mercredi, 10 août 2011
La mort du héron
Sans légende, enfin si ...
Grand chagrin aujourd'hui, je reviens de l'enterrement du héron, quelle tristesse ! le héron était notre ami, il faut croire qu'il était apprécié... Mais la vie continue, n'est-ce pas toujours ainsi ? Et pour vous mettre en appétit, (si j'ose dire), je vous invite à relire en image,une fable bien sympathique, de monsieur Jean de La Fontaine. En espérant qu'il n'est pas arrivé au héron, (comme on le raconte ici) le même accident qu'à la belette, (j'y reviendrais), une occasion pour moi (l'occasion faisant le héron) de vous faire découvrir une autre fable également sympathique celle-ci de Jean Vauquelin de la Frenaye, (né vers 1536 mort en 1607), un poète peu connu, qui fut successivement avocat du roi, lieutenant général, et président au bailliage de Caen. C'était un disciple de Pierre de Ronsard, Mais Vauquelin était sûrement plus chrétien que Ronsard. Il menait une vie rustique à la campagne, il aimait le chant du rossignol (ce qui est déjà courageux), les prairies, les forêts, mais pas seulement, il étudia les trouvères et les vieux chroniqueurs; il cultiva la muse pastorale avec un talent et une modestie qui rendra ses lecteurs indulgents, Jean Vauquelin, imitait les anciens (initiative moins heureuse quand il imitait les poèmes érotiques des grecs), mais encore pardonnable car jamais Jean Vauquelin n'eût la moindre ambition novatrice, ni l'envie de se prendre pour un grand poète. Il est l'auteur de "Foresteries" qui eurent peu de succès. Petit extrait :
Creuse antre, épais hallier, bois de haute fûtée,
Tu veois toujours d'ennui mon âme tourmentée :
Soit que chauve-souris sortent hors de leurs creus,
Soit qu'un astre du ciel, à mi-nuict, tombe en feus...
Puis il composa des "Idillies", (je cite Jean Vauquelin de la Frenaye) :
[...] qui représentent et signifient des petites images ou gravures, en la semblance de celles qu’on grave aux lapis, aux gemmes et calcédoines pour servir quelquefois de cachet. Les miennes en la sorte, pleines d’amour enfantine, ne sont qu’imagettes et petites tablettes de fantaisies d’amour.
Le titre exact du premier livre :"Idillies et Pastoralles de l'amour de Phikmon et Philis. Par le sieur de la Fresnaie Vauquelin", compte 84 pièces. Le Titre du deuxième livre : "Idillies de l'Amour de divers Pasteurs. Par le sieur de la Fresnaie Vauquelin" ; en compte 89. On relèvera un contraste évident entre ces poésies légères de Vauquelin et les terribles événements dont il fût le témoin : cela est de tout temps le parti pris de certains artistes de distraire l'imagination, en se reportant vers un idéal rêveur et des univers innocents. C'est aussi pour Vauquelin le rôle qu'il s'est donné, de savoir émettre une chanson aux idéaux rustiques, des contes ou des fables pour endormir les enfants sans frayeur plutôt que de relater le spectacle des maux réels susceptibles de faire souffrir davantage les grands ou les petits. Extrait choisi de ces "idillies":
Vent plaisant, cjui d'aleine odorante
Embasmes l'air du basme de ces fleurs,
Pré joyeux, ou versèrent leurs pleurs
Le bon Damete et la belle Amai'ante :
Il rédigea également un "Art Poétique" d'un style un peu rude, mais qui reste parmi ses ouvrages, le plus souvent cité, et il composa des satires, ou plutôt des épîtres. A noter que Nicolas Vauquelin, Seigneur des Yveteaux qui était son fils aîné, (comme chacun sait) fût aussi poète libertin. Voilà pour le résumé très léger, ce qui ne ressucitera pas notre héron, loin s'en faut ! la belette et l'évocation de Jean Vauquelin de la Fresnaye pareront ce billet uniquement pour changer les idées des lecteurs et lectrices, que la mort du héron aura trop douloureusement affligés. Et comme la rumeur court au château que notre héron aurait péri dans un grenier à blé (parce qu'il voulait devenir aussi gourmand que la belette) ; "Le héron qui se prenait pour la belette" étant par ailleurs la seule fable que La Fontaine aura oublié de nous écrire (il l'a quand même composée on peut dire, à quelques bestioles près), je vous offre "La belette" tout court. Cette fable rédigée dans un style aussi charmant que désuet, est une oeuvre de... ? (Me voyez-vous venir avec mes gros sabots ?) eh oui ! Jean Vauquelin de la Frenaye ! restons simples. Approchez la sans crainte, la présence d'une belette dans votre ordinateur est à considérer d'une manière sereine et réfléchie, la belette est aussi votre amie.
Il advint d'aventure un jour qu'une belette,
De faim, de pauvreté, gresle, maigre et défaite,
Passa par un pertuis dans un grenier à blé,
Ou sur un grand monceau de froment assemblé ,
Dont gloute elle mangea par si grande abondance,
Que comme un gros tambour s'enfla sa grosse pance.
Mais voulant repasser par le pertuis étroit,
Trop pleine elle fut prise en ce petit détroit.
Un compère le rat, lors lui dit : O commère,
Si tu veux ressortir, un long jeûne il faut faire;
Autrement par le trou tu ne repasseras,
Puis au danger des coups tu nous demeureras.
De la belette au héron, encore un petit pont, pour oublier le reste (du monde evidemment), et puisque tout finit par des chansons, je ne pouvais omettre de vous offrir celle-ci, qui rend un hommage triste et beau à la majesté des hérons.
Photo : L'enterrement du héron (1896-2011). Couronnement et dernière demeure. Une oeuvre d'art contemporain sauvage, vue dans un cimetière roman, perdu entre forêts et vallons, presque au coeur du village boscomarien.
© Frb 2011
samedi, 06 août 2011
Où vont les fleurs ?
Je vous convie donc à voir seulement. Je vous prie de tout oublier à l'entour ; de ne rien espérer d'autre ; de ne regretter rien de plus.
VICTOR SEGALEN, extr. "Peintures", éditions gallimard, 1983.
Doc Watson § David Grisman : "Summertime"
Photo : Où vont les fleurs ? Question.
Pigments et parfums naturels ou balade au jardin un matin d'été doux.
© Frb 2011.
jeudi, 04 août 2011
Haïku Nabirosinais
Les Haikus ne sont connus en Occident que depuis le début du XXem siècle. Les écrivains occidentaux ont tenté de s'inspirer de cette forme de poésie très brève la plupart du temps, ils ont choisi de transposer le Haïku japonais qui s'écrivait sur une seule colonne sous la forme d'un tercet de 3 vers de 5, 7 et 5 syllabes pour les haïkus occidentaux. quand on compose un Haïku en français, on remplace en général les mores par des syllabes, "mais c'est quoi les mores exactement ?" se demandera notre lecteur chéri (à supposer qu'il ne sache pas...) Et comme je fais désormais les questions et les réponses, je vous dirai qu'il ne faudra pas craindre celle-là (de réponse ! suivez un peu, vous irez vous baigner après), et donc, la more est un son élémentaire émis lors de la phonation. Son nom provient du latin "Mora" signifiant "retard" ou "délai". Comme beaucoup de termes spécifiques à la linguistique, sa définition exacte est contestée, mais bon, grosso-modo, sans rentrer dans les discussions, il s'agit d'une notion plus fine que celle de syllabe. Dans les langues syllabiques, chaque syllabe est constituée d'une ou plusieurs mores, qui en déterminent le poids, ce dernier déterminant à son tour l'accent tonique du mot, ou son rythme. Dans certaines langues, dites "moriques", la notion de syllabe, d'ailleurs, n'existe pas, une syllabe qui contient une seule more est appelée "monomorique" ou "monomoraïque", si elle est composée de deux mores elle est appelée "bimorique" ou "bimoraïque". La langue japonaise est connue pour sa structure en mores. La plupart des dialectes utilise les mores (haku en japonais) plutôt que les syllabes comme fondement de son système phonique. Une syllabe française peut contenir jusqu'à trois mores, ce qui engendre des poèmes irréguliers. Quant à la notion de more, si elle existe en Nabirosina, le nabirosinais considère qu'il n'est guère besoin de se casser la tête avec ça, ce n'est déjà pas mince affaire de traduire tant bien que mal le patois nabirosinais (dit rachollasi) en bon français moderne, on pourra donc considérer que le Haïku nabirosinais est peut-être l'un des seul Haïku au monde à n'obéir qu'à sa propre loi.
