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mercredi, 11 août 2010

Des pierres et des Hommes

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Tel est le titre choisi pour l’exposition d’été 2010 aux Écuries de Saint-Hugues, organisée par le Centre d’Études Clunisiennes et le Musée d’Art et d’Archéologie de Cluny qui présentent des chefs d’oeuvre méconnus du grand public. Ce titre n’a pas été choisi au hasard, en effet, cette exposition qui s'intitule précisément :

“Des Pierres et des Hommes, la sculpture civile clunisoise XIe-XIVe siècle”

ne se contente pas d’être une exposition de plus sur le patrimoine clunisois, mais elle met particulièrement l’accent sur le travail des artisans du Moyen-Âge qui, à Cluny, ont légué des trésors de sculptures fascinants. Si vous passez dans cette région une halte à Cluny d'une journée, (je crois même qu'il en faut plusieurs), vaut bien le déplacement, pour cette exposition précisément et beaucoup d'autres évènements qui offrent des joyaux rarissimes exposés en l'occasion de Cluny 2010, en l'honneur du 11em centenaire de la fondation de l'abbaye de Cluny, (pour rappel, l'abbaye de Cluny a été  fondée en 910 par le Duc d'Aquitaine, Cluny ayant été la ville symbolique du renouveau monastique en Occident et un centre intellectuel de première importance au Moyen-Âge classique) cela vous donnera une petite idée très sommaire de la grande claque qu'on se prend et qui ressemble à s'y méprendre à un somptueux voyage dans le temps. On revient ébloui. On rêve d'y retourner. L'exposition "Des pierres et des hommes ... " dure jusqu'au 26 Septembre 2010, elle est tout simplement extraordinaire. Vous trouverez tous les renseignements nécessaires à la découverte juste ci-dessous :

http://www.despierresetdeshommes.fr/

Nota : Je tiens à remercier Jean Luc Maréchal (membre du centre d'études clunisiennes) qui a su nous guider à travers l'exposition, et raconter avec  talent et une érudition jamais ennuyeuse l'histoire de cette sculpture civile clunisoise. J.L. Maréchal propose en plus de récits historiques, illustrés par de très belles pièces et d'impressionnants documents (aux écuries St Hugues), une balade dans la ville pour retrouver in situ les pièces vues dans l'exposition (ou les imaginer) cette balade dure trois heures voire un peu plus et le temps passe encore trop vite. Merci à mes amis, Corinne et Jacques Loron et à MMe A. Genette, d'avoir pu chaleureusement m'accueillir, me guider également dans cette ville et de m'avoir invitée à visiter plus confidentiellement, certains intérieurs de maisons datant du Moyen âge jusqu'à la renaissance que, peut- être je vous montrerai ici un jour. A préciser que J.L Maréchal, C. Loron et leurs acolytes ont déjà proposé et proposeront encore des visites très originales et autres manifestations autour de l'architecture civile clunisoise, sous le noms de "Secrets des maisons" juste pour le plaisir je vous cite quelques unes des déclinaisons passées et à venir : "Secrets d'escaliers", "Secrets des rues", "Secrets des ombres"... Tout autre renseignement et documentation est à découvrir ci dessous:

http://www.cluny-tourisme.com/index.php?aid=659

Photo :  Exposition "Des pierres et des Hommes" : tête de femme gothique (provenance inconnue), XIIIem siècle. photographiée aux écuries de St Hugues à Cluny en Août 2010. © Frb

mardi, 10 août 2010

Le minuscule

Au pied du mur. Une falaise de craie, une paroi droite. La route stoppé là, au pied.
Des jours.
La paroi reste. On devient plus léger.
A force, le mur ne surprend plus.
On se dit qu'il fallait bien s'attendre à quelque chose comme ça.

ANTOINE EMAZ in "Caisse claire", éditions Points Seuil, 2007.

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L'âme atteinte, trop soudainement peut-être, au pied du mur, nous prend et nous sommes sidérés par les beautés anciennes. Il faudrait boire la pluie, il faudrait vivre sous la neige pour ne pas s'affamer, s'ensorceller de songes broutant le diamant en ces noces où l'image d'une trempe rituelle ne peut tout à fait s'effacer. La brutalité vient, après le dit de l'aime, une de la pire espèce, qui pousse à reculer, celle qui croit tout donner et reprend tout, prend l'aise, construit des bétaillères pour celles du genre de haine. La maladresse insiste jamais ne disparaît. On ne s'amende plus, l'avenir se délite peu à peu, à présent, plus vite que le passé. On porte la mort en bouquet façon dandy, rose ou pourpre. Fièrement, on se démet. Et les oeillets fanés dans les vases romantiques, n'inspirent plus le moindre regret. Après avoir chéri on s'étend tête froide sur la pierre polie des carrelages. Le son est celui de mille cloches briquées comme des casserole en cuivre qui résonnent en façade. Nous serons exhibés demain ou en Septembre.... Qu'il est doux de verser l'amour fou, ou la haine sous les yeux des indifférents ! fièrement on se pavane. On tire presque gloire de ses peines. Lamento affligeant déguisé en pure joie. Il suffirait pourtant, qu'un doux hasard, du genre humain lève le voile, et nous révèle inconsolables, cela serait moins désolant. On aimerait ce hasard. On plongerait à nouveau. On goûterait l'ornement, le velours, les emphases, celles qui visent plus haut, plus loin que l'insatiable. On se réchaufferait. On inviterait la lune, les étoiles dans les chambres. Elles nous lécheraient les pieds. Un jour, l'offense par accident, à nouveau viendrait nous reprendre. On serait consommé. On reconvoquerait les fantômes et puis on les rassemblerait tous sous la même chair exactement au même endroit. Eternel recommencement...

Photo : Visage humain candide ou effaré. Sculpture civile clunisoise, vue en façade d'une ancienne riche demeure. Cluny. Août 2010. © Frb

vendredi, 06 août 2010

Par une grande innocence ...

Le silence est l'élément dans lequel se forment les grandes choses, pour qu'enfin elles puissent émerger, parfaites et majestueuses, à la lumière de la vie qu'elles vont dominer.

MAURICE MAETERLINCK, "Le trésor des humbles", éditions Mercure de France, Paris 1896

La musique est dans les ombrages. Pour l'écouter vous pouvez cliquer sur l'imageforêt.JPG.

Dans un monde de rudesse l'amour pourrait être presque doux. L'amour est tout, si malmené parfois, en s'éclipsant il se révèle mais cela est encore trop simple ou bien trop archaïque, qu'on ne peut si clairement en exposer la thèse et dénouer les fils qui trament les intrigues tant celles-ci se jouent de la coïncidence et du charme des opposés laissant l'homme et la femme impuissants face à leur destin. Nous sommes en 1892, Maurice MAETERLINCK crée "Pelléas et Mélisande", une histoire magnifique mise en musique avec raffinement, par le compositeur Claude DEBUSSY. Le récit reste fidèle, au livret de Maurice MAETERLINCK, c'est une transposition de l'histoire de "Tristan et Yseult, (ou le drame éternel et classique de deux jeunes gens qui, passionnément épris l'un de l'autre, voient la réalisation de leur amour empêchée par la présence d'un vieux mari jaloux et violent, leur amour avéré impossible, ne pourra s'accomplir que dans la mort). Claude DEBUSSY bien qu'employant toutes les ressources du leitmotiv, ne mena pas sa composition de la même façon que WAGNER, il dira à propos de son opéra en 5 actes et 19 tableaux :

"J'ai voulu que l'action ne s'arrêtât jamais, qu'elle fût continue, ininterrompue. La mélodie est antilyrique. Elle est impuissante à traduire la mobilité des âmes et de la vie. Je n'ai jamais consenti à ce que ma musique brusquât ou retardât, par suite d'exigences techniques, le mouvement des sentiments et des passions de mes personnages. Elle s'efface dès qu'il convient qu'elle leur laisse l'entière liberté de leurs gestes, de leurs cris, de leur joie ou de leur douleur."

L'intrigue, nous la résumerons très succintement ainsi : Lors d’une partie de chasse, Golaud, prince du royaume d’Allemonde, se perd dans la forêt et rencontre au bord d’une fontaine une petite fille en pleurs désolée d’une mort déjà annoncée. Golaud la prend pour femme et la ramène au royaume d’Allemonde, sans connaître rien de son passé. Pelléas, demi-frère de Golaud, ne tarde pas à succomber au charme de la douce Mélisande et les deux jeunes gens s’avouent mutuellement leur amour. Golaud les surprend et, sous l’emprise d’une jalousie délirante, surgit par derrière un arbre et, "parce que c’est l’usage", frappe de son épée Pelléas qui tombe près de la fontaine, tandis que Mélisande s'enfuit légèrement blessée. Elle donnera naissance à une petite fille dont le destin s’annoncera tragique. "Vous ne savez pas ce que c'est que l'âme", soupire le vieux roi Arkel, aïeul de Golaud, au chevet de Mélisande. C’est pendant ce discours que Mélisande meurt discrètement. Le vieillard se lamente :"Je n’ai rien vu… Je n’ai rien entendu… Si vite, si vite… Tout d’un coup… Elle s’en va sans rien dire". En profonde détresse, les personnages se taisent ou s’expriment dans des paroles floues ou obscures. "Je ne sais pas ce que je dis" avouera Mélisande. Ces êtres au destin incertain semblent se mouvoir dans un ailleurs, imperceptiblement inscrit en ce monde. Ils n’agissent pas, au contraire ils sont agis et subissent leur sort en silence. Peu de choses sont dites tout n'est que suggéré...

