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mardi, 01 novembre 2016

Le voyageur

En secret nous glissons dans les ténèbres par le chas de l'aiguille.

REINER KUNZE  in "Le poète Jan Skácel", (traduit de l’allemand et du tchèque par Gwenn Darras et Alena Meas), éditions Calligrammes, 2014                      

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Un promeneur sans souvenirs, rentre chez lui, longtemps après, mené aux confluences lui prend soudain l'envie de changer de direction. Juste avant, il revient sur ses pas, revoir le paysage qu'il avait tant aimé. Il n'en reconnaît rien et ne s'y retrouve plus. 

Il contemple une image qui a dû le représenter autrefois avec nous et tant d'autres, il a anticipé puis l'image s'est brouillée. Un glissement s'opérait qu'il se doit d'effacer. Il peut fouler du pied ce qu'il a recueilli, réfuter son histoire à l'instant où redevenu l'autre, il sait - et comme tant d'autres qui sont passés par là - il sait où il en est. 

Pas de connotation pour encombrer la voie dont la réalité la plus inaccessible est cet état d'oubli ou d'anéantissement protecteur, garantie invincible de l'homme en sa peau neuve. Il est le voyageur qui ne cesse de renaître et revivre en perpétuel trip, perpétuel rôdeur, étranger à lui même, il est cet inconnu qui s'embarque sur des rives, se pavane en touriste curieux des petits mondes ; puis la seconde suivante il pourrait reconnaître un visage familier qui lui ressemblerait, s'il n'avait pas jeté sa vieille peau par la fenêtre, s'il n'était pas passé de l'autre côté du pont, en quête d'autres rivages, plus peuplés et si vastes. 

L'homme entré en son cycle absolument nouveau a laissé au pays, le vieux garde du corps qui protège un trésor, des malles couvant les traces d'une tout autre personne. Il ne peut de si loin relier toutes les escales. Il est le voyageur tirant le casanier de son inhibition, il est le passager qui permet de garder ou jeter, d'exalter ou d'honnir. Il a vu les passeurs se noyer dans le fleuve. Il sera l'exilé, entré au coeur du monde se délestant du poids des anciens compagnons, des animaux fidèles, des bibelots, des carnets dispersés sur des pages aux angles repliés comme des petits bateaux. Il sera sans passé, sans mémoire, ni bagage, comme s'il avait été tout ce temps qui coulait, jouet d'apparitions, si bien qu'aucun, aucune, qu'il inventait gaiement dans le continuum ne pourraient être sûrs de se reconnaître à nouveau.

 

Photo : Le voyageur (hors cadre) entre dans la fiction de toutes nos promenades. Là, des strates - deux vitesses, deux niveaux dans un même et fragile équilibre - voyageur sur la berge juste au niveau du fleuve, et voyeur (photographe) aux aguets sur un pont, aucun des deux points de vue ne semblerait meilleur (qu'un autre) même si la vue du pont embrasse des perspectives lointaines époustouflantes, elle étreint le même air, fugue approximative, ou blue note, dissonnances que sifflait ce jour là, l'inconnu sur la rive (le même vent dans la gueule ou dans le dos, tout dépend), elle vise la même langueur, même ralentissement qu'un marcheur coutumier de la belle ville de Lyon remarquerait un jour, soudain saisi d'un charme, et d'un lent bercement peu commun aux grandes villes. Peut-être cela vient-il de cette omniprésence de l'élément liquide où le soir, les couleurs des façades de presqu'île, aux nuances florentines, se changent en gris tirant vers le bleu azurite parsemé des pigments "dark sea green", ou bien ce sont les ponts, les passerelles, les bateaux qui procurent l'impression aux marcheurs de glisser et flotter au milieu d'un tableau, mais chacun sait, au fond, - au fond de quoi ? Tout conte fait - que ce n'est qu'une impression... 

"Et topantru, lis tolflent" (Galilée).

 

podcast

 

Sonothèque: (crin-crin remis à flots), loin, la voix de son maître, Guillaume Apollinaire récite "Le voyageur". 

 

Sur les bords fleuve Rhône, en direction du parc

© Frb 2015- remix 2016 

mercredi, 10 juillet 2013

Hors-saison


Sur des panneaux luisants, ou sur des cuirs dorés et d’une richesse sombre, vivent discrètement des peintures béates, calmes et profondes, comme les âmes des artistes qui les créèrent.

CHARLES BAUDELAIRE : extr. "L'invitation au voyage", in "Les fleurs du mal" (1857), éditions Gallimard, 2007.

 

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Parfois, nous brûlons notre terre découvrant la chimère lassée de nos récits. Ca ne tient plus beaucoup. Nous encombrons l'espace, nous ferons quelques rimes pour la foire et c'est tout. Puis nous irons guincher sur les embarcadères.

Déjà, nous regardons peu à peu l'horizon annexer le rivage, nous le laissons à ceux qui voient plus loin que nous. Nous vivrons dans les arbres, avec une foule d'oiseaux, nous serons petits singes, sajous / callimico puis nous re-deviendrons inintelligibles.

