samedi, 16 juin 2012
Dans l'intervalle...
Où il sera vaguement question de l'interprétation des nuages...
Photo 1 : Où l'on peut avoir une petite idée de la largeur des rues qui forment les pentes de la Croix-Rousse, et un peu une idée des couleurs des façades. Je sais, c'est vague...
Photo 2 : Où l'on retrouve la demeure du Maître de Lyon qui tire les ficelles de la ville au secret dans sa tour octogonale, un endroit fascinant, éclairé la nuit, on se demande parfois quels secrets s'y cachent.. Situé du côté de Bellecour en Presqu'île. Place Antonin Poncet exactement.
Photo 3 : Où l'on apprendra que la véritable boule lyonnaise se joue un petit peu dans les airs et parfois sur la terre entre le clos Jouve et la Tabareau entre autres...
Photo 4 : Où l'on aura, un aperçu fragmentaire de l'immeuble aux 365 fenêtres, qui donne sur le jardin des Chartreux, vous ne pouvez pas le voir mais les gens qui vivent là de leur fenêtre, eux, le savent... En fait elle compte 378 fenêtres, c'est la fameuse Maison Brunet, un immeuble que j'aime particulièrement d'une part j'y ai travaillé quelques années au dernier étage dans une ambiance festive mémorable avec vue imprenable sur les scintillements d'une partie de la ville dont l'autre colline de Lyon et surtout parce que des considérations cosmologiques attachées à cet immeuble méritent un peu qu'on s'y attarde, en effet la maison comporte autant d'appartements que de semaines (52) et autant d'entrées (4) que de saisons. Monsieur Marcel Rivière le savait avant moi, même si ce n'est plus lui qui officie, (tout fout le camp) cela dit, cher à notre mémoire autant que son suppléant, vous pourrez en apprendre davantage en cliquant sur l'image. L'immeuble est situé place Rouville juste en dessus de l'ancienne "Boule des rigolards", ça ne vous dit rien, c'est normal elle a changé de nom et les gargoulettes rafraîchissantes n'y sont plus les mêmes qu'à l'époque de la naissance (des Rigolards) que je n'ai pas connus, mais je vous raconterai ça un jour, quitte à broder un brin, s'il le faut (encore des promesses)...
Photo 5 : Figure libre, la photo qui n'existe pas, celle qui reste à faire, c'est la première fois qu'on vous la montre, plus dépouillée on n'oserait pas, histoire d'offrir un peu d'avenir à nos moutons, il ne sera bien sûr question que de l'interprétation des nuages. Si par hasard vous savez lire (dans les nuages, of course)...
Lyon © Frb 2012
dimanche, 11 septembre 2011
Rentrer
Mes espaces sont fragiles : le temps va les user, va les détruire : rien ne ressemblera plus à ce qui était, mes souvenirs me trahiront, l’oubli s’infiltrera dans ma mémoire, je regarderai sans les reconnaître quelques photos jaunies aux bords tout cassés. Il n’y aura plus écrit en lettres de porcelaine blanche collées en arc de cercle sur la glace du petit café de la rue Coquillière : "Ici, on consulte le bottin" et "Casse-croûte à toute heure".
GEORGES PEREC in "Espèces d'espaces, éditions Galilée 2006.
