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jeudi, 26 mars 2015

Le parachute bleuté (interlude)

Il y a peut-être des lieux où l'on se trouve soudain comme dans le ciel.

ANDRE DHÔTEL extr. "Mémoires de Sébastien", les cahiers verts, éditions Grasset 1955.

 

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Sébastien, il faut l’avoir à l’œil, car il s’empresse à faire le canard pour n’importe quels beaux yeux nous avait confié sans vergogne, le ouiketi qui cachait sous son plus beau plumage, une tête d'Or, à ce qu'on dit.

On ne mesure pas le lieu qui sépara le ciel du parachute bleuté, si on n'est pas dans le ciel, si on n'a pas coulé, (sans aucune connexion, pour l'heure ça tiendra d'un pari stupide, évidemment), aveugle et vicieux comme on est, on finirait après des années d'ignorance, et même d'indifférence (c'est écrit, dans un monde, d'amis bien renseignés, donc ça ne peut-être que vrai :), à toucher l'autre rive en arrivant coiffé, au pays où l'on n'arrive jamais. Là, avec un peu de chance, on trouverait peut-être un point d'eau pour se laver...  Enfin, avec des si, et des coïncidences, "vous nous rencontrerez peut-être un jour ou deux, sur cette petite route entre le bois et le petit lac." (*).

(*) extrait des "Mémoires de Sébastien", pour la belle aventure aux grands rivages de Dhôtelland. 

 

Lyon, le lac de la Tête d'Or, au printemps (des poètes) © Frb 2015.

lundi, 16 mars 2015

le rivage oublié (I)

Mais l'individu, c'est aussi la liberté de l'esprit. Or, nous avons vu que cette liberté (dans son sens le plus élevé) devient illusoire par le seul effet de la vie moderne. Nous sommes suggestionnés, harcelés, abêtis, en proie à toutes les contradictions, à toutes les dissonances qui déchirent le milieu de la civilisation actuelle. L'individu est déjà compromis avant même que l'état l'ait entièrement assimilé.

PAUL VALERY in "Le bilan de l’intelligence", extr. d'une conférence prononcée en 1935, publiée aux éditions Allia, 2011.

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Les brouillards descendaient sur une berge antique. On se laissait mener ailleurs, du bon côté, on a dû s'emparer de l'authenticité ; c'est une denrée prisée des centres hyper-actifs, on serait des followers, des winners des addicts, des lanternes affligées d'une comptabilité qui s'emballe comme tout le monde.

On a vu douter l'île, ou bien on s'était dit qu'elle pouvait rétrécir en même temps que nos ombres ne cessaient de grandir. On touchait l'ornement posant pour la vitrine : on devenait clinique, à caresser les cibles en voeu de réflection ; hantées de chapiteaux de nefs et d'ogives, le reste à l'abandon cédait aux sons stridents. On voulait ralentir, c'est une base l'abandon, elle a de quoi offrir. On se balade parfois près du petit étang on recherche les barques en vieux bois bleu d'Egypte. Elles pourrissent à présent.

On laisserait aller au fouillis primitif, les roseaux sur des friches, on viserait l'avenir, une chance aux yeux du monde : aller au plus pressant du prodigieux galop, trouver sa voie, courir, saisir la profusion. Tous ces dons chimériques c'est comme une contagion, qui saisit n'importe où une brèche à éblouir, vise un point culminant, glisse en conversations de sujets qui se grisent, soucieux de rajouter à ces crépitements un grain de mandoline. Il est doux cependant de se ressouvenir qu'on était muet, avant.

Le rivage oublié désarme l'impatience. On se tait pour survivre. La nuit, on imagine qu'on est des organismes perdus dans l'aquarium à écouter des voix trouées de concessions qui perdraient un temps fou à courir après qui court après d'autres rives. 

- Comment veux-tu savoir, à quoi il ressemblait, le rivage oublié, si tu l'as oublié ?

A demandé la fouine qui devait mettre à jour le plus petit secret de tous, dans un grand livre. C'est une compilation de vues méga-lucides qui paraîtraient en ligne enroberaient la mappemonde et plus tard, fort probable que dans la galaxie, les êtres des autres planètes auraient de quoi nous comprendre.

On tentait juste un pas, un parcours affligeant pour les petites personnes qui courent à la remorque, qui courent après l'extime du plus grand nombre de clics. La fouine, rien à redire, elle fait son job de fouine en haut d'une pyramide, avec cette ambition d'aller vers le plus haut, et de plus en plus fort au plus puissant des nombres jusqu'au plus haut sommet.

Ca dévorait notre île.

- Qu'est ce tu veux qu'on dise, et qu'on dira sûrement ? Quelle réponse absolue pourrait enfin convenir à ce chef d'oeuvre limpide intitulé "les autres" ? Quelle expression piquer sur celles qui nous réduisent à nous voir une seconde submergés d'émotion ?

C'était un court instant, accélérant le temps, sous le ciel, un nuage boursouflait les ballots de phrases effilochant des masses qui décortiquent.

La vitrine se divise. On demeure hébété, à écouter le vent chatouiller en sifflant les premières jonquilles, on voit dans le courant un semblable aux abois, on pourrait l'empailler pour nos divertissements et on se régalerait, on zapperait poliment, on irait s'enticher des chemins buissonniers on prendrait en photos les ruraux folkloriques qui soignent leurs trésors avec ces airs de glands revenus concassés par l'homme de l'ère de Scrat. On chercherait la bête nue sous sa carapace, le panache écrasé, le défaut, l'oeil au guet, on gratterait sous la peau pour vous montrer la crasse avec une éloquence qui nous pousse à ramper et jamais les lueurs de l'ancienne volupté n'en reviendraient intactes.

Sous ces tarissements, des messies nous reprennent notre joie, notre peine, ils l'ingèrent, la recrachent avec l'air dégoûté des héros fatigués des couleurs du spectacle, ils s'habillent dans la vague et se coiffent en épis selon l'humeur du temps. Là bas, roulent d'autres vagues. Ils nous apprennent à vendre les fantaisies de l'île, à vendre avec nos gueules qui racontent une histoire peu importe laquelle et n'importe comment, vues par un spécialiste du buzz intelligent, là, du rêve pour les masses, du vierge, du coloriage, du bien-être, du bonheur, l'évasion, la jouissance, imagine le spectacle des grands spa dans l'étang, des machines à filmer tous les ravissements. Imagine quel air pop sur ton mur, quelle flambée intérieure ! quand les chiffres s'élèveront en cent mille rondes flaques.

La vibration secrète du rivage oublié installe entre la loi des chiffres et le prochain décompte, un besoin de partir, tandis que nous traînons avec nos arrangements sachant qu'il vient un temps, où le moindre arrangement devient insurmontable.

Il reste hors de propos, ce silence à la marge accroché au soupir, un peu d'air anonyme comme une fausse confidence tire parfois d'embarras:

- Quel âge a ce regard quand il songe à l'enfance ?

- Où trouver le produit dérivé d'une substance qui tiendrait du secret de l'ancien équilibre ? 

- Comment veux-tu garder ta vie en sa réserve, à présent que ton corps, ton âme, ta peau, ton sang et ta bouche et ta laine ils deviennent collectifs ? Crois tu vraiment du haut de ton observatoire, être le bon vivant qui pourrait nous aider à échapper à ça ?

Elle farfouillait la fouine, qui tutoyait tout le monde, c'est une force étonnante d'avoir l'air tous complices sans souffrir la présence, où tous dans le même bateau, on tient grâce au même vice : frénésie du nouveau. On va désespérant, le cul entre deux siècles, on crache dans la soupière, puis on bricole le nerf avec le doux penchant.

Faut dire, vu du rivage, qu'on aurait toujours l'air de mendier quelque chose, c'est pas pour en rester à ces lamentations qu'on délaissait notre île. On avait une "étoffe", on tâtait des plaisirs à glaner des idées, et même des idéaux, des charges industrielles d'idées et d'idéaux, qui nous passent par la fenêtre. A ce rythme incroyable, on parle de légèreté sans plus connaître le mot, on se fait remarquer par l'opiniâtreté et cette drôle de façon d'attirer l'attention, une charge industrielle de regards et d'égards et des phrases immortelles, dont la suavité se donne, prend, et déjecte, on stockerait cet amas dans nos mains, dans nos bouches, et nos siphons de poulpes.

- Comment veux-tu le dire qu'un secret reste à taire si t'en parles à tout l'monde ? C'est plus rien d'un secret, à nous le savonner pour mousser ton baquet puis nous livrer liquides, histoire de brocanter, et si tu la fermais on te le reprocherait, on serait persuadé, que tu nous caches quelque chose".

Nous, on était assis, devant tous ces reflets, pris de vertige alors, à regarder des bouches qui nous fabriquent en kit toujours les mêmes symptômes, dès qu'on tente quelque chose, il y a toujours un psychiatre du café du commerce, qui ajoute ses sophismes aux défaites ordinaires. On n'ouvre plus un seul champ, sans en craindre à rebours les sensibilités des hordes délicates; quand semblant familier, on avait vu plus loin l’homme assis sur un banc, il restait silencieux, il protège sa mémoire sur un autre rivage, se garde en équilibre, il se tient au retrait et voit le vent, tourné.

- Comment tu peux savoir qu'il voit le vent, tourné ? Est-ce que ça nous regarde ce qui se tient caché ? Et crois-tu qu'un spectacle a quelque chose à dire sur le genre singulier ?...

