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vendredi, 03 juillet 2009

Les grands royaumes

Mon joug est suave,
ma charge est légère
Et la saison nouvelle
Fera bientôt les nobles coeurs
Elus pour le joug de l’Amour

D'après HADEWIJCH D'ANVERS. "Ecrits mystiques des Béguines". Editions du Seuil 1954.

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"Mon joug est suave, ma charge est légère" nous dit l'Amant (...)

Quel est donc ce fardeau léger, ce joug que l'on nomme suave ?

C’est la charge que nous confie
Au plus secret le pur Amour
Des volontés ne faisant qu’une
Et joignant à jamais les êtres.
Tout ce que puise le désir,
L’Amour le boit, et ne s’apaise.
Amour exige de l’Amour
Plus que l’esprit ne peut saisir"

 

Guillaume de MACHAUT "Tous corps / de souspirant / suspiro

podcast

 

Photo : "L'Adam de RODIN" vu sous les arbres du petit jardin du Musée des Beaux-Arts de Lyon. Photographié en Juillet 2009. © Frb

mercredi, 01 juillet 2009

Juillet

Elle a, ta chair, le charme sombre
Des maturités estivales,
Elle en l’ambre, elle en a l’ombre ...

PAUL VERLAINE, extr. "Eté" in "Parallèlement", "Chansons pour elle" et "Autres poèmes érotiques". Editions Gallimard 2002.

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Le soleil trottait devant moi sur des talons légers, une femme mûre, d'un autre siècle, se rendait au musée. Elle tenait sous son bras un minuscule châle confectionné tout au crochet et son sac de jeune fille, faisait un bruit de petite quincaillerie, de verroterie ancienne. L'été harmonisait sa dame, d'une lumière éblouissante. Ca sentait bon la Guerlinade, le rendez-vous discret. La dame s'arrêta à deux pas de l'entrée du musée. Elle sortit sa poudre précieuse, une houpette, et doucement se para, tout en surveillant qu'il n'y ait pas de personnes trop curieuses pour surprendre ce moment d'intimité qui relèguait la rue à quelquechose d'infiniment superficiel. Des notes d'iris, de tubéreuse glissaient dans mes volutes et pendant que la dame sortait de son trousseau, un petit vaporisateur, moi je jouais, la bouche en coeur avec ma cigarette à faire des ronds parfaits qui flotteraient dans le ciel pour retomber dans la poussière. La dame rangea son attirail, ne gardant que l'ombre à paupières qu'elle appliqua presque à tâtons, en touches irrégulières. Puis elle se parfuma, je connaissais par coeur ces notes de fond : Vanille, Iris et Cuir. La plénitude et le plaisir des premières vies amoureuses, la peau douce que l'on respire quand l'amant, le premier, s'immisce, passionnement, captive l'imprudence, et que l'univers entier fond comme une friandise sous sept ciels, au tout premier été du monde. Après cette première fois, il faudrait tout de suite en mourir, pour ne plus craindre la récidive... Cet Amour, cet inachevé, je le respire encore, l'éclatante émeraude, votre pâleur, ce sourire qui s'illuminait sur les mélodies de Fauré. Mille de vos poèmes qu'on lisait à voix haute et qu'on envoyait valdinguer dans la chambre embrasée de senteurs. "Vanille, Iris et Cuir", le parfum s'appelle "L'attrape-Coeur" ...

A ce moment du récit, j'ai vu arriver un monsieur brun, aux tempes grisonnantes, d'âge mur et très bien mis. Il souriait tout seul, en marchant et tenait des roses rouges à la main, dans mon esprit (aujourd'hui corrompu ;-) je me suis dit que c'était peut-être un de ces rendez-vous charmants du genre "rendez-vous minitel", du romanesque post-moderne de premiers rendez-vous, par la grâce de toutes ces sortes de machineries actuelles, un point précis dans une ville, deux signes particuliers, assez particuliers, (parfois cocasses), pour bien se reconnaître. Elle aurait dit qu'elle porterait une longue jupe couleur soleil, qu'il ne pourrait la louper,(ah ça !). Il lui aurait répondu, sans doute, qu'il viendrait là, avec des fleurs... Ensuite ils iraient s'asseoir sur un banc au jardin du Palais St pierre et cela s'appellerait toujours "L'attrape-Coeur".

 

Gabriel FAURE: "Chanson d'Amour" opus 27 n°1
podcast

 

Photo: Filature étoffée pas très loin du Palais St Pierre dit "Musée des Beaux Arts". Une dame en jupe-soleil. Vue à Lyon. Juillet 2009.© Frb.

mardi, 30 juin 2009

La pantoufle d'hiver

Sa Marraine, qui était fée, lui dit : "Tu voudrais bien aller au bal, n'est-ce pas ?"...

CHARLES PERRAULT (1628-1703) : Extr. "Cendrillon ou la petite pantoufle de verre".

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Nous retrouvons quelques années après, CENDRILLON, rue de la République à Lyon, s'apprêtant à marcher sur le coup de grâce, avec ses pantoufles d'hiver. Vous allez me dire, en plein été, quelle idée (saugrenue) de se promener avec des pantoufles d'hiver ? (et je vous répondrai qu'en effet, ça paraît bien étrange mais que ne ferait-on pas pour distraire son lecteur ?). Et puis, nous sommes dans un conte, n'est-ce pas ? Et la marraine de CENDRILLON, (la fée !) qui est immortelle, voyant les pieds de CENDRILLON gonfler, s'abîmer, (avec l'âge, les trajets pour aller au travail, tous ces escaliers à monter afin de rejoindre au donjon, son vieux mari (le Prince charmant !), la marraine fort compatissante, confectionna avec de la peau de ver luisant (nommé lampyre), une magnifique paire de pantoufles d'hiver dorées, (au fourrage intérieur 100% astrakan) pour les pieds de sa chère CENDRILLON. Mais comme avec la fée c'était toujours "donnant-donnant", les pantoufles d'hiver furent livrées à CENDRILLON à une seule condition : que CENDRILLON ne les quitte jamais et les porte chaque jour, été comme hiver. Sinon, il arriverait un grand malheur à la planète, une chose tellement épouvantable, que je ne peux la révéler ici.

Ce fût donc sous serment que Cendrillon chaussa ses pantoufles d'hiver... Aussi, s'en souvient-on, CENDRILLON était tête en l'air, et c'est bien pour tenter de corriger ce bien vilain défaut, que sa marraine (la fée), mit à l'épreuve sa filleule qui par ailleurs, aimait tout ce qui brillait (comme toute femme qui se respecte). Renoncer aux pantoufles d'hiver était bien impossible à CENDRILLON tout comme il eût été impossible naguère de renoncer d'aller au bal en pantoufles de verre. Ici je vais faire une petite halte sur ces fameuses pantoufles de verre qui perturbèrent le cours de mon enfance, parce que comme tous les enfants, je me demandais comment on pouvait arriver à marcher avec, (déjà, en 1978 sur les chaussures à talons de ma mère, mais je m'égare...). Ensuite c'est la maîtresse, melle Pugeolle, qui nous apprît que la penttouffle, pantoufle n'était pas en verre, mais en vair. Ce qui compliquait tout dans notre tête. Ce fût deux ans après que Madame Breux, nous raconta que "désolée, de contredire Melle Pugeolles (qu'elle détestait car melle Pugeolle était très belle) mais il fallait qu'on sache que Charles PERRAULT avait bien écrit "verre" n'en déplaise à BALZAC qui optait pour le vair parce qu'il était clair clerc de noterre notaire et que marcher avec des souliers en verre, dans l'esprit d'un clerc de notaire c'est une chose qui n'existe pas. (Cela dit je n'ai rien contre les clerc de notaires, bien au contraire j'en rafole).

