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mardi, 28 août 2012

On rentre à la maison

Si la maison vous déplaît, en un clic dans l'image tout peut se remplacer.

 

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About the obsolescence :

On ne va pas éternellement s'encombrer de rêvasseries. J'efface donc le trait d'irréalité  et ni vu ni connu le remplace, biffant du même coup la vacance, le courant de rentrée ne s'y prête pas.

A noter qu'il y a peut-être une certaine audace dans l'architecture aiguepersironne qui saura naître, demeurer, disparaître sans l'assentiment de notre regard.

C’est ainsi que, selon l’opinion, ces choses se sont formées et qu’elles sont maintenant et que plus tard elles cesseront, n’étant plus entretenues.

 

Eclairages : http://www.fabula.org/actualites/parmenide-le-poeme-fragm...

Repérages : merci à Paul et Raidi pour.

Photoon the Aigueperse's road, made in Nabirosina.

 

Aigueperse © Paul-Raidi pour-Frb 2012

vendredi, 24 août 2012

Prélude à l'effeuillement

EFFEUILLEMENT  nm. (è-feu-lle-man, ll mouillées) : État des arbres dépouillés de leur feuillage ou qui s'en dépouillent.

Dictionnnaire de français Littré. (Voir "Effeuillaison"/ Effeuillure/ Effeuiller/ Effeuillé (ée)/ Effeuilleur (euse)/ Effeuillage/ Effeuliaison...

feuilles eros.jpg

Les doigts de la demoiselle prolongeant sa vacance goûtaient les plaisirs simples à la campagne sous des gants végétaux si délicatement ouvragés qu'une paire tenait dans une noix. Sa main blanche s'effilait, laissant à l'amant le don de deviner les secrets de son coeur, par un simple baiser déposé sur une ligne, il pouvait lire en elle comme dans un livre. Le Marquis traversa ainsi des continents approchant l'Amazone qui n'était plus très loin. La phyllomancie révélait dans les volubilis une prolifération vouée au sacre d'un noyer vivant sous le soleil. Le Marquis cherchait l'ombre en effeuillant des pétales pour affiner des joies qui n'étaient plus de son âge. La fin de l'été nourrissait un empire érigé en fadaises, la demoiselle musardait sur des  feuilles volantes qui seraient balayées dès Septembre. Quand tous rentraient des plages, le Marquis sortait de terre exaltait le vent frais qui porte l'oisiveté avec le goût d'adorer sans dommage la première promeneuse à portée. Cela au moins, offrirait de quoi engranger pour l'hiver. Il faisait le plein d'images bercées par un feu tiède qui feutrait les nouvelles du monde, favorisait l'effacement des faits divers, repoussait au néant le partage des affinités spirituelles, en trois mots, cela le rassurait. Enfin, dans la dispersion volontaire de tous ces sentiments, la peine semblait moins souveraine.

feuilles tendres.jpg

Le marquis apprenait à vivre. Il comprenait tardivement ce qu'il fallait fouler de cailloux pour accepter les réjouissances sans faire peser le poids de ses défuntes amours dans les bras de ces débutantes, puisqu'il faut bien se dire, que rien ne dure toujours, pourquoi se montrer tel que l'on croit se connaître ? De quel droit confier à des intruses des choses si chères de soi qui ne les intéressent pas ? Le Marquis répudia. Il leur disait allez ! allons ! laissez-vous faire !". Sitôt dit, sitôt fait. Ce qu'il devait détruire de chemins pour en préfacer un nouveau, lui donnait le vertige, mais cela n'était pas à l'ordre du jour, il n'y aurait plus assez de temps pour se perdre à rêver sachant qu'un seul amour ne pourrait entièrement contenir le paysage. Le paysage était sans fin, il s'y creusait chaque jour de nouveaux souterrains. Des sortes d'oubliettes, on dit qu'un peuple muet tentait en vain de remonter à la surface, accroché à ces lierres, des milliers de rongeurs, des taupes glissant par des galeries jusqu'aux jardins et ces mines dolentes qui ramenaient leurs plaintes parmi les fleurs mettaient trop bas les coeurs. Les feuilles s'embarbouillaient, c'était la fin de la vacance, la forêt retournait aux légendes, les amants désireux d'en découdre se laissaient emporter par des trains. Ca demanderait un autre tour de main de s'éloigner avec indifférence.