- Allons, tais toi la fouine! ne presse plus de questions, va courir et laisse vivre !

L'homme approuvait encore les silhouettes sur les ponts et scrutant le rivage, est-il prêt à s'enfuir pour retourner marcher pieds-nus sous les nuages ? Coucher son corps verso sur des galets humides, redoutant un instant n'être qu'un figurant ? N'avait-il pas rêvé se vêtir de clarté, dans la mélancolie qui ouvrait au désir de partager sa rive ? L'homme parait assoupi, il ne traîne plus sa peine à chercher quelque part la chose exceptionnelle, il n'a plus d'orthographe. Il défait son ouvrage. 

Aucune de ses paroles n’innocenterait celui pressé de nous rappeler qu'à ces fabriques d'oubli nous fûmes un jour portés, plus rien ne justifie notre temps de parole, et le silence idem, s'expose en négligé, des vies qui se claironnent sans les avoir croisées. Et nous autres à la botte rendus méconnaissables, on pose à l'aveuglette nos regains nos réclames, on les offre à la chèvre, puis enfin le saccage tourne à la ritournelle. On rencontre, on remplace, on s'habitue, à "ça", on vient à la capture, tout secoué de spasmes, et de génuflexions face à cette merveille : la "fameuse" subversion de l'image et du son.

On n'échappe plus nulle part, ici tout se confond, là bas des cartes postales, plus loin, l'entrepreneur récupère des carcasses. Les hommes sans illusion regardaient revenir les oiseaux migrateurs, sur la ligne de fuite, rien qu'une démarcation, faite pour l'atterrissage d'improbables choucas et de l'autre côté, l'épatante ascension de ces pilotes d'avions qui repartent aussitôt, et peu à peu s'effacent.

On craint la défection, l'oeil collé à la vitre, on achète à bas prix un tas d'objets bizarres où nos joies infantiles parcourent à mots couverts ces années, ces hasards. On replie l'ornement. On est déjà ailleurs, on ne sait plus bien comment décrire la défection, on l'accepte (comme un lot). On se dore d'illusion, on se tend des miroirs, on virevolte, on s'entasse, on aimerait qu'il existe pas loin dans les parages, un endroit où un homme pourrait survivre un an sans aucune connexion, on admet (autre lot) qu'au lieu de le montrer, il vaudrait mieux l'enfouir au fond d'un trou de taupe. Ainsi, ces formes abstraites, qui nous venaient en rêves ne pouvant s'éprouver au jeu de la durée entraient en collision. Pas le moindre centimètre du moindre cervelet qui ne fut pas versé dans le grand balancier où les phrases désormais forment des vaguelettes dont les motifs miroitent bercés par toutes les vagues qui re-battent la campagne louée par des chamans, on les chope à l'arrache, on se kiffe, on se like, puis on va voir en face chez les nouveaux marchands, on surfe sur la tendance, on s'embarque, on débarque, on cause, on crypte, on casse, puis on déplie son corps, on se change les idées, on court par les ruelles acheter des cartes postales qui recyclent du pavé sur un air de printemps...

L'homme est près du rivage, il a aimé les joncs, dormi dans les fougères, il a choyé les barques. Son esprit ne tient plus qu'à l'air de monstre idiot qui vit de ses paris, (stupides, évidemment), puis dépassant la ligne, du rythme il se détache, des mots qu'on lui refile et il brade son image. S'il avait disparu, il n'y aurait plus personne pour adorer la rive mais dès qu'on l'aperçoit remonter souriant du plus grand précipice, on n'est plus seul, enfin, tu ne seras plus seul à peupler le rivage de ces grands poèmes-fleuves, qui remontent lentement et ralentissent encore, se tiennent loin des torrents sur les simples cours d'eau aux replis, dans les coins, loin des murs abrasifs, il y aura des passeurs.

    

Photo : portrait du veilleur immobile et discret silencieux amoureux de ses rives, dédié au lointain, et au proche. Et à tous ceux qui ne pourront se résoudre tout à fait à l'oubli, même si parfois dans la vie compliquée, on ne peut faire autrement qu'accepter une latence (qui n'est pas forcément choisie...)

 

Lac de Tranquillité, © Frb 2014 remixed 2015.  

lundi, 09 mars 2015

Le rivage oublié (II)

Il faut savoir répondre dans le vide. Ce sont les livres. Il faut savoir se perdre dans le vide. C’est la lumière dans laquelle on les lit ; il ne faut répondre aux autres qu’en créant.

PASCAL QUIGNARD : extr. "Les désarçonnés", Septième volume du "Dernier royaume", éditions Grasset, 2012. 

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Pascal Quignard cite Montaigne tombé de cheval lors d'une promenade. Désarçonné, le grand homme affaibli et gisant à terre : 

"mort, étendu à la renverse, le visage tout meurtri et tout écorché [...] n'ayant ni mouvement ni sentiment non plus qu'une souche", et qui, après avoir vomi "un plein seau de bouillons de sang pur", entreprit d'écrire "Les Essais".

 P. Quignard écrit encore :

"Tout à coup quelque chose désarçonne l'âme dans le corps. Tout à coup un amour renverse le cours de notre vie. Tout à coup une mort imprévue fait basculer l'ordre du monde [...] Tomber à la renverse [...] C'est comme une ­seconde naissance qui s'ouvre dans le cours de la vie."

Plus loin l'auteur évoque, en 1548, Etienne de La Boétie, l'homme, ami de Montaigne qui parla en beaux termes, la théorisant même, de la désobéissance civile:

"Je ne vous demande même pas d’ébranler le pouvoir mais seulement de ne plus le soutenir."

Commencez par arrêter de voter pour vos ennemis.

Arrêtez de vous donner des maîtres.

Arrêtez de payer des surveillants pour vous épier.

Arrêtez d’offrir par votre travail, au prince, l’or et les armes dont vous serez ensuite les victimes.

Arrêtez de donner la liste de vos biens à ceux qui exigent de vous piller.

Pourquoi constituez-vous ces files qui montent au bûcher et qui alimentent le sacrifice pour quelques-uns ou pour un seul ?

Pourquoi tenez-vous tant à être le complice préféré du meurtre et l’ami fidèle du désespoir ?

Les bêtes ne souffriraient pas ce que vous consentez.

Ne servez plus.

 

******************

 

Pour entrer dans l'image ou peut-être un reflet: en contrepoint encore mais sur un fil ténu précédent, le "royaume", fût il premier, dernier, vite vu, pas encore emballé pour soi seul, ni vendu, un instant retranché, rien qu'une légère errance en dessous de la surface éblouissante d'une ville occupée à nouveau ou toujours occupée. Un espace reprend l'homme qui marchait au hasard et s'y retrouve, par là même trouve une place que peut-être la société violente a cessé de lui accorder, un silence espéré loin des flux médiateurs, loin des violences d'après, loin de l'hyper-active injonction de devoir s'y sentir engagé à s'exprimer encore ou prendre partie prenante d'un nombre d'avis auxquels de toute façon on ne peut pas entièrement se rallier, loin des heures d'affluence, loin des ponts survoltés de traversées d'autos, d'hommes pressés et de vies hérissées, de courants électriques, des réseaux, des complots et loin très loin, de la vélocité, possessive. Ici, au jour le jour comme avant, comme après, c'est à peine, ou peiné qu'on retrouve un rivage tel un monde oublié, épargné, c'est un leurre, on le sait, mais peut-être, libre encore que l'imaginaire s'y repose, s'y prélasse. Peu importe, le prétexte vrai ou pas, l'endroit s'ouvre comme un livre, qui résiste aux assauts des foules, et de la peur, à nos replis craintifs, à la chute qui partout à la fois décrypte et tétanise l'homme au tempo rapide, qui se rêve au repos. Le lieu, ici invite, préservant des crissements, des fers, de la puissance, des serpents à sonnettes, des sirènes, des échos, à peine deux ou trois mouettes. A bonne distance sur terre comme au ciel, ces espaces semblent ouverts, pour nous aider à vivre, un peu d'eau, l'air, une berge vaguement à l'abandon, sans un phare, sans aucun feux de joie qu'attise la volonté de sacrifier, quoi donc ? Ici la berge étire un instant l'horizon, par la force de ce temps disponible, luxe doux n'ayant pas tant besoin de remparts ni de cuirasser l'être pour le trouver en phase, une heure avec lui même. Ce lieu où je n'avais pas forcément prévu d'aller à cet instant alors que la balade très naturellement m'y menait, happait d'un bleu-vert magnétique une mémoire d'océan qui n'existe pas sur le fleuve Rhône, pas en réalité, jamais à l'ordinaire, plutôt gris coutumier de sa grisaille urbaine. Bleu glacé de l'hiver, comme un gel, loin des pêches des navigateurs intrépides, de leurs chasses aux trésors, loin des vagues lourdes des hommes qui tombent et se relèvent comptent les points et les morts. Ici quelques reflets et les miroitements passagers de l'eau mêlée à une éclaircie toujours brève, le ciel bas ajoutant au désarroi des jours d'après, ce n'est pas rien qu'un rêve de glisser à travers cette luminosité, puis approcher d'un pas, concret, ou toucher la texture de cette berge, esquissant une trouée dans l'univers familier, bercé du flottement comme observer la vie avec les éléments devient un jour utile pour savoir qui on est. Il ne manquait, peut-être que "La barque silencieuse", hantant la simple image qui fragmente un passage d'une plus longue promenade, ce passage hante aussi quelques êtres, les plus lents, ou les autres, solitaires, ou les peu éloquents qui n'osent dire leurs idées au grand jour, peut-être pris à cette heure, de panique par l'instance collective, qui demande à chacun de penser à l'avenir, laïc ou religieux, alors qu'on ne peut plus suivre, en ses nombreux méandres, une si lourde entreprise. Alors qu'on se replie le jour où prononcer un seul mot, dont le sens qui déjà connoté, autopsié par tant d'autres, ruine la moindre tentative, et décourage, parfois du simple fait de vivre. Tous ces flux nous informent autant qu'ils peuvent aussi annuler la présence singulière, qui craindrait de se perdre en rejoignant trop vite les mouvements ou en se dévouant corps et âme aux causes les plus pressantes, en éprouve par avance les limites dérisoires aussi paradoxales que l'obstacle qu'il faut pourtant combattre. L'errance en contrepoint, du malaise éprouvé face aux ogres et géants, ici en forme floue, émerge par simple attrait, îlot d'indépendance, doucement retiré des sonos de la cité, une absence qui s'approche tout prés d'une autre page, déroule au pas suivant encore un fil d'Ariane, ou de Pascal (Quignard) magnifique écrivain, fouinant dans les comptines vieilles de nos origines éclairant notre époque, qui ravivent l'être humain fort de sa liberté inouïe, mais aussi entravée, à toutes les époques. Le livre offre de quoi sustenter les mortels embarqués, l'écrivain a rêvé de barques grecques allant à la dérive, il s'est concentré, à décrire :

