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dimanche, 24 février 2013

L'inertie du particulier

Nous ne sommes pas sur cette planète pour quelque chose. Le tout est de passer le temps ce n'est déjà pas très facile. Tous les moyens employés (poésie, action, amours) laissent un drôle de goût dans la bouche. C'est pourtant ce que nous avons de mieux. Il faut donc s'opposer à tout ce qui limite leur utilisation. C'est pourquoi l'action et l'écriture n'ont de valeur que libératrices. C'est pour cela que j'ai dit que le poète doit être un incendiaire et je le maintiens.

Lettre de Guy Debord (1931-1994) à un ami, écrite en 1951 

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Rien d'autre ici qu'un monde érigé en dortoirs, une cité pragmatique qui s'étend se répand à perte de vue, remplace, peu à peu organise les vies des janfriquets, le quartier des jardins ouvriers d'autrefois né des rêves socialistes de Lazare a été lentement balayé, hier, partout, ici, par la moindre fenêtre on contemplait les arbres ils fleurissent au printemps, et plus loin la montagne porte un temple doré, le parc de la tête d'Or caressait ces espaces. Les arbustes ouvriers, petits monts de Cocagne aujourd'hui sont passés sous l'engin de métal. L'agent immobilier, frotte ses grosses paluches sales. On fête sa réussite au restau des étoiles. Des pots de vins sous silence, et des expropriés avec des protocoles de relogement véreux. L'homme accompli exalte et forme des envieux. Quand les lueurs bleutées de mille téléviseurs s'allumeront en même temps vers dix-neuf ou vingt heures, oubliant le brouillard, l'ultime grenade fruitée du malin cacographe sera dégoupillée.

En nous cette immanence fonde la quête et le nerf d'une paix introuvable, oeuvre à l'inexpressif, aussi inexpressif est ce renoncement qui gagne comme l'air morose vient à nos têtes entrées furtivement dans les barres. On vous en dessinait jadis l'abrutissement avec des mots frondeurs et de la profusion, cherchant à en découdre afin de s'archiver, d'inventer d'autres mondes et un autre langage contre tout l'univers devenu cet album d'images publicitaires, ce débit obsolète d'un siècle compassé - et la mort de l'art même à peu près consommée...

Ici, notre corps tangue imperceptiblement entre la peur du sang (un mauvais sang/"rentable") et le balbutiement d'un fleuve large qui cache un psaume hurlant au coeur d'un tourbillon ou peut-être un plongeoir en forme d'échappée

Là-bas, en bord de Rhône, on a vu une silhouette, allongée sur une planche entre les gyrophares. On ignore quels regards s'agglutinent si nombreux vers ce pont, aux croisées d'une brasserie d'opéra et d'une forêt bancale, dans les brumes du soir vont à pas de fourmis nos histoires et nos oraisons. Des nouvelles de cette vie, gisant dans une enveloppe couleur d'aluminium, sont remontés trois mots: "pronostic vital engagé". Trois mots à la surface, dans du papier journal pour évoquer deux mondes, c'est tout ce qu'on en sait.

On aperçoit encore des ombres en habits noirs de ces personnes placides qui affirment avoir eu une drôle d'appréhension en traversant ce pont, juste avant l'accident, et figées comme aux berges, on  avait planté là, des orchis anthropophora qui évoquent l'idéal du petit homme pendu dans des pots de géants.

Ces gens qui étaient là, n'avaient pu faire un geste comme s'il était normal qu'une poignée d'êtres humains qui reviennent comme des ombres d'un soir au cinéma n'osent se mettre en travers d'actes qui les dépassent.

Comme s'il était normal, qu'au nerf d'une paix hantée de baumes et de violence, une minorité faible, un instant lâche le fil.

Comme si cela encore, procédait d'une normalité, où certains sans profil dégagent un jour la place, et que d'autres plus veinards y affinent les chapelets de leurs condoléances qui n'ont pour seule histoire que de s'émouvoir eux-mêmes de n'avoir pu agir conformément à ce que leur inspirait leur conscience, leurs paroles ou leur éducation.

