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dimanche, 31 janvier 2010

Là où nous ne sommes pas

A vendre les Corps, les voix, l'immense opulence inquestionnable, ce qu'on ne vendra jamais. Les vendeurs ne sont pas à bout de solde ! les voyageurs n'ont pas à rendre leur commission de si tôt !"

ARTHUR RIMBAUD : extr "Solde" in "Illuminations". Librairie Générale française 1984.

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Pour lui plus activement, j’utilisais mon influence en l’aidant à porter le plus lourd bonheur au sublime. Une fine vapeur, et je crus voir s’ouvrir le ciel, des années de jeunesse, un premier mot dont je réalisais qu’il était de la plus grande importance. En louanges serrées, dans cet aimable lieu où les roses griffaient les murs, me revenait toujours le son volumineux d’un adage pendu aux fresques de Janvier. De toiles lues dans l'ombre en descriptions de runes, je vis venir la nuit dévorer le matin. Une vision où l'espace balayé par les brumes traînait des fusées lentes et des flacons de vin.

Pillage et contrebande, paradis sans cépage, coupé tout net à la racine. Pour lui plus activement je remuais les trains en m’étonnant qu’ils glissent ensemble sur tant de lignes à la même heure et en même temps. Des cahiers de jeunesse d’un goût très raffiné s'effeuillaient dans la moleskine. “puisque vous êtes si bête, enfin... me disait il... il serait doux de nous trouver bêtes en même temps, un jour, ou deux, entre ces lignes".

En attendant, j'apprivoisais sous les voûtes romanes des animaux bizarres à ventres de fourrure. Tout cela paraissait de l’ordre du devoir et du travail bien fait.

Pour elle plus activement, avec des gants blancs de jardin, il remuait le ciel, la terre en s'amusant, et je renversais tout sur un nid de serins où se liaient patiemment les digitales brunes.
Ensuite je rentrais au logis. Il y avait les horaires des trains et ceux de la toilette du troupeau d’élandins qui dans mon esprit se mêlaient, c’est ainsi que souvent, je mettais la ligne après le point, et le chapeau du i sur les ê. Les trémas restaient dans ma main. Pour ne pas me faire prendre j'accentuais les graves.

”Puisque des jours ne t’ont laissé qu’un peu de cendre dans la bouche” (1) ...

Pour lui plus activement, je mélangeais mes cigarettes aux fumées des usines, mes poumons me semblaient plus grands. Les bons amis assis sur des petites chaises conversaient de nous au salon.

Pour lui plus activement, je déposais dans la rivière des gros cailloux, des petits bonbons effervescents, tout enrobés de réglisse et de zan qui pétillaient dans l'océan. Les trains transportaient des ébats et des sacs à dos en peau de chèvre. Dans cet aimable lieu, des baisers de géants explosaient les séries de chaises. “La vie est donc éparse à ce point !", nous disions-nous gaiement. Les amis tombés de leurs chaises trouvaient qu’on ne tournait plus très rond, et dans le wagon Treize du rapide “Rhône-La mer”, des hommes chargeaient les épuisettes des pêcheurs de petits bonbons.

Ainsi tout de travers, j’entrais sous une chappe pour lui dans ce silence
qui régnait au salon. Elle repeignait les chaises, et je vis notre rêve renaître doucement :

Tous les gens du salon, se transformaient en chèvres.

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Nota (1) : Cet extrait cité plus haut, a été emprunté au poète Paul-Jean TOULET

Photos : Un des murs des menus plaisirs ou des pires lamentations, (tout dépend des jours), vu au coeur de la Baraban (pour les gens), "pissenlit" en patois, (pour les bêtes). Quand en hiver, les murs racontent l'histoire de l'art ou celle de la peinture... Photographié l'année dernière, rue Baraban du côté de Paul Bert à Lyon © Frb.

samedi, 30 janvier 2010

Ma soirée avec Roland

Ma soirée du Mercredi 3 février à 20H30 pétantes, je la passerai à écouter Roland Thévenet, qui donnera une petite causerie, (d'autres diraient une conférence), intitulée "Reflets du territoire dans la littérature Lyonnaise", proposée par l'esprit Canut. C'est au cinéma St Denis, N° 77 de la grande Rue de La Croix-Rousse à Lyon. Ceux d'en bas prendront la Ficelle, pour rejoindre la "colline qui travaille" (direction Métro Croix-Rousse), l'entrée ne coûtera que 5 euros. Pour une soirée qui s'annonce d'ores et déjà passionnante.

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ROLAND, c'est notre ami ROLAND THEVENET alias SOLKO, pour les glaneurs habitués à balader leur truffe de blog en blog et ceux qui ne connaissent pas encore quel style de soirée nous prépare le "causeur" (ou le conférencier disent les belles personnes), ils peuvent aller faire un tour sur le BLOG à SOLKO, dont certains disent déjà qu'il est "blog cultissime". Mais Solko n'aime pas trop les formules à la mode. Avertissement quand même aux personnes non prévenues, si l'on s'y plonge une heure, il se peut que la lecture dure toute la journée, tant les billets foisonnent et tant on en apprend, et plus on en apprend plus on veut en connaître. Il est comme ça SOLKO alias ROLAND THEVENET. Il nous transmet sans peine, l'envie à la fois de lire, de se promener et de chercher aux racines de quel bois nous sommes faits. Voici le lien à visiter pour une mise en bouche :

http://solko.hautetfort.com/

Cela vous donnera sûrement une idée. Et l'envie de vous rendre, à la causerie, dont on sait par avance, qu'elle sera éloquente et finement érudite.

Reflets du territoire...

Il s'agit bien de voir comment le territoire (deux fleuves, deux collines) et les quartiers pour pauvres et pour riches au fil des siècles ont laissé leur empreinte dans ces romans si délicieux dont on ne parle plus ou presque. Si l'on n'en parle plus, c'est donc qu'on ne les lit plus ? Question. Il ne serait pas étonnant que la causerie ou conférence nous insuffle quelques envies, en plus de son thème car le causeur est tellement à coeur dans ses sujets et les mène si loin, qu'au retour de la conférence, il y a fort à parier qu'on aura la tête mieux faite.