Photo : Offert par la boulangère du village, ce poème-Haïku chanté par Ricky Vacance (et sa cornemuse à pain) ravira vos matins, vos midis, vos soirées, (j'ai testé pour vous). Un fragment de pure poésie vue au Nabirosina doux.
© Frb 2011.
03:32 Publié dans A tribute to, Actualité, Affiches, panneaux, vitrines, Art contemporain sauvage, Arts visuels, De visu, Impromptus, Le vieux Monde, Mémoire collective | Lien permanent
mercredi, 03 août 2011
On rentre à la maison
Si ma maison vous déplait vous cliquez sur l'image, et je vous en donne une autre.
Quelques liens ou variations sur thème :
Le mode d'emploi de ma maison (enfin presque):
http://www.poeteferrailleur.com/videoermite.htm
Moyens Dubord, le plastique écolo c'est fantastique:
http://www.youtube.com/watch?v=Zw2AE-uapd8&feature=related
A visionner, des projets ambitieux, (disons plus ambitieux):
http://www.spi0n.com/art-technique/des-batiments-bizarres/
Une lubie. Habitable ? Assez givrée, c'est à voir:
http://www.dailymotion.com/video/xbrmff_il-vit-dans-une-m...
Photo : Certains jours rentre à la maison, comme en période de flemme (vous voici prévenus). Ma panacée universelle s'en est allée nourrir un feu de joie et sur les cendres j'ai construit ma maison, (biodégradable, topécolo), n'est-elle pas sympatoche ? Elle ne s'appelle pas "La quiétude" mais on ne lâche pas l'affaire (en cas de crise et de récession)... Ma maison, donc, photographiée aujourd'hui sur un sentier là bas, dans ma châtellenie impériale boscomarienne. - C'est tout ? - Non, bien sûr que non (je fais la question et la réponse, bien obligée eh eh ! il faut tout faire dans cette maison).
© Frb 2011
lundi, 01 août 2011
La nuit venue
Tout ne revêt-t-il pas, dans ce qui nous exalte, les couleurs de la nuit ? C'est elle, maternelle, qui te porte, et tu lui dois ton entière splendeur. Tu te serais dissipée en toi-même, perdue dans l'espace sans fin, si tu n'avais été par elle contenue, enserrée en ses liens pour devenir chaleur et faire, en flamboyant, naître le monde.
NOVALIS (1772-1801) : "Hymnes à la nuit", éditions Mille et une Nuits, 2002.
Ici nous devenons invisibles, mais si vivants. Un pas de plus enrobe, nous regardons courir au ciel des astres doux, mêlés à cette force, elle retourne au soleil le moulin à paroles où rien ne peut se dire à temps. Nous avons tant parlé, la parole si sûre d'elle ouvrait des trappes, les refermait, se dévidait au milieu du courant tuant l'ennui par un désordre qui soufflait dans le vent d'autan des aquilons, mais c'était encore du vent sur le vent... Et moi semblant humaine je devinais la haine que tu ne disais pas, elle conjurait la mort dans l'apparente joie qui méprise la joie. L'écho surveillait nos paroles. A qui parlions-nous de si loin sans plus nous écouter ? Harcelés par des forces ; un vieux guerrier ingrat nous opposait sa loi, il effaçait le sens à mesure que le son progressait. Notre expression abattait des troncs creux il n'y avait rien de plus triste que cette matité, les véhémences impersonnelles de l'orgueil gagnaient le jeu énoncé par le maître, nous demeurions au point mort dans notre citadelle à demi-effondrée, quelques jours à peine suffiraient pour la voir disparaître. Tu enterras tes perroquets au fond de la forêt, tu arrosas des hellébores qui ne pourraient jamais renaître, tu les avais peut être brûlés un jour ou par ennui comme l'enfant aime frotter ses jouets sur les boîtes d'allumettes, comme l'enfant est heureux de créer pour la première fois le feu. Le feu courait sur moi et tu t'en réjouissais - ou bien c'est encore le soleil, qui devient simplement mauvais - A ce point onéreux, la voix transformait nos forces en faiblesse, plus nous parlions plus nous hâtions la possibilité d'un accident, lequel eût lieu il y a longtemps. Nous répétions à l'infini les vers de celui qui nous avait tant aimés et trouvés enlacés dans une chambre au milieu de la nuit :
Es-tu capable de me montrer un coeur à jamais fidèle ? Et ton soleil possède-t-il les yeux de l'amitié qui sachent me connaître ? Saisissent-elles, tes étoiles, ma main tendue de désir ? Me rendent-elles en retour la pression de tendresse et la parole caressante ? De ses couleurs l'as-tu parée, de ce contour léger, - ou bien est-ce la Nuit qui donne à tes atours un sens plus haut et mieux aimé ? Quelle est la volupté, quelles sont les délices offertes par ta vie, qui balancent les ravissements de la mort ?
Ici devenus invisibles, peut-être possédés, aurions nous tenu la promesse que tu me fis un jour ? Un jour sans prévenir, elle exigera son dû. Ce sera par hasard, quand nous serons certains que les fantômes s'égarent aussi loin que nos vieux sous ces pierres, là bas, profondément enfouis : "ci gît, les morts !" qu'ils y restent ! et bien non, justement. Quand tu paraîtras impeccable, mon visage te rappelera ces amusantes caponnades et le tien me demandera pourquoi j'ai désiré te fuir sans expliquer ni chercher à savoir lequel de nous deux est ce jour le plus mort. A présent, les fruits pourris de cette abondance gèleront nos coeurs au non-lieu d'une forêt évidant le désastre par la sève qui descend puis monte à l'intérieur des arbres, sans collision, dans des cernes annuels, la récente sève qui monte et descend sans répit, ce territoire restera nôtre, tel la peau criblée d'ocelles d'où tu arrachas nos prénoms par ta lame sans tendresse dans l'écorce encore tiède plus solide que la peau. Ici, on entend le halètement d'une bête siamoise, elle court sous les fougères, cherche d'autres bêtes à dévorer, jadis inoffensive, la faim l'a rendue si ogresse que cela nous remplit d'amertume et la parole de l'homme dit encore le contraire.
Quelquechose a chuté de si haut au cours d'une vulgaire ascension au plus vulgaire sommet, du plus somptueux paysage, je n'ai fait que saisir ce que la nuit daignait m'offrir jusqu'au jour désuet de la parade où tu me jetas à ces chiens. Sais-tu au moins ce qu'ils m'ont fait ? Vas donc, et dors tranquille, si tu vis, tu n'en sauras rien. Sauf si quelque rébus vient docile, en esquisser l'indice, au non-lieu d'une forêt que tu aimes, dont tu as besoin. Des figure enterrées remontent à la surface, pleurent la nuit font des ronds dans les flaques. Des petits cailloux ricochent déjà à nos fenêtres, ils sont là comme l'été on regardait les "demoiselles" flirter sur les flots des étangs, sans un bruit. C'est la nuit, elles reviennent, quand tu dors, quand ton rêve violente ces mille femmes qui hier, t'adoraient, devenaient infidèles sans raison, au non-lieu remplissant ton sommeil d'une haine et de toutes les salopes que les hommes ne savent pas comprendre. Rien n'existe sauf l'oubli dans la nuit qui hantera sans cesse. La tienne est semblable à la mienne, plus limpide que l'aurore, humide, parfois, c'est un oreiller d'herbe, d'où l'on contemple des comètes troussant les voiles d'une caravelle tandis que tu recouvres d'encre ces points d'or, purs aimants. Crois-tu les effacer vraiment ? Nos songes auront forcé longtemps des huis pour n'arriver à rien, ce rien retient en impatience l'effroi entre l'homme et la femme, dans la petite maison en papier qui s'envole sur l'aile d'une demoiselle du genre Zygoptéra pas plus grosse que mon doigt caressant tes cailloux dont le coeur bat encore. Là, juste sous ta fenêtre, à deux pas de nos bois quand ta vie va ranger sous forme de sérénade la même chose à toute heure, un masque de carnaval, un loup sur tes yeux enchanterait, il affame. Une musique fine bouclera le sillon, la pavane portant l'anagramme, ainsi finira la chanson, le temps de faire le tour d'un arbre, de goûter las, le saignement, la sève pourpre paraît dans l'entaille de ta douce et diurne balade. Crois-tu au pouvoir de la danse ? Un homme seul marche dans une forêt, ses pas sont ceux du loup de légende, ses songes la nuit, ont inventé un rythme indéchiffrable dont aucun musicien, pas même un virtuose, ne pourrait arriver à bout.
