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vendredi, 28 février 2014

Beaux semblants

Si je ne bouge pas, si je ne voyage pas, j'ai comme tout le monde mes voyages sur place que je ne peux mesurer qu'à mes émotions et exprimer de la manière la plus oblique et détournée dans ce que j'écris.

GILLES DELEUZE in "Pourparlers" 1972-1990, éditions de Minuit 2003.

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Beaux semblants dans l'espace, à la sortie des gares, sous les arcs en plastique on tirait les valises, jusqu'aux beaux magasins vers Carnot encastrés de promos des big macs et des spots clignotaient sur les néons bleutés d'enseignes démodées d'un hôtel à moulures. Comme des vrais nouveaux riches on filait sur Gros-laid, voir la mort faire sa drague, en presqu'île les colonnes changeaient avec le temps tournaient et nous étions tournés sans le savoir, devenus étrangers en nos propres rivages, contemplant la lenteur des bateaux sur le fleuve revenant de l'île Barbe, un billet à demeure, épinglait un désir de train bleu sur un quai, juste avant de partir, ou le temps d'une halte, tout de quoi revenir caresser sous la langue, ces mots qui tiraillaient et qu'on n'osait plus dire. Près des ombres d'un square, on n’aurait pas mémoire des mouvements de l’automne, un rire jaune au revers, on songe au perce-neige - tu le vois disparaître à travers l’avalanche qui glace déjà ton pas, tes pensées, ton hiver, tu aurais beau chercher - quelques traces au dehors du dernier mouvement de la première année, tu n’y retrouverais qu’un coureur arrêté par l'aire des cuirassiers, contre lui, des langues mortes, un masque sur le nez, cette odeur de javel pourrait bien endormir à jamais les colonnes qui annoncent l’avenir avec les doryphores. Loin, l’homme, il regardait s’effondrer la demeure, un rire fou dans sa gorge, découvrait l'ennemi aux desseins illusoires: une minuscule bestiole à carapace d’or. Quelle histoire inventer pour nouer nos destins ? La petite créature, sur sa feuille bouge encore ; sous la griffure de l'homme on voyait les trésors et nos jeux dérobés. D'ici, le fort Saint Jean, c'était Constantinople, et la Saône aux couleurs de Méditerranée contre un bout de papier qui se plie et flotterait jusqu'aux sources bercées des premières feuilles de Mars. La ville se dégradait sous les quartiers des gares, l'abstraction démodée esquintait le décor, entre deux c'est le flot silencieux des deux eaux mouillant encore le cours en rythmes opposés qui ordonnait nos rues, engendrait des soupirs dans les fauteuils anglais de ces bars où l'on va s'immerger un quart d'heure. C'est dans la rue Donnée qu'on voit rouler des mousses, les gueux, ils finiraient par essorer les coeurs à l'heure où tous les corps deviennent lisses et peureux, ressortiraient à l'aube pomponnés, ils respirent à travers le printemps dans l'hiver les arômes des premiers coups de balais. Un prince d’Aquitaine dormait sous les colonnes où tournaient des sirènes et les fées à moitié dévorées par les soldes aguichaient doucement ces courants d'hommes pressés. Les vendeuses à la mode ont enfilé nos têtes dans des bonnets de schtroumpfs, en croisée, au repli, quelques scarabées gris se nichaient dans les rames ou se recroquevillaient. Et nous on se demande où va l'air de nos vies, si le scarabée gris n’est pas un doryphore qui hante la cervelle de ces ribambelles d’hommes en les poussant gaiement empaquetés de laine, aux terrasses au soleil d'hiver comme un printemps ; et nous on se demande si les vieilles balivernes suintant sous nos pavés ne sont pas des larcins d'illusions aux jardins, de ces courges irisées qui juste avant la nuit ressemblent à des carrosses.

 

Photo : Un étrange objet architectural, ("un échec architectural" a dit Jean-Jack Queyranne) que ce centre d'échange de Perrache, mélange du post-psychédélisme normatif (?) et d'on ne sait trop quoi, issu des fameuses années 70's, pour ceux qui ne connaissent ni les années 70's, ni le lieu de Perrache, ils ne pourront couper à cette voie de passage d'une laideur si radicale qu'elle en a presque un charme, il faudrait au moins découvrir ses méandres juste une fois dans sa vie avant que le couloir de bric et broc (il faut le dire over-daté, conséquence peut-être d'un mauvais trip à l'acide coupé à l'ammoniaque ?) ne disparaisse aussi radicalement qu'il avait massacré le paysage Lyonnais. Pour traverser l'endroit, autant dire un voyage dans le voyage et dans le temps, même Cosmos 1999, à côté, ce serait beau, les voyageurs sont priés de se rendre à l'accueil, s'y munir du petit nécessaire pour la traversée (sinon, c'est moins marrant) une tenue d'époque exigée, soit, un pantalon taille haute à pattes d'éléphant (ou à franges pour nos dj'eun's) et une liquette à fleurs oranges col pelle à tarte bien sûr, ils vous seront prêtés gratuitement par le chef de gare du Grand Lyon, en l'échange d'un sourire dès la sortie du train. Comme ceci représente un trajet en spirales et triangles, ou rectangles § autres labyrinthes, la mairie ne fournit pas l'herbe de perlinpin (quand la signalétique n'aiderait qu'à faire tourner bourrique des passants pas forcément tous mathématiciens) et comme on est en train de parler architecture (quand on parle du loup, hein !) je me permets d'ajouter un petit lien pour éclairer un peu l'avenir de nos bugnons z'ou bugnasses et autres étonnants voyageurs... 