"cette réserve animale, farouche, qui ne doit jamais se soumettre au langage, ni aux arts, ni à la communauté, ni à la famille, ni à la confidence amoureuse."

Il cherche le vivant avant que l’histoire l’ait réduit au standard, une piste, une phrase encore échouée, sur la barque invisible qu'il est possible ou non, d'ajouter à l'image (à la guise du lecteur de la voir apparaître ou de la dessiner). Extrait puisé toujours à la source limpide des beaux livres de l'auteur.

"Nous emportons avec nous lorsque nous crions pour la première fois dans le jour la perte d'un monde obscur, aphone, solitaire et liquide. Toujours ce lieu et ce silence nous seront dérobés"...

pourtant: "le large existe."

 

Photo : "L'eau qui revient sans cesse"...

Eau d'ici, eau de là, le bleu rare du fleuve Rhône © Frb, Lyon 2015.

vendredi, 06 mars 2015

H/ombres (II)

Je veux tout dire, tout, tout, tout ! Oh, oui ! Vous me prenez pour un utopiste ? pour un idéologue ? Oh, détrompez-vous, je n’ai, je vous l’assure, que des idées si simples… Vous ne le croyez pas ? Vous souriez ? Parfois, vous savez, je suis lâche, parce que je perds la foi ; tantôt en venant ici, je me disais : "Comment entrerai-je en matière avec eux ? Par quel mot faut-il commencer pour qu’ils comprennent quelque chose ?"

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Quelle peur j’avais ! Mais c’était surtout pour vous que je craignais ! Et pourtant de quoi pouvais-je avoir peur ? Cette crainte n’était-elle pas honteuse ? L’idée que pour un homme de progrès il y a une telle foule d’arriérés et de méchants ? Ma joie est de constater en ce moment que cette foule n’existe pas, qu’il n’y a que des éléments pleins de vie ! Nous n’avons pas lieu non plus de nous troubler parce que nous sommes ridicules, n’est-ce pas ? C’est vrai, nous sommes ridicules, frivoles, adonnés à de mauvaises habitudes, nous nous ennuyons, nous ne savons pas regarder, nous ne savons pas comprendre, nous sommes tous ainsi, tous, vous, moi, et eux ! Mon langage ne vous blesse pas, quand je vous dis en face que vous êtes ridicules ? Eh bien, s’il en est ainsi, est-ce que vous n’êtes pas des matériaux ? Vous savez, à mon avis, il est même bon parfois d’être ridicule, oui, cela vaut mieux : on peut plus facilement se pardonner les uns aux autres et se réconcilier ! Il est impossible de tout comprendre du premier coup, on n’arrive pas d’emblée à la perfection ! Pour y atteindre, il faut d’abord ne pas comprendre bien des choses. Si l’on comprend trop vite, on ne comprend pas bien. C’est à vous que je dis cela, à vous qui avez su déjà tant comprendre… et ne pas comprendre. À présent je n’ai pas peur pour vous ; vous ne vous fâchez pas en entendant un gamin comme moi vous parler ainsi ? Non, sans doute ! Oh, vous savez oublier et pardonner à ceux qui vous ont offensés, comme à ceux qui ne se sont donné aucun tort envers vous ; cette dernière indulgence est la plus difficile de toutes : pardonner à ceux qui ne nous ont pas offensés, c’est-à-dire leur pardonner leur innocence et l’injustice de nos griefs ! Voilà ce que j’attendais de la haute classe, voilà ce que j’avais hâte de dire en venant ici, et ce que je ne savais comment dire… Vous riez, Ivan Pétrovitch ? Vous pensez que j’avais peur pour ceux-là ? Vous me croyez leur avocat, un démocrate, un apôtre de l’égalité ? (Ces mots furent accompagnés d’un rire nerveux.) J’ai peur pour vous, pour nous tous, devrai-je dire plutôt, car je suis moi-même un prince de la vieille roche, et je me trouve avec des princes. Je parle dans l’intérêt de notre salut commun, pour que notre classe ne disparaisse pas dans les ténèbres, après avoir tout perdu par défaut de clairvoyance. Pourquoi disparaître et céder la place à d’autres, quand on peut, en se mettant à la tête du progrès, rester à la tête de la société ? Soyons des hommes d’avant-garde et l’on nous suivra. Devenons des serviteurs pour être des chefs.

Il fit un brusque mouvement pour se lever, mais le vieillard, qui l’observait d’un œil de plus en plus inquiet, l’en empêcha encore.

— Écoutez ! je ne m’abuse pas sur la valeur des discours, il vaut mieux prêcher d’exemple, commencer tout bonnement… j’ai déjà commencé… et — et est-ce que, vraiment, on peut être malheureux ? Oh, qu’est-ce que mon affliction et mon mal, si je suis en état d’être heureux ? Vous savez, je ne comprends pas qu’on puisse passer à côté d’un arbre, et ne pas être heureux de le voir, parler à un homme, et ne pas être heureux de l’aimer ? Oh, malheureusement je ne sais pas m’exprimer… mais, à chaque pas, que de belles choses dont le charme s’impose même à l’homme le plus affolé ! Regardez l’enfant, regardez l’aurore, regardez l’herbe qui pousse, regardez les yeux qui vous contemplent et qui vous aiment…

FEDOR DOSTOÏEVSKI extr. de "L'idiot", traduit par Victor Derély, éditions Plon, 1887.

 

A découvrir, ici, une autre traduction, décapée et lue à l'arrache par l'acteur magnifique, Vincent Macaigne.

 

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Photo: le fleuve Rhône vu d'un pont à quelques tasses (brasses ?) du rivage familier. 

Nota: En cliquant sur l'image du fleuve, sans trop vous retourner, vous pourrez peut-être, voir la mer...

 

Lyon © Frb 2015.

lundi, 02 mars 2015

L'étang

 Il y en a qui vont 

Vers l'entrée pour voir

Si c'est possible. 

 

GUILLEVIC : "Du Domaine", éditions Gallimard 1977. 

 

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Lyon, un après midi dans les brumes au dessus de l'étang.

 

Photo: © Frb 2015

mardi, 24 février 2015

Les spectateurs

Pas de sens sous la main

la plupart du temps

on chasse ce qui risque la casse

on se maintient et va sans voir

comme tout le monde.

 

ANTOINE EMAZ : extr. de "Peur 1".

 