Plus loin, le drame est sourd et presque aux bas étages de la ville sous ce pont qui relie la mairie aux quartiers les plus riches, des hommes ont protégé le sommeil de la ville ; deux gendarmes, des jeunots, et anormalement pâles, nous demandent de ne pas traîner là, les curieux, sur ce pont, une vingtaine de paires d'yeux penchés sur une rambarde, ne sembleraient que faibles, comme cette dame et sa fille qui voulaient témoigner:

- "pour une fois qu'on sortait, qu'on pouvait se distraire, on revenait tranquille, de voir un court-métrage, on passait par ici et de l'autre côté, on a vu l'homme bizarre qui balançait une jambe par dessus la rambarde, nous on a paniqué, on n'avait pas de portable, le temps de traverser... C'est grâce à lui, voyez (elle montre avec son doigt) le jeune homme blond, là bas, avec son scooter bleu, il a tout essayé !".

Le jeune homme, replié, semble vieux et voûté, il a 18 ans, presque. Entouré de la foule qui grossit peu à peu, il est là, tête baissée, face à deux pâles gendarmes qui voudraient bien comprendre et j'entends quelques bribes au jour crépusculaire encore à l'heure d'hiver:

- "j'ai tenté ce que j'ai pu, j'ai rien pu empêcher, j'aime pas l'eau, j'en ai peur, je sais même pas nager..."

le jeune homme est petit, il paraît égaré, il a gardé son casque volumineux, qu'il tient dans ses bras comme on tient une fiancée, il sanglote nerveusement, le gendarme a posé une main sur son épaule il tapote, c'est un frère, un vrai gardien de la paix, en trois mots répétés, il apaise, il console:

- "ça va aller, ça va aller..."

L'autre gendarme, a repris des couleurs, rôdé aux pires épreuves il garde le sang froid de la horde.

Voix du consolateur au jeune homme:

- "vous avez essayé, vous n'avez rien pu faire... Qu'est ce que vous pouviez faire ? C'est la vie, c'est comme ça". 

"C'est la vie", c'est jeté ! d'un désarroi réel, urbain très ordinaire, d'autres y voient une scène rare, comme dans un long-métrage qu'on ne tournera jamais, dressent le plan plus spécial, d'un pseudo reportage, en direct, comme on tweet en deux phrases une histoire formidable à la gloire éphémère d'un scoop émotionnel le buzz est à portée et l'instant à choper béni par l'Instagram des photos-choc-express grâce au zoom, et contents, ils kiffent grave l'accident.

A l'autre bout du monde, les petites scènes saisies juste après les sirènes rapidement se propagent et pour le récepteur se transforment en spectacle, sans aucune conséquence. Fort délicieux instant, d'un côté le frisson et de l'autre l'extase. 

Je reprends mon vélo quelques minutes vacantes, où deux adolescentes fardées comme Beyoncé, ont osé un selfie sur fond de deux gendarmes, entourant un jeune homme en plein effondrement.

C'est le monde tel qu'il est, vide sur nous, vide encore sa fabrique de cynisme qui devient coutumier d'autant plus coutumier qu'il rit des incidences ; autre mauvais plongeon d'une usine à divertissements qui ronge le paysage pour n'en faire qu'un décornos bouches creusent le vent. Mais grâce à l'éloquence, grâce aux lol et aux smiles, on prendra des notes vagues sur cet homme ivre mort qui roulait dans sa cuite sur le pont aboulant quelques phrases en désordre menées par le vin fou versifiant son palais, feu follet en zig-zag du fantôme égaré au royaume de la mort, il semblait dans sa crasse pourtant moins perdu que nous et nos étreintes (vite !), nos entrains (versatiles), les petits états d'âmes nous recueilleront pétris des meilleurs sentiments, outragés à toute heure, puis oublieux souvent, plus ou moins esseulés sur fond de ces fringales qui ne peuvent s'assouvir. Quelques non-connectés sont sur le bas-côté, les autres s'en balancent.

On se disait peut-être que ce monde sournoisement s'infiltrait en nos sens, comme si nous devenions les mauvais comédiens d'un décor saturé, cinglé d'hommes chancelants, face à nous, il y a les mêmes, des créatures béantes qui se meurent, ou se battent / on s'émeut, on s'en fout / d'autres suréquipées prêtes à juger de tout ou rien, n'importe quoi, observent au dégommeur des gueux sur une place.