Nota : Le second extrait (en caractère gras dans le texte, est aussi extrait des "Hymnes à la nuit" de Novalis.
Photo : L'orée du bois du Marquis de... (il ne veut pas qu'on le dise on va dire que c'est "mon" Marquis). Un petit chemin, juste avant d'entrer dans la nuit, lumineuse... Vu, quelquepart entre le Mont St Cyr et le Mont ... Euh ? (Je ne me souviens pas, on va dire que c'est le Mont Marquis...)
© Frb 2011.
04:44 Publié dans A tribute to, Arts visuels, Balades, De visu, Impromptus, Le vieux Monde, Mémoire collective | Lien permanent
samedi, 30 juillet 2011
Petits voyages
Donc, si après mille efforts pénibles, le lecteur décrète qu'on n'a pas atteint le port, cependant il vaut mieux sombrer dans les profondeurs en cherchant avec ardeur, que flotter sur un banc de sable.
HERMAN MELVILLE, extr. "Mardi" (traduit par Charles Cestre, introduction D. Fernandez), éditions Flammarion 1990.
Le mouvement nous sort du danger des aveuglements de nous mêmes, les voyages portent autant conseil qu'ils nous remuent longtemps après, comme la nuit où nos songes font revivre les lieux oubliés, travaillent les esprits et nous allons à leur rencontre. J'ai mon billet, c'est plié en petit dans la poche, à chaque instant il me faut vérifier si je ne l'ai pas perdu. Oui, je l'ai. C'est pour l'heure un petit livre blanc, un fragment d'atlas, une cible. Je relis plusieurs fois le résumé recto-verso, avec le numéro du train, juste un "aller" au poinçon qui délivre le droit de s'éloigner, et là, pendant des minutes que j'aimerais encore ralentir, je regarde les locomotives jouer dans la pénombre. C'est un peu comme un mot d'absence, qui ira tout à l'heure glisser entre les mains d'un contrôleur, un billet simple que j'imagine quelquefois sans retour, quand je m'en vais, c'est dans l'idée que je pourrais partir toujours, ou revenir illico par le train qui suivrait, ou encore bifurquer dans la minute, s'il est possible (ah ! les correspondances !). J'ai le billet d'une loterie topographique, tant de bourgades à traverser entre ici et là bas, des forêts inconnues, hameaux sans habitant, vus d'un viaduc, on revit dans la miniature des petits toits, des petits murs, pareils aux bouts de toits, bouts de murs, du jeu de construction pour enfant. J'aime les trains lents, les anciennes Michelines, un jour je goûterai au Cevenol...
En attendant je fais les cent pas hors du hall, je m'égare un peu dans cet espèce de no man's land, le même autour de toutes les gares, je vois au loin des hôtels malheureux, des entrepôts en ruines, des magasins aux enseignes borgnes et puis les lignes bleues qui vont dans la montagne, du côté de Ste Foy-Lès-Lyon plus loin, jusqu'aux Monts d'Or, une illusion d'optique, la musique de "La vie de Cocagne", (merci Zoë !), la ligne bleue des Vosges, une cabane où des gars scient du bois, où des filles font des tartes aux pommes. C'est l'heure indescriptible de l'entretemps à n'être plus qu'un interlude entre deux voies. Sentiment agréable d'honorer la vie sur un banc, le compromis accepterait de céder tout aux mondes flottants, quand fatigué des profondeurs, on déciderait d'un errement en surface afin d'oublier, (un instant), la belle citation de Melville (sorry, Herman, on a dit "un instant") ; un banc de bois sous une rangée métronomique d'horloges hautes perchées, nids de coucous soudés comme des lampes aux plafonds, on fixerait l'incessant clignotement des diodes on serait à l'affût d'autres cliquetis métalliques de source invisible.
Il est 17H44, il me reste quinze minutes avant le départ sur quai A. Ces quinze minutes dureront le temps qu'on les désire, elles paresseront parallèlement dans cette vague perception atemporelle qui tient la page de tous les autres livres. J'ai mon billet, c'est d'un contentement bête. Assise sur un banc, à coté de nombreux voyageurs qui lisent, fouillent dans leurs sacs, ou picorent des Smarties, je dessine machinalement des rectangles sur le modèle d'un wagon de marchandises arrêté juste en bas, j'attache les rectangles avec quelques trombones (tombés d'une boîte trouvée hier, dans le funiculaire), je bricole machinalement des petits bonhommes en tiquets de métro pliés, que je déchire, pour leur fabriquer (grosso-modo) des jambes et des bras. Machinalement, je tue le temps, sans vraiment savoir que je bricole. Mais en gribouillant mon bonhomme, le corps ici, la tête ailleurs, j'imagine en même temps, que j'entre en rotation sur le manège de Petit Pierre dans cette fabuloserie ignorée des grands voyageurs : un joyau en orbite absorbe l'univers, dans la lune, sur la terre, révèlant la huitième merveille d'un monde aux enchantements-rois. Le cercle magique des ferrailles flotte dans l'air qui va loco loco nimber de valses folles les débris reconstruits pour faire tourner la terre sur des boîtes de conserve et le plus étonnant c'est qu'elle tourne merveilleusement...
Petit Pierre en gardant ses vaches fabriquait des cyclistes, des avions, des charrettes, des petits trains et puis il ajouta des boulons aux petits voyages extraordinaires qu'il faisait dans sa tête...
Regardez, c'est divin.
Lien divin : http://www.fabuloserie.com/#
Nota 1 : la réfutation d'une citation de H. Melville ne durera que le temps d'un petit voyage (réfutation it is not a répudiation, j'ai précisé, j'insiste).
Nota 2 : pour ceux qui aiment les images, (bonus d'été) il y a un Delvaux-garissime à cliquer sous notre photo (voir plus haut ↑).
Photo : Gare de Perrache (Lyon) et ses alentours, vus de la grande allée de la gare, fin Juillet, cette année.
© Frb 2011
03:13 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, Arts visuels, Balades, De visu, Impromptus, Le nouveau Monde, Le vieux Monde, Mémoire collective, Transports | Lien permanent
samedi, 23 juillet 2011
Carte postale (version muette ou presque)
Travailler et créer "pour rien", sculpter dans l'argile, savoir que sa création n'a pas d'avenir, voir son oeuvre détruite en un jour en étant conscient, que profondément, cela n'a pas plus d'importance que de bâtir pour des siècles, c'est la sagesse difficile que la pensée absurde autorise. Mener de front ces deux tâches, nier d'un côté et exalter de l'autre, c'est la voie qui s'ouvre au créateur absurde. Il doit donner au vide ses couleurs."
ALBERT CAMUS : "Le mythe de Sisyphe", éditions Gallimard 1942.
Les saisons se meurent. La carte est muette. (ou presque).