On tenta donc de négocier des pantoufles en laine de verre (avec un petit peu de poil à gratter dedans), mais madame Breux, (qui manquait cruellement d'humour) nous fît copier 100 fois, "Je dois le respect à Cendrillon". La vérité : c'est qu'on était très contrarié, le vair c'était la fourrure de Bouly notre écureuil préféré, la star du parc de la Tordette, dont nous adorions gratter le dos gris et chatouiller le ventre blanc, alors massacrer notre Bouly pour faire des escarpins à une princesse qu'on ne connaissait même pas, ça nous mettait le coeur à l'envers. De toute façon question pratique, la pantoufle de vair fourrée tout écureuil est surement plus pratique qu'une pantoufle en verre (essayez de faire marcher vos enfants, (ou vos amis) en leur mettant aux pieds des verres à moutarde adaptés et vous verrez bien le résultat) mais quand même, admettons... Il suffirait d'un seul prodige. Un seul exceptionnel. Un ou une CENDRILLON...

Que les rationnalistes du XIXem siècle aient changé l'inconfortable pantoufle de verre contre la pantoufle de vair plus praticable, on peut comprendre, pourtant une autre question se pose : était-ce bien élégant de se rendre au bal avec des chaussons en fourrure ? Pour le pied léger, délicat de la belle Cendrillon seule une pantoufle en verre pouvait convenir et puis Charles PERRAULT était conteur, pas vendeur chez Myris (le poète grec). Enfin voilà quoi, je pourrais vous parler des frères Grimm, ou de ces contes écossais, irlandais où l'on retrouve des chaussures en cristal sans parler de ces chevaliers, où le héros peut aller de par le monde dans des chaussures en fer !!! (Il n'y en plus des comme ça, ma bonne dame, tout fout le camp).

Voilà c'est l'heure, les petits enfants. Le marchand de sable va pas tarder. Wiki (l'hérudit térisson) me souffle un truc à l'oreille on dirait même du patois de Vaise, mais c'est de l'occitan celui dont les conteurs se servaient comme conclusion, un petit épilogue disons, en vers :

"Cric-crac ! Mon conte es acabat / Abió un escloupoun de veire / Se l'abio pas trincat / Aro lou vous farió veser"

. (Cric-crac, mon conte est achevé / J'avais un petit sabot de verre / Si je ne l'avais pas brisé / Je vous le ferais voir.)

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Quant à notre CENDRILLON aux pantoufles d'hiver, je l'ai rattrapée de justesse elle voulait essayer des bas. Je lui ai dit : "mais tu te rends compte CENDRILLON ? Si t'enlèves tes pantoufles d'hiver, de ce qui arrivera à la planète ? Elle m'a juste dit: "Ah ben ! heureusement que t'es là ! j'avais oublié mon serment" et puis elle est repartie, à petits pas, (à une vitesse d'environ 299 792 458 m/s) en direction de Jupiter.

Photo: Filature discrète rue de la République (on dit la "ré"). Juste là où ça brille. Lyon, à la fin du printemps 2009. © Frb

lundi, 29 juin 2009

La pantoufle d'été

"On ne peut poser les pieds sur le sol tant qu'on n'a pas touché le ciel"

PAUL AUSTER. Extr. "Moon Palace". Editions: le livre de poche. 1995.

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Et pourtant y'en a qui se gênent pas, je veux dire que le souci du ciel en été, pour nous, humains pas surdoués, s'arrête à la question : "est ce qu'il fera beau demain ?". Et la pythie, Evelyne DHELIA, (adorable!), arrive avec son rouge à lèvres nacré et son sourire qui ne vieillit pas, +  50 soleils numériques étalés sur la carte de France, parfois dotés eux mêmes d'un autre grand sourire comme ceux des smiles de nos machines à bredins. Alors on peut suivre le bras d'Evelyne qui va et vient d'Est en Ouest, du Sud au Nord, sur cet hexagone animé par de gros ronds jaunes pétants d'une santé exubérante et de promesses (affreuses), de bonheur ! (quelle horreur), qu'on nous annonce pour toute la semaine. Du soleil mes amis ! 31° à  Paris, (Evelyne sourit un brin), 35° à Nîmes ! (Evelyne en vacille pudiquement avant de nous livrer la cerise, l'inattendu, "notre" cadeau) : 37° à Lyon !!! (Evelyne radieuse, minaude, expose sa conclusion en un savant déhanché rythmé avec la jupe, dont elle seule a le secret). Et c'est ainsi qu'on nous invite à toucher le ciel.

C'est là aussi, en filature rapprochée (de la tong), toujours rue de la République à Lyon, que je croisai Paul AUSTER avec sa belle gueule d'enterrement, (dans ma bouche c'est un compliment). "Toucher le ciel" qu'il écrivait...

Je trottais donc, derrière les souliers hors saison de l'écrivain, une paire sombre, en cuir noir, aux contreforts doublés vachette. (Puisse le lecteur me pardonner cette digression, d'un court instant, je sais qu'Evelyne DHELIAT c'est très interessant mais Paul AUSTER, il a sorti un livre quand même... !). Donc Paul AUSTER laissa tomber (incidemment), non, pas Evelyne DHELIAT ! (suivez un peu !), mais ce fameux livre que je ramassais aussitôt, à cause du titre très beau, un vrai titre d'hiver. Rien qu'à le lire, on grelottait : "Seul dans le noir" que ça s'appellait. On pourrait croire à première vue, que ce serait l'histoire d'un petit garçon qui va se coucher la nuit avec un couteau de cuisine caché dans sa culotte de pyjama... Mais pas du tout. Du no tong certes, tout en no bermuda. De quoi s'extraire discrètement des flots palavassiens pour aller boire un bouillon substantiel, là bas, en Amérique :

"Owen Brick se réveille un matin dans un trou, un cercle parfait profond de trois mètres environ. Des parois lisses, dures comme la pierre... Une tombe ouverte dont on ne peut s'extraire"...

Voilà qui nous rapproche un peu de la vie sur terre et son pralin d'humanité, (jamais très loin du ciel en vérité)... Du coup on ne sait plus trop où est le vrai ciel. Mais ce n'est pas ce que vous croyez, pas tout à fait... Je veux dire que le livre de Paul AUSTER, ce n'est pas "la Métamorphose, le retour II", bien que KAFKA ne soit pas si étranger à AUSTER, (nous reviendrons peut-être sur ce sujet, un certain jour) :

"En se réveillant un matin après des rêves agités, Gregor Samsa se retrouva, dans son lit, métamorphosé en un monstrueux insecte. Il était sur le dos, un dos aussi dur qu'une carapace, et, en relevant un peu la tête, il vit, bombé, brun, cloisonné par des arceaux plus rigides, son abdomen sur le haut duquel la couverture, prête à glisser tout à fait, ne tenait plus qu'à peine."

