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dimanche, 13 octobre 2013

Le dernier vert

Pendant ce temps là, derrière la boîte de nuit ... 

 

clairlov.jpg

 

- Je vous ramène ? 

- Non, vous êtes trop saoul, j'en ai marre, je vais rentrer en taxi.

 

Photo : le vert est dans la feuille, ça ne durera pas toujours, extinction des feux (de l'amour) sur la place Tabareau, et autour, on replie la palette sur l'air des fins d'été. Le vent à demi-fou est venu nous souffler que ça sentira bientôt le roussi de partout, mais les dieux nous recueillent en manteau d'écureuil, l'automne est avec nous, l'éphélide sur la feuille fait des ronds monotones qui s'envolent sur les fleuves, et onecre el tegivre de l'marou, elobrete ! ufex et samflem ecmmo rojosutu... (ec bellit atété étrenetinem esiralé acev foiriefue, draponnez el forvile efulifelé, et quintrez à son terves nasénes ropu mérusé no av ried uqe tse'c sap suot els sojru calife :)

 

Traduction : Si vous avez loupé le début de notre roman-feuilleton, vous pouvez passer par  ICI  et pour le dernier vert c'est en le caressant qu'il grandit dans l'image, magie de certains jours. (Cupidon sponsorise)

 

Sturm und Drang Lyon © Frb 2013.

vendredi, 27 septembre 2013

Impromptu

Le souci de soi

 

eux.jpg 

Le philosophe Giorgio Agamben dit qu'il faut se soucier de soi dans les formes pratiques de soi, en même temps il énonce à plusieurs reprises le thème apparemment opposé :

Il faut se déprendre de soi.

Il dit aussi plusieurs fois :

On est fini dans sa vie, si l'on s'interroge sur son identité. L'art de vivre c'est détruire l'identité, détruire la psychologie. 

 

Le souci de soi devrait logiquement aboutir à se déprendre de soi.

 

Nota : Le prélude à l'impromptu est lisible en cliquant sur l'image. 

Photo : Les bancs sont devant la Vie Claire, c'est quelque chose à voir, aussi bizarre que rien, mais le promeneur croix-roussien les connaît bien, il s'y contemple en bancs d'oignons (oui, bon...), certes, ce ne sont pas les bancs des amoureux sur l'esplanade de la rue de l'Alma, d'ailleurs je ne les montrerai pas, ce sont plus sûrement les bancs de personne donc les bancs de tout le monde, faits pour penser à rien et à tout, ou au deux, tout c'est eux, eux, c'est nous par une des mille façons à tenter de se déprendre, en attendant de regarder tomber les épluchures, bientôt, une autre et sage leçon de vie pour l'homme (c'est de Héraclite, il me semble), je cite pour la beauté des lettres :

κόσμον τόνδε τὸν αὐτὸν ἁπάντων οὔτε τις θεῶν οὔτε ἀνθρώπων ἐποίησεν ἀλλ᾽ ἦν ἀεὶ καὶ ἔστιν καὶ ἔσται πῦρ ἀείζωον ἁπτόμενον μέτρα καὶ ἀπο­σϐεννύμενον μέτρα. 

 

Lyon/ Croix-Rousse © Frb 2013.

mardi, 16 octobre 2012

Des jours et des jours à la vogue

Dernière grande fête foraine de l'année à Lyon, la vogue des marrons tire son nom des premiers marrons de l'année et du premier vin blanc qu'on y dégustait, à l'imparfait, rien n'est parfait, bien sûr. La vogue des marrons actuelle a démarré le 6 Octobre elle finira le 11 Novembre 2012.

vogue ballons.jpgQu'on l'apprécie ou non, parler de l'esprit bon enfant de la vogue paraît aujourd'hui déplacé (on ne sait où), même si l'enchantement des jolis manèges hante encore notre époque, c'est une image entre autres, de fête et de flonflons, rien qu'une image légendaire puisque pour la plupart d'entre nous, ces fêtes foraines familiales, bricolées sans manières, nous ne les avons pas connues. Nous savons simplement, malgré la joie délitée, et révolue, peut-être, que si la vogue des marrons, à Lyon, n'existait plus, elle manquerait. Mais je n'ose pas ici employer le mot "fête", la vogue est rituelle, c'est admis dans l'esprit des habitants de cette ville, elle marque un temps dans l'année, juste avant la saison des pluies, les foules du 8 décembre et les marchés de Noël, elle balade aujourd'hui plus d'ennui que de gaieté. On s'accorde à l'idée, on s'y traîne, on y flâne sans penser par exemple qu'au XIXe siècle Lyon totalisait plus de 207 jours de vogue, de Pâques à la Toussaint. Il n'en reste qu'une, c'est celle-ci, on la prend pour ce qu'elle est, entre la vogue et notre esprit il y a des nébuleuses... Nous fermons les yeux sur ce qui manque, ou bien encore heureux, nous nous rattachons aux mémoires idéales de ces mondes enfantins qui suçaient les guimauves une fois l'an,  nous nous contenterons des arômes d'un Chardonnay allégeant l'Homme (et son désir), tenterons d'en retenir le dernier tourbillon sans trouver le raccord entre ces vieilles gravures et les temps à venir qui nous invitent à décharger notre poids soucieux ou abêti, matière poreuse ou bons vivants, nous contemplerons en touristes ces rubans colorés où les  jeux vont sans nous. Nous ne savons pas comment cette grande usine à attractions valdinguera les corps, pourvu qu'elle ne valdingue pas les notres (pas le mien en tout cas), des furies techno-funk à la nostalgie du mashed potatoes via le rock à l'antique (Elvis, tuning, sodas, ice-cream), l'over-bass brutalise. Les engins crachent le feu, les flammes, au propre, au figuré, nul ne devrait s'en plaindre car l'intitulé ne ment jamais (desfois qu'on n'aurait pas su lire les enseignes kitsch and cheap)...

rock.jpg

Âmes vagues décomposées seules ou accompagnées, c'est à peu près pareil, voguant dans l'ennui patent de nos semaines contemporaines qu'il faut absolument secouer de loisirs à grands cris sur la place solidaire plombée par la dérive, l'esprit dans la paillette du pepsi pop, les  défilés se suivent et ne tarderont plus à  nous s'enchaîner, (8 décembre, morne plaine, ma flamme dans leur publicité) ; rameutent ici ou là  un bref éclat entre les bruits, tiraillant nos faiblesses: le caprice d'un enfant qui ne veut pas redescendre du manège, des parents sur des chaises et leurs gueules d'enterrement, des gars avec des franges qui tirent comme Charles Bronson sur des figurines en plastique pour gagner une peluche du bon temps de Pandi Panda,  ça reste divertissant de regarder tout ça afin de n'en tirer aucune réflexion particulière. Juste regarder. Et puis voilà.