Photo : Bleu, gris, ici ailleurs, quelle importance ? Chacun pourra y lire ce qu'il voudra, des vacanciers vous écriront une carte bête, (voir billet suivant du jour qui précèda, idem à celui là), on pourra toujours vous faire croire qu'on se berce d'illusions semblant gaies dans l'indifférence qui voyage d'un enthousiasme au dépit d'un grand débarras - Tout ce que tu voudras - Je passe la main au marchand de cartes postales. Le vide est gris c'est encore une couleur, fragment d'un parcours assez vain ou juste une image de je ne sais quoi, enfin bref. Ce qu'il reste...
© Frb 2011.
dimanche, 10 juillet 2011
Mes champs perdus
Certaines routes n'étaient pas dignes de nous porter.
ROBERT DESNOS, extr. "Voyage en Bourgogne" in "Rue de la Gaîté, Voyage en Bourgogne, Précis de cuisine pour les jours heureux", avec des eaux-fortes par Lucien Coutaud, édition Les 13 épis, 1947.
(Repris dans "Récits, Nouvelles et Poèmes", avec des reproductions de dessins par Robert Desnos et des illustrations par Jacques Rousseau, Éditions Roblot, 1975.
Nous avons marché au bord de l'eau près des cabanes, longeant les haies, mûrissant les fruits noirs qui grossissaient, nous rendaient autres. Nous sommes allés par les forêts, passé le clos, nous avons rétréci.
Nous ne connaissions personne. Nul n'aurait pu comprendre à quel point nous étions perdus.
Plus tu parlais, plus le ciel était sombre, des mots plus sombres encore nous prenaient de vertige, j'avais peur et pour chasser la peur je faisais semblant d'être gaie. La terre, et les arbres, se sont mis à trembler. Il y avait les mots, la violence, l'orage qui avançait, grondait sur nous au dessus.
Je devenais inaudible. A peine moins qu'une conversation, ennuyeuse, qui allait et venait avec des questions.
Les fleurs auront elles encore du pollen en Septembre ?
A quoi servent les papillons ?"
Nous avons marché autour du point d'eau qui gardait les barques au soleil. Plus tu parlais plus je voyais grandir les ombres et les cornes des branches coupées, jetées sur le bord de la route repoussaient jusqu'à la rivière tout un tas de choses mortes qu'on n'osait plus regarder.
J'insistais à vouloir te distraire, émue par les bruits d'eau, l'éclat de l'écorce et la sève dessinaient un tourbillon sur un autre tourbillon où l'on aurait pu lire l'âge de l'arbre en s'attardant un peu.
L'éclair tordu ruisselé du ciel, scia par le milieu ce tronc, où à la trentième année de l'enfance, nous avions gravé nos prénoms.
Sur ta langue une rage lourde retirait peu à peu les charmes de ces petits plans d'eaux, noyait ce qui était sur le chemin parlant aux fleurs, renversait le poison dans le sirop d'érable, tout si vite, disparu.
Qu'un seul mot retourne la terre il nous exhumerait intacts, figés dans notre joie déchue.
A présent cette fleur classique que j'effeuille me fait marcher à reculons, je n'ose plus revenir à l'endroit, ni même ouvrir les yeux. De la route aux éclats de quartz qu'on suivait par un fil brodé on aperçoit des pierres posées sur de fins gravillons aux couleurs d'obsidienne vitreux comme ces ombres qui ne cessent de hanter les lieux. Plus loin, pendant notre sommeil, l'eau bleue a envahi la route bordée de saules qui pleurent près des cabanes longeant les haies.
Si l'on prend la route à l'envers, pour peu qu'on la dépasse, on trouvera à perte de vue des champs de coquelicots qui ne vivent qu'une heure, une innocence pure comme le son de l'aurore, on damnerait une vie contre une heure à rouler entre ces herbes folles, mais il faudrait encore vendre son âme aux dieux...
Photo : Arbre qui penche mais ne casse pas ou balade en eaux troubles près de étang dit "des Clefs", (un paradis en vérité), situé quelquepart entre le Mont sans Souci et le mont St Cyr, dans le Nabirosina.
© Frb 2011.
06:54 Publié dans Arts visuels, Balades, Impromptus, Le vieux Monde, Mémoire collective | Lien permanent
vendredi, 08 juillet 2011
Harlequin pyromane
Une cascade de roses parfumées et des rosiers grimpants, des lierres, des lianes enchevêtrées des roses et des rosiers grimpants. L'époux ne cesse de faire livrer ces pompons, ces roses parfumées, et parfois ces generosa dont on ne sait plus que faire.
- Je vous préviens Madame, que par les sécheresses de la haie il y aura des pucerons sur la fourche-bêche.
- C'est le pire, ça devait arriver, si le professeur s'en aperçoit, il pourrait vous chasser...
- Madame, ressentez vous cela ? Ces absences qui vont en douleurs, je connais vos secrets, nous avons le même coeur.
Madame de Genlis porte un châle qui couvre ses épaules. Quand les pucerons se mêleront aux fleurs du professeur, il ne pourra pas l'endurer. Ces roses, non vraiment, ça l'écoeure.
- Vous auriez tort, Madame, de refuser mes agréments, ils égayeront votre existence, j'ai presque peur en vérité...
(Il se tait. Trop parler serait déjà perdre. Et surtout pas de sentiment ! durcir le ton, suivre son plan).
Madame de Genlis n'a plus un denier, elle dépense sans compter. Ca a commencé, au mois de Mai, avec la pyrale du fourrage, le jardinier achetait les pyrales.
- Ce n'est pas raisonnable, Madame, tout cet argent, pour saccager, vous qui devez partout.
Madame de Genlis ôte le châle, le pose sur un valet, elle sait qu'une épaule dénudée a son charme. (Petit calcul invitant l'oeil juste à l'endroit, assez discret).
- Enfin Léon ! Je vous demande d'oeuvrer à mon contentement, pas d'être ma conscience ! accepteriez vous que je vous accorde l'agrément tout de suite ou dans une petite heure ? Vous connaissez l'état de ma trésorerie...
- Votre trésorerie ...
- Allons vite, répondez, je vous prie ! Si je dois supporter votre main dans mes robes vous permettre ce que vous savez, c'est un peu humiliant pour une femme de mon rang, mais puisqu'il faut toujours payer de sa personne...
(Hautaine et insolente. Voilà, qui était parfait).
- Humiliant ? Vos émois sont au dessus des rangs. Pour une pyrale, Madame, il faudra, je le crains, vous humilier beaucoup, vous n'ignorez sans doute pas, quelle force morale il faut à un homme de mon tempérament pour garder un secret, vous payerez à la fois, celui qui soigne vos pyrales et l'homme de main qui veille sur votre trésorerie.
(Il n'osa dire "trésor").
- N'oubliez pas, qu'en plus de cet endettement, vous me devez encore quelques Vespa Crabro, Monsieur le professeur et si peu votre époux, ne serait pas très content d'apprendre de quelle façon vous jetez son argent par les fenêtres, lui qui raconte partout qu'il travaille dur pour vous. Comprendrait-il quels démons vous possèdent à vouloir ainsi saccager ce qu'il aime plus que tout ? Savez vous combien d'heures il s'épuise chaque jour à arranger ses fleurs ?... (songeur) ... Si joliment ! ... Et cela pour l'amour de vous !
Le silence est lourd du parfum des fleurs et de ces écoeurants pompons du professeur qui dépassent des fenêtres envahissent les balcons, la véranda, bientôt on ne verra plus les cheneaux. Lourd silence de la vérité qui vient en elle, l'amenuise, (il voit tout), et l'éclaire (il devine). Madame de Genlis est si pâle, il la regarde tourner près du valet, un bout du châle entre ses doigts, une pelote de laine, sur un chat, il s'amusera, (elle est à bout).
- Remettons les Vespa Crabro, à la fin de la semaine, je vous prie d'indulgence. Je vous paierai le triple, s'il le faut.
Il n'en n'est pas question ! il lui tend un papier comme la première fois où Madame de Genlis avait dû dégrafer trois boutons de sa robe, pour payer les pucerons qui amenaient le phylloxera, elle s'en souvient c'était ici et comme les pucerons, encore la première fois, elle tremble. Elle pâlit plus encore découvrant le contrat.