Les images des "people" en couverture d'un mag' s'exhibent sur des lueurs, dont celles du soir effacent la vue de l'accident brodant pour un violon et une valse du bon temps photoshopé glamour, pure merveille droite et fière, tandis que l'antidate à mon calendrier vous ferait un jour croire aux pouvoirs prodigieux de mon marc de café

Déjà l'oubli nous vient, sans un mot pour les actes et les êtres qui nous fondent, telles, sous ce gris souris, toutes les affaires reprennent ; pendant qu'on nous amuse, des petits hommes s'évadent sur un chant de sirène. Les berges à nouveau propres, et la fête continue.

Le lendemain, sans un pli, le travail sa valeur et son bleu reblanchi prenaient sous les chaufferies l'air des feux immortels, rien d'anormal alors que le soleil du soir soit devenu si noir.

Voici venus les chants des soldeurs de l'espace où la chauffe des cerveaux qui ciblent le petit d'homme le heurtent contre la page d'une ultime pluie d'hiver, voilà les vieux glaneurs entrés dans la corbeille qui se cherchent un bosquet et deux balles pour bouffer, voilà les caravanes des petits morts en flaques passant silencieusement sous les plinthes des cabanes frappées d'alignement où mon carnet poreux éponge la forme des mots en coulée d'encre et d'eau, la phrase s'y effaçant à mesure qu'elle décrit l'évènement par un lent processus de désintégration, quand la conscience de soi ne peut plus être fidèle aux paroles ou promesses librement énoncées, les caractères liquides forment un voeu liquidé, retournant au fleuve noir, tel on lance une bouteille qui ne trouvera jamais de terre où s'échouer, au lieu prédestiné à dire des fluidités, (le "carnet cependant, s'appelle Clairefontaine").

Une pluie de confettis pour nos jours abolis et nos soirées sans fête. On pourrait presque émettre une de ces bonnes pensées en l'honneur de ceux qui griffonnent traçant leur vie sur des lots de carnets, par exemple on dirait: "n'est pas diariste, qui veut". Ca ferait son petit effet, comme un texte vaseux de l'être qui soupèse sa supériorité, poète sage comme un prêtre portant dans ses attraits tout le silence des autres, pygmalion de papier au défi de sauver ceux qui sans volonté rasent un peu les affiches (autant que l'entourage) sous les éclats louables du printemps des poètes ; des traits biffant le mot qui n'est jamais venu, recueillent dans le limon la vie majestueuse, autant que sous le ciel on passera à travers les notes vite esquissées sur les chiens écrasés d'une ville à la page.

Le printemps des poètes, ne m'a pas traversée, il a plu ces jours-ci, une pluie de poème lâche, ça trempe et me suffit. Une de ces pluies corsée transformant le carnet en ménagerie spongieuse, de pleins et de déliés remuant dans la flaque, un verbe submergé. De l'écrit ne subsiste qu'un fourmillement discret un peu d'humidité en glissement vers l'informe d'insectes cuirassés et de bombyx mornes voltigeant sur des larves, un gros scarabée luit de gris-métal noirci dilué dans l'eau froide rend au gris le plus juste aperçu de cet état de perte de la valeur intense, une lâcheté pour soi-même jusqu'à l'inexprimable et la révolte lourde dans son pas de muet étouffé tel symbole des sauceries de la quête et du verbe coulé.

Sur ce pont j'ai pensé pour ramener un texte plus ou moins lisible (tant bien que mal), recourir au copier-coller, mettre un semblant de jeu sur ces paquets d'impasses, et le gai désespoir à présent compressé, je deviens ce buvard dont les signes compliqués, donnent une chose simple à voir.

Comme les fleuves nous mélangent, ils engendrent en leurs flux deux mondes inconciliables juste après l'accident du côté des bateaux, on voit des messieurs dames qui goûtent le vin du soir servi avec suprêmes d'écrevisses au Champagne, juste après l'accident d'autres vont danser enfin, jusqu'au bout de la nuit au dessus des cadavres puis s'extasient dès l'aube à la vue des reflets d'un Sofitel qui brasse une seconde les lueurs d'une berge à la mode propre et douce, assez gaie.

 

 

Photo: Le monde à ma fenêtre, 5 ou 6 ans après, (sans bouger de mon fauteuil, ni du votre), remplace les ateliers des artistes (trop glodytes), et les jardins prolos au bazar de poireaux, pommes de terre et lilas (trop modestes !).

