dimanche, 03 janvier 2010
Se faire couler un bain
06:23 Publié dans Art contemporain sauvage, Balades, De visu, Impromptus, Le vieux Monde, Mémoire collective, Objets sonores | Lien permanent
vendredi, 01 janvier 2010
Un nouvel élan à partir d'aujourd'hui
Lectrices, lecteurs, mes chers compatriotes,
Les objectifs ont été remplis. Le bilan est positif. Il s'agit maintenant de monter plus haut...
Nous en sommes tous capables. Et nous relèverons ce défi !
Durant l'année 2009, des millions d'hommes et de femmes (ils se reconnaîtront) ont mobilisé des forces phénoménales pour que vive certains jours. Lecteurs, commentateurs, ont oeuvré, sans relâche, pour que certains jours soit meilleur (soillent meilleurs ? sont meilleurs ?) et je les en remercie.
En 2009, par la grâce de ces voix (voies ?), venues de France et de Navarre, (Lyon, Paris, Mâcon, Ardennes, Belgique, New york, Suzy les Charolles, Bordeaux, Marseille, Canada, Arcueil, Couzon, Metz, etc... ), nous avons vaincu la morosité. Cette morosité dont on nous rabat rebat les oreilles, nous l'avons terrassée ici, (et là bas), sur l'autel de la joie et la bonne humeur, sur l'autel du savoir et de la poésie.
Qui parle de morosité ? Qui osera effleurer ici, le thème de la "morosité" sans rire toutes dents dehors ? Vous connaissez mieux que quiconque la raison de cette bonne humeur. Elle est inouïe et toute bête en même temps : nous nous sommes, élevés, simplement, à notre guise, ne formant qu'un seul corps (et quel corps !) afin de nous placer, tous, un par un, deux par deux, en file indienne, ou assis en tailleur, très au dessus de la morosité durant toute l'année 2009.
Quand je feuillette les pages du grand album de l'année écoulée, je n'en crois pas mes yeux.
En 2008, nous étions 5 ou 6 (c'était déjà pas mal), en 2009 les effectifs se sont multipliés, je ne dirai pas à la vitesse de la lumière mais presque. Nous étions des centaines, nous voici des milliers. Et c'est là notre force : nous n'avons pas baissé les bras à la première difficulté. Notre atout, et il est admirable, (sans vouloir nous flatter), c'est que la difficulté (qu'elle s'ouate soille première ou dernière) n'existe pas dans notre esprit, ni la facilité d'ailleurs. Ce qui existe, c'est AUTRECHOSE ! une chose plus GRANDE que cela. Cette chose qui n'a pas encore de nom à ce jour, qui court déjà sur ses petites pattes, nous allons la regarder venir. ENSEMBLE. Et nous allons la sublimer. Ensuite nous nous réunirons dans l'herbe pour en goûter la quintessence et nous ferons cela chaque jour de cette nouvelle année si ça nous plaît. Et si ça ne nous plaît pas, nous ne le ferons pas.
La grande idée, pour l'an qui vient, ne sera point que chaque pas soit un but, (trop facile !) mais que chaque pas soit un (ou plusieurs) chemin(s). Et pourquoi pas un pont (en voilà une idée, pardon, Solko, je vous la pique !). Serait-il concevable à notre esprit, qu'on puisse se contenter d'un but ? De qui se moque-t-on ?
Sommes nous des personnes nées pour nous contenter ? Ah que nenni ! d'ailleurs à partir d'aujourd'hui, nous cesserons de demander, nous exigerons !
Notre priorité exulte : parfaire l'excellence. Mais pas n'importe quelle excellence ! une excellence de qualité. Je ne dis pas que ça se fera à coups de baguette magique. Je ne le dis pas, je vous le promets !
Voilà, mes chers compatriotes, ce que je nous souhaite pour 2010 et ce n'est qu'un prélude à la matinée de l'élan.
La montagne est très haute. Notre coeur est vaillant. La neige est blanche. La terre est ronde.
Des sommets nous attendent...
Ce billet est dédié à tous les lecteurs et commentateurs de Certains Jours (standing ovation) et comme ce jour est beau, je vous offre un RIMBAUD :
"Devant une neige Un Etre de Beauté de haute taille. Des sifflements de mort et des cercles de musique sourde font monter, s'élargir et trembler comme un spectre ce corps adoré, des blessures écarlates et noires éclatent dans les chairs superbes. Les couleurs propres de la vie se foncent, dansent, et se dégagent autour de la Vision, sur le chantier. Et les frissons s'élèvent et grondent et la saveur forcenée de ces effets se chargeant avec les sifflements mortels et les rauques musiques que le monde, loin derrière nous, lance sur notre mère de beauté, elle recule, elle se dresse. Oh ! nos os sont revêtus d'un nouveau corps amoureux."
Sur les trois derniers mots du poète sublime, je vous souhaite à toutes et à tous, une somptueuse année 2010 !
Nota : Afin de ne pas nous fâcher avec la CGE (Confrérie des Grands Elans) et l'ABDT (association des Beaux Daims de la Terre), et, pour ne pas éveiller les soupçons du très puissant CLA (comité des lecteurs abusés), Certains jours tient à préciser que notre élan n'ayant pas de pédigree, il pourrait s'agir d'un "Elandin", une espèce rare, originaire des Monts du Lyonnais, à ne pas confondre avec le "Wapiti" qui est légèrement plus foncé. (Les vétérinaires du Parc de La Tête D'or viennent de nous le confirmer). Je remercie tous les lecteurs (sauf un), de ne pas l'avoir remarqué.
Photo : Un nouvel élan. Vu au Parc de la Tête d'Or. Lyon. Décembre 2009. © Frb.
09:31 Publié dans Actualité, Art contemporain sauvage, Balades, De visu, Impromptus, Le nouveau Monde, Mémoire collective | Lien permanent
lundi, 28 décembre 2009
Notes givrées 1
"La source de goutelette pour le givre est un nuage ou le brouillard [...] Il est fréquent en hiver sur le sol, la végétation, les objets et les aéronefs. Le givre peut également se déposer sur des flocons de neige dans les nuages et les enrober d'un dépôt glacé qui augmentera leur densité."
Wikipédia : voir "givre". (Si vous ne voulez pas vous en tenir à la poésie du Ouiki vous pouvez caresser l'image en appuyant bien fort, sur la petite feuille de lierre).
Le givre peut se déposer sur les créatures. Un seul hiver à peine les fardent pour longtemps. Cela n'a rien à voir avec les cheveux blancs. Chaque dépôt cache une plainte, quasi imperceptible, chaque blancheur couvre la haine d'une beauté ancienne. Le givre mou des plantes, les écailles rompues, et les cristaux de neige voilant la pépinière sont encore moins chancelants que ces coeurs en jachère, aux yeux exorbités, cherchant l'âme soeur dans les tanières, un sexe entre les dents, des fadaises pour la mère Noël.
Le dégivré empire l'affre du peuplement. Le dégivré est pire. Il se tient proprement. Il a sucé les vents sur des échelles humides, s'est barbouillé d'azur jusqu'à l'écoeurement. Le dégivré s'empiffre de matins agrippés aux grains qui se dépulpent dans l'eau tiède, souvent, le dégivré, y trempe des petits gateaux secs, et des biscottes sans sel lui rentrent dans la tête. La nuit, il dort. D'un sommeil bienheureux. Nul cauchemar ne le hante. Pas le moindre consentement s'immisce à ce qu'il fût, l'amoureux de naguère, l'étoile inaccessible, (Arcane XVII). Il a plié son drap, tué son jeu de flêches puis il s'est retapé... Il est sorti en ville avec son chapeau blanc, son souvenir piteux qui lui râtelait, au grand secret, le sang à petit coups féroces sous un linge admirable.
Son souvenir était piteux, il n'avait pas su l'entretenir. Tout se délitait doucement. Sur la blessure, il pouvait lire quelques mots désolés. Il l'était, platement. Et les sanglots de tant d'hivers s'atténuaient au fil des ans, tandis que le mercure remontait.
Le givré a pensé qu'il y avait bien des cochonneries qui grouillaient sous ce chapeau blanc. Et qu'il faudrait un jour, faire payer les vampires en les refroidissant. Le dégivré reniait son givre. Un givré malhonnête. Un suiveur impatient. Minaudant sur les sports d'hiver, roulant son paradis sur des notes de pêches. Attachant les roses par dix avec des kikis à frisettes. Voilà, ce qu'il reste du givré quand il a trop aimé et que sa fol' jeunesse se change en levure morte. Une suite de jours panoramiques liquidés sous l'enfant. Il fallait aussi balancer les chagrins malséants. Les uns n'allant pas sans les autres : L'alphabet doux, l'amour d'une fille. La cabane de l'Alceste, la grappe bleue des glycines à gratter dans la neige, pour piétiner au cul de l'an, les splendeurs d'un palimpseste.