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L'excellent savoir faire du Marquis tournait les esprits de la belle dont la figure s'étonnait de trouver encore des pages vierges à ce chapitre, qui se parerait d'enluminures, au fil du temps, ces petits ornements serviraient à cacher ce qui manque. La profusion des mots ne raconte que cela. Il y avait sans doute un abîme entre une feuille blanche et une page inachevée. Entre deux, des chapitres oubliés avec des personnages tels des accessoires, des potiches ou des plantes... Le Marquis n'en parla jamais. Peu importe, à cette heure la belle n'y songeait pas. Ils acceptaient tous deux cette part de jeu sans avenir. Le Marquis chuchotait quelquefois des poèmes à la belle, il piochait dans  l'Arthur disait d'un air modeste : "c'est de moi, je l'ai écrit pour vous". Ca manquait d'envergure. Les cheveux du Marquis et sa peau sentaient le parchemin, une odeur agréable mais qui ne va pas avec l'amour. Elle songea au mucus des lamproies, à leurs dents qui râpent la peau douce, aux hommes en habits verts qui se disent immortels semblent traiter les mots beaucoup mieux que les muses. Pourquoi ces rêveries sont-t-elles si "tue l'amour" quand tout ce qui s'écrit implore le contraire ? On ne sait pas. La migraine eût bon dos, ainsi que l'ambroisie. A part ça, ils aimaient végéter ensemble.

feuilles r.jpg
On compterait encore deux cents lignes à écrire. La guimauve infusait dans la tête d'un poète qui passait ses nuits sous les poutres d'une grange, à relire - autre délit de fuite au hameau des Moulins - il recopiait les vers décrivant le vrai deuil d'un faux Marquis croisant une sauterelle à la cuisse légère, il faudrait rendre les deux personnages émouvants. C'était un roman de commande, de l'eau de rose pour les gares, un récit qui donnerait peut-être vingt épisodes d'une saga télévisuelle joués dans des costumes d'époque, avec des vedettes en capelines, vertugadins, des vieux acteurs portant le brocart ou ce serait un conte provincial, un recueil de légendes ânonnées par l'idiot revenu au pays, répéter à voix basse les cris des villageoises qu'il savait parfaitement traduire. Elles aimeraient toujours qu'on leur souffle des histoires dans l'oreille. Il agitait les feuilles comme ces grelots que l'on faisait tinter jadis au bercail sur de grands lits rouleaux. On raconte ces histoires avant de s'endormir avec de l'eau si rose, qu'après les cruches font mieux le ménage. On le dit. On dit aussi que dans leurs rêves, parfois les demoiselles lancent des messages qu'elles enferment dans des bouteilles et jettent au lit de l'Amazone. - De l'Amazone, vraiment ? Parfois, on peine à croire...

A suivre, peut-être...

 

 

Nota : Pour agrandir les feuilles, il suffit de les chatouiller gentiment.

Lien : Pour la question élémentaire vous trouverez peut-être la réponse  ICI  (mais c'est pas sûr).

Photo:  Prélude à l'effeuillement au jardin, et en forêt plus ou moins équatoriale.

 

Là bas © Frb 2012.

lundi, 20 août 2012

Roman-photos

monastic.jpgmonastique.jpgromane z.jpgmonastique k.jpgromane ff.jpgromane.jpgromane sd.jpgroman luc.jpg

 