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Ils se sont arrêtés pour contempler le Rhône. Ils sont restés longtemps à émettre deux ou trois réflexions sur la beauté du fleuve et sa couleur verdâtre avec cette note de noir, qui rend une impression de saleté par temps gris, mais l'ensemble demeure agréable à cause des reflets des nuages gris rosés, ou des brumes qui offraient ce jour là, une vaporisation légèrement colorée propice à l'oisiveté. Eux, je les entendais échanger quelques phrases ponctuées de silences. Certains avaient dû dire qu'ils préféraient la Saône parce qu'elle était plus gaie. Pour les autres, mitigés, ça dépendait toujours d'une affaire de nuances, ils préféraient le Rhône, finalement, parce que (je cite) "c'était un fleuve plus franc". Ils acceptaient, de bon gré, que les autres aient envie de modifier leur trajet afin de contempler de l'autre rive sur un pont de la Saône par St Georges et St Jean, le coucher du soleil sur presqu'île. Le fleuve Rhône est un fleuve assez tumultueux, et chacun en perçoit les tourbillons obscurs, et même en le croisant certains jours ordinaires, on devine qu'il pourrait raconter des histoires difficiles à comprendre. Le fleuve Rhône capte aussi puissamment les lumières. Alors c'est peut-être mieux de ne pas divulguer ces histoires à des gens qui ne souhaitent pas les entendre. Il faut laisser le temps aux histoires d'apparaître, et ne pas modifier ce que les spectateurs ont cru voir un instant qui semblait trop léger, égratignait un peu la conscience pointilleuse de celui qui savait et finit par se dire que ce n'est pas si grave si la vérité s'égratigne au passage. Il faut laisser courir tout ce qui se dépense, même si ça ne se lie plus à aucune vérité, "pas de sens sous la main", il ne faut pas forcer cette main trop violente, qui se cache, on le dit, sous les plus beaux attraits. Il ne faut peut-être pas rejeter sans raison, les jours de convergences qui s'écoulent comme de l'eau, disparaissent sous les ponts disparaîtront un jour aussi souples que l'air mais gardent en eux l'étreinte de tous les paysages, et la mémoire de nous ; il ne faut peut-être pas briser une illusion collective, rassurante. A peine évoquerait-on les atmosphères d'un lieu qu'on s'emparerait aussi du style des personnages, on se tromperait d'objets en caressant des cibles, une façon de parler de soi pour l'agrément, quand dans la cruauté des mots et des images on nous démontrerait qu'être vu est utile, on affiche ce qu'on pense, et puis on va grimper, retomber aussi vite. Le silence s'opposerait avant de revenir trancher sur le sujet. On en reste à l'esquive, parce qu'on ne saura jamais traduire si fidèlement ce qu'on croyait savoir ou bien la cruauté (et ce qu'on en ressent) se change en marchandise, ou bien d'où l'on se trouve pour s'exprimer, on tremble on se piège à distance dans la fragmentation du temps et d'autres corps, en présence, en attente, parmi les phénomènes qui se heurtent et s'agrègent comme des vagues et reviennent s'annexer de mémoire, ou vivent en transparence. On ne pouvait pas savoir sous quelle forme ça glisserait, on ignore quel chemin, ni quelle berge remonter pour rechercher la source de cette obscurité, peut-être ce n'est pas ici, en ces eaux tourmentées où par un clair instant retrouvé d'évidence on pourrait s'y pencher une fois que les spectateurs se seraient retirés un à un. Dire que ça ne mentait pas, il y a bien, quelque part un petit quelque chose qui avait l'air de clocher, et juste ici, - c'est là ! (le doigt ne montre pas) pourtant les promeneurs et même les spectateurs ont dû baisser les yeux, remarquer encore vite, ou ils l'ont ressenti, ils étaient tous gênés, sans voir, ni trop savoir pourquoi il existait quelque chose comme un poids ; subitement ça cassait l'harmonie de l'ensemble, alors que cet ensemble paraissait présenter les mêmes vues qu'autrefois, à quelques détails près. Ca pouvait perturber tous les petits plaisirs. Une image de la vie : des rives aménagées en aires de jeux festives où l'on peut boire le soir entre amis, rencontrer du nouveau, danser sur des bateaux, éclairés jour et nuit. Paradoxe émouvant de boire autant d'alcool, au bord des eaux hantées de mouettes et d'immondices. Tout un monde de reflets, où l'on se sent hagard dans la vie parodique, bercé par l'air et l'eau en y jetant des mots. Chacun sait que l'on tient grâce à ces illusions, des retouches esthétiques qui deviennent véridiques. Ainsi on dit parfois (à tort ou à raison, peu importe ! on dit surtout pour dire) de certaines jolies filles qu'elles seraient sans doute laides et même indésirables sans ces heures fastidieuses à se faire un maquillage si discret qu'il parait au final, beaucoup "plus vrai que nature" et nous, on ferait semblant d'être d'accord avec ça. Disons quand ils s'accordent avec nous et entre eux pour ne voir que cela, nous on s'arrange aussi avec eux, entre nous, pour laisser les choses en état. On peut se contenter, un peu de ceci-cela, apprendre à aimer vivre, quand il ne resterait qu'à se laisser porter en suivant les reflets. Le reste tient du pouvoir de s'éblouir ensemble, et oublier ensemble le coin des barques tristes, échouées sur l'île Barbe. On pourrait retarder l'immersion dans la casse (liquidation forcée) et même s'en détacher. On laisserait flotter, on changerait de rivage ça découlerait toujours d'une mutation ratée, une saisie impossible, une partie du rivage s'était désagrégée, pendant qu'on écrivait des poèmes sur des nappes, et qu'on cherchait en soi une réponse qui n'existe qu'au-dehors, ou c'est la ligne de fuite qui vient nous rétrécir. On regardait d'en bas, on ne peut plus en montrer ce point où la confiance guidait l'esprit plus loin, il n'y a plus de confiance ailleurs que dans ce cadre où déjà on comptait archiver, un par un, le nombre des terriens en tous les paysages traversés d'autres chiffres ouvraient aux sports de glisse, on remarquait déjà que pour chaque spectateur, à sa suite, accourait un autre spectateur, un second qui viendrait ravager l'expression du premier, de quoi bien saturer la peur de s'ennuyer. On traverse la vie comme on regarde un film, on montre des images, et nous voilà conquis. On vous affiche des gens qui n'ont pas de regard et maintenant il faudrait vous raconter leur vie sous prétexte qu'on a dû les croiser quelque part, un court fragment du temps, que cela fournirait un motif suffisant pour en faire un ouvrage dont on finirait presque par se persuader qu'il dit la vérité, celle qu'on ne vous montre jamais et que tout le monde attend. On revient simplement raconter les histoires sans même s'intéresser à ce qu'ils en penseraient, eux, les passeurs perdus, précédant nos balades. On rêvait d'escalade, la tête dans les étoiles, et on jetait nos sacs pour que la cruauté entrevue s'amortisse au passage d'un défaut de mémoire. Il importe dans ces détournements, que ces éclats de vies ne deviennent pas sans cesse des produits dérivés d'un système qui promet, et peu à peu dérive en suite d'effets de l'art, parfois on se demande si ces vagues d'escalades ne finissent pas déjà par toutes se ressembler, tandis qu'on se transforme, nous aussi en reflets. On les avait vu vivre, quelques minutes avant, ces gens, ces étrangers, ils parlaient avec nous, ils ont dû contempler quelque chose de spécial qui n'entre pas dans le cadre, mais qui pourrait montrer une tout autre vérité. On les a entendu s'en aller gentiment, on les a salué. On les a entendu rire encore très longtemps ils étaient redevenus des silhouettes minuscules, et nous on les cherchait, spectateurs silencieux, parmi d'autres curieux entrés dans le spectacle de la ville qui dévore les visages et sans cesse nous déplace, puis les a effacés. On les a écouté juste avant qu'ils nous parlent, ils émettaient des bribes d'un langage familier qui n'appartient qu'à eux, ils ont émis des phrases, elles déformaient un peu les histoires que leur guide leur avait raconté, ils avaient quartier libre, ce n'était pas à nous de corriger leurs phrases. C'était une chose à eux. Personne n'est assez clair avec ses propres histoires pour tenter de rétablir l'équilibre général, et que tout devienne vrai, à rectifier les fautes qu'on saisit chez un autre, rectifier par souci de l'authenticité quand ce n'est pas l'éthique qui s'en mêle, et au pire, on s'emparerait enfin du nom de dignité, et ensuite, on constate, qu'il n'est plus un espace dans cet étroit passage qui ne soit pas replié. Une réserve minimale nous tient sur l'autre rive. Et le vent, nous ramène les merveilleux nuages sous le cloud computing et son divin stockage. Des poids de mots des corps des têtes sur des photos des murs et des rambardes des mesures des outils, des recommandations pour que plus rien ne cloche et ne sorte du cadre. Quelles autres vérités pourrait-on mettre en boîte ? Certes on n'avait pas vu ce qu'il y avait de figures accueillantes et déjà affectées par la férocité compactée en réclames, on était des réclames, on était devenu d'une banalité à pleurer, malgré les mots greffant un peu de l'air du temps qui toujours se trainait un ballot que Tchekhov titrait en d'autres temps. Rien n'avait dû changer, après toutes ces années, ces ennuis qu'on bariole et jusqu'à la pénombre qui se danse émoussée, nous recueille en eaux troubles, avec nos styles nomades dont l'espèce d'air flotté dans la simple existence rendrait l'effacement des passerelles moins cruel que l'étrange cruauté du petit quelque chose qui paraissait clocher et n'avait semble-il pas encore submergé la présence attentive des autres spectateurs.