Le givré berce ses hiéroglyphes. Il retrouve plus loin, le ruban d'une lettre. Et le vent mauvais de Janvier qui le laissa fou et muet, dix ans plus tôt, à l'abandon, dans un massif pas loin des tulipes de Juillet. Il avait essayé les cimes, il était retombé par terre, dans un grand trou, où poussaient les fougères, quand Décembre en fin de carrière gelait toutes arborescences. Puis il s'était laissé mourir, non sans avoir pleuré longtemps sur ce temps replié. Les derniers numéros perdants, deux ou trois journées immobiles qui n'en finissaient plus de redouter cet an mordu déjà de deux mil 10. C'était une nouveauté, que le monde entier, dit-on, s'arracherait. Mais pourquoi s'en moquer ?
"On cherche aussi nous autres le Grand Secret"...
Photo : La voie de son givre + quelques plantes au choeur floqué. (Le dégivré n'ayant pas désiré figurer sur cette photo, il vous présente platement ses excuses). Vu en forêt. Nabirosina. Fin Décembre 2009. Frb. ©.
01:02 Publié dans Art contemporain sauvage, Balades, De visu, Impromptus, Mémoire collective | Lien permanent
vendredi, 25 décembre 2009
Certains jours vous souhaitent un merveilleux Noël...
Fait maison
C'est joli ! non ?
mercredi, 23 décembre 2009
Une légende neigèrement Inuit
"Quatre hommes poursuivaient un ours. Celui-ci finit par fuir en grimpant dans le ciel et les chasseurs décidèrent de le suivre. Au fur et à mesure qu'ils montaient de plus en plus haut, un des Inuits échappa une de ses mitaines et décida de retourner sur Terre pour la chercher. Les autres chasseurs continuèrent leur poursuite dans le ciel et on peut encore les voir aujourd'hui, l'un derrière l'autre, poursuivre l'ours. Cette histoire nous est parvenue grâce à l'Inuit qui est revenu sur Terre chercher sa mitaine."
Et cet Inuit qui est revenu chercher sa mitaine, je l'ai rencontré. Il était venu en traineau. (Tiré par des petits ours qui étaient descendus du ciel, je ne sais plus trop pour quelle raison). Et c'est lui, l'Inuit qui avait apporté la neige, mais pas assez de neige pour un si petit traineau. Pas assez de neige, hélas ! pour recouvrir l'immense ville... Alors comme il avait du temps "à tuer", l'Inuit, ("tuer le temps", une bravade à nous, puisque c'est justement le contraire)... Comme il avait du temps, disais-je, nous nous sommes promenés sur la Tabareau, des heures et des heures. Puis L'Inuit a fumé une cigarette, pas pour fumer (vous n'y pensez pas ! malheureux !) mais pour envoyer des signaux à son copain le Père-Noël (Du haut de la rue de Crimée. C'est très bien, la Crimée, pour envoyer des signaux de fumée aux copains qui sont loins, la vue est imprenable, et quand le vent est bon, les messages arrivent aussi vite que des sms). Enfin bref, le Père Noël comme il a un traineau-camionnette, et que justement il faisait sa tournée sur Lyon, on s'est dit qu'il pourrait ramener de la neige, en même temps que les cadeaux. L'Inuit a mis tout ça dans les signaux de fumée, puis on a attendu. Comme il faisait très froid, on a fait les cent pas pour se réchauffer, et puis les deux-cent pas. Toujours pas de Père Noël. L'Inuit a mis son traineau dans mon garage (J'ai pas de garage, mais ça fait rien, avec beaucoup d'imagination, le garage il finit toujours par se construire quelquepart, et si le traineau il s'imagine qu'il est dans un garage, il ne risque absolument rien). Donc on a mis le traineau au garage et on a installé les petits ours bien au chaud dans nos capuches. Et puis on est montés encore plus haut que la rue de Crimée, (C'est périlleux, mais que ne ferait-on pas pour distraire nos petits ours ?) parce que l'Inuit tenait beaucoup à leur montrer le gros caillou avant de s'en retourner chez lui, une fois qu'il aurait recontacté le Père Noël, bien sûr. Il fallait voir comment ils étaient contents les petits ours ! ils faisaient des bonds au moins de deux mètres dans nos capuches. Il faut dire que du milieu de la place, le gros caillou couvert de neige, c'est notre Kilimanjaro à nous. Et si on regarde encore plus loin que l'horizon, on peut voir le Parc de la Tête d'Or, avec des petits bonhommes équipés comme des hommes grenouilles qui font des tours de parc pendant des heures en courant. Il y en a même qui font dix fois le tour, avec un chronomètre énorme accroché au poignet, (comptez 10X 4km en courant combien ça fait de minutes !), et les petits ours quand je leur racontais cette petite histoire là, (c'est quand même nos coutumes !), ça les a trop fait rire. Et il y en a un qui agitait ses pattes, (de joie) et se penchait pour voir mieux les petits bonhommes courir en bas, il se penchait tellement, en agitant ses pattes, (de joie), qu'il a fait tomber sa mitaine. Enfin voilà. La roue tourne et c'est pas facile. On ne s'en sort pas. Il est grand temps que l'année se termine. Et le Père Noël qui n'arrive pas, (je me demande parfois si il existe) Enfin, j'ai quand même pris des photos de l'Inuit, du traineau, et de moi-même. Desfois qu'on me prenne pour une menteuse.
Avis très important : Si quelqu'un trouve une mitaine en laine noire au Parc de la tête d'Or, ou même sur le cours D'Herbouville (sait on jamais de quoi le vent est capable), pourrait il avoir la gentillesse de contacter Certains jours (au Babylone 35-35) ou par signaux de fumée (la maison n'accepte aucun sms, on a été roulés, maintenant on est méfiant). Très forte récompense (✶) à qui nous rendra la mitaine de notre petit ours.
(✶) un merveilleux voyage ICI en traîneau avec le petit ours !
Photo : Place Tabareau, la preuve. Le traineau, les cent pas. Vus (vécus) à Lyon. Pas loin du Kilimanjaro. Et pas loin, non plus de la Noëlle. A quelques jours (oh très peu) du Noël. Patience ! Décembre 2009. © Frb.
07:23 Publié dans Art contemporain sauvage, Balades, De visu, Impromptus, Le monde en marche, Mémoire collective | Lien permanent
dimanche, 20 décembre 2009
Notes givrées 2
J'ai ardemment souhaité partir mais j'ai peur.
Une vie, encore neuve, pourrait fuser
Hors du vieux mensonge en feu sur le sol
Et, crépitant dans l'air, me laisser à demi aveugle [...]
DYLAN THOMAS (1914-1953) extr: "J'ai ardemment souhaité partir" in "Ce monde est mon partage et celui du démon". Editions Points 2008.
Un grand poème de Walt Whitman fait pousser des prés sous la neige. Dans les magasins surchauffés on devine les mondes d'Orwell. Sur le sol, les pieds patinent. Et au dessus, un soleil gris, redessine les créatures. Tout l'être s'adonne au désir de la difficulté. Se mouvoir est une aventure. N'importe qui, n'importe quand, peut se prendre une boule dans la gueule. Lignes brisées sur le cristal. Des envers de manteaux en peluches, quatre doigts coupés dans une moufle, des nains à nez rouges, et à bonnets larges tendent leurs bras sur le pays. Il faudrait jouer avec ce feu. Quand il fait si froid les mains brûlent. En deçà du ciel, sous les arbres, le roux de la feuille s'éternise, la Tabareau se fossilise. On foule aux pieds, une nervure. Un trèfle, à quatre feuilles d'or, travaille au sommet le brésar dans la forêt Francis Popy et le Clos Jouve se rétrécit quand les boulistes, naguère fêtards, se retrouvent frappés d'amnésie.
L'être fondu à son mouvement très lentement rétropédale. Revêtir la trace du pas d'un passant ordinaire, s'y glisser pour y faire son nid. Attendre la tempête. Le froid qui vient. L'homme dit "Je l'endure". C'est un défi. Des signaux de fumée, de buée sont envoyés dans la vallée. Quand le froid aura bien mordu, le monde se disposera d'une toute autre manière. Croit-on.
Les yeux bruns visant les agates, une luge sera offerte à tous les animaux. Les yeux bleus butinant la neige. Des pas de biches courant sur la lune. Il y aura des souvenirs. Des continents glacés sous l'illumination. Ce froid qui en mordant remet tout à zéro ira bien au delà d'une révolution.
"Icebergs, sans garde-fou, sans ceinture, où de vieux cormorans abattus et les âmes des matelots morts récemment viennent s'accouder aux nuits enchanteresses de l'hyperboréal [...]"
Un hiver éternel glissé dans la peinture, et un enduit fondant sur le toit des maisons. Il y aura un combat pour chasser les vigiles, ils secoueront à l'infini la boussole et la boule, pour voir la neige tomber de la cage du téléphérique. Des pantins ridicules, hors des vitrines choyées, porteront les cadeaux dans la benne à ordure puis des engins viendront pour balancer des sacs de sable rose sur la ville.