Pour tout savoir vraiment à propos de la causerie même, je relie ce billet à l'annonce officielle qui se trouve au domaine du Roland :

http://solko.hautetfort.com/archive/2010/01/12/b328bc2a39...

Après quoi la maison (qui a bon goût) ne saurait que vous recommander vivement cette soirée, j'ai regardé le programme de mercredi dans le Rama Rama à 20H30, c'est désolant, il n'y a rien que de la daube à télé. Alors c'est décidé ! moi je passerais ma soirée du mercredi 3 Février au ciné st Denis (CIFA) avec Roland, (et personne d'autre). Les causeries se font rares, et puis c'est tellement beau, les pages d'un livre, les encriers, traversés par un territoire. Je ne saurais rien vous dire de plus...

Nota : no ognire encroe à ectet ehure is al nefi rufle ud charmillon iqu se pladécera en êcachle prou jionredre les traspintons d'honrune ud CAFI,  ratradui émusintlament la froncérence en charmillon, Dralon Vhettene blemsait ride uqe nno. Nifamelent, ec t'nse teupêrte sap supl lam...

samedi, 16 janvier 2010

Mes nuits sans Georges

"Nous avions trop bu de bourgogne nous bûmes du champagne nature"

ROBERT DESNOS "Voyage en Bourgogne". Editions Roblot 1975

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Georges passait toutes ses nuits auprès de mes amies.
C’était au prix de telles frayeurs qu'on pouvait se sentir en vie. Tout cela semblait peu de chose. Une saveur sur un faisan bleu. Un peu de mercure sur la langue. Et, moi avec tous les amis de Georges, je glissais dans les mauvais lieux, pour commander des vins d’Alsace ou de Bourgogne. Les bonnes compagnies usurpaient ce que l’être (parfaitement spongieux), absorbait d’empathie. Il nous venait sans y songer, un brin de vague à l’âme. Libres, enfin sans soucis, nous picorions jusqu’à l’aurore, des moitiés de glaçons dans de grands verres aux reflets sombres et des vitraux vermeils tombaient sur la rigole. Nous plongions là, nos lèvres entre les flammes d’une bougie pour humer sur les terres du hameau de Brouilly tout le fruit du vignoble.

Georges passait toutes ses nuits à jouer au frisbee.
Et moi, avec tous les amis de Georges, je glissais dans les mauvais lieux pour casser le frisbee de Georges, le transformer en confettis.
Il y avait là, des musiciens qui nous tapaient dans l’oeil et des machines affreuses soudain reprenaient vie. Des Nagras, des poulies, et des marteaux piqueurs nous broyaient gentiment en déterrant nos morts quoique depuis longtemps ils fussent portés au loin. Il nous venait encore sous ces moulures d’or, l’idée qu’il n’était pas vain de jeter, une fois, un dernier dé, avant demain.

Georges passait toutes ses nuits à lire Maïakovski.
Et moi, avec tous les amis de Georges, je jouais à la coinche sous la frisette ornée de décalcomanies dans un pub irlandais à trois villes de chez Georges. Les regards d’autrefois qui nous accompagnaient n’aimaient plus la splendeur du monde, et les penchants secrets, suppliaient sous la lune : "que la brume de Janvier nous transforme en toupies !". Nous étions mécontents des bonnes compagnies, et l’arcane manquant au jeu de l’imagier, nous l’avions remplacé sans la moindre vergogne. Titubant sur les planches et entre les tapis, je tombais dans les bras de Lancelot et D’Hector en rêvant d’Alexandre et pour l’amour de Georges.

Georges passait toutes ses nuit à prendre des taxis.
Et moi avec tous les amis de Georges, je croquais des olives et puis des cornichons affalée sur une sorte de lit à tête d'ange. La télé diffusait des extraits d'explosion. Par terre, la vie s'empressait sur les coeurs, les yeux fermés dans la bouclette, nous embrassions des nus idiots, des têtes de chats, des rouflaquettes, et en relief, les épais croisillons des revêtements de sol tatouaient notre peau. Ces douceurs me semblaient d’autant plus éprouvantes qu’elles m’étaient infligées par Georges. Dans la cuisine, sans electricité, valsaient des casseroles qui ressemblaient, on aurait dit, à des petits bateaux .

Georges passait toutes ses nuits à écouter Claude Debussy.
Et moi, avec tous les amis de Georges, j’allais finir aux caves de l'Opéra Mundi ou à la Scala de Vaise. Les estampes, les danseuses de Delphes hantaient les touches du piano. Les cornes de brumes des caravelles qui revenaient de l’île barbe sonnaient aigues comme des crécelles. Pour dix euros on avait mis la liqueur en bonbonne, qu’on blottissait dans les bras des vieux beaux, qui payaient tout et nous emmenaient en auto, jusqu’au bord de la mer. Nous donnions dans le sable des petits coups de pelles, qui faisaient rire les mouettes, et les vagues moussaient sur nous comme du champagne chanté par des baleines.

Photo : La valise à remonter le temps. Photographiée dans une vitrine de la rue Terme, très exactement. Lyon. Janvier 2010.© Frb.

jeudi, 14 janvier 2010

La rue de nuits de nuit...

Dans la nuit
Dans la nuit
Je me suis uni à la nuit
A la nuit sans limites
A la nuit

HENRI MICHAUX : "Dans la nuit" in "Plume". Edition Gallimard 1963.

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"L'Aru denu ivud enui : petite musique  d'INUIT
podcast


Rue de nuits = le S a son secret qui vous glacera le sang ➞ ICI

Ouïr le son de la nuit ➞  HERE

Photo : Deux nuits . Lyon, Croix-rousse. 2009.© Frb.

 

mardi, 12 janvier 2010

Dans la nuit mince et blanche

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Dans la nuit mince et blanche, dorment les grands connaisseurs de la réalité, qui forment en rêve à leur image le derniers fils de la famille, pour mieux le noyer au matin.

Dans la nuit mince et blanche, je me lie à Vitrac au dessus d’un bordel de fringues
 ou le corps pris sur l’étendage, un hamac laid comme une filoche pendu sur un bec de mésange.