"La parole est du temps, le silence de l'éternité. Il ne faut pas croire que la parole serve jamais aux communications véritables entre les êtres. Les lèvres ou la langue peuvent représenter l'âme de la même manière qu'un chiffre ou un numéro d'ordre représente une peinture de Memlinck, par exemple, mais dès que nous avons vraiment quelque chose à nous dire, nous sommes obligés de nous taire ; et si, dans ces moments, nous résistons aux ordres invisibles et pressants du silence, nous avons fait une perte éternelle que les plus grands trésors de la sagesse humaine ne pourront réparer, car nous avons perdu l'occasion d'écouter une autre âme et de donner un instant d'existence à la nôtre ; et il y a bien des vies où de telles occasions ne se présentent pas deux fois… 
Nous ne parlons qu'aux heures où nous ne vivons pas, dans les moments où nous ne voulons pas apercevoir nos frères et où nous nous sentons à une grande distance de la réalité. Et dès que nous parlons, quelque chose nous prévient que des portes divines se ferment quelque part. Aussi sommes-nous très avares du silence, et les plus imprudents d'entre nous ne se taisent pas avec le premier venu. L'instinct des vérités surhumaines que nous possédons tous nous avertit qu'il est dangereux de se taire avec quelqu'un que l'on désire ne pas connaître ou que l'on n'aime point ; car les paroles passent entre les hommes, mais le silence, s'il a eu un moment l'occasion d'être actif, ne s'efface jamais, et la vie véritable, et la seule qui laisse quelque trace, n'est faite que de silence. Souvenez-vous ici, dans ce silence auquel il faut avoir recours encore, afin que lui-même s'explique par lui-même ; et s'il vous est donné de descendre un instant en votre âme jusqu'aux profondeurs habitées par les anges, ce qu'avant tout vous vous rappellerez d'un être aimé profondément, ce n'est les paroles qu'il a dites, ou les gestes qu'il a faits, mais les silences que vous avez vécus ensemble ; car c'est la qualité de ces silences qui seule a révélé la qualité de votre amour et de vos âmes. 
Je ne m'approche ici que du silence actif, car il y a un silence passif qui n'est que le reflet du sommeil, de la mort ou de l'inexistence. C'est le silence qui dort ; et tandis qu'il sommeille, il est moins redoutable encore que la parole ; mais une circonstance inattendue peut l'éveiller soudain, et alors c'est son frère, le grand silence actif, qui s'intronise. Soyez en garde. Deux âmes vont s'atteindre, les parois vont céder, des digues vont se rompre, et la vie ordinaire va faire place à une vie où tout devient très grave, où tout est sans défense, où plus rien n'ose rire, où plus rien n'obéit, où plus rien ne s'oublie … Et c'est parce qu'aucun de nous n'ignore cette sombre puissance et ses jeux dangereux que nous avons une peur si profonde du silence. Nous supportons à la rigueur le silence isolé, notre propre silence : mais le silence de plusieurs, le silence multiplié, et surtout le silence d'une foule est un fardeau surnaturel dont les âmes les plus fortes redoutent le poids inexplicable. Nous usons une grande partie de notre vie à rechercher les lieux où le silence ne règne pas. Dès que deux ou trois hommes se rencontrent, ils ne songent qu'à bannir l'invisible ennemi, car combien d'amitiés ordinaires n'ont d'autres fondements que la haine du silence ? Et si, malgré tous les efforts, il réussit à se glisser entre des êtres assemblés, ces êtres tourneront la tête avec inquiétude, du côté solennel des choses que l'on n'aperçoit pas, et puis ils s'en iront bientôt, cédant la place à l'inconnu, et ils s'éviteront à l'avenir, parce qu'ils craignent que la lutte séculaire ne devienne vaine une fois de plus, et que l'un d'eux ne soit de ceux, peut-être, qui ouvrent en secret la porte à l'adversaire."
(Maurice MAETERLINCK, extr: "Le Trésor des humbles", Mercure de France, Paris, 1896 )

Photo : Ceci n'est pas la forêt de "Pelléas et Mélisande" mais celle du beau et très puissant Marquis de Monrouan, prince des ombres qui vont aux mondes invisibles. Ici même est "ailleurs", cachant mille secrets, hélas, l'histoire serait assez sublime, et j'aurais bien plaisir à vous la raconter, si la vieille épouse du Marquis (une créature méchante) n'était pas si jalouse ... Or je tiens à la vie, tout autant qu'à son ombre et je vous prie, chers lecteurs, de ne rien divulguer, sinon il arriverait un grand malheur. Nabirosina. Ma forêt. Août 2010. © Frb.

lundi, 02 août 2010

Monts et merveilles

Nous promettons selon nos espérances, et nous tenons selon nos craintes.

LA ROCHEFOUCAULT, Max. 38

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A la fin du XIIIe siècle, les "monts" symbolisaient une grande quantité de choses, au Moyen-Âge, on disait, "promettre les monts et les vaux" (c'est-à-dire les vallées), à ne surtout pas confondre avec les "démons", même si les légendes du Moyen-Âge évoquent souvent "les démons et merveilles". Dès le XVe siècle on utilisait l'expression "conter maux et merveilles" pour raconter des histoires fabuleuses". L'expression s'est ensuite transformée au XVIe siècle en "promettre monts et merveilles". Il s'agit donc de promettre des choses précieuses en grande quantité, choses mirifiques et dans un sens plus figuré : promettre plus qu'on ne peut tenir. Au cours du temps, on a dit aussi "promettre la lune", "chiens et oiseaux", "plus de beurre que de pain"... Mais revenons à cette expression "monts et merveilles" dont l'origine n'est pas anecdotique ; aucun conquérant n'a jamais promis à ses troupes de merveilleux royaumes au-delà des monts, comme le fit le général carthaginois Hannibal, qui fit espérer à ses soldats, du haut des Alpes, la possession de Rome. Un peu plus tard, François Rabelais utilisera "conter monts et merveilles", tandis qu'au XVIIIe siècle, on parlera de "monts d'or" pour évoquer soit des avantages très importants soit des richesses considérables. Dans la suite des temps, par un goût pour la répétition, typique de l'ancien français, l'image a été oubliée et les merveilles ont pris la place des vaux, renforçant ainsi le sens du mot mont, au lieu de le compléter comme précédemment. L'ancien français adorait ces couples de mots, de sonorités voisines et de sens proches. Curieusement, beaucoup nous sont parvenus: bel et bien, sain et sauf, sans foi ni loi, sans feu ni lieu, tout feu tout flamme... On retrouve chez J.J. Rousseau des "merveilles" plus fidèles à la panse rabelaisienne (ça c'est moi qui rajoute). Les "merveilles" sont des rubans de pâte cuits dans le beurre : "La collation fut composée d'échaudés, de merveilles", (cf La nouvelle Héloïse). Ainsi pourrions nous glisser doucement et pour appâter le gourmand lui promettre bien finement "Veaux et merveilles"... Mais cela est une autre histoire cachée entre les terres du Nabirosina et les monts de Genève et je n'en risquerais pas la publication sans m'en aller goûter moi même les merveilles décrites par Rousseau. Quant aux veaux je vous les promets, selon la formule consacrée du poète Auguste Vermeault : "Promettre veaux émerveille". Enfin bon...

Photo : Promenade au bord de l'étang des clefs, (merveille !) et, plus loin, St cyr (mont !) culminant à 771 mètres d'altitude, ce qui nous donne le plus haut sommet de la Bourgogne du sud, où par temps clair, on peut voir les cimes des neiges du blanc (mont) et des Alpes, le Forez, l'Autunois, le Morvan, le Beaujolais et le Mâconnais (Monts), et l'entrée de la cave en croisée d'ogive (Monts et Merveilles !) du poète, (poite ? pouêt ?) Hozan Kebo. Nabirosina. Août 2010.© Frb

jeudi, 10 juin 2010

Une semaine de catas (thema part II)

Pourquoi chercher le bout de la chaîne qui nous relie à la chaîne ?

TRISTAN TZARA  extr. "L'homme approximatif". Editions Gallimard 2007.

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MARDI.

Louis pouvait maintenant rester des heures dans la même position, qu'on lui plie le bras ou le soulève, son bras restait plié ou soulevé, qu'on le pique avec une aiguille, plus rien désormais ne le faisait réagir. Il ressemblait au cadavre, qu'il avait lui-même découvert, à l'aube dans ce fenier, un visage redevenu mémorable qu'il avait cru voir un instant lui sourire, au bout d'une corde. Son frère repensait à tout cela en regardant le savon mousser entre ses mains. Il avait tout compris, et il s'était promis qu'il ne piperait jamais mot à personne, même s'il y avait encore quelque chose à sauver. On ne badinait pas avec la justice immanente, le Seigneur faisait son boulot, il réparait les infamies, et cela était juste et bon. Il faudrait laisser en état ce décret qui venait d'en haut, il marmonna "dans la vie, tout se paye" en approchant ses mains d'un immense torchon blanc.

Il songea que son pauvre frère avait dû reconnaitre le visage de Jeanine, cette fille née de travers, avec une petite case en moins, à qui il avait dû promettre pour rire, monts et merveilles, un jour de foire, il y a plus de 40 ans, suite à un pari bête avec des copains de régiment. Il avait dit à Jeanine, des choses très émouvantes, avec l'air d'y croire tant lui même, qu'elle avait tout gobé mot pour mot. Pour épater les copains, dissiper l'ennui de ses permissions, faire briller un pari contre quelques fillettes de côte de Beaune, il lui avait dit qu'il l'aimait, plus que cela, qu'elle était la femme de sa vie, il l'avait toujours su et quand il aurait fini son armée, qu'il reprendrait la ferme de son père, alors, il l'épouserait, elle, pas une autre.