 Photos : fragments d'une balade loin du monde qui est aussi, dans ce village, un beau voyage à travers temps. Ici nous sommes au XIem et début du XIIem siècle, pas très loin de Cluny, berceau de l'occident, au coeur de la pierre romane avec ses tons sublimes, sa blondeur envoûtante aux reflets d'une civilisation qui semble étrangement contempler la notre et même croiser nos préoccupations, (changement de siècle, confrontation à la violence,  à la crainte, relations avec les images et les formes,  fragilité de l'Homme, quête de spiritualité). Photographiés cet été, ce ne sont que quelques détails extérieurs de l'église de Bois Ste Marie ;  hélas, je n'ai pu, accéder à certaines sculptures en façade, que j'aurais beaucoup aimé vous montrer, mais l'église étant actuellement en cours de restauration, ce jour là tout n'était pas accessible, ainsi nous serons un peu privés de quelques curieux modillons, en attendant d'y retourner l'année prochaine sans doute... toujours à propos des curieux modillons (et autre "green man"), vous trouverez un petit éclairage perso :  ICI.

 

Liens et autres éclairages sur thème :

Pour découvrir en images d'autres lieux où l'art roman peut se visiter, le site universitaire du Boston College est une excellente source:

http://www.bc.edu/bc_org/avp/cas/fnart/arch/romanesque_ar...

Le circuit des églises romanes du Brionnais, en un regard qui peut même s'agrandir:

http://cep.charolais-brionnais.net/pages/roman/circuit3.htm

Une bibliographie très intéressante et vivement conseillée (peut accompagner le parcours) :

http://mydas.ath.cx/bourgogneromane/biblio.htm

 

Nota : Pour le jeu de l'été, (il en faut un, c'est comme à la télé), un intrus s'est impunément glissé dans notre roman-photos, le malheureux a dû se tromper d'époque. Le lecteur plein de sagacité saura-t-il le trouver ? On est au Moyen-âge, il n'y a rien à gagner sauf peut-être un séjour au royaume éternel, mais la recette de l'hypocras sera malgré tout offerte à tous les participants, (qu'est ce qu'il ne faut pas faire de nos jours... :)

 

Bois Ste Marie © Frb 2012

jeudi, 16 août 2012

Vitrailler (I)

Oh n'est-ce pas mon Christ, mieux valait l'esclavage,
Les terreurs et la lèpre et la mort sans linceul,
Et sous un ciel de plomb l'éternel Moyen-Age,
Avec la certitude au moins qu'on n'est pas seul !

Jules LAFORGUE, extr. "Certes ce siècle est grand !" in "Poésies complètes", (références incomplètes).

vitrail &.jpgLe temps allé, nos corps se trouvèrent suspendus, il fallait bien choisir entre le haut ou le bas. Nous sommes demeurés dans cette position indécise, un peu voûtés comme les  plafonds en voûte d'arêtes du petit édifice.

L'assemblée est debout, ramassée dans son cercle, elle sommeille.

Quand viendra l'heure de rentrer, il sera difficile de rejoindre les bruits. Entre la solitude et cette clameur là bas, il y a l'ombre d'un homme qui vient chercher la somme déposée dans les troncs, c'est la recette des cartes postales à cinquante centimes pièce. Il marche sur la pointe des pieds, il a fait le signe de croix, c'est une sorte de vicaire. Et toi tu vis de ça, du regard porté sur l'original au milieu des imitations, de l'envie allant au plus simple esquivant les complications de la vie ordinaire, elle aussi, a fini par te coller une lucarne dans l'oeil et tu t'enfuis là haut saisir les éclats de couleurs. La volonté de tout saisir a fait de toi un courant d'homme qui court et court sans cesse après quelque chose de nouveau, même si cette nouveauté reproduit avec précision un savoir millénaire, cela ne rencontrait pas ton rêve. Tu te promènes en touriste comme tout le monde. Un vitrail te sidère. Ta voix veut s'y loger.

A cette heure, tu devrais être avec les autres, sur la plage et tu ris de toi même, toi, le fauve à genoux, l'incrédule amusé qui s'en revient lustrer son corps sur cette pierre. Tu es tombé ici et tu tais ce hasard. Un voeu de Moyen-Âge traverse ton histoire. Tu t'es dit un instant qu'il serait temps peut-être, d'abandonner le reste, si tu le peux encore.

L'assemblée s'est tournée vers toi, elle met un doigt sur ta bouche, comme une seule émission elle te prie. La voix baisse c'est à peine, se taire, tu ne sais pas.

