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lundi, 27 juillet 2009

Ange au mûrier

Le soleil du matin doucement chauffe et dore
Les seigles et les blés tout humides encore,
Et l'azur a gardé sa fraîcheur de la nuit.
L'an sort sans autre but que de sortir : on suit,
Le long de la rivière aux vagues herbes jaunes,
Un chemin de gazon que bordent de vieux aunes.
L'air est vif. Par moment un oiseau vole avec
Quelque fruit de la haie ou quelque paille au bec,
Et son reflet dans l'eau survit à son passage.
C'est tout.

Paul VERLAINE : "La bonne chanson".

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VERLAINE vient de se fiancer avec Mathilde MAUTE, une très jeune fille. "La bonne chanson" évoque presque chronologiquement les évènements de sa vie depuis sa rencontre avec Mathilde, jusqu'au mariage. Les plus beaux poèmes du recueil sont sans doute ceux où il décrit les paysages qui ont accueilli cet amour. VERLAINE y chante sa joie pure, son enthousiasme d'amoureux. Il imagine le bonheur paisible du foyer. La vie tranquille.

La lune qui nimbait de mélancolie le décor des "Fêtes galantes" verse maintenant dans son coeur : "un vaste et tendre apaisement"...

Quelques années plus tard, l'arrière petite cousine de Melle Mathilde, se promène à cheval dans les chemins du Nabirosina, L'air est frais. C'est l'heure exquise, celle où chaque jour, le petit fils du marquis de Montrouan lui donne rendez vous, sous l'hêtre pourpre dans la forêt, juste derrière une haie, où bientôt poussera la mûre...

Photo : Un signe... Vu dans la lumière matinale du Nabirosina. Juillet 2009. © Frb

samedi, 25 juillet 2009

Un pays plus beau que jamais

Chaque jour je m’en vais ; cherchant toujours une autre voie
Et j’ai sondé depuis longtemps tous les chemins ;
Là-haut je hante la fraîcheur des cimes, et les ombrages,
Et les sources ; l’esprit erre de haut en bas
Cherchant la paix : tel le fauve blessé dans les forêts
Où l’abritait naguère l’ombre de midi ...

FRIEDRICH HÖLDERLIN. Extr. "Odes, Elégies, Hymnes", traduction Philippe JACCOTTET. Editions Gallimard, Collection poésies 1993.

forest bb.pngHÖLDERLIN s'est brulé les ailes en se plongeant tout entier dans la lumière, il n'en sortît pas aveugle mais égaré.

"Je suis certaine que pour Hölderlin, c'est comme si une puissance céleste l'avait inondé de ses flots; et c'est le verbe, dans la violence de sa précipitation sur lui, qui a comme submergé et noyé ses sens. Et quand les flots se sont retirés, ses sens étaient tout débilités et la puissance de son esprit subjuguée et anéantie" (Bettina BRENTANO).

HÖLDERLIN s'est effondré. Et la fin de sa vie dura quarante ans. Il signait SCARDANELLI car il était réellement devenu autre. Plus rien. Plus personne. Foudroyé par la transe des "Hymnes", le poète est mort fou mais ses chants nous reviennent intacts encore longtemps après. "Parler seul /avec Dieu", HÖLDERLIN n'était pas un chrétien ordinaire, mais "un grec sous le ciel allemand", sous un ciel indécis, nostalgique des terres anciennes et de ces Dieux de l'époque pré-chrétienne. Il est le poète de l'élévation rejeté en terre étrangère, Il est le nom de la douceur qui s'incarne dans le verbe, il est celui qui s'en alla chercher en la face cachée des mystères, ce rayonnement céleste qui fait tant défaut aux vivants. HÖLDERLIN chanta la nature et la célébra jusqu'à perdre son nom, sa raison, puis sa foi :

"Etre seul et sans Dieu, voilà la mort.".

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Cette solitude; il la connut autant qu'il cotoya la grâce. Chez son ami, le menuisier ZIMMER qui l'avait recueilli, HÖLDERLIN regardait maintenant le monde avec des yeux d'idiot, et aucun des Dieux célébrés ne vinrent le secourir, pourtant n'est-ce pas lui, qui écrivait jadis dans ce chant absolu, ce chef d'oeuvre visionnaire de la poésie,"Hyperion" :

Vous les génies bienheureux,
vous vous promenez là-haut dans la lumière
et sur des sols tendres !
les souffles étincelants des Dieux
vous effleurent doucement
comme les doigts d'artistes
des saintes harpes.

Mais HÖLDERLIN parlait aussi d'hommes en souffrance cherchant un endroit où se reposer, de paysages suspendus au bord du lac, et de "La nuit qui passe indifférente à nous"...

Ainsi pour tout régénérer, pour que le chant des éléments monte jusqu'au coeur des humains, il faut un sacrifié.

Les derniers poèmes de HÖLDERLIN dits de la folie (dont on ne sût réellement si elle fût pure folie ou retraite délibérée), sont presque tous voués à dire les saisons et leur forme s'avère d'une simplicité désarmante.

Avant de se retirer du monde, HÖLDERLIN fût aussi un penseur. La poésie ne s'ordonne pas à elle même ni au "beau", elle s'ordonne à tout autre chose, à du "tout autre" ce qui est - écrit P. CELAN - "une expression usuelle pour désigner l'inconnu", cela même qui invite la poésie de HÖLDERLIN à parler du divin et de l'histoire des Hommes.

Il y eût quelques poètes reconnus en tant que "penseurs" dont MALLARME en France, mais ce qui fait la différence entre MALLARME et HÖLDERLIN est que le premier pensait que le poète était un maître, tandis que pour HÖLDERLIN, le poète est un serviteur. Peut-être, HÖLDERLIN n'a-il pas eu cette révélation du néant qui a touché la poésie de MALLARME, mais on ne peut douter qu'il a anticipé de très loin, l'avenir de la poésie et que celle-ci nous portera très haut encore...

"Aussi longtemps que nous demeurerons"...

Photo : Les ombrages et les cimes, d'une forêt presque enchantée vus dans le Nabirosina en Juillet 2009. © Frb.

mardi, 21 juillet 2009

Nabirosina.