Jeanine avait l'âge mental d'une enfant de 10 ans. Elle rêvait de robe blanche et de trenne, tout son imaginaire s'offrait aux balancelles, aux cornets de dragées bleues et roses, au prince charmant. Et, le prince charmant était venu, revenu exprès pour elle, elle en était persuadée. Il y a juste quarante ans, Louis était reparti finir son régiment, deux ans à l'étranger, elle l'avait attendu chaque jour, en comptant les minutes, les secondes, courant au moindre bruit d'auto, de son lit à la fenêtre, le coeur battant au moindre grincement de porte. Aucun objet n'avait pu la distraire, ni tricotin, ni chapelet, pas même les ouvrages au crochet, encore moins les napperons, pourtant brodés amoureusement, avec ses initiales à elles, ses initiales à lui, bleues et roses, côte à côte et toujours enlacées. Elle avait attendu ses lettres, quelque signe de lui. Elle n'obtînt rien. Il n'était jamais revenu au pays, pas avant la semaine dernière, et bien qu'il n'eût guère envie de retrouver ces paysans qui trahissaient une origine qu'il abhorrait plus que tout, il avait bien été bien forcé par devoir, peut-être par superstition, de sacrifier un peu de son temps, pour venir enterrer son père. Il n'avait pas tenu à s'installer sur le banc avec la famille. Cette cérémonie était l'opportunité parfaite et symbolique pour bien leur signifier qu'il n'avait plus rien à voir avec eux, un frère qui ne parlait pas ou qui parlait si bas qu'on le comprenait à peine, des cousins, des cousines plus ou moins attardés. Quant à ses anciens copains, d'école ou de régiment, la plupart étaient devenus crétins, abêtis par l'alcool. C'est ainsi qu'il les voyaient tous, des humains aussi bruts que leurs bêtes, dénués du moindre désir de transcender quoi que ce soit, avec leur petite vie foutue d'avance, et des conversations trop terre à terre.

Après l'armée, Louis avait rencontré sa future épouse, une élégante, très raffinée, professeur de philosophie, qui le trouvant bel homme mais pas trop dégrossi, l'avait aidé à passer des diplômes et des équivalences. Il n'avait pas voulu que ce soit dit, il en avait bavé plus que les autres, mais il était devenu à son tour, après des efforts insensés, professeur de philosophie, versé dans toutes sciences humaines: sociologie psychologie et surtout dans la poésie. Il enseignait maintenant à la Sorbonne et fréquentait un cercle de bels gens trié sur le volet, tous érudits. Il était devenu de surcroit, le principal maître à penser d'un cénacle de parnassiens. Il avait oublié le village, et aussi que son frère avait dû reprendre la ferme à sa place au lieu de poursuivre des études pour lesquelles on le disait doué. Cela était un autre sac de noeuds, mais il avait tourné cette page. Ces gens étaient trop petits pour lui. C'est ainsi que depuis quarante ans  il s'appliquait à jouir du temps présent et à se cultiver, parmi ceux d'une société formidable à laquelle il appartenait.

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C'était sorti comme une voix hors de lui, un grossier personnage reniant aux plis les surfaces arrondies du monsieur délicat qu'il était devenu. Il ne s'était pas montré très aimable, en lui criant "Vas te faire pendre !". Il n'avait pas reconnu Jeanine, en cette souillon qui trainait autour de sa chambre, soir et matin à la même heure, en gémissant, et qui semblait l'épier, importunait jusqu'à Madame son épouse, en lui jetant des cailloux au visage. Louis avait cru à une mendiante de celles dont on ne peut se débarrasser qu'en leur donnant quelques gri-gris, des porte-clefs ou des médailles. "Ces femmes ont quelque chose d'ensorcellant, tant qu'elles n'obtiennent pas ce qu'elles désirent...". Il lui avait donné un mousqueton, pour la calmer, cela n'avait pas suffi. Il n'aurait pas pu dire combien de fois il avait croisé cette folle depuis son arrivée. Dix fois par jour, peut être ? Ca devenait trop harcelant. Elle le hantait. Son frère le regardait de loin chasser Jeanine comme on chasse la vérole et restait stupéfait qu'on puisse à ce point oublier.

Jeanine après de longues années d'attente, s'était lentement affaissée, dans un monde bien à elle, entre ses rêves de pureté et une saleté réelle. Elle était devenue méchante, à force d'implorer le ciel. Sa vie n'avait été qu'une douloureuse attente, agrémentée par des rituels quotidiens, incompréhensibles, pour le retour de son aimé. Et elle savait qu'un jour il reviendrait. Que tous deux, ils se marieraient. Il lui avait promis. Cela ne pouvait être autrement.

Il y avait eu une altercation très violente, juste en bas du fenier. Jeanine, s'était jetée sur lui, pour l'embrasser, enfin comblée ! le frère avait vu ça de loin, assis sur le muret des cabanes à lapins, avec sa pipe en coin et son béret sur le côté. Il avait entendu les injures proférées, hurlées et répétées. Ca allait loin ! Le frère songea qu'aucun homme, même le plus grossier, n'avait le droit de dire des choses pareilles à un autre être humain. Après avoir déversé les pires mots sur la femme, Louis était parti sans se retourner, il s'était  adressé à son frère juste pour pester encore, de ne pas être à cette heure, à son cercle privé de poésie, qu'il animait tous les mardis à St Germain des près. Il ne cachait plus son irritation à devoir encore rester un jour au pays. C'était le jour de trop. Le frère ne comprit pas d'emblée, pourquoi Jeanine avait trainé la grande échelle.

L'après midi fût plus tranquille, une belle journée d'été. Le lendemain à l'aube, le frère s'aperçût que la corde qui tenait la cloche du portail, avait été volée. La cloche gisait dans l'herbe. Comme ce matin, si tôt, il n'avait pas encore vu Jeanine dans les parages, le frère eût une intuition un peu sombre. Il se dit que cette histoire avait assez duré. Il était temps que le Seigneur intervienne. Il courût dans la chambre d'amis chercher Louis, à peine éveillé, prétexta qu'il fallait à tout prix monter dans le fenier pour l'aider à descendre un outil dont il avait besoin tout de suite, et comme lui, avec sa sciatique etc, etc... En échange de l'hospitalité, "pour une fois un petit coup de main"... Louis accepta, c'était son dernier jour ici, "après tout rendre petit service" il pensa que :"ça ne mangeait pas de pain !". C'est là haut, dans un coin du fenier, en voyant de près le visage de la créature, un visage rajeuni de 40 ans qui, au bout d'une corde, encore, lui souriait comme en adoration, avec cette drôle d'expression qu'on eût dit de béatitude, qu'il dût se passer quelquechose. Après quoi tout devient mystérieux.

Le médecin appelé d'urgence par le frère devant les deux corps immobiles dont un seul respirait, plia le bras, piqua un peu l'homme partout avec une aiguille. Plus rien de ce corps ne réagissait. C'est ainsi, désormais que le malade vivrait, figé dans une posture horrible, comme celle d'une statue hantée, ou d'un cadavre dont l'âme s'épuisait aux enfers. Avant de repartir tout en saluant le fermier, le médecin crût très utile de rajouter: "Pour guérir votre frère, cher monsieur, il suffirait que je connaisse la cause profonde du choc terrible qu'il vient d'endurer, si vous avez quelque élément, n'hésitez pas à m'en parler, ce serait l'unique moyen de le guérir". Le frère prit un air désolé "vous savez moi, je ne sais rien, j'suis jamais au courant de rien !". Dans le foin, le visage de Jeanine était devenu sublime, près d'elle un homme mort respirait, la bouche déformée, fixée dans une grimace affreuse. Quand le medecin fût reparti, le frère alla avec un petit sourire en coin jusqu'au robinet de la cuisine, il vit par la fenêtre, passer l'épouse de Louis dans sa nuisette en tulle. C'est vrai qu'elle avait belle allure ! il remonta sa grosse culotte de velours d'un air très satisfait, fît un clin d'oeil complice au portrait du Seigneur qui trônait dans un cadre au dessus du buffet puis se lava les mains longtemps.

CATALEPSIE.

Photo 1 : Judas bois polychromé, détail art lorrain du XVem siècle.

Photo 2 :  Reproduction d'un Christ couronné d'épines. Art lorrain, début du XVI em siècle tiré d'un catalogue ancien sur le "Nouveau musée de Metz". Archives personnelles. ©Frb.

mercredi, 26 mai 2010

Le poème Tang

Ecoutez là-bas sous les rayons de la lune, écoutez le singe accroupi qui pleure tout seul sur les tombeaux ;
Et maintenant remplissez ma tasse, il est temps de la vider d’un seul trait.
LI-TAÏ-PE : "La chanson du chagrin"

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Les Tang (ou Thang) montèrent sur le trône de l'an 618 de notre ère, ils s'éteignirent l'an 909. Pendant ces 289 ans, vingt empereurs se succédèrent et presque tous furent dignes de régner. La poésie des Tang se divise en quatre périodes distinctes : le début, la prospérité, le milieu et la fin. Ce phénomène, qui reflète fidèlement la naissance, la grandeur, puis le déclin de l'empire, coïncide également avec les transformations du style poétique. La Chine était à cette époque, à l'apogée de sa puissance et de son expansion. Le christianisme avait fait des progrès en ce pays. Les doctrines de CONFUCIUS et de LAO -TSEU qui officiaient depuis longtemps, n’étaient plus seules à se partager la multitude. Pendant cette période de prosélytisme, la Chine ne pouvait rester en dehors du mouvement général des esprits, le bouddhisme déjà puissant inspirait également les poètes tel SONG-TCHI-OUEN :

[…] Je suis entré profondément dans les principes de la raison sublime,
Et j’ai brisé le lien des préoccupations terrestres.