vogue in the usa.jpgFlâner entre les hurlements d'humains harnachés par des courroies fixées sur des machines qui montent, tournicotent, gesticulent, brassant l'air, d'accord pour ces crampes d'estomac qu'on se fera à la place des passagers retournés à l'envers, d'accord pour l'empathie-express qui est notre, à ce moment là, superflue, tout-express, même la peur des antres gothiques et ces sorcières qui remuent des balais sur un toit brûlant, même la nuit quand je rentre chez moi, à chaque fois, je suis d'accord avec moi, pour avoir peur de ça. D'accord pour écouter les mécanismes stridulatoires des simulateurs inspirés des plans les plus sombres de L'exorciste qui propulsent mais quoi ? - D'accord pour être propulsée - juste une fois, mais sans rien essayer, parce que la joie d'une vogue c'est aussi de s'y noyer. La vogue n'est qu'une fois dans l'année, alors on peut bien vivre avec son temps une fois, en marchant, pourvu que le boulevard et ses rues parallèles, continuent à sentir la vanille, le nougat, les bonnes gaufres, les crêpes au Nutella... Peut-être vous livrerai-je un jour une traversée by night dans la vogue en sommeil mais je ne promets pas étant donné que c'est déjà un peu ça: une stimulation acharnée qui n'arrive pas à réveiller grand monde, ni grand chose, la nuit au fond de soi, en plein jour, l'émerveillement absent, ou caché sous un air de s'en foutre. Ca validera peut-être cette adhésion sympa à tout ce qui peut plonger l'esprit dans sa paresse, encanailler l'espace avec ses grappes festives d'humanité blasée, toquée de gigantisme, où les bulles énormes font pétiller le corps d'une ville enrobée dans le sucre et la glace à venir. Nous goûtons en deçà, le plaisir monotone de nous disperser puis voguer, ne serait-ce que pour se vouer tout entier à la recherche éperdue du premier cornet de marrons chauds. Chauds, chauds, chauds, les marrons ! où sont-ils ?...

vogue ours.jpgAu hasard, la plus réaliste de cette expédition en quête de marrons, (chauds, chauds chauds), rend le pas tiède ou triste, mollement nous grillons nos cartouches à l'américaine sur de vraies carabines, tellement bien imitées  (des Kalashnikov, on dirait) sans la moindre biquette à caresser, ni un cheval de bois dont on fait les violons, pas de quoi pousser la chansonnette. Nous croiserons plus tard, le nez de Pinocchio qui s'allonge, s'allongera, grâce aux reflets multicolores d'une flaque d'eau.  Cela vaut les discours sur les fameux marrons, promis en cette vogue, seule vérité discordante, ô spleen de nos nuits sans marrons, moins folâtres que les nuits sans Oscar Wilde, (à ce point d'inanité, je vais me faire un peu de réclame) ;  le marchand de marrons (nous apprendrons le jour d'après, que c'est en fait, une marchande) serait-il du genre lève-tard ou couche-tôt ? Nous le cherchons nous le trouvons. Le stand est minuscule, il est  doux, il sent bon, c'est tout ce qu'on vous dira de cette première tentative sans pouvoir plucher le maroncho,  c'est un peu de ma faute, je ne sais pas jouer des coudes en société, ainsi je n'ai même pas eu le culot de bousculer quelques badauds, pour photographier le fameux stand aux marrons, parce qu'il y avait devant, les personnalités de la colline : Monsieur Marcel Rivière (et sa femme, la grande, dont je ne me rappelle plus le prénom) qui charmillonnaient discrètement avec un Alceste entièrement caché sous une toge recouverte d'écorces avec des feuilles rousses et ocres made in Tabareau collées sur son chapeau évasé par le haut en multiples branches ornées de nids de hulottes revenues de Couzon, je n'osais déranger, et ne fixais pas mon objectif afin d'obtenir un cadrage (presque) parfait sur les mains des personnalités qui tenaient leurs cornets de marrons comme on tient des cierges lors des grandes processions hivernales (par exemple, celle en l'honneur de la Sainte Vierge, nous en reparlerons peut-être...). Il faut dire qu'affecté par les privations, on glissera dans la romance de toutes petites choses pourtant vraies, à ce sujet fragile, j'ouvre une parenthèse puisque je ne peux décemment exposer ici Monsieur Alceste piquant à pleine branchées les marrons de Monsieur Rivière, (à lire prochainement "Les marrons de Monsieur Rivière" un inédit  issu des carnets de la mère Caquelon, poètesse Lyonnaise oubliée, grande copine de la Mère Pompon qui mit au point la recette des quenelles de marrons, plat mythique servant à décupler le courage des canuts lors de la révolte en 1831, - là, j'exagère, mais c'est un des nombreux effets secondaires produit par le manque de cornet aux marrons, quand on en goûte un seul, ensuite, ça dure, une vie parfois - quant au livre, je l'ai déniché récemment dans un vide-grenier de la Tabareau, on ne dira jamais assez - surtout en plein coeur de la vogue - qu'il s'en passe de chouettes sur la Tabareau où la rutilante boule lyonnaise n'a que faire des tournis des manèges; les parties de boule lyonnaise se déroulant dans un monde parallèle, en silence, les manches retroussées, les hommes ne pourraient en être déconcentrés ou seulement par une boule dégommant l'autre boule, pour aller se placer à deux millimètres du cochonnet, on entendra alors un gars qui l'ouvrira plus fort que ses copains, mais pas trop, pour dire "ouhla !  joli !", c'est ici, que le vogueur épuisé viendra se reposer sur un banc pas loin de "la Coquette", qui comme son nom l'indique est une coquette auberge, quand on passe devant ça sent bon  le thym et l'échalote, surtout l'été, mais  je ne peux rien en dire je n'ai  pas encore testé), là je referme la parenthèse, (vogue off). Laissant grésiller en paix les marrons, pour goûter les bonbecs, j'ai compté qu'avec trois picaillons, on peut obtenir 80 grammes d'un diamètre de huit centimètres de réglisse + une bille de gum au milieu, après une telle dépense je n'oserais pas entamer mon dernier billet de mille pour dilapider des restes (?) de jeunesse dans la bétaillère jurassique où la foule, clairsemée sur les feuilles abattues, attend de faire son baptême, happée par le plus fameux des glyptodons de Lyon, relouqué par qui vous savez.