Partout, le ciel est pourpre, la saison capitonne. Nous défilons en rythme d’un jour à l’autre, mais tristes, abordons l'avenir sur un point d'immersion qui se perdra sans doute dans une ligne droite bordée en profondeur d'une chute en carrés d'art. 

Peu importe que le grand manitou nous dégorge, quand sa lame nous tranchait nous étions presque morts, nos contours sont plus vagues, nous dérivons encore. Nous cherchons les jardins d'autrefois où les folles balançoires esquissées à la gouache absorbaient nos coquilles dans le pli d'un buvard. Nos mains ont déchiré tant de pages et de pages.

On retourne à la source, on ne s'y abreuve pas, l'eau noircie par mégarde, ouvre un sillon de bave. On traque les empreintes, lichens / fossiles / galets / et le pas se veloute sur des mousses poreuses. On reprend les balades. 

Ces marches agrémentaient, on s'en souvient, des foules vivant en nous de mots ouvrant aux bruits infâmes, il y eût des tavernes assemblées en nuages, qui racontent la suite. On oubliera demain, ces voleurs de miroirs qui goûtaient en eaux troubles les diodons délicieux, et nos barques à présent bercent des sons captieux, les voix ne portent plus.

Dans la chaleur des bars, certains jours on s'attable avec des globe-trotters qui nous racontent leur vie : l'Egypte / l'empire syldave / ils ont des petites lianes enroulées dans la tête, on dirait des girouettes tournant sur des momies, ils sont galants mauresques / fauves étrusques / nécropole engloutie / marins du Kon Tiki / après des heures à boire, à gober leur histoire, on devine au final qu'ils ne sont jamais partis, ils troquent leurs faux voyages contre un peu de compagnie, et nous bradons le virelai pour des romans de gare.

Peu de chance que le chant nous revienne ou s'évase, nous l'avions rêvé flou. Des phrases ont renversé le splendide équipage, une masse enjouée mesure les équilibres, nous restons attentifs aux mouvements de ces gens qui se cachent ou s'étoilent en causeries sur des bancs, nous visons les Nagra de ces genres d'acousmates qui font de grands voyages dans la rue d'à côté, le reste liquidé, se fondra dans les glaces de ces absences-présences qui se croisent et puis cessent.

On rejoint les clochers, tout semble à l'abandon, moins qu'au coeur de ces villes dont les passages fermés ne nous égarent plus. Nous ne pouvons plus choisir entre le plein, le vide, guettant un évènement, traversons des ruelles et des jardins publics jusqu'aux grands toboggans.

Tout près sous les lumières des chiffres sont tombés d'on ne sait quelle statistique, et des publicités passent de plus en plus vite, des homme gris tapent en choeur sur des mini-claviers, notant les résultats d'on ne sait quelle expertise.

Par de fines craquelures entre ces oubliettes on reconnaît l'enfant vaguement phagocyté, allant pieds nus, toujours, courant à la conquête d'un souvenir futur sans trouver la notice qui aide à parvenir à la maturité. La flemme est botte secrète, on aura dans la tête le calcaire/ le granit/ les rochers mystérieux / un paysage d'hiver / une mémoire d'art brut ...

Cela devait entrer en ce rêve animal, rien d'exquis, ni barbare, nous ne sommes plus concernés par ce qui cogne ou jase et s'agite sans égards / ces engouements de cible / nos sentiers éboulés / des pensées pleines de trous / nous figent en pétroglyphes.

Le Cv sous le bras illustrant un grand livre sans lecteur ni auteur, nous trottons par les berges jusqu'aux embarcadères, là, les flots sont plus clairs, les vents nous rafraîchissent. Nous gardons les yeux clos, nous croisons des artistes qui ne savent plus quoi faire de leur vie, de leur art, nous les suivons biffés dans la cité-passoire qui se construit sur nous, rejette les uns les autres à la périphérie. Plus d'atelier plus rien où caler nos paperasses, les cartons à dessin retournent au recyclable, nous aimons l'inutile, c'est plutôt rassurant.

Puis des pieds à la tête, ça flottera de partout, il nous manquera seulement le moral nécessaire mais nous pouvons poursuivre le voyage hors-saison ou en hors-lieu peut-être, tisser les passerelles s'il nous manque des ponts. Nous ramperons comme des bêtes jusqu'en terre de bruyère puis au delà, enfin, nous quitterons nos mémoires en jetant des cailloux pour faire des ronds dans l'eau, nous longerons les rivières (un jour nous y reviendrons).

Les vêtures sinueuses d'écorces nous protègent. Nous serons étendus, nonchalants à poursuivre, enlacés dans les ombres sous les arbres et les herbes, un brin de pâquerette fera bouche à oreille, le reste imprononçable. Ou bien, c'est un silence, un flot qui se retire : le secret de la source près d'un vieil escalier qui descend jusqu'au ciel, nous serons pour ce peu, si près...