Tu croyais aux rictus de ces diables surgis des chapiteaux, et encore tu t'exclames, pour ce peu de silence...

Pourrais-tu leur reprendre ?

C'est le même rictus qu'autrefois. Ils t'intriguent ces vieux, avec le même dos rond qui passe en communion, quand ils baissaient les yeux à cause du jugement.

Ils t'effrayaient parfois, au delà de leur âge, il y avait autre chose. Tu n'as pas tout compris. Voulaient-ils te prévenir quand toi aussi un jour, tu marcherais voûté et monterais là haut ?

C'était inadmissible de semer la terreur dans l'esprit des enfants de faire d'eux des petits vieux avant l'heure. A présent l'assemblée ne te juge pas, elle rêve, entrée dans ses prières qui vont avec les pleurs et tout ceux que l'on pleure déjà nous pétrifient.

Tu aimes cette clarté du choeur et des travées contre l'obscurité du bas côté où le visage repeint de la Vierge-Marie semble attendre que l'on répare aussi l'enfant blotti contre les plis d'un voile cœruleum. La statue a été soigneusement inclinée derrière une pancarte qui demande une faveur : "prière de ne pas toucher / restauration en cours". 

Par l'allée principale les figurations de l'enfer ne te semblent pas plus sérieuses que ta tête quand elle sort de la nuit, ébouriffée, broyant dans une image une foule illuminée qui disait les messes basses et troublait ton sommeil. C'est comme au cinéma, ça tourne, ça se répète, ça rejoue d'autres scènes: les sentences arbitaires, l'improbable veau d'or... Un sacré beau désordre : il grouillait de bonhommes qui criaient au miracle, de gouailleuses parigottes s'entichaient d'un sauveur et Robert Le Vigan prenait son rôle à coeur,  dans la chair mortifiée d'un Jésus aberrant guidant un peuple élu qui ne peut s'y retrouver. Cette mémoire revient noire de monde...

Ils montent le long de la colline,
Chacun le front couvert d'épines...
Par centaines...

Toi, tu étais enfant, ces vieux jetaient au ciel les cailloux qu'ils trouvaient en chemin, ça leur faisait des têtes de perpétuels orphelins. Ils revenaient parfois ramper sous forme de bêtes, elles peuplaient les armoires dans la maison austère d'une cousine Charliendine ou d'une tatan chartraine. Les têtes de fouines glissaient sur des manteaux immenses qui ne sortaient que le dimanche. On te prenait la main. On t'emmenait à la messe. Tu trottais derrière eux. Tu aimais ces vitraux qui rappelaient les cubes ou les étoiles de mer avec ton imagination tantôt géométrique tantôt bercée de sphères. Déjà tu ne savais plus  comment faire pour choisir entre le haut, le bas. Le mieux eût été de demeurer toujours ainsi, pendu dans l'air...

Tu ris parce que ces vieux sont devenus d'hier. Ils ne te font plus peur à présent. Ils prient, ils pensent à eux. Ils se consolent entre eux. Ils ont peur des cailloux qui rouleront dans ta bouche, quand tu les chasseras. Ils savaient bien pourtant qu'au temps venu personne ne peut passer son tour. Ils croient que l'heure est proche, ça les hante, ces comètes, les pôles à la dérive, la barbarie, les guerres. C'est écrit dans le livre et même dans les vitraux, des genres d'apocalypse...

Tu contemples ces simples qui mettent des croix partout : aux chemins des calvaires, aux murs des crucifix...  tu ris un peu de tout, avec ta science qui pèse, ton jugement qui claque mais ne flambe pas les mitres. Viserais tu le haut avec tes rimes en raout ? Tu te crois tellement libre de savoir lier ton verbe à ces sortes de vrilles que tu finis aussi par mettre des croix partout : dans des cases, sur des plans sur les gens, sur le blanc, parfois sur tes amours, et ta bouche énumère comme ils faisaient hier, tout un tas de hantises. Tes images nous délivrent. Tes fidèles adoreront un jour ta face de chèvre. Nous te regardons rire sans savoir quoi penser, quoi tirer de nous mêmes. Pour apprécier pleinement la lumière du dehors entrée par les vitraux, peut-être faudrait-il nous crever les yeux puis en fabriquer de nouveaux qui ne soient pas tentés de nous refléter dans tes images.