Si certaines pièces des recueils poétiques des Tang portent l'empreinte du mouvement religieux qui s'accomplissait alors en Asie. La plupart n'en donnent aucune idée, la Chine n'était pas plus bouddhiste qu'elle n'était mahométane ou chrétienne. Le scepticisme, la fusion et la confusion qui y régnaient, se lit aussi dans les poèmes Tang où souvent on remarque une absence quasi générale de croyance, y compris chez les auteurs de renom. Le plus souvent cette absence de croyance ressort dans les poèmes sous forme de souffrance ou de découragement. L'illustre THOU-FOU compare l'avenir à une mer sans horizon. Il épanche sa tristesse devant un vieux palais en ruine :

Je me sens ému d’une tristesse profonde ; je m’assieds sur l’herbe épaisse ;
Je commence un chant où ma douleur s’épanche ; les larmes me gagnent et coulent abondamment.
Hélas ! dans ce chemin de la vie, que chacun parcourt à son tour,
Qui donc pourrait marcher longtemps ?

Il est fréquent que le poète s'égaie comme pour chasser des idées obsédantes, la mort, l'incertitude de l'avenir, sont des thèmes récurrents ; tel cet extrait d'un poème de  LI-TAÏ-PE :

Pour moi, je m’enivre tout le jour,
Et le soir venu, je m’endors au pied des premières colonnes.

On le ressent encore plus clairement dans cet extrait, l'oeuvre se pare d'un titre sans équivoque : "La chanson du chagrin"

Combien pourra durer pour nous la possession de l’or et du jade ?
Cent ans au plus... Voilà le terme de la plus longue espérance.
Vivre et mourir une fois, voilà ce dont tout homme est assuré.

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L'absence de toute conviction religieuse laisse un grand vague à l'âme du poète Tang, et la religion des lettrés s'inscrira finalement dans une morale très floue. C'est plus naturellement le sentiment de l'immortalité de l'âme, l'idée qu'elle pourrait exister indépendamment de l'enveloppe corporelle qui se reproduit alors sous mille formes dans les vers les plus incrédules comme s'il fallait inventer une protestation à toute cette perplexité. Tantôt l'esprit d'un homme endormi se met à voyager seul à travers l'espace, franchissant les distances au diapason de la pensée, et passant les murs d'un cachot, d'un gynécée, afin de consoler un prisonnier, de revoir quelque amante. Tantôt c'est l'âme d'un proche défunt qui est évoquée, celle d'un soldat tué qui se lamente, ou celle d'une épouse rongée par la jalousie, qui par un mouvement violent se dégage des entraves de la chair, pour voler sur les traces d'un époux en voyage et le suivre à son insu. On retrouve aussi dans tous ces poèmes des traces de légendes, de récits populaires, les aspirations vers une autre vie, et toujours le besoin d'espérer ou de croire. D'autres poèmes donnent au soldat le beau rôle. Par exemple dans les oeuvres de LI-TAÏ-PE, on découvre un poème intitulé "Le brave", une rare composition chinoise où l'homme d'épée est exalté aux dépens de l'érudit. Le soldat aura encore un rôle central dans ce poème intitulé "A cheval ! à cheval et en chasse" :

L’homme des frontières,
En toute sa vie n’ouvre pas même un livre ;
Mais il sait courir à la chasse ; il est adroit, fort et hardi.

Quand il galope il n’a plus d’ombre. Quel air superbe et dédaigneux !

THOU-FOU lui même écrira "Le recruteur", l'histoire d'un village dépeuplé par un recruteur, "Le départ des soldats et des chars de la guerre" nous conduit sur les pas d'une colonne en marche :

Partout les ronces et les épines ont envahi le sol désolé,
Et la guerre sévit toujours, et le carnage est inépuisable,
Sans qu’il soit fait plus de cas de la vie des hommes que de celles des poules et des chiens.

Les Tang savent aussi retracer la vie intime des chinois de l'époque. Tel ce poème de MONG-KAO-JEN titré, "Visite à un ami dans sa maison de campagne" :

Un ancien ami m’offre une poule et du riz.
Il m’invite à venir le voir dans sa maison des champs.

D'autres sont de véritables petits tableaux décrivant par exemple deux amis qui se donnent rendez-vous à l'automne pour regarder les fleurs. Pour d'autres, les scènes sont plus animées elles ne s'imprègnent plus de la contemplation de la nature, mais se mêlent à un banquet où le vin coule à flot. Et partout on retrouve les fleurs, indispensables à la poésie Tang.

Combien de fois nous sera-t-il donné encore de nous enivrer, comme aujourd’hui, au milieu des fleurs ?
Ce vin coûterait son pesant d’or qu’il n’en faudrait pas regretter le prix.

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Il y a aussi ces réunions dans la maison d'un ami, les dîners en plein air, les parties de montagne, la promenade solitaire qui porte à un plus haut degré, cette langueur indéfinissable particulière au peuple de Chine.

La lune surgit du milieu des pins, amenant la fraîcheur avec elle ;
Le vent qui souffle et les ruisseaux qui coulent remplissent mon oreille de sons purs.`

Et puis bien sûr, d'autres thèmes ceux-ci incontournables jalonnent la poésie Tang. L'attachement au pays natal, et les douleurs que peuvent causer une absence. Le chinois n'est pas voyageur, quand il part c'est toujours le coeur lourd et quand il se retrouve en pays étranger, rien ne le distrait du souvenir de sa terre natale :

Ne pensons qu’à l’accord harmonieux de nos luths, tandis que nous sommes réunis dans cette charmante demeure,
Je ne veux songer aux routes qui m’attendent qu’à l’heure où il faudra nous séparer [...]
Mais ces doux instants passés ensemble, hélas ! quand pourrons-nous les retrouver ?

L'exil pour le chinois, très attaché à son foyer a de cruelles amertume et l'on pense à l'immense THOU-FOU qui mourût disgrâcié comme OVIDE et qui jusqu'à son dernier jour ne cessa d'exprimer son chagrin :

Devant mes yeux passent toujours de nouveaux peuples et de nouvelles familles ;
Mais, hélas ! mon pauvre village ne se montre pas !
Tandis que le grand Kiang pousse vers l’Orient des flots rapides que rien n’arrête,
Les jours de l’exilé s’allongent et semblent ne plus s’écouler...

Source : Les notes de ce billet ont été inspirées par le travail de présentation et les traductions des poésies Tang du Marquis D'Hervey-Saint-Denys (1862)

Photos : Les brésars du Nabirosina sous le pinceau un peu chinois du Van Ki Tang, photographiés à l'orée de la très mystérieuse forêt de Bliges. Avril 2010. © Frb.

mercredi, 14 avril 2010

La ritournelle

sol.JPGLe printemps est perdu. Chaque année j'en perds un, et les autres saisons tournent autour du printemps comme des couplets joyeux. Mars dévore Avril.

"Dieu nous garde de la fange d'Août et de la poussière de Mai."

"Eau de Juin ruine le moulin."

"Qui dort en Juillet jusqu'au soleil levant mourra pauvre finalement."

"Quiconque se marie en Août, souvent ne ramasse rien du tout."

"Septembre se nomme le Mai de l'Automne."

"Octobre en bruine, hiver en ruine."

"Quand Novembre aura fleurs nouvelles, morte saison sera cruelle."

"En Décembre fais du bois et endors toi."

"Les beaux jours de Janvier trompent l'homme en Février."

"Février souffle, souffle, et tue le merle sur son nid."

"Entre Mars et Avril on sait si le coucou est mort ou en vie."

sol149.JPGOn enterre le coucou. Le printemps est perdu. Chaque année j'en perds un. Et les autres saisons tournent autour du printemps comme des couplets joyeux. Avril dévore Mai...

"En Juin c'est la saison de tondre les moutons."

"Au mois de juillet, ni femme ni chou."

"Le mois d'Août fait souvent porter le deuil."

"Vins de Septembre font les femmes s'étendre."

"Octobre glacé fait vermine trépasser."

"Le vent de Novembre arrache la dernière feuille."

"Décembre prend, il ne rend."

"Qui se saoûle le 1er Janvier se saoûle toute l'année."

"En Février, toute oie de bonne race pond sur le fumier."

"Beau temps de Mars se paie en Avril".

"Le cèpe de Mai tue père et mère".

On enterre père et mère. Le printemps est perdu. Chaque année j'en perds un et les autres saisons tournent autour du printemps comme des couplets joyeux. Et après, on recommence...

 

BLONDE REDHEAD :"Futurism Vs passeism part 2"
podcast

 

Photos : Scènes de la vie quotidienne en Nabirosina. Avril 2009 (photo 1) et puis Avril 2010 (Photo 2). © Frb.

dimanche, 07 mars 2010

Singerie du Mail

Les fleurs ouvrent leurs corolles
Dans le ciel un oiseau-souris
Le soleil fait son parasol
la Denise nettoie ses tapis
Le cyclamen, la renoncule
Font la roue dans le jardinet
Il y a des froids qui s'en reculent
Et des chaleurs qu'on sent monter
On met du rose sur sa figure
Et du bleu et puis du violet
Pour plaire et avoir fière allure
Car le printemps sera très gai.

