samedi, 15 août 2009
Fendre les flots
Toujours au cours de nos balades en Nabirosina, sur le chemin des biches du côté de chez Paul et Paulette à la ferme de Lavaux (Décor de rêve, accueil gentil, que son lecteur adoré n'y lise pas une publicité mais une très bonne adresse) ) ; J'allais me promener, pour me rafraîchir à l'étang . De l'eau ! de l'eau, qu'à cela ne tienne, ma chemise pour de l'eau, (toujours une chemise que le dancing "Macumba" de Palavas les flots ne mouillera pas).
Fendre les flots, se déplacer doucement, deviner sous les brindilles et quelque autre flore aquatique, le royaume des animaux microscopiques (ou macroscopiques ? dragon ? terrifiante hydre ?), qui vivent sous la surface de l'étang, nymphes de libellule, corise, dyptique et autres notonectes, de quoi fourbir tout un vocabulaire aux îles indigo, dévoreuses d'Holothurie. De quoi épater l'épatant patriarch(e) et son lygosome rubané, éminent spécialiste de la leçon de choses qu'on ne coiffera jamais au zoo de ce monde là. C'est décidé, nous partirons à la rencontre de cette population des hauts fonds tièdes d'un été finissant, dont les noms glissent en volupté et révèlent à l'écoute flottante l'écho d'un bruit chu aux reflets de l'univers. Eloge de l'immanence, invitation au vertige des clapotis, voire du tourniquet aquatique un nouveau jeu à moi, (très amusant) extra, aussi ce blog "bassin-nature"), les cheveux dans l'étang pour une valse humide, en tenue de poisson d'or, ou de sirène infiniment désirable, telle une Ester Williams des étang. "Tourniquet aquatique", c'est aussi le petit nom du gyrin qui ne plonge presque jamais sous l'eau, et dont les clapotements à la surface enchantent les badauds = ( badauds c'est pour la rime, que le zoologiste me pardonne. Le gyrin clapote-t-il vraiment ? et sont ils si nombreux ces badauds autour de l'étang ?). Ah non vraiment ! le lecteur n'ira pas se promener dans ces eaux troubles là, il s'y trouve bien trop d'affabulations...) Foin du flou et de l'opaque ! La curiosité se précise, je retourne aux bibliothèques d'enfant. (Gloire à Fernand Nathan, aux beaux albums Hachette-jeunesse). Je retrouve mon "Julot", avec son Nautilus entre un Henri Bosco ("l'enfant et la rivière"), et le livre "Moi Calypso" qui cause du mythique Commandant Cousteau Grand navigateur en eau douce, (comme chacun sait), connu aussi pour toutes les blagues stupides (que chacun fait), à propos de son bonnet, (je vous épargne, cette grivoise partie de rigolade)... Je retrouve disais je, ce livre de la collection "le Monde vivant" aux éditions "Time life (international)" qui me fût offert à Noël bien avant ma naissance, où des photos et listes improbables de bêtes d'eau douces défilent gentiment entre les pages. Toutes moins méchantes que l'hydre qui hante encore de son cri déchirant (déchirant, pourquoi pas ?), les nuits sans lune du Nabirosina. Tandis que les petits enfants suivent l'hydre ! (et allons donc !) comme d'autres suivaient jadis le joueur de flûte de Hamelin. Peut être, un jour je vous raconterai l'histoire de ces disparitions, si le lygosome rubané de patriarch(e) ne me mange pas...
En attendant, de fixer mon hamac entre deux joncs, au dessus des eaux dormantes de Châtenay sous Dun (ou "soudain Chatenay", à votre guise;-), je m'en vais relire l'éloge de la paresse, par la voie buissonnière dite chemin des biches, en vous laissant une liste de petits noms de libellules. Puissiez vous y trouver, trois fois rien d'agrément pour conjurer les premières têtes d'enterrement et les bourdons macabres, de la non moins macabre et proche rentrée.
Aeschne bleue, Coenagrion puella, Anax imperator, Gomphus pulchellus, Gomphe gentil (qui est aussi gomphus pulchellus), Libellule déprimée (et déprimante), Crocothémis erythraera, Orthethrum cancellatum, Libellula quadrimaculata, Sympetrum jaune d'or, Aeshna Grandis (la pharaonne ?) Somatochlora metallica (très attachante), Sympetrum sanguin et pour finir la plus belle, une naïade, aux yeux rouges, (comme l'hydre de bourgogne), sa majesté : l'Erythromma najas...