 

Photo: Sur le pont, à la recherche de la ligne de fuite :-)

 

Lyon, Frb © 2015

jeudi, 01 janvier 2015

2015 : ralentir

Voeux de sérénité : pour rire un peu de soi s'il est encore possible

 

mardi, 30 décembre 2014

On rentre à la maison

on rentre.jpg

Le psychologue - et a fortiori le philosophe - donne peu d'attention aux jeux des miniatures qui interviennent souvent dans les contes de fées. Au regard du psychologue, l'écrivain s'amuse en fabriquant des maisons qui tiennent dans un pois chiche. C'est là une absurdité initiale qui situe le conte au rang de la plus simple fantaisie. En cette fantaisie, l'écrivain n'entre pas vraiment dans le grand domaine du fantastique. L'écrivain lui-même, quand il développe - souvent bien lourdement - son invention facile, ne croit pas, semble-t-il, à une réalité psychologique correspondant à de telles miniatures. Il y manque ce grain de songe qui pourrait passer de l'écrivain à son lecteur. Pour faire croire, il faut croire. Vaut-il la peine, pour un philosophe, de soulever un problème phénoménologique à l'occasion de ces miniatures "littéraires", de ces objets si aisément diminués par le littérateur ? La conscience - celle de l'écrivain, celle du lecteur - peut-elle sincèrement être en acte à l'origine même de telles images ? À ces images, il faut bien cependant accorder une certaine objectivité, du fait seul qu'elles reçoivent l'adhésion, voire l'intérêt, de nombreux rêveurs. On peut dire que ces maisons en miniature sont des objets faux pourvus d'une objectivité psychologique vraie. Le processus d'imagination est ici typique. Il pose un problème qu'il faut distinguer du problème général des similitudes géométriques. Le géomètre voit exactement la même chose dans deux figures semblables dessinées à des échelles différentes. Des plans de maison à des échelles réduites n'impliquent aucun des problèmes qui relèvent d'une philosophie de l'imagination. Nous n'avons même pas à nous placer sur le plan général de la représentation, encore que sur ce plan il y aurait grand intérêt à étudier la phénoménologie de la similitude. Notre étude doit se spécifier comme relevant sûrement de l'imagination. Tout sera clair, par exemple, si, pour entrer dans le domaine où l'on imagine, on nous fait franchir un seuil d'absurdité. Suivons un instant le héros de Charles Nodier, "Trésor des fèves", qui entre dans la calèche de la fée. Dans cette calèche, qui a la dimension d'un haricot, le jeune homme entre avec six "litrons" de haricots sur l'épaule. Le nombre est, ainsi contredit en même temps que la grandeur de l'espace. Six mille haricots tiennent dans un. De même quand le gros Michel entrera - avec quel étonnement ! - dans la demeure de la "Fée aux miettes", demeure cachée sous une touffe d'herbe, il s'y trouvera bien. Il se "case". Heureux dans un petit espace, il réalise une expérience de topophilie. Une fois à l'intérieur de la miniature, il en verra les vastes appartements. Il découvrira de l'intérieur une beauté inférieure. Il y a là une inversion de perspective, inversion fugitive ou plus prenante, suivant le talent du conteur et la puissance de songe du lecteur. Sou- vent trop désireux de conter "agréablement", trop amusé pour aller à fond d'imagination, Nodier laisse subsister des rationalisations mal camouflées. Pour expliquer psychologiquement l'entrée dans la demeure en miniature, il évoque les petites maisons de carton des jeux d'enfant : les "miniatures" de l'imagination nous rendraient tout simplement à une enfance, à la participation aux jouets, à la réalité du jouetL'imagination vaut mieux que cela. En fait, l'imagination miniaturisante est une imagination naturelle. Elle apparaît à tout âge dans la rêverie des rêveurs nés. Précisément, il faut détacher ce qui amuse pour en découvrir les racines psychologiques effectives. Par exemple, on pourra lire sérieusement cette page de Hermann Hesse publiée dans la revue Fontaine (n° 57, p. 725). Un prisonnier a peint sur le mur de son cachot un paysage : un petit train y entre dans un tunnel. Quand ses geôliers viennent le chercher, il leur demande "gentiment qu'ils attendissent un moment pour que je puisse entrer dans le petit, train de ma toile afin d'y vérifier quelque chose. A leur habitude, ils se mirent à rire, car ils me regardaient comme un faible d'esprit. Je me fis tout petit. J'entrai dans mon tableau, montai dans le petit train qui se mit en marche et disparut dans le noir du petit tunnel. Pendant quelques instants, l'on aperçut encore un peu de fumée floconneuse qui sortait du trou rond. Puis cette fumée se dissipa et avec elle le tableau et avec le tableau ma personne"... Que de fois le poète-peintre, dans sa prison, n'a-t-il pas percé les murs par un tunnel ! Que de fois, peignant son rêve, il s'est évadé par une lézarde du mur ! Pour sortir de prison tous les moyens sont bons. Au besoin, à elle seule, l'absurdité libère.

GASTON BACHELARD : extr. "La poétique de l’espace", Presses Universitaires de France, 2004. 

 

Légende : Il existe à un jour de marche du pays de neige un hameau qui s'appelle "la demeure" et ceux qui vivent là, sont des êtres irréels.

 

Option : Si, la maison n'était pas à votre goût, on en a d'autres qui manquent pas d'air, (voeux officieux, à cliquer dans l'image).

 

Villa Alcestia, là bas © Frb Dec.2014

samedi, 20 décembre 2014

Des accords

Il ne s'agit pas d'être là, il s'agit d'être le là.

JEAN-LUC NANCY

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Tous les corps animés, inanimés, cette juxtaposition des extériorités, (un trottoir, un poteau, un clavier, une personne, un passant, homme, femme, enfant, chien, etc...)

Tous les corps qui veulent dire ce qui est dehors en tant que dehors à côté auprès avec un "autre" (corps), au corps à corps dans la disposition

ressentir dans la réalité la proximité des êtres à distance.

Etre touché.

Ressentir cette infime différence entre ce qui touche et ce qui est touché, le toucher - le tact - est infiniment discret, Jean Luc Nancy l'a écrit dans "Calcul du poète" 

le toucher est discret ou il n'est pas.

L'être n'est pas enfermé en lui même, on ne peut totalement jouer à se l'approprier comme une chose car il est déjà ouvert au regard de l'autre et déjà imprégné ou même "contaminé" par les présences des corps, tous les corps des autres en mouvement.

le toucher est concret et abstrait.

On pourrait évoquer cette logique du toucher via le mythe d'Ulysse et les sirènes . On pourrait évoquer ici même les Sirènes, par un truchement aussi lointain qu'intemporel,

chacun sait que ces êtres féminins instillent un chant irrésistible qui a envoûté chaque marin qui passait à proximité, (les sirènes symbolisant les âmes des morts montrées à l'origine en figures d'oiseaux à tête humaine puis en femmes à queue de poisson). Elles étaient des divinités de la mer postées dans le récit d'Ulysse à l'entrée du détroit de Sicile, sur une île entre l’île d’Aea et celle des monstres Charybde et Scylla, mais il existe d'autres lieux de leur séjour comme le cap Pélore, l'île d'Anthémuse, les îles de Sirénuses, ou Caprée. Bref, elles charmaient de leur voix mélodieuse afin d'entrainer les marins vers une vaste prairie, couverte d'ossements et de chairs asséchées. 

Mais le chant des sirènes n'ensorcelle pas les marins de passage par sa beauté, il ensorcelle parce qu'il contient en lui une promesse d'un savoir absolu.

Capturés par ce chant, les marins trouvaient inévitablement la mort sur des récifs qui entourent l'île des sirènes, et Ulysse fut le seul à dépasser les sirènes parce qu'il s'était attaché au mât pour pouvoir écouter ce chant et précisément, se préserver une distance nécessaire, ainsi aura-il pu aborder le chant des sirènes et être touché par lui.

Cette intrication paradoxale de la distance et de la proximité (par un détour qui semble étrange mais pas si étranger), évoque justement le motif ambivalent du distinct.

Dans ce mot se trouvent rassemblées les significations de la distance - du différent - ce serait une indication sur ce qui ne peut être touché ou peut l'être, mais sans contact corporel.

Ce qu'un trait retire et tient à l'écart en le marquant de ce retrait.

selon J.L. Nancy il serait impossible de toucher le distinct, non pas parce qu'il est intouchable mais parce qu'il est impalpable, c'est à dire inaccessible.

La singularité plurielle de l'être est la condition qui rend possible tout rapport éthique, même si le toucher ou le tact ne sont pas exactement considérés comme une catégorie éthique.

La discrétion du rapport entre les êtres n'est possible que parce qu'ils co-existent, parce qu'ils sont toujours déjà ensemble.

Subsisterait alors, l'unique moment où nous pourrions être touchés par un regard, simple ouverture au monde adressée, qu'on ouvre à d'autres en se dépassant.

Regard jeté devant et hors de soi.

Ces choses là sont si bien ajustées qu'on ne peut les fonder sur la seule connaissance ou l'intelligence.

Elles ne dépendent sans doute que d'une coïncidence.

Comme les sirènes dont la juste distance ne se dévoile que dans la mort, celui qui cherche, et crée, (Nancy, dit "le poèteon pourrait élargir) :

[...] doit tel Ulysse prudemment ou même avec une certaine lâcheté approcher ce qui ne peut être approché".

La mesure la plus juste serait le langage poétique, la mesure d'y mettre au lieu de mots toujours encombrés d'histoires personnelles, un rythme, quelque chose sans mesure laissant advenir la possibilité d'une coupure nécessaire. :

La continuité ininterrompue du sens vivant ne peut être "sensible" que dans son interruption".

Sujet peut-être à suivre, sur le thème de la ville pour les gens de l'été - ceux qui restent - qui battront le pavé très loin des bords de mer.

Photo et notes évasées et facultatives : La place est sur mon mur, séparant et reliant deux mondes distinctement, autre ligne de fuite filée par le canon, rien que du pacifique, des passants d'une rue s'apprêtent à rejoindre l'esplanade, c'est un corps de ballet autant de chorégraphes livrés qui se délivrent, à ce moment précis de l'obligation d'en débattre. Concentrés à leur seule façon singulière d'envisager la traversée, la possibilité d'une ville (d'une île, d'une aile, d'une houle, de huées d'hirondelles, de z'hiboux ou que sais je) se déploie en une polyphonie discrète pour mille têtes, mille nombrils et autant de chairs tièdes ou brûlantes jouant avec les pieds sur le clavier (plus ou moins tempéré) de certains jours, (cette interprétation fort contestable se passera de toute présomption pour s'unir à une sorte d'indulgence universelle (j'espère):  

"on ne traverse pas une chaussée la bouche ouverte" a dit le sage chinois (à la barbe d'Héraclite*)

"Unis sont tout et non tout, convergent et divergent, consonant et dissonant; de toutes choses procède l’un et de l'un toutes choses"*.

c'est là, (à nos gamberges, "easy") une condition suprême pour arriver (au moins) vivant de l'autre côté du piano, et ainsi me relier à toi, ô mon ami, mon frère ! unis sur l'esplanade où déjà avant toi ont chanté tous les choeurs et les voix des intempestifs - ceux-là, plus cléments et plus inoffensifs que les sirènes d'Ulysse. 