Et puis, Septembre remit sur pieds les corps glorieux qui claquaient le jour au défi des tapis roulants et c'était toutes sortes de gens qui revenaient d'on ne sait où, dorés comme des bijoux du manège enchanté de la galerie "Toutor". Ils marchaient au dessus du monde, ils glissaient dans le labyrinthe dont le sol serait bientôt recouvert de feuilles mortes, et par dessus encore, il y aurait le bruit des pas de ceux qui rentrent à reculons, déjà figés dans le décor avec leur tête de d'autruches, les éternels amoureux du dimanche et de l'oisiveté qui ouvrent les yeux comme autant de fenêtres sur de multiples mondes. Il y aurait la beauté intouchable des noctambules qui battent le pavé à minuit, finissent sous les poutres des pigeonniers cours d'Herbouville ou dans ces rues sans avenir la "De nuits", ou la "Longue". Il y aurait du bruit sur la Côte, de la bière et des flics entre Polycarpe et Terraille et puis, dans la fraîcheur, les nuiteux reviendraient à l'aube, claquer leurs derniers sous pour être les premiers dans les boulangeries aux noms qui flattent un peu l'amitié voir l'amour ou juste la mémoire comme "Le banquet" "L'épi d'or", ("Gerbe d'Or", ou "Rodrigue"), il y aurait des orgies de croissants chauds et de chaussons aux pommes. Il y aurait des halos de brumes fondus dans la lessive des particules fines et le couloir de la chimie qui ramènerait les odeurs d'oeufs pourris, à l'heure des ablutions des uns, des réunions des autres, tout se re-mélangerait à la fumée des cigarettes blondes, au goût du shit, au reflux d'arômes tièdes du printemps synthétique qu'on met dans les gamelles de détergents industriels sous le nom de "senteur florale", ça remonterait vers les pelouses du quartier Opéra où l'on se traîne encore, allongeant l'été à loisir, seul à seul multiplié par mille, tous portant le même sac (du positif), et lisant la même revue (de l'actu), celle qu'on nous distribue dans le métro, qui est gratuite, inventée par les concepteurs de la gratuité lucrative ciblant son grand public de publi-reportages voués aux isthmes du Sarko. Ils préparent notre avenir en nous caressant le dos, ça grignote sans nous le dire, nos heures de cerveau disponible durant les pauses ou via nos déambulations de rats des villes ; en toutes constellations où la multitude nous allège du poids de l'ombilic, nous irons. On ira, on va, on va...
Plus loin par les méandres d'un plan de Vélov' (ou "vélos d'amour"), la rentrée honorera encore le beau temps sous des blancs de cirrocumulus granulant légèrement le bleu qu'on possède encore en lambeaux et l'on remuera l'aventure sur un pied d'appareil photo, espérant du nouveau, à croquer un peu de perspective. Ici, tout semble prévisible. Rien ; sinon cette chaleur de tripot, cet air brut et torpide. Rien ; sinon que du beau dans la ville aux façades rosées cachant son mal entre les ponts, autant de gouffres côtés du Rhône que de guinguettes aux volets clos et de plages interdites, les boites de nuits plongeant sur Vaise neuf et refait avec sa gare qui fût détruite sous les bombardements du 6 Mai 44, une gare en bois, vite reconstruite entre deux évènements, jusqu'à l'espace multimodal d'aujourd'hui et par dessus, tout ça, il y aura les barres vanillées de la Duche qui regardent le bas, plus pour longtemps, barrées déjà par un projet de ville, il transformera bientôt ce quartier en un "pôle attractif", disons "plus attractif", c'est la fine formule, pôle ou quartier, pourvu que tout cela devienne "attractif". Les mots bleus du Grand Lyon, peaufinant sa vitrine en bonnes concertations abonnées à la cool attitude, nebulus à venir. On ne peut rien en dire. On se porte sur les pentes, on coupe par les traboules où vit encore un monstre de légendes mystérieuses ; on croisera même en rêve les fantômes : des gisants de Loyasse, un secret chu à l'observance puis on retournera comme hier dans les rues en presqu'île, autour de la place de la Bourse, on verra des messieurs dits "d'un âge", des cadres distingués, à l'allure de Clooney raybanés (comme Dutronc), faussement déglingues, (vaguement Borloo), qui vont de table en table, glissant, leur carte de visite, en toute discrétion, aux jeunes filles venues là pour boucler leur fin de mois. C'est secret de Polichinelle mais ce n'est pas dans tous les bars de presqu'île qu'on fait ça... Chez Jules on causera d'art (mais à la bonne franquette), à la Manille on jouera (à la Manille), ou on lira sous les mêmes globes lumineux qu'autrefois, des journaux du jour ou de la veille, au Moulin joli on s'emmerdera joliment et les nouvelles couleurs de beige à chocolat nous ferons regretter le vieux "Moulin Joli" terne et bruyant, d'avant.