MADELEINE LACROIX : Extr : "Le fardeau ivre". Préfacé par Guy Dubord (PDG de la Scala de Vaise). Editions Dupanier. Vaise 2009.

singerie.JPGA noter que le 20 Mars à 15H30, Madeleine LACROIX récitera ses poèmes salle Rosemonde Gérard, au 8 allée Jean Rochefort dans le 9em arrondissement de Vaise (Prendre troisième rue à droite, juste après l'Hyper Rion Géant, face à la station essence Esso). Madeleine LACROIX sera accompagnée par la Denise à la flûte traversière. Le récital sera suivi d'une séance de réflexion et d'un débat animé par Guy Dubord sur le thème "Quelle place pour le printemps en 2010 ?". Cette animation-réflexion sera elle même suivie puis précédée d'une soirée de gala intitulée "le grand bal du Printemps 2010", animée par l'orchestre pop "Décontraction". Un mini-bus emmènera les participants à la Scala de Vaise pour une soirée prestigieuse. Venez nombreux. Inscription gratuite auprès du syndicat d'initiative de Vaise, (demandez Marie-Claude à l'accueil).

Prix d'entrée : Cent vingt deux francs cinquante. Les bénéficiaires de la brioche et des boissons seront reversés au club de gymnastique poétique "Les gymnapoésies" qui donneront une séance de démonstration sur des poèmes d'Aragon le 22 Avril 2019 à 20H00, au N° 3 avenue Yves Rocher à Dardilly dans les locaux des magasins "Phildar Rhône-Alpes". Mais je vous en reparlerai... Faites moi penser, si j'oublie.

Photo : A quelques jours du printemps, on a croisé les demoiselles de la colline (Melle Lacroix et Melle Pinturault rudement sacochées) en grand péché de coquetterie, flagrant délit, et tentations, rêvant devant des robes chasubles, toutes autres folies vraiment olé olé, débardeurs en jersey (sans manches oh ! my god !). Oseront-elles ? Photographiées, on va dire au hasard, rue du Mail, (toujours imitée jamais égalée), en plein coeur de la Croix-Rousse à Lyon,par le Riri et son instamatic Kodak en Mars 2010. © Le Riri (avec l'aimable participation de la maison kodak).

vendredi, 12 février 2010

Le miroir des simples âmes

"Hadewijch d'Anvers chante "ivre d'un vin qu'elle n'a pas bu". Son poème naît d'un rien. Il est la trace d'une perte. En cela, il ne se distingue pas de l'ivresse, absence de la chose. Quelle est donc cette ivresse poétique "sans cause", douleur du corps ouvrant sur la douceur d'un chant, retour de l'altérant dans l'écriture défaite ?"

MICHEL DE CERTEAU texte de présentation des "Ecrits mystiques des Béguines" de HADEWIJCH D'ANVERS. Editions Seuil 1954.

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Peu de gens connaissent HADEWIJCH, l'auteur des "Poèmes spirituels". son oeuvre est souvent citée pour illuster les tendances au XIIIem siècle du mouvement béguinal. Peut être faudrait il énoncer plus précisément ce qu'était une béguine.

A la fin du XIIem siècle, début du XIIIem s., de nombreux témoignages attestent à la fois le nombre et l'enthousiasme des femmes pieuses souvent affectées de phénomènes extatiques, vivant hors des cloîtres, bien que souvent en étroite relation avec eux, d'abord en petits groupes, puis s'organisant lentement et finissant dans la deuxième moitié du XIIIem siècle, par constituer de nouvelles communautés religieuses (au sens impropre cependant puisqu'elles ne prononcent point de voeux même si elles sont guidées par quelques règles écrites). Nous savons aussi que ces femmes étaient nombreuses dans le nord ouest de l'Europe, spécialement en Brabant. L'histoire indique que ces âmes avides de sacrifice, (qui regardaient le monde comme un ennemi, femmes du grand mouvement extatique), assiégèrent en effet les cloîtres pour se ranger sous leurs lois sacrées. Plusieurs d'entre elles passèrent même leur vie sous l'habit cistercien ou du moins la terminèrent dans un cloître après avoir appartenu au mouvement des béguines. Mais la plupart se virent écartées des ordres, on redoutait sans doute, que l'afflux de vocations féminines compromît l'équilibre et la paix. Il leur fallût alors se grouper, s'organiser, cherchant en elles l'encouragement, la doctrine, le conseil, non sans se soumettre à la direction de quelques prêtre régulier (ou séculier) mais dans une autonomie et une liberté à laquelle les sociétés religieuses féminines d'alors, n'étaient pas du tout accoutumées. Un souffle de liberté est très perceptible parmi les béguines. Il semblerait que bon nombre de ces âmes n'étaient pas faites pour la vie claustrale et se trouvèrent, jouissant d'une indépendance relative parce qu'elles suivaient une vocation différente et devaient remplir une autre mission.

L'époque où paraissent les béguines, n'est pas celle de l'affranchissement de la femme, mais celle où commence le règne de la dame, qui devait en vérité former l'âme de l'Occident et fixer définitivement le trait de sa culture. Au XIIIem siècle, la révolution spirituelle passe par une conscience nouvelle de la solitude de l'âme avec Dieu, de sa noblesse divine, de sa liberté intangible. Cela fût en grande partie l'oeuvre des vierges extatiques, qui  par ailleurs pût emprunter ses expressions dans une étrange mesure, à la littérature courtoise, dont la dignité féminine était l'objet tout autant que l'inspiratrice. Les plus naïves, protégées par une précieuse ignorance, plus patientes, plus dévouées au sacrifice,insufflèrent un élan nouveau. Ainsi, nous verrons les béguines créer une langue pour traduire toute la passion d'une expérience; chercher avec Dieu une conjonction plus immédiate, totale, et proclamer une exigence nouvelle de l'éternel amour.

l'invincible amour déroute l'esprit :
il est proche de qui s'égare
et loin de qui le saisit.
Sa paix ne laisse point de paix
Ô paix du pur amour
seul qui fait sienne sa nature
boira ce lait consolateur !
C'est par lui même que l'on gagne l'amour.

Nota : Les écrits hadewigiens composés de visions, de lettres et de poèmes, après une longue période d'oubli, furent imprimés pour la première fois de 1875 à 1885, comme une curiosité philologique et n'attirèrent l'attention des historiens de la spiritualité qu'à la suite des travaux de R.P. Van Mierlo.

A lire, HADEWIJCH toujours (à propos du film de Bruno Dumont) : http://www.lesinrocks.com/cine/cinema-article/article/had...

Photo : Un lien puissant et éternel, sculpté dans la pierre romane. Vu sur la façade extérieure bordant la porte de l'entrée principale de la basilique du Sacré-Coeur, à Paray le Monial. Nabirosina. Hiver 2009. © Frb.

dimanche, 10 janvier 2010

L'air du temps et les métamorphoses

"L'organisation terrestre est ainsi construite que l'Atmosphère est la souveraine de toutes choses et que le savant peut dire d'elle ce que le théologien disait de Dieu lui-même : en elle nous vivons, nous nous mouvons et nous sommes. Condition suprême des existences terrestres, elle ne constitue pas seulement la force virtuelle de la Terre, mais elle en est encore la parure et le parfum. Comme une caresse éternelle enveloppant notre planète voyageuse dans une affection inaltérable, elle porte doucement la Terre dans les champs glacés du ciel, la réchauffant avec une sollicitude incessante, charmant son voyage solitaire par les doux sourires de la lumière et par les fantaisies des météores"

CAMILLE FLAMMARION (1842-1925) : "L'atmosphère : météorologie populaire". Edition Hachette 1888.

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Il était difficile d'avoir quelques nouvelles, les phrases arrivaient dans le désordre sur cette moire dont les cristaux nous lacèraient le sang. Quelques uns se sentaient enfermés dans la neige. Les infos se colportaient par coupons aberrants : "Météo France a levé toute sa vigilance [...] (orange, qu'elle est la vigilance !) mais la neige ne s'arrêtera pas de tomber pour autant" (!). Un journaliste sorti des grandes écoles, annonçait pour Grenoble, vingt centimètres de neige un évènement (dixit) "sans précédent" (depuis 2005 !!!). Cette brouillasse d'information humaine fit le tour de la terre presque instantanément. On aurait dit que tout l'hiver, sa couleur et son blanc, venaient aux spectateurs gobés tout crus par les nouvelles, en cette "exceptionnelle saison sans précédent". Chacun encadra les pépites pour en rire jusqu'au printemps. Les vieux d'ici scrutant le ciel, racontaient que "les vrais ploucs finalement étaient ceux de la ville". Et l'on se régalait, empalant la carotte sur la bouille du bonhomme de neige. On se délectait aussi du vieux sens paysan tandis que le Bébert hilare sous sa casquette, rattrapait son basset par le haut des oreilles : "il se sauve tout le temps c'tu foutu tsin ! il l'en veut après La Youquette". Alerté par les aboiements, le maître de La Youkette, sortait de sa cour en remontant sa culotte de velours. Et du chemin, sa grosse gueule violette qui bougeait toujours en parlant de gauche à droite, de droite à gauche hélait le Bébert et regardait La Youkette slalomer entre les barrières puis retomber sur ses pattes avant : "Ah ben vindiou ! toutes ces bestioles, c'est bien plus agile que les gens !". Il récitait par coeur une liste d'accidents lus dans la Renaissance d'hier. Puis tout s'assombrissait en causant de "la Marivette" dont le fils aîné était mourant. Le visage soudain renfrogné du Bébert, énumérait les endroits de tous les accidents qu'il y avait eu depuis la venue des neiges, à la sortie de la route express, et au virage de l'étang de "La prâle", sur la route de La Caillette. Le maître de La Youquette enchaînait : "Tant qu'y aura pas eu un car scolaire et des enfants morts dans l'étang...". Le Bébert écoutait, contemplant ses grandes bottes caca d'oie en caoutchouc collé au blanc, tandis que le basset, (avec ses pattes qui remuaient l'air) me regardait d'un air émouvant. Le Bébert dit que cet après-midi il mettrait dans les arbres des boules de graisse pour les pinsons, que demain il y aurait du brouillard à pas sortir de la maison, que le Philippe Seguin était mort, que la Marthe était dans le coma. Qu'il y avait encore eu un malheur, un grand malheur chez les Cantat". Il attendit en soupirant, la sentence de son gros voisin qui ralluma son bout de Boyard avec une sixaine d'allumettes et lança après avoir longtemps eu l'air de soupeser les évènements : "Ah ben ma foi que voulez vous c'est ben comme on dit à Vendenesse :