- Je ne peux pas, c'est affreux ! pas ce prix là ! mon Dieu ! c'est monstrueux ! Léon vous êtes un monstre !
Il s'approche, il respire le parfum de cette poudre, et cette nuque... Il défait sans un mot, le lacet, la robe en croisillons, jamais tout, rien de trop, tend une plume, met sa main sur la main de Madame de Genlis, puis doucement, vient guider l'écriture.
"Je soussignée... (Impératif) - Vous écrirez la suite !",
Madame de Genlis souffre d'une grande culpabilité, mais elle se sent aussi heureuse d'éprouver enfin, après tant d'années quelque chose qui ressemble à de l'exaltation, elle se raisonne :
"Ma foi ! mieux vaut souffrir que rien"
Sous le voile de sa robe, l'odonate s'allonge avec ses gros yeux joints à nourrir d'une faim que jamais rien ne comble. Il y a de la liberté sous les huis, une prison qui s'effondre et le bon Dieu au dessus prend des notes pour la suite. Il y a ce vieux hibou. Le vieux qui dépérit peu à peu pour l'amour de celle qui pleure la nuit dans toute la solitude, soupire dans la cretonne, et déteste ces fleurs, les mêmes jusqu'à la mort. Il y a au dessus d'elle ces têtes rondes sculptées, des chérubins qui biberonnent les rosaces (encore roses !) du plafond de la chambre à coucher. Madame de Genlis et Monsieur ne se rejoignent plus que pour montrer au monde à quel point ils forment à tous les deux, un ensemble harmonieux, couple charmant, parmi ceux de leur genre. Là, ce chapeau pendu sur un pied de sanglier, ici, la coupe en cristal Baccarat, à laquelle on tient plus qu'à tout, là bas, la volière, le mainate, et la phrase du matin :
- Avez vous bien dormi, ma chérie ?
Celle de l'après midi
- Préférez vous prendre le thé dans le petit salon ou sur la balancelle au jardin, mon ami ?
Et puis l'autre qui venait avec ses grosses bottes, ses grandes mains carrées, l'autre qui venait pour le trésor, accélerant les goûts capiteux de Madame de Genlis, sa fantasmagorie. Elle est à présent traversée d'idées folles, une furie passe le mal, une vierge le rechasse, il revient, il embrase l'esprit, trace une pente en dos d'âne. Madame se sait un peu gourmande, quand il arrive avec les bêtes volantes, Léon lit dans les yeux de Madame, l'éclat doré des saintes qui s'exaltent et qui luttent. Il sait encore, pertinemment que souffrir la fait revivre un peu .
- Vous daterez et vous signerez ici ! (suave) prenez bien votre, temps, Madame, je ne voudrais pas trop avoir l'air de vous forcer la main...
C'est pareil, comme la première fois, tout ce qu'elle n'a pas vu arrive. C'est écrit noir sur blanc, c'était peut être écrit avant, sans qu'un contrat n'y glisse cette impression dangereuse, le goût de l'interdit qui va sans retenir. Le jardinier, la main sur la main de Madame, touche la plume à quelques centimètres et l'autre main s'en va rebrasser tous les chants et les feuilles des vignes de Monsieur ravagées du philloxera. Un gros nez respire la peau blanche inspirée des coffrets, l'heureux talc du vieux monde cette ivraie et ces lis d'une langueur à chavirer...
- Oh ! Léon ! ce n'est pas du jeu, vous trichez, que faites vous, grands Dieux, c'est un supplice !
Impunément, il triche. La main sur la main, et l'autre main qui trousse, c'est plaisant de voir Madame de Genlis batailler avec sa conscience, et la voilà craintive. Ses dieux ont si bon dos. Impunément il fait sauter les boutons de la robe, un puis deux, il faudra bien qu'elle signe. Il chuchote:
- Thrips ! Nématodes ! Botrytis ! Fusariose !
Madame de Genlis recommence à souffrir un petit peu, il accélère le jeu, la faiblesse aux penchants et prononçant ces mots, juste à l'endroit, assez discret :
- Hypsopygia costalis ! ...
Fait tomber la poutre maitresse. Madame de Genlis frappée d'amnésie vient défaire seule le quatrième bouton, le papillon aux couleurs des tentures du bureau de monsieur, apparaît, juste dans ce pli exactement, elle suit le pyrale qui respire, vingt trois millimètres, enrobé de formol d'une bête plus laide qu'un pou mais dont le froissement de l'aile à peine, lui permet d'oser tout.
La plume crisse. Elle a signé. C'est venu plus fort qu'elle. Le jardinier range le contrat dans une enveloppe qu'il attache par le caoutchouc de sa bretelle.
Il regarde par la transparence du rideau, le professeur, "Monsieur", l'époux, épris, méticuleux, arranger un bouquet de roses pompons, l'idiot, avec ses pauvres cornes et ses fines binocles, monsieur baissant les yeux sur sa montre à gousset 6H00 si impatient déjà, de rejoindre Madame, elle qui depuis des semaines souffre d'un mal mystérieux.
Léon contemple les allées, les massifs, le petit château d'eau et les blanches cariatides supportant un bassin surelevé où l'eau du Mont Gerbier coule sans s'arrêter, un corridor mouillé : "il y aura de quoi faire".
Il songe à la trésorerie de Madame, au domaine de Genlis, à ces larves, ces pyrales qui pondent déjà dans les placards, de la cave au grenier, à la confiance aveugle de Monsieur qu'il vénère qui est si généreux avec le personnel, puis soulevant la mantille aperçoit un verger, fruité de gueule, paré d'une Cigaline, juste à l'endroit, assez discret.
Dans un instant, il aura tout.
Nota : En cliquant dans les fleurs, ouvrez les chapitres de cette histoire et découvrez vos romans de l'été.
Musique : "Blue Gardenia" par Nat King Cole
Photos : Iris nommé "Prince Indigo". Fleur bleue sophistiquée, alanguie dans les herbes folles photographiée au début de l'été, près d'une allée bordant la grande roseraie, au Parc de la Tête d'Or à Lyon.
© Frb 2011.
03:57 Publié dans Art contemporain sauvage, Arts visuels, Balades, De la musique avant toute chose, De visu, Impromptus, Le vieux Monde, Mémoire collective | Lien permanent
lundi, 04 juillet 2011
Oublier DSK
Il se pourrait
Qu'à un certain moment
Rien ne bouge,
nulle part
E. GUILLEVIC , extr. "Du domaine", éditions Gallimard 1977.
Photos : Du domaine clos assez proche, aux domaines aussi vastes que lointains, quelques lignes de fuite pour s'extraire. Se défaire. Ou se refaire sans s'occuper de rien. "Pas de destin, pas de tragique" écrivait encore Guillevic. A la recherche d'un espace plus lucide plein d'interrogations, de négations et de silence. On parle si peu du vent. "Moteur d'une perturbation possible" et toujours invisible au monde comme les larmes de Tchekhov. Un peu de vent sur la pierre, exacte, concise, comme la vigilance"... Comme le vent qui n'écrit que l'histoire du vent.
Les billets passent à l'éphémère une langue d'outre pierraille" (dixit Eugène)... Passer entre, passer outre. Et pour les autres, passez de bonnes vacances.
© Frb 2011
05:20 Publié dans A tribute to, Actualité, Arts visuels, Balades, De visu, Impromptus, Le vieux Monde, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
vendredi, 24 juin 2011
Une vie
Solution pratique (plus propre et rapide) :
http://www.galantine.com/upload/referentiel/934/le-ramass...
Lecture pour tous :
http://www.libriszone.com/lib/notices/loana.htm
Science et technique (autopublicité) :
http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/11...
Partie fine (puisque c'est la saison) :
http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/02/05/le...
Peut-on parler d'intelligence ?
http://www.youtube.com/watch?v=mDntbGRPeEU&feature=pl...