En attendant, que dire de ces nains à nez rouges, ces nains à bonnets larges qui prennent de l'altitude, par milliers puis s'envolent, tels des étourneaux ? On les regarde partir, on les retrouvera plus haut, au royaume des luges, hilares sur des traineaux, vouant un culte intraduisible à ce bonhomme jovial, qui compose le futur, une carotte entre les deux yeux, et des boutons de culotte piqués à l'ours Pitou.
A la place des monuments, mille bras porteront sur l'eau, la transformation à venir, des igloos mous voguant à la place des péniches, des radeaux transparents pour fixer la couleur dans l'eau. Le sentiment humain ne trouvera plus son mot. Plus un seul mot à dire, pas un qui n'ait subi dans l'exquise météo, ce désordre : l'absence enfin, de notre son. Alors comme là bas, le soleil ne se lèvera plus qu'une seule fois par an, et sur plusieurs semaines on verra s'étirer, toutes les beautés du crépuscule.
Qui dira, en ce monde détintinabulé, où se trouve "la Noël", et quel mois pour le jour de l'an ? La neige masquera le chrono. La terre plate sera stationnaire. La lune jettera son auréole au dessus de nos têtes cuites, et le soleil, ce cimetière, peuplé des anciens luminaires, réchauffera notre dîner. Juste des bulbilles et des baies...
Le monde, à partir d'aujourd'hui, ne bougera plus d'un millimètre.
Photos : L'enfance est solitaire à Croix-Rousse sous la neige. Quelques bribes d'un pays blanc, et des pavés vus (et parcourus) à quelques jours de Noël. (Noël ? Vraiment ?). A Lyon. Décembre 2009. © Frb.
16:43 Publié dans Balades, De visu, Impromptus, Mémoire collective | Lien permanent
mercredi, 09 décembre 2009
Des fondus enchaînés
Non, non ! C'est la saison et la planète falote !
Que l'autan, que l'autan
Effiloche les savates que le Temps se tricote !
C'est la saison. Oh déchirements ! c'est la saison !
JULES LAFORGUE (1860-1887). Extr. "L'hiver qui vient" in "Derniers vers" (1886).
Quittant un homme qui marchait seul au milieu de son travail, j'allais au jardin du musée. Sous "l'Adam" de Rodin, une femme nourrissait une marmaille d'oiseaux antipathiques. Des touristes guettant l'heure du spectacle entraient par le grand escalier visiter les motifs discrètement géométrisés, sous des arcades. Dans ma poche la menace d'un impayé s'échappait par l'ouverture d'une doublure en train de se découdre. Sur ma peau j'avais déposé un gros pull imbibé des senteurs d'antimite au bois de cèdre, par dessus mon gros pull, une peau de daim qu'on aurait dit comme empaillée. Toute la ville malgré la douceur de ses 12 ° à peine, sentait l'hiver à en pleurer. Nul ne manquait d'allure.
La somme dûe était illisible, quelques gouttes de pluie sur un mauvais papier sirotaient tendrement ma dette, il n'en restait presque plus rien. Cet homme à qui je devais tant, (juste un petit peu d 'argent en fait, 42,37 euros), à présent me suivait chaque jour. Ou plutôt j'avais la certitude de le croiser partout. Une sourde impression, comme l'hiver suit l'automne pour le dépouiller lentement. Arracher les feuilles une à une jusqu'à des mondes parfaitement glabres. Ce n'était pas tant la somme dûe qui me plumait insidieusement mais l'effort acharné que mettrait cet individu pour la récupérer. Sa secrétaire avait bien souligné en rouge sous mon nom, tapé en gros caractère cet autre mot en majuscule "RAPPEL". Ca commençait ainsi : "Chère Madame ; Nous vous rappelons que vous n'avez pas réglé le montant de nos honoraires, s'élévant à 42,37 euros, il s'agit sans doute d'un oubli... Dans ce cas veuillez patati patata". Veuillez, madame, l'extrême onction. Ou moins tragiquement, une injure. Ces gros et vilains caractères suivis d'aimables salutations vulgairement distinguées.
Dehors les premiers visiteurs de la fête (des lumières), ébauchaient des projets de cuite qui durerait au moins trois jours, la Valstar, (bière des stars), se boirait au goulot ensuite il y aurait de la joie à genoux dans des traboules. Les écrans géants feraient diversion, une charade qui s'éloignait un peu plus chaque année, pour devenir une opération. Proche de l'effondrement, visiblement désaccordée, je jetais des cailloux dans un ciel versé sur une flaque. Je visais au jardin, l'or des feuilles qui semblaient vivre enfin et nager dans les fonds, deux centimètres au moins où j'imaginais le flottement, l'embrassage des coraux mous qu'on appelle les sarcophytons dans le jargon des récifalistes. Cet univers en perpétuelle mutation forçait l'art de la fugue. J'ébauchais une idée, qu'on m'oublie, voilà tout. Lassée des vies de patachon, je livrais mon salut au royaume du sarcophyton.
"La star des coraux mous, le sarcophyton dit "sarco"fait partie de la grande famille des coraux cuirs [...] ce sont des coraux à croissance rapide, les "sarco" muent régulièrement et leur croissance en aquarium peut devenir spectaculaire si les conditions de maintenance sont optimums [ ...] Ce corail nécessite un éclairage relativement puissant pour bien croître [...] Ce corail peut être parfois utilisé en remplacement d'une anémone pour un couple de clown dans un bac communautaire [...]"
Tout devenait limpide. Par la grâce du sarcophyton, j'eus l'impression de comprendre exactement ce que le monde attendait de moi.
Des oiseaux aquatiques glissaient sur le vieux bâtiment. Ils recouvraient à présent mon reflet qui déclinait ses formes à l'oblongue dans une frise s'achevant en queue de poisson qui mangeait les graviers sous la rouille des bordures en arceaux, délimitant l'espace entre les gens et la pelouse avec une autorité délirante. L'océan m'éprouvait, gagnait en certitude, attiré par le socle de la statue, on distinguait lacérés à la pointe d'un couteau, deux coeurs trop larges mal ajustés, plus deux prénoms tellement crayonnés, qu'aucun des deux ne demeurait lisible. La poésie commençait là, sur ces biffures exquises, un trait pour l'immortalité, l'amour fou accroché au socle d'une statue évoquant mille sentiments enroulés sur eux même en minuscules lambeaux. Des milliards de lambeaux de secondes chagrinées, apprêtant patiemment tout l'orgueil pour la suite. Une pavane en dénégation, mimerait encore l'offrande qui s'exposerait libérée de la morale, et des institutions, par la grâce de communicants absolument conquis par cette idée : la recherche de l'âme soeur, l'alter ego. Le retour du sentiment vrai, de l'authenticité. Oui, l'amour véritable. Là, sous ton nez, mon beau, "Couilles en or jamais ne songent à la destruction de nos âmes". Un poète riant dans la brume, assis sur son tas de rebellion se moucherait dans mon petit papier façon cocotte, ou le poserait, là, juste sur les flots, un bras d'honneur à Harpagon. D'autres plus conquérants n'espèreraient qu'une catastrophe, un bout de fumier pour renaître. La révolte, devenue impuissante, toujours sous les lampions, s'acheverait par l'invention de la Vénus de Milo version indienne, avec six bras, des lingeries à motif Snoopy des pantoufles à tête d'animaux, c'est à peu près tout ce qui resterait de notre génération.
Je songeais au "proverbe futur" ouvrant "le socle de la statue" d'Auguste VILLIERS DE L'ISLE ADAM, (publié en 1882 sous le titre "La maison Gambade père et fils") :
"A quoi bon la hache ? Ne t'arme que
d'épingles, si tu n'as pour objectif qu'un ballon."
Je songeais à ce brouhaha que faisait l'amour fou au départ d'un train à très grande vitesse, à Paris gare de Lyon, un mouchoir maculé de larmes oublié sur la chaise de l'illustre brasserie du train bleu. Y aurait il aujourd'hui plus petit qu'une épingle, pour crever définitivement un ballon que l'esprit ne supporte pas de voir se dégonfler davantage ?
Je songeais à toutes ces ingénuités, aux bureaux de tabac, aux bancs publics, à tous ces doigts coupés par des machines de menuisier, jusqu'à ces visages d'apôtres martellés aux tympans des églises romanes. Tout ça pour arriver à "ça" : croiser à chaque pas la trahison, la belle engeance qui au fil du temps se délave, le spectre indiscret des créances et toute une politique de civilisation, marquant insidieusement nos corps sans même le respect minimum. "Le nouveau commencement de rien", lu par des turbo-bécassines militant pour le thème astral et des cyber gédéons bio (mais qui fument quand même des pétards), boursouflés de musique concrète, d'art abstrait, de cinéma d'avant garde, aimant SARTRE, le poulet basquaise, l'ésotérisme et les choses simples par exemple se faire une petite raclette entre collègues en fin de semaine, vautrés sur des convertibles norvégiens. Ces beaux "épanouis" prêts à pourrir dans les bras de leurs prochains, déroulant une vie à tartiner des miettes, encartés et voraces, comme ces oiseaux hideux. Marchant à reculons à la recherche des pires audaces de leur jeunesse... "les arbres en fleur en plein hiver", (mais si ! vous savez bien !), et pour projet un programme poétique, surtout ludique du même tonneau. Sous la foi généreuse entre tous, il se trouve toujours un radin bardé de titres et d'honoraires, pris par l'angoisse, qu'on ne lui règle pas 42,37 euros dans les meilleurs délais. Un de celui qui à table après avoir bien bu et bien mangé, ose vous dire d'un air sympa: "Avec 1000 euros aujourd'hui t'as rien ".