Cette promenade à dos de libellules n'aurait pas été possible sans l'aide merveilleux lien :
http://www.les-mares.com/html/invertebres/insectes.php
Il ne me reste plus qu'à rendre à Cesar, et puis l'aurore au crépuscule, en dédiant ce billet à Patriarch sous forme de jeu de l'été : le lien de Patriarch est caché dans ce billet. Notre ami, le lecteur, saura-t-il le retrouver ? ;-). Sogr penssus...
Photo : Etang de la ferme de Lavaux, sur le chemin des biches à Châtenay sous Dun. Nabirosina. Août 2009. © Frb
14:32 Publié dans Balades, De visu, Impromptus, Le vieux Monde, Mémoire collective | Lien permanent
jeudi, 13 août 2009
La terre pour oreiller
Enfin, j’ai découvert la source des Immortels ! j’atteins enfin ce mystérieux refuge où l’on se tient caché.
TCHU HUAN (poésie chinoise)
S'il n'est plus question de pierres édifiant une citadelle en forme de bibliothèque minérale du côté de Vareilles, ce très court extrait de poème évoque imperceptiblement les livres... Entre le Nabirosina roman et la Chine ancienne, il n'y a sans doute qu'une passerelle où se croisent quelques immortels, pendant que nous dormons :
"En l'an 213 , avant notre ère, Thsin-chi-hoang-ti, ordonna un incendie de livres, un grand nombre de lettrés perdirent la vie s'efforçant de soustraire aux flammes, les ouvrages auxquelles il attachaient le plus de prix. Quelques uns se réfugièrent dans les montagnes et se tinrent cachés jusqu'à la chute de leur persécuteur. 600 ans plus tard, on raconta qu'un pêcheur, promenant ses filets sous le fleuve Yuen, découvrît une petite rivière ignorée, et en remonta le cours. Après avoir côtoyé des régions sauvages et désertes, il se trouva soudain dans un site admirable, où, bien qu’on fût en automne, l’air était embaumé d’un parfum délicieux de fleurs de pêchers. Le pêcheur attacha sa barque à la rive, et suivit le cours du ruisseau qui le mena à l’entrée d’une grotte profonde. Guidé par un point lumineux trahissant un passage, il finit par découvrir une vallée charmante où se trouvaient des pêchers en fleur. Les habitants de la vallée, ayant tous de longues barbes blanches et des vêtements de forme antique, témoignèrent en l’apercevant, une surprise mêlée de frayeur. Ils lui demandèrent : "Que venez-vous faire dans ce paisible refuge, êtes-vous un lettré, fidèle à la science, fuyant comme nous la persécution des Thsin ?" - Holà, s’écria le pêcheur émerveillé, que parlez-vous des Thsin ? Il y a des siècles aujourd’hui que leur règne a cessé !" De retour dans son village, le pêcheur fit le récit de son aventure ; on reconnut qu’il avait eu affaire à des sages, qui s’étaient réfugiés jadis au fond d’une vallée secrète pour ne point sacrifier leurs livres, et qui étaient devenus des immortels."
Photo : Les passages secrets murmurent à l'oreille. Et les parfums d'automne viennent à l'été, dans les plis d'un pays qui sommeille sous des racines enchevêtrées, afin que les vivants ne colonisent pas les immortels. Un passage vu pendant mon sommeil. Nabirosina. Août 2009. © Frb.
05:12 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, Balades, De visu, Impromptus, Le vieux Monde, Mémoire collective | Lien permanent
mercredi, 12 août 2009
Page d'échos
"Sur les tablettes des cheminées ou des radiateurs (l'on considérera toutefois que la chaleur peut, à la longue, se révéler quelque peu nocive), entre deux fenêtres, dans l'embrasure d'une porte condamnée, sur les marches d'un escabeau de bibliothèque, rendant celui-ci impraticable (très chic, cf. Renan), sous une fenêtre, dans un meuble disposé en épi et séparant la pièce en deux parties (très chic, fait encore meilleur effet avec quelques plantes vertes)."
GEORGES PEREC : "Endroits d'une pièce où l'on peut disposer des livres" in "Penser Classer". Editions Seuil 2003.