  

 

 Photo : Une île, qui ne fleurit jamais.

 

 

 

Là bas © Frb 2013.
  

vendredi, 01 février 2013

Avalanche

Et je m'en vais à Panama pour vivre en sauvage. Je connais à une lieue en mer de Panama une petite île (Taboga) dans le Pacifique, elle est presque inhabitée, libre et fertile. J'emporte mes couleurs et mes pinceaux et je me retremperai loin de tous les hommes. 

PAUL GAUGUIN

 

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Il n'a rien entendu de particulier, il s'est contenté de regarder. Il est sur la ligne de départ. Autour de lui le bruit gagne. C'est le seul argument qui retient l'attention, et semblable aux mouvements précédant un parcours, lassé de parcourir, il voit le paysage réduire les perspectives, quelques mots devraient suivre, qu'il tait. Il ne suit pas.

Ce thème est un motif qui vaut un peu la peine de décrire ce qu'il reste, ce qui va disparaître. Il choisit la plus sotte expression parmi des milliers d'expressions possibles, un confort creusé en ce trou, un nombril aspirant, tiède encore, les plaies brûlantes de l'homme, ou les battements d'un coeur humain pas plus qu'un aspirant de rien allant à l'interligne dans l'épaisseur du bruit glorieux de ses échos.

Il y a le temps qui vient, dresse une chape et ça couve sous son poids de chair vive, ça donnera une valeur factice à la surface, quand une porte bat aux vents, quand l'éclat de ces feux attractifs rend l'univers massif, il referme sa fenêtre, il n'aura bientôt plus à se battre pour les siens.

Il a rayé son nom, il a songé aux possibilités d'anéantir enfin sa faculté d'écrire, pour s'en remettre à ce silence d'une cathédrale ou d'une bibliothèque. Oserait-il au moins peindre ? Des Carceri à la mine de plomb, le prix de ses efforts, et puis des fleurs encore, quelques lettres de l'île puis la disparition d'une marge qui portait la couleur dans une ligne de fuite. C'est peut-être un ersatz ou c'est le labyrinthe d'un lieu qui nous décime, milles convives aux fenêtres entre eux autant de vitres, là, de grandes mosaïques comme à Constantinople. 

Il fouille dans cette matière, quand revient la jachère, il y voit un soleil privé de ses ombrages, l'espace habituel où chacun arbitré dans le langage d'un autre réfute l'obscurité porte une perspective de puits et de falaises sur une place noire de monde.

Un mot encore si près à le couvrir de honte, y affûtera son verbe et l'éloquence qui vit toujours en légéreté, impérieusement tenue portera à nos lèvres l'unique grande vérité, la tienne et celle des autres, dans ce fût, sur l'étage du Beaujolais nouveau, la langue et sa piquette, t'as vu ces grands tonneaux à présent tu t'étonnes qu'ils se déversent copiant le bruit du pacifique, épanchant une série de vagues bien tempérées et délayant le corps qui se tait, le défait, comme se défait le verbe.

Il ne peut rien en dire, nous capturons de force ce point d'inanité, c'est à peine une cible qui nous veut repliés dans cette obscurité, elle va nous réfléchir, nous briser, l'emporter, qu'en sait-on ? Qui pourrait nous instruire ?

Nous serions tels que lui, des modèles d'écorchés, barrés de croix, de traits, des figures portant peine à la brutalité où la mort du désir peut encore l'emporter, ne tiendrait qu'un espace lentement annexé ; l'innocence consommée, il faudrait retrouver un mot à prononcer pour cet homme qui ne qui ne sait plus parler.

Un pas de plus, il souhaite couronner son effort, dépasser les obstacles pour bâtir un royaume au flottement discret, des airs de flammes muettes courant sur nos jouets qu'une vague achemine dans le ravissement où l'ignorance nous tient à tout heure disponibles, un bon rire à demeure tel qu'il fût toujours prêt, générant une série d'accidents, de minuscules enclaves où le mot est jeté où le désenchantement se reproduit à l'identique, tandis qu'il essaye de jouer pour simplement jouer.

Un pas de moins, les marchands de plaisirs passeront sur sa peau un baume rafraîchissant, il reluit à nouveau il est comme liquidé mais il reluit pourtant. On peut le suivre ou l'oublier se faire lentement rattraper ou souffler ce pion solitaire, mais cela n'a pas plus d'importance que ce qui est secret et devra forcément nous taire.

Il payera. Il payera en retour du désir affamé de s'affamer encore, quand l'oeil fou qui dévore des vies à la seconde aura mis des cailloux dans cette immense bouche, la sienne voudra se clore, saborder ce qui porte en dedans, ne trouvera aucun mot pour extraire une manière de recommencements à cette fin qui résiste à comprendre.

On connaît le passeur obligé de se rendre. C'est partout le même quai, alignant une suite de croix et de carrés. Partout c'est un poème qui recomptera ses pieds, ça forme sous le soleil quelques cristaux de glace et des ronds de fumée quand la lumière prend l'ombre ou peut-être autre chose, la marche se soustrait, l'homme fume une cigarette et nous voit sidérés que le vocabulaire n'ait jamais su faire mieux que nous aider à exprimer cette sensation profonde de n'avoir rien à dire.