"Un point où le réel et l'imaginaire deviendraient indiscernables..."

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Au commencement était... le Nabirosina.

Sengs et Lufers parlaient le même langage. L'humus (1) délivrait patiemment, l'azote, le phosphore et tous les éléments. Puis vint un jour l'inévitable...

Ainsi naquirent, les brésars.

Nota: Le mot latin "humus" désignant "la terre", est cité par Curtius (1er siècle ap. J.C.) comme provenant d'un mot grec signifiant "à terre". (locatif d'un substantif hors d'usage). En réalité, le mot latin "humus", comme d'ailleurs le mot "homo" = "homme" », provient de la racine indo-européenne *ghyom- qui signifiait "terre" (cf. J. Picoche 1994, p. 287).

Photo: Esquisse du Nabirosina originel. Vu au plus près, en juillet 2009 (avant J.C.). © Frb

Education sentimentale

S'attacher...

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Et mourir ...`

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Photos : Certains zooms... Au plus près de l'écorce. La vie et rien d'autre. Vue en forêt, au domaine dit du "Clôt boterêt", pas très loin de la cabane du prince charmant, dans un coin très secret du Nabirosina. En plein coeur de l'été 2009. © Frb

dimanche, 21 juin 2009

L'univers etc...

Comme un dimanche ou presque.

"Et quand j'ignorerais la nature des atomes, j'oserais encore, après examen des phénomènes célestes et bien d'autres d'ailleurs, affirmer que la nature n'a pas été faite pour nous et qu'elle n'est pas l'oeuvre des dieux : tant l'ouvrage laisse à désirer !"

LUCRECE ."De la nature" Livre cinquième, 193-229, P. 162. (Traduction H.Clouard) . Editions Garnier frères 1964.

 

basilique.JPGLUCRECE, mourût l'année, sinon le jour, où VIRGILE revêtit la toge virile c'est à dire en 55 av.J.C. St JERÔME prétend qu'un philtre amoureux l'avait rendu fou et qu'il composa de "De Natura Rerum" dans les répits de son délire : sans doute n'y a t-il là qu'une légende propre à discréditer le poète impie. Toutefois il n'est pas interdit de penser que LUCRECE s'est suicidé. En théorie la métaphysique et la morale du "De Natura Rerum" reposent sur la science de DEMOCRITE et d'EPICURE et sur ce que LUCRECE avait pu glaner autour de lui de connaissances physiques. Mais on peut encore s'interroger à ce sujet, tellement toute l'oeuvre semble acharnée à délivrer les Hommes de la crainte des Dieux. L'athéisme de LUCRECE fût son principe de vie philosophique. Personne n'a parlé avec autant de liberté et d'audace de ces divinités qui n'étaient plus prises au sérieux par les lettrés, les gens instruits mais aux pieds desquelles la foule se prosternait encore. Et la doctrine épicurienne satisfaisait cet athée farouche. Il refusait à l'âme l'immortalité. Il faisait de l'univers un mécanisme. Mais LUCRECE n'est jamais si grand que lorsqu'il nous entraîne au delà de toutes limites, dans des régions mystérieuses,et contemple de loin, d'une part notre misèrable petit monde et d'autre part, les espaces infinis. Goûtez plutôt :

" Enfin, tout ce que jour par jour la nature ajoute lentement aux corps, pour les faire croître par degrés, l'effort de notre vue n'en peut rien atteindre. Nos yeux n'aperçoivent pas davantage ce que le temps enlève aux corps en les vieillissant"

Après quoi, la messe sera dite (ou presque). Mais vaut mieux pas.

Il est difficile de savoir si LUCRECE a été apprécié par ses contemporains. CICERON n'en fait pas d'éloge excessif, plus tard VIRGILE, après une allusion de sa jeunesse a gardé le silence sur le poète envers lequel il était un brin redevable. Un seul enthousiaste inconditionnel : OVIDE qui s'est écrié dit-on :

"Les vers du sublime Lucrèce périront le jour où l'univers sera détruit".

Il nous vient même l'envie discrète d'espèrer que le livre de LUCRECE perdure encore longtemps, et bien après la destruction de l'univers. Ce serait d'une belle ironie, mais cela est une autre histoire que je vous raconterai quand l'univers sera détruit.

En attendant, je ne peux que vous conseiller de lire et surtout à haute voix (ce n'est point ridicule) le "De Natura Rerum" car au delà de toute philosophie, au delà des notions de physique, il est un envoûtement rythmique du texte et des agencements que je ne puis décrire ici tant le chant du "De Natura..." berce mystérieusement. (Peut-être le charme des atomes ?)

Ainsi, sera, (en ce dimanche ou presque), pour cette année assurément, notre façon de célébrer, loin des cohues et des chaos, un genre de fête de la musique.

Photo: Un fragment de la Basilique romane de Paray le Monial, placée sous le vocable du Sacré-Coeur photographiée sous un ciel plus blanc que blanc, au début du printemps 2009. © Frb

mardi, 09 juin 2009

Eloge de la fuite 2

L'herbe des champs
Libère sous mes semelles
Son parfum.

SHIKI MASAOKA (1867-1902) / (Haïku).

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SHIKI MASAOKA  poète, critique et journaliste japonais, a débuté dans l'univers des haïkus en critiquant le maître BASHO MATSUO. Dans son essai écrit en 1893 "variétés sur BASHO" / (Basho Zatsudan), il reprochait aux haïkus de BASHO de manquer de pureté poétique, d'être encore trop explicatifs. Il se sentait plus proche d'un autre grand faiseur de haïkus : BUSON YOSA, encore méconnu à l'époque et dont il admirait la finesse technique, et l'aisance à transmettre des impressions nettes aux lecteurs. Goûtez plutôt l'épure :

Soir du printemps.
À l'encens à moitié éteint,
J'en ajoute encore.
(BUSON YOSA)

Après avoir découvert la philosophie occidentale, SHIKI MASAOKA, convaincu que les descriptions laconiques des faits et paysages étaient une voie d'efficacité poétique et picturale, insista sur l'importance du "Shasei" ou encore "description d'après nature". Il trouva un style simple pour décrire ce qu'il voyait. Son oeuvre renouvella le monde du haïku qui à son époque s'épuisait un peu, modernisant les formes traditionnelles du Waka et du haïku. SHIKI MASAOKA mourût très jeune, à l'âge de 35 ans.