Dans la nuit mince et blanche, j'effeuille un almanach, datant de la fin des années 30, "la maison du papier gommé", un article documenté sur la vie du scaphandrier. Plus loin, en d'autres pages, (une revue de 1960), il y a des cathédrales vivantes, le détail d’une voûte romane, l’énoncé d’un paquet de chocos. Des palets d’or rampent sur les plinthes, l’engagement (Lu) du "sachet-fraîcheur" avec une pointe de sucre roux et 3,0 gr. d’amidon. Tout ça court sur la croûte terrestre en brulant longtemps les étapes: la Perse, l ’Assyrie et Byzance, jusqu’aux formes octogonales qui se combinent dans les absides désordonnées d'un pur style hybride ogival du genre pré-Nabirosinais.

Dans la nuit mince et blanche de gigues et de pavanes, j’accepte la place offerte.
 Par la voix tonnante de l’ancêtre qui illumine à coups de bêche, ce coeur qui se trouve sous ton pied.

Dans la nuit mince, je mange. Et goûte aux vins d'Etienne, à la faveur des jours qui passent, quand d’un paradis entrevu de l’autre côté du vitrail, nous ne glissons plus que des neiges fondues sous un coin d'oreiller. (Or la petite souris qui n’est pas dupe, ni plus folle que la guêpe, continue de nous tarauder), et nous trinquons à sa santé :

"A la tienne Etienne, à la tienne mon vieux !" .

Dans la nuit blanche, j’en pince pour les boiseries poncées mais je hais la frisette à teindre. J’y décloue ta mèche obsolète, tôt remplacée par l’accroche coeur d’un joli moniteur de luge.

Dans la nuit mince et blanche, le lis amer réinjecte son trac, naît ou meurt selon. Pénètrant le sillon, un tourne-disque carossé tombe dans la SPX. Il ne restera plus qu'à tirer les cordes du piano, à les frotter longtemps, au papier à musique. J’aime l'art acousmatique : John Cage dévoré des limaces, la flêche de Denis l'endrômé, Michel, qui n'arrête plus le regret et les doigts du grand Luc caressant les étoiles. Plus tard, les autres viendraient, (des bons copains aussi), avec d'étranges boîtes...

Dans la nuit mince et blanche, une masse de bouc a siphoné ma plume de paon ou de dindon, et je ne m’en porte pas plus mal. "Mieux vaut dindons que paons" a dit le Duxo Yaka Charmillon. Et nous revoilà une fois encore sur "le chemin des poneys !" mon talon d'archimidinette, se tort un peu sur les cailloux mais s'il retombe dans les fougères, il sait s'en contenter. "Un rien, Madame, vous rend si belle". (Giroflées, trèfles doux, émouvantes noisettes). Dix balles de billes à faire rouler sur le toit d'une chapelle, l’éclat doré du solitaire comme une chiure de coucher de soleil épousant les tonalités des grands yeux fendus en amandes de l'élandin.

Dans la nuit mince et blanche, Lord Jim erre de port en port. Et je me demande si je ne préfère pas les braves types aux grands seigneurs. Si je ne préfère pas le sanglier au porc, si je ne préfère pas le modillon au Sacré Coeur. Et s'il fallait vraiment choisir (quelle connerie, cette supposition), pourquoi choisir "entre les choses", pourquoi ne pas choisir "un peu de tout" ?

Dans la nuit blanche, pyramidale, je ris seule parmi des objets d'une stupidité qui m'agrée et de nombreuses soucoupes volantes portent plus loin les présomptions. Orné de trois pépins d'orange et d'une bonne quinzaine de mégots, l'oeil-bouton de l'ours Pitou tiendra bien jusqu'à demain soir. Un grain perdu au centre d'un pot (dont je n’arriverai jamais à calculer la circonférence avant l’aube). Soudain, j'ai  besoin de vacance, (se pourrait-il d'absence ?), ou de disparitio...

Dans la nuit mince et blanche, j’entends les perroquets et la belle de Croisset qui écarte les jambes. Le voyou qui fuyait son petit chien me relance. tout ce que j'ai à lui dire tient sur un tas de cendres au fond d'une boîte à thé.

Dans la nuit mince et blanche, je me surprends à aimer Jack Palance. Et Brigitte qui s’envole dans les bras d’un idiot, de Capri vers la mort, après, quand c’est fini, on retrouve le silence. Puis à 6 h00, reviennent les camions des poubelles, la nuit qu'on cambriole, la fin des haricots. Les dés sont rejetés. Alors naît l'envie folle de construire une pirogue. Ou de partir en catastrophe dans une petite auto.

Du genre Rolls Royce.

IMG_0262.JPGPhoto 1 : La neige blanche et mince photographiée la nuit entre la route qui mène au Mont St Cyr, et le "Chemin des Poneys"...

Photo 2 : Un drôle d'être humain dans une drôle de petite auto. Vu au petit jour, sur le chemin  dit de la "Grande Terre" ou de la "Belle Neige". Nabirosina. Janvier 2010. © Frb.

dimanche, 10 janvier 2010

L'air du temps et les métamorphoses

"L'organisation terrestre est ainsi construite que l'Atmosphère est la souveraine de toutes choses et que le savant peut dire d'elle ce que le théologien disait de Dieu lui-même : en elle nous vivons, nous nous mouvons et nous sommes. Condition suprême des existences terrestres, elle ne constitue pas seulement la force virtuelle de la Terre, mais elle en est encore la parure et le parfum. Comme une caresse éternelle enveloppant notre planète voyageuse dans une affection inaltérable, elle porte doucement la Terre dans les champs glacés du ciel, la réchauffant avec une sollicitude incessante, charmant son voyage solitaire par les doux sourires de la lumière et par les fantaisies des météores"

CAMILLE FLAMMARION (1842-1925) : "L'atmosphère : météorologie populaire". Edition Hachette 1888.