 

Vidure. Work in progress. © Frb 2013

mercredi, 14 septembre 2011

Le dessus des cartes (désir du jour)

ProgrammeAmis de la petite province, je vous promets le bonheur pour tous. (Votez pour moi !). Note à l'attention du lecteur qui n'ose pas regarder sous les jupons des cartes, j'ajouterai, le lien du dyptique, (fin dyptique cartésien, il en faut, et sa synthèse va dans les murs) vous trouverez le voyage dans toute sa complétude en cliquant sur : ICI.

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Photos :  Le dessus des cartes de la rue Descartes ou petit rébus provincial

Restructuration d'une ancienne enseigne d'un atelier artisanal situé rue Descartes à Villeurbanne. © Frb 2011

La suite toujours plus bas

mercredi, 30 mars 2011

Nid d'amour

L’amour est patient, il est plein de bonté ; l’amour n’est point envieux ; l’amour ne se vante point, il ne s’enfle pas d’orgueil, il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il ne soupçonne pas le mal, il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il se réjouit de la vérité ; il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout. L’amour ne périra jamais.

Extrait de la lettre de ST PAUL aux Corinthiens, chap. 13

Parfois quand on ouvre la fenêtre, on entend une petite musique... nid d'amour,nouvelle,couple,illusions,amour,maison,façade,vivre ensemble,concierge,madame grenada,monsieur chandon,murielle,humanités,curiosité,infidélités,intrusions,histoire d'a,jalousie,fidélité,cachotteries