Il y aura la sortie des classes vers Ampère ou ailleurs, des ados qui ricanent à trois sur un scooter, roulant les pelles, les mécaniques, claquant de la planche, l'Icare niqué sur des genres d'escaliers. Passée vers la mairie de la place Sathonay, il on croisera Mademoiselle Pugeolles, rejoignant sur une trottinette, son petit F2 de la rue Burdeau, un cartable tout neuf sous le bras, avec des surpiqûres, et des poches intérieures de la taille d'un kleenex. Il y aura rue de la Ré plein de monde en grappes vers les cinq heures du soir, des groupements sous la cnaf avec toute la culture de Levy à Musso et des livres de Daniel Pennac à moitié prix entassés près des piles de compils de Pavarotti chante Verdi. Il y aura des regards en biais, sur le flottement d'une jupe plissée bourgeoise, s'attardant devant la vitrine d'Yves Rocher, des mains de femmes chez Sephora dépliant la publicité d'un nouveau parfum (pour les femmes) qui leur affine les hanches pendant qu'elles dorment. Il y aura les dernières robes d'été, des chapeaux d'hommes à l'Argue, à fines rayures noires et blanches genre maquereaux siciliens à porter avec des bottines en daim à demi lacées, exprès, fausse néglige, de la bohème, encore, des bottines de gamines, vraiment ergonomiques à talons de 7 cm, qui font de belles chevilles et qu'on porte avec des collants 15 deniers de teinte biche.
Photos : Des filatures fragiles aux quatre points cardinaux d'une ville entre deux ponts et deux collines, du quartier de bureautique (et domotique) aux costumes froissés près des gares (1) juste à proximité de l'école (2), un passage clouté de bellecour en Presqu'île (3) enfin, sortie du temple où la terre promise distribue de la marchandise et pour quelques centimes (de plus) vous avez les cabas recyclables, bien de quoi battre le pavé jusqu'aux prochaines vacances (4). Juste quelques images from Lyon entre déjà hier, dans le vieil aujourd'hui, aussi loin que demain.
Lyon vu par © Frb : 2011.
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mercredi, 17 novembre 2010
Nous semblons insensés les uns aux autres, disait autrefois Saint Jérôme
Les ponts bougent dans la nuit se déplacent tels des radeaux à la dérive, avec les lumières qui traversent les âges. Des jeunes filles s'y attardent portant l'amour aux inconnus qui vont sur elles à nouveau, sans histoire. Ils ne demandent rien d'autre, chaque nuit, qu'un peu de considération, c'est toujours la même chose, il suffirait de presque rien. Ensuite le soleil se lèverait. Et chacun serait séparé jusqu'au soir. Puis les nuits qui suivraient, on verrait encore les ponts bouger un peu, rassembler entre les rives opposées, des passeurs invisibles qui inventeraient un mot nouveau pour chaque nuit et ainsi de suite...
Tout cela ne s'unirait jamais au petit jour, tout invisiblement, se balancerait entre les ponts, contre l'assaut des aiguilleurs qui assiégent la ville, portent les hématomes, la sanction pour qui dépasse la ligne, jusqu'à ce que les premières neiges assourdissent l'écho de tous ces combats éperdus.
Il y aurait ceux qui vendent les fleurs, avenantes sur les marchés et laissent des grands bouquets de lis (ou lilium candidum) un peu défraîchis, aux balayeurs. Il y aurait des vieilles qui se traînent à genoux dans des églises priant on ne sait qui.
Il y aurait la satiété dans les grands restaurants, et des phrases à rallonge pour présenter une simple entrecôte pincée de gros sel sous sa noisette de beurre, accompagnée de pommes dauphine. Il y aurait pour chaque dessert dans ce même restaurant les tartes au citron meringuées ou au choix, les pommes cuites au four servies avec du caramel, des éventails de biscuits parfumés de cannelle en forme de petits doigts coupés et la crème chantilly, pour le modeste supplément de 1,58 euros.
Il y aurait les buveurs de Gueuse-cerise, la mort subite aux terrasses, et des hommes d'âge mûr aux fonctions importantes, soudain pris de panique à l'idée de mourir d'un infarctus, au volant de leur voiture entre deux déplacements.
Il y aurait des femmes de ménage trouvant des lettres compromettantes au fond d'une corbeille à papiers, et des secrétaires aux cheveux défaits par la brutalité d'une étreinte un peu forcée, submergées par l'amour au milieu d'un parking. Elles soupireraient peut-être d'une joie, d'une honte de ne pouvoir bien jouir qu'au coeur de la saleté.