A noter qu'il cotoya à Tokyo, l'admirable écrivain NATSUME SOSEKI qui rédigea aussi un ouvrage de haikus et des romans. Je vous conseille "le pauvre coeur des hommes" (1914) ou "les herbes du chemin"(1915), (entre autres)... Avant de reparler, ici, un jour (un certain  jour ?) plus particulièrement de NATSUME SOSEKI.

Pour ceux qui n'aiment pas le Japon ni les couleurs du printemps, un russe vous offre son haïku :

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/09/05/ru...

Pour ceux qui devant un ciel bleu (avec ou sans nuages) se sentent pris de vertige, C.J. vous fournit la question :

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/05/16/qu...

Photo : La perle du monde. Ciel et nuages au dessus d'un champ de bleuets vus dans un accueillant paysage que nous appelerons : "Là bas" ou "là haut" ? Juin 2009. © Frb

World

"Ne désespérez jamais, faites infuser davantage"

HENRI MICHAUX

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N'espérez pas. Faites infuser...

Ici le ciel, le soleil et peut être l'écume de quelque océan incrée, (pour peu que l'on s'en persuade) ...

Là bas toujours. Ailleurs, où, renversé dans les nuages, patiemment infusé, le promeneur se fait cueillir.

Accueillir par le paysage.

Photo : La perle du Monde, sur le chemin de terre entre le Mont St Cyr et le domaine du marquis de Montrouan, visitée en Juin 2009. © Frb

Bonus : à voir, autres perles du Monde, issues des vergers du château de Montrouan :

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/04/04/en...

Comment faire infuser les nuages dans un étang, (mode d'emploi) :

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/10/29/30...

jeudi, 30 avril 2009

Après après-demain, dans cent ans et plus...

"Je suis amoureux de la peinture depuis que j'ai pris conscience de son existence, à l'âge de six ans. J'ai fait quelques tableaux que je croyais très bons quand j'ai eu cinquante ans, mais rien de ce que j'ai fait avant l'âge de soixante-dix ans n'avait aucune valeur. A soixante-treize ans j'ai fini par saisir tous les aspects de la nature : oiseaux, poissons, animaux, arbres, herbe, tout. Quand j'aurai quatre-vingts ans j'irai encore plus loin et je posséderai vraiment les secrets de l'art à quatre-vingt dix. Quand j'atteindrai cent ans mon art sera vraiment sublime, et mon but ultime sera atteint aux environs de cent dix ans, lorsque chaque trait et chaque point que je tracerai seront imprégnés de vie."

HOKUSAÏ  (1760-1849) "Le vieillard fou de son Art" (Postface aux "Cent vues du Mont Fuji)

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En septembre 2008, je vous avais promis une suite au billet célèbrant brièvement HOKUSAÏ : "le Poète fou de peinture" (Voir ICI) ou "Vieillard fou de son art" ou encore "Vieux, fou de dessin". Vous verrez, plus loin, que les traductions de ce texte très connu ne manquent pas... Dans un premier temps, j'avais plutôt le projet de tenir ma promesse autour du printemps 2098 (procrastiniotat oblige) avec, peut être une suite, plus affinée au cours de l'année 3008, mais vues les circonstances inquiétantes (ce soir, de niveau 5), je me dépêche (vite ! vite ! vite!) de vous livrer ce petit brouillon du 30 Avril 2009, tout autant qu'un extrait de promesse, (c'est ce que vous voyez sur la photo l'arbre à promesses en train de naître), sachant que tout cela ne demande qu'à traverser deux ou trois siècles pour toucher ne serait-ce qu'une infime seconde de félicité.

HOKUSAÏ KATSUSHIKA ou HOKUSAÏ, (comme chacun sait), fût probablement le meilleur peintre et dessinateur japonais de sa génération, celui dont la renommée traversa les continents. L'artiste croqua la vie, l'éternité, l'espace, les choses, les relations des hommes à la nature et plus encore... Il fût aussi graveur, auteur de récits populaires japonais et peintre spécialiste de l'Ukiyo-e qui est un terme japonais désignant le monde flottant. Un terme appliqué durant l'époque d'EDO (1605, 1868), qui désignait l'estampe et la peinture populaire narrative. Ce genre, d'abord considéré comme vulgaire par sa représentation de scènes quotidiennes (voir ICI) connût un grand succès en occident après l'ouverture forcée du Japon sur le monde extérieur en 1868. Paradoxalement HOKUSAÏ, qui était pourtant un artiste du peuple, mourût presque ignoré, sinon méprisé de la classe aristocratique. En Europe il fascina de nombreux artistes, dont GAUGUIN, VAN GOGH et CLAUDE MONET. Ce  qui engendra un courant artistique appelé "LE JAPONISME". Le peintre HOKUSAÏ signa parfois ses oeuvres (à partir de 1800) par la formule "Gakyôjin" = "le fou de dessin"...