.J'ai vécu là, plusieurs années, je connais tout par coeur, derrière ces fenêtres, pour moi, pas de secret. Je connais tous les locataires. Il y en a beaucoup, trois par palier sur cinq étages, au rez de chaussée il y a les concierges Monsieur et madame Grenada. Madame surtout qui s'occupe du bon fonctionnement de l'immeuble. Chaque année pour jour de l'an avec Murielle, on lui donne une petite étrenne, avec un mot gentil: "Puisse cette nouvelle année vous être favorable, chère madame Grenada, ainsi qu'à votre époux". Quand j'y pense ! Ils savent tout. Même plus que ce que nous supposons savoir nous-mêmes sur nos propres allées et venues, enfin "propres"... Comme lorsque Muriel reçût ce monsieur, tandis que j'étais en voyage d'affaire. Tous les jours le monsieur venait, à 5h00 de l'après midi, il restait jusqu'à 7H00 (du soir). c'est comme ça que j'appris l'existence du monsieur, par Madame Grenada, le jour même de mon retour, le dernier. Elle me dit l'air de ne pas y penser "Bien contente de vous retrouver monsieur Chandon, enfin votre dame, n'était pas trop toute seule, votre frère est venue lui tenir compagnie tous les après midi entre 5 et 7 heures" ... "Ah bon ? Mon frère ?" Et madame Grenada prenant l'air gêné de la confidente qui s'en veut d'avoir trop parlé, (non sans éprouver cette satisfaction de méchanceté intérieure qui sied tant aux vilaines personnes). -"Ah ? Ce n'est pas votre frère ? Comme il vous ressemblait, j'ai pensé que...". Alors je bredouillais  -"Mais si ! bien sûr que si ! c'est mon frère ! Madame Grenada, mon frère jumeau, même ! c'est vrai que je n'aime pas savoir Murielle toute seule quand je pars en voyage, mais de là à ce que mon frère passe tous les jours ! il est vraiment serviable, j'en suis presque gêné, en même temps, vous m'en trouvez si agréablement surpris" - "en tout cas..." - (crût-elle bon d'ajouter) - Madame Grenada ponctuait souvent la conversation par cette expression - "en tout cas" - qui permet de dériver à peu près sur tous les sujets, "... Votre frère, il a bien veillé sur elle". Cette dernière phrase me glaça. Qu'est ce qu'elle voulait dire au juste par "il a bien veillé sur elle" ? J'étais furieux. Il me semblait que si je ne montais pas en quatrième vitesse, tout de suite, là, urgemment, tous les étages qui me séparaient de Murielle, j'allais faire subir à cette femme un de ces sorts qui la priverait de ses cordes vocales pour toujours. Les doigts me démangeaient. J'essayais de prendre congé poliment. "Bon, madame Grenada, ce n'est pas le tout, je vais monter. Murielle m'attend." Et pour faire bonne figure je rajoutais un léger point qui me parût fort malin, pour me défaire de cette conversation qui aurait fini comme toujours sur la météo, et la maladie de coeur de son mari : "Madame Grenada, dites moi, euh... comme j'arrive à l'instant je ne suis pas encore passé chez mon frère, il n'aurait pas laissé un petit mot pour moi, par hasard ?". Qu'allais je donc inventer ? C'était lâche et absurde ! le ton n'y était pas, mais allons ! tant qu'à faire ! Et si cette pauvre femme avait su combien j'avais souffert d'être fils unique, elle en aurait rajouté, alors bon, il valait mieux enfoncer le clou, valider copieusement l'existence de ce frère qui m'avait jadis tant manqué, dissiper tout malentendu, en finir et monter. Ensuite, j'aurais ouvert la porte, notre porte d'entrée. Dans notre long couloir, je t'aurais vue, Murielle, radieuse comme à chacun de mes retours. Murielle, je t'aurais embrassée et puis je t'aurais dit, "Murielle, il faut que je te parle, Murielle, c'est important, il faut qu'on parle tous les deux, là, maintenant !". Et Muriel m'aurait écouté, elle aurait ri de mes soupçons, elle m'aurait rassuré. Muriel elle aime bien quand je suis inquiet, elle me rassure, elle me passe la main dans les cheveux, elle m'appelle "son chouchou", ça m'apporte une certaine stabilité même au bureau, quand j'ai des inquiétudes, il suffit que je pense à Muriel, à notre nid douillet, et je suis moins nerveux. A chaque retour de déplacements, c'est plus fort que moi je crains le pire. "Et si Muriel rencontrait quelqu'un d'autre ?"... Quand j'y pense, j'en souffre horriblement, moralement, physiquement, j'ai des crampes d'estomac, les mains qui brûlent. Rien que d'imaginer Murielle dînant au restaurant avec un autre, me rend fou, oui, je sais, je suis jaloux. Mais Murielle elle est pas comme les autres, elle est fidèle, elle me connaît, elle sait apaiser mes tourments, depuis le temps ! je la connais aussi très bien de mon côté, je suis un homme chanceux. C'est incroyable, tout ce qu'il y a d'harmonie entre nous. C'est quelquechose d'unique. Elle me devine, souvent, elle anticipe. Murielle, elle m'aime sans conditions. Quand j'ai peur, elle le voit tout de suite. Elle rigole, elle me dit :" oh Chouchou ! tu es jaloux ! il est jaloux ! il a peur que je m'en aille, mais ça c'est trop mignon, je t'aime trop, mon chouchou !"... Sauf que Madame Grenada me répondit qu'effectivement, mon frère avait laissé un mot pour moi, et même une grande enveloppe qu'elle me tendit avec un de ses sourires beaucoup trop attendri pour être honnête. "Enfin, je ne sais pas si c'est votre frère qui a écrit, mais il y a une lettre à l'intérieur...". Je tatais docilement... Il y avait bien une lettre à l'intérieur. Je n'avais pas encore ouvert l'enveloppe que madame Grenada murmura d'un ton triste, si triste que j'eus envie de pleurer. "En tout cas, monsieur Chandon, on va bien vous regretter, vous allez faire un sacré vide dans cette maison". Je regardai longtemps cette petite femme voûtée avec son gros grain de beauté beige sur le menton, sa médaille de Sainte Vierge qui pendait au dessus de la collerette d'un corsage sur lequel étaient imprimés des coeurs bleus, ses seins énormes, ses grosses hanches, son tablier à fleurs, ses jambes maigres plantées sur d'énormes pantoufles en pilou rose bonbon. C'est la dernière image qu'il me reste de notre nid d'amour d'où je me suis enfui sans jamais avoir lu la lettre.

Photo : Nid d'Amour et plus anonymement, une jolie façade rose vue du côté de la place Carnot, au niveau du métro Ampère-Victor Hugo entre les deux incontournables gare de Perrache et Place Bellecour photographiée à la fin de l'hiver, à Lyon.