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Enfin, ce qui est bien agréable à la vogue c'est qu'on s'y trouve tous en vadrouille, un peu comme des stars démodées allant incognito, offrant aux sunlights jaunes et verts  nos mines cadavériques, nos lèvres jaunes et nos dents vertes (juste un sourire pour la photo), stars d'un jour flambant à la roulette le mou avant l'hiver, vivotant au sommet, sans se soucier de savoir s'il existe un autre lieu au monde, la colline valant à elle seule, un hémisphère. Une seule fois dans l'année quand la vogue est de retour les Croix-Roussiens vivant en autarcie au  village, se sentent pénétrés du lourd de ces camions beaux comme des barres de la Duchère branchées sur des prises électriques qui  serpentent de la place par les rues et sur les tapis (introuvables) de la place (des tapis), ils croisent aussi les monstres qu'on ne verra (pour de vrai) qu'à la fin du monde, venus culbuter nos grattons, crapahuter sur nos coussins (ces quiétudes ganachées fourrées d'un filet vert, couchés dans leurs boîtes de velours, à se damner). Quelle pagaille, en nos us et coutumes!  quand, soudain, dans les premières heures, du 5 au 6 Octobre, on regarde les gars de la vogue (de magnifiques garçons) déballer le matos afin de monter les engins, on croirait voir construire une ville, elle se fait en un jour ou peut-être une nuit, sous nos yeux se déroulent des kilomètres de câbles et des kilomètres de rallonges sur le bitume courant dans les rigoles, après on s'y balade comme si tout cela avait poussé uniquement par magie, on est dans la vogue-champignon et les jours qui suivront ça scintillera de partout. Je suppose que la vogue des marrons aurait plu à Andy Warhol, ces objets en série multipliés partout, auraient pu lui souffler de sacrés tableaux, l'Amérique qui se pose là, avec ses boîtes en kit, des bistanclaques qui se perdent au milieu d'une foule, cette année, pas trop dense à cause des restrictions. Ce n'était pas complètement étranger à l'oiseau vogueur, lequel, d'une année à l'autre s'était fait grignoter par un sanglier vogueur, voyez qu'il y a quelque changement, (le lecteur assidû, qui s'y connaît forcément en sanglier connaît aussi son paradoxe, toutefois je laisserai ouverte l'interprétation symbolique pour laisser voguer l'homme et son désir dans l'approximation). Bref, chacun sait que le mot sanglier vient du latin "singularis", (au sens isolé, solitaire "singulier") et que le sanglier est aussi ubiquiste, à vrai dire, je ne sais pas ce que signifie sociologiquement cette raréfaction de l'oiseau vogueur au profit plus imposant du sanglier ubiquiste mais je trouve, ma bonne dame, que c'est pas rassurant et peut-être aussi triste que nous autres les festifs désolants qui picorons nos beignets entre les barrières métalliques du boulevard et les autos méchantes, à se demander encore qui a décidé d'encastrer la vogue sur la place des tapis  où l'on entre enjambant des panneaux et des fils alors qu'une partie du boulevard semble plongée dans le gris, sans doute à cause des travaux, d'autre chose, peu importe, on pourrait être ailleurs, déjà à la périphérie, et ce n'est sans doute pas un hasard de trouver de plus en plus de pigeons moches, mal polis (ubiquistes) gouverner sur la tête de notre vénérable inventeur.

et vogue sur la tête au père jacquard  kb.jpegLe lendemain ce fût la même vogue ainsi les jours d'après telle l'année précédente, malgré une fine pluie, (ce retard coutumier de l'automne), après que le thermomètre eût marqué  26° à l'ombre, sous un ciel mitigé, comme on dit chez nous desfois "ça mouillassait", le gros rire (voguenard ?) du sanglion raillant l'inventeur des métiers m'attira sous un stand abrité, c'était une sorte de vestiaire à peluches (peluchons) encore des pantelantes arachnoïdes à cornes et multipattes difformes (soyeuses ? Je n'ai pas approché), je remarquais juste, que l'une des bestioles tristement pendue par les pieds portait entre les oreilles, un bonnet de lutin indécollable qui ressemblait à un cône de Lübeck, pourquoi, des cônes de Lübeck sur la tête de nos bêtes à la vogue ? Vous me direz! alors que des cornets de marrons seraient plus rigolos ? (Vous remarquerez que l'odeur des marrons grillés peut très vite taper sur le système surtout quand on les cherche), enfin voilà pour l'énoncé d'une vogue aux présumés marrons, nous repasserons, (enfonçons un clou dans ce marron), je subodore que si je n'ai point l'occasion de goûter au seul produit annoncé chaque année dans cette vogue, par cet  engouements précaire qui jalonne les recherches de certains jours, (comme leur façon là bas de fabriquer la barbapapa), ça tournera à l'obsession.

vogua.jpgEnfin, sortant de là, un peu sonnée, seule ou accompagnée, de toutes les façons harassée, je ne rejoindrai pas les copains comme prévu au RV du café du bout du monde où c'était encore convivial de pouvoir causer un brin tranquillement après avoir patassé (comme dit le lyonnais les pieds dans sa bassine de sel) puisqu'ils sont revenus déçus, les copains, de voir le bout du monde remplacé par un bar à bière,  un autre ! dont nous ne pensons à peine moins que rien, le houblon on s'en fiche, au départ on voulait un voyage en ballon de blanc (même de rouge, ô fillette !) avec des cornets de marrons (si je radote, mon lecteur, râle et  indigne toi mais là, minute papillon ! je promets de boucler la boucle et après on n'en reparlera plus jamais), un cornet de rien du tout, pour dire que ce n'était pas demander la lune. Oui, certes, mais il est comme ça le monde, dès qu'on veut quelque chose de simple, même si on on le demande gentiment, ce n'est jamais possible, ou alors ça devient compliqué parce que c'est rare etc... Et s'il faut demain voir en vrai griller des marrons, je serai prête à faire sonner le réveil (sacrilège) vers les 14H00 du matin. C'est vrai qu'à ces heures à la vogue y'a moins de monde. Un tout petit monde, discret , lent, pas  bégueule, du coup ça fait vogue oubliée et certains jours ça paraît bizarrement plus gai bien que beaucoup de stands soient vides, on admire le courage des forains, mine de rien, rude métier !

vogue.jpgEn guise de conclusion (j'ai dit en guise), c'est une bénédiction, pour nous autres gastronomes du plateau, que le citymarché (unanimement fréquenté en colline) ferme ses portes à 21H30,  c'est à dire après la vogue (mais un conseil, allez-y à 21H00 parce qu'après 21H15 les vigiles, qui n'aiment pas voir les gens lambiner se mettent à fouiner dans votre filoche, avec le vocabulaire de Rambo, (surtout un), c'est très laid, mais ce n'est pas à cause de la vogue (très influencée par Rambo également, pas pour les mêmes raisons), donc, le  citymarché, reste un endroit très pratix pour trouver de la vraie crème de marrons Clément Faugier, c'est pas en cornet (heureusement pour les manchons d'hermine de la bourgeoise), mais après ces promesses de vogue aux marrons rarissimes, ça pourra apaiser un peu notre besoin de consolation.