Au milieu de l'allée, tu as ouvert un sac, tu as sorti des miniatures d'outils afin de mobiliser l'objectif sur ce noyau de vieux, tu les prends, tu les cadres, les traques et les mitrailles comme si tu désirais que l'image te révèle le verrou de leur Dieu. Le ciel t'appartiendrait. Tu nous libérerais avec cet air badin qui voit dans un vitrail, un produit idéal. Capturant l'éternel, tu pressens la tendance, le charme vaste et mystique de nos prochaines vacances. Cet air ne mange pas de pain, il multiplie les êtres postés en file indienne entre les cars multicolores et les modillons minuscules qui veillent sur le jardin de l'ancien presbytère. La place est pleine de monde espérant l'ouverture du choeur par un portail, une excursion bancale sur un rai de lumière. Comme il pèse à présent ce chant des vieux qui tardent dont le silence se perd encore dans la question.

What are you doing after the apocalypse ?

 

 

 

 

Photo : Récemment restauré par l'artiste Rachid ben Lahoucine, ce vitrail magnifique a été photographié en la petite église de Bois St Marie (voir billet suivant ou précédent ICI). Le rendu des couleurs du vitrail n'a pas été modifié par quelque procédé photographique, seuls les murs déjà très sombres de l'église ont été un peu assombris. Pour mieux voir vous pouvez cliquer sur l'image.

Là bas © Frb 2012

vendredi, 10 août 2012

Vitrailler (II)

”Écoute ! Écoute ! C’est moi, c’est Ondine qui frôle de ces gouttes d’eau les losanges sonores de ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ; et voici, en robe de moire, la dame châtelaine qui contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau lac endormi.
Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant, chaque courant est un sentier qui serpente vers mon palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le triangle de feu, de la terre et de l’air. Écoute ! Écoute ! Mon père bat l’eau coassante d’une branche d’aulne verte, et mes sœurs caressent de leurs bras d’écume les fraîches îles d’herbes, de nénuphars et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc et barbu qui pêche à la ligne.”
Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son anneau à mon doigt, pour être l’époux d’une Ondine, et de visiter avec elle son palais, pour être le roi des lacs.
Et comme je lui répondais que j’aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s’évanouit en giboulées qui ruisselaient blanches le long de mes vitraux bleus.

ALOYSIUS BERTRAND : "Gaspard de la nuit", Nouvel Office d’Édition, Poche-Club fantastique, 1965,

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Entre le poème d'Aloysius Bertrand d'inspiration gothique, et le vitrail non figuré d'art roman sacré, restauré finement par le maître verrier Rachid Ben Lahoucine, il y a comme un fil reliant la géométrie, les espaces et le temps. Le rêveur fantastique fusionnera t-il avec l'artisan médiéval pour permettre au promeneur de vitrailler à l'infini entre le soleil excessif, et cette pluie de giboulées ? C'est la question de l'été.

De l'église en campagne, aux palais ondoyants, les murs fondent sur un vitrail. "Qui ne fait chateaux en Espagne ?", c'est de Jean de La Fontaine, c'est aussi un work in progress qui consiste à croiser les lignes de là bas à ici...

Quant à la fascination d'Aloysius Bertrand pour les monastères, l'écho boscomarien filant chez "Gaspard de la Nuit" semble écrit noir sur blanc. Extrait.

 Les moines tondus se promènent là-bas, silencieux et méditatifs, un rosaire à la main, et mesurent lentement de piliers en piliers, de tombes en tombes, le pavé du cloître qu'habite un faible écho.

 

Liens plus ou moins buissonniers :

à propos du "Gaspard de la Nuit" de Maurice Ravel :

http://pianosociety.com/cms/index.php?section=168

à propos de peintres et vitraux :

http://suite101.fr/article/peintres-de-la-lumiere-et-vitr...