Vous voilà donc bien renseignés quant à "seul dans le noir". (Je ne peux pas vous en dire plus, vu que je n'ai lu que le titre ah ! ah !), "j'ai parcouru ce livre" comme ils disent à la télé, et l'on imagine bien d'ici le bon lecteur sur ses deux radeaux plastifiés marcher entre les lignes, enjamber les chapitres, et vaciller dans le courant en cherchant à tâtons la poire de la lampe de chevet). Si ce grand vide, cet aveu d'ignorance vous chagrinait vraiment, je peux être intarissable comme tout le monde, (disons, pas mal de gens), voire dindonner, en veux-tu, en-voilà, sur tout un tas de sujets dont je n'ai entendu parler qu'une fois à la télé ... Mais "Seul dans le noir", comme toute oeuvre de Paul AUSTER, même lue, relue, analysée, me paraîtrait de toute façon bien impossible à résumer.

Comme le dit courtoisement Monsieur AUSTER, au cours d'un entretien à propos de son livre :

"Mais le livre lui même (...) y'a beaucoup de choses là dedans".

Allez donc ouïr cet entretien, au lieu de me lire bêtement. (Avertissement, soyez patient, il faut subir une indigeste pub avant, mais c'est le prix à payer hélas ! pour entendre par la suite des choses graves et intelligentes) :

http://www.dailymotion.com/video/x82mgl_paul-auster-sur-r...

Pendant ce temps là, à quelques heures de mon pays, je vois près du bar "Les flots bleus", des vacanciers assis dans leurs serviettes éponge, chauds comme des bonobos. Ils ont déballé fébrilement, sur 2m² de sable fin, le tupperware, la glacière, l'huile solaire, les mots flêchés.

Plus loin sous le parasol, un oxymore : un peu de sang humain s'enfonce doucement dans le sable. C'est comme ça, qu'on touche le ciel, ici bas.

Le soleil brille. Un frisbie vole au dessus de nos têtes. Le sable est couleur chair. Quelqu'un me dit que ça pourrait ne pas être un frisbie... Qui croire ?

Ici, à Lyon les rêvetements de sol s'épuisent sous des petits pas spongieux (schplock schplock schplock), l'orteil gros, bien à l'aise, un pied pose une large semelle en osmose avec l'univers. Monsieur Paul m'a semée rue Terme exactement. Je me glisse dans le pas japonais d'une tong ambidextre. Devant moi la personne dont je ne connaitrais jamais le visage, semble soudain n'avoir ni pied gauche ni pied droit. Et c'est comme si, imperceptiblement l'univers tout entier penchait. Jusqu'à en perdre l'équilibre.

Photo : Filature rapprochée rue de la République. Les pantoufles d'été (dites encore "strings d'été"), étendent leur règne de plastique et de pvc. En attendant demain, l'été prochain, on voudra tous avoir les CROCS ! (Merci la Bacchante !). Comme quoi ! Le monde peut encore être mille fois plus laid. Il suffit d'un peu d'imagination... Enfin, déjà, des tongs rue la Ré, c'est bien laid. Mais on dirait que plus c'est laid, plus ça marche (si j'ose dire). Vu à Lyon, au début de l'été 2009. © Frb.

jeudi, 25 juin 2009

Se perdre

"Voici ce que j'ai constaté d'autre: les uns aux autres nous ne trouvons plus rien à nous dire. Pour s'agréger chacun doit exagérer sa médiocrité: on fouille ses poches et l'on en tire à contrecoeur la petite monnaie du bavardage: ce qu'on a lu dans le journal, des images que la télévision a montrées, un film que l'on a vu, des marchandises récentes dont on a entendu parler, toutes sortes de ragots de petite société, de révélations divulguées pour que nous ayons sujet à conversation; et encore ces insignifiances sont à la condition d'un fond musical excitant, comme si le moindre silence devait découvrir le vide qu'il y a entre nous, la déconcertante évidence que nous n'avons rien à nous dire; et c'est exact."

BAUDOUIN DE BODINAT. Extr "La vie sur terre". Editions, Encyclopédie des nuisances. 1996.

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Nous poursuivons "La vie sur terre", deuxième volet de cet ouvrage au style rarissime de Baudouin de BODINAT que j'ai découvert récemment, et l'été si exubérant en platitudes et autres frimes, aux terrasses des cafés, ne peut qu'inspirer cette sorte d'hibernation, dans la lecture dirai-je, de ces pages lumineuses à force de regarder les ombres pour ce qu'elles sont. Je lus d'abord de BODINAT, à l'ombre, dans une de ces tavernes chauffée à bloc par ces jours qui n'en finissent pas, tandis que mon oreille traînait à saisir à cette table jouxtant la mienne, les élucubrations culturelles d'un dindon entouré de jeunes filles à la fois belles et ordinaires. Je vous reparlerai du dindon qui ne loupa pas un sujet de "bonne" conversation et  se sachant écouté, remonta le volume d'un ton pour parler à la fois de MONTAIGNE, d'ANTICHRIST, et de MICHAEL, sans oublier PINA et le neveu du président, le tout ponctué d'un rire bête et chantant. Donc, nous le retrouverons ce dindon, (un jour), qui laissait dépasser de la poche militaire d'une saharienne à la fois chic et déglinguée, un exemplaire du Monde plié en quatre.

Le Monde plié en quatre... Cétait bien ça.

Il n'y avait plus qu'une chose à faire, partir d'ici et loin. Mais quelle autre destination à part la terre ? A Perrache, comme je n'ai pas l'âme meilleure que ce dindon (contrairement à ce que je voudrais faire croire), j'ai voulu photographier quelques bougres qui se battaient pour David Guetta enfin je veux dire un CD de David Guetta volé à Virgin Megastore. Un vigile est venu me dire que si je prenais des photos à cet endroit, il me saisirait l'appareil. ("La vie sur terre" ?). Je lui ai répondu "mais de quel droit ?", il m'a emmenée devant un panneau placardé dans le centre (on dit "stratégique") de la gare, et m'a montré l'affiche où il est bien noté en lettres microscopiques, que je n'avais pas le droit de prendre en photo ce lieu-là. J'ai laissé partir le vigile. Je me suis penchée contre la rambarde pour regarder d'en haut passer les gens qui descendaient prendre le métro. ("La vie sous terre"?) J'ai vu passer un homme avec le Monde sous son bras. Et j'ai pris la photo quand même.

Le monde sous son bras. Ah ah !

La vie sous terre, La vie sur terre. Et, déconcertante, l'évidence...

Histoire à suivre ...

Nota: Ce blog étant antidaté toutes les incohérences dûes à des faits n'ayant pas encore existé sont considérées comme normales, d'autant que rien ne nous interdit, pour l'heure de les anticiper.

Photo: Du hall commercial précédant la grande allée menant à la gare de Perrache. L'espace où l'on va prendre métros et bus vu d'en haut, à la manière d'une caméra de vidéosurveillance. Lyon Juin 2009.© Frb

dimanche, 21 juin 2009

L'univers etc...

Comme un dimanche ou presque.