Lyon II © Frb 2011.

mercredi, 12 août 2009

Page d'échos

"Sur les tablettes des cheminées ou des radiateurs (l'on considérera toutefois que la chaleur peut, à la longue, se révéler quelque peu nocive), entre deux fenêtres, dans l'embrasure d'une porte condamnée, sur les marches d'un escabeau de bibliothèque, rendant celui-ci impraticable (très chic, cf. Renan), sous une fenêtre, dans un meuble disposé en épi et séparant la pièce en deux parties (très chic, fait encore meilleur effet avec quelques plantes vertes)."

GEORGES PEREC : "Endroits d'une pièce où l'on peut disposer des livres" in "Penser Classer". Editions Seuil 2003.

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Peut-être l'image aurait-elle plus de sens au chapitre suivant : "Choses qui ne sont pas des livres et que l'on rencontre souvent dans les bibliothèques" avec les fleurs séchées, les verres à pieds, les pyrophores garnis et les photographies dans les cadres en laiton doré... Je laisse à son lecteur (pourvu de quelques rayonnages de livres), le bon soin de nous communiquer aimablement et s'il le souhaite, la liste de ses petites bimbeloteries personnelles que nous livrerons telles, à la planète et qui étofferont la liste des choses citées dans le beau livre de PEREC.

L'important étant l'ordre : celui-ci un brin monastique, après les livres fantastiques de la très grande bibliothèque de Vareilles (la TGBV), vous racontera que le modillon a quelquechose du livre (ça c'est moi qui rajoute) ou quelque chose de l'ornement sublimant le rayonnage. Quand la mode du Bouddha en série lassera, viendra celle du modillon-bougeoire et bourgeois, (en véritable cire d'abeille), trônant devant les livres de bête bégueule ou de Bralo, de Le Clézio, son lecteur (fin observateur;-) remarquera côté-déco que les plantes y trônent déjà, c'est un petit miracle dont je ne peux expliquer l'origine. (A moins que ce soit ces étranges et fameux choux boscomariens qui furent à l'origine du non moins fameux modillon, (qui du chou ? qui du modillon ?). Le roman est bien né de la rose, dit-on. Comme l'affirmait une dame défendant l'attachement obsessionnel (au modillon) de quelques fêlés archéologues médiévistes: "le modillon est une personne". Et je crois qu'elle avait raison. Mais on en sait trop peu sur l'histoire "du peuple menu des modillons" (sic). Cela vaut quelques précisions...

Le modillon roman est un bloc de pierre sculpté finement ou grossièrement, placé sous les corniches, et l'illusion d'optique pourrait même nous faire croire qu'il les supporte. Il relève de l'art populaire, illustre autant la vie courante que l'imaginaire médiéval le plus fantastique. Il peut être décoratif, (on revient à nos fleurs séchées), à motifs géométriques; ou plus figuratifs, végétal, animal etc...) La finesse ou la grossiéreté des figures dépend surtout des matériaux dont disposaient les sculpteurs jugés artistiquement naïfs et gauches mais qui ne manquaient pas de créativité, les plus riches ornementations furent ciselées dans le calcaire, les roches granitiques, volcaniques donnant une sculpture plus sévère. En l'absence de sources historiques laissées par les sculpteurs romans, on a déduit qu'il n'y avait pas de projet symbolique global émanant de ces modillons (n'a pas encore été trouvé le grand modillon d'Alexandrie ou de Babylone), pas de programme iconographique entier, comme on en découvre sur les tympans ou sur les chapiteaux médiévaux. Pourtant il semble que certains modillons considérés séparément ne soient pas sans message... On a souvent tendance devant un modillon, "à voir trop ou trop peu". Nul besoin d'être historien pour déceler dans ces sculptures, tous les efforts qu'accomplissait une société pour tenter de se raconter, se parfaire, et surtout perpétuer ses légendes.

Peut-être qu'un jour, sur quelque autre chemin roman, (si je le croise), je vous parlerai de "l'homme vert", ou bien faudra-t-il que j'accepte enfin, cette invitation en Dordogne (merci mon troll !) pour croquer ces masques feuillus d'époque romane, motifs que l'on  peut contempler partout en Europe, voire jusqu'à Istanbul. Il en existe datant du 2em siècle de notre ère, à Périgueux, avec des bonnets de feuillages comme dans les églises d'Espagne et, à L'église de Colombiers en France (datant du XIIes) où l'on peut admirer des têtes de personnages aux oreilles remplacées par des oisillons auxquels d'insolites oiseaux donnent la becquée. Peut-être chasserons-nous le feuillu jusqu'en Grande Bretagne, où il s'en trouve qu'on appelle bêtement "The Green man", figure déjà connue avant la Rome antique pour être le gardien des bois et l'Esprit des anciennes forêts. Il faudrait chercher à "masque feuillu" en France, peu étudié, la documentation est parfois fantaisiste, le plus souvent insuffisante...