La conclusion, la vraie : à défaut de grives (aux marrons, vogue ! mon pijon) on mangera un merle à la crème de châtaignes. La suite de la vogue une prochaine fois peut-être (avec ou sans marrons, seul ou accompagné, si les petits ânes ne nous mangent pas). la dernière image à cliquer ICI vous donnera l'aperçu vite fait, du sort des animaux de la vogue, sous les yeux de l'enfant tirant pile dans la cible qui s'en retournera, en serrant dans ses bras un authentique Stormtrooper bien utile pour battre les Flogs, les Froschs et neutraliser l'homme vieillot qui cherche avec son groin (ubiquiste) des marrons sous les platanes du boulevards (vogue, vogue !), l'homme vieillot qui ne sait même plus le nom des arbres, ni le nom des fruits qui poussent sur les platanes, qui croit que les marrons tombent tout chauds des platanes et qui pleure et dit à tout le monde que tout fout le camp, et personne ne l'entend, pas une âme ne se lèverait pour lui tendre un cornet, un tout petit cornet de marrons chauds, un cornet de frites à la rigueur, et encore ! ah non, vraiment l'être humain n'est plus ce qu'il était, la fête est triste le monde est moche, on est tous triste on est tous moche. Alors qu'avec un cornet (même tout petit) de marrons chauds, même des châtaignes grillées... suffiraient, suffiront, comme l'écrit lademoiselle Pinturault (que je salue vigoureusement) dans son dernier recueil de poème intitulé "L'hiver des poètes", préfacé par Madeleine Lacroix, (je cite): "Desfois la beauté tient à pas grand chose". Vous pouvez ricaner mais si ça se trouve, elle a raison.

giga night.jpg

 

Lien : oldies but goldies, la vogue 2010, si ça vous dit.

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2010/10/10/le...

 Photos : Boulevard de la Croix-Rousse et un petit peu place des Tapis: quelques vues hasardeuses de la vogue (des marrons) parcourue à pieds, à vélo, saisies de jour et de nuit, + une pensée émue pour l'Auguste Jacquard et son infinie patience. En vrai il ne s'appelle pas Auguste, ni Albert mais je crois l'avoir déjà beaucoup répété, (la vie des blogs tourne comme un manège), pardon au lecteur adoré, puisque tout doit finir par des chansons c'est inécoutable hélas je ne peux y résister, et peut-être que ça fera plaisir à msieur Fernand. (hypothèse hasardeuse j'en conviens)...

 

Lyon Colline © Frb 2012

jeudi, 14 janvier 2010

La rue de nuits de nuit...

Dans la nuit
Dans la nuit
Je me suis uni à la nuit
A la nuit sans limites
A la nuit

HENRI MICHAUX : "Dans la nuit" in "Plume". Edition Gallimard 1963.

De nuits4.jpg

 

"L'Aru denu ivud enui : petite musique  d'INUIT
podcast


Rue de nuits = le S a son secret qui vous glacera le sang ➞ ICI

Ouïr le son de la nuit ➞  HERE

Photo : Deux nuits . Lyon, Croix-rousse. 2009.© Frb.

 

lundi, 05 octobre 2009

Flash in the night

22 secondes de tournis


mercredi, 09 septembre 2009

Lucien du plateau

Comme un mercredi

croix rousssien.JPG

Le "typique" Croix-Roussien du mercredi semble toujours en vacances.  Mais je n'aime pas le mot "typique", ni le mot "atypique" d'ailleurs, (nous reviendrons sur le sujet peut être un jour)... Le Croix-Roussien "né "ou de forte adoption, connaît chaque comptoir comme sa poche, chaque banc du boulevard, ayant usé jadis ses fonds de culotte, en se laissant descendre comme j'te pousse, sur les rampes d'escaliers de la cultissime Pouteau. Allant toujours à pieds, parfois à bicyclette, et abonné au 6 pour le principe. Plus tard, toujours en bras de chemise, jeune homme un petit peu raboulaud, bourru juste ce qu'il faut, rigolard (comme sa boule), un brin coquin, pudique assez, (comme tout lyonnais qui se respecte dit-on), on le retrouve, avec les copains, bras croisés au milieu de la Jacquard et refaisant le monde. Toujours prêt à retarder la fermeture du Jutard ou de la Soierie avec la politique, "Les politiques, tous des guignols !", des séries d'histoires savoureuses (avec ou sans calembours), ou des souvenirs du temps des marrons de la vogue, tandis que la femme du Gaby lui rechanterait "emmène moi danser ce soir", encore mieux que la vraie, un sacré coffre pour une si petite bonne femme. Le Croix-Roussien à l'ancienne, est villageois, bouliste (ça !), il attend la saison de la vogue même s'il trouve que les gaufres ont pas le même goût qu'avant, même s'il déplore. Oui il déplore des tas de choses. Mais à quoi bon ? Il finira sa phrase par : "qu'est ce t'en dis ?", "que veux tu !". Le Croix-Roussien du mercredi il est déboussolé depuis que la boulangerie de la rue d'Austerlitz a changé de propriétaire, il y a bien des années, mais Lucien ne s'habitue pas. Il aimait tellement la serveuse, la fille aînée du boulanger. Sa petite folie... (Mais rassurez vous, les amis, je ne vous referai pas le coup de la Pomponnette ni de la femme du boulanger version "quenelles" à la sauce mère Brazier, non, pas encore.)...  Donc, la serveuse elle lui disait en sortant comme toujours les deux pains d'un kilo, et de quoi mettre sur la balance au moins deux cent grammes de chouquettes au sucre : "Alors,msieur Lucien ! ça sera comme d'habitude ?" Il souriait exprès parce qu'elle lui rendait toujours le sourire en même temps que la monnaie. Et quand elle lui souriait à lui, Lucien rajeunissait de vingt ans, et après, sur le chemin du retour, il se sentait comme Jean Gabin (evidemment, dans "Quai des brumes"). Desfois, il se faisait beau exprès, pour le plaisir de plaire, la chemise bleue azur, assortie à ses yeux, il ajoutait alors, une petite touche de senbon, celui pour les grandes occasions, le sien, "brut de Fabergé" et mouillait bien son peigne pour faire un effet gominé comme Jean Gabin encore mais dans "Le cave se rebiffe", ça lui faisait des effets de stries et un cran formidable dans les cheveux, il aimait bien. Alors il marchait tout doucement, savourant au printemps les glycines abondantes glissant aux portes des jardins ou l'automne, accueillant, débonnaire, la rousse voltigeuse posée comme un gros papillon sur sa chemise bleue. Et il allait s'en jeter un, à l'angle, Denfert-Rochereau-Gorjus, pour se donner du courage, il croisait les copains en train de taper les cartes chacun avec sa fillette de Saint Jo. Les copains lui disaient "Dis dont Lucien t'es drôlement beau, tu vas à la noce ?" ou d'autres plus familiers, lui balançaient, hilares, une grande claque sur l'épaule avec leurs grosses mains larges comme des palettes, "Mais regardez moi ça, le Lucien qui s'est mis sur son 31, alors Lucien ? C'est le grand jour ?", Lucien riait à pleine dents et ajoutait mi-heureux mi-penaud :"taisez vous dont, bande de couillons". Un jour, par la faute au "Rasteau-prestige", il avait parlé de la serveuse, à tous les bougres du bistro. Oh trois fois rien. Deux petites coquineries, juste une fanfaronnade, mais correcte, pas de quoi faire des ragots. Il s'était vanté de faire tomber la monnaie exprès à la boulangerie d'Austerlitz, et d'avoir mal au dos exprès, juste pour voir la vendeuse venir de son côté et se baisser exprès. Là il avait encore dindonné, avec une voix grave, roulant ses yeux comme le pompon d'un "manège à lui" bleu, du privilège d'avoir pu contempler les cuisses de la fille de la boulangerie d'Austerlitz, "les plus belles de toute la région". Il avait détaillé un peu le bout de culotte une fraction de seconde aperçue, "une culotte toute en dentelle, ah cré vindieu, les gars !"... Alors, les jours suivants à la boulangerie d'Austerlitz, il y avait eu un drôle de défilé. Les gonsses de la bande du bistro, un à un ou par deux, étaient tous allés chercher le pain là bas, en plus très croustillant, le pain, et la serveuse bien davantage, tous un par un ou deux par deux, avaient fait tomber leur monnaie, à qui mieux mieux, l'un feignant une luxure de la hanche l'autre tirant la patte comme un grand blessé de guerre et la serveuse, jolie comme un coeur, serviable, à souhait, vingt ans à peine très charitable, fit alors quelque gymnastique en toute ingénuité, pour ramasser les pièces de ces messieurs, tandis que les gognands filous, fiers comme la Baraban, se rinçaient l'oeil abondamment. Mais quand la chose tourna en habitude, Lucien mit de l'ordre dans tout ça. Et comment ! La serveuse, on n'y toucherait pas ! Le poing avait pété bien fort au milieu de la table. La voix avait tonné. Et quand Lucien tonnait cela faisait bien plus d'autorité que les sermons réprobateurs du père Panier à Saint Bruno. Lucien savait comment se faire craindre. Il était droit. Il aimait l'ordre. Et c'est pour ça. Parce que très droit, qu'ici on respectait Lucien.