Ca fait longtemps qu'il sait. Il mâchera les cailloux, et sentira la terre lui porter des pelletées, un semblant de jachère devenue cette palette de noirs et de blancs contenant un ensemble de couleurs ou l'absence de couleur. Il goûtera la nuance, afin de se mouvoir d'un espace à un autre sans tirer aucun trait, aucun plan, aucune des conséquences. Il est dans les reflets ou l'absence de reflet comme à ces premiers jours, naissant un peu trop tard, il a pris de l'avance, il se pelotonnait contre un arbre et goûtait au silence sous un ciel moutonné masquant les voix violentes, des ébats festifs d'où revenait puissante, une foule assurée.

Il n'y a plus à douter, pour traverser les lignes, sortir de cette violence, on se dit que parfois il faudrait marcher seul, quand la mécanique sourde continue à cibler, à broyer, elle n'aura pas de phrase pour dépouiller le geste qui recouvre le ciel d'un champ de tournesols. Il n'aura pas besoin de ces flux de paroles pour aimer ces baigneuses divines indolentes ou saisir le silence d'un dernier grand concert dans la fine transparence, les nombreux coups de couteau donnés à la matière, sont peut-être identiques, à ceux que l'on nous donne.

Un mot ne tiendrait pas à capturer cet homme, ou demander pourquoi ces entailles n'ont pas entaillé le visage des nombreux regardeurs ? La question le déplace. Il est là, et il fume du tabac parfumé. Son geste le retient, entre une drôle de clarté et le flou inhérent à la nécessité de se tenir toujours plus près du précipice. De n'en rien ignorer, à présent, il savoure plutôt garder ce vide bien en main, que de craindre l'effroi qui le rendra muet, avec cette habitude de ne parler qu'à soi, d'en ressentir l'outrage sans pouvoir accepter que nous serions tenus de battre ce pavé, nous livrer, nous lustrer, cumuler les effets, de quoi bien tapiner.

Il redoute le courant réducteur, et le malentendu qui placera son coeur d'homme entre le singe et la savane, il comptera sur les doigts d'une seule main ceux qui ont pu survivre à cela sans se fossiliser, sans se faire braconner, ceux qui ont pu créer encore, pour changer la vie quelquepart, pas seulement l'énoncer, non seulement l'énoncer, mais l'appliquer sur soi,  pas gagné ! ce qu'il reste de cobayes ne serait pas si doué à satisfaire ces files qui se massent aux musées, des foules reconnaissantes, l'artiste mort estimable, une somme de vies ratées pour battre des attraits, mourir dans les images.

Longtemps, longtemps plus tard, il trouvera quelques pièces détachées, elles nous tiennent à portée sur un filet de bave, un cri vaste oublié, le prenait corps et âme, et pouvait nous relier par une sorte de chant du monde inépuisable, mais encore trop lointain. Il a vu ce matin, Panama sous la neige, et sa jeune vahinée venue emmitouflée le plongera à nouveau dans l'extase.

 

De la neige et une bestiole inoffensive pour adoucir la dernière ligne droite de l'an 2014.merci à ceux qui ont suivi ce blog, malgré un temps d'arrêt involontaire, une panne d'ordi, et la vie (la vraie) s'y mettant en travers j'ai dû m'astreindre à des obligations laissant la panne courir en cette années si peu clémente qui m'a contrainte à imposer au blog une sorte de latence, le courrier est en rade, depuis pas mal de temps avec un sérieux bug et un bazar en dedans encore compliqué à résoudre  Mes excuses à ceux qui ont écrit, des mails dont certains  datant de cette été ne me sont parvenus que récemment, des courriers sont perdus, pour l'instant, introuvables, ici une zone de flou d'autres les courriers rescapés restent en rade la possibilités d'acheminer correctement les réponses restant aléatoire, je m'abstiens pour l'instant, à suivre, donc, pour l'instant je dédie au Noêl et à la Noêlle et aux autres, s'ils s'y trouvent

 

Echappée belle : à lire et regarder, le livre de Gauguin, "Noa Noa"  paru aux éditions J.J. Pauvert en 1988.

 

Photo : Taboga en hiver, ou le départ de l'élandin.

 

Là bas © Frb 2013.

mardi, 04 décembre 2012

Nous et autres

La vie est-elle seulement faite de morceaux qui ne se joignent pas ?