Il y aurait des enfants qui rentreraient gaiement de l'école sans savoir que leurs parents se déchirent.
Il y aurait des fadaises pour cette petite employée de maison, des amants en dépit couvrant de ridicule le sexe et la façon d'aimer d'anciennes péronnelles, au zinc du café des artistes.
Il y aurait la trahison, permettant à chacun de se mettre en valeur au détriment de l'autre. Il y aurait des chiens écrasés, pour de vrai, pour de faux, des visages tristes croisés dans une rame de métro, et qui pour la journée inverseraient le cours des choses.
Il y aurait des amitiés furtives, les liens dépossédés, les bonnes et les mauvaises manières, cette haine contenue dans des formules de politesse, abusant de l'espace public pour démanteler les saloperies humaines, qui viennent des autres, évidemment.
Il y aurait le reniement de soi consenti comme une évidence qui pourrait garantir à chacun et chacune autant l'illusion de son libre arbitre qu'une crédibilité incorruptible aux yeux du monde.
Puis, il y aurait les yeux du monde, à l'affût de nos faiblesses, aveuglés des sentences de la bonne et mauvaise conscience ; derrière chaque acte délictueux, il y aurait l'ignorance du code civil, les petites procédures intimes et des hommes en robe noire et collerette blanche, qui défendraient l'innocence ou le crime tout cela au même tarif, des remises de peine, des années de prison avec sursis, le bureau des greffes surchargé, des audiences ajournées et des procès qui se termineraient par une pire injustice dont les conséquences désastreuses n'intéresseraient personne.
Il y aurait des gens dans des téléphériques qui suivraient des yeux le mouvement des oiseaux migrateurs, rêvant de ne plus jamais interrompre le voyage qui les porte et constitue leur seul moyen de tenir debout, désormais, les pieds sur terre en apparence. Il y aurait la reproduction la mue, la migration de tous de nos entretiens.
Un coucou geai tombé du ciel, dont on ramasserait le corps au cap nord suite à un déréglement de sa boussole interne ; il y aurait les insectivores à la recherche du refuge de l'Alceste qui regarde en silence toute saison comme le prolongement de l'hiver.
Il y aurait les cigognes noires, le sterne arctique et le rouge gorge, tous ces oiseaux qu'on invente qui passent en grillant nos cervelles, ou couverts des louanges des fruits de fin d'été délivrant en automne les poisons du vérâtre blanc.
Il y aurait le pluvier doré qui survole l'océan pacifique sur 3 300 km pour rejoindre les îles Hawaï, le souci de la nourriture disponible, de la tranquillité, et cette indifférence au comptage des ornithologues.
Les ponts bougent dans la nuit, se déplacent tels des radeaux à la dérive, avec les lumières et tous les artifices dans tous les estuaires, dix mille huîtriers-pies en stationnement sur les vasières ; l'impuissance des granivores, et les prédateurs en sommeil, réveillés par les oies cendrées qui déplient le plan à l'envers en modifiant très lentement la composition de l'atmosphère.
Il y aurait des hypothèses à l'approche du danger, des captures imperceptibles après la découverte de pinsons dans des plats préparés. Il y aurait la peur d'être contaminé ; de grands élans d'amour, de solidarité, quand la nuit reviendrait qui déplacerait ses ponts à l'avantage des uns au détriment des autres. Il y aurait la Veuve Clicquot au cul trempé dans un seau d'eau glacée, accompagnant des toasts tièdes tartinés d'un pâté d'hirondelle. Chaque nuit apporterait sa joie nouvelle avant que le jour revienne mettre les choses en ordre, jusqu'au soir, et ainsi de suite...
Extr de "Genre humain" à écouter : ICI
Nota : Le titre de ce billet est une phrase empruntée aux "Sermons" de Bossuet.
Photo : Un animal étrange perché entre deux rosaces : un fragment de chapiteau médiéval datant du X em siècle, photographié lors d'une exposition splendide à l'abbaye bénédictine de Cluny (jadis, le plus grand édifice de la chrétienté avant St Pierre de Rome) et visité, à l'occasion du onzième centenaire de l'abbaye, au mois d'août l'été dernier. © Frb 2010.
jeudi, 09 septembre 2010
Moving
Rien n'est plus troublant que les mouvements incessants de ce qui semble immobile.