"Brouillards en janvier, mortalité de toutes parts"

Et malgré l'antidate au domaine, les lendemains tous pareils, (c'était mis dans le journal comme ça) = "tous fidèles à eux même, des lendemains sans précédents", se suivirent et se ressemblèrent. Des hommes aimés, des excellents se firent la malle. Et les sanglots du rude hiver fûrent absorbés atmosphériquement, tandis que le maître de la Youkette tournait les pages d'un minuscule carnet qu'il avait toujours dans la poche où se trouvaient le nom des Saints, les commissions, et les dictons pour les récoltes.

"Un mois de janvier sans gelée
N'amène jamais une bonne année."

"Si la Saint-Antoine (1) a la barbe blanche,
Il y aura beaucoup de pommes de terre."

"Garde-toi Du printemps de Janvier."

Ces adages comme des marelles se parcouraient à cloche-pieds. "Tu lances le palet, tu le pousses avec le pied, 1, 2, 3 ... jusqu'à 8 et tu sors !". Si le palet se trouve sur un trait, il faut tout arrêter.

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Plus loin des employés de la municipalité marchaient un peu à travers champs avec des cabas à carreaux ils s'en allaient jusqu'au hameau dit de "L'enfer" apporter du ravitaillement. Le Bébert parla de la Mado qu'en bavait trop avec son homme, faut dire que le Jeannot il trainait le soir à la Caillette avec des gars qui l'embringuaient, à jouer et à boire des canons. C'était lui qu'arrosait les gars. La Mado ça faisait des années qu'elle tirait le diable par la queue et trimait comme une sacrifiée pour pas que la ferme périclite. Quand l'Jeannot il rentrait, raviné au Clapion on l'entendait brailler jusqu'aux cabanes des pépinières, y'en a même qui disaient qu'il tapait la Mado. "Elle est brave c'tu Mado, et le Jeannot  il la mène" répondait le maître de la Youkette "Ben moi, ma feûne si je lui en foutais sur la gueule, ça se passerait pas comme ça ! et pis  c'est pas au mari à faire des choses pareilles! une feûne moi je dit que ça se respecte Vindieu !". Le Bébert tripota le pompon de sa casquette. La neige recommençait à tomber, bien drue. Les deux hommes se regardèrent longtemps, un vrai face à face de western dans un silence très velouté ponctué de "ma foi". Ils passèrent encore en souvenir tous les mois de l'année dernière, la première douceur de Janvier "qu'on ne connaîtrait ma foi pas c't'année" et les mois rassemblés faisaient encore un almanach : Plus de 300 préceptes pour la vie ordinaire et des dictons pour chaque saison :

"Regarde comme sont menées
Depuis Noël douze journées
Car, en suivant ces douzes jours
Les douze mois feront leur cours."

Les deux hommes se saluèrent et promirent de se revoir comme ils l'avaient prévu, au banquet pour la St Vincent. Les chasseurs de la giboulette, introniseraient leur président dans la petite salle du comité des fêtes, les vieux feraient cuire le sanglier, les biches, les perdrix, les faisans. La Youkette; le basset grelottaient dans la neige. Il était temps de rentrer. Le maître de la Youkette se retourna et lança l'épilogue qui résonnait dans la grande terre : "salut Bébert, et pis ma foi ! revoyure à la St Vincent ! y z'y ont annoncé que normalement après le 20 ça sera le redoux !" Le Bébert agita sa casquette, cria tout au milieu du champ une de ces phrases de bonne patience qui réenchanta le hameau. Dans cette tonalité parfaite, de moelleuses météores nous effacaient lentement. Tous fondus dans le paysage, nous retrouvions le paradis, juste là où il avait été crée. Cette fine allégeance mollissait en nos corps, biffait le cours des volontés, nous errions comme des plantes lourdes dans ce pays perdu. Le basset, La Youkette courant devant, truffaient quelques flocons. Sur le bout de la langue, quelques bribes savantes, déroulaient des oracles. Une vieille boule de cristal roulait sur les saisons. Il en était jeté de toutes les décisions qu'il nous restait à prendre...

"Saint-Vincent (2) clair et beau,
Plus de vin que d'eau." .

(1) = 17 Janvier - (2) = 22 Janvier

Photo : Neige au hameau et sur le chemin de "La grande terre". Nabirosina. Janvier 2010. © Frb.

mercredi, 06 janvier 2010

Hameaux couverts

"Ils agonisent longuement dans l'herbe poisseuse, et le premier laboureur qui les découvre, à l'aube, imagine déjà les sombres histoires d'amour qui auréoleront le nom déformé de la victime, aux soirées d'hiver, dans vingt ans et plus. "

ROBERT DESNOS in "Le rêve de Foujita". Extr. de "Récits, nouvelles et poèmes". Editions Roblot 1975.

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Le silence revenait en écho. On attendait la neige. Lui, ce qui l'interessait ce n'était pas de regarder la neige. Mais de la fabriquer. Il avait fait courir le bruit, et la lumière avait baissé. Le lendemain sur les chemins défilaient des laines polaires. Dans ce chaos, lent, fascinant, glissaient des corbeaux freux et des pyrrhocorax graculus conversaient à coups de "schkwahk!  schkwahk !". Sur un chariot des paysans chargeant des sacs de sel, de sable parlaient d'une bonne femme dépressive du hameau où vivait la Francine qu'avait tué son homme à coups de carabine.

L'autre, ce qui l'intéressait ce n'était pas de regarder les gens mais de calculer comment la neige viendrait dans leur esprit, y déposer ce grain et la boule de givre qui roulerait sur les évènements, dévorerait les âmes impitoyablement. Le silence feutrait la rumeur, il y avait des on-dit. Au village alentour, une femme avait tué son homme parce qu'il courait. Chacun se demandait : "Son homme courait. Mais avec qui ?". Ils croyaient tous dur comme fer en la neige, celle qui ensevelit, quand leur bonne fée sournoise, viendrait à point fermer les pages remplies de l'encre qui coulait mais n'arrivait pas jusqu'ici. Et sous la paille mauve de la vieille Euphrosine, un épi malheureux caché sous la tripaille, le dernier mouvement d'un rêve anthropophage, ensanglantaient son lit. Ce qu'elle avait rêvé la veille, elle le racontait le lendemain. Et elle le racontait si bien, avec son gros bec de volaille, que tous les villageois se groupaient devant la mairie pour écouter jacter l'aigre et la chevrotine et ils en revenaient la langue bien aussi chargée qu'Euphrosine.

L'autre, ce qui l'intéressait ce n'était pas le bec d'Euphrosine mais le museau des rats qui mangeaient le ver du fruit en accouplant tous les on dit aux candiratonnailles. D'autres nuits revenaient encore, et des longs chats à poils d'or miaulaient sous les fenêtres de ceux qui l'année précédente, sous prétexte d'un voyage à Dyo, avaient donné des coups de couteau au contrat de mariage. La vieille qui n'avait jamais connu d'homme, regardait le haut de la montagne, l'oeil craintif, la croupe sertie dans des cotillons de maille beige frottés aux rosaces d'un panty. Ce que demandait Euphrosine : un geste favorable, c'était fabriquer de la neige avec lui. Sentir le clou dans cette entaille. Fondre dans ce délit.

Là haut, entre meurtières et murailles, l'autre regardait Euphrosine jeter des crosnes dans l'eau bouillie, marmonner seule les saloperies de ses rêves sur ses casseroles. Et ça faisait une vapeur peuplée d'ombres et d'odeurs molles, dont il enrobait Euphrosine qui ressentait alors de ces choses incroyables tout en bas de son ventre. Quand tout cela était fini. Euphrosine redevenait méchante. Autour de sa bouche, une bave. Et c'était reparti.

La neige on l'attendait, pour sûr ! Plus impatiemment que les Rois Mages. On l'attendait comme le messie. Ce qui sourdait dans cette attente déclenchait toutes les avaries et l'eau brune des boutasses du hameau des "Piques" à "La Pelaude", débaroulait sur les cabanes, recouvrait le bourg de sa vase. Un monde devenu limoneux. Mais le limon ne gagnait plus. Chacun restait dans sa cabane. Le coucou parfois chantait l'heure. Des pommes blettes sur un bahut, un peuple de pelles et de pioches, retranché dans ses cabanons, stockait son sucre, en tordant des reinettes dans des bouteilles d'alcool de poire. Tous ici attendaient la neige. Et si la neige ne venait pas, il y aurait encore un drame. C'est ce que racontait Euphrosine.