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Nous aurions tant aimé pouvoir les assembler afin d'en trouver une forme reconnaissable, nous avons recollé un peu, quelques jointures à la surface qui se décomposeraient au moindre souffle. Nous y avons appliqué des mots comme des baumes, la terre tenait bon sous nos pieds mais nos pensées étaient plus mesurées. Nous tentions d'esquiver ces parterres qu'il faudrait toujours écraser pour se tenir ici, debout dans la lumière. Nous regardions les feuilles rétrécir, l'or de l'automne virer aux bruns foncés, une vase légère déliait les passages des boutiques. Les ponts devenaient utilitaires. Nous n'irions plus nous attarder à contempler les flots. Sous l'eau encore limpide, rien ne nous promettait que ces flots pouvaient encore rouler jusqu'à la mer. C'est là bas une force contre laquelle nous n'avons pas eu le courage de nous opposer, nous sommes entrés dans les formes prévisibles de la parole, le bruit gagne. Quelques voix nous séparent et nous ne pouvons rien réparer. 

  

Photo :  La disgrâce. Parc de la Tête d'Or © Frb 2012.

dimanche, 30 septembre 2012

Les errances du modèle (I)

Je suis vague comme la mer ; je flotte comme si je ne savais où m'arrêter.

LAO-TSEU, extr. Livre I -XX, in "Tao Tö King" (ou Tao Te king ou  Tao Teh Ching) "Le livre de la voie de la vertu", traduit par Stanislas Julien à découvrir intégralement ICI

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 Il allège, il s'abrège, il marche sur les sentines embaumées d'aromates, il prend le large saute la haie une feuille de houx sur les lèvres il marche pour un appeau affine les frontières il marche entre les phares il marche à pas chassés il marche sur ses collègues.

Il marche pour des sommets, il marche sans s'arrêter un fleuve hante son geste même s'il ne paraît pas demeurer sur la rive même s'il paraît s'y perdre il marche dans un musée il part à la recherche d'un secrétaire perpétuel.

Il marche sur des falaises pour le bruit du ressac troublé de vents contraires poussé par la galerne contemple les traînières il marche sur des ressorts pour voir bouger le nerf dans les filets de pêche de cent mugilidés.

Il a dit : "je serai l'homme qui marche" qui titube et perd pied il s'éloigne il arrache ses racines les disperse autrepart il marche sur des quais par les rues encombrées sa marche est inventaire il passe entre les creux d'un lit prisant les feux ou fragmente son verre contre un cri de colère brisant les rondes aimables puis il se radoucit.

Il prend sur lui la pluie les brumes et la tempête il marche dans l'oeil pugnace qui le prend pour un autre il contourne le rire de ces foules les bourrades il marche loin de ces langues qui morcellent le jour tenant encore l'injure pour une délivrance.

Il marche fuit les truelles les engins à chenilles  vibrantes et compactées qui tourmentent l'univers l'entaillent le plissent l'emboutissent il marche jusqu'à ces temples qui cimentent le ciel avec la terre  il marche pour se défaire des torchis de leurs guerres il tourne les talons à ces pieds alignés caressant les moquettes au salon.

Il marche dans la salle à manger dans la chambre dans un hall il marche dans la cuisine à la recherche d'un paquet de chips il marche près des buvettes au milieu des canettes il marche sur les franges des rideaux d'un hôtel et sur les perles roses d'une fille menée par le tempo il marche près des massifs des jardins impériaux il porte à son blason un céleste vitrail marche dans sa lumière

Il marche pour le présent grisé par la promesse "du petit bout de chemin ensemble" il marche de la vie contre la mort pipant en travers elle avant qu'elle le reprenne il marche solitaire dans la blessure la mort de l'autre qui le fera payer courir rire et pleurer il marche sans retenir ceux qui lui portaient peine et ceux qui l'ont aimé ou l'aimeront à nouveau il marche dans sa reine sous un dôme de trois cent quatre vingt quinze mètres il marche sur des fossiles marche comme on se relève d'un sommeil troublé par des monstres aux poumons secs cousus de gueules avides transpirantes.

Il marche dans un tunnel juste après l'accident marche comme un enfant que le premier pas émerveille il marche dans un couloir entre deux infirmières.

Il marche dans la combine marche avec ceux qui règnent marche à pas d'échassiers il marche sur un autel il marche de Bellême à Couronne, dans la forêt d'Ecouves pour voir un éperon rocheux repartir aussitôt il marche pour le schiste bitumineux il marche dans la question qui tournera longtemps il marche devant tout le monde pour se poser devant un drôle de monochrome la marche pourrait cesser ici. Pourtant.

Il marche sous des voûtes gardées par une fraternité d'hommes qui doutent il marche sur des prières qui redresseraient son corps s'il les savait par coeur il marche pour fuir cela il marche une pochette en carton sous le bras jusqu'à la librairie de la rue de Belfort il marche comme un soldat au delà des fossés trop larges il marche entre les arcades d'une cité universitaire rêvant de perdre la parole marche pour disparaître voudrait réapparaître là où on ne l'attend pas il marche il aimera ses arpents plus que le soleil.

Il marche au bras des égouttiers qui ronronnent sur la ville en roulant des salives aux reflets d'arc en ciel il marche sur une route il marche comme Gulliver il marche sur des plages par les cours d'eau tranquilles foulant des coquillages, à l'affût des sirènes. Il marche pour ces naufrages qui n'en n'ont jamais l'air il marche contre l'aisance pour l'exception qui passe ne s'efface pas ne sait promettre promet effacera il marche loin des cloisons cerclées de minimoog il marche chez les pop dans les pipes et la poudre.