Au fond Lucien, il regrettait. Il aurait bien aimé être comme Jean Gabin (mais dans "Touchez pas grisbi". "ah ça oui !")... Comme Jean Gabin quand il enlace la secrétaire. C'était comme ça qu'il voulait faire avec la petite serveuse de la boulangerie d'Austerlitz. Mais Lucien avait des principes. La probité toujours. Le dimanche, il jouait aux boules avec le père de la gamine. Il s'était dit : "ma foi ! ça serait quand même dommage de trahir un copain, de salir la Croix-Rousse pour une tocade sous un napperon de dentelle". Il continua à courir au pain et sans rien faire, ni laisser paraître son béguin, il goûta gentiment à ses deux minutes de bonheur, un salut quotidien. Desfois le moral ça tient à rien, à presque rien. Puisque Lucien, même en costume, n'était pas Jean Gabin. Il avait pour lui ses yeux bleus à glisser doucement dans les yeux gris, à reflets mauves de sa serveuse. Deux superbes minutes par jour, ce "presque rien" tenant le fil des autres jours...

Le temps passa. Un jour, le boulanger de la rue d'Austerlitz, mit une affichette en vitrine : "changement de propriétaire". Et pour Lucien, ce fût l'apocalypse. Un autre boulanger s'installa, avec une autre serveuse. Le pain était moins croustillant, la serveuse quoique pas vilaine, n'éveillait pas le quart de l'ardeur que Lucien ressentait pour l'ancienne. Mais vint une toute autre blessure : chaque jour, au lieu du doux de la précédente serveuse "Alors msieur Lucien ? ça sera comme d'habitude ?" la nouvelle lui demandait sèchement : "Et le petit monsieur qu'est ce qu'il veut ?". "Petit monsieur !" jour après jour, de quoi détruire un homme. Et cette façon de s'adresser aux gens à la troisième personne du singulier ! "non mais vraiment !". Alors il répétait mollement : "deux pains d'1 kilo, et deux cent grammes de chouquettes"... Le fait de répéter mollement, jour après jour, lui fît sentir le poids du temps, tous ces kilos de pains mangés, que de chouquettes en une vie ! toutes ces années déroulées, sans souci, en croustillant. Et la nouvelle serveuse revenait au pas de charge, cassant encore la rêverie du vieil homme qui n'en pouvait plus de souffrir pareillement. "C'est pour manger tout de suite ou il veut un petit sac ?". Lucien toisait la nouvelle serveuse, blanc comme un mort : "Manger tout de suite deux pains d'un kilo ! Lucien, il veut pas qu'on l'emmerde, un point c'est tout". Lucien rongeait son frein, poussait son coup de gueule dans sa tête puis muet, il prenait la porte, la mâchoire rentrée presque dans les épaules, homme lapidé, réduit déjà par l'ordinaire ritournelle, chantée sans coeur, sans la moindre considération ni pour le pain, ni pour les gens. Lucien sortait digne pourtant, déchiré en dedans et chaque jour lâchant un austère :"à demain mademoiselle", rêvait d'une vengeance prochaine. La réponse du berger à la bergère serait terrible. Un jour viendrait. "Qui sème le vent, récolte la tempête, ils verraient bien"...