L'autre, ce qui l'intéressait, quand il fabriquait toute cette neige c'était d'en préciser le blanc. D'en extraire le pesant. Son point d'apparition. De perfectionner la matière, de la goûter jusqu'au moment où il pourrait s'en délivrer. Mais cette fois, il était en retard. Ces infinités de façons, le secret qui vient au flocon, toute la légèreté du cristal, étaient tombés de l'alambic. Et les cotillons de la carne, à l'heure où il crût en pleurer troublait le coeur du papillon qui redevenait larve. Ils avaient tous trop attendu. La méchanceté de la vieille allait faire des petits. L'autre savait qu'il n'y aurait pas assez de neige pour tout le monde. Il ne restait qu'une solution pour empêcher la méchante femme de faire grêler sur le pays des paroles pire que la gale.

A minuit environ, cela vint comme un mauvais charme dans le cabanon d'Euphrosine. Un portail grinça au jardin. Elle se retourna dans son lit, avec son grand bec de volaille, elle cria "Qui est là ?". L'autre avançait à pas de chat, un corps lourd de bête docile et doré comme du pain d'épice. Elle lui tendit les bras, de grands bras en lambeaux. Son bec claquait gaiement, elle bêla : "Tu es beau". Il entra dans le lit, posa doucement sa bouche sur le cou de l'épouvantail et répondit "C'est moi, tu vois, je suis venu". Euphrosine succomba trois fois et sentit par trois fois la neige velouter ses entrailles. A six heures du matin elle s'éveilla seule dans son lit. Il faisait encore nuit. Devant la glace elle s'aperçut que son bec de volaille et le sang sur ses draps avaient miraculeusement disparus. Elle attendrait le petit jour pour en informer le village. Elle désirait que tout le monde sache qu'elle était une autre Euphrosine. Elle demanderait pardon aux habitants, à Jésus, à Sainte Euphrosine. Sous le châtiment du bavard elle irait dire des "Notre Père" à l'Eglise de Bois Ste Marie. Jésus lui pardonnerait contre une messe et des prières, les habitants seraient sans doute moins indulgents, mais ils s'habitueraient. Parce que l'autre, un jour, tôt ou tard, finirait bien par l'épouser.

Le journal avait annoncé quinze centimètres pour la nuit. La Francine réfléchissait. En y allant à dos de mulet elle pourrait arriver aux "Piques", juste avant le lever du jour. C'était un vieux pari stupide. Elle avait promis au bon Dieu que si la neige ne venait pas le 6 janvier exactement au moment du lever du jour, elle dénoncerait Euphrosine. L'autre qui tirait les plans et la neige dans ses alambics ignorait tout du dénouement. Puisqu'il n'y avait pas assez de neige pour tout le monde, il les laisserait ensevelir.

Le jour vint, sans un petit flocon, sans la moindre gouttelette de givre. La Francine à dos de mulet dépassa le bourg de Dyo. Euphrosine pour la première fois, avait mis du senbon, et nettoyé sa paille mauve au Palmolive. Parée d'une toque en Astrakan on pourrait la trouver aimable sans son bec de volaille. La Francine arriva très tôt. Bien avant Euphrosine. Elle avait eu le temps de sonner à toutes les portes, d'avertir les gens du pays. Quarante trois cabanons, plus les maisons des "Piques" et celles de "la "Pelaude". Euphrosine partit en chantant dans sa nouvelle peau d'Euphrosine. La Francine qui parlait jamais mais regardait tout derrière sa vitre, donna le nom de celle qu'avait couché. Quarante trois cabanons, autant de carabines. Euphrosine n'eût pas le temps d'atteindre la place de l'église. Ils visèrent tous en même temps. L'autre rangea ses alambics. Il y eût une mare de sang sous un ciel assez dégagé.

IMG_0049.JPGPhoto 1 : La frontière du hameau des "Piques".

Photo 2 : Le son d'un pas sur "La Pelaude".

Photographiés vers l'ancienne maison d'Euphrosine, par l'autre. Nabirosina. Janvier 2010. © Frb.

dimanche, 03 janvier 2010

Se faire couler un bain

29 secondes de toilette dans la salle de bain de l'élan.


vendredi, 25 décembre 2009

Certains jours vous souhaitent un merveilleux Noël...

Fait maison

C'est joli ! non ?

samedi, 21 novembre 2009

Sur le passage de quelques personnes...

"Et le beau temps qui a été plus perdu que dans un labyrinthe..."

GUY DEBORD : extr. "Hurlements en faveur de Sade", (premier scénario prévu avec images, jamais tourné). Publié dans la revue "Ion" 1952.

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Tout commence avec l'avant-garde et avec la poésie. Compte tenu de l'image trop souvent exclusivement politique que certains ont aujourd'hui de Guy DEBORD, il n'est pas superflu de rappeler que l'une des préoccupations artistiques, poétique de cet auteur magistral fût de "dépasser l'art, c'est à dire de le faire coïncider avec la vie, à condition de faire coïncider la vie avec la révolte". Il s'agissait de mettre la poésie au service de la vie quotidienne, pour que celle ci soit la moins quotidienne possible. De là émane aussi tout le sens de la rencontre et de la rapide rupture de Guy DEBORD avec les lettristes d'Isidore ISOU (dont le lettrisme constituait pour l'essentiel un remake du Dadaïsme de l'autre après-guerre). L'éphémère adhésion de G.DEBORD au programme lettriste a tout d'une rampe de lancement qui le propulse rapidement vers d'autres aventures. En vérité l'Internationale Lettriste (1952-1957) n'est plus vraiment lettriste et n'a pas grand chose d'international, composée au mieux d'une dizaine de jeunes gens, tous plus ou moins voyous, elle se spécialise dans un art hélas trop boudé : le désoeuvrement, (n'oublions jamais ce superbe mot d'ordre - ou de désordre - qu'on aimerait bien revoir sur nos murs de temps en temps (et surtout dans nos vies, en ces temps laborieux) : "Ne travaillez jamais !". Elle s'applique aussi à la critique la plus insultante possible de l'avant-garde et des intellectuels consacrés. Goût du jeu, goût du conflit, deux grands axes chers à G.DEBORD.

C'est à St Germain que G.DEBORD et les siens mènent leur première guerre et qu'ils s'offrent du même coup une autre vie plus héroïque, par conséquent, plus légendaire. Suivront d'autres aventures et d'autres guerres dont la plus illustre placée sous le signe de l' Internationale Situationniste. Pour DEBORD et ses compagnons tout se passe comme s'ils disposaient les traces de leur aventure en fonction d'une légende à venir, mais immédiatement comme si de toujours déjà le vécu, se redoublait d'une mise en forme ou mise en mémoire.

"Tout ce qui concerne la sphère de la perte, c'est à dire aussi bien ce que j'ai perdu moi-même, le temps passé et la disparition, la fuite et plus généralement, l'écoulement des choses et même au sens social dominant, au sens donc le plus vulgaire de l'emploi du temps, ce qui s'appelle le temps perdu, rencontre étrangement dans cette ancienne expression militaire "en enfants perdus", la sphère de la découverte, de l'exploration d'un terrain inconnu : toutes les formes de la recherche, de l'aventure, de l'avant-garde. C'est à ce carrefour que nous nous sommes trouvés et perdus" G. DEBORD, in "Critique de la séparation" (court métrage 1961)

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Le goût du légendaire, du romanesque expliquera le style des interventions lettristes : tracts, manifestations, articles puis plus tard des interventions "situs". Ces actes sont souvent d'une grandiloquence ironique, toujours insolents, parfois chouïa autocomplaisants, on aurait tort de s'en moquer car ils ne sont pas faits pour reconstituer le champ de l'avant-garde (d'autres s'en chargent), bien au contraire, ils viennent défigurer, disqualifier toute avant-garde possible et de surcroît au prix du moindre effort !

Ils sont les traces de quelque chose qui a été vécu et qui s'est perdu. Un âge devenu d'or avec le temps qui s'est écoulé sur lequel G.DEBORD reviendra à de nombreuses reprises. Dans "Mémoires" en 1958, où l'on trouve, cité un fragment significatif de "l'Ile au Trésor" (à méditer bien sûr)

"Nous étions quinze sur le coffre du mort"...

L'idée de traces sera encore présente dans les films : "Sur le passage de quelques personnes à travers une assez courte unité de temps"(1959) et plus tard "Critique de la séparation" (1961) puis dans "In girus imus nocte et consumimur igni..."(1978) ou encore dans "Panégyrique"(1989).

Ces nombreux retours sur la période inaugurale de l'Internationale Lettriste suggère que celle-ci n'a peut être été vécue que pour devenir après coup la légende qu'elle est devenue, illusion rétrospective sans doute; mais pas seulement. Tout indique chez G.DEBORD une capacité proprement mélancolique de se projeter dans un temps où ce qu'il est train de vivre aura bientôt disparu. Soit, tout aussi bien d'anticiper sa propre légende ou de moins de la reconstituer le plus vite possible comme telle. G. DEBORD n'a cessé d'être l'historien de lui même, comme le Cardinal de RETZ (alias Jean François Paul de GONDI) cet autre joueur et perdant magnifique que G.DEBORD a lu très tôt et qu'il admirait tant. Mais contrairement au Cardinal de RETZ, G.DEBORD a été historien de lui-même d'emblée, non après-coup, joignant toujours les actes aux actes, comme on joindrait la parole aux gestes sans négliger jamais la dimension esthétique. Une seule force poètique qui seule permet l'accès au légendaire. Peut être parce que toujours c'est par le bien dire qu'advient rétroactivement le bien faire...