Et pour comparer un peu les manières de traduire cette "postface aux cent vues du Mont Fuji", ou sublime projet de vie artistique bien remplie ; je vous propose une autre mouture du même texte, bouclant la boucle d'une promesse dont je me demande si elle ne trouverait pas matière à se prolonger d'ici quinze à trente ans voire peut être plus tôt... (Quinze à trente jours ??? Je n'ose telle imprudence ...) Enfin vous verrez bien. D'abord bouclons la boucle. La première version ci-dessus est elle même citée par HENRY MILLER au tout début du livre "Big Sur et les oranges de Jérome BOSCH" succédant à deux autres citations l'une de THOREAU, l'autre de PICASSO. Celle qui suit, je ne saurai plus vous dire dans quel livre je l'ai trouvée, mais elle me paraît moins limpide, plus emberlificotée. A vous de voir... Les mêmes propos dans un tout autre style. donc d'un tout autre effet. Est ce qu'une même matière de réflexion autrement dite, produit une autre réflexion ? (that is the big question) :

"Depuis l’âge de six ans, j’avais la manie de dessiner les formes des objets. Vers l’âge de cinquante, j’ai publié une infinité de dessins ; mais je suis mécontent de tout ce que j’ai produit avant l’âge de soixante-dix ans. C’est à l’âge de soixante-treize ans que j’ai compris à peu près la forme et la nature vraie des oiseaux, des poissons, des plantes, etc. Par conséquent, à l’âge de quatre-vingts ans, j’aurai fait beaucoup de progrès, j’arriverai au fond des choses ; à cent, je serai décidément parvenu à un état supérieur, indéfinissable, et à l’âge de cent dix, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant." (Ecrit, à l’âge de soixante-quinze ans, par moi, autrefois Hokusai, aujourd’hui Gakyo Rojin, le vieillard fou de dessin".)

Photo : L'arbre à promesses en ce jardin ... Attendez un peu qu'il fleurisse. Vous allez voir ce que vous allez voir ! Avril 2009. © Frb.

Après demain, un autre jour...

"Une vie immense, très lente, mais terrible par sa force révélée, émeut le corps formidable de la terre, circule de mamelons en vallées, ploie la plaine, courbe les fleuves, hausse la lourde chair herbeuse.
Tout à l'heure, pour se venger, elle va me soulever en plein ciel jusqu'où les alouettes perdent le souffle."

JEAN GIONO. Extr. "Colline". Ed. Grasset, coll. "Les cahiers rouges".

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Si demain fût annulé, il n'en n'est pas de même pour hier et après-demain... Comprend qui veut ! si acrobatiquement on peut encore tracer un sillon quelquepart entre ces deux points (temporels) qui ne seraient ni aujourd'hui, ni demain, je veux dire qu'on pourrait peut-être se trouver (toujours quelquepart) entre hier et après demain, n'est ce pas ?... C'est pour cela que l'endroit (temporel !) s'apellerait "certains jours" au pluriel, ce qui permettrait quelques petits arrangements situés (encore quelquepart) entre les présents, les absents, ou bien entre deux trains, entre le graff et le crottin, l'architecture de Jean NOUVEL et l'épicéa centenaire dont cinq bras d'hommes ne parviennent toujours pas à faire le tour (hélas, de ce bois là, je n'ai pu vous ramener d'image, car le bel arbre classé, mais très peu visité est planté au coeur d'une forêt effrayante et profonde, la lumière ne l'effleure pas sinon en ses sommets, (mais je n'ai pas encore le courage, ni la souplesse de risquer ma vie pour ce blog). Cela dit, je crois bien que l'Ami Alceste, y conçoit ses quartiers d'hiver... Un sillon, un passage, une faille spatio-temporelle d'où je reviens sans savoir encore à cette heure si je suis vraiment arrivée. Mais si demain est annulé, j'ai ramené pour après demain quelques fragments d'hier : la naissance du printemps en bas de la colline, ça a l'air mais ce n'est pourtant pas, la légende de cette photo, ce sera celle des photos à venir, (un texte explicatif qui commente une photo que vous ne pouvez pas voir, (pour mémoire : une légende, au sens propre est un petit récit mêlant le réel au merveilleux, celle qui, (si ça se trouve), est dans l'oeil du lecteur qui fait sa petite histoire en regardant des images. Mais il ne s'agit pas du tout de celle là, (l'anglais dit "Legend"). Il s'agit plutôt d'une légende ordinaire au second sens tout propre aussi du terme c'est à dire : un petit texte commentant une iconographie (l'anglais dirait "caption"). Tout le monde avait compris je crois ;-) Un domaine qui m'est cher, appelerait cela "L'expérience du désordre" = se retrouver ici sans être tout à fait revenue de là bas. Le retour paraît bordélique. Coller une légende aux photos qui n'existent pas, (Pas encore...). Nommer "Certains Jours", les jours les plus incertains qui soient. Expliquer aux lecteurs des choses qu'ils savent déjà et promettre des choses toujours...  Promettre, on sait, mais des choses qu'on ne sait pas. Et GIONO dans tout ça ? Et bien "Colline" n'a pas grande  similitude avec cette photo. (ah si ? le petit bout de colline dira l'observateur sagace, c'est ma foi vrai !) non, mais sans rire, il faut se méfier des apparences ;-) la "Colline" de GIONO c'est beaucoup plus "sanglant" que ça; d'abord dans sa "Colline" il y a le drame de l'eau : parce qu'une source tarit, un hameau est menacé de mort... Alors que mon hameau, (cf. notre photo) il n'est pas menacé de mort. Enfin, pas en apparence. Car si l'eau de notre puits (qui nous vient des sources ancestrales du plus haut d'une autre montagne), semble limpide et transparente comme le plus pur des ruisseaux du premier jour du monde (cf. notre photo, hors champ), malheur à l'imprudent qui s'amuserait à boire cette eau ! Nous avions reçu un relevé d'analyse il y a cinq ou six ans... Nous avions lu, horrifiés ; c'était marqué en gros en rouge et souligné trois fois :"impropre à la consommation", une source inépuisable, qui traversant les siècles, ne fût JAMAIS impropre, (il est vrai qu'en ces temps reculés le mot "consommation n'existait pas), enfin, pour dire... Personne jusqu'à ces dernières années n'en fût empoisonné... Je vous épargne la liste des produits, plutôt chimiques, détectés dans cette eau (une histoire cochonne de pénétration et de nappe phréatique)... Tous les gens du hameau (7 ou 8 ) durent très vite, entamer les travaux pour raccorder tous leurs tuyaux à la javel municipale, personne n'osa trop protester, puisqu'en sulfatant leurs champs d'engrais et autres pesticides, les paysans s'étaient eux mêmes (disons à l'insu de leur plein gré) privés de leur belle eau de source (pourtant gratuite!). Quant aux ruisseaux magnifiques qui traversent forêts et prairies, ils sont devenus décoratifs, ils ont l'air purs, on tente bien de s'agenouiller au plus près de cette eau, mais on ne porte pas aux lèvres, même si ce n'est pas marqué sur le ruisseau, c'est comme une intuition qui court partout. c'est comme manger des fleurs, maintenant, ça nous ferait peur...