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Il était difficile d'avoir quelques nouvelles, les phrases arrivaient dans le désordre sur cette moire dont les cristaux nous lacèraient le sang. Quelques uns se sentaient enfermés dans la neige. Les infos se colportaient par coupons aberrants : "Météo France a levé toute sa vigilance [...] (orange, qu'elle est la vigilance !) mais la neige ne s'arrêtera pas de tomber pour autant" (!). Un journaliste sorti des grandes écoles, annonçait pour Grenoble, vingt centimètres de neige un évènement (dixit) "sans précédent" (depuis 2005 !!!). Cette brouillasse d'information humaine fit le tour de la terre presque instantanément. On aurait dit que tout l'hiver, sa couleur et son blanc, venaient aux spectateurs gobés tout crus par les nouvelles, en cette "exceptionnelle saison sans précédent". Chacun encadra les pépites pour en rire jusqu'au printemps. Les vieux d'ici scrutant le ciel, racontaient que "les vrais ploucs finalement étaient ceux de la ville". Et l'on se régalait, empalant la carotte sur la bouille du bonhomme de neige. On se délectait aussi du vieux sens paysan tandis que le Bébert hilare sous sa casquette, rattrapait son basset par le haut des oreilles : "il se sauve tout le temps c'tu foutu tsin ! il l'en veut après La Youquette". Alerté par les aboiements, le maître de La Youkette, sortait de sa cour en remontant sa culotte de velours. Et du chemin, sa grosse gueule violette qui bougeait toujours en parlant de gauche à droite, de droite à gauche hélait le Bébert et regardait La Youkette slalomer entre les barrières puis retomber sur ses pattes avant : "Ah ben vindiou ! toutes ces bestioles, c'est bien plus agile que les gens !". Il récitait par coeur une liste d'accidents lus dans la Renaissance d'hier. Puis tout s'assombrissait en causant de "la Marivette" dont le fils aîné était mourant. Le visage soudain renfrogné du Bébert, énumérait les endroits de tous les accidents qu'il y avait eu depuis la venue des neiges, à la sortie de la route express, et au virage de l'étang de "La prâle", sur la route de La Caillette. Le maître de La Youquette enchaînait : "Tant qu'y aura pas eu un car scolaire et des enfants morts dans l'étang...". Le Bébert écoutait, contemplant ses grandes bottes caca d'oie en caoutchouc collé au blanc, tandis que le basset, (avec ses pattes qui remuaient l'air) me regardait d'un air émouvant. Le Bébert dit que cet après-midi il mettrait dans les arbres des boules de graisse pour les pinsons, que demain il y aurait du brouillard à pas sortir de la maison, que le Philippe Seguin était mort, que la Marthe était dans le coma. Qu'il y avait encore eu un malheur, un grand malheur chez les Cantat". Il attendit en soupirant, la sentence de son gros voisin qui ralluma son bout de Boyard avec une sixaine d'allumettes et lança après avoir longtemps eu l'air de soupeser les évènements : "Ah ben ma foi que voulez vous c'est ben comme on dit à Vendenesse :

"Brouillards en janvier, mortalité de toutes parts"

Et malgré l'antidate au domaine, les lendemains tous pareils, (c'était mis dans le journal comme ça) = "tous fidèles à eux même, des lendemains sans précédents", se suivirent et se ressemblèrent. Des hommes aimés, des excellents se firent la malle. Et les sanglots du rude hiver fûrent absorbés atmosphériquement, tandis que le maître de la Youkette tournait les pages d'un minuscule carnet qu'il avait toujours dans la poche où se trouvaient le nom des Saints, les commissions, et les dictons pour les récoltes.

"Un mois de janvier sans gelée
N'amène jamais une bonne année."

"Si la Saint-Antoine (1) a la barbe blanche,
Il y aura beaucoup de pommes de terre."

"Garde-toi Du printemps de Janvier."

Ces adages comme des marelles se parcouraient à cloche-pieds. "Tu lances le palet, tu le pousses avec le pied, 1, 2, 3 ... jusqu'à 8 et tu sors !". Si le palet se trouve sur un trait, il faut tout arrêter.

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Plus loin des employés de la municipalité marchaient un peu à travers champs avec des cabas à carreaux ils s'en allaient jusqu'au hameau dit de "L'enfer" apporter du ravitaillement. Le Bébert parla de la Mado qu'en bavait trop avec son homme, faut dire que le Jeannot il trainait le soir à la Caillette avec des gars qui l'embringuaient, à jouer et à boire des canons. C'était lui qu'arrosait les gars. La Mado ça faisait des années qu'elle tirait le diable par la queue et trimait comme une sacrifiée pour pas que la ferme périclite. Quand l'Jeannot il rentrait, raviné au Clapion on l'entendait brailler jusqu'aux cabanes des pépinières, y'en a même qui disaient qu'il tapait la Mado. "Elle est brave c'tu Mado, et le Jeannot  il la mène" répondait le maître de la Youkette "Ben moi, ma feûne si je lui en foutais sur la gueule, ça se passerait pas comme ça ! et pis  c'est pas au mari à faire des choses pareilles! une feûne moi je dit que ça se respecte Vindieu !". Le Bébert tripota le pompon de sa casquette. La neige recommençait à tomber, bien drue. Les deux hommes se regardèrent longtemps, un vrai face à face de western dans un silence très velouté ponctué de "ma foi". Ils passèrent encore en souvenir tous les mois de l'année dernière, la première douceur de Janvier "qu'on ne connaîtrait ma foi pas c't'année" et les mois rassemblés faisaient encore un almanach : Plus de 300 préceptes pour la vie ordinaire et des dictons pour chaque saison :

"Regarde comme sont menées
Depuis Noël douze journées
Car, en suivant ces douzes jours
Les douze mois feront leur cours."

Les deux hommes se saluèrent et promirent de se revoir comme ils l'avaient prévu, au banquet pour la St Vincent. Les chasseurs de la giboulette, introniseraient leur président dans la petite salle du comité des fêtes, les vieux feraient cuire le sanglier, les biches, les perdrix, les faisans. La Youkette; le basset grelottaient dans la neige. Il était temps de rentrer. Le maître de la Youkette se retourna et lança l'épilogue qui résonnait dans la grande terre : "salut Bébert, et pis ma foi ! revoyure à la St Vincent ! y z'y ont annoncé que normalement après le 20 ça sera le redoux !" Le Bébert agita sa casquette, cria tout au milieu du champ une de ces phrases de bonne patience qui réenchanta le hameau. Dans cette tonalité parfaite, de moelleuses météores nous effacaient lentement. Tous fondus dans le paysage, nous retrouvions le paradis, juste là où il avait été crée. Cette fine allégeance mollissait en nos corps, biffait le cours des volontés, nous errions comme des plantes lourdes dans ce pays perdu. Le basset, La Youkette courant devant, truffaient quelques flocons. Sur le bout de la langue, quelques bribes savantes, déroulaient des oracles. Une vieille boule de cristal roulait sur les saisons. Il en était jeté de toutes les décisions qu'il nous restait à prendre...