Au milieu du jardin, cet homme épouvantable, accompagné d'une auxiliaire pourvue des papiers nécessaires, était assis, il m'attendait, au tournant comme on dit. Je me laissais glisser lentement, buvant la tasse dans cette flaque, je m'y noyais avec l'espoir de terrasser mon dû, puis pour bien achever l'histoire, me livrer aux coraux nés de mon imagination malade. Entre cette eau usée et mon petit personnage, le sarcophyton avançait. D'autres petits sarcophytons viendraient pour sauver l'équipage. C'était, (je pensais), le sacrifice qui donnerait beaucoup d'espoir à ceux qui survivraient. Peut être un jour sur un tee-shirt, un poster, ou un sac, peut être on me sarcophytonnerait. Cette idée là, valait la peine. Laisser en ce monde une trace... J'avais à présent immergé mon corps entier dans cette flaque, il n'y avait plus ni jardin, ni palais. Je m'en allais. En route pour une nouvelle vie.
Au loin, un vieux son dégueulasse, vociférait :"Vous me devez !". Ca sonnait comme une pointe de compas crissant sur un tableau d'ardoise. Le sarcophyton souriait. "Avais je vraiment idée de l'importance de cette flaque ?" Quand le sol me recouvrit, je me retrouvais dans un aquarium. Quelqu'un recousait ma doublure, un ouvrier cirait le bout de mes savates. Le sarcophyton caressait paternellement mes cheveux. "Vous avez fait le bon choix", il me disait. On me fît remarquer que ma peau de daim n'était pas tout à fait présentable. Dans les bas fonds un labyrinthe. Sous la pelure d'oignon, une autre pelure d'oignon. Je flottais gentiment sans plus penser à rien, tout ce confort bientôt serait mon necessaire, "j'y prendrais goût". On me présenta un comptable : "Ne vous inquiétez pas, les 42,37 euros, seront réglés aujourd'hui même". Bien monsieur, bien madame. J'étais sauvée. On m'apporta dans une vaisselle (en cristal de bohème) : Du caviar, du foie d'ortolan, puis un gigot de paon pistache sur son coulis moléculaire. Suivis d'un dessert somptueux. Un mystère fait maison...
Ce n'est que le soir en me couchant, que je sentis quelque chose peser. Plus affligeant encore que la crainte d'une dette. Ma vieille vie courait derrière, et m'observait en ricanant. Mon visage semblait fondre, comme s'il n'était plus, ou de loin, une tête trop grosse qui se vidait tout bas. Même ma voix m'angoissa, il en sortait des sons atones mais les mots ne se formaient pas. Je ne trouvais plus un mot, pas le moindre petit mot pour dire quoi que ce soit. Je tentais une phrase j'eus honte. J'agitais une clochette pour exiger du personnel qu'on m'apporte un miroir de suite. Apparence, ma belle apparence ! sur mes mains poussaient des poils blonds. Mais comment exprimer le désir de remonter à la surface, s'il n'y a plus de mots ? Et puis bon, après tout ! j'avais choisi. C'était comme ça.
Sur ma table de chevet; on a mis les carnets de Pierre-Jean Franfari, les fameux trialogues (des entrepreneurs, des politiques, des financiers, en voyage au futuroscope) c'est très interessant. Je m'habitue à cette vie. je sais que les choses vont dans le bon sens. Hier je suis allée à la bijouterie, m'acheter des boucles d'oreilles et une broche représentant une tête de rat avec des cornes. Orselyne, une collègue de travail m'a prêté son tailleur fuschia, il est un peu trop grand pour moi, mais en reprenant la taille, avec des fronces, des épaulettes, j'arrêterai de ressembler à rien. On m'apprend aussi à marcher avec des livres sur la tête. Les essais de MONTAIGNE + les oeuvres complètes de DOSTOIEVSKI . Tout va bien, j'apprends vite et je m'en félicite. Je regrette qu'ici, il n'y ait pas de fenêtres. Ca manque un peu. La nuit surtout, j'aimais beaucoup, dans ma jeunesse, rester des heures à la fenêtre pour regarder la lune. Mais il faut savoir ce qu'on veut dans la vie. Je ne regrette rien. Hier j'ai lu 450 pages des carnets de Pierre-Jean Franfari, je les ai lus d'une traite, jusqu'au matin, dans mes draps bleus, avec mon groin.
Photo : Variations pour une flaque et des reflets. Photographiés au jardin du Musée des Beaux Arts, à Lyon autour du 08 Décembre 2009.© Frb.
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mardi, 08 décembre 2009
Superflou. Artistique !
Superflux vs SUPERFLOU ou 25 secondes de lumière, sur l'ilôt d'Amaranthes.
Une fois encore La galerie ROGER TATOR, les artistes, et les habitants d'un quartier (au coeur du 7em arrondissement, exactement) ont sauvé la fête des lumières, d'une vulgarité de plus en plus décomplexée. Nous passerons sous silence (ou presque), cette monstrueuse tarte à la crème, qu'ils appellent (en toute impunité), "Programme poétique", (cf :"allégorie du temps qui passe et du temps qu'il fait" situé au lieu le plus fréquenté, (la place des Terreaux même). Cette année encore, le spectacle officiel, a atteint des sommets si consternants de sottise, qu'il convient urgemment de s'en détourner.
Revenons à Superflux devenu Superflou, à l'occasion de la "Fête des lumières 2009" ! Superflux vs Superflou en marge de toute exhibition spectaculaire, nous a offert (c'est vraiment cela, offrir), un drive-in urbain merveilleux du côté des rues Mazagran et Jangot. Notre plaisir fût à la hauteur de ces belles inventions (à aucun moment prétentieuses). Enfin, les spectateurs se trouvaient respectés par les artistes et organisateurs du projet. Le sens de la fête (toute en nuances douces) n'avait alors plus rien d'une injonction. Pas une seconde, nous ne fûmes déçus. Entre vin chaud, feu de bois au jardin, petites bougies, concerts discrets et luminions, tout fût d'une surprenante convivialité. Il convient de féliciter l'artiste metteur en scène Beneditto BUFALINO qui a mis en scène un espace de projections vidéos avec la complicité des habitants dans ce qui n'est d'ordinaire qu'un banal parking. Ici transformé en véritable drive-in urbain, (assez drôle), les promeneurs invités à s'installer à bord des véhicules peints aux couleurs de l'ilôt, pouvaient se reposer tranquillement devant les vidéos, (15 vidéos très courtes, au total) le son étant émis distinctement dans chaque auto. Difficile de décrire le plaisir éprouvé, et ce détournement magnifique de l'usage qu'on peut faire d'un parking et d'autos... Il convient de remercier, évidemment la galerie ROGER TATOR qui a sélectionné ces vidéos sur le thème de la lumière et du flou, proposé une selection très harmonieuse d'artistes (confirmés ou débutants) et surtout a permis que cette fête des lumières (en dehors d'une autre "foire", en forme de gigantesque vitrine) soit un moment de découverte à échelle très humaine, voire de réenchantement d'une ville et de ses habitants.
L'une des finesses de ce projet est aussi le trajet menant de la galerie ROGER TATOR jusqu'au fameux drive-in, mais là, si vous voulez voir, je vous conseille une petite visite chez DAILY LIFE qui en a rapporté en quelques secondes un rendu très fidèle aussi magique que la réalité ! Son billet étant également, à suivre ICI...
Mini-Vidéo: Quelques secondes de vidéo minifilmées à l'avant d'une de ces improbables autos, (je n'ai malheureusement pas eu le temps de noter le nom de l'artiste, (pardon l'artiste), on me souffle dans l'oreillette,(merci K-Loth), qu'il s'agit de Philippe LIEV POURCELOT ... Les Hitchcockiens avertis apprécieront le doux flou et les étranges disparitions. Ilôt d'amaranthes. Lyon. Fête des lumières, 8 Décembre 2009. © Frb.
11:41 Publié dans Actualité, Art contemporain sauvage, Arts visuels, Balades, De visu, Impromptus, Le nouveau Monde, Mémoire collective | Lien permanent
mardi, 01 décembre 2009
Monter Décembre
Les plus beaux jours de la fête des Lumière ce sont les huit jours qui précèdent la dé-fête finale. Ou Le grand huit (propagande officielle). Et pour celui ou celle qui a la chance (???) de vivre à Lyon, rien n'est plus extraordinaire que de s'y balader jour et nuit ces temps-ci, la tête dans les nuages ou presque, car on jurerait qu'une toute petite partie de la population, je veux dire,"les mécanos de la générale", vivent alors comme ces chats de légende et de contes enfantins, tout simplement perchés là haut. On en trouve dans les arbres, (brésars), accrochés sur les branches, d'autres plus exubérants, embrassent les poteaux, toute la ville semble alors comme un grand cri d'amour où mille fragilités se grisent en suspension. Chaque bosquet monte ses personnages aux plaisirs les plus hauts. Chaque branchage a son prétendant. Eros est sur tous les sommets. Même les blanches mains, jadis glacées de la sainte Vierge, caressent la nuque de ces messieurs qui se dépensent sans compter au souffle d'une "Chanson pour elle".