"Et quand j'ignorerais la nature des atomes, j'oserais encore, après examen des phénomènes célestes et bien d'autres d'ailleurs, affirmer que la nature n'a pas été faite pour nous et qu'elle n'est pas l'oeuvre des dieux : tant l'ouvrage laisse à désirer !"

LUCRECE ."De la nature" Livre cinquième, 193-229, P. 162. (Traduction H.Clouard) . Editions Garnier frères 1964.

 

basilique.JPGLUCRECE, mourût l'année, sinon le jour, où VIRGILE revêtit la toge virile c'est à dire en 55 av.J.C. St JERÔME prétend qu'un philtre amoureux l'avait rendu fou et qu'il composa de "De Natura Rerum" dans les répits de son délire : sans doute n'y a t-il là qu'une légende propre à discréditer le poète impie. Toutefois il n'est pas interdit de penser que LUCRECE s'est suicidé. En théorie la métaphysique et la morale du "De Natura Rerum" reposent sur la science de DEMOCRITE et d'EPICURE et sur ce que LUCRECE avait pu glaner autour de lui de connaissances physiques. Mais on peut encore s'interroger à ce sujet, tellement toute l'oeuvre semble acharnée à délivrer les Hommes de la crainte des Dieux. L'athéisme de LUCRECE fût son principe de vie philosophique. Personne n'a parlé avec autant de liberté et d'audace de ces divinités qui n'étaient plus prises au sérieux par les lettrés, les gens instruits mais aux pieds desquelles la foule se prosternait encore. Et la doctrine épicurienne satisfaisait cet athée farouche. Il refusait à l'âme l'immortalité. Il faisait de l'univers un mécanisme. Mais LUCRECE n'est jamais si grand que lorsqu'il nous entraîne au delà de toutes limites, dans des régions mystérieuses,et contemple de loin, d'une part notre misèrable petit monde et d'autre part, les espaces infinis. Goûtez plutôt :

" Enfin, tout ce que jour par jour la nature ajoute lentement aux corps, pour les faire croître par degrés, l'effort de notre vue n'en peut rien atteindre. Nos yeux n'aperçoivent pas davantage ce que le temps enlève aux corps en les vieillissant"

Après quoi, la messe sera dite (ou presque). Mais vaut mieux pas.

Il est difficile de savoir si LUCRECE a été apprécié par ses contemporains. CICERON n'en fait pas d'éloge excessif, plus tard VIRGILE, après une allusion de sa jeunesse a gardé le silence sur le poète envers lequel il était un brin redevable. Un seul enthousiaste inconditionnel : OVIDE qui s'est écrié dit-on :

"Les vers du sublime Lucrèce périront le jour où l'univers sera détruit".

Il nous vient même l'envie discrète d'espèrer que le livre de LUCRECE perdure encore longtemps, et bien après la destruction de l'univers. Ce serait d'une belle ironie, mais cela est une autre histoire que je vous raconterai quand l'univers sera détruit.

En attendant, je ne peux que vous conseiller de lire et surtout à haute voix (ce n'est point ridicule) le "De Natura Rerum" car au delà de toute philosophie, au delà des notions de physique, il est un envoûtement rythmique du texte et des agencements que je ne puis décrire ici tant le chant du "De Natura..." berce mystérieusement. (Peut-être le charme des atomes ?)

Ainsi, sera, (en ce dimanche ou presque), pour cette année assurément, notre façon de célébrer, loin des cohues et des chaos, un genre de fête de la musique.

Photo: Un fragment de la Basilique romane de Paray le Monial, placée sous le vocable du Sacré-Coeur photographiée sous un ciel plus blanc que blanc, au début du printemps 2009. © Frb

La vie sur terre ( Part III )

"S'il nous vient par inadvertance de vouloir songer aux jours futurs, aux années prochaines, à quoi ressemblera le monde et par exemple les informations que nous y entendrons le matin en nous réveillant; aussitôt voilà notre entendement qui charbonne et notre âme qui se trouble comme de toucher à d'hostiles ténèbres: on dirait que ce présent où nous existons encore vivants et tangibles, ce vaste assemblage de tout ce qui existe, ce monde évident où nous sommes aujourd'hui sans étonnement, ne débouche bientôt sur rien que sur du néant. Chacun, pour peu qu'il s'examine avec conscience, constatera d'ailleurs le soin qu'il prend à détourner son imagination d'un avenir si confus et si déplaisant, ainsi qu'il écarterait en rougissant un souvenir malsain (sans doute par quelque phénomène d'antémémoration); avec quel naturel nous éludons toute considération quant au futur imminent, ce qui en est déjà concevable par les événements qui nous y mènent, ce qui peut s'en prédire d'après des circonstances déjà présentes et visibles et si précipitées que les journaux même ne se donnent plus la peine d'en dissimuler les symptômes; qui sont autant de prémices et de causes prochaines au regard de la pensée qui les examine. Les rougeoiements en projettent vers nous de longues ombres qui déjà nous enveloppent: nous tâtonnons et nous croyons voir, nous reniflons les combustions d'un monde parti en fumées et nous croyons penser."

BAUDOUIN DE BODINAT. Extr. "La vie sur terre". Editions, Encyclopédie des nuisances. 1996.

tur42.JPG"La vie sur terre" est un ouvrage peu connu, peu lu, paru dans une quasi indifférence générale et pourtant déjà considéré comme un texte essentiel d'une grande intelligence écrit dans un style magnifique. Ces réflexions sur "le peu d'avenir que contient le temps où nous sommes" paru chez l'éditeur de "l'encyclopédie des nuisances" émet un constat très critique, sans appel, sur notre monde actuel. BAUDOUIN DE BODINAT ne propose aucun remède (et pour cause !), il considère qu'il n'y en a pas, qu'il n'est plus temps de sauver quoi que ce soit, que nous ne sommes pas dans une époque précédant la catastrophe mais déjà dans la catastrophe elle-même. Il dénonce l'enlaidissement, l'abêtissement, la spoliation de ce que l'Homme a de plus noble en lui, par la dictature économique et marchande dans laquelle nous nous imaginons avoir encore le choix. Je ne saurais que conseiller aux lecteurs de C.J, d'aller urgemment découvrir cet auteur, à la langue baroque, au style souvent bouleversant qui n'est pas sans filiation avec notre cher Guy DEBORD. Ce dernier contribua anonymement à la rédaction de quelques textes de la revue du groupe "encyclopédie des nuisances", donc 15 fascicules sont parus entre 1984 et 1992). Baudouin de BODINAT n'est pas sans affinités, non plus avec SEMPRUN junior (Jaime SEMPRUN, fils de...), rédacteur de cette courageuse maison d'édition qui publia des ouvrages (dont "l'Abîme se repeuple", entres autres...) et également des auteurs tels que Georges ORWELL (en coédition), Günter ANDERS, William MORRIS, René RIESEL, Bernard CHARBONNEAU ou Lewis MUMFORD... Nous reviendrons un jour (un certain jour), à la vie sur terre (si on peut ;-), avec d'autres fragments de ce superbe texte de Baudouin de BODINAT dont on sait trop peu de choses, sinon qu'il est l'auteur d'un essai sur la photographie paru dans les cahier de l'ADRI, et qu'il collabore à des revues littéraires comme "conférences". Auteur à suivre, donc au moins ici , c'est plus qu'une promesse ...