"Saint-Vincent (2) clair et beau,
Plus de vin que d'eau." .

(1) = 17 Janvier - (2) = 22 Janvier

Photo : Neige au hameau et sur le chemin de "La grande terre". Nabirosina. Janvier 2010. © Frb.

vendredi, 08 janvier 2010

Tronche de neige 1

Ou le ravissement de l'hiver


Le petit bonhomme d'hiver serait sans doute encore plus ravi avec Melle la pleine lune mais comme Melle la pleine lune prend son goûter, je vous invite à aller l'admirer "du bout des doigts" sur le beau blog à Luc.

jeudi, 07 janvier 2010

Tronche de neige 2

15 secondes d'art contemporain rural


Elévation :  ICI

mercredi, 06 janvier 2010

Hameaux couverts

"Ils agonisent longuement dans l'herbe poisseuse, et le premier laboureur qui les découvre, à l'aube, imagine déjà les sombres histoires d'amour qui auréoleront le nom déformé de la victime, aux soirées d'hiver, dans vingt ans et plus. "

ROBERT DESNOS in "Le rêve de Foujita". Extr. de "Récits, nouvelles et poèmes". Editions Roblot 1975.

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Le silence revenait en écho. On attendait la neige. Lui, ce qui l'interessait ce n'était pas de regarder la neige. Mais de la fabriquer. Il avait fait courir le bruit, et la lumière avait baissé. Le lendemain sur les chemins défilaient des laines polaires. Dans ce chaos, lent, fascinant, glissaient des corbeaux freux et des pyrrhocorax graculus conversaient à coups de "schkwahk!  schkwahk !". Sur un chariot des paysans chargeant des sacs de sel, de sable parlaient d'une bonne femme dépressive du hameau où vivait la Francine qu'avait tué son homme à coups de carabine.

L'autre, ce qui l'intéressait ce n'était pas de regarder les gens mais de calculer comment la neige viendrait dans leur esprit, y déposer ce grain et la boule de givre qui roulerait sur les évènements, dévorerait les âmes impitoyablement. Le silence feutrait la rumeur, il y avait des on-dit. Au village alentour, une femme avait tué son homme parce qu'il courait. Chacun se demandait : "Son homme courait. Mais avec qui ?". Ils croyaient tous dur comme fer en la neige, celle qui ensevelit, quand leur bonne fée sournoise, viendrait à point fermer les pages remplies de l'encre qui coulait mais n'arrivait pas jusqu'ici. Et sous la paille mauve de la vieille Euphrosine, un épi malheureux caché sous la tripaille, le dernier mouvement d'un rêve anthropophage, ensanglantaient son lit. Ce qu'elle avait rêvé la veille, elle le racontait le lendemain. Et elle le racontait si bien, avec son gros bec de volaille, que tous les villageois se groupaient devant la mairie pour écouter jacter l'aigre et la chevrotine et ils en revenaient la langue bien aussi chargée qu'Euphrosine.

L'autre, ce qui l'intéressait ce n'était pas le bec d'Euphrosine mais le museau des rats qui mangeaient le ver du fruit en accouplant tous les on dit aux candiratonnailles. D'autres nuits revenaient encore, et des longs chats à poils d'or miaulaient sous les fenêtres de ceux qui l'année précédente, sous prétexte d'un voyage à Dyo, avaient donné des coups de couteau au contrat de mariage. La vieille qui n'avait jamais connu d'homme, regardait le haut de la montagne, l'oeil craintif, la croupe sertie dans des cotillons de maille beige frottés aux rosaces d'un panty. Ce que demandait Euphrosine : un geste favorable, c'était fabriquer de la neige avec lui. Sentir le clou dans cette entaille. Fondre dans ce délit.

Là haut, entre meurtières et murailles, l'autre regardait Euphrosine jeter des crosnes dans l'eau bouillie, marmonner seule les saloperies de ses rêves sur ses casseroles. Et ça faisait une vapeur peuplée d'ombres et d'odeurs molles, dont il enrobait Euphrosine qui ressentait alors de ces choses incroyables tout en bas de son ventre. Quand tout cela était fini. Euphrosine redevenait méchante. Autour de sa bouche, une bave. Et c'était reparti.

La neige on l'attendait, pour sûr ! Plus impatiemment que les Rois Mages. On l'attendait comme le messie. Ce qui sourdait dans cette attente déclenchait toutes les avaries et l'eau brune des boutasses du hameau des "Piques" à "La Pelaude", débaroulait sur les cabanes, recouvrait le bourg de sa vase. Un monde devenu limoneux. Mais le limon ne gagnait plus. Chacun restait dans sa cabane. Le coucou parfois chantait l'heure. Des pommes blettes sur un bahut, un peuple de pelles et de pioches, retranché dans ses cabanons, stockait son sucre, en tordant des reinettes dans des bouteilles d'alcool de poire. Tous ici attendaient la neige. Et si la neige ne venait pas, il y aurait encore un drame. C'est ce que racontait Euphrosine.

L'autre, ce qui l'intéressait, quand il fabriquait toute cette neige c'était d'en préciser le blanc. D'en extraire le pesant. Son point d'apparition. De perfectionner la matière, de la goûter jusqu'au moment où il pourrait s'en délivrer. Mais cette fois, il était en retard. Ces infinités de façons, le secret qui vient au flocon, toute la légèreté du cristal, étaient tombés de l'alambic. Et les cotillons de la carne, à l'heure où il crût en pleurer troublait le coeur du papillon qui redevenait larve. Ils avaient tous trop attendu. La méchanceté de la vieille allait faire des petits. L'autre savait qu'il n'y aurait pas assez de neige pour tout le monde. Il ne restait qu'une solution pour empêcher la méchante femme de faire grêler sur le pays des paroles pire que la gale.