Moralité : y'en a pas.

Le poète Li Tou dans la soute à charbon, effeuillant de Nancy à Homère, les possibilités d'une ville passera par le sourire (autre énigme) du sphinx ammoniacal dit "le""caillou", (un caillou certes, mais pas un caillou comme les autres) de la bonne colline (de Madame la Croix-Rousse), figuré en Bouddha impassible donc, bienveillant pour ses gens, lire ici, son ambassadeur en émissaire pratix aidant la traversée: "l'habitant du caillou contenant un fragment de chacun d'entre nous", (notre philo-facile) via l'expert-géologue de C.J posté dans la guérite (ça fait un paquet de mondes) d'ores et déjà fondus sous le pandémonium de la traversée du lendemain, je décline à nos vagues par un conseil du jour

de grâce, soyez prudents, par les rues, on the road, (on vous aura prévenus)

La possibilité d'une esplanade en ville, n'allant pas sans dangers ni menaces, on vous réservera (il faut ça), 4'33" de silence pour la mise à distance, si rude voie sous telle chappe (ô patience). Et, si il y parvient l'égoïste semblable, pourrait bien fusionner avec la petite chorale des fourmis en vacances et autres collectionneurs de valses, de sauveurs d'harmoniums, j'en oublie et j'en passe ; alors avec des si, une multitude de si on aura peut-être une chance (j'avoue qu'elle est très mince) d'être le là ? (Vermot, sponsor). Avant de se faire broyer par un nid de pattes qui nous ferait un crochepied (évidemment involontaire), la chute finale (mourufin-loumunif) est remise à plus tard bien qu'on prévoit des bottes, desfois que ça arriverait, même si les traversées ne sont pas toutes écrites à l'avance (la chagesse, sur un pied), Héraclite dans la rue en dos d'âne jusqu'à Caluire et Cuire a testé, les chevaux de bois, en sandales, (du distinct / indistinct à se perdre pour s'y retrouver)

 La route qui monte et qui descend est une seule et la même. 

Voilà.

Sources : "Sur l'irréalité du touché poétique chez J.L. Nancy par Aukje Van Rooden.

Remerciements : aux groupies du pianiste et autres amateurs d'instruments de musique installés sournoisement dans nos villes (on nous cache tout ...) aux pianos, en freestyle installés, bien visibles, eux, dans nos  gares expérience des possibles avec de belles surprises, certaines vraiment touchantes, on y reviendra peut-être un certain jour, et enfin aux joyeux rabats-joie ceux qui n'aiment pas la plage (même pas celle des vraies villes avec un vrai faux sable) à ceux qui sont malheureux sous le soleil, à ceux qui ne traversent les ruelles que lorsque vient le soir, (crin-crin offert d'air provisoire qui peut même se jouer à la flûte traversière, la nuit, à la fenêtre).

 


podcast

 

 

Grand piano avec et sans bretelles accueillant ses artistes... vu à Lyon par... © Frb 2015

samedi, 01 novembre 2014

La mémoire hors des équilibres

But if you could just see the beauty,
These things I could never describe,
This is my one consolation,
This is my one true prize.

JOY DIVISION : "Isolation" extr. du second et dernier album "Closer". (Factory Records, 1980).

Si vous ne comprenez rien à cette histoire vous pouvez toujours cliquer sur l'imagesol cendre.JPG

Ici, on achève patiemment la mémoire du dernier soldat vivant oublié sur la dune, parlant seul aux étoiles, cherchant Orion et la grandeur de l'ourse quand tout finit à l'horizon et qu'il n'a plus assez de munitions pour s'en griller une en silence. On lui envoie bien le poison par signaux de fumée qui montent du fond de la vallée, et le cristal de soufre réanime son berceau. Peut-être est-ce une intention religieuse ? Ou la frénésie collective qu'il attrape de son regard mort aux choses qui persistent dans la gaieté et l'insistant désir de communication. La foule a brûlé son cerveau. Il en a vu tant et tant eu dans la ligne de mire que l'écran diffusant soit disant son histoire sous les grands chapiteaux soit disant financés par des constructeurs d'Algéco, ne lui parait au fond que de facétieuses entourloupes nées des chiffres ignorant la marge de manoeuvre des derniers primitifs, ceux là aux visages oubliés en ont tant vu aussi, que leurs yeux noirs troués de suie, ne peuvent plus supporter l'idée même de la lumière. Cheminant désormais dans la fine poussière des talus, ils biberonnent à tâtons, les veines aux poignets des jeunes filles, baroudent l'âme de ces créatures qui livrent leurs corps de débutantes à ces pourvoyeurs d'anciens mondes. Sur ce gibier doux à mourir, ils folâtrent, accueillent le mouvement de ces vallées à reconstruire où désormais ils ne pourront plus rejoindre leurs épouses sans un regret, ça ressemble au dégoût. C'est rester là, intacts, renoncer à la renommée, ou se trahir et devenir héros, condamnés à transcrire le vieux crime en livres d'images préfacés par des vedettes de la télévision, ou des poètes qui se donnent en spectacle, ils assureront désormais notre avenir. Le pays natal rétrécit. Les enfants collectionnent les livres de dinosaures, des photos de martiens, des panoplies de prédateurs sous forme de combinaisons étanches fabriquées en Chine, imitant l'acier brossé, emballées dans les sarcophages. Les femmes, elles ont le souvenir de ces très jeunes garçons, soldats tristes et vaillants dans leurs costumes de guerre, tandis que meurent près des talus d'augustes vieillards à cheveux gris virant au bleu comme les brumes du couchant. Ce sont les mêmes qui jadis emmenaient tout le monde au manège, ou au cirque, et le dimanche parfois, vêtus de bleu sombre et de blanc, ils allaient à la messe. Ce sont les mêmes qui renversaient les imprudentes et les visaient nues dans les champs, ou leur faisaient la conversation gentiment, en effeuillant la marguerite, premiers pas de la ritournelle... Aux talus vert-de-gris atomisés, tout cela nous revient et se met à tourner en rond. La terre grouille et se fend. Le vent retourne la vallée où se lisent les chiffres alignés des nouvelles numérotations. Dehors sur les bancs des marchés, dehors c'était notre vallée où des constructeurs d'Algéco déroulent avec un gant discret le plan d'un énorme projet qui détruira le Nombre d'Or.

   

Photo :  Un fantôme sur un lac cendré. Tracé quelque part près de la Tour Oxygène, un jour de pluie, dans le quartier de la Part-Dieu à Lyon. Nov 2009.

Retouche : quelques années plus tard, texte revu et corrigé, un jour de pluie, pas loin de la tour Incity près du quartier de la Part-Dieu à Lyon. 

Un ban pour les rivages, et pour tous les voyages lointains ou proches, dédicace en passant aux étranges rêves de Marc**, merci à lui, (Wait and see, amigo...)

Quelque réflection de ma rue s'échappe jusqu'aux attractions nécessaires de Mister Ernesto Timor**. scuzi (l'impardonnable et des crucifixions... ;-), l'ordi demeure en-rade, la crémière unplugged, des champs mu(ai)ent dans les gares, mes champs perdus fumant du caquet des mégères, je n'ai pas re-branché, je remets l'échappée à plus tard, voir très tard, mais pas trop; (I hope so) no soucis (eau de là) peut-être, à Benito ou à Lyno ? Aux forêts de la Céruse ? ... voir le livre ! (sans mourir).

 

Lyon © Frb. Novembre 2014.

lundi, 12 mai 2014

Secret life

Au-delà de ce qui arrive ou n'arrive pas, l'attente est magnifique. 

ANDRE BRETON

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On trouve un silence très troublant dans le Rivage des Syrtes de Julien Gracq où une antique lagune baigne dans l'attente à la lisière des mondes, dans le silence, une forme d'énonciation plus évidente:

 

 

Le silence est témoin absolu.

 

 

 

Photo: A la lisière des mondes (et des merveilles...).

 

 

Très loin d'ici.© Frb 2014

jeudi, 01 mai 2014

Winterlude # 1

Tout homme qui marche peut s’égarer.

 

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Il faut donc de l'attente, que tout aille lentement, ne pas décrire l'achèvement quand rien n'a encore commencé. 

 

Photo: Parc de la Tête d'Or. Sur les traces de l'homme qui ne cesse de poursuivre les traces de l'homme qui marche sur les traces de l'homme qui ne cesse de poursuivre, etc, etc ...

 

Lyon © Frb 2014.

samedi, 12 avril 2014

L'aube et la nuit

S’épuiser à chercher le secret de la mort

fait fuir le temps entre les plates-bandes

des jardins qui frémissent

dans leurs fruits rouges

et dans leurs fleurs.