Que ton âme soit blanche ou noire,
Que fait ? Ta peau de jeune ivoire
Est rose et blanche et jaune un peu.
Elle sent bon, ta chair, perverse
Ou non, que fait ? puisqu'elle berce
La mienne de chair, nom de Dieu !
Ces êtres fols, on en trouve aussi sur les dames (pas des Saintes Vierges, my god !), l'électricité de France à leurs pieds, hommes fourrageant comme des castors à se demander si Décembre, n'est pas à Lyon par excellence, la saison d'une brusque poussée de fièvres mâles qu'une brume doucement retrouvée attiserait dans sa discrète gangue nourrie d'un petit lait frotté aux malins lumignons. La Dame de la forêt Morand, (exemple), qu'on savait de pierre (et de Paul) mais surtout liée à André Pieyre, n'est point farouche quant à laisser les coquins idolâtres chercher à fleur de sens sous un pli de jupon une faille en bris de plâtre qui révèlerait un coin de peau. Amours secrètes des petits génies de l'éclairage boudés par ceux de l'agriculture de l'industrie. Le génie pur et retrouvé, génie de la luminosité. Lyon tel une chaufferie d'amantes, encenserait ces butinages. Ainsi des vigueurs impensables, opèrent un curieux déplacement glissant peu à peu nos promenades aux sentiers d'une carte du tendre.
Quand les dames, les poteaux, les brésars, auront été amoureusement savourés, quand tous les mécanos de la générale, les goûteurs d'éclairages, et les employés doux du puissant GranydoL seront lassés des escalades, quand l'échéance, viendra sans bruit, replacer tout à l'ordinaire. Nous arriverons pile sur le soir du huit. L'heure qu'il est échappera peut-être, mais la procession s'imposera, qu'on le veuille ou non, dans toute sa tyrannie festive. Tout au plus une orgie molasse, après de très beaux précédents. On ne parlera jamais de "ça". La parenthèse qui enchanta, se refroidira comme le marbre, un caillou enfermé dans un coussin de Lyon et pas même un suçon (les suçons sont de Lyon) sur la face cachée du brésar. De ces somptueuses crapettes que vous ne vîtes point ou si peu, lecteurs chéris, (victimes, qui sait ?), je serai prête à parier, un voyage en ballon (avec Solko (?) sous les lampions de la Scala de Vaise) qu'on ne vous en jettera que les miettes. Peut être même un peu moins. Peu importe, que ce soit de l'amour ou du lard, il faudra bien suivre la fête...
Photo: La conquête de la Dame de pierre dans la forêt Morand par les mécanos de la générale du GranydoL, (qui sont de sacrés montagnards !). Lyon, place Lyautey. Première de Décembre 2009. J - 4 avant les premiers allumages. © Frb.
03:37 Publié dans Actualité, Art contemporain sauvage, Arts visuels, De visu, Impromptus, Le monde en marche, Le nouveau Monde, Mémoire collective | Lien permanent
lundi, 30 novembre 2009
Tous, un, chacun
Hier à l'heure la plus silencieuse le sol m'a manqué : le rêve commença. L'aiguille s'avançait, l'horloge de ma vie respirait, jamais je n'ai entendu un tel silence autour de moi : en sorte que mon cœur s'en effrayait [...]
FREDERIC NIETZSCHE : "Ainsi parlait Zarathoustra" (1). Editions Flammarion 1996.
Lundi, dix neuf heures trente. Nous sommes chaque jour plus sûrs de nous. Dans un monde plein d'images, la notre est dépourvue. Une procession de silencieux sous les "Bose" invisibles. Dissolution en tissus mous des ailes d'ange. Une empreinte animale dans un mouchoir en soie, de l'achat sur les murs et des fleurs fraîches dans les bras de Monique Vandroux, (voir notre photo : troisième personne au fond à droite) à côté de monsieur (assis en face). Et tous ces gens, bacaroulés, le nez dans les pistils safrans d'un bouquet sidérant.
Première merveille du monde : venir à eux sans hésiter, venir à eux, c'est tout, et savoir leur parler. Toute l'innocence des cordes vocales, dans un "je vous en prie, s'il vous plaît". C'est une station longue, atonale. Un crépuscule minier. De la tourbe et beaucoup de sable dans ce chariot achalandé de chairs pures et véritables. Des lèvres pourpres. Des poitrines gonflées. Ici des paniers de salade, là un luminaire empaqueté. A terre quelques publicités en forme de cylindre. Quelques minutes d'un seul tenant, sans jamais respirer. Et l'odeur de la pluie répand, celle du vieux chimpanzé.
Chaque souci dans son enclave. Au signal assuré, à station Foch, le riche est là, Philibert de Saint B. (Cinquième personne à gauche), ensemble tweed, manteau de cuir blanc pour la star Vanessa Coco (styliste cool, assise au bord). Une place à part à son spectacle, Melle Branche (hors champ), qui n'aime pas bien les étrangers, entend chanter a capella "svalutation", par des arabes : "Ils mettent LEURS pieds sur NOS fauteuils, c'est NOUS qu'on paie, quelle déchéance !" et sans cesser de tricoter, jette un oeil sur monsieur Grenier (debout, au centre, en blouson beige) qui baille en moue de vieil enfant. "S'il avait voulu, seulement...". Rêves de jeunes filles. Fiel d'ingrate. Il n'y a que mailles... Des bras s'emparent. Un monsieur à son avantage frotte un genou ingénu contre la cuisse d'une dame d'un âge. La mode est à la bigarade.
Perdus au fond, Juliette et Gilles, (le nez contre la vitre hors champ) en tandem ipodés, découvrent "Diamonds are forever" dans une reprise d'Arctic Monkeys. A l'extase stéréophonique, Monsieur Broix, professeur de lettres, recopie sur un bloc rhodia (16), une note rapide de Jacques Vaché traversant le ciel de la guerre, avec une hâte catastrophique puis s'anéantit doucement, fondu au comité des sucres du réseau TCL, une voix d'hôtesse à cajoler, énumère chaque station juste avant l'ouverture des portes, (automatiques, on s'en doutait) : Hôtel de ville-Louis Pradel, Foch, Masséna puis Villeurbanne-Charpennes, correspondance pour Jean Macé, l'ancien terminus de la ligne B, une sortie en vue imprenable sur la rue Elie Rochette pas loin d'Athènes et des trois pierres. Ou, mettons, prenons le sens inverse : Charpennes-Villeurbanne, Masséna, Foch, Hôtel de Ville-Louis Pradel, correspondance Croix-Rousse, Hénon, Cuire. Là, on emprunterait l'escalier déroulant un traité de bave (sans même une trace d'éternité), mais à discrépances variées. Deux minutes de descente, à retomber dans un cul de sac, pour courir après une ficelle. A cet instant, je règle ma vie sur ton pas, camarade ! et je cours, (court, toujours !), une tortue à cet horizon qui se restreint et m'exacerbe. Madame Lantier avec sa canne (a refusé de figurer). Il m'importe de ne pas louper l'aérienne Croix-paquet, ("cruci-paquet" pour les intimes), station de charme, une forêt de courants d'airs et de chaises alignées. La radio collective abreuve ses passagers, un coup de jet dans les pavillons. Souchon, Voulzy, Cloclo, Maurane. Le plan d'urgence est abordé : ipodage immédiat. Jean-Luc Béraud, (arrière petit cousin de...) pose un oeil consterné sur le corps bleu de ma prothèse. Le tunnel se coltrane. Monsieur Broix, ferme son cartable. Jacques Vaché, pose une grenade sous un drôle de stylo. Monsieur Broix salue monsieur Guy. Et le jeu recommence. Dix neuf heures cinquante six.
Nous étions vingt, nous voici trente. Nous étions des milliers, nous voici vingt ou cent. Ils étaient trois garçons, nous étions deux amants. Vingt cent mille ânes. Et cent-vingt rois. Ils étaient des millions. Six mille huit cent quatre vingt huit milliards. Nous étions trois petits chats...
[...] Soudain j'entendis l'Autre qui me disait sans voix : "Tu le sais Zarathoustra." —
Et je criais d'effroi à ce murmure, et le sang refluait de mon visage, mais je me tus.
Alors l'Autre reprit sans voix : "Tu le sais, Zarathoustra, mais tu ne le dis pas !" —
Et je répondis enfin, avec un air de défi : "Oui, je le sais, mais je ne veux pas le dire !"