Il marche pour revoir les contrées que l'été n'a pas pu assécher il marche pour approcher ce qui ne peut se dire il marche sur des pays qui se détruisent dès lors qu'on les traverse il marche contre ce mot roulant dans les tranchées jusqu'aux plis de la paume qui caresse en secret des marges infrangibles.

Il marche sur l'Espagne et ses auberges tristes il marche aux côtés d'un ami insolvable et cupide il marche sur des croustines beurrées avec amour il marche dans sa meurette portant son CV d'homme-sandwitch  tourne autour d'un bordel avec des idées noires.

Il marche vers la mer crachant des étincelles tire son char jusqu'aux digues où se meurent les hétérocères il marche pour des sauteries arrangées de cocktails il marche pour le champagne il marche dans ces pailles aspirant les framboises et le jus des sanguines marche au mât de cocagne marche cherchant son île percée par des soleils empestés de furies il marche sur l'eternit marche comme la souris chassait entre les huis d'une geôle le mauvais rêve

Il marche derrière l'amour comme l'agneau s'abreuvait aux lèvres de la petite il marche dans la fontaine marche pour la rouquine qui se perd dans la foule marche pour une fausse blonde vêtue comme une tigresse marche pour une brune sympa qui tapine en Lancia il marche pour une princesse découvrant sous son pois des mires délicieuses il marche les yeux fermés il marche entre les bornes kilométriques tramant l'attaque d'un train de marchandises.

Il marche sur un passage sans ménager son âge il marche de l'impasse aux sentiers à l'aguet de la menthe du thym de l'aubépine il marche à la campagne dans la laine jonquille des épervières en cyme.

Il marche sur l'ardeur comme un faisan blessé perd ses plumes dans ces baies goûte la mûre cède au buisson entier marche sur les bouquets fanés entre les tombes s'y dore près de ce père qui lui apprenait à marcher il marche bercé par le son brut d'une locomotive dans la prospérité des fleurs des plantes des animaux il marche par ces travées pour y faire l'inventaire de ceux qui marcheront sans but il marche sur des tisons battant l'air à brûler un fourneau de miel de bleuet dans sa pipe il marche dans les billettes et les goussets d'azur il marche comme s'il pouvait marcher sur le déluge naviguer dans la terre sur des patins d'osier.

Il marche dans la tête une pointe de plomb fixée sur la verticale épurée d'un plan de monastère
, il marche sur l'histoire il marche sur ses ancêtres et tandis 
qu'il s'allège marche pour confirmer la dispersion il marche pour qui l'approche participe au mouvement céleste, ainsi le verrait-on inexplicablement marcher dans les nuages.

Il marche déjouant la durée il marche comme un page au guet des servitudes marche pour l'approbation marche chemin faisant il marche brouillant ses traces marche en petits fragments détachés parmi d'autres peut-être semblables  
il marche comme l'ange tombé hier de son balcon anônnait un chapelet de prières glossolales il marche jusqu'au péage rêvant d'épargner ses forces vitales pour marcher au delà marcher toujours encore et ne pas s'effondrer au prochain portillon.

 

 

 

 

Nota : Pour retrouver la suite des errances du modèle il suffit simplement de cliquer dans l'image.

Photo : Fragment de filatures, et autres vies modèles, le modèle en partance a été un instant saisi marchant, sur la rue penchée de la république (c'est pas complètement faux qu'elle penche la république et la rue aussi ça va ensemble peut-être) un léger flag' de fugue aux heures hyper-pointées, Le modèle est un poème-fleuve, il ne faudra pas l'oublier si d'aventure vous en suiviez un quelquepart il vous mènerait à coup sûr au pays qui ne s'arrête jamais. CQFD...

 

Lyon-Presqu'île © Frb

mardi, 28 août 2012

On rentre à la maison

Si la maison vous déplaît, en un clic dans l'image tout peut se remplacer.

 

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About the obsolescence :

On ne va pas éternellement s'encombrer de rêvasseries. J'efface donc le trait d'irréalité  et ni vu ni connu le remplace, biffant du même coup la vacance, le courant de rentrée ne s'y prête pas.

A noter qu'il y a peut-être une certaine audace dans l'architecture aiguepersironne qui saura naître, demeurer, disparaître sans l'assentiment de notre regard.

C’est ainsi que, selon l’opinion, ces choses se sont formées et qu’elles sont maintenant et que plus tard elles cesseront, n’étant plus entretenues.

 

Eclairages : http://www.fabula.org/actualites/parmenide-le-poeme-fragm...

Repérages : merci à Paul et Raidi pour.

Photoon the Aigueperse's road, made in Nabirosina.

 

Aigueperse © Paul-Raidi pour-Frb 2012

mardi, 12 juillet 2011

Tous les bateaux...