L’on sent notre corps qui se ruine

et pourtant sans trop de douleurs.

L’on se penche pour ramasser

quelque monnaie qui n’a plus cours

cependant que s’entendent au loin

des cris de fierté ou d’amour.

Le bruit fin des râteaux

s’accorde aux paysages

traversés par les soupirs

des arracheuses d’herbes folles.

JEAN FOLLAIN  in  "Exister", Gallimard, collection blanche, 1947

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DSCF8039.JPGDSCF8053.JPGDSCF8045.JPGDSCF8112.JPGvert nuit.JPGred.jpeg 

  

Le premier mouvement du printemps, une éclosion, surprise dans la fraîcheur de l'aube, jusqu'au profond silence de la nuit et ses hymnes, qui garde avec les fleurs, nos joies perdues, ce qu'il faut redouter, apaiser et enfouir...

 

 

Au jardin : © Frb 2014

samedi, 08 mars 2014

Proximité

Les hommes ne peuvent rien voir autour d’eux qui ne soit leur visage, tout leur parle d’eux-mêmes. Leur paysage est animé.

KARL MARX

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Légende : "My Life in the Bush of Ghosts"

  

Presqu'île de Pâque, Lyon © Frb 2014.

mercredi, 12 février 2014

Les jeudis verts

 Pendant ce temps, dans le petit bois de la rue du Cirque...

 

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- Vous ne me trouvez pas trop pardi, ma p'tite Julie ?

- Oh mais non ! pas du tout, msieur François, au contraire, je vous trouve très... euh... très, très... c'est... très... vraiment ! 

 

Photo: Interlude "romantique" ou la petite et la grande histoire revue et arrangée par Certains jours, qui en avait déjà busorodé un lurpède ; je ne traduirai pas la suite, je compresse, et résume, n'êchempe uqe J.C vuso avati ajdé totu métron beni VANAT qeu le sab chortelcu de Corsel se marasse pinel de nopong et cratonne en suno ârclant caqueh manesie les donfs de pusellebo sle supl niquesi. (C'est de  Rabelais).

Pour ceux qui ont loupé le début: la genèse (des genèses) doit vaguement se retrouver par ICI. Le roman-feuilleton est à suivre, peut-être, plus tard, sur le fil des saisons, en d'autres effeuillages comme on dit, à l'avenant...

 

Rue du Cirque © Frb 2014.

vendredi, 10 janvier 2014

Dans quel pays sommes nous, cher Pisthétère ?

C'est la maison Dedalu

U a se devise

Set cascun entrer,

Et tout issont detenu,

Car en nule guise

Ne pueent trouver

Ne assener

Par u l’entree fu  

RICHARD DE FOURNIVAL  

campagne.jpg

 

On ne connait pas les traits des petits personnages.

Etaient-ils hommes ou femmes ? Qui s'inscrivaient déjà aux "clubs-neige" de Janvier. 

Qui sont-ils ces gogos bardés d'un attirail ?

Ils vont à la montagne en rondeau de deux mille quatorze pieds, autant d'allers-venues ; ils ne sentent plus leurs corps, des ombres les menacent, nous les voyons dormir sur une simple natte. 

Leur ciel est passé vite de ce bleu myosotis aux nuanciers du gris. On retrouve une image révélant une fresque qui décrit des silhouettes penchées sur des points d'eau ; près des feux étouffés, l'homme rêve de s'asphyxier, s'émonder, disparaître. 

Il voulait reconstruire son refuge au soleil, il s'y laisserait griller, il courait feux et flammes, il peut s'enluminer sous une croix latine, dans la nef romane où l'on donne en spectacle des joutes féodales sur de faux destriers.

Dans la terre, sur les branches, il voit des formes rares comme celles des animaux de la première histoire, celle d'avant ces soleils qui se passaient de l'art, de ces grilles à nos portes où l'on croit deviner des mondes entre les lierres. 

Si loin de ces caveaux d'où l'homme sortait confus rêvant de courir nu après les amazones ou de se balancer aux branches des cocotiers une tête à l'envers enserrant dans ses griffes le crâne d'une guenon affublée d'un diadème.

Elle respire la langueur de nos rhododendrons et cette Annapurna qui tient de la violette. Il la portait aux dieux dans les plus beaux feuillages puis la perd aux dédales, c'est un prince médiéval, qui nous toise ou nous garde, soulève la petite caille, la sert aux champignons avec de la moutarde qu'on étale au couteau sur un pain de campagne. 

Quelqu'un a croisé l'homme, croyant le reconnaître, l'avait vu épouiller sa femelle dans un zoo, un autre a prétendu qu'on l'envoyait à Loué chaque mardi à la foire vendre quelques pintades à cent sous arrondis pour les pauvres. 

Dans le simple fouillis des champs qu'on ratiboise, d'autres avaient dû parler de ces îles bariolées, de mangues et de grenades comme les sorbets de fruits qu'on revendait partout. 

Quel remou par l'emphase nous rend si malléables ! toujours nous donnerait de quoi nous divertir des fantasmagories de nos plumiers bavards gobés d'un noir liquide tirant à la hussarde le barda du chameau.

On venait nous chercher vêtus de ces manteaux grossièrement découpés dans du papier buvard. Quel gâchis que ces fards ! qui s'enfuient déjoués n'infusent pas les coeurs pris ; voilà les étourneaux.

La neige vient par mégarde, un vieil enfant s'attarde, contemple le rocher il tourne en rond autour, levant l'index il cherche à remuer l'espace, pour connaître dans quel sens le vent vient à souffler. 

C'est un roi contre un autre qui lèvera le voile, barbouillait sa figure, crissant l'ongle sous la craie, il évoque une roseraie qui se laissa tenter par les hellébores noirs, et ils en redemandent, mais rien de l'apparence ne fût aussi grimés que l'homme et sa femelle, avant qu'ils n'eussent compté jusqu'à deux mil quatorze, qui tourna sur un pied pris au jeu où s'attardent de lentes caravanes, le chien à leur passage, n'avait rien remarqué.

Ici, c'est un instant où les ombres opiniâtres voudraient s'y montrer "rares", elles règnent en ministères, nous mettraient en bocal pour un épi de blé, tel on doute on va boire aux tavernes chez les gueux de la liqueur d'armoise (dont les teintes agréables rappellent vaguement l'absinthe, mais celles-ci crachent un fleuve), c'est l'or du pyromane, il la buvait cul sec par ennui, comme nous autres.

Quand le monde se figea mû à l'état sauvage remué des sarcasmes à s'y croire irréel, traînant à l'évasif sur le flanc d'un caillou haut comme une montagne déjà dans l'avalanche, on vient chercher secours, par la chaleur humaine experte en sauts de biches qui se déhanchent au parc d'une ville impériale, on aurait cru une île entourée d'un abîme, on ne pouvait rien entendre des fracas alentour. 

On trouve plus grand danger en fleuretant des volières sur un trou de mémoire, au seuil où l'ermitage se multiplie parfois en divisant les âmes. L'homme cacherait qu'il chasse à mater ces roulis. Fait une pointe de compas d'un bout de ses savates, il retrace le diamètre d'une planète qui l'absorbe en son centre aussitôt le promène jusqu'à ce qu'il n'en trouve plus un hectare respirable, un trait de ligne courbe caressée qui se casse, ensuite c'est un dédale, on le suit préposé, juste où l'on craint d'avance qu'il n'existe plus grand chose, bientôt à contempler, au ciel ce gris lavasse tend un drap de lin sale qui bat sur un nuage, on ne sait l'arrêter.

On ouvre une rengaine, on dit qu'il va pleuvoir, mais qu'il conviendrait mieux que tous les champs s'enneigent, qu'Arcade et Saint Hilaire gèleront les bruyères. L'homme ressent la croisée des chemins nécessaire mais elle est si couverte de gelures à présent qu'il n'a pas vu le vent faner le perce-neige

Ce fût un court sommeil un peu d'une tristesse comme on en voit souvent. On ressent le dépit des mots qui s'agglutinent traversent les cervelles ; les plus vides n'y conçoivent que leur propre malaise, les plus exubérantes ont vu le Saint-Esprit qui s'incarnait pour elles. 

Ce serait, un sentier, des épaves à travers y traceraient la vie avec les spécimens, on imagine déjà le premier petit d'homme qui au lieu de parler écouterait crépiter le brouan du village, il s'en irait rythmer l'amour des trouveresses, l'embellir à charmer les badauds d'à côté.

La fille est apparue, c'était la belle Doette qui descend l'escalier ouïssant la chalémie, elle ne croit pas au mal qui se dit en musique, un bourdon sur les yeux, elle croise l'homme à la foire, qui riait au milieu des pintades égorgées, elle pensait qu'elle trottait au coeur d'un mauvais rêve avec l'homme endeuillé tout à son cimetière.

Un dieu berçait les anges comme au tout premier monde, personne n'eût cette idée d'huiler sa mécanique contre l'abrutissement où d'autres étaient tombés, le nerf qui d'imprudence parfois nous relayait avait dû s'enliser dans l'oubli, nous aussi on faisait comme à Loué.

Des jours en ces manèges, d'hommes abordant la nuit sans qu'aucun compagnon par les villes, sur les places si peu avoisinantes ne s'occupe plus déjà de venir aux nouvelles.

L'homme avait vécu là, par cette indifférence. Quand il revint nous voir nous étions moins vivants, moins nombreux, plus terreux comme ces statues de plâtre qui souriaient heureuses sur leurs socles sévères, on les aimait muettes, si patiemment brisées par une longue attente à tortiller des laines. 