Alors l'Autre reprit sans voix : "Tu ne veux pas, Zarathoustra ? Est-ce vrai ? Ne te cache pas derrière cet air de défi !" —
Et moi de pleurer et de trembler comme un enfant et de dire : "Hélas ! je voudrais bien, mais comment le puis-je ? Fais-moi grâce de cela ! C'est au-dessus de mes forces !"
Alors l'Autre repris sans voix : "Qu'importe de toi, Zarathoustra ? Dis ta parole et brise-toi !"
F. NIETZSCHE. "Ainsi parlait Zarathoustra".(2)
Photo : Comme un lundi à l'assaut d'une rame. Métro Lyon, (je ne sais plus précisément où. Ici ou là, dans une rame c'est toujours un petit peu pareil, non ?). Novembre 2009. Dernière.© Frb.
23:32 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, Balades, Certains jours ..., Impromptus, Le monde en marche, Le nouveau Monde, Mémoire collective, Transports | Lien permanent
dimanche, 29 novembre 2009
Petit à petit, l'oisif ...
Johnson - L’oisiveté engendre l’ennui.
Boswell - Si fait, monsieur, parce que les autres sont occupés, de sorte que nous manquons de compagnie. Si au contraire nous étions tous oisifs, nous n’éprouverions nulle lassitude ; nous nous divertirions les uns les autres.
JAMES BOSWELL (1740-1795). Extr. "La vie de Samuel Johnson". Editions "L'âge d'homme", 2002.
En juillet 1877, Robert Louis STEVENSON publia un essai philosophique tout autant qu'une critique (dans la revue Cornhill Magazine) sur la société et sa relation au travail : "Une apologie des oisifs" disponible en français aux éditions Allia, en langue originale sous le titre : "An apologize for idlers". Dans l'esprit magnifique de R. L. STEVENSON, (et l'on notera au passage que nos politiques actuelles dites "de civilisation" n'ont pas encore atteint ce seuil extra de modernité, de bienveillance ; pour ne pas dire qu'elles s'en éloignent...), oisif ne signifie pas "ne rien faire", mais plus exactement (et dans le flou le plus espéré) : "faire des choses intéressantes" qui bien sûr, "échapperont aux dogmes de la classe dominante" il faut bien que l'auteur le mentionne un peu. STEVENSON s'en donne à coeur joie pour critiquer les "besogneux" et cette sacro-sainte valeur-travail, qui n'enlèvera pas pour autant aux humains leur insignifiance. Bien sûr, à présenter comme ça, par ce sujet louant l'être oisif, et qui caresse assez le sens du poil des paresseux, on pourrait vite verser dans la facilité voire dans la complaisance, mais l'imagination solaire (et pas seulement), de STEVENSON, son style digressif, profondément talentueux nous embarquent comme rien. Jamais docte, ni futile, STEVENSON connaît son sujet, évitant les écueils d'une séduction truquée, il se pose en passeur et plus encore, en éclaireur. Ses petits textes gagnent en saveur, quand on les lit, tête en l'air (c'est ainsi que lisent les oisifs), parfois, au bord d'un fleuve drainant tous les lumbagos de sa ville, juste en dessous du tintamarre et du dernier soupir dominical déjà voué aux astreintes de maître lundi. Ainsi ai-je dévoré le livre, sans y penser ! près de la cabane du pêcheur Honoré, fine comme l'aile de l'Anax imperator, tendre comme les pilotis de la maison d' Alceste, que vous finirez bien un jour par entrevoir dans quelque frayage buissonnier, à cette improbable croisée des mondes quand l'oisiveté devient un lit presque amoureux.
Sans réserve, j'adorerai toute ma vie STEVENSON qui me prit par la main un jour d'été afin que je puisse échapper à d'autres sortes de lectures, par exemple, celles de ces organismes qui déjà sur l'enveloppe raccolent votre culpabilité. Celles de ces structures qui vous demandent de leur rappeler ce que vous faites dans la vie, cocher des cases, fournir des preuves, remplir encore, et puis signer avec la date, exactement là, où c'est dit. Le tout "accompagné" par le nom de quelqu'un qui "suit votre dossier" (votre dossier numero tant est suivi par Madame Claude Vairolle) tandis que nous, avant que le papier ne soit posté, nous sommes déjà pris dans la peur des conséquences. Le dossier doit être renvoyé avant la date prévue, notée en gros (en rouge parfois) sinon, gare ! s'ensuivront de sourdes menaces aussi lourdes en malentendus etc... Rien que du très banal, mais du très banal de survie.
Pour avoir subi deux fois le même entretien dans une pièce sans fenêtre, couleur papier kraft, avec je ne sais quel employé diplômé dans les ressources sociales (c'est pas comme ça qu'on dit ?) asservi à vous "reclasser", (parfois on peut très mal tomber)... Pour avoir, par le commerce avec monsieur le subordonné, éprouvé quelques temps la certitude, qu'il fallait urgemment que je sois reclassée, ou que je meurs à petit feu voire sur le champ ; à moins, que j'accepte obligatoirement un autre entretien avec une subordordonnée supérieure et plus spécialisée dans les cas plus ou moins "sensibles" comme ils disent... N °456, deux heures de chaises en plastique orange un gros tas d'épaves dans mon genre tous diplômés des écoles d'art, des comédiens postulant pour figurer (en figurants) dans un futur "Louis la Brocante", des plasticiens portant à bout de bras, des books monumentaux remplis de photos d'installations en plexiglass qui n'intéresseront pas. Tous, présentables pour la carrière, au rendez vous de la dite chef des subordonnés. Pas de quoi pavoiser. N° 456 ? -" Oui, le 456 c'est moi ! bonjour madame !'. Rampant et lèchant le pied de mon sauveur : "bonjour madame la subordonnée supérieure etc etc...". Pour avoir foulé un instant le bureau d'une haute responsable de l'ANPE (lisez encore pour la poilade = de "l'ANPE des artistes", il y a des jours où on se demande qui a crée ces mondes...), qui regarda une demie-seconde mon piteux Curricoucou.V que j'avais tapé à la machine toute la nuit , recommencé cent fois ... Face à cette dame très importante qui, ne comprenant pas le genre de diplôme que j'avais obtenu, me dit (en secouant sa grosse tête de lionne, emmanchée d'un petit cou de serpent à tordre) : "Vous ne comptez tout de même pas trouver un travail avec ce genre de diplôme là ?". Que dire ? Répondre - Ben si !" serait d'une insolence... Donc écouter. Oui. "Chercher la solution ensemble", comme elle disait. "La solution, (ensemble ) c'est de vous envoyer au bureau de l'anpe normale pour un reclassement, voilà tout !". Que dire encore ? Répondre que j'en revenais tout juste, et que c'était même le subordonné, son inférieur de "la normale", qui m'avait envoyée ici ? C'aurait été d'une imprudence ! Ainsi, ai-je durant des jours (semaines ? mois ?) gaspillé ma jeunesse en cheminant, de l'anpe "normale" à l'anpe des "artistes", (c'était le temps où rien n'était regroupé, aujourd'hui ça a fusionné, l'idée est d'ailleurs formidable !!!) pour trouver (ah, j'ai oublié de le mentionner, pardonnez moi), pour trouver un travail. A la base c'était ça l'idée. Trouver un travail. Voilà.
Pour avoir vendu des espadrilles invendables dans une vague chausseria de la fosse aux ours (on en rit encore, moi pas vraiment), pour avoir classé des barboteuses par ordre alphabétique dans un magasin du genre Grobaby rue de la Barre, pour avoir emballé des éléphants imitation Ganesha en pseudo bois écolo-gaga (méfiez vous des imitations !) et des bougies idiotes aux vertus relaxantes à l'Hippopotashop du grand centre commercial la part-Dieu par la grâce du reclassement et de mes diplômes prestigieux... Pour tout cela, oui, sans réserve j'adorerai toute ma vie STEVENSON, qui, par ses beaux écrits me l'a en quelque sorte sauvée. La vie. Je veux dire la vraie. (Pardonnez la syntaxe), et par la grâce... (La vie, encore ! n'est pas si mal foutue, au final) de mon "supérieur hiérarchique" = oyez ce terme qui sonne diable ! comme une tautologie à en tartuffer les babouines et les babouins qui se disputent leurs Kinder bueno autour d'une machine à café ; mon patron, donc, (restons simples) du magasin de la fosse aux ours, qui n'était pas un mauvais patron (j'adore le patronat !), juste un monsieur âgé, genre vieux singe fatigué par sa propre grimace, qui avait pris la peine (tout de même!) de lire en entier mon "parcours", me convoqua dans son bureau un jour d'été pour m'annoncer : "Enfin je ne comprends pas, vous n'avez rien à faire ici", j'ai répondu "ben oui je sais bien ! et puis de fil en aiguille, comme j'étais plus ou moins virée, nous bavardâmes un brin, le monsieur, m'avoua qu'il s'ennuyait assez dans son métier qu'il avait plus ou moins choisi et qu'il se préparait un départ avant l'âge, pour se retirer à tout jamais, dans les Cevennes afin de passer ses jours à se promener et lire ses auteurs préférés, drôle de destin pour un roi de l'espadrille.... De là il me parla du "Voyage avec âne dans les Cevennes" puis de fil en aiguille d'un autre petit livre... C'est un comble, mais grâce à cet homme admirable, je découvris les pensées de STEVENSON et par delà cette très fugitive apologie du patronat, celle des oisifs.