GILLES DELEUZE : Pourparlers. Editions de Minuit 1990
La vitesse embellit les mouvements du ciel. Le 93903, nous éloigne des terres, de cet effort tendu vers la suppression des contraires, un homme se rêve nonchalemment couché au milieu d'une voie, fixe l'effet de style d'une suite d'ours blancs, découverte ce jour même dans un strato cumulus perlucidus d'une épaisseur de 600 mètres. Les ours prennent à l'homme sa bouche pour y souffler un vent d'autan, sur des vitres pareilles à cette digue de l'Afsluitdijk. Les vitres s'auréolent, scindent l'homme dans sa buée et ce souffle l'exile, fragmente le déroulement des vies. Chaque lieu trouve une tête penchée là où les heures s'arrêtent. Les rails touchent les cieux et les reflets métallisés des portes à soufflets enrobent dans leurs plis tout ce qui pense en nous, tout ce qui n'est pas nous et qui pourtant nous "cause", pertes ou peines s'ouvrant, se refermant tel un bandonéon accordé par les Dieux. La source des sons demeure invisible, tant que celle des rouages nous capte, puis synchronise notre mémoire aux mécanismes, par le chaos des sols chargés de toutes les vibrations possibles de gris. L'homme seul se plaint de ce mélange qui le déplace avec ses secrets symphoniques. Le mélange déplace tous les hommes dans la même direction, si bien calculée qu'aucun d'entre eux ne pourra jamais modifier la trajectoire, ni fuir entre les lignes annonçant la fusion, la réconcilation inouïe des contraires. 6 892 066 633 funambules portant des chaussures à leurs pieds accomplissent l'itinéraire. 153 889 (et des poussières), glissent chaque jour, qu'on ne pourra ni relever ni retenir.
Photo : Carte des mouvements célestes photographiée, à la sortie d'une gare un peu vide (quel est son nom déjà ? Part-Dieu, pardi !). Lyon, Septembre 2010.© Frb
22:27 Publié dans Art contemporain sauvage, Ciels, De visu, Impromptus, Le nouveau Monde, Mémoire collective, Transports | Lien permanent
jeudi, 19 août 2010
Presque rien
Poursuivre ici: http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/08/20/fe...
Repartir par là: http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/08/29/pe...
Puis peut-être écouter: http://www.deezer.com/listen-3427799
05:48 Publié dans Art contemporain sauvage, Balades, De visu, Impromptus, Mémoire collective | Lien permanent
samedi, 12 septembre 2009
La meilleure façon de marcher
"Marcher dans la foule signifie ne jamais aller plus vite que les autres, ne jamais traîner la jambe, ne jamais rien faire qui risque de déranger l'allure du flot humain."
PAUL AUSTER : "Moon Palace"."Le livre de poche", 1995.
Pour l'habitant des villes la meilleure façon de marcher est encore de mettre un pied devant l'autre, et de recommencer, Confondu dans le flux, il se laissera glisser, rongera son frein, s'empêchera de penser, même si parfois sur quelque ralenti de maudites carcasses empêtrées, lui viendrait presque une envie de tuer. Qu'on accorde ce droit aux marcheurs quotidiens des villes ordinaires, et il ne faudrait pas attendre trop pour voir venir le temps des assassins. Mais il a existé aussi des marcheurs très bizarres, qui, par un mouvement de parade culottée ou autre puissant contresens, donnant, presque sans le faire exprès, un coup de pied dans la fourmillière, accélereraient un brin, le dé-consentement général, et par là même, perturbant l'assurance (générale également), déplieraient tous nos membres, exploseraient le sens de la marche, de la vitesse aussi, puis dissémineraient les osselets jusque dans les étoiles. Ainsi, on aurait on déjà oublié, ces nombreux dissidents du pied et les givrés de l'arpentage ? De merveilleux fous marchant, en réalité. L'espagnol Zlilio DIAZ, un baladeur à sphère, nostalgique, enfantin, marcha en poussant pendant 18 jours, un cerceau, qui l'aida à couvrir 965 km. Il y eût aussi les marcheurs sur les mains (un grand classique !), les marcheurs à