à propos du lieu où se trouve ce vitrail :

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/08/09/comme-un-dimanche.html

 

Photo: Le vitrail aux losanges silencieux a été photographié en la petite église de Bois St Marie, par un jour assez doux sous un ciel bleu comme un grand monochrome.

 

Bois ste Marie © frb 2012

mercredi, 01 août 2012

Volets vers...

CHAMELET : département : Rhône, code postal : 69620, population : 690 Habitants,  Altitude : 337 mètres,  superficie : 14.77 km2 ou 14, 50 (tout dépend les sources)...


chamelet gare.jpg

Chamelet-Village, ce nom résonne comme un bon cru. Les habitants y sont nommés  les Chamelois et Chameloises. C'est un lieu fortifié aux charmes qu'aucun adjectif ne saurait décrire, ce qui tombe bien parce que je n'ai rien vu et comme toujours je dirai tout, pour quelque fantaisie qui hante l'esprit du pérégrin dans ses égarements, à ce passage rapide de la correspondance en ces villes ou bourgades dont on ne parle jamais dans les livres, quand deux minutes suffisent  à rallonger le temps, pour glisser des images et un tas d'impressions plus ou moins pédagogiques. On peut lire à son rythme... je remercie vivement Michèle Pambrun d'avoir inspiré cette exploration, (certes, approximative), en m'invitant via une récente correspondance ici même, à retrouver l'oeuvre de Pierre Bayard dont un livre particulier s'accorde semble-t-il au thème de cette page ; à cette question qui obnubile également certains jours, une tentation de déplacements légèrement improbables : "Comment parler des lieux où l'on n'a pas été ?".

chamelet.jpg

Ainsi, sans bouger du train bleu aux banquettes confortables, j'ai pu visiter à travers l'espace-temps, par les reflets d'une fenêtre passée dans une autre fenêtre, l'ancienne place forte des sires de Beaujeu, jadis un centre de tissage et de blanchisseries de toiles. J'ai remarqué les halles en bois du XVIème siècle et un donjon carré également du XVIem, tout cela admirable. Ensuite, je me suis dirigée jusqu'à l'ancien relais de poste puis, croisant là, le Marquis de Chalosset, il m'invita à boire un cruchon de beaujolais au Château (de Chalosset évidemment). Son cousin Gervais de Vaurion jouait là au tric-trac, comme cela est courant à Chamelet en été, (j'en profite pour vous montrer le tableau de Le Nain où le Comte Gervais de Vaurion figure avec son chapeau à plumes qu'il ne quitte jamais, bref, Monsieur le Comte me montra les vestiges du château de Vaurion, ce fût un moment agréable. Ensuite nous allâmes à l'église contempler des vitraux d'une finesse remarquable datant du XVème siècle, et dans le foin nous nous roulâmes, bénis par les ombrages d'une petite chapelle arborée. Profitant ardemment de quelques secondes encore vastes, après avoir vu la maison natale de l'illustre ingénieur hydrolicien, le Baron Gaspard de Prony, dont le nom est inscrit sur la tour Eiffel,  et dans une rue du 17 em arrondissement de Paris, je batifolais un instant avec un ou deux chamelois, chameloises entre la vigne, les pâturages et la forêt. Mais il ne fallait pas traîner, comme on dit "le train n'attend pas le nombre des années" bien que le temps échappât et que j'y fus installée, (dans le train et ce temps étrangement envolés), douillettement calée et galopant par des forces cosmiques assez inexplicables, impatiente de visiter les pierres dorées des édifices, de battre la campagne jusqu'aux coins les plus reculés de Chamelet, tout en savourant la mollesse de somnoler au frais, vautrée comme tout  passager qui se respecte les pieds posés sur la banquette d'en face. Ceux qui ont fréquenté ce genre d'expérience, sauront que deux minutes suffisent à s'abstraire totalement, pour toucher l'insoucieuse déréalité insufflée par le bruit d'une locomotive à l'arrêt. On se retrouve alors comme rien, étranger à soi-même, hors temps si loin du monde et des êtres continuent à courir dans les villes vers toutes sortes d'objectifs dont la quadrature obstinée nous paraît soudain incompréhensible. Ce n'est qu'une impression, produit trompeur de l'oisiveté qui peut parfois revêtir, (gare ! gare ! c'est un piège !) les mêmes certitudes que la vérité la plus sûre. Moralité: Méfions nous de nos impressions...