A minuit environ, cela vint comme un mauvais charme dans le cabanon d'Euphrosine. Un portail grinça au jardin. Elle se retourna dans son lit, avec son grand bec de volaille, elle cria "Qui est là ?". L'autre avançait à pas de chat, un corps lourd de bête docile et doré comme du pain d'épice. Elle lui tendit les bras, de grands bras en lambeaux. Son bec claquait gaiement, elle bêla : "Tu es beau". Il entra dans le lit, posa doucement sa bouche sur le cou de l'épouvantail et répondit "C'est moi, tu vois, je suis venu". Euphrosine succomba trois fois et sentit par trois fois la neige velouter ses entrailles. A six heures du matin elle s'éveilla seule dans son lit. Il faisait encore nuit. Devant la glace elle s'aperçut que son bec de volaille et le sang sur ses draps avaient miraculeusement disparus. Elle attendrait le petit jour pour en informer le village. Elle désirait que tout le monde sache qu'elle était une autre Euphrosine. Elle demanderait pardon aux habitants, à Jésus, à Sainte Euphrosine. Sous le châtiment du bavard elle irait dire des "Notre Père" à l'Eglise de Bois Ste Marie. Jésus lui pardonnerait contre une messe et des prières, les habitants seraient sans doute moins indulgents, mais ils s'habitueraient. Parce que l'autre, un jour, tôt ou tard, finirait bien par l'épouser.

Le journal avait annoncé quinze centimètres pour la nuit. La Francine réfléchissait. En y allant à dos de mulet elle pourrait arriver aux "Piques", juste avant le lever du jour. C'était un vieux pari stupide. Elle avait promis au bon Dieu que si la neige ne venait pas le 6 janvier exactement au moment du lever du jour, elle dénoncerait Euphrosine. L'autre qui tirait les plans et la neige dans ses alambics ignorait tout du dénouement. Puisqu'il n'y avait pas assez de neige pour tout le monde, il les laisserait ensevelir.

Le jour vint, sans un petit flocon, sans la moindre gouttelette de givre. La Francine à dos de mulet dépassa le bourg de Dyo. Euphrosine pour la première fois, avait mis du senbon, et nettoyé sa paille mauve au Palmolive. Parée d'une toque en Astrakan on pourrait la trouver aimable sans son bec de volaille. La Francine arriva très tôt. Bien avant Euphrosine. Elle avait eu le temps de sonner à toutes les portes, d'avertir les gens du pays. Quarante trois cabanons, plus les maisons des "Piques" et celles de "la "Pelaude". Euphrosine partit en chantant dans sa nouvelle peau d'Euphrosine. La Francine qui parlait jamais mais regardait tout derrière sa vitre, donna le nom de celle qu'avait couché. Quarante trois cabanons, autant de carabines. Euphrosine n'eût pas le temps d'atteindre la place de l'église. Ils visèrent tous en même temps. L'autre rangea ses alambics. Il y eût une mare de sang sous un ciel assez dégagé.

IMG_0049.JPGPhoto 1 : La frontière du hameau des "Piques".

Photo 2 : Le son d'un pas sur "La Pelaude".

Photographiés vers l'ancienne maison d'Euphrosine, par l'autre. Nabirosina. Janvier 2010. © Frb.

lundi, 04 janvier 2010

Appréciation du jour et des saisons

Ô fins d'automne, hivers, printemps trempés de boue,
Endormeuses saisons ! je vous aime et vous loue
D'envelopper ainsi mon coeur et mon cerveau
D'un linceul vaporeux et d'un vague tombeau.

CHARLES BAUDELAIRE : "Brumes et pluies" in "Les fleurs du mal", éditions Gallimard 2005.

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Le cycle saisonnier a obsédé le XVIIIem siècle. La fin du XVIIIem siècle et le début du XIXem se sont révélés décisifs. On commence à lire dans les journaux et les carnets, l'accord entre l'être intime, le sentiment du moi et les évènements météorologiques. "Les baromètres de l'âme" pour citer notre ami Jean Jacques qui s'appliquait à capter l'éphémère. Une correspondance s'établit entre la variabilité de l'être et celle de l'état du ciel. Le nuage, la brume ou la pluie affectent profondément l'être. Les carnets de JOUBERT sont un exemple parmi d'autres. Il  nous a légué des pages étonnantes de modernité sur les sentiments éprouvés par l'individu sous l'averse.

Lors d'une enquête réalisée à la fin des années 90 de notre siècle sur le brouillard par Lionnette Arnodin "A la poursuite du brouillard, énigmes et mystères", 275 individus furent interrogés, afin d'analyser la manière dont ils percevaient le brouillard. Pour beaucoup, le brouillard paraît coloré. Les personnes interrogées utilisent fréquemment le suffixe "âtre" (Blanchâtre, grisâtre, bleuâtre), il est perçu sans odeur, tout au plus il peut évoquer l'humus, odeur de terre que l'on croit respirer. Il constitue plutôt un moment pour les hommes et un lieu pour les femmes. Il est apprécié parce que doux, moelleux, ouaté mais aussi esthétique, poétique, silencieux. Il est "L'effaceur de ce que l'on ne veut pas voir". Il n'est pas apprécié, parce qu'il est froid, dangereux, hanté, évoquant les cimetières et la mort, porteur de signes mystérieux qui inspirent la crainte. Il semble plutôt lié au diable qu'à Dieu. On l'associe souvent à la fumée, à la ville de Londres, aux fantômes et aux labyrinthes. Il inspire une peur archaïque parce qu'il isole, masque, étouffe, absorbe. Les enfants détestent le brouillard, les hommes l'apprécient peu, les femmes l'apprécient davantage. Le plus intéressant, c'est qu'il n'existe guère de rapport entre la réalité du brouillard et sa représentation. Par exemple, il est moins fréquent en Bretagne que sur la côte d'azur, il n'est pas aussi présent qu'on le croit en Angleterre  bref ! (je vous épargne la carte du monde). De toute évidence nous nous sommes construits une géographie du brouillard, qui est en fait, une géographie imaginaire issue probablement de nos lectures. On s'imagine qu'il y a du brouillard dans les contes, alors qu'il y en a peu, mais par contre la forêt dans les contes est toujours présente or il nous plaît d'associer le brouillard à la forêt. On s'imagine qu'il y a brumes et brouillard dans les oeuvres de SHAKESPEARE, alors que l'auteur l'a rarement spécifié. Même chose dans les romans de CONAN DOYLE, "Le chien des Baskerville" (pour ne prendre qu'un exemple au hasard) ou pour "Le Grand Meaulnes". Peut être parce que notre esprit se représente toujours SHAKESPEARE avec des fumigènes ? Et que dans un "Grand Maulnes" (du genre vu à la télé, ou au ciné) il y a du brouillard, effectivement. L'appréciation dépend aussi beaucoup du vocabulaire. Celui qui définit les météores en différentes langues n'est pas si précisément transposable. Dans la "Divine Comédie", il est question de "fumi" que l'on traduit tantôt par fumée, tantôt par brume, ou encore par brouillard. Le brouillard est féminin dans certaines langues, masculin dans d'autres. Le brouillard a aussi longtemps été associé à la nuit, figurant le lieu des sorcières. Dans la littérature de HOMERE à nos jours, il symbolise une frontière entre le sacré et le profane. Il augure le passage dans l'au delà. Il sépare la terre du paradis. Il permet l'accès à un monde où se retrouvent ceux qui ont manqué à leur parole, ceux qui ont été infidèles en amour. Enfin, le brouillard nous signifie l'ensevelissement, la pénitence, le châtiment. Mais ce que je préfère dans le brouillard, c'est son aspect délimité sous formes de lambeaux ou nappes, son étrangeté peuplant notre imagination de créatures improbables. Cette béance de la croûte terrestre, ouvrant un monde où les génies, la dame blanche, les lavandières de la nuit... les vaisseaux fantômes,  ou les arbres gommés, quasi pantelants, quêtent un lent supplément à la nuit, et invitent insidieusement l'homme à vouer son âme au purgatoire.