A partir de la date du changement de propriétaire, Lucien porta sur son dos, tout le poids de la colline. Mais sa peine s'étendait bien au delà. Aujourd'hui Lucien n'allait pas. Il n'allait pas parce que plus rien n'allait dans ce foutu quartier. Comme si des bouts manquaient, et qu'à la place, toutes ces nouveautés, agrémentaient d'une béance, le désert qui avançait. La révolte s'esquissait mentalement ou sur des coins de nappe. Il n'aimait pas les nouveaux réverbères de l'esplanade du caillou. Cette esplanade, ces réverbères  "c'est du n'importe quoi !". Il n'aimait pas la nouvelle boulangerie, une autre encore, qui venait d'être rénovée pas très loin du métro. Pourtant irréprochable. avec des serveuses très aimables, mais on entrait et on se gelait dans l'air conditionné, déjà, une façade de laboratoire d'analyse médicale, c'est triste, mais une boulangerie chirurgicale, qu'en penser ? Lucien disait "Bientôt ils s'habilleront tous en cosmonautes pour nous servir du pain". Il n'aimait pas non plus  les nouvelles chaises du café de la soierie, de ces chaises qu'on voit dans les catalogues norvégiens, avec des couleurs de cafards, cette mode de repeindre les murs, le mobilier en marron chocolat."Vert pistache et marron chocolat après "saumon" manquait plus que ça ! Elle est triste la jeunesse !". Il n'aimait pas les guirlandes de Noël toute l'année, à la terrasse du Chantecler. Comme si la vie entière était une veillée de noël "on nous prend pour des... On n'est pas des...". Il n'aimait pas ces landaus à deux, voire trois places ralentissant le pas sur le marché, une recrudescence de jumeaux, de triplés, "Il doit y avoir des trucs dans l'air, des OGM, des hormones, ché pas quoi !" et Lucien marmonnait sa guerre contre la vie de maintenant tout en marchant. Marcher c'était son vaccin contre la rage. Un remède pour ne pas imploser. Il coléra encore dans sa tête, à propos des barottes à deux, quatre, même six roues ! les nouvelles, en plastique transparent ou style sport, toute cette laideur pratique remplaçant l'émouvant panier en osier, des charmés de conille, l'épatante filoche souvent effilochée. Et puis il alla à son bistro de l'angle Denfert Rochereau-Gorjus, il ne le trouva plus. C'était devenu un restau très joli, excellent, oui, sûrement, avec un chouette nom bien de Paris, "les enfants du Paradis" ça s'appellait. Mais, là non plus, une fois encore, ce n'était pas un coin pour lui. Là, ne se trouvaient plus ni son enfance, ni ce qu'il cherchait du paradis. Au menu, pourtant papillants ces "délices de noix de St Jacques saupoudrés au curry sur le nid de fraîche coriandre ". Cette fois, c'était fini. C'est pas là qu'il serait le roi, du graton, du tango, des fanfaronnades. Ici pourtant, il y a peu, il avait battu le Roger au 421, siroté le kir à la framboise, dansé avec la grosse Simone sur un air de Léo Marjane. Il resta  longtemps devant l'enseigne, son ancienne deuxième maison dont il oubliait déjà l'ancien nom. "Les enfants du paradis rue Denfert... Fallait oser quand même", pensa Lucien. "Y'a encore des jeunes qui ont de l'humour sur cette terre"... Puis il visa, un autre paradis sur terre, cette chose à lui, les lampions de la "Gargagnole", Ozanam, plus haut que les cieux, mais peut être, avant, il irait goûter le Mâcon blanc, à "La crêche", ou une autre petite folie : un flan phénoménal, une meringue géante à la boulangerie pas bégueule sur le boulevard, près de l'antiquaire. Gargagnole pour la bonne bouche. Il rêva très longtemps, à sa petite boulangère perdue, dont l'image s'effaçait à mesure que ses lèvres radotaient des prénoms de copains, de vieilles maîtresses, de rues, numéros du loto, tiercé gagnant, tout dans le désordre. Les souvenirs allaient, venaient de la dentellière chouquettée d'Austerlitz, au damassé soyeux à trabouler tout en flottant. Et cela  s'esquivait doucement au passage des 4X4, entre les bruits furieux de klaxon d'un commercial embrigadé dans une auto (la fameuse citroën CX break), et des fulgurantes mobylettes de Pizza vit' (24H/24/ 7J/7). Il pensa aux cochers, aux diligences, à la statue de l'auguste Jacquard, aux jambes de la Guiguite réinventant tout en même temps les folies bergères du Grand Lyon et les grandes heures du tango de la Scala de Vaise. La Guiguite saôule à rouler par terre, fêtant toute la nuit, la pluie sur Tabareau, juste à cet emplacement précis où il y a maintenant la vespasienne et deux monumentales poubelles sphériques, qu'on a scellé ici pour sauver la planète. Il pensa à la femme du Gaby quand elle chantait Georgette Lemaire, "le coeur désaccordé" au café du marché. Aux bugnes toutes molles qu'on vendrait ce printemps dans des barquettes à Monoprix. Il passa rue Villeneuve, où un groupe sympatoche de jeunôts à casquettes rejouaient Caussimon façon rock à l'accordéon. Il regarda le pli parfait de son pantalon, ce tergal amidon tombant sur la basket, des pieds très étrangers aux siens, qui pourtant le trimballaient partout. "C'est des trotters" avait dit la marchande de la "halle de la chaussure", "des trotters à 35 euros !", il n'avait pas osé dire non. Et tandis qu'un solo de guitare wha wha, débridait Caussimon, il regretta le croustillant de ses chouquettes qu'il mangeait à moitié sur l'étoffe, à moitié sur un bout de banc, son Austerlitz perdu. Il regretta ses mocassins cirés qui croustillaient naguère sur les pavés, sur la terre de la grande place, chaude et sablée comme un gâteau. Il s'aperçût que même sa nostalgie manquait vraiment d'allure. Le coeur n'y était plus. Il comprit en marchant tout ce qui n'allait plus. Au son que faisait sa chaussure, trop discrète, écrasée, par le bruit des voitures. Désolant brouhaha coexistant mine de rien avec tout un feutrage généralisé, un calfeutrage, on dirait presque. Il comprit que le drame était peut être là : plus rien ne croustillait. Ou plus personne. "ça devait venir de ça, sûrement"...

Il tenta de marcher plus fort, d'appuyer mieux son pas, pour que le trottoir fasse corps avec le son de ses souliers. Il marcha sur les bords, dans la terre, partout où il pouvait. Il marcha désespérément, jusqu'au soir. Il voulait entendre la terre qu'il foulait, se sentir là, présent, en vie, lui, le Lucien, Le Lucien du plateau, en particulier. Mais quelquechose l'en empêchait, un puissant calibrage brouillait l'émission de son pas, absorbant tout autant le mouvement que le sens des prochaines balades. Une matière du dernier cri dans la semelle.

Nota : Toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé ne serait que pure coïncidence. (A l'exception de quelques unes peut-être...)

Photo : Lucien (du plateau), marche et cogitations. Boulevard de la Croix-Rousse côté Mairie entre caillou et Tabareau. Pris en filature à vélo, un mercredi de septembre 2009 à Lyon. © Frb