Variation sur thème :
"Les miettes", c'est aussi un petit film extra, de Pierre Pinaud, qui a obtenu le César du meilleur court métrage en 2009. L'histoire est celle d'une ouvrière qui vit dans sa maison, va travailler dans une usine, fait ses courses dans un commerce, en résumé, ramasse des miettes. Un matin, l’usine qui sert de toile de fond à son univers se déplace et sort du champ. Consternée, la femme tente de la retenir. Les images sont d'une poésie étonnante on pensera Fritz Lang, mais aussi à Chaplin, les miettes étant la monnaie de l'univers du film, (vous l'avez bien compris) il s'y trouve également une métaphore (et celle ci de très loin plus fouillée que la précédente)... Lien du film sous l'image, et visionnage vivement recommandé par la maison : un pur bijou.
Journal rétro-actif du film by Pierre Pinaud à lire : ICI
03:30 Publié dans A tribute to, Actualité, Art contemporain sauvage, Arts visuels, De visu, Impromptus, Le nouveau Monde, Le vieux Monde, Mémoire collective | Lien permanent
jeudi, 26 mai 2011
Petite musique d'attente...
Quelle vie de chien !
HENRY MILLER, (cité par Brassaï in "Henry Miller, rocher heureux"), éditions Gallimard, 2001.
Si la salle d'attente ne vous plait pas, en cliquant, vous serez orientés dans une autre
Présentation
C'est juste une salle d'attente dans une petite ville de province. Les trois hommes qui s'y trouvent semblent se connaître un peu de vue, ce sont des vieux, à peine bourrus, la fidèle patientèle d'ici. Ils se regardent avec bonhomie, tournent sans les lire quelques pages de revues, un geste machinal, un choix restreint : "Le point", "Paris-Match", "Femme actuelle". J'atterris à cloche-pied, dans cette ambiance à la fois pudique et rassurante, j'entre sans bruit je suis accueillie par un "bonjour" très accueillant, trois bonnes têtes avec des sourires plutôt "gentils"... Déjà ça paraîtrait un peu anachronique en ville où les salles d'attente (celles que rarement j'ai fréquenté, me paraissaient glacées parfois presque menaçantes). Bien sûr, il y a ce silence lourd de sens, de non-sens, souvent gênant où le moindre bruit d'une page de revue qu'on tourne, le moindre craquement de soulier paraît s'amplifier à tel point qu'on n'oserait à peine bouger le petit doigt, mais ce sont les silences spécifiques ou "spéciaux" des salles d'attente en général, quand celles-ci ne sont pas envahies (une nouveauté qui se répand bien, hélas) par des fonds musicaux imposés, souvent odieux, la dernière salle d'attente que j'ai cotoyée, m'ayant offert contre mon gré, environ une heure des "plus grands hits d'Eddy Mitchell", (certes en sourdine, mais entre nous, c'est pas humain), tant qu'à faire je préfère un bon gros silence même s'il pèse un peu, beaucoup, voire lourdement. Ici, rien à faire, faut que ça cause, faut que ça vive. Faut toujours qu'on dise quelque chose. Un homme ouvre la conversation à propos de "l'accident du pont", une actualité qui détrône le scandale des notables trousseurs de dames, à Paris ou en Amérique, la seule actualité, dans ce petit pays, qui vaille la peine qu'on s'en soucie, c'est l'accident, dont la photo (une moto, une voiture ratatinées contre un poteau), un récit qui n'omet nul détail, ont fait la une, du petit journal local. Ici, chacun lit après le déjeûner, ou le dîner, "son" journal. C'est un rituel, c'est sacré. Après, on en parle, on en reparle, dans la rue et dans les commerces, au village, dans les chemins entre les champs de coquelicots... Ici, la parole s'ouvre, juste un peu et les langues se délient, mais pas trop. J'accroche sur mon col (je sais, c'est pas joli joli...) un petit micro cravate, j'enclenche le dictaphone. Le temps d'une brève causerie ; telle une trace légère, autant dire, presque rien...
Situation
- Je ne savais pas qu'il y avait une boulangerie aux Indres...
- Tout le temps !
- Ah ça oui ! y'en a passé trois quatre, mais y'en a toujours eu.
- Ah ben oui !
- C'est arrivé vers quel endroit ?
- Vers le pont des Tarets, ça fait un genre de bosse, elle est partie sur la bosse.
- Le poteau il est là, tout seul au milieu du parking...
- Aller prendre le poteau en plein milieu, faut l'faire !
- Ah ben mon vieux !
- Oh oui ! on est peu de chose...
- Et le père qu'a tué son gamin, 17 ans... Vous avez lu ? Ben bon sang !
- Elle était toute neuve la voiture, le motard l'a pas vue, le gamin il est mort pendant le transfert.
- Ces motos, ça fait peur...
- Mais non ! c'est la paraffine qu'y avait sur les pneus.
- Le gamin c'était le passager, il était devant, assis à côté, ça a toujours été la place du mort... Le père a freiné mais c'est l'auto qu'est partie dans l'autre sens.
- Ben vieux ! Pour la mère c'est terrible !
- Et pour le père ! Il a tué son gamin. Ils en avaient pas d'autre. Quand ils se trouvent tous les deux, ça doit pas être facile, le soir au souper, j'sais pas ce qu'il peut lui dire à elle, ben bon sang ! ça doit pas être facile d'en causer, faut que le couple soit solide après.
- Ouh ben ! C'est pas sûr qu'elle pardonne, si elle est rancunière, c'est fini, ça y fera tout craquer...
- Y'a pas que ça, y'a l'alcool, y'a la drogue...
- Non mais là, c'est un accident, y'a pas de drogue, pas d'alcool ! et pis de la drogue y'en a pas tant que ça.
- Non, pas tant ! pas dans nos petits pays. (silence long, lourd, gros soupirs, le vieux monsieur en face a l'air de réfléchir, profondément...)
- Alors c'est le destin. Ca peut pas être autre chose.
- Oui, c'est le destin, ça a été écrit comme ça. (silence long, très long)
- Hier on a enterré le docteur, vous avez lu ?
- Oui, y'avait du monde ! ça tenait pas tout dans l'église. Il était vieux.
- Dans le temps ils étaient deux, ça fait que l'autre est tout seul.
- C'est pas facile, hein ? On a beau dire ... La vie... !
- Oh non ! on a beau dire ! quand on peut rien y faire, on peut ben en causer jusqu'à demain...
- C'est bien ce que je dis, c'est pas facile."
Photo : Petite métonymie (de l'attente), ou portrait du patient invisible, ou encore un autoportrait ? D'autres verront un petit bout de salle d'attente, (et ils auront raison !) sans la musique, photographiée là bas, en douce... Je remercie, au passage, le Dr. VDB pour son accueil chaleureux et pour sa "bonne médecine". Un endroit on ne peut plus "sobre", mais finalement assez tranquille... Si l'on compare à certaines salles d'attente décorées hype et chic (avec fauteuils du genre "formes nouvelles") de certains cabinets où se pratique (de plus en plus, hélas) ce qu'on appelle de "l'abattage", (de patients comme du bétail, oui, c'est courant), je préfère un décor austère avec une médecine à visage humain, que le contraire, mais cela est très subjectif évidemment, et d'ailleurs il se peut que je m'égare dans un autre sujet vraiment problèmatique, peut être à suivre (?) Un certain jour (?) Qui sait (?) Mais comme je ne suis nullement pressée de fréquenter ce genre d'endroit, je ne promettrai pas ou le plus tard possible. Il vous faudra donc être patients, (si j'ose dire) ...
© Frb 2011.
22:58 Publié dans Actualité, Art contemporain sauvage, De la musique avant toute chose, De visu, Impromptus, Le vieux Monde, Mémoire collective | Lien permanent
mercredi, 18 mai 2011
Obscuritudes
Nous savons pourtant le prix de la douleur
les ailes de l’oubli et les forages infinis
à fleur de vie
les paroles qui n’arrivent à se saisir des faits
à peine pour s’en servir pour rire
TRISTAN TZARA, extr. "Sur le chemin des étoiles de mer" dédié à Frederico Garcia Lorca.
"Vous êtes menacé de tomber victime d'une ruse infernale"
Achille traîne à son char le corps inanimé d'Hector. Pénélope est devenue à force, cet oiseau qui fait de la couture. L'agriculteur repose sous le talisman de la lune.
