avaient connu furent assassinées. Quel saccage du jardin de la beauté ! Sous le sabre elles bénirent. Il n'en commanda point de nouvelles. Les femmes réapparurent."
ARTHUR RIMBAUD "Conte" in "Illuminations". "Poésies". Librairie générale française 1984
Incognito, une princesse, tente la traversée des grands rectangles blancs. l'étoffe flotte légère, parfois s'immobilise. A suivre on dirait presque un dessin à l'encre de chine. La princesse trottine sur ses sandales à brides tout au dessus des immondices et des dalles pourtant parées du revêtement gris tourterelle. Une princesse parmi d'autres, allant presque pieds nus, livrer sa peau blanche, (une rareté en cette fin d'été) aux crasses ordinaires et autres remuements d'espaces : odeurs d'essence, particules fines...
Une fois les rectangles traversés, elle ira s'asseoir sur un banc pas loin de la forêt Morand, et tout près des éclaboussures d'un lion inoffensif, ignorée des lointains génies de l'industrie ou de l'agriculture, elle ouvrira un livre : "Under Milk Wood" et silencieusement rêvera de partir.
"Départ dans l'affection et les bruits neufs"
Photo : Du presque noir et blanc. Marche légère d'une passante aux lignes claires ignorant sa beauté. Eloge de la pâleur et de l'ingénuité quand toutes reviennent bronzées et très sûres de leurs charmes. Nous appelerons cette lyonnaise (?) "la princesse aux blancs-pieds". Juste un peu de candeur. La douceur désuète dans un monde d'arrivistes et de "revenus". Passage clouté pas très loin de l'opéra, juste avant le pont Morand. Lyon. Rentrée 2009. © Frb.
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