L'homme allait s'exiler sans un bruit n'endurant plus les cris de victoire en son propre pays, il se mit à railler bombardes et chevrettes et pria qu'on n'aille point lui chanter des poèmes avec la chalémie. 

Le diable est dans les têtes. Quand ses forces contraires le tiraient d'un côté ou d'un autre, l'homme partait, il restait, il revenait, gêné de ne pas avoir pris à coeur ces ritournelles qu'on lui souffle à l'oreille, l'oreille est son outil, et si prêt de crisper le son sur une affaire qu'un reflet étourdit, on suggéra à l'homme de s'en venir semer les ors des chrysanthèmes sur nos champs de bleuets. Il le fit à son prix. Puis ce fût la jachère.

Qu'importe la saison, tous les jeux à la fin s'étranglent sur un rire, quand le chemin des daims se réduit aux ornières, un fleuve revient, aspire les rives hospitalières, la fille mal fagotée semblait toujours chanter ses amours d'Orcival, accroupie dans la neige, sur le foin de la bête, près d'un vétérinaire qui triait des entrailles et le sang qui pissait n'affolait plus le ciel.

Tout devenait normal. La bête était immonde. Devant l'homme secoué de sanglots, s'affairaient quelques dames, accourues au galop, pour consoler les mâles avec leurs gros ballons et des mains fabriquées à lustrer des pétrins contre pépites honnêtes, l'homme s'en irait demain, un panier de pintades sous le bras, à la foire où l'on vend des mensonges du matin jusqu'au soir. Quand nous revînmes au soir, sur nos bois en copeaux, il tombait des hallebardes.  

On n'y penserait plus, on allait, on venait, enfin, on fit l'idiot pour se sauver d'ici, comme on croise à la gare ceux qui courent à la vie. On s'est remis aux phrases, des phrases rudes et légères qui nous grimpent au dessus. 

On cherche dans les champs les formes du trèfle rare. On voudrait le cueillir. On a vu, le gri-gri du plus grand enchanteur pris dans les rayonnages du produit pittoresque, on acceptait l'obole au prix phénoménal qu'on nous faisait d'un grain de blé broyé menu, on en croquait le dimanche, à défaut de brioche, il fallait remercier le coeur des bienfaiteurs, ne pas trop jacasser qu'on le digérait mal ce petit grain jeté autrefois aux bossus, aux boiteux, ou aux nains, si la petite hirondelle ne l'avait pas volé, quand ce n'était pas elle, c'est l'alouette qu'on plumait.

On a vu l'archiprêtre saupoudrant finement d'acide la bonne étoile qui se changea, mauvaise. Ce n'est pas un remède que les bêtes minuscules sacrées par nos bons dieux nous révèlent un royaume par les arts de la fugue qui s'étalait en fresque de démons-chimpanzés, d'anges mutiques retombés par mégarde contre un mur.

Ils criaient innocence, ils n'avaient embrassé qu'une statue de plâtre trônant au fond d'un cloître, ils voulaient la sauver ou la montrer au dieux, ils avaient insisté, c'était l'unique mal, ils tournaient autour d'elle croyant voir se former des syllabes sur ses lèvres, la statue souriait, depuis mille ans peut-être, personne n'avait frôlé sa bouche, sauf les mouches ou les anges et voilà qu'ils perdaient subitement la parole. 

Ils ont dû regretter comme nous l'éternité qui ne prolonge en rien les actions désirables, vidait notre mémoire écrivant à la marge sur des fossés poreux hissait des cathédrales où les prières tournaient en virelai puis en peines qu'on recycle en papiers.  

Ces pages furent barbouillées du noir de ce plumier à nos mondes essentiels comme l'huile de pédalier sur Rossinante Ruissel (c'est le nom d'une coureuse cycliste médiévale), elle salue du mollet les buveurs de ginseng (et buveuses :) qui trinquaient. elle espérait un jour revoir l'aventurier, un genre doux maréchal qui roule sa mécanique en tricot balinais.

Quand la lumière revient, sur la rive oubliée, sûr que chacun n'y voit rien qu'une dégringolade, ne pouvant tout saisir on affichait nos rages aux horloges d'un clocher, on tournait les aiguilles à la main, comme c'était laborieux, pour se donner du mou on secouait nos pieds suivant le "Sing sing sing". Nul ne pût distinguer le tambour ou le coeur du genre des créatures, qui ne jouaient de rien, léchaient les devantures et prirent d'un air bravasse la chose très au sérieux.

Le matin nous recueille, flottant sur des barquettes, avec l'homme toujours seul et des types près du zinc, des gars de la marine en grosses têtes d'épingle flairant la sphère de Dieu, des mains comme des palettes tripotent la barre à mine. Ils boivent jusqu'à l'ivresse dès le petit matin ou ils causent avec nous à nous rendre plus informes peu à peu on s'abaisse à échanger des nèfles, on joue au jass couinché contre du marasquin

A ce coût insensé qui n'exalterait pas le coeur des mélomanes arrivés pour rythmer le temps sur un clavecin, où rien ne se tempère, il faut encore s'y perdre. Passera, passera pas ? Encore un jour pour rien.

Au pire, on est moyen à s'en virer dehors plutôt que d'approcher ces palais où les chants de merles vont caporaux nous chier un répertoire limité à des cris pinaillant ou gloussant, c'est dans la rue, parfois, qui nous prend en tenaille, avec nos oreilles d'âne qu'on court de l'idéal aux sons précipités dont l'oiseleur disait qu'ils masquaient de l'angoisse, et pourtant, et pourtant...

La trouveresse cachée sous sa couette paysanne sort de sa solitude et se met à clamer debout sur un bidon (avec la voix de Simone de Bardot ou de Brigitte Beauvoir)

- "Ouh ben ! Faudrait beau voir (c'est pas malin, je sais) par le grand Fournival qu'est pas mon gigolo, mieux vaut être une renarde ou la rougette vilaine qui intrigue les moineaux avec ses dents fragiles, des ailes tellement spectrales qu'on dirait des vampires allés au carnaval  en parcourant un point lequel d'ici bientôt marquera des années jusqu'à faire deux mil 15, 16, 17 fois le tour du même pied roulant dans le même foin qui se trouve là, chez machin, moi, ou eux, enfin bon, chez tous les cornichons qui ne savent toujours pas voir plus loin que leur tarin".

Pour nous c'est juste un point là, dans une île très loin, d'où l'on devait partir toujours de l'origine rêvant d'atteindre un but au pays enfantin, où les corps sont d'écume gonflés de berlingots. On gardait des images à se ressouvenir quand tout serait passé pour s'extraire des ressorts d'un enfer où les morts font la pluie et le crachin, le ciel sur une truelle, notre chaleur humaine semblait devenir tiède. 

On pourrait l'enrichir des trésors que convoitent les nouveaux followers qui prennent la place du mort dans les décapotables où flottent les hémisphères et la blondeur des blés s'étoffera d'une barrette sertie d'un rubis vert.

L'oeil du dragon clignait sur l'empire du soleil, il vient sur tes genoux, l'homme prend de la bouteille, sa guenon débarquée, de ces rades, en nuisette, de cent pas s'enfonçait dans ses mondes intérieurs.

Deux mille pas balayés, feraient une épopée de quatorze avec l'ombre héroïque d'une armée et ces coeurs en voiliers c'est toute l'humanité qui s'égare dans une bulle et danse la tarentelle, ce vacarme vient chez nous, s'y croyant informé sur les zoos, les igloos, et le lycalopex, il fouillera dans nos fiches, corrigera le cahier qui porte la méprise comme si tout était vrai.

L'homme grisé, follement s'entichait de lui-même, ne sait plus à présent, quelle saison est la sienne. On a vu le printemps, l'été, l'automne, l'hiver et les quarts de saisons, tourner des béchamels autour d'une soupière avec tout ce vermicelle qui dépasse de l'assiette, il pleut des alphabets.

La fée prise dans sa traine regarde des cervelas flotter sur la rivière, par des foules en pique-nique, la clepsydre accélère le tempo pour un bouc tapi sous les loquets, d'un beau bleu électrique qui imite à moitié le pays où l'on dort quand on sait par avance qu'on n'arrivera jamais, ce qui est peu de chose ; quand on n'a pas d'idées on vit sur le côté comme des singes qui se sapent ou se pendent aux voilures, à peine à la lisière on s'y fond docilement et tous les points mouvants nourrissent une mémoire constellée de gourmets roulant leur aligot dans nos ronds de serviette d'où l'avenir a eu lieu, où le passé lira le présent dans tes yeux, il chuchote à voix basse des petits poèmes creux consacrés aux cinq sens, aux licornes, aux belles lettres, et à la grande musique.

    

Photo : Olga la vache aux pieds d'ânon, posant dans devant mon le plus simple appareil, droite dans ses bottes fourrées (maison) ou ses sandales (vintage), c'est tout comme vous voulez, et les voeux pour la suite du monde... (ô maudite procrastination ! Vade Retro ! grand mal !), (tout ira comme hier, je remets à demain, les bonnes résolutions :)

 

"Sem pesalt sexuse upor el tredar § sle clesiens lhaes, drapon, drapon, eorcen cemir à ovus, sem nages...", (c'est de Dante).

 

  

A l'oclens des véchas : © Frb 2014