dimanche, 31 mai 2009

Comme un dimanche avec Melle Branche

melle branche A.jpgC'est sur le Boulevard de la Croix-Rousse au milieu de l'après-midi, que nous retrouvons l'héroïne de nos dimanches, au patronyme si Alcestien : Melle Branche. (Souvenez vous, cet hiver elle faisait son marché place Wilson en tâchant de ne poser sa canne qu'en de savants calculs), nous l'aperçûmes, (depuis elle a changé de coiffeuse), un autre dimanche, sur la presqu'île devant le magasin "Jolidon"). Avec les beaux jours, elle a chaussé des souliers confortables. Elle a marché longtemps afin de rejoindre la colline et puis sur le boulevard, elle a enfin trouvé son banc pour lire un peu à l'ombre sous un arbre. Le boulevard a cet avantage de ne pas avoir omis les bancs. Il y en a partout, près du café de la Mairie, devant la mairie, devant le square (Bernard Frangin), mais elle, elle préfère s'éloigner un peu là où il y a encore des arbres, des vieux, dans la direction des Charteux. Et la voilà, tranquille, face à la pharmacie elle lit l'ouvrage "Comment rajeunir" du Docteur HELIAN JAWORSKI (Un livre prêté Melle Lacroix, "un livre qui s'appelle Revient", a cru bon de préciser Melle Lacroix, qui ne prête que rarement ses livres...). Melle Lacroix, après avoir lu ce livre, c'était incroyable ce qu'elle avait rajeuni ! "c'est un "livre-miracle", écrit par un "docteur miracle", ça donne beaucoup d'espoir" avait dit la Denise qui avait été la première à l'acheter après avoir assisté à une conférence de connaissance du monde où le Dr HELIAN JAWORSKI avait causé des heures durant. La Denise aussi, elle avait rajeuni. Melle Branche ne voulait pas que ce soit dit. Ce n'est pas qu'elle aimait lire, elle préférait parcourir des revues comme "Nous deux", ou faire des jeux , mais surtout elle voulait connaître le secret, savoir comment on fait, ce que ça fait. Elle voulait rajeunir. Doucement elle mit ses lunettes, l'ouvrage datait de 1929. Elle se demanda quel âge, avait aujourd'hui le Docteur JAWORSKI.

"L'Homme devait donc atteindre 140 ans. Cette loi n'aurait rien d'absolu puisque certains individus sont arrivés à 150 et même 160 ans ainsi que le célèbre physiologue HALLER au XVIIIe siècle, en rapporte des cas. Celui ci professait du reste que l'homme devait vivre jusqu'à 200 ans."

Melle Branche resta longtemps sur le chiffre 200. 200 ans ! évidemment ça changeait tout ! elle pourrait passer son permis de conduire, apprendre à aller dans les internettes et même faire un emprunt pour acheter sa maison... En parlant de maison, il était déjà plus de 16H00, et sa belle soeur la Marinette devait lui amener tout un tas d'affaires à retoucher, "on peut pas rajeunir et coudre" pensa t-elle... "c'est bête, je n'aurai pas le temps"...

Au loin elle entendit le bruit, ce grincement familier d'une barotte qui trainaît toujours derrière sa belle-soeur : "Ah tiens voilà la marinette" se dit melle Branche dans son for intérieur. Puis elle referma son livre tristement.

Photo: Mademoiselle Branche sur son banc. Vue Boulevard de la Croix-Rousse à Lyon, ce dernier dimanche de Mai 2009. © Frb

lundi, 18 mai 2009

Blues rouge

"Ouvrez moi cette porte où je frappe en pleurant."

GUILLAUME APOLLINAIRE in "Alcools". Editions Gallimard 1971.

rouge.JPG

La petite épicerie était fermée ce lundi. J'avais perdu les clefs de chez moi. J'étais fermée entre deux mondes. Je me languissais de l'épicier et puis surtout, j'avais la dalle...

http://noniouze.blogspot.com/2009/05/dalle.html

"Tango from Force of circumstance"

podcast


Photo : Petite boutique fermée le lundi. Vue quelquepart près de la rue  du chariot d'Or, sur le plateau de la Croix-Rousse.

 

Lyon © Frb 2009

vendredi, 15 mai 2009

C'est pas rose tous les jours !

Une image juste.

vieille.JPGDans un pays qui ne l'est pas.

Seule la barotte à deux roues semble rose chez cette vieille dame, qui, à la fin du grand charmé (de conille), effectue son petit marché "off". Un petit marché de rien du tout...

Cela s'appelle le système D.

Ici devant une cagette d'oranges espagnoles elle hésite, prend le temps de choisir. Ce sera au moins ça de pris. Au moins ça que les poubelles n'auront pas. Il suffit juste de se baisser. Il suffit juste...

se baisser ce n'est pas interdit
N'est-on pas en démocratie ???  Hum ? ....

Photo : La fin du marché. Vieille dame faisant ses courses sur le boulevard de la Croix-Rousse à Lyon. Mai 2009. © Frb.

mercredi, 18 mars 2009

Métamorph'ose

Comme un mercredi

"De mon village je vois de la terre tout ce qu'on peut en voir
De l'univers...
C'est pour cela que mon village est aussi grand qu'un autre
Pays quelconque
Parce que je suis de la dimension de ce que je vois
Et non de la dimension de ma propre taille"

FERNANDO PESSOA  in "Le gardeur de troupeaux"  VII.  Extr. "Le gardeur de troupeaux et autres poèmes d'ALBERTO CAIERO" traduction d'Armand GUILBERT. Editions Gallimard 1960

métamorph'ose4_2.JPG

Toujours plus haut ! le graffeur "OSE" (que l'on suit fidélement depuis ses timides débuts) grimpe aux arbres du côté de la rue Jacquard, et se paye un quartier d'orange entre l'ancien et le nouveau. A noter qu' "OSE" s'affirme de de plus en plus rondement, en grossissant au fil du temps. "Magicien D'OSE" ? ... Où s'arrêtera -t-il ???

Je dédie ce billet à Laurence qui m'a glissé la "bonne chanson" :

http://www.dailymotion.com/related/x32tyl/video/x32nwb_so...

Histoire à suivre...

Quant à FERNANDO PESSOA osant moults hétéronymes, nous en reparlerons bientôt, plus en détails dans quelques jours...

Photo : Un monde osé comme une orange ? Vu sur le beau plateau de la Croix-Rousse à Lyon. Mars 2009. © Frb

vendredi, 06 mars 2009

Boulangerie - Tapisserie

la boulangerie fait tapisserie.JPGLa boulangerie fait tapisserie les jours de fermeture.

Photo: Vieux monde et nouveau monde exposés en remix, sur une ancienne façade de la colline travailleuse. Quand la rue des Pierres-Plantées se prend pour le Bronx, mais ne mène pas ailleurs qu'au Boulevard de la Croix- Rousse, sans ses bruits de métiers mais encore sous la protection de feu l'inventeur Jacquard (en statue), d'un vieux manège, d'un gros caillou. Le tout hors champ, vous vous en étiez aperçus, j'espère... A découvrir toujours tout droit et toujours en montant... Lyon, mars 2009 © Frb.

lundi, 09 février 2009

Comme un lundi ( place Tabareau )

tabareau.JPG

Place Tabareau : le lundi est comme un dimanche. Et le dimanche, comme un mardi qui ressemble presque au mercredi qui s'annonce comme un vendredi avec de grands airs de samedi. Et puis après, ça recommence : la semaine des quatre jeudis. Avec la boule au singulier à quelques centimètres du pied, ou longtemps réchauffée dans la paume. Qu'il neige ou pleuve, rien n'arrête le bouliste de Tabareau (ou du clos Jouve), homme de terrain, traçant des cercles du bout de son soulier. Quotidiennement accaparé, qu'il brume ou grêle, il se pose là, en bras de chemise, sur ses terres réservées, pendant que les autres sont à la vente dans des locaux surchauffés à 25° ou consument leur vitalité (Zut, je vais encore me faire des ennemis), en chemises rayées, cravates unies (et réciproquement), au magasin Zilli, ou devant des écrans d'ordinateur dans l'air climatisé d'une banque, évaluant des devis ou le nouveau tarif de la carte "Bang bang"... Que savent ils de la vie ? S'ils ne savent pas faire rouler dans la terre des villes, la grosse boule argentée plus rutilante, plus scintillée que celle des boîtes de nuit ?