chamelet gare poème visuel.jpg

La locomotive toussotant un peu au démarrage, j'y gagnais trente secondes de vitesse hyper lente (qui n'est plus de la vitesse mais une lenteur peut-être plus rapide que la lenteur ordinaire, tout cela difficile à mesurer précisément) puis après avoir exploré de fond en comble, Chamelet, ses alentours, (sans jamais bouger de mon fauteuil, là, j'insiste) je me suis aperçue (avec stupéfaction) que ce qu'on ne mentionne jamais quand on évoque le village de Chamelet c'est le lieu fou de la maisonnette laquelle, très curieusement a pris le nom de gare. A cet endroit qui devient aussi un instant magique, on peut, durant deux minutes s'égarer et le reste s'évase. Ainsi, en contemplant ces discrets joyaux villageois par les fenêtres de la maison du chef de gare, là où s'arrête la modernité, je dus encore me réjouir d'un léger réenchantement des lieux, dans la briéveté du temps qui passe et ne passe pas, devant ces beaux lettrages rouges qu'on croyait disparus, et je vanterai en passant, les bienfaits visuels et spirituels des volets verts, ainsi que la bonté intrinséque des rideaux dits "bonne femme", que l'on glane à des prix imbattables à Lyon, chaque mardi au marché de la colline (qui travaille), on n'exaltera jamais assez l'esthétique de la bonne franquette qui adoucit les moeurs autant que les vins de l'Azergue mettent le palais en sympathie avec la terre... Malgré l'annonce des deux minutes, d'arrêt, (en fait, d'annonce il n'y a pas, c'est au voyageur de faire le calcul et comme le temps moderne est arrêté ce n'est pas mince affaire, à cette heure du départ), il faut être matheux pour demeurer d'équerre sur les rails enfumescents "que nos rêves enfumaient", c'est de L'Emile...  Paisible, je suis restée, à Chamelet, deux minutes égales à longtemps, admettons que ce soit une imitation fort bien faite de l'éternité que je pris pour la vraie, collée à toutes les fenêtres, (ubiquité oblige), sans m'y pencher bien qu'étant fort tentée comme au temps de la lison où l'on pouvait ouvrir à volonté autant que refermer ou tomber de l'autre côté, pour un instant d'inattention,  et mourir dans une cotonnade anthracite, (à lire absolument "les périls colossaux" du philosophe cascadeur, Italien E.P. Sporgersi). Ne pouvant pas entrer le corps dans Chamelet entier (certains détracteurs de Sporgersi ayant cher payé de provoquer l'auteur sur ses mouvants territoires), près de ce quai à trente secondes de ce coup de sifflet d'un chef de gare du genre homme invisible, je voyageais encore dans l'air conditionné d'un wagon de deuxième aussi frais que le petit train des gentianes et après réflexion, je décidais de vous glisser quelques images de l'atmosphère inimitable de Chamelet-gare: une fenêtre par minute...  déjà le train nous presse, mais rien ne sert de courir, en soufflant sur une plume par le vent mythomane, l'oiseau vogueur pourra conduire, éconduire le lecteur de Chamelet à Kharbine en tirant légèrement sur les rails avec ses ailes comme sur un élastique jusqu'à l'oubli certain de nos destinations.

 

 

 

 

 

Nota : Pour voir toujours plus grand, il est recommandé de cliquer sur les images. Pour le titre assez lacunaire vous pouvez complèter ...

Photos : Dans l'ombre d'un train, des fenêtres, les derniers volets vers... peut être. Quelques vues. Tout est là ou plus sûrement ailleurs...

 

Chamelet © Frb 2012