Fin de la digression concernant le drame de l'eau (et des fleurs). GIONO donc, et "Colline" (pour ne pas oser l'injonction: "lisez ce livre !" enfin faites comme vous voulez mais lisez ce livre!). Il raconte qu'il y a une épreuve dans le hameau, un incendie qui éclate et recrée la solidarité entre les hommes... Bien sûr, dit comme ça, voyez, personne n'aura envie de le lire ce livre... Voilà comment on bousille les auteurs en voulant résumer leurs livres... Parce que ce n'est pas ça l'important. L'important c'est que GIONO il était parti pour faire un roman et qu'au final il s'est retrouvé avec un grand poème qui grouille et qui fourmille avec une terre et puis des hommes dedans GONDRAN, JAUME , MAURRAS, et leurs femmes, GAGOU (un simple d'esprit)... GONDRAN qui tue un lézard et se met à penser que la nature est toute puissante, il en parle à JAUME et ça prend des proportions inouies et puis un matin JAUME voit un chat noir (chaque fois qu'il a vu un chat noir, c'était deux jours avant un grand malheur). L'endroit s'appelle "les bastides blanches"... Des signes annoncent le malheur. Et le malheur si redouté arrive. Tout à coup la fontaine du village cesse de couler et le chat reviendra encore porteur de mauvaises nouvelles... Et j'en oublie presque le plus beau, le doyen JANET qui dans sa fièvre "déparle" et tient d'étranges et méchants propos comme si les bêtes, les plantes, les rochers la colline parlaient à travers lui. Ce qu'il dit finit par faire peur. Le hameau se trouve éprouvé. La nature semble résister aux hommes. tandis que la mort rôde. JANET poursuit son chant de malédiction... Mais chut ! je n'en dit pas plus. Pour ne pas réduire et casser par des mots; toute la verve hallucinée, le sang et le feu, cette terre comme un être insatiable exigeant des hommes son dû. "Colline" on pourrait en parler des heures, le style y est incomparable, on retrouve aussi ce vertige, cette sensualité toute brute, l'humain à fleur de peau, dans les deux autres volets de la "Trilogie de PAN" (dont "Colline" est le premier, avant "Un de Beaumugnes, et "Regain", tous deux sublimes). Peut être "Colline" s'écoute t-il ? Peut-être, ne pourra t-on jamais tout à fait exprimer le rendu d'un chant par des mots ? Voilà tout l'indicible du récit de Giono: sa musicalité...

Quant à notre colline à nous, elle est sans cigales et plus douce que les "bastides blanches" du vieux Jean. Je vous promenerai en images, puisque je suis encore temporellement là bas entre hier et après demain, par les arbres et par les chemins où le silence est comme un rêve. Et puisqu'il n'y a plus de demain, nous pouvons d'ores et déjà nous installer aujourd'hui dans le mois de Mai qui nous plaît. Enfin libres ! au revoir Avril ! rangé, le fil jusqu'à Septembre...

Nota: Je remercie tous les lecteurs z'et lectrices, commentateurs z'et trices qui ont eu la délicatesse de continuer à visiter ce blog malgré l'absence de nouveaux billets. Merci encore vraiment... Je trouve ça bien chouette.

Photo : L' Alcestienne révérence à la colline de pins, qui doucement borde une montée, jusqu'au village de Montmelard (le bien nommé). Vue de loin, au milieu des champs, du hameau dit de "Vicelaire", un certain jour je chercherai pourquoi on appelle ce hameau "Vicelaire" et viendrai vous dire toute la vérité sur ce très vilain nom de hameau. (Promettre toujours promettre !). Avril 2009.© Frb

mardi, 14 avril 2009

Le canard dans tous ses états ...

"C'est des façons de s'embarquer
qui vous font toujours remarquer"

PAUL-JEAN TOULET (Sur quelques tableaux)

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Rien à voir avec les canards, direz-vous, de ces rimes de Paul-Jean TOULET à propos de "L'enlèvement d'Hélène" par Pierre PUGET. Rien à voir avec les canards que "l'enlèvement d'Hélène" de Pierre PUGET sinon cet excès de rêverie qui nous glisserait au pire dans toutes sortes de candeurs, lieux de la procrastination, idéal du rêveur, où toute les pentes du monde (ce que nous lisons, là dans les journaux, ce que nous croyons voir ici dans une télé, se fondraient dans une même écoute toute flottante et toute autre, qui nous ramènerait toujours à ces flots où nous pourrions tout à la fois aimer et maudire ce canard, avoir envie de le plumer, lui qui retarde, par je ne sais quel outrecuidant pouvoir, le cours de nos activités.