Ainsi effeuillant au plus loin, une biographie de chausseria, les affres de petite quotidienneté, j'aimerais, vous présenter monsieur STEVENSON (faites entrer !). Au grand luxe des flemmes, sous un soleil d'automne baillant dans un ciel doux un peu lacté, de l'heure du coq à l'heure du chien, sur des rives aquarellisées, quand chaque fraction de secondes, entrent toutes en béatitude et peignent la girafe aux frais de l'empereur. Monsieur STEVENSON en personne traverse la grande allée, pour nous montrer les beaux sentiers, en déchirant nonchalamment quelques dossiers, et autres pages un peu tâchées...
"Une apologie des oisifs". Extrait :
"[...] Je n'ai pas le temps de m'étendre sur ce formidable lieu d'instruction qui fût l'école préférée de Dickens, comme de Balzac, et d'où sortent chaque année bien des maîtres obscures dans la science des aspects de la vie. L'élève qui fait l'école buissonnière [...] peut tomber sur un bouquet de lilas au bord de la rivière et fumer d'innombrables pipes en écoutant le murmure de l'eau sur les pierres. Il entend un oiseau chanter dans les halliers et là, il se laisse aller à des pensées généreuses et voit les choses sous un jour nouveau. Qu'est ce donc si ce n'est de l'instruction ? [...]"
Nota 1 : Toute ressemblance avec des situations réelles, ou des personnes existantes ou ayant existé serait fortuite et indépendante de ma volonté.
Photo 1 : Le pêcheur Honoré, au bord de son fleuve sacré, pêchant pour rien. Vu côté berges du Rhône, à l'heure du coq.
Photo 2 : Un autre petit coin de berge, et son brésar déplumé photographié par l'oisive même, juste après le départ d'Honoré, à l'heure du coq, s'acheminant cahin- caha, vers l'heure du chien. Lyon. Avant- Dernière de Novembre 2009. © Frb.
Nota 2 : Pour des raisons bêtement techniques, je suis désolée de ne pouvoir actuellement, visiter, les blogs amis autant que je le souhaiterais. Je vous remercie ô commentateurs ! de venir ajouter un grain extra, au jour le jour, à C.J. et j'ose espérer, être en mesure de reprendre à loisir, ces balades virtuelles, appréciées aux domaines kamarades.
10:38 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, Balades, De visu, Impromptus, Le monde en marche, Mémoire collective | Lien permanent
samedi, 28 novembre 2009
Comme un soir presque tranquille
Dans les maisons il y avait des fuites d'eau, des plombiers sur des escabeaux. Des ouvriers dans l'escalier étaient agenouillés devant une porte. Rue de Brest à Lyon, on avait pendu sur des fils, des étoiles entre les maisons. Le milieu de l'après-midi ressemblait à un soir tranquille. Sur le muret bordant le Rhône à quelques mètres de Morand-pont, une jeune fille lisait Modiano. Le paysage, l'étrangeté des ritournelles et des points fixes. Une valse muselée aux paradoxes des "Dimanches d'Aôut". Quelques personnes, encore, traversaient l'esplanade emmitouflées comme des enfants, à l'heure du goûter, plongeant pudiquement une moitié de visage dans des viennoiseries fourrées de frangipane. Il montait de la ville, une odeur de chocolat chaud. Les rues étaient désertes et les ponts désolés. Discrètement déjà, on ramenait les machines, pour une fête des lumières, qu'on avait décidé, cette année sous la sacro-sainte thématique de la nature. Assis par terre près d'un bouchon lyonnais, l'hiver glacerait les bonnes consciences, nos intranquillités, une main tendue, un spectre légèrement affublé, sur la tête un foulard et une corbeille aux pieds ; à ses côtés un garçonnet jouant de l'accordéon avec un doigt, deux notes slaves et la rue Verdi tirait sa roulotte, en ombres rares jusqu'aux luminions du bordel élégant de l'opéra où les danseurs de hip hop, RnB. draguaient les filles en marchant sur la tête. D'autres humains moins virtuoses anticipaient l'heure de l'apéro aux terrasse des cafés de la grande place, des employés, des bureaucrates, et des types en cravates qui n'étaient sans doute rien de tout cela. Des gens venus de la campagne demandaient leurs chemins. On vendait des pagnes bogolans au magasin Toto, les vieux osaient la trottinette, les jeunes la casquette à carreaux. Plus bas, le long des berges une jeune femme marchait un bouquet d'immortelles à la main. Jamais le vol des mouettes n'avait été si haut. Le ciel semblait peint par Jacob Van Ruisdael. Dans quelques secondes, le feu-piétons passerait au vert, nous serions une dizaine à traverser le pont...
Pour rejoindre le pont Morand, Il faut traverser deux fois la même route. Cela se fait sans y penser. Les piétons se mêlent aux rollers, et aux lourds vélos d'amour (on dit Vélo'V), qui trimballent dans leur guidon toute l'écologie pratique et techniciste du nouveau monde. Le Rhône est d'une belle couleur brune. Ses reflets cruels semblent doux. Une mer huileuse si l'on se penche, beaucoup plus fluide au loin. Par les flots on devine toutes les peines de coeur et ces corps remués sous ce fleuve éprouvant. Ces drames innombrables jamais ne se prononcent. Il y a des épines dans la gorge du Lyon.
Balade à suivre (peut être)...
Photo : Le fleuve Rhône en automne vu du Pont Morand à la fin de l'après-midi. Novembre 2009.© Frb.
04:54 Publié dans Balades, De visu, Impromptus, Mémoire collective | Lien permanent
mardi, 24 novembre 2009
Les belles f(r)ictions
"Ceux qui n'ont pas exigé, un jour au moins, la virginité absolue des êtres et du monde, tremblé de nostalgie et d'impuissance devant son impossibilité, ceux qui, alors, sans cesse renvoyés à leur nostalgie d'absolu, ne se sont pas détruits à essayer d'aimer à mi-hauteur, ceux-là ne peuvent comprendre la réalité de la révolte et sa fureur de destruction."
ALBERT CAMUS. "L'homme révolté". Editions Folio 1995.
Une nuit, au moins, en fouillant sous le ventre d'un caillou, vint une rumeur de vies anciennes, au cratère, des lamentations, et l'odeur encore fraîche de quelques corps calcinés après un combat révolu (disait-on) dont l'ultime précision, quelques détails réels, se délitaient à mesure que nous classions par ordre de grandeur chacune de nos révolutions. Une nuit, au moins, je sentis ces démons brûler méthodiquement la terre, rouler doucement sous les maisons, se rassasier des chairs que nous laissions tomber avec nos ombres. Vieilles canines de chiens, rêves lunaires, anciennes peaux...
Sous une pluie malodorante passaient les amours mortes. Et là, juste au dessus de ma tête, le crin crin d'un libre électron pris dans le tournis de son cercle remisait l'avenir de l'homme, avec sa femme. Tous deux, penchés sur la rambarde du balcon de la maison moderne, me regardaient tisonner les pierres, frictionner cette tombe d'où remontaient quelques aïeux entourés d'elfes noirs... Dans l'enclos de cette rue bordée comme un jardin, de cyclamens pâles et de géraniums sanguins, j'imaginais les grands espaces. Des musiques muettes inventant le feu à l'archet. De quoi griller la mémoire courte... De quoi remuer le vieux bois, de quoi inviter les revenants à se coucher dans le lit des vivants. Coeurs ignifuges à dégommer d'une caresse épouvantable, fine comme du papier argent. La nuit n'offrant pas d'autre spectacle, l'homme et la femme s'en contenteraient.
Photo : Rue de l'Auguste, la nuit. Au hasard d'un chantier, cinq pavés se réveillent au fond d'un gouffre immense, ou, sur la colline qui travaille (et qui crie aussi), les fantômes, (ces anciens soulevés), préparent l'ex-futur incendie. Vu à Lyon, Croix-Rousse. Novembre 2009.© Frb
03:12 Publié dans Art contemporain sauvage, Balades, De visu, Impromptus, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
lundi, 16 novembre 2009
La musica ideal (Part I)
21 secondes sur un grand radeau
00:40 Publié dans Art contemporain sauvage, Balades, De la musique avant toute chose, De visu, Impromptus, Le monde en marche, Mémoire collective | Lien permanent
mardi, 10 novembre 2009
Passer à côté de l'amour
A une petite seconde près....