Photo: "Cages à lapins", visibles du Cours Lafayette. Pas très loin des halles du 3em et du centre commercial de la Part-Dieu à Lyon. Printemps 2009. © Frb.

samedi, 20 juin 2009

Antimatière

Le poteau noir *

Nous sommes depuis plusieurs jours déjà dans la région
du poteau
Je sais bien que l’on écrit depuis toujours le pot au noir
Mais ici à bord on dit le poteau
.

poteau noir.JPG

Le poteau est un poteau noir au milieu de l’océan où
tous les bateaux s’arrêtent histoire de mettre
une lettre à la poste
Le poteau est un poteau noir enduit de goudron où l’on
attachait autrefois les matelots punis de corde ou de
schlague
Le poteau est un poteau noir contre lequel vient se frotter
le chat à neuf queues.

Assurément quand l’orage est sur vous on est comme dans
un pot de noir
Mais quand l’orage se forme on voit une barre noire
dans le ciel et cette barre noircît s’avance, menace et
dame le matelot le matelot qui n’a pas la conscience
tranquille pense au pot au noir
D’ailleurs même si j’ai tort j’écrirai le poteau noir et
non le pot au noir car j’aime le parler populaire et
rien ne me prouve que ce terme n’est pas en train de muer ...

poteau23.JPG

Tous les hommes du Formose donnent raison à CENDRARS qui dans "sa feuille de route" partie du rapide de 19H40, explore "le coeur du Monde" en 1924.

Bien sûr c'était avant la catastrophe. Et puis c'était avant qu'on zappe un peu la catastrophe à cause de Michaël JACKSON, "le roi de la pop", dont nous ne sommes pas censés connaître la mort puisque ce billet datant du 20 Juin 2009 ne nous permet pas de communiquer des faits qui ne sont pas encore arrivés. Mais ce que notre Blaise ne nous dit pas (et que nous sommes bien obligés de constater), c'est que si l'on fixe longtemps le pot au noir, on peut lire l'avenir sans grande marge d'erreur. Vous n'avez qu'à tester. Encore faut il y croire très fort. Mais je ne pense pas qu'au regard d'une telle évidence, nos lecteurs aient l'outrecuidance d'en douter...

* "Le poteau noir" par  BLAISE CENDRARS in "Feuilles de routes", (le Formose), extrait de "Au coeur du monde" (poésies complètes 1924-1929). Editions Denoël 1947.

Photo: Le poteau noir (et ses  métamorphoses) dans la boîte noire. A la périphérie de quelquechose très difficile à situer sur la mappemonde. Juin 2009. ©

vendredi, 19 juin 2009

Table des matières

La nuit s’avance
Le jour commence à poindre
Une fenêtre s’ouvre
Un homme se penche au dehors en fredonnant
Il est en bras de chemise et regarde de par le monde
Le vent murmure doucement comme une tête bourdonnante.

BLAISE CENDRARS, "Debout" in "Au coeur du monde". Editions Denoël 1947.

palette dezo.JPGJe l'ai croisé au moment de partir, dans le hall de l'immeuble. "Ah bonjour, tu t'en vas ?", il m'a dit. "Ben euh... J'allais partir". Que j'y ai répondu. Il regarde mon vélo, ça fera bien 50 ans (oui, certes, j'affabule un brin), que mon vélo est garé là, dans l'entrée, sous son nez, presque 50 ans qu'il me dit "T'as encore un nouveau vélo ! Il est vraiment beau celui là !". Il est comme ça Lien DEZO, sur chaque chose, un regard neuf. Puis il me propose de passer cinq minutes. Je lui réponds - Bon alors oui,, mais juste 5mn pas plus". C'est convenu depuis toujours, assez tacitement entre nous, que 5mn dans cet espace-temps bien à nous, ça veut dire beaucoup d'heures... La porte s'ouvre sur une vingtaine de toiles. (beaucoup plus en réalité si l'on compte celles qui ne sont pas exposées au mur, (plus les 4 ou 5 en cours sur les chevalets). "Tu te remets au figuratif ?", (Je demande avec cet air bêta de la greluche lambda, qui veut faire l'érudite) - "Oh non, je m'amuse !" réponds DEZO plus absorbé par la couleur de son ragoût de mouton qui mijote entre les patates au fond de sa cocotte. Il dit : "T'as vu, je me suis acheté une cocotte". "Pas mal !" je dis. Au fond de l'atelier (une ancienne quincaillerie) le visage inquiétant d'un doux Christ aux yeux bleus, nous enveloppe de bontés bizarres. DEZO lève le couvercle de sa cocotte, il remue soigneusement avec la grosse cuillère en bois. Il allume une petite lampe. -"C'est presque cuit là! Regarde la couleur ! comme c'est beau ! C'est beau non ? ". Nous nous penchons tous deux au dessus de la cocotte, la viande est juste cuivrée, opulente, baignant, dans son jus. De la cocotte monte un mélange d'épices, de caramel. Les patates sont colori miel. Le fumet nous prend lentement (presque par les sentiments, oserais-je dire) ... Et nous restons penchés longtemps, très longtemps, les yeux fixés sur le ragoût. En état de béatitude. Une image qui vaut bien la mystérieuse et complexe lamproie dans "La fleur du mal" de CHABROL).

J'ai compris il y a peu que DEZO fait sans doute la cuisine beaucoup pour la couleur, (même si ses saveurs amoureusement concoctées sont souvent extraordinaires) mais, les alliages et autres liants, vraiment, c'est son bonheur. Et peut-être fait-il un petit peu la peinture pour l'odeur

(Peinture à l'huile, cuisine au beurre ?) ...

Plus tard, très tard, nous retournons dans l'atelier... "Je peux prendre des photos ?" -"Mais oui, bien sûr !" il me répond. Et je rajoute -" Mais je ne prends pas des photos des tableaux ! hein ! pas question !" Pas besoin d'expliquer. DEZO il sait pourquoi. Prendre des photos de tableaux, ce serait un peu comme lui extorquer quelquechose, arracher tôt de la toile le secret d'un travail en cours. Et peut-être même que ça porterait malheur au tableau. Bref, ce serait un sacrilège, au sens indien. Dezo est un artiste, artiste de la couleur, un "visuel" comme ils disent, mais il me semble qu'il se méfie au moins autant que moi des images, du moins, de ces images qui montrent trop. Des images, ces prédatrices...

Je prends quand même plein de photos : sa cafetière, son chapeau, les pots en vrac, et soudain je m'inquiète:

- Qu'as tu fait de ta table ?, t'as pas jeté ta table j'espère ?" DEZO semble sourire dedans, et levant un pan de rideau me dit "Bien sûr que non ! regarde ! ma table, elle est là !".

Nous nous approchons de l'objet. Table sculptée en monceaux de couleurs. Palette divine, inachevée, toujours changeante, sublime à force de d'accumulation toutes périodes confondues. Une merveille. Et d'un tout autre jus.