N'avons nous jamais pu, nous, ombres et schèmes,
par nos actes prématurément mûrs et bientôt desséchés,
troubler l'égalité de ces étés paisibles  ?

R.M. RILKE, extr. "Les sonnets à Orphée", II, XVII, traduits et préfacés par J.F Angelloz, éditions Flammarion, 1992.

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Il était plus de six heures du soir quand je me suis réveillée, légèrement virée des camions à cause de la cétirizine. Dans la rue un homme chargeait une charrette. Sa femme traînait derrière lui des glacières. Distancée, on eût dit un fétu. Assis sur des marches d'escalier, les enfants savouraient déjà les vacances, plus vastes que l'ennui dont ils se souviendraient peut-être une vie entière. La grand-mère enfournée sur la banquette arrière attendait gentiment la suite. Il y avait la radio qui causait en sourdine, quelques interférences passaient entre les voix écrasant le son, y mêlant les vagues meringuées des grands tambours d'Afrique et ça disparaissait. Un carillon sonnait très précisement l'heure suivi du jingle qui chantait "Eu-rooo- pe 1", ensuite, c'était une voix familière qui donnait le bulletin-météo du jour et du lendemain, puis une autre voix venait décrire l'état de la circulation, pile avant le rappel des titres. 

L'homme chargea quatre paires de flotteurs calés dans un sac "Bergasol". Plus tard il y aurait de grandes lignes sur la route, sa main au volant immobile, la montre à quartz, la ceinture, la bouteille de Volvic entre les pieds d'Evelyne, des successions de poteaux noirs et la grand-mère assise derrière avec son sac plastique, Evelyne au guet, qui dirait, (c'était systématique passé le panneau, à deux kilomètres de l'entrée de Vienne):

"Est ce que vous voulez que j'ouvre plus grand la vitre, Lucienne ?"

Moi je suis à la fenêtre, je contemple les sillons d'une route grise juste au dessus des toits qui mènerait par les nuits de pleine lune à ces roches "outremer" formant le relief d'un pays que je ne connais pas.

Tout passe - échange de moins en moins - l'expression de nos fugues, écriture, cinéma, "c'est bien partout Vendenesse", plus ça change et plus c'est pareil. Il n'y a pas grand chose à regarder là où le vide aspire, comme aujourd'hui à la fenêtre, c'est tout ce qu'on a à faire, se pencher et voilà. Nous on restera là, pour arroser le yuca ou pour garder le chat d'une copine, on se liera peut-être d'une amitié rapide avec d'autres assignés qu'on croisera dans les escaliers. C'est sans doute qu'on serait né comme ça, pourvu d'une maladie évolutive. Notre système nerveux central atrophié, nous obligerait presque à rester hors des feux du soleil, et de ces jeux d'été, incapables de danser en riant au milieu d'une chenille, tourmentés à l'idée qu'un jour on pourrait nous forcer à participer à un barbecue géant suivi d'un grand karaoké organisé sur le grill par les rois du camping. On se trouverait malheureux, écrasés dans la joie des autres. On apprend chaque année à force de méthode à devenir des sauvages, un peu, pas trop (ni assez bons ni si mauvais), on apprend chaque année à endurer la solitude et à continuer avec ou sans la plage.

Les voilà unifiés, destinés à revivre, ou plutôt, on les voit vivre pleinement au moins une fois l'année, ils nous collent sous les yeux cette vie aux airs badins, leur fiesta battant l'aile au froid de notre exil. Il faudrait peut être chercher sur quelle face obscure de la terre tiennent ces joies qui ont le pouvoir de reproduire à l'infini un tel néant.

Je les ai vus charger des bidules sur le toit de la charrette, tirer des tendeurs et des tiges, afin de faire tenir en équilibre deux vélos, un matelas pneumatique, la poussette de la petite, plus une drôle de bassine qu'ils appellent "un  bateau" à peine plus large qu'une planche à repasser. Il a lancé à sa famille, comme une menace si indirecte que ça ressemblait plutôt au décret sympathique du capitaine qui prévoit tout, il l'a dit gentiment (sans doute ne désirait-il pas se quereller encore avec Evelyne devant sa mère, ni faire pleurer la petite), il a dit avec sa grosse voix, tout de go en vrai chef de famille: 

"Si on part pas avant la nuit, alors on partira demain, dès que le jour sera levé".

Quand on y songe ça revient au même.

Evelyne a disposé quelques paniers sur la banquette tout près de la boîte à gants avec des serviettes en papier et dedans le pain de mie en fourré, elle a tartiné les rillettes. Il me semble en sentir l'odeur de ma fenêtre, bien qu'il soit impossible d'avoir l'odorat si doué ou bien c'est peut-être de songer à l'odeur des sièges en plastique de l'auto mélangée à celle des rillettes qui vont traîner sont déjà tièdes, ça donne le mal de mer. Toutes les choses sont chargées.