Nota : pour ceux désirant visiter en temps en heure quelques merveilles de la belle ville de Lyon, la maison vous conseille de descendre plutôt en gare part-Dieu, (un peu fraîche, mais très organisée) à moins d'avoir idée, de monter tout en haut, visiter les jardins suspendus de Perrache pour la vue, encore des perspectives étranges, un peu à l'abandon, la dernière fois que j'avais pu grimper - dessus la gare donc (!) joie des escalators ! - pour revoir cet endroit improbable... c'était un peu avant que le jardin perché envisage de sérieuses mutations. Lieu secret / transversales, je réserve en passant, (ce n'est pas un coq à l'âne), une pensée au plus près sur le fil des balades les plus inattendues, à l'ami et surtout excellent photographe, Ernesto. A suivre, on l'imagine... 

 

Lyon Perrache : © Frb 2014  

vendredi, 23 septembre 2011

Brader la ville

Ce qui est actuel, c'est toujours un présent. Mais justement, le présent change ou passe. On peut toujours dire qu'il devient passé quand il n'est plus, quand le nouveau présent le remplace. Mais cela ne veut rien dire. Il faut bien qu'il passe pour que le nouveau présent arrive, il faut bien qu'il passe en même temps qu'il est présent, au moment où il l'est. Il faut donc que l'image soit présente et passée, encore présente et déjà passée, à la fois, en même temps. Si elle n'était pas déjà passée en même temps que présente, jamais le présent ne passerait. Le passé ne succède pas au présent qu'il n'est plus, il coexiste avec le présent qu'il a été.

GILLES DELEUZE in "L'image-Temps"

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Conséquences (barbares) by Luc Moullet :

 

 

 

Photos : Comme un monde entre ??? De l'architecture utilitaire, plus ou moins diverse (ou la beauté caché du laid ?). Photographiée du quartier République à celui de la Part-Dieu, entre Villeurbanne et le Grand Lyon.

© Frb 2011.

samedi, 23 mai 2009

Gamberges

"Parler même quand on parle de soi, c'est toujours prendre la place de quelqu'un, à la place de qui on prétend parler et à qui on refuse le droit de parler"

GILLES DELEUZE. Extr. "Pourparlers". Editions de Minuit 1990.

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Je lisais cette phrase, assise sur un muret au bord du fleuve Rhône. (Oui, on vous montrera, un certain jour, le muret - avec quelqu'un d'autre assis dessus-), et je trouvais DELEUZE curieusement "Shadokéen". Comme chacun sait l'ancienne géométrie Shadok repose sur un postulat immortel:

"La ligne droite est le plus long chemin d'un point à un autre"

Après quoi, je me suis sentie en droit de me demander où allaient tous ces gens ...

Photo: Les berges du fleuve-Rhône sont impénétrables (le samedi ), berges aux marches grégaires, de pont en pont, la fourmillière. C'est pourquoi on est beaucoup mieux assis sur un muret. (J'allais écrire : "assis sur un billet" ; mais les positions de recueillement se réservent pour le billet suivant ou précédent selon la logique de chacun).

Berges du Rhône soliloquant à voir ici ↓

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/06/03/mo...

Vu à Lyon. Un samedi de Mai 2009. © Frb

mardi, 10 février 2009

Passage...

"Douceur de n'avoir rien à dire, puisque c'est la condition pour que se forme quelquechose de rare ou de raréfié qui mériterait un peu d'être dit"

Gilles DELEUZE in "Pourparlers" 1972-1999. Editions de Minuit. 1990-2003pierre .JPG

Ceci n'est pas une pierre de Rosette. C'est juste une pierre à Lyon, juste après la traboule "apprivoisée", tout en haut d'un escalier, quelquepart dans un passage du nom de Thiaffais... Mur des lamentations ? Matière pure livrant au regard la couleur pâle et le relief ? Une surface où rien ne s'inscrit, sinon le tracé silencieux du passant cherchant une fenêtre ... Ou rien. Une respiration...

enfin ?

Peut-être.

Photo : Lyon. Mur nu. Passage Thiaffais. Février 2009.© Frb

samedi, 07 février 2009

Passer "entre"

Qu'est ce qui se passe "entre" ?

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Et comment passer "entre" ?

N'ayant pas la formule magique pour vous aider à devenir (terme cher à G. DELEUZE) des "intercesseurs", une fois de plus, je vous laisse avec les questions... Vous pouvez aussi vous exercer avec l'image, à l'art de la contorsion libre, je ramasserai les blessés pour en faire des billets. (Rien ne se perd tout se transforme). Allez ! Courage !

A propos de G. DELEUZE et des "intercesseurs", je vous recommande vivement la lecture de cet entretien avec le philosophe paru dans "l'autre journal", datant de 1985, repris dans l'ouvrage magistral "Pourparlers". Cette proposition, là, au moins, ne pourra pas vous faire de mal : http://www.paris-philo.com/article-4085506.html

Photo: Vue serrée sur le Ciel de Charolles. Décembre 2008. © Frb

dimanche, 24 août 2008

Perpétuel - Sauvage

" Il faut parler de la création comme traçant son chemin entre des impossibilités"

Gilles DELEUZE in "Pourparlers" - Les éditions de Minuit - 1990 /2003

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