Pour en revenir au modillon, on peut être parfois étonné de remarquer dans les motifs, certaines obscénités, voire des cruautés. Il ne faut pas oublier que quelques-unes de ces coutumes figurées remontent à des cérémonies païennes transformées par l'église en cérémonies "acceptables" pour les premiers chrétiens. Le modillon obscène représentait aussi, des personnages, (parfois religieux, ou architectes...) dans des postures dégradantes. Il semblerait qu'ils aient été conçus par esprit de vengeance à une époque où les ouvriers soi-disant payés à la pièce pouvaient aussi ne pas être payés du tout. Ainsi, les ouvriers n'ayant que ces pierres là pour exprimer leur rancoeur, pouvaient encore façonner à leur guise leur créditeur en le ridiculisant. Une fois que la pierre était posée à 15 ou 20M de hauteur, il était difficile de l'en déloger. Il y eût sans doute des modillons obscènes issus de quelques bonnes blagues de chantier comme à Chambonas en Ardèche l'un des modillons de l'église romane représente une belle paire de fesse, que des mains écartent pour afficher un anus sans défaut, (hélas pour vous, je n'ai pas d'image, tant pis ! hé hé !). Si la blague n'est pas historiquement prouvée, elle est assez probable. J'espère que nous trouverons matière à développer tous ces sujets, l'été prochain, si quelque épidémie de peste nouvelle ou autres démons bleus ne nous emportent pas.

Pour revenir au pays qui nous tient, il y a en cette merveilleuse petite Eglise de Bois- Ste-Marie, certains vestiges d'inspiration païenne (difficiles à photographier), comme ces modillons trop haut perchés. Celui qui ouvre cette page étant sage comme une image sainte, je refermerai ce billet sur la terrible figure d'un modillon moins catholique : on peut dire un démon. (Mais à Nevers, on a vu pire). On raconte qu'il mange les livres, qu'il ronge l'écran liquide, et qu'il transforme en pierre celui qui le regarde, (on vous aura prévenus). Sur cette pierre, (où reposera ton âme, ô lecteur adoré), je construirai une autre église ! (c'est ma folie en ce moment !), j'y scellerai des modillons et ainsi de suite... L'Histoire n'étant qu'éternel recommencement. A moins que par une flemme assez contemporaine, je sois tentée par le très bas, l'argent facile, qui consisterait à faire fabriquer à la chaîne, (en sous-traitance, bien sûr), des bougies-modillons, des cales-livres en balsa (merci Sophie K.) à simili têtes de dragons, et pourquoi pas ? des modillons un peu coquins en médaillons. Il ne me resterait plus qu'à les vendre (très cher) pour que vous en orniez vos rayonnages. Ainsi tirant par les cheveux mon petit homme vert jusqu'au bureau de tri de l'ami Perec, pourrais-je ajouter ces babioles à votre catalogue d'échos et tenter d'épuiser sous le poids de cette poussière nos esprits compactés du très haut au très bas. L'autre sens étant obsolète voire impensable...

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Maudits liens : http://chantecoucou.over-blog.com/article-28883031.html

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/09/15/co...

Photo 1 : Modillon à figure d'ange ou veilleur de troupeau et son chou (?) merveilleux quasi miraculeux vus sur la façade de l'église romane du village de Bois Ste Marie.

Photo 2  : Zoom sur un modillon végétal orné d'une tête de démon (?) ou d'animal (?). Mais je ne crois pas que ce soit "Green man". Vu à l'Eglise romane de Bois Ste Marie. Nabirosina. Août 2009. © Frb.

vendredi, 29 mai 2009

Des rideaux et des femmes...

"Il y a une grande réclame de rideaux, chez Holman. De vrais rideaux de dentelles, avec des volants bleus roses. Un dollar quatre-vingt-dix-huit la paire, avec la tringle, les anneaux et le cordon !