"Elle est là".

mais déjà, le peintre a la truffe ailleurs. Son ragoût. A quelques mètres de "la table", dans l'autre pièce. DEZO procède au salage, poivrage. il  me dit "Tu restes manger, c'est prêt." Puis il retrousse ses manches en fredonnant...

"Elle est là et c'est prêt" : Oyez, bonnes gens, la beauté des deux phrases miraculeusement accolées. Plus puissantes, il me semble que le standard du père Descartes. Le "Je pense donc je suis" balayé par le "Elle est là et c'est prêt" de LIEN DEZO.

Une pensée balayée par une table... On aura tout vu !

Je remercie Lien DEZO d'avoir eu la gentillesse de m'accueillir en son atelier, me laissant photographier sa table, son chapeau, ses palettes + quelques tubes et pinceaux. Puisse-til me pardonner les petits arrangements romanesques (ce blog ne dit pas tout à fait, exactement la vérité, il n'a jamais trop caché qu'il s'autorisait les mensonges (esthétiques bien sûr !) et c'est bien là, le paradoxe, car s'il avoue qu'il ment c'est bien qu'il dit la vérité bref). Les dialogues avec Lien DEZO n'ont pas été exactement les mêmes, le ragoût pas vraiment celui là, mais peu importe puisque la table est la même, elle, et la cuisine du peintre, presque la même, toujours exquise comme sa peinture. J'espère que l'artiste et nos lecteurs s'y retrouveront quand même... )

Nota: Comme notre ami TANYGU, je rédige ce blog parfois dans les tavernes, (ce billet, justement est un billet de la taverne). Si notre lecteur (exigeant) trouvait au passage quelques fautes, coquilles ou autres syntaxes aberrantes, j'en serai bien désolée, mais c'est parce que la taverne ferme et que je n'ai point eu le temps de relire, j'assure cependant qu'une correction et ajoûts de liens viendront ultérieurement assurer le confort de tous et de toutes. Merci par avanlce pur voitr induljansse...

Photo : Table des Matières. Ou, table (in progress). Photographiée chez le peintre Lien DEZO, dans son atelier aux très proches environs de Lyon. A la toute fin de l'hiver 2009. © Frb.

lundi, 15 juin 2009

Fleuves

La confondante réalité des choses
Est ma découverte de tous les jours.
Chaque chose est ce qu'elle est
Et il est difficile d'expliquer à quiconque à quel point cela me réjouit,
Et à quel point cela me suffit.

ALBERTO CAEIRO. Extr "poèmes désassemblés" in FERNANDO PESSOA "Poèmes païens" (de ALBERO CAEIRO et RICARDO REIS). Editions Christian Bourgois,1989.

realité des c.JPGComme un lundi (cogitant)

Nous pourrions mettre en parallèle cet extrait de poème d'Alberto CAEIRO (un des nombreux hétéronymes de Fernando PESSOA), avec un  texte de Clément ROSSET, (extrait d'un commentaire sur "Les chimères" de Gérard de NERVAL), dont je vous livre un court extrait:

"Le présent est, à chaque instant, l'addition de tous les présents ; cette expression de "présent" devant s'entendre ici dans son double sens de don de l'instant (don de ce présent-ci) et d'offrande absolue (don de tout "présent", c'est-à-dire de toute durée)"

C. ROSSET comme A. CAEIRO, approuvent la réalité des choses, de toute réalité donnée, c'est à dire : à recevoir comme un don. L'approbation n'a pas besoin d'espoir et il ne s'agit en aucun cas de faire l'apologie de la résignation, du renoncement ou de la soumission, pas même non plus, de louer l'indifférence.

L'approbation du réel serait peut-être, dans ce sens précis un préambule à sa transformation : Agir de telle sorte que l'empreinte de l'être dans le réel soit en même temps une reconnaissance de son irréductible réalité. Comme si en approuvant le réel, en n'y renonçant pas, en ne l'écartant pas, le surgissement de quelque chose que l'on souhaite pouvait être possible. Je cite encore Clément ROSSET :

"[Le réel] est insolite par nature : non qu'il puisse lui arriver de trancher sur le cours ordinaire des choses, mais parce que ce cours ordinaire est lui-même toujours extraordinaire en tant que solitaire et seul de son espèce".

Le cours des choses est inéluctable, infini comme le fleuve, jamais deux instants ne se répètent ou rarement, jamais ils ne se chevauchent, ni ne s'échangent, Ce qui est est. Ce qui est fait est fait. Tautologie, (il faut bien ça).

Chez Clément ROSSET, la joie n'est que la savante approbation du réel mais cette joie est une exigeante : on n'approuve qu'inconditonnellement. Du réel rien n'est à jeter pour le sage tragique, il accepte, approuve tout, les malheurs et les joies. Et il y a encore de cette espèce de joie dans les "poèmes païens" de F. PESSOA.

"Quant à la joie elle a deux causes ou deux non-causes: celle d'être sans objet, et d'autre part d'être suscitée par le fait que le réel ne manque de rien" (Cf. N.DELON in "le cours de la réalité" in "l'atelier Clément ROSSET"). Ce monde parce qu'il est unique, se suffit à lui même ; tandis que la mélancolie regrette que le monde ne soit pas autre, et, inlassablement recherchera en vain, son paradis.

La joie est folle, certes, mais la joie est lucide, du moins telle est la disposition à la joie, capable de se représenter le retour éternel, identique de toutes choses et c'est là précisément notera Clément ROSSET la plus grande force de la joie, triomphant des pires peines. (Il ne s'agit pas de joie béate bien entendu, mais de la plus lucide joie). C. ROSSET nous renvoie également au petit secret de NIETSZCHE dans les dernière pages de son "Zarathoustra", où le héros, au détour d'une promenade nocturne lâche enfin :

"Lust ist tiefer noch als Herzeleid" / "La joie pèse plus lourd que le chagrin"...

ou plus "profond" si l'on veut s'en tenir à une traduction plus précise. Peu importe, cette joie est plus lourde d'assimiler plus que la peine. Il est donc paradoxalement beaucoup plus difficile de supporter la joie. Il ne s'agit pas exactement de la "joie de vivre" qui a quelquechose d'encore assez fantômatique. "La Musique pourrait illustrer cette joie paradoxale et sans objet. Quelque soit la tristesse qu'on cherche à dire, on dispose d'un prétexte pour chanter". Paradoxe de la joie. La musique est pour ROSSET d'essence joyeuse.

Tout est prétexte de joie puisque rien n'en n'est le motif. La joie d'exister est offerte par surcroît, c'est la seule consolation à espérer du réel. La légereté somptueuse du créateur, un agrément gracieux.

"Nul besoin d'outre-monde, d'arrière, d'autre monde"... Tout est là .

Sources: Les documents, éléments de réflexion et autres fragments de textes concernant Clément ROSSET, partiellement reproduits ici, sont tirés d'un domaine remarquable : "Atelier Clément ROSSET",  site entièrement consacré à Clément ROSSET, que je vous conseille, voir lien ci-dessous :

http://clementrosset.blogspot.com/

A voir : Une variation (à peine céleste), sur le même thème : http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/03/26/co...

Photo : Deux êtres en joie regardant plus loin sur les berges (hors champ ou presque...) quelques agglutinés sur les berges d'un fleuve. Lyon. Autre rive. Juin 2009. ©Frb.

samedi, 13 juin 2009

Foules

Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage.
Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée.