L'homme ralentit son pas, se traine sur une paire d'espadrilles dont les contreforts éculés laissent apparaître la corne d'une année à frotter des petits bouts de talons sur la terre. Ensuite on a entendu le moteur qui ronflait. Ca laissait craindre un problème d'huile. L'homme a ouvert le coffre, il a plongé ses mains. Il en a sorti victorieux, un bout de fer.

Nous on s'étonne avec les yeux qui errent et fixant certains points, on s'est mis dans l'oubli, la vraie vacance, en fait.

Europe 1 reparlait de ces feux de pinède du côté de Martigues et d'un problème d'hygiène dans les chiottes collectifs d'une aire de repos d'autoroute entre Lyon et Pont st Esprit, (Pont St Esprit c'est pourtant un nom de ville qui inviterait à une sorte de métamorphose extatique, (que nenni, que nenni).

Sur le kiosque  à journaux, des avocats de France et d'Amérique tentaient de me convaincre que la femme africaine et même la femme française dévoyaient la grandeur des hommes politiques. J'ai dû bailler longtemps devant l'immense traîne de l'épouse Archibelle et son visage si triste qui tranchait avec l'expression étonnamment lisse d'un prince au prénom d'accordéoniste, (juste une image). Quand cela fût fini je me suis assoupie sur une chanson de cette bonne et brave Zaz qui gouaillait dans mon transistor sur des rimes assez pauvres, qu'elle voulait de la joie et puis de la bonne humeur enchaînée par d'autres pop, des rockers post-bastringues à baskets et casquettes qui répétaient sans cesse "j'veux du soleil, j'veux du soleil". Pardonnez moi, (s'il est possible), ma vieille nature rébarbative m'ordonne de vous épargner ces liens là.  Quand je pense que François Holland a dit à la télé qu'il avait acheté le disque  de Zaz, (merde alors !). Si bien que je n'ai pas vu leur voiture partir, moi qui attendais ce moment et vous aussi n'est ce pas  ? Le seul qui aurait pu couronner ce texte d'une happy end un petit peu optimiste). Tant pis, je vous envoie l'épilogue.

Eux ils ont dépassé, le panneau d'Intersport, c'est là qu'une nouvelle vie commence, des Picasso mobiles passent sous des trémilles, des poids lourds engendrent un mur blanc, c'est l'hiver. On cloue désormais les volets dans la ville, la nuit court à pas de velours sur des ponts s'allongeant près des rives d'un lac à Tête d'Or. La chaleur inhumaine pénètre au plus profond, des Laguna coupéesdéfilent sur l'autoroute qui scinde la ville, rive droite, rive gauche, doux ronrons à travers les particules fines qu'on respire à vélo en tournant sur les places autour des nouveaux pots, aberrations géantissimes où sont piquées de frêles plantes exotiques taillées en forme de sphères par des concepteurs dépressifs égarés dans le système solaire. L'épilogue ? Oui, bien sûr,  il  arrive ! (en même temps, on n'est pas aux pièces).

L'homme avait travaillé un an. Il tâchait d'obéir du mieux qu'il le pouvait à la volonté de sa famille. Ce roulement entre deux saisons, ce pli torpide travail / loisirs était devenu sa vraie vie. Il avait fini par nimber son "petit intérieur" de vagues à remous nostalgiques, elles tenaient à peu près dans le volume d'une boîte à gants : le meilleur de Carlos Santana, quelques morceaux de grande musique et des versions plugged / unplugged du plus grand tube des années fric, la chanson lui rappelait ses vacances à Carnon, il était tombé amoureux d'Evelyne, coup de foudre au club de plongée sous-marine. Tout s'était replié comme ça, c'était venu vingt après, une geôle très fine fermée par un portail ou peut être une grille jalonnant à ses heures les minutes corvéables de la vie pragmatique. Bien avant que des herses du genre alternatives eurent labouré son corps, il sût un jour comme celui-ci qu'il ne pourrait plus jamais en sortir sans succomber sous les reproches. Après cela, aucune vérité ne paraît bonne à dire.

Sa main immobile posée sur le volant prenait les virages en douceur, la route tournait et retournait devant lui des panneaux de toutes les couleurs. Son coeur touchait un tel point d'inertie que lorsque la nuit en rêve il courait nu dans la forêt, poursuivi par une meute féroce de braconniers qui voulaient le dépecer vivant, il se laissait mourir bien avant d'être rattrapé, il se réveillait mort, tel, jusqu'à la nuit suivante, il se demandait pourquoi, toutes les nuits, il revenait toujours, ce rêve...

 

 

Photo : Ceci n'est pas un bateau, c'est sûrement une charrette surmontée d'un chapeau, (un peu étrange, j'admets), déjà toute ficelée pour son aventure estivale, à moins que ce soit un ready made, un bon porte-vélo à la gloire de notre petite reine, oeuvre d'art, donc, (je préfère). Mon chapeau sur la caisse à Duchamp, (allez hop !) photographié rue St Polycarpe, à Lyon, à la naissance des pentes de la Croix-Rousse, par un jour de Juillet de cette année là, (ou d'une autre, c'est pareil).

 

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