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dimanche, 08 novembre 2009
Le croûton, l'oiseau, et le Grand collisionneur de hadrons
Un oiseau laisse choir un croûton de pain et c'est l'apocalypse au royaume des particules. Monsieur oiseau (on soupçonne fortement un Tangre de Ranchal autre nom de la chouette (!), transportait dans son bec un croûton. En survolant l'accélérateur de particules du CERN, le bel oiseau, lâcha (par distraction sans doute, quoique la thèse soit controversée), des petits bouts de son croûton sur une installation électrique. Jusque là, tout va bien et je ne suis pas si décalée que cela, puisque l'incident a eu lieu mardi dernier (03 novembre 09) or, nous ne l'apprendrons que 09 Novembre, (on nous cache tout, on nous dit rien) mais comme cette date, n'est pas encore apparue dans notre calendrier certinjournien. Je vais être la première dans cette dimension du temps unique au monde, à vous dévoiler le grand secret :
Je rapporte ce que j'ai lu en toutes lettres dans ma boule de cristal, un papier adorable écrit par un journaliste (bien sympathique), sans doute sorti des grandes écoles, lisez :
"L’oiseau - pour une raison encore indéterminée - a lâché ces miettes, pile où il ne fallait pas, sur l’installation qui alimente les secteurs 7-8 et 8-1" de l’accélérateur, autrement appelé LHC ou Grand collisionneur de hadrons. De quoi provoquer "les mêmes effets qu’une coupure de courant normale pour laquelle les systèmes de protection de la machine sont très bien préparés", assure la note du Cern."
Nous y sommes. Lâcher un croûton, certes, est une chose à la portée de toutes les créatures, à deux, trois ou quatre pattes, mais lâcher un croûton pile poil sur les secteurs 7-8 et 8-1 du Grand collisionneur de hadrons, moi je dis : "chapeau l'oiseau !". Evidemment Interpol est sur les dents, pour DETERMINER LA RAISON (!) qui aurait pu pousser l'oiseau (ce terroriste ?), à jeter un croûton juste "là où il ne fallait pas". Quant aux 7000 scientifiques qui ont été mobilisés durant plus de douze ans pour la construction du plus grand accélérateur de particules du monde, (un instrument de physique d'une précision inégalée) ils n'en pensent rien.
Sur d'autres articles parcourus, on appréciera quelques formules bien mignonnes, assez hautes en couleur mais nullement romancées. D'ordinaire j'invente tout, mais là, je n'ai plus besoin de me creuser la tête, la réalité portant à bout de bras son grain de sable, on ne se privera pas d'exulter (l'oiseau distrait étant au CERN ce que Tony est au convoyage de fond), vous comprendrez que ce genre de petite nouvelle, bien calée dans sa presse, entre une déclaration de monsieur Besson, et les remous provoqués par le débat sur l'identité nationale puisse combler d'aise les philosophes, et nous distraire abondamment. (On en a urgemment besoin).
Pour en revenir aux articles dits de "pure information (!)" on peut lire sous forme de depêche, celle-ci, diffusée un petit peu partout : "Mardi 3 novembre, un oiseau, présumé être une chouette, transportant une baguette de pain a provoqué un court circuit sur une installation électrique extérieure alimentant les secteurs 7-8 et 8-1 du LHC, le Grand collisionneur de hadrons, explique le CERN dans une note interne dont l'AFP a obtenu une copie. Le choc a provoqué «une interruption des opérations du système cryogénique du LHC, ajoute le CERN. "Ces morceaux ou miettes de pain" ont causé "un faible réchauffement du zéro absolu (-273,15°C) à -268 degré celsius", a précisé à l'AFP une porte-parole du CERN, Renilde Vanden Broeck"
Comme vous voyez l'affaire est très sérieuse. La chouette part chercher sa baguette de pain, comme le ferait n'importe qui. Et là, pour une raison indéterminée, un bout de croûton se fait la belle. (La chouette avait-elle l'intention de goûter prématurément sa baguette par le croûton ? (Comme chacun aime le faire, quand il revient de chercher le pain ? Que celui qui n'a pas grignoté prématurément son croûton de pain en route, lui jette la première pierre !), mais de cela on n'est même pas sûrs. Le fait est que le système de sécurité du grand collisionneur de hadrons (LHC) s'est enclenché. (Panique à bord ! les particules et les aimants sans dessus ni dessous eurent soudain très peur du croûton), et conclusion : il aura fallu trois jours (seulement !) pour que tout rentre l'ordre.
Rendez-vous compte ! un tout petit oiseau de rien du tout ! on l'imagine dépenaillé, sur ses pattes chétives, parti chercher son pain (pour nourrir maman oiselette et les pious pious) capable de paralyser l'accélérateur de particules le plus puissant du monde ! l'invention qui espère reconstituer la minute d'après le big bang, (comme si vous y étiez) un bidule dont le CERN a déjà tant de mal à venir à bout. Pas besoin de sortir des grandes écoles pour en tirer une belle leçon. On imagine d'ici, une fable de La Fontaine et sa moralité grosso modo du genre que la vanité de l'homme, elle en prendrait un sacré coup (je n'ose dire "dans l'aile"). "La sotte vanité..." Il faut dire qu'il aimait drôlement les oiseaux, le vieux Jean ! (Souvenez vous : "Le héron au long bec emmanché d'un long cou") ...Si je puis me permettre une parenthèse un petit peu fabuliste ou une pause. (Pour une fois que ce ne sera pas de publicité quoiqu'elle se glissera bien au travers, hélas !)
http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/hiroiso.htm
http://www.dinosoria.com/fable_02.htm
http://saphoria.blog.fr/2009/11/04/la-colombe-et-la-fourm...
http://www.dinosoria.com/fable_07_04.htm
Pour en revenir à notre chouette. Une "Fable oiseuse" racontée un journaliste du "Temps" émet deux hypothèses, la première (hitchcockienne), c'est que l'oiseau en voudrait au CERN, par peut-être une mystérieuse prescience animale qui lui dirait que le Grand collisionneur de hadrons est dangereux, et donc, la petite bête, chouia lettrée, (connaissant l'histoire du grain de sable), délibérément armée d'une baguette, serait partie attaquer le monstre... Hélas le monstre a survécu quand même ! nul ne sait encore à ce jour si la planète pourra survivre. Comme on ne nous dit pas tout, les conséquences rétroactives seront peut être effroyables mais comme dit aussi notre amie l'autruche (sic) : "tant que c'est pas fait, c'est jamais sûr". En attendant, pas question de changer nos habitudes ! nous danserons donc sur le Grand collisionneur de hadrons comme on le fait à peu près sur tout.
Deuxième hypothèse, très morale celle-ci : au contact de la modernité, notre chouette se serait ramollie, oubliant l'art de ses ancêtres, elle ne chasserait plus dans la nature, les petits grains ou vermisseaux mais chouraverait à la cantine du CERN, (racaille d'oiseau !) un bout de lard, une patate, ou une baguette à partir de quoi elle fabriquerait ses miettes et (toujours selon ce journaliste du "temps"), je cite : "son intervention dans le processus de refroidissement du grand accelérateur de hadrons (LHC) pourrait être un avertissement, comme la grippe porcine ou la crise de la vache folle. L'avenir dira s'il aura été entendu". Prudente, je déclinerai toute responsabilité quant à cette dernière conclusion ;-) ...
Le plus rigolo de cette histoire, c'est que dans l'absolu, sérieusement et très concrètement (???), le Grand collisionneur de hadrons est destiné à percer les mystères de la physique et notamment à aider à détecter des traces de l'invisible "matière noire"... On peut être à la fois effrayé et rassuré que le fonctionnement de la haute technologie tienne à si peu de chose. On pourrait aussi se rêver une vie en forme de croûton vogueur qui aurait pour seul but de se faire promener par les oiseaux et de distraire son homme (+ quelques particules), mais cela est une autre histoire que je vous raconterai un autre (certain) jour...
Pour tous les incrédules, ci-joint le pack de vérité : http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5gBAjaN...
http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/physique-1/d/en-...
Pour les passionnés de Grand collisionneur de hadrons et autres merveilles scientifiques ci-joint le site du CERN : http://public.web.cern.ch/Public/Welcome-fr.html
Et pour les amateurs d'énigmes, de beaux chiffres et de belle lettres, lire ici, notre "fine" sélection (pdf) : "particules" (traducteurs bienvenus) :
Photo : Au delà de la chouette distraite (ou terroriste), perturbant les beaux jouets du CERN, il y a pire ! les pigeons. Grands collisionneurs de chenaux. Des oiseaux de malheur pas très affectueux, capables de ravager des villes entières. Pour les ultras phobiques (dont je suis) de ces monstres stupides (et ailés !), la fin du marché peut virer au cauchemar. Ici une photo (ce n'est que le début, ils ne sont encore pas très nombreux) de l'hitchcockienne fin du marché de la Croix Rousse. On est sûrs que ceux là ne chouravent pas à la cantine du café des écoles. En outre (de surcroît!) lorsqu' ils prennent leur envol, s'ils se coincent une aile dans les cheveux des filles (kaïe ! kaïe !), je peux vous dire qu'à côté, un petit crouton de chouette dans un Grand collisionneur de hadrons même le plus puissant du monde, c'est pas grand chose. Et je sais de quoi je parle ! Vus à Lyon sur la colline qui travaille (et qui fait le marché tous les jours sauf le lundi au grand désespoir de monsieur PAG et de quelques autres cruci-roux férocement antilundiens). Début Novembre 2009.© Frb
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