Un certain jour (pas trop promis) je vous parlerai peut-être de la pluie, de l'ouragan, ou de la neige si la Dame blanche ne me mange pas.

Ces notes ont été largement tirées du livre d'Alain CORBIN "L'homme dans le paysage" paru aux éditions Textuels (2001), dont vous trouverez quelques extraits : ICI

Variation sur un même thème, à voir :

http://www.dailymotion.com/video/x24p1i_nuit-et-brouillar...

http://www.youtube.com/watch?v=1djGyCj1vCk

http://www.youtube.com/watch?v=26DRA09tTik

Et comme tout finit par des chansons, à écouter :

http://www.deezer.com/listen-288401

http://www.youtube.com/watch?v=NqlpymCyGu0

Photo: La naissance du brouillard photographiée au pied du mont St Cyr en Nabirosina. Le 04 Janvier 2010 .© Frb.

dimanche, 03 janvier 2010

Se faire couler un bain

29 secondes de toilette dans la salle de bain de l'élan.


samedi, 02 janvier 2010

Ce qu'on entend par paysage

"La vraie horreur de la nature consiste à préférer sincèrement les tableaux aux paysages, et les confitures aux fruits"

Les FRERES GONCOURT : "Journal tome 1, 10 Juillet 1865

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Nous lisons les paysages d'une manière distanciée. Nous restons spectateurs parce que nous nous soumettons au primat de la vue cela, depuis la renaissance. Chaque société a établi sa propre hiérarchie, et surtout la balance entre les sens. Ses membres sont soumis à des modalités particulières de l'attention. Ainsi, nous apprécions l'espace en fonction d'un quasi monopole de la vue. Le paysage nous apparaît, le plus souvent comme une lecture face à un espace donné. Face au paysage, on se pose et on regarde, à la fois face à lui et en dehors. Et pour celui qui le regarde, souvent le paysage devient un tableau.

Le regard des courtisans français du XVII em siècle et du XVIII em était largement déterminé par la peinture. Ces aristocrates avaient l'habitude des salons et ils s'en allaient dans la nature, vérifier ce qu'ils connaissaient par la représentation. Il était habituel, par exemple de se rendre à Dieppe, non pour se baigner mais pour manger des huîtres et du poisson. MARMONTEL écrit : "Je suis allé à Dieppe, mais je n'ai pas vu la mer". En fait, il avait vu la mer au sens où nous entendons l'expression. Or, ce jour là, la mer était calme, alors que les marines notamment celles de Claude Joseph VERNET, (que NERVAL évoque dans "Voyage en Orient",) figuraient la mer démontée, celle du naufrage et du sublime. MARMONTEL était venu contempler cela et il n'avait pas vu la mer. D'autres courtisans, à la même époque, relatèrent leur grande déception. La mer à leur yeux, qui était la plus belle, (peut-être la plus vraie), restait celle contemplée dans les tableaux, du peintre Claude Joseph VERNET.

Plus tard, la vue se modifia par la mobilité. Déjà la plage telle que nous la connaissons au XVIIIe siècle n'était pas soumise à l'unique message visuel. Certes, l'appréciation du panorama constituait l'essentiel, mais on s'interessait aussi au contact : le sable sous le pied, la chevauchée sur les grèves, l'eau sur le corps, l'expérience neuve de la fusion avec l'élément liquide, l'affrontement avec la vague  en même temps que naissait l'exaltation de la transparence. Tout cela fit que le paysage se trouva associé à cette cenesthésie qui devenait alors une sorte de sixième sens où le corps s'appréhendait telle une centrale de sensations.

Mais aujourd'hui encore, il est sans doute très regrettable que le discours sur le paysage n'ait de vérité qu'au seul titre du regard. Pourtant ce n'est pas la seule attitude possible. Nous avons ici évoqué les travaux de R. MURRAY SHAFER, qui lança au cours des années 70, la notion de "Paysages sonores" (Soundscape). Celui ci est différent du paysage visuel, car il concerne à la fois, l'espace et le temps. Or chacun sait qu'aucune configuration sonore n'est durable. A part quelques bruits continus, le fond sonore n'existe pas. En revanche lorsque nous contemplons un espace, il se peut qu'il soit animé de mouvements, mais celui n'en reste pas moins sous nos yeux. Nous savons presque à coup sûr, ce que nous regardons. Mais quand nous entendons un bruit, il est souvent difficile d'en reconnaître la source. Enfin le paysage sonore pénètre dans le corps propre. "Le paysage sonore absorbe, exorbite, possède", écrit encore Jean François AUGOYARD. Cela est aussi très sensible dans le projet de MICHELET qui entendait procéder à une résurrection du paysage par l'évocation (entre autres) des sonorités. Afin d'inscrire le lecteur à l'intérieur même de paysages passés. Cela est une autre longue histoire, qui ouvrira le second volet d'un sujet s'attachant très précisément au paysage sonore, et que je vous présenterai, un autre certain jour...