cloche-pieds, et surtout les marcheurs à reculons, (très bon pour la santé). Le texan Plennie L. WINGO en 1931, partit à reculons pour aller du Texas à ... Istanbul, (océan non compris, évidemment !). Il eût un disciple en 1980, qui entreprît de réunir New-York-Los Angelès, à pied, en marche arrière, et s'aida de lunettes à rétroviseur afin de réussir l'exploit. Mais il existe encore d'autres marcheurs plus farfelus. En Novembre 1889, trois autrichiens arrivèrent à pied à paris. Ils avaient franchi la distance Vienne-Paris, en poussant une brouette dans laquelle, chacun à tour de rôle avait le droit de s'asseoir. La durée du voyage durant exactement 30 jours. Le 17 Avril 1891, un habitant de Luynes, se mit au défi, de se rendre de Tours à Paris sur ses béquilles en moins de 8 jours. Peu fervent de ce genre d'appareils, c'était un vélocipédiste convaincu, qui s'était lors d'une chute, fracturé la jambe droite, et ne tenant plus en place, cherchait à occuper du mieux possible ses loisirs forcés (Que nos lecteurs à béquilles en prennent de la graine !). En décembre 1891, un marchand des quatre saisons d'Aubervilliers (L. WEX), entreprit de faire le trajet Paris-Liège (et retour), en 9 jours, tout en tirant la voiture servant à son commerce, laquelle pesait la bagatelle de 200kg. Le Pari fût là encore, réussi. Enfin toujours pour cette année épatante, de l'an 1891, qui vit (sait-on pourquoi ?), tant de déplacements extraordinaires, un habitant de Nîmes, se rendît à Paris dans une voiture tirée par un chien danois. Le 17 mars il avait été doublé par un Marseillais, qui relia sa ville natale, à Paris, dans une voiture tirée par quatre gazelles, rapportées d'Afrique. Voilà de quoi fourbir des idées à notre lecteur si un jour il s'ennuie (à mourir) en marchant. Personnellement, je préconiserai volontiers le retour de la charrette à bras, dans nos villes, ou de l'élégante chaise à porteurs, tirées par un quelques echnidés à bec droit, ou par un tranquille Helix Pomatia... Une idée entre mille pour sauver de manière amusante, si ce n'est la planète, un petit peu de son grain extra.
Pour les sceptiques, les chatouilleux du pied, il nous reste Rosalie Dubois déterrant un chant de guerre plus que jamais d'utilité publique. Un hymne véritable, qui s'appelle "Marche ou crève", même si l'époque a délogé ses derniers footeurs de pavés et autres agités à brouettes il ne s'agit plus tout à fait de rouler gentiment son cerceau près de la marcheuse, qui chante pour se donner du coeur. A ouïr, je vous préviens c'est un peu, délicat. Ce qui inspirera peut être à nos plus téméraires ou aux rares touchés par le signe sacré de grand maître Nagra, d'essayer de bien faire marcher ses oreilles. Ou de marcher avec les oreilles, en voilà une idée, pourquoi pas ?
Si la foule vous fatigue, il n'est pas encore interdit de dériver avec G. Debord : ICI
Source : Guy Bechtel et J.C. Carrière : "Le livre des Bizarres" Editions R.Laffont 1991.
Photo : L'immobile à valise, perdu au coeur du flux. Surpris en arrêt, près de l'opéra, comme un personnage de l'oncle Jacques, submergé par le sens de la vitesse. Sorte de monsieur Personne, déguisé en monsieur Tout-le-monde, (comme quoi l'habit ne fait pas toujours le moine), le seul que je vis ce jour là, courageux, impassible, unique au monde, piqué de longues minutes, planté là au milieu de tous, et il fallait oser : SANS RIEN FAIRE. Hommage à ce héros, dernier homme parmi les Hommes,. Une occasion rêvée, de filaturer la valise, belle comme un sou neuf et qui posa pour moi, rutilante, ( à l'insu de son papa ;-) A se demander si ce n'était pas cette valise qui mettait l'homme dans cet état. J'aimerais croire que non. Lyon, quartier Terreaux-Opéra, vu le 12 Septembre 2009. © Frb.
20:54 Publié dans Art contemporain sauvage, Balades, De visu, Le monde en marche, Le nouveau Monde, Mémoire collective, Transports | Lien permanent