Aujourd'hui: un canard. Quand croisant au hasard, un ami qui demanderait mais qu'as tu fait de ta journée ? Nous pourrions répondre bêtement mais le plus sincèrement du monde : "- Ben euh, je suis allée au parc et j'ai vu un canard !" et l'ami très compatissant, avec ce ton plein de pitié, qu'il pourrait prendre lui même pour de la gentillesse nous dirait doucement, en regardant sa montre vite fait:" - Ah bon ? tu as vu un canard ? c'est bien ça ! et où l'as tu vu ? ce canard ?" Alors, le plus simplement du monde, nous serions contents d'annoncer à cet l'ami si bienveillant "- j'ai vu le canard au "parc de la Tordette", c'est une abréviation du parc de la tête d'or en charmillon" "- Bien, bien... dirait l'ami, le charmillon tu m'expliqueras un autre jour, j'suis désolé mais faut que je te laisse...j'ai un rv là, avec un gros client , tu comprends". Nous serions très compréhensifs mais là tout seuls au milieu d'un trottoir, nous nous ferions bousculer par la foule à la sortie d'une bouche de métro tandis que l'immuable image du canard naviguant sur les flots reviendrait en surimpression et nous glisserait comme dans un écrin plein de ouate, nous protégerait avec bonté de l'affreux tourbillon. Il y aurait encore cette phrase de la princesse SHIKISHI ( illustre fille comme chacun sait de l'empereur GO SHIRAKAWA): "Les canards sauvages sont sur la rive de la baie ..." Comme un mot posté sur une porte. Certains affichent bien sur leur porte, l'éternel: "je reviens dans cinq minutes". Pourquoi ne pas mettre à la place "Les canards sauvages sont sur la rive de la baie" ? Voilà donc l'ultime vérité, la chose à dire quand rencontrant cet autre ami, agrégé de philosophie qui sortirait d'une librairie avec un DEBORD sous le bras nous demanderait : "- Qu'as tu fait de ta vie ?", nous n'aurions pas d'hésitation à lui répondre "- J'ai vu un canard sur les flots et j'ai compris et je peux te dire mon vieux, que les canards sauvages sont sur la rive ..." mais L'agrégé nous couperait " - Excuse moi de t'interrompre, mais t'es sûre que tu vas bien là ? (toujours avec cette même pitié gentille): "Si t'as besoin d'un psy, je suis là. J'en connais un très bien". Alors nous penserions très fort au verbe "Canarder"= faire feu ou lancer des projectiles à partir d'un lieu où l'on est protégé"... Tandis que l'agrégé nous tendrait sa bonne grâce en souriant. Le canardage serait muet. Synonyme de "canarder" = bombarder. Je canarde, tu canardes, nous canardons... Plus fascinant encore son imparfait du subjonctif : " fallait-il que je canardasse, que vous canardassiez ?" Et l'ami s'inquiéterait toujours en souriant "Tu dis rien ! ça va pas ? Tu veux que je te raccompagne chez toi ?  Profite z'en ! je suis venu en 4X4." Nous penserions un instant, à cet impératif urgent : "Canardons" : "canardons Camarade ! le vieux monde est derrière nous".

Nous rentrerions chez nous, seuls et tristes comme toujours, et à pieds, rédiger un billet pour notre blog, (ah ! notre blog !). Nous parlerions d'abord à nos lecteurs du "Canard" façon wiki : "Les canards sont des oiseaux aquatiques, au bec caractéristique, domestiqués ou non", imaginez  tout ça dans le ciel : "les sarcelles, les tadornes, les brassemers" à en découronner  NOVARINA . Nous noterions que le canard le plus connu c'est le canard Colvert, très chic non ? Le canard Colvert du nom savant "Anas platyrhynchos" plus vulgairement : "canard de surface" (on penserait tout de suite, au canard qui serait "technicien de surface", ou au canard superficiel. Mais que nenni !), on décrirait les moeurs étranges du canard mandarin dit canard forestier, du canard carolin dit branchu, (oui! un canard comme un arbre, avec des branches à la place des ailes, des branches cachées en fait), on évoquerait bien joliment le canard forestier, un canard, oui, mais d'Amérique du Nord. On raconterait que "le canard colvert et le canard de barbarie sont souvent hybridés pour produire "le canard Mulard". Et, on s'extasierait le reste de la nuit sur "le canard-à- bosse bronzé" avec des termes vrais, des termes qui font rêver : ( et il y a de quoi s'extasier : une petite bosse sur le nez, mais pas plus bronzé que moi, et quand même bien d'un pur genre beau-bizarre). On apprendrait que les canards caquettent, cancanent ou nasillent... On donnerait à ouïr un extrait qui nous rappelerait que certaines gens ont parfois des voix de canard et cela n'est pas très glaroum.

podcast

Enfin quoi...C'est assez extraordinaire une journée avec un canard. Je reçois un courrier à l'instant, un charmillonneur en balade me dit qu'il est Brest en train de photographier des cygnes... Son état vire à l'extatique quand il me parle du lac aux cygnes de Brest (lui parler de mon "canard colvert" je n'ose, he quoi ! c'est un peu misérabiliste). Je relie tout cela l'histoire vermeilleuse du "vilain petit canard" peut-être que je vis dans le passé ? et que Brest c'est l'avenir ? L'avenir c'est quoi ? C'est de ça qu'on parle sur France-Trois. J'ai mis en fond une télé, par acquis de conscience, depuis les horaires d'été renouées avec le Parc de la tête d'or, je ne sais plus ce qui se passe dans le monde. C'en est honteux ! Il faut dire qu'en 2001, trop occupée à regarder mon chien, s'amuser avec sa cloclotte, j'ai oublié la fin du monde. Maintenant je fais attention. Donc je mets la télé. Une fille aux yeux très bleus dit que la loi Hadopi c'est pas ça, il faut lire le "Canard enchaîné"; (Nous y revoilà !) Un monsieur (un expêêêrt) vient expliquer tout ça . Et tout ça sans rapport avec Pierre Puget, ni avec l'enlèvement d'Hélène, aucun rapport avec Paul-Jean TOULET, ni avec la princesse SHIKISHI, (sinon "le canard japonais" : Pure merveille née coiffée!) dont elle rafolait. (Ca, c'est moi qui rajoute). Et JEAN ROCH DE LIMA ferme la porte de la cuisine, il me regarde bizarrement. Puis repart en chantant,  il est très fière de son brillant poème : "Le sonnet du canard, thermostat 8":

"Parfois j’entends ta voix par le trou des serrures fermées.
Je fais des ronds dans l’eau comme un canard japonais.
Il y a trop longtemps que j’ai avalé les clés.

Est-ce que tu veux me voir courir ? Hein ?" LA SUITE ICI

Je lis son poème en entier... Tandis qu'arrivent en file indienne les premiers invités. Quinze gros bougres affalés sur le click clack devant un paquet de tucs, humant le fumet du "laqué". J'entends vagrement l'expression "on va se régaler!". Je n'ai jamais trop eu de sympathie pour ces gens qui se frottent les mains avant de manger. Pas plus que je n'en ai ce soir, pour la nature humaine. Vilaine morfale...

Photo: Canard Colvert sur les flots impavides (oui, j'aime cet adjectif !) du parc de la Tête d'Or à Lyon... Filant des jours tranquilles au lac de LAMARTINE (Je vous épargne le poème). Lyon. Avril 2009. © Frb.