CHARLES BAUDELAIRE : extr : "Les foules" in "Petits poèmes en prose" suivis de "Le spleen de Paris" Editions Garnier 1997.

fool1_3.JPG

"Le spleen de Paris" est un recueil en prose de BAUDELAIRE, qui ne fût publié que deux ans après sa mort.

Ce "Spleen" pourrait être celui de partout mais BAUDELAIRE posséda Paris comme personne et son appréhension magistrale de la ville n'est pas si datée qu'on se l'imagine. "Les foules" de 1864, ne sont donc pas si éloignées des foules du citadin du XXI em siècle. Et pas si différentes, des foules de partout. Ambiguité des séductions; entre errance anonyme, égarement, sentiment compressé par le pouvoir des masses. Et puis intemporelles, Les déambulations parfaitement synesthésiques sont griffées à l'unique patine "Baudelairienne". Par ce trait de fascination du mouvement, ces visions d'abondance que seule la ville permet. Baudelaire cherche ce point "n'importe où hors du monde" quand tout lieu ressemble à l'exil et toute foule à un champ de possibles ou de ruines :

."Il me semble que je serais toujours bien là où je ne suis pas, et cette question de déménagement en est une que je discute sans cesse avec mon âme."
Cf. "N’importe où hors du monde" in "Le Spleen de Paris", 1864.

BAUDELAIRE s'exila d'ailleurs plusieurs fois dans sa ville natale mais sans s'y contenter : les fantômes de Paris, son goût urbain, les murmures de la  cité foisonnnante, ne lui laissèrent aucun répit. L'emprise de la capitale le tenait corps et âme asservi, charmé sous un joug très contradictoire, la foule, les épanchements, la retraite dans la multitude, l'anéantissement . BAUDELAIRE flâneur explore, construit et déconstruit l'ivresse, dérive en tous lieux, au nom de la poétique errance et puis bien sûr, pour "échapper"... (Notamment à ses créanciers - autre foule donc ! -  les nombreux déménagements de BAUDELAIRE ne furent pas en particulier voués à des passions d'homme libre). Il est rare que BAUDELAIRE cite les lieux de façon très précise, chez lui ni monuments, ni places ... (une fois peut-être dans "Le cygne", (cf. "les "Fleurs du mal" 1857) où sont évoqués le Louvre et le Carroussel.

"Aussi devant ce Louvre une image m’opprimme
Je pense à mon grand cygne avec ses gestes fous
Comme les exilés, ridicule et sublime
Et rongé d’un désir sans trêve ! et puis à vous
..."

BAUDELAIRE fût l'un des premiers à faire l'expérience de la modernité des espaces urbains, où le flâneur doucement vient presque sans réfléchir, désirer ou se laisse ravir, tout en n'ignorant pas dans ce foisonnement combien l'âme, le corps s'en trouveront au final tristement consommés. Mais le prix de cette ivresse en tous points délicieuse, de cet anonymat aux spectres déguisés, ne saurait s'échanger contre rien d'autre ... Le poète ne saurait exister et ne pas se confondre qu'en des lieux remués et toujours noirs de monde .

"Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu’il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant ; et si de certaines places paraissent lui être fermées, c’est qu’à ses yeux elles ne valent pas la peine d’être visitées.

Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont seront éternellement privés l’égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui présente."
Extr suite : "les foules" in "Petits poèmes en prose" suivis de "Le spleen de Paris"

Photos : Foules comme de vraies fleurs cueillies sur l'espace d'un parking arboré à proximité d'un supermarché, situé quelquepart aux environs de Lyon. Photographiées d'un marchepied. Mai 2009. © Frb.

jeudi, 11 juin 2009

Fluidités (I)

Tu es seul le matin va venir
Les laitiers font tinter leurs bidons dans les rues

La nuit s'éloigne ainsi qu'une belle Métive
C'est Ferdine la fausse ou Léa l'attentive

Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie
Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie

GUILLAUME APOLLINAIRE (1880 -1918)
Extr : "Zone" in Alcools. Edition Gallimard 1913.

the quai m.jpgQuand le soleil ouvre à St Georges, le fleuve déforme l'aube. Si l'on se fie aux couleurs, c'est un soir de juillet. Presque au dessus, sur la passerelle il y a des gens. Ceux qui se grisent encore de leurs victoires de boîtes de nuit. Ceux qui braillent en donnant des coups de pieds aux canettes, des slogans sans objet du genre : "on a gagné !" ou "on est les champions !". Les champions de quoi ? Ils triturent l'onomatopée sur des airs de tubes démodés : "Born to be alive", "Où sont les femmes ?"... Les voix s'éraillent. Et puis s'éloignent.

Il n'y a plus de laitiers.

Sur le quai parallèle commence la ronde. Des autos lentement passent du rouge au vert, qu'en sais je ? De loin toutes pareilles. J'entends le pas d'une femme qui marche sur des talons hauts. (Au son, on pourrait quasi les mesurer, ces talons... Au moins 5 cm). Si je lève la tête, je m'aperçois qu'elle est suivie par d'autres gens, allant du même pas. De loin très cadencés. Ils vont tous au boulot, c'est comme un défilé.

Les berges sont désertes. L'eau de vie abonde. Sur la pierre je peux lire la carte de la terre. Il est 7H00. J'attends les mouettes.

 

Hier, ailleurs : La voix de son maître.
podcast

 

Des fleuves visiter. La Saône vue en automne d'un peu plus loin :

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/10/19/co...

Le Rhône impétueux, sous les nuages de Juin, l'année dernière :

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/06/17/fl...

Photo: Berges de la Saône, côté rive droite quartier St Georges, au pied de la colline on l'on prie. Extrait des fluidités du monde vue de près à Lyon en Juin 2009. Frb©

mardi, 09 juin 2009

Eloge de la fuite 2

L'herbe des champs
Libère sous mes semelles
Son parfum.

SHIKI MASAOKA (1867-1902) / (Haïku).

regain.JPG

SHIKI MASAOKA  poète, critique et journaliste japonais, a débuté dans l'univers des haïkus en critiquant le maître BASHO MATSUO. Dans son essai écrit en 1893 "variétés sur BASHO" / (Basho Zatsudan), il reprochait aux haïkus de BASHO de manquer de pureté poétique, d'être encore trop explicatifs. Il se sentait plus proche d'un autre grand faiseur de haïkus : BUSON YOSA, encore méconnu à l'époque et dont il admirait la finesse technique, et l'aisance à transmettre des impressions nettes aux lecteurs. Goûtez plutôt l'épure :

Soir du printemps.
À l'encens à moitié éteint,
J'en ajoute encore.
(BUSON YOSA)

Après avoir découvert la philosophie occidentale, SHIKI MASAOKA, convaincu que les descriptions laconiques des faits et paysages étaient une voie d'efficacité poétique et picturale, insista sur l'importance du "Shasei" ou encore "description d'après nature". Il trouva un style simple pour décrire ce qu'il voyait. Son oeuvre renouvella le monde du haïku qui à son époque s'épuisait un peu, modernisant les formes traditionnelles du Waka et du haïku. SHIKI MASAOKA mourût très jeune, à l'âge de 35 ans.