Une famille pleure. La carte est triste pour le fort comme pour le faible. Celui qui triomphait hier est aujourd'hui abattu. Celui qui est aujourd'hui à terre ne sait s'il se relèvera demain. L'artiste introduit de la matière brute dans l'oeuf philosophique. La transmutation n'a pas eu lieu. Une jeune fille refuse les avances d'un ouvrier métallurgiste. Elle se croit aimée d'un homme riche, elle compte sur ses promesses. Il l'oublie. Elle part en Amérique, elle le revoit, puis on la perd de vue. On se réjouit d'une maternité sous des roses bâtardes. L'artiste vendra ses propres faux pour payer la note d'électricité. Le Grand Oeuvre est remis à plus tard. Une épouse bafouée passe dans un trou de souris juste au milieu d'un disque noir.
Des énergies puissantes sont mobilisées en vue d'un travail constructif. Un cheval à bascule entre sous la porte de Scée, suivi de troupes. L'évènement s'annonce désastreux. Des hommes à cheval tentent de voler le Talisman de la lune. Heureuse fatalité.
"Vous souffrirez de l'effet d'une discorde qui n'est point de votre faute."
Un homme tue sa famille. On le croise dans le sud de la France avec une femme, mangeant des glaces à la vanille sur une plage. Le talisman de la lune peut vous sauver par le cercle de magie blanche dont l'effacement s'effectue grâce à un balai. Le Centaure ne veut pas mourir ; la flêche qui l'a blessé est à côté de lui, Pénélope reprisera son passé avec du fil de fer, il ne meurt pas, il est métamorphosé en lapin et peaufine des enluminures dans la nuit.
"Mollesses et ingratitudes dominent."
Avec de grandes connaissances, nous resterons sans avenir. Un homme à tête grise, un bracelet à la cheville se heurte à des entraves insurmontables. Un chasseur sans gibier. Un ami joue au frère. C'est un personnage de malheur, nul succès ne peut l'atteindre. Le jour vient. Le même journal est distribué à tout le monde. Cupidon décochera quelques flêches avec plus ou moins de force dès qu'il en recevra le signal. Une femme recouvre la ville du regard bleu de l'amour insensé, visage de la douleur, garder l'honneur est favorable. Le monstre typhonien armé d'un trident renverse une région dans un pays très loin. Une manivelle donne le branle. On parle du retour d'un nuage de cendres. Etc...
Photo : Un crépuscule sur "Le répit de l'Agriculteur", sculpture créee par l'artiste Jules Pandariès (1862-1933), photographiée un soir d'orage, entre le cours Emile Zola et l'Avenue Henri Barbusse, dans le quartier des Gratte Ciel à Villeurbanne.
Photo : © Frb 2011.
jeudi, 12 mai 2011
Pas si loin de Montmartre...
Ce que tu m’as dit de ta nuit, du ciel, de la lune, du paysage, du silence a dû ranimer en moi des réminiscences similaires... Et alors, j’ai pris feu dans ma solitude car écrire c’est se consumer... L’écriture est un incendie qui embrase un grand remue-ménage d’idées et qui fait flamber des associations d’images avant de les réduire en braises crépitantes et en cendres retombantes. Mais si la flamme déclenche l’alerte, la spontanéité du feu reste mystérieuse. Car écrire c’est brûler vif, mais c’est aussi renaître de ses cendres.
BLAISE CENDRARS, extr. de "L'homme foudroyé", éditions Gallimard 1945.
Pour voir le poète de face, il suffit de lui tapoter un peu sur l'épaule ...
Chaque fois que la littérature me paraît un peu vide ou trop molle je retourne chez CENDRARS et ramasse les points de vie fondue dans la puissante liberté d'esprit du corps et du langage qui anime son écriture. L'écriture n'est pas vaine celle de Blaise encourage la vie. Son existence imprévisible était entièrement vouée au présent sans grand souci que les récits qu'il racontait à lui même ou à ses amis soient véridiques, il y avait en lui une autre quête de vérité bien plus intransigeante qui ne fût jamais servile et ne céda à aucune domestication artistique. CENDRARS représente encore aujourd'hui, la jeunesse absolue du monde, de l'Homme, la poésie mais pour atteindre la poésie, son message est limpide : il faudra abuser du monde. La "lettre océan" n'a pas été inventée pour faire de la poésie.
La lettre-océan n’est pas un nouveau genre poétique
C’est un message pratique à tarif régressif et bien meilleur marché qu’un radio
On s’en sert beaucoup à bord pour liquider des affaires que l’on n’a pas eu le temps de régler avant son
départ et pour donner des dernières instructions
C’est également un messager sentimental qui vient vous dire bonjour de ma part entre deux escales
aussi éloignées que Leixoës et Dakar alors que me sachant en mer pour six jours on ne s’attend
pas à recevoir de mes nouvelles
Je m’en servirai encore durant la traversée du sud-atlantique entre Dakar et Rio-de-Janeiro pour
porter des messages en arrière car on ne peut s’en servir que dans ce sens-là
La lettre-océan n’a pas été inventée pour faire de la poésie
Mais quand on voyage quand on commerce quand on est à bord quand on envoie de lettres-océan
On fait la poésie
CENDRARS dit une chose si évidente, qu'on pinaillerait encore par crainte que l'exaltation déboussole nos petits nids et secoue favorablement les esprits. Les métamorphoses désirables visant à nous extraire de nos plis ne sont pas sans danger, au final. Saurions nous les vivre entièrement ? Y faire entrer avec tout le vertige, un peu de paresse aussi, la plus grande liberté possible ? C'est pourtant la proposition de CENDRARS, qui un brin hâbleur, balayant les faiseurs de rimes, posera sa phrase sous nos yeux, c'est si bête...
Le seul fait d'exister est un véritable bonheur
Ma foi, oui. Mais ce bonheur ne vient pas par niaiserie, il n'exclût pas la violence. La poésie du Blaise est celle d'un conquérant, d'un gourmet, et gourmand ; de l'ogre tout en même temps. Maintenant que les continents ont tous été découverts puis explorés, il s'agira de tenter d'en pénétrer le plus grand nombre possible d'aspects. CENDRARS donjuanise l'espace, il traque, poursuit les lieux, hanté par toutes les capitales, par les ports, les routes, les sierras etc... Cela pour lui est comme de grandes conquêtes amoureuses qu'il envisage au rythme enjoué et nerveux de courses et de combats. Il n'accorde aucune concession à la grâce, peu d'attendrissement, ou léger, assez drôle. Pour être digne du monde qui n'a pas le temps de s'apesantir, CENDRARS est dur, il cale son pas sur la cadence des villes, des bruits, des trains etc... En 1924, il écrit, (il n'écrit pas, il le martelle) :
Nous ne voulons pas être tristes
C'est trop facile
C'est trop bête
C'est trop commode
Tout le monde est triste
Nous ne voulons pas être tristes
Bien sûr, CENDRARS n'a pas fait qu'endurer il a aussi laissé voir ses doutes, ses regrets, ses amours, que les conquêtes des espaces et toutes les aventures n'ont pas réussi à combler, alors il nous donne par un mouvement paradoxal les poèmes les plus drus les plus beaux et le plus poignant de son verbe, où la détresse humaine longtemps camouflée (parfois sous les bravades), paraît encore plus inéluctable jusqu'à l'aveu bouleversant comme dans ce final de "Pâques à New York", que j'ai plaisir à vous offrir, et j'offrirai dans ce même élan, (pourquoi pas ?), un supplément de Blaise à ce blog comme posant une cerise à l'eau de vie sur un petit Lu d'anniversaire (de trois ans d'âge et des poussières) tenu par le fil très fragile de nos correspondances et des lieux, tramant d'inutiles rêvasseries, des passages à la redonne, et puis toujours la ritournelle dans un coin minuscule de nos mondes réels et virtuels qui existent tous en même temps... Je dois à Blaise l'amour des mots, des rues, des villes et de la profusion. Je l'ai tellement cité certains jours, qu'il me tentait de rendre à CENDRARS ce qui n'appartient qu'à CENDRARS, et je le referai encore autant de fois qu'il me plaira. Il faut relire CENDRARS, mes amis, même foudroyé, Blaise is alive and well. Extrait choisi.