Ici bas...

"En pleine mer
Vers les quatre-vingts îles
A la rame je vogue.
Dites le au pays,
Bateaux de pêcheurs !"


ONO NO TAKAMURA (802-852) in "Anthologie de la poésie japonaise classique". Ed. Poésie/ Gallimard. Unesco 1971.

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Un peu plus intimiste que le lac de LAMARTINE, beaucoup plus chatoyant que l'étang de Montrouan, voici un coin gentil où j'ai choisi de vivre. Sur ma barque, au printemps...

 

Gabriel Fauré "Ici bas" op 8 N° 3

podcast

 

Photo : Parc de la tête d'Or. Entre la grande allée pas si loin de la roseraie, et le lac romantique (celui de Lamartine) juste un petit chemin sous les ombrages, avec vue sur le pacifique. Lyon. Avril 2009. © Frb

vendredi, 10 avril 2009

Roses meringues

mt fleurs gr cote.JPGVoilà ce que nous avons commandé au Grand Pâtissier de Cocagne. Une pastelle friandise qui se mangera des yeux bientôt. (Des yeux seulement !)... Le colis sera livré au mois de Mai, et les friandises installées dans le plus grand secret à une date précise qui se révèlera bien d'elle-même. Cela commence même un peu à se savoir. Et certains vont déjà, discrètement, goûter et caresser leur pente.

Autres roses, autres meringues (pour les gourmets) voir ci dessous:

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/12/18/mo...

Vraies roses pas roses mais dorées à l'or fin (pour la douce folie printanière (celles-ci prévues courant Mai/Juin à la petite Roseraie du Parc) à voir encore ci-dessous:

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/05/27/ce...

Et puisqu'il n'y a jamais de choses tout à fait roses, la chanson est ici : Des fleurs avec du gris  ↓

http://www.deezer.com/track/2642575

Photo: Aperçu, (en avant première) des vergers de la Grande Côte. Roses meringues, croisées loukoums. C'était en mai l'année dernière et ce sera en mai, cette année. La même livraison tout sucre, aux mêmes teintes de roses. Bonbons volages; douce folie du gourmand printanier. Vues aux jardins. Montée de la grande Côte, sur les pentes de la Croix-Rousse. Lyon. Mai 2008. © Frb

22:23 | Lien permanent

vendredi, 03 avril 2009

Tandis que nous fleurtons...

"...Non plus ton parfum, violier
Sous la main qui t’arrose,
Ne valent la brûlante rose
Que midi fait plier..."

PAUL-JEAN TOULET "Contrerimes"

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Le Désenchantement maître mot de P.J.TOULET parle son langage propre et commande le choix des mots des "Contrerimes", il y a du RONSARD chez TOULET, souvenez vous  du poème : "Mignonne, allons voir si la rose..." dédié à Cassandre :

" Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté."

Ainsi, comme chez RONSARD, toutes choses aimées sont niées au profit d'une seule mais la plus éphémère. telle la "Brûlante rose que midi fait plier" dans le poème de TOULET, et qui n'est autre ici, qu'une fleur de pommier à l'existence encore plus brève... Rien ne subsiste solidement des sentiments, des objets, des amours... Toutes ces choses qui intéressent le coeur ou la curiosité de l'Homme un temps...Et P.J. TOULET Rapproche les images, les magnifie, tirant de la contemplation de la nature ses plus belles comparaisons, harmonisant les gestes d'une créature aimée avec le décor et tissant des liens émouvants entre l'humain, le végétal, le féminin, les paysages... Le tout, perçu, ressenti simultanément sur le seul plan de l'imagination. Une comparaison seule mène tout à l'unité. Le poète coordonne les choses après avoir redonné à chacune son exacte valeur. Exemple : Il n'y a plus au jardin, une fleur épanouie, sur le plancher, un gant tombé là ; il n'existe plus que ce gant qui fait penser à "un pétale de fleur". Les choses sont pourtant bien reçues une à une, mais c'est le charme P.J. TOULET de nous les restituer toutes ensemble.

On sait depuis HERACLITE que notre vie s'écoule comme un fleuve, HORACE délicatement, BOSSUET plus pompeusement ont fait des eaux courantes le symbole de nos destinées ; ce thème est aussi récurrent dans "Les Contrerimes".

"Le temps passe et m'emporte à l'abyme inconnu,
Comme un grand fleuve noir, où s'engourdit la nage"
(Coples, LIII)

Mais P. J. TOULET en tire maintes variations faisant pleurer les arbres, les fontaines, les fleurs ... Faisant chanter les adieux à toutes les espèces de liquides pour évoquer (nous rappeler peut-être ?) cette fuite éperdue de tout ...

Il arrive aussi que les images, au lieu d'invoquer l'invincible glissement du temps, résistent au contraire à cette fatalité, pour fixer en un sublime éclair, l'émotion de l'instant. En cet art, TOULET est aussi virtuose pour laisser goûter aux mortels, une minute de félicité qui ne saurait pas s'entendre autrement que dans une parfaite étreinte avec la nature. Contrerimes baroques, pourrait-on dire, déjouant la stabilité dans ce constat un peu amer qu'il n'est rien de très saisissable sous le soleil. En dépit de la forme solidement resserrée et fermée sur elle-même, les images fulgurantes de la poésie de Toulet en font des pièces ouvertes :

"On descendrait, si vous l'osiez
d'en haut de la terrasse,
Jusques au seuil, où s'embarrasse
Le pas dans les rosiers"
(Contr. ; LI)

Un instant ici est fixé. Mais le bruit peut continuer. "Le pas dans les rosiers". Et les silences seront portés au compte de la poésie...

Source (notes de lecture) : "PAUL-JEAN TOULET qui êtes vous ?" par P.O WALZER. Editions "La manufacture. 1987.

Photo : Fleurs au verger du Marquis de Montrouan aux premiers jours du printemps. vues dans le brionnais près du chateau de Montrouan (le bien nommé). Avril 2009. © Frb.

mardi, 24 mars 2009

Poème du bréchet de l'oiseau...