A noter qu'il cotoya à Tokyo, l'admirable écrivain NATSUME SOSEKI qui rédigea aussi un ouvrage de haikus et des romans. Je vous conseille "le pauvre coeur des hommes" (1914) ou "les herbes du chemin"(1915), (entre autres)... Avant de reparler, ici, un jour (un certain  jour ?) plus particulièrement de NATSUME SOSEKI.

Pour ceux qui n'aiment pas le Japon ni les couleurs du printemps, un russe vous offre son haïku :

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/09/05/ru...

Pour ceux qui devant un ciel bleu (avec ou sans nuages) se sentent pris de vertige, C.J. vous fournit la question :

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/05/16/qu...

Photo : La perle du monde. Ciel et nuages au dessus d'un champ de bleuets vus dans un accueillant paysage que nous appelerons : "Là bas" ou "là haut" ? Juin 2009. © Frb

lundi, 08 juin 2009

Lignes de fuite

"Je connais le désespoir dans ses grandes lignes. Le désespoir n'a pas d'ailes, il ne se tient pas nécessairement à une table desservie sur une terrasse, le soir, au bord de la mer.
C'est le désespoir et ce n'est pas le retour d'une quantité de petits faits comme des graines qui quittent à la nuit tombante un sillon pour un autre.
Ce n'est pas la mousse sur une pierre ou le verre à boire...

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Je connais le désespoir dans ses grandes lignes.
Le désespoir n'a pas de coeur, la main reste toujours au désespoir hors d'haleine, au désespoir dont les glaces ne nous disent jamais s'il est mort. Je vis de ce désespoir qui m'enchante.
J'aime cette mouche bleue qui vole dans le ciel à l'heure où les étoiles chantonnent.
Je connais dans ses grandes lignes le désespoir aux longs étonnements grêles, le désespoir de la fierté, le désespoir de la colère. Je me lève chaque jour comme tout le monde et je détends les bras sur un papier à fleurs, je ne me souviens de rien, et c'est toujours avec désespoir que je découvre les beaux arbres déracinés de la nuit.

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Je connais le désespoir dans ses grandes lignes.
C'est comme le vent du rideau qui me tend la perche. A-t-on idée d'un désespoir pareil !
Tas de sable, espèce de tas de sable!
Dans ses grandes lignes le désespoir n'a pas d'importance.
C'est une corvée d'arbres qui va encore faire une forêt, c'est une corvée d'étoiles qui va encore faire un jour de moins, c'est une corvée de jours de moins qui va encore faire ma vie."

ANDRE BRETON. Extrait : "Le revolver à cheveux blanc" in "Clair de terre". Poésie/Gallimard 1966.

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VIRULENT VIOLINS "Alentejo train"

podcast

 

Eloge de la fuite : le désespoir dans ses volutes. Voir ci-dessous :

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/06/24/pa...

Photos : Le désespoir dans ses grandes lignes. Un fragment de la perte du monde : (Photos 1, 2) . Alentours aux couleurs de rouille, vieilles carcasses à l'abandon, entre deux villages, juste après la haute vallée d'Azergues et puis, soudain entre les lignes (photo 3) : la perle du monde... Trois vues saisies derrière la vitre du train 16846 à destination de LCB. Juin 2009. © Frb.

mercredi, 03 juin 2009

Esquisse d'un programme pour les élections européennes de l'an 2666

"Quand l'Homme a voulu des hommes-Dieux, il a fallu qu'il entassât des générations en une personne, qu'il résumât en un héros les conceptions de tout un cycle poétique"

J. MICHELET "Avant propos à l'oeuvre de VICO (1)" 1827 (Cité par J. VILLEGLE sur son site personnel que je vous recommande et à qui cette affiche rend un peu hommage).

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En Juin 2666 soit deux ans et un mois après la révolution (réussie) de Mai 2664, je me présenterai en tête de liste pour des élections européennes supranovatrices. Mon projet, en toute humilité : La Frasbysation de l'Europe à l'échelle interplanétaire suivie du bonheur pour tous par l'abolition du travail. (Voir ci-dessus mon programme est très clair). J'espère (chers compatriotes et lecteurs adorés) que vous serez très nombreux à me choisir. Vous ne le regretterez pas. Je vous le promets.

Note à benêts :

(1)  VICO était un philosophe napolitain, qu'il ne faut pas confondre avec le roi de la pomme de terre. Même si en 2666, il y a fort à craindre que les deux ne feront plus qu'un (le Roi de la pomme de terre, évidemment!). Mais je me battrai jusqu'au bout, (c'est dans mon programme, si vous lisez bien) pour sortir VICO le Napolitain, de cette situation très regrettable).

Photo : Comme (ou presque) un VILLEGLE, l'affiche overkillée. Un programme visionnaire et toujours à venir, doublé de la carte du tendre des années 60 (de l'ère 2600, bien sûr !), papiers collés et décollés sur fond noir, évènements éclatés et autres contorsions fantômatiques, (avec la collaboration de je ne sais qui)... Vus sur un mur de la presqu'île, un presquemur à Lyon, en presque Juin 2009. © Frb.

vendredi, 29 mai 2009

Des rideaux et des femmes...

"Il y a une grande réclame de rideaux, chez Holman. De vrais rideaux de dentelles, avec des volants bleus roses. Un dollar quatre-vingt-dix-huit la paire, avec la tringle, les anneaux et le cordon !

Monsieur Malloy se redressa sur le matelas. "Des rideaux ? demanda-t-il, qu'est ce que tu voudrais faire avec des rideaux au nom du ciel ?

- J'aime les belles choses, répliqua madame Malloy. J'ai toujours aimé avoir de belles choses pour toi." Sa lèvre inférieure se mit à trembler.

"Mais ma chérie, s'écria monsieur Malloy, je n'ai rien contre les rideaux, je t'assure que j'aime les rideaux.

- Un dollar quatre-vingt-dix-huit seulement ! tu cherches à me priver de tout pour un dollar quatre-vingt dix-huit !". Elle reniflait, sa poitrine se soulevait.

"Je ne cherche pas à te priver, mais ma chérie, pour l'amour du ciel, qu'est ce qu'on ferait avec des rideaux ? On n'a pas de fenêtres !"

JOHN STEINBECK . Extr. "Rue de la Sardine", (traduit de l'anglais par Magdeleine Paz). Titre original : "Cannery row". Edition Gallimard 1948 (pour l'édition française).

 

fenêtres.JPGPhoto : La maison de monsieur et madame Malloy vue de l'extérieur. Rue Bonnet exactement. Sur le plateau de la Croix-Rousse. Ca fait des mois qu'elle est comme ça. Ca fait des mois que Madame Malloy elle pleure, parce que monsieur Malloy, il ne veut pas lui acheter ses rideaux. Mais "les hommes ne peuvent pas comprendre les sentiments d'une femme, ils n'essaieront jamais de se mettre à la place d'une femme". C'est ce que me dit Madame Malloy, quand je la croise à la boulangerie de la rue Bonnet. Elle a raison. Les Hommes ne comprendront jamais. Les rideaux, pour une femme, ça fait TOUT !

Photographié début Mai 2009 à Lyon. © Frb.