Seigneur, je rentre fatigué, seul et très morne …
Ma chambre est nue comme un tombeau …
Seigneur, je suis tout seul et j’ai la fièvre …
Mon lit est froid comme un cercueil …
Seigneur, je ferme les yeux et je claque des dents …
Je suis trop seul. J’ai froid. Je vous appelle …
Cent mille toupies tournoient devant mes yeux …
Non, cent mille femmes … Non, cent mille violoncelles …
Je pense, Seigneur, à mes heures malheureuses …
Je pense, Seigneur, à mes heures en allées …
Je ne pense plus à vous. Je ne pense plus à vous.
BLAISE CENDRARS, New York, avril 1912
Photo : En exclusivité, Blaise CENDRARS photographié par Frasby, eh oui ! et ce sera une autre preuve que CENDRARS est toujours en vie. Genèse d'une rencontre incroyable : Le hasard d'une balade à bicyclette aura fait apparaître sous mes yeux (éblouis !), môssieur Blaise CENDRARS en personne, photographié hier, le long des quais du Rhône à Lyon. Il regardait tristement les péniches amarrées, il m'a demandé : "Dis, Frasby, sommes nous loin de Montmartre ?". Je lui ai répondu "Oui, msieur Blaise ! bien trop loin, mais par la loi de la relativité, Montmartre est à côté et les roues de mon vélo sont des moulins à vent. Montez donc sur mon porte bagage, allez hop ! je vous emmène !". Ce qui fût dit fût fait et c'est avec plaisir que je fis ardemment grincer mon pédalier pour le poète. Le temps d'un aller retour, bringueballant, j'ai déposé Blaise à la terrasse du café Planchon; (très bon endroit, connu des "vrais" Montmartrois, et vivement recommandé par la maison, portant un autre doux nom à l'enseigne du "Rêve"; situé au 89 de la rue Caulaincourt (dans le XVIIIe à Paris), ultime endroit de la capitale où l'on trouve encore un bon gros téléphone à jetons (qui fonctionne !). Et me voici à nouveau sur la même berge, à Lyon, balayant du regard les péniches amarrées, à me demander si je n'ai pas rêvé. Pourtant non, la gouaille du Blaise (c'est pas pour me vanter mais nous avons bien rigolé), me manque déjà, autant que sa présence (un peu brute décoffrée mais au fond, tellement tendre)... Je me consolerai, en songeant à tous ceux qui n'ont pas eu la chance de rencontrer CENDRARS. Certains jours je me demande ce que j'ai fait au bon Dieu pour qu'il exauce avec autant de simplicité mes plus chers voeux. (Cela dit il y a baleine sous gravillon, elle se cache dans l'image, celui qui saura la trouver se verra remettre "la médaille de la sagacité" de certains jours avec un petit compliment de la crémière).
Photo : Frb © 2011.
00:45 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, Arts visuels, Balades, Correspondances, De visu, Le monde en marche, Le vieux Monde, Mémoire collective | Lien permanent
samedi, 02 avril 2011
Buller...
Définition : a) - Buller : v. transitif 1er groupe (conjugaison) /by.le/ Sceller d'une bulle. b) - buller intransitif 1er groupe (conjugaison) /by.le/ Présenter des bulles, des cloques : "Si on ne fait pas attention, le papier peint peut buller." c) - (Familier) Ne rien faire. "J'ai passé mes vacances à buller sur la plage". Synonymes : couniller (Familier), glander (Vulgaire), paresser... (Source Wiki)
Tu reviens d'un temps lumineux qui ne t'a rien enseigné. Tu as pris le funiculaire pour une colline. Tu as vu le fumier dans une télé s'échapper d'une centrale nucléaire. Tu as suivi la guerre.
Tu marchais dans une rue parallèle à la pente.
Tu as croisé un vieux qui ne pouvait plus marcher, tu as eu peur de lui ressembler. Tu as rêvé de neige. Tu as reconnu Courchevel sur une carte postale de Georges. Un long sol verglacé, un traineau et des traces de doigts suivant une fine traînée d'encre. Plus loin tu as été un peu déçu de lire, juste trois phrases : "on s'amuse bien, on a beau temps. Gros mimis à toi et Chantal. Signé "Georges". Tu as pensé à Georges comme il était avant, quand vous alliez tous deux à bicyclette dans la plaine africaine voir le dîner des éléphants. Tu t'es assis sur une chaise devant un bureau monté en kit, imitation chêne blond. Tu as posé un cahier de brouillon, devant toi. Tu as ouvert une nouvelle page. Tu as entendu la porte grincer. C'était Chantal de retour du Proxymarché qui venait voir si tu étais rentré. Elle a balayé la pièce du regard, puis elle t'a dit "Tu es rentré ?" Tu n'as pas répondu.
Tu voulais écrire un poème.
Un poème fleuve au sol doux des sommets, poser ta cheville sur un coussin, ta cheville foulée qui te fait boîter comme le président Nic, pas boîter. Tu claudiques, dans cette gaine noire au long cours de l'Emile Z. jusqu'à la petite maison de Cusset où la vieille fait pousser des pivoines. Tu as écrit "Pivoines", sur ton cahier. Ton poème s'appelerait "Pivoines" et tu as commencé : "D'un charme irrésistible ô pivoines arbustives ! ô pivoines herbassées !". Tu as cherché dans le dictionnaire comment s'écrivait le verbe herbasser. Tu n'as pas trouvé le dictionnaire tu es allé demander à Chantal où elle l'avait rangé. Tu as pensé que ça n'avait aucune importance, tu as pensé que Chantal était un peu pénible avec sa manie de tout ranger. Chantal t'a demandé "C'est pourquoi faire ?". Tu as répondu "c'est pour rien!". Tu as regardé par la fenêtre ta voisine tricoter. Tu as songé que ça faisait des années qu'elle tricotait devant la fenêtre des chaussons de laine pour des bébés. Tu appelé Bernard, ça sonnait occupé. Tu as rayé le mot "herbassées". Tu as songé aux pivoines de Cusset, plante magique tu as lu dans les internettes que la pivoine était entourée de rites insensés, tu as cliqué sur "citations" tu es tombé sur Théophraste qui menait à "pivoine: "Cette plante, que l'on appelle aussi glukusidê, doit être arrachée la nuit; si on l'arrache de jour, et que l'on est vu par un pivert en train de cueillir le fruit, on risque de perdre les yeux, et si on coupe la racine, on risque la procidence de l'anus".
Tu cueillais le fruit. Sur une branche un pivert t'observait.
Tu as eu mal aux yeux. Tu es allé chercher un verre dans la cuisine, n'importe lequel, un "Babar à la gare" de la série "Babar" des verres à moutarde Amora. Tu as rempli le verre d'eau tu as jeté un cachet de très haut, comme si tu t'y plongeais toi même ça a fait "spchlocksss !" et le bruit t'aura amusé; Tu as écouté les bulles te parler. Tu t'es enfermé dans la tienne.
Herbert Henck : "A l'ombre, près des fontaines de marbre"
Photo : Les génies de l'industrie, de l'agriculture, qu'en sais je ? Ont décidé de ne rien faire (comme si des statues décidaient, mais enfin, avec un peu d'imagination...). Génies de la paresse de certains jours, photographiés place Morand (ou Lyautey) à Lyon, par un printemps des plus d'(a)out. © Frb 2011
04:42 Publié dans Arts visuels, Balades, Certains jours ..., De la musique avant toute chose, De visu, Impromptus, Le vieux Monde, Mémoire collective | Lien permanent
dimanche, 27 mars 2011
Prélude aux secrets de la création
Je fais mon oeuvre comme je dois, comme je puis, voilà tout ce que je peux vous dire.
Claude DEBUSSY (mais ceci n'est pas une oeuvre de Claude Debussy)