"Une fois j'étais fatigué d'être jeune.
Alors je voulus me changer en vieillard.
Mais j'étais mourant !
Les enfants se rassemblèrent autour de moi
en disant :
"Ne meurs pas.
Sortons, ayons encore un jour.
Regarde ! La lune nous pardonne
Avec un nouveau soleil"
Mais j'étais en sueur et je dis :
"Il est temps.
Ce tronc s'est creusé de lui-même
et m'attend.
Ma vieille âme a déjà enfilé ses chaussures."
Alors je rampai jusque dans le tronc
tandis que la lune commençait juste
à me pardonner."

Extr : "Poèmes de l'os magique" in "Partition rouge". Poèmes et chants des indiens d'Amérique du Nord. Florence DELAY § Jacques ROUBAUD. Ed.du Seuil 1988

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Jacob NIBENEGENESABE; vécut 94 ans au nord est du lac Winnipeg au Canada, il fût un grand conteur qui racontait les histoires sacrées de WICHIKAPACHE, le Coyote cree, L'écornifleur, mais il inventa aussi à l'interieur de la tradition un nouveau cycle de "joueurs de tours" : "Les poèmes de l'os magique" que recueillit HOWARD A. NORMAN. L'os magique dont il s'agit ici n'est autre que le bréchet de l'oiseau (Le bréchet de l'oiseau pour les novices est aussi appelée "crête sternale" ou "quille du sternum" et c'est chez les oiseaux l'organe préeminent sur lequel s'insèrent les puissants muscles pectoraux et supracoracoïdiens, nécessaires au vol ; il est donc présent chez tous les oiseaux (sauf - comme chacun sait ;-) chez les Kalapos - un psittacidae - ou chez les struthioniformes, c'est à dire les espèces incapables de voler... Ou encore, le bréchet, (une pensée en passant pour notre ami de Vaste blogue*) : désigne cette fourche délicate* du sternum qu'enfants, on cherchait dans le poulet : Une fois le blanc de poulet mangé, à deux on le tenait chacun par un bout en tirant, quand l'un cassait, l'autre avait gagné et formulait un voeu. Le voeu inlassable du poète cree est l'instrument de métamorphose qui permet de devenir un "joueur de tours" capable de se trouver lui même dans toutes sortes de situations et de faire exister les choses en les désirant...

Source : "Partition rouge" (Notes : F. DELAY/ J. ROUBAUD)

Photo : La planque D'ALCESTE retrouvée, par la grâce de WICHIKAPACHE, (par un hasard des plus bizarres) lors d'une ballade dans le brionnais, au Clos Bôteret exactement. Mars 2009 © Frb

lundi, 23 mars 2009

Les mimosas de Lyon

COMME UN LUNDI PRINTANIER

"Mal nommer les chose c'est ajouter au malheur du monde"

ALBERT CAMUS

mmimo .JPGN'en déplaise à CAMUS, BOILEAU, à tous les botanistes. Je n'échangerai pas mes "mimosas de Lyon" contre aucun nom ; parce que des mimosas, à Lyon, on n'en voit pas. Alors, peut-être suffira t-il de les nommer pour qu'ils existent ? D'ailleurs, les mimosas de Lyon, ce ne sont pas les mimosas. Et si on me demandait pourquoi. Je répondrai ce que me répondait en cours de mathématique mon professeur, (monsieur Chanut) quand il commençait l'exercice par : "Supposons que x..."  et que, presque simultanément, au fond de la classe, près du radiateur quelques voix s'élevaient (choeur des cancres) : "msieur ! msieur ! Pourquoi x ?" et bien, monsieur Chanut, à la question, il nous répondait toujours que : "parce que x c'était comme ça , et qu'il n'y avait pas de pourquoi." Donc, pour le "mimosa de lyon" c'est pareil. Il n'y a pas de pourquoi. Une évidence ! à la croisée des réponses de Monsieur Chanut, et de la pensée de LAO TSEU  parce "c'est cela", "mi-mots ça." soufflerait Jacques L. accoudé au comptoir de la brasserie du parc..."Voilà la grande erreur, toujours s'imaginer que les êtres pensent ce qu'ils disent" (sic)...

Fin du premier tableau.

Deuxième tableau : la nature s'éveille. Les sens sont en émoi. Le mimosa de Lyon croisé pour la deuxième fois presque la même semaine, devient "Mimosa de Vitton". Le précédent était de Denfert-Rochereau, mais on le nomma humblement "mimosa de Lyon". Maintenant, on attend les jonquilles, bientôt les myosotis, les bleuets pour le miel, (ils garderont leur nom, peut-être...). Devant un tel spectacle (Dame-Nature très en beauté), on fait silence. On applaudit. Et c'est justement là, en ne nommant plus rien, que surgit tout le malheur du monde: tandis que nous tapons joyeusement des 2 mains, ébaubis par tout ce bleu, ce jaune. Etat de grâce...

... Le fantome de Monsieur Chanut traverse soudainement la scène, (de long en large), avec sa grande blouse grise en se grattant la tête, puis se tournant vers l'assemblée, il pose sa question :

"Quand deux mains applaudissent, quel est le bruit d'une main ?"

"Est ce que ça porte un nom ?"

Fin du deuxième tableau.

Photo: "Mimosa de Vitton", vu cours Vitton (eh oui!). Pas très loin du cinéma Astoria et presque en face d'un magasin de musique. Lyon, Sixième arrondissement. Ce lundi 23 mars 2009.© Frb

samedi, 03 janvier 2009

Le murmure des forêts

vie après la forêt.JPGLa vie grouille sur le tronc coupé d'un feuillu qui a rendu l'âme, il y a bien longtemps, sous l'affront d'hommes à tronçonneuses. Après le dégel, même l'hiver, il s'y passe encore quelquechose...

Dehors, les arbres sont coupés, Dedans, on lit, devant un feu de cheminée. Nous habitons le murmure des forêts.

Photo: Plan de tronc sectionné. Dans le terrain sans la forêt, la vie reprend ses droits.  Promenade et zoom sur les plus petits éléments au pays Brionnais. Décembre 2008. Frb©