Monsieur Malloy se redressa sur le matelas. "Des rideaux ? demanda-t-il, qu'est ce que tu voudrais faire avec des rideaux au nom du ciel ?

- J'aime les belles choses, répliqua madame Malloy. J'ai toujours aimé avoir de belles choses pour toi." Sa lèvre inférieure se mit à trembler.

"Mais ma chérie, s'écria monsieur Malloy, je n'ai rien contre les rideaux, je t'assure que j'aime les rideaux.

- Un dollar quatre-vingt-dix-huit seulement ! tu cherches à me priver de tout pour un dollar quatre-vingt dix-huit !". Elle reniflait, sa poitrine se soulevait.

"Je ne cherche pas à te priver, mais ma chérie, pour l'amour du ciel, qu'est ce qu'on ferait avec des rideaux ? On n'a pas de fenêtres !"

JOHN STEINBECK . Extr. "Rue de la Sardine", (traduit de l'anglais par Magdeleine Paz). Titre original : "Cannery row". Edition Gallimard 1948 (pour l'édition française).

 

fenêtres.JPGPhoto : La maison de monsieur et madame Malloy vue de l'extérieur. Rue Bonnet exactement. Sur le plateau de la Croix-Rousse. Ca fait des mois qu'elle est comme ça. Ca fait des mois que Madame Malloy elle pleure, parce que monsieur Malloy, il ne veut pas lui acheter ses rideaux. Mais "les hommes ne peuvent pas comprendre les sentiments d'une femme, ils n'essaieront jamais de se mettre à la place d'une femme". C'est ce que me dit Madame Malloy, quand je la croise à la boulangerie de la rue Bonnet. Elle a raison. Les Hommes ne comprendront jamais. Les rideaux, pour une femme, ça fait TOUT !

Photographié début Mai 2009 à Lyon. © Frb.

lundi, 19 janvier 2009

Comme un lundi dans les beaux quartiers

façadesw.JPGIci les parquets "chevron" craquent sous l'escarpin verni. Quelques moulures discrètes sur un plafond ivoire, deux cariatides voilant à peine leurs charmes supportent les corniches, tout à côté, dans la bibliothèque, les oeuvres complètes d'Alphonse de Lamartine.

Nous sommes à deux pas du Parc de la Tête d'Or, la nappe est en dentelle. On a mis le champagne au frais. Au salon, un Steinway. Madame joue du Schumann en peignoir de soie blanc. Tout un monde de voilages. Charme discret de la bourgeoisie...

mercredi, 03 décembre 2008

Comme un mercredi

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L'être à corps de chien, bras de plume, tête d'oiseau ou nez de Pinocchio file comme un rébus sur les murs de la colline. On vous invite même à le suivre et peut être vous aidera t-il à tenir debout sur le fil, de nos billets d'oiseaux ? A suivre donc...

Photo: Quartier Croix-Rousse, pas très loin de la rue Hénon (eh oui, j'ai perdu le nom). Un soir, un mur... Décembre 2008 ©.

samedi, 01 novembre 2008

November

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dimanche, 13 juillet 2008

Comme un dimanche

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vendredi, 04 juillet 2008

Comment tout cela va-t-il finir ?

 A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y     ?
 

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Le néant

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Tracé de mot ex-nihilo ...Vu au commencement des pentes, rue Coysevox à Lyon par temps très gris.

jeudi, 03 juillet 2008

Le ciel peut attendre ...

murat.jpgJean Louis, c'est quand tu veux  ;-)

 CLICK

http://www.jlmurat.com/

vendredi, 27 juin 2008

Indépendances

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Vu à Villeurbanne un bâtiment aux fenêtres béantes qu'on pourrait regarder comme des non-fenêtres ,des anti-fenêtres ouvrant sur une vue littéralement imprenable (Sinon par de vieux meubles de cuisine abandonnés...)

10:40 Publié dans De visu | Lien permanent

Réfutation

refutation-2.jpg "Vous m'avez amenée ici pour que je me souvienne ...Mais il doit y avoir une erreur. Je ne connais pas cet endroit ,Je ne me souviens pas y avoir vécu. Ni avec vous ,ni avec personne..."

Vue à Villeurbanne,une fenêtre de bâtiment frappé de servitude.