Ces notes ont été largement tirées du livre d'Alain CORBIN: "L'homme dans le paysage" - entretien avec Jean LEBRUN - paru aux éditions Textuels, (Septembre 2001).

Photo: Je ne suis pas allée à Dieppe, pourtant j'ai vu la mer.  Photographiée pas très loin du bercail de l'Alphonse. Nabirosina. Un hiver en fin d'après midi. © Frb

06:28 | Lien permanent

vendredi, 01 janvier 2010

Un nouvel élan à partir d'aujourd'hui

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Lectrices, lecteurs, mes chers compatriotes,

Les objectifs ont été remplis. Le bilan est positif. Il s'agit maintenant de monter plus haut...

Nous en sommes tous capables. Et nous relèverons ce défi !

Durant l'année 2009, des millions d'hommes et de femmes (ils se reconnaîtront) ont mobilisé des forces phénoménales pour que vive certains jours. Lecteurs, commentateurs, ont oeuvré, sans relâche, pour que certains jours soit meilleur (soillent meilleurs ? sont meilleurs ?) et je les en remercie.

En 2009, par la grâce de ces voix (voies ?), venues de France et de Navarre, (Lyon, Paris, Mâcon, Ardennes, Belgique, New york, Suzy les Charolles, Bordeaux, Marseille, Canada, Arcueil, Couzon, Metz, etc... ), nous avons vaincu la morosité. Cette morosité dont on nous rabat rebat les oreilles, nous l'avons terrassée ici, (et là bas), sur l'autel de la joie et la bonne humeur, sur l'autel du savoir et de la poésie.

Qui parle de morosité ? Qui osera effleurer ici, le thème de la "morosité" sans rire toutes dents dehors ? Vous connaissez mieux que quiconque la raison de cette bonne humeur. Elle est inouïe et toute bête en même temps : nous nous sommes, élevés, simplement, à notre guise, ne formant qu'un seul corps (et quel corps !) afin de nous placer, tous, un par un, deux par deux, en file indienne, ou assis en tailleur, très au dessus de la morosité durant toute l'année 2009.

Quand je feuillette les pages du grand album de l'année écoulée, je n'en crois pas mes yeux.

En 2008, nous étions 5 ou 6 (c'était déjà pas mal), en 2009 les effectifs se sont multipliés, je ne dirai pas à la vitesse de la lumière mais presque. Nous étions des centaines, nous voici des milliers. Et c'est là notre force : nous n'avons pas baissé les bras à la première difficulté. Notre atout, et il est admirable, (sans vouloir nous flatter), c'est que la difficulté (qu'elle s'ouate soille première ou dernière) n'existe pas dans notre esprit, ni la facilité d'ailleurs. Ce qui existe, c'est AUTRECHOSE ! une chose plus GRANDE que cela. Cette chose qui n'a pas encore de nom à ce jour, qui court déjà sur ses petites pattes, nous allons la regarder venir. ENSEMBLE. Et nous allons la sublimer. Ensuite nous nous réunirons dans l'herbe pour en goûter la quintessence et nous ferons cela chaque jour de cette nouvelle année si ça nous plaît. Et si ça ne nous plaît pas, nous ne le ferons pas.

La grande idée, pour l'an qui vient, ne sera point que chaque pas soit un but, (trop facile !) mais que chaque pas soit un (ou plusieurs) chemin(s). Et pourquoi pas un pont (en voilà une idée, pardon, Solko, je vous la pique !). Serait-il concevable à notre esprit, qu'on puisse se contenter d'un but ? De qui se moque-t-on ?

Sommes nous des personnes nées pour nous contenter ? Ah que nenni ! d'ailleurs à partir d'aujourd'hui, nous cesserons de demander, nous exigerons !

Notre priorité exulte : parfaire l'excellence. Mais pas n'importe quelle excellence ! une excellence de qualité. Je ne dis pas que ça se fera à coups de baguette magique. Je ne le dis pas, je vous le promets !

Voilà, mes chers compatriotes, ce que je nous souhaite pour 2010 et ce n'est qu'un prélude à la matinée de l'élan.

La montagne est très haute. Notre coeur est vaillant. La neige est blanche. La terre est ronde.

Des sommets nous attendent...

Ce billet est dédié à tous les lecteurs et commentateurs de Certains Jours (standing ovation) et comme ce jour est beau, je vous offre un RIMBAUD :

"Devant une neige Un Etre de Beauté de haute taille. Des sifflements de mort et des cercles de musique sourde font monter, s'élargir et trembler comme un spectre ce corps adoré, des blessures écarlates et noires éclatent dans les chairs superbes. Les couleurs propres de la vie se foncent, dansent, et se dégagent autour de la Vision, sur le chantier. Et les frissons s'élèvent et grondent et la saveur forcenée de ces effets se chargeant avec les sifflements mortels et les rauques musiques que le monde, loin derrière nous, lance sur notre mère de beauté, elle recule, elle se dresse. Oh ! nos os sont revêtus d'un nouveau corps amoureux."

Sur les trois derniers mots du poète sublime, je vous souhaite à toutes et à tous, une somptueuse année 2010 !

Nota : Afin de ne pas nous fâcher avec la CGE (Confrérie des Grands Elans) et l'ABDT (association des Beaux Daims de la Terre), et, pour ne pas éveiller les soupçons du très puissant CLA (comité des lecteurs abusés), Certains jours tient à préciser que notre élan n'ayant pas de pédigree, il pourrait s'agir d'un "Elandin", une espèce rare, originaire des Monts du Lyonnais, à ne pas confondre avec le "Wapiti" qui est légèrement plus foncé. (Les vétérinaires du Parc de La Tête D'or viennent de nous le confirmer). Je remercie tous les lecteurs (sauf un), de ne pas l'avoir remarqué.

Photo : Un nouvel élan. Vu au Parc de la Tête d'Or. Lyon. Décembre 2009. © Frb.