Source : Guy DEBORD "Oeuvres" admirablement rassemblées par J. L. Rançon. Editions Gallimard 2006.

Photo:  Sur le passage de quelques personnes... (Les feuilles d'or sont aussi des personnes d'un âge...) Vu à travers une très brève unité de temps. Au dessus d'une intemporelle grille. Suivi de quelques pas perdus. Ou la mémoire de l'"after" déjà légendaire du charmé de la colline qui travaille (et qui crie). Photographiée Boulevard de la Croix-Rousse. Lyon. Novembre 2009. © Frb

mercredi, 11 novembre 2009

Approximations

les cloches sonnent sans raison et nous aussi
nous partons avec les départs arrivons avec les arrivées
partons avec les arrivées arrivons quand les autres partent
sans raison un peu secs un peu durs sévères
pain nourriture plus de pain qui accompagne
la chanson savoureuse sur la gamme de la langue
les couleurs déposent leur poids et pensent
et pensent ou crient et restent et se nourrissent
de fruits légers comme la fumée planent
qui pense à la chaleur que tisse la parole
autour de son noyau le rêve qu'on appelle nous
[...]

TRISTAN TZARA  (1896-1963): Extr: "L'homme approximatif". Editions Gallimard 2007.

ho approximatif.JPG Les cloches sonnent sans raison. Nous ingérons mollement un peu de tout et son contraire. Tony troque son rêve d'enfant pour un nécessaire à prison. TZARA croise Tony, une seconde à peine. Les deux ont sans doute pleuré longtemps sur la route, une valise à la main. Le temps d'arracher à la camionnette sa béance pour quelques biftons. De broyer les rouages du monde, d'en extraire l'acier, de renverser la dette de la renvoyer muette, à son acte de contrition. Peu importe si l'histoire est fausse. La rumeur est lancée. Elle deviendra légende. L'anti banque frôlera l'anti-art. Les fulgurances sont éternelles, c'est à peu près tout ce qu'on en sait.

Ailleurs, Tristan trie les coupures, des papiers durs, des papiers doux. Il pose sur sa tête, un entonnoir volé au brigadier Hugo, chef des fanfares au cabaret. Des fantômes glissent à l'embouchure. On en fera des tire-bouchons, un entonnoir, plus strident qu'une trompette, plus sourd que la corne de chasse. Au fond des bois, l'auteur deviendra étranger, sciant la branche qui le porta. Soufflant à nous ensucrer les muqueuses dans un pipeau en chocolat.

Une fable poursuit le poète, cassée par des sonorités cruelles, pas d'antidote pour l'anti tête, qui raffole des portraits sépia. La caravane abonde, un convoi mis à nu visant le Dchilolo Mgabati Bailunda. Les chiens de bonne famille aboient. TZARA parle tout seul. Il fracture les coffres aux soirées folles où l'on trempe les amuse gueules dans les petits suisses, jusqu'à l'effritement de la harpe à Dada, tout s'ébauche sans peine à Zurich, là où la guerre (14-18), (c'est décidé), n'existe pas. Tout retourne au désert, sur des sables branligotants, des oasis mis à l'envers sont balayés par le courant. On jase encore des nuits entières dans le dos de monsieur bleu bleu, tout sautera dans la bétaillère avant qu'un nouvel ordre enchaîne. La poésie mangeant les cheveux de ses ancêtres avec les doigts. Sur la stèle écrasée de lettres, Dada glisse son piège à rats. Ainsi toute une bande de pouêts, embrasés, dans la joie, posera son cul à la fenêtre pour rien. Juste comme ça.

Un feu rapide pulvérise ses proies. Un autre temps, inédit se précise par le verbe chauffé à blanc, les proies se noient, brûlant des vie de jeunes fauves aux bûchers tendrement. Quelques réjouissances éphémères sur un sourire fondu en sang, et recraché dans le Grand verre. TZARA  épuisera sa pudeur à dénuder des souveraines que le royaume n'intéresse pas. Au cabaret Voltaire, le pseudo, étripe sans cesse les formules incontrôlables le fatum, l' ironie du sort. Le prénom juif de Samuel, se fera wagnérien.

Dada compose de l'art plastures de la littératique. Partout, ailleurs des hommes tombent. On pleure. On creuse. On cautérise. Dada la boucle, Dada fait mine. Des alphabets pierreux s'érigent, les paysans comptent les corps. Des filles hurlent d'horreur, aux vues de leurs fiancés, des soldats valeureux revenus de très loin, avec des gueules cassées. Pendant ce temps, Tristan coule son or en fourbis dans toutes les fissures. Par ce bel évasement s'échapperont des oxymores :

"Ainsi fûmes-nous désignés à prendre comme objet de nos attaques les fondements même de la société, le langage en tant qu'agent de communication entre les individus et la logique qui en était le ciment."

L'être humain se désarticule. Au cabaret déboulent les monstres de Léonard. On fermera les portes du lieu 6 mois plus tard pour tapage nocturne et tapage moral. Mais peu importe ! un épandage planétaire aura eu lieu. Irréversiblement. A la queue des belles lettres, à leurs pleins et déliés, s'aggrippent à jamais au bout d'une ficelle, la sangsue et le staphylin guettant le verbe invertébré. Tout le décor du monde n'y pourra rien changer, ni biffer l'unité de mesure vouée aux cartons d'emballage. L'alexandrin se meurt sur des crocs de bouchers. Le parnasse survivra pour la pérennité mais de sa bouche exsangue ne sortiront que des voyelles déjà sciées sur l'établi du prophète ardennais qui avait entendu, bien avant que ne se gonflent tous ces coussins d'oiseaux, le murmure de monsieur Cri Cri en de lointaines incantations. Appliqués à toute chose, les déchets s'élaborent dans le photomontage. Kurt Schwitters à Postdam éructe l'Ursonate. Bientôt une autre guerre. Entre les deux trappes mondiales, la phonétique attaque le temps... Et enfin, "La main passe"...

"Marié aux larges masses d'insoumis, brassé dans l'universel attroupement des choses, livré aux dénicheurs de graves tourments, aux radicelles humaines figées dans le recueillement et la complicité des jaloux, tu te regardes accomplir les gestes quotidiens dans les limites serrées des souples branches. Au désir de papier buvard, tu t'opposes, tu t'agites sous le vent d'un sillage toujours en fleurs. Que je n'arrive pas à distinguer des choses les fantômes des parties qui ont aidé à leur épanchement hors de moi, cela est dû à la continuité de leur action médiatrice entre le monde et mon adolescence. Et, désormais soumis à un sentiment, morcelé et étranger, de gouffre, pouvais-je, sinon subir avec terreur leur désertique et ferrugineux appel? Tout l'espace terreux se cabrait sous les bancs de nuages. Je me suis entouré d'hivernages fragiles, de forces desséchantes. Que reste-t-il d'humain sur les glabres visages tannés par les lectures et les astreingeantes politesses des dossiers dont je me suis constitué un décor famélique? Coutumière faiblesse il sera dit un jour de révolte que les yeux qu'on a cherchés étaient vides de la joie des hommes. Et les hommes et la joie, j'ai toujours essayé de me mêler à eux, à défaut de la féroce fusion promise que l'on trouve cependant encore vivante au fond résiduel des contes, parmi les germes de froid et les portes parsemées d'enfances."

Tristan TZARA . La Main passe - 1935 -

Photo : De "l'anti-art", à "l'anti-banque", le courant passe. Les mains sont vides et les sacs toujours pleins.  Tandis que TZARA reste toujours introuvable,  C.J. retrouve la trace de Tony Musulin (de dos) déguisé en détective privé pourvu de faux diplômes du passeur doux vaguement notaire. Vu il y a quelques jours, avant la réddition. Et un peu plus de trois ans avant nos épousailles. Lyon, rue Gentil. Novembre 2009.© Frb

vendredi, 06 novembre 2009

Dada doux

"Âne. Le lapin devenu grand"

JULES RENARD :  Extr. "L'âne" in "Histoires naturelles". Editions Flammarion 1999.

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"Parfois l'âne, à cause d'un chardon qu'il flaire, ou d'une idée qui le prend, ne marche plus.
Jacquot lui met un bras autour du cou et pousse. Si l'âne résiste, Jacquot lui mord l'oreille.
Ils mangent dans les fossés, le maître une croûte et des oignons, la bête ce qu'elle veut.
Ils ne rentrent qu'à la nuit. Leurs ombres passent avec lenteur d'un arbre à l'autre.
Subitement, le lac de silence où les choses baignent et dorment déjà, se rompt, bouleversé.
Quelle ménagère tire, à cette heure, par un treuil rouillé et criard, des pleins seaux d'eau de son puits ?
C'est l'âne qui remonte et jette toute sa voix dehors et brait, jusqu'à extinction, qu'il s'en fiche, qu'il s'en fiche."


Klaus GROH : "Dadadance"

podcast

 

A écouter un petit clin d'oeil (glamouroso) à l'âne, extrait du magnifique album "Spazio" de Fabio VISCOGLIOSI : http://www.deezer.com/listen-222718

A découvrir : Le merveilleux baudet du poitou. Le plus beatnik des ânes. (Une very spéciale dédicace à Liam, en passant) : http://fr.wikipedia.org/wiki/Baudet_du_Poitou

Photo : Auprès de mon âne. (Equus Asinus), à la robe grise, aux yeux très doux, j'entends les sons de la montagne en multistéréo. Photographié dans un grand champs près de Montmelard. Nabirosina. Octobre 2009. © Frb.