Chaque jour est une fête. Chaque jeu, une petite oeuvre désirante du corps et de l'esprit, le seul "travail" qui aurait dû se concevoir pour l'homme, dans la continuité des jeux d'enfants suivant l'évolution logique des billes; où le cancre aurait son bon droit d'être aussi bon, voire meilleur que les autres. Bon ou pas bon, quelle importance ? Puisque ce n'est qu'un jeu... Et la bille grandirait, et la cour de récréation monterait au plateau, pour cette promotion suprême : devenir boule à Tabareau. Et le petit garçon troquerait son fond de culotte contre un bras de chemise, des bons godillots, parce que les boules c'est beaucoup d'allers et venues, un labour inutile laissant mille traces au sol, diffusant les bruits graves, un peu sourds mais toujours cliquant du métal de la ronde amie qui expire après haut vol. Et le bouliste de Tabareau, même s'il n'aime pas être déconcentré, il aime bien, je crois devenir cet acteur que les filles regardent, quand elles promenent leur chien, juste derrière la haie, et jettent un oeil discret au joueur, (son héros), dont le modèle de lundi aurait dû être adopté depuis des lustres par tous, comme une voie royale visant au bonheur de l'humanité. Quoique là vraiment... J'émets quelques réserves, car la boule lyonnaise n'ayant toujours pas réussi à opérer une fusion convaincante avec la starissime pétanque, je ne doute pas qu'elle aurait aussi refusé le projet -voie royale- même au nom du bonheur universel. Décidément, la boule est buissonnière d'esprit, c'est bien là son secret. La boule n'est pas une voie royale. Elle ne le sera jamais. Mais ses lundis s'en vont pointer de façon si voluptueuse, qu'on serait tenté de penser le contraire...

Et pour varier les perspectives, je vous invite à découvrir, une rêverie issue des "Chroniques du sud," que Ficelle nous a gentiment communiquée en direct de son terrain de jeu préféré. Quelques regards croisés, non prémédités, sur nos amis joueurs de boule et de pétanque : De "L'Expérience du désordre à "Certains jours", le chemin mène toujours au boulodrome. Ce beau récit sur le jeu de pétanque, est vivement recommandé par la maison, et se lit sans modération :

: http://lexperiencedudesordre.hautetfort.com/archive/2008/08/03/c-est-un-joueur-de-petanque-dit-elle.html

Retour à Lyon sur billet du même thème à quelques variations près :

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/01/27/ep...

Photo: La place Tabareau à son apogée + six légendaires boules lyonnaises vues de près + quatre pieds de bons joueurs. Photographiés un lundi sur le plateau de la Croix-Rousse, en parallèle du grand boulevard et pas très loin de la mairie. Lyon. Février 2009.© Frb

vendredi, 30 janvier 2009

Les pavés parlent aux oiseaux...

"Commence par faire le nécessaire, puis fais ce qu'il est possible de faire et tu réaliseras l'impossible sans t'en apercevoir"

SAINT FRANCOIS D'ASSISE

les pavés parlent aux oiseaux r st frçs d'assise.JPG

Les pavés parlent aux oiseaux... rue St François d'Assise.

A découvrir par la voie buissonnière : O. MESSIAEN et les oiseaux :

http://www.youtube.com/watch?v=3hYQHfBIwLI&feature=re...

Photo: Les pavés de la rue St François d'Assise sur le plateau de la Croix-Rousse à Lyon. Foulés le 30 janvier 2009 © Frb

mardi, 06 janvier 2009

Sur la route de Vaise...

En chantant la "COUZONNAISE"...

sur la route de Vaise.JPGDe la colline de la Croix-Rousse, par temps de neige... On peut prendre la luge à partir du Parc Chazière et se laisser glisser tout droit. Normalement on arrive droit sur Vaise et en traversant le pont, on tombera bien sur un petit bistro de Vaise (en chansons évidemment), où l'on trouvera le nécessaire pour bien se réchauffer...

Photo: Colline de la Croix-Rousse. Vue rue Henri Gorjus, une bien ancienne publicité du cep qui émerveille. Frb©.

jeudi, 06 novembre 2008

happy house

palisss.jpgmagnific palissade.jpgUne petite suite, toujours signée "Evock" (semble-t-il) couvre la palissade en bois d'une maison (magasin ?) de la rue Vauzelles sur le plateau de la Croix-Rousse à Lyon. On ne peut s'empêcher de penser aux freaks de Crumb CLICK dessinateur prolifique qui accompagna la vague hippie dans les années 70 's (sauf que ces graffs là, sont loin d'être hippies). On pense aux tracés sinueux des représentations de Ganesha CLICK, on pense à l'art aztèque, aux incas CLICK, aux personnages un peu rock de certaines pochettes vinyles du style: Zappa période " The grand Wazoo" CLICK , "Cheap thrills" HERE de Janis Joplin... à COMBAS et à Di-Rosa.  Les références ne manquent pas pour cette création très originale vouée à disparaître dès que tombera la palissade. (A noter que l'artiste, respecte scrupuleusement la rouille de la gouttière comme le notait très justement  Alex, et pour mettre en valeur ses nombreux personnages, a préservé intact le beau gris perle du pilier comme un élement nécessaire de contraste. Deux soins particulièrement subtils qui forcent l'admiration et nous laissent deviner que le graffeur a quelques connaissances en matière de beaux-arts ...

Une autre "capture" de palissade très artistique aussi, signée "Eskimo 08" est à découvrir  sur le blog de kl-loth CLICK HERE . Il semble que c'est bien la même palissade mais à peu de temps près, pas du tout le même artiste, quoique... Histoire à suivre donc, certains jours ici et là bas, sur le blog Daily Life...

Musique à écouter ICI par les mises au parfum croisées de gmc au pavillon de certains jours ...

samedi, 19 juillet 2008

Ailleurs...

ailleurs2.jpgON S'EN VA AILLEURS ...La possibilité d'une forêt, à chacun son ailleurs ...
Je vous retrouverai peut être là bas, peut être pas, c'est la déesse L. qui décide...Blog en partance ...On reviendra.