Peut-être l'image aurait-elle plus de sens au chapitre suivant : "Choses qui ne sont pas des livres et que l'on rencontre souvent dans les bibliothèques" avec les fleurs séchées, les verres à pieds, les pyrophores garnis et les photographies dans les cadres en laiton doré... Je laisse à son lecteur (pourvu de quelques rayonnages de livres), le bon soin de nous communiquer aimablement et s'il le souhaite, la liste de ses petites bimbeloteries personnelles que nous livrerons telles, à la planète et qui étofferont la liste des choses citées dans le beau livre de PEREC.
L'important étant l'ordre : celui-ci un brin monastique, après les livres fantastiques de la très grande bibliothèque de Vareilles (la TGBV), vous racontera que le modillon a quelquechose du livre (ça c'est moi qui rajoute) ou quelque chose de l'ornement sublimant le rayonnage. Quand la mode du Bouddha en série lassera, viendra celle du modillon-bougeoire et bourgeois, (en véritable cire d'abeille), trônant devant les livres de bête bégueule ou de Bralo, de Le Clézio, son lecteur (fin observateur;-) remarquera côté-déco que les plantes y trônent déjà, c'est un petit miracle dont je ne peux expliquer l'origine. (A moins que ce soit ces étranges et fameux choux boscomariens qui furent à l'origine du non moins fameux modillon, (qui du chou ? qui du modillon ?). Le roman est bien né de la rose, dit-on. Comme l'affirmait une dame défendant l'attachement obsessionnel (au modillon) de quelques fêlés archéologues médiévistes: "le modillon est une personne". Et je crois qu'elle avait raison. Mais on en sait trop peu sur l'histoire "du peuple menu des modillons" (sic). Cela vaut quelques précisions...
Le modillon roman est un bloc de pierre sculpté finement ou grossièrement, placé sous les corniches, et l'illusion d'optique pourrait même nous faire croire qu'il les supporte. Il relève de l'art populaire, illustre autant la vie courante que l'imaginaire médiéval le plus fantastique. Il peut être décoratif, (on revient à nos fleurs séchées), à motifs géométriques; ou plus figuratifs, végétal, animal etc...) La finesse ou la grossiéreté des figures dépend surtout des matériaux dont disposaient les sculpteurs jugés artistiquement naïfs et gauches mais qui ne manquaient pas de créativité, les plus riches ornementations furent ciselées dans le calcaire, les roches granitiques, volcaniques donnant une sculpture plus sévère. En l'absence de sources historiques laissées par les sculpteurs romans, on a déduit qu'il n'y avait pas de projet symbolique global émanant de ces modillons (n'a pas encore été trouvé le grand modillon d'Alexandrie ou de Babylone), pas de programme iconographique entier, comme on en découvre sur les tympans ou sur les chapiteaux médiévaux. Pourtant il semble que certains modillons considérés séparément ne soient pas sans message... On a souvent tendance devant un modillon, "à voir trop ou trop peu". Nul besoin d'être historien pour déceler dans ces sculptures, tous les efforts qu'accomplissait une société pour tenter de se raconter, se parfaire, et surtout perpétuer ses légendes.
Peut-être qu'un jour, sur quelque autre chemin roman, (si je le croise), je vous parlerai de "l'homme vert", ou bien faudra-t-il que j'accepte enfin, cette invitation en Dordogne (merci mon troll !) pour croquer ces masques feuillus d'époque romane, motifs que l'on peut contempler partout en Europe, voire jusqu'à Istanbul. Il en existe datant du 2em siècle de notre ère, à Périgueux, avec des bonnets de feuillages comme dans les églises d'Espagne et, à L'église de Colombiers en France (datant du XIIes) où l'on peut admirer des têtes de personnages aux oreilles remplacées par des oisillons auxquels d'insolites oiseaux donnent la becquée. Peut-être chasserons-nous le feuillu jusqu'en Grande Bretagne, où il s'en trouve qu'on appelle bêtement "The Green man", figure déjà connue avant la Rome antique pour être le gardien des bois et l'Esprit des anciennes forêts. Il faudrait chercher à "masque feuillu" en France, peu étudié, la documentation est parfois fantaisiste, le plus souvent insuffisante...
Pour en revenir au modillon, on peut être parfois étonné de remarquer dans les motifs, certaines obscénités, voire des cruautés. Il ne faut pas oublier que quelques-unes de ces coutumes figurées remontent à des cérémonies païennes transformées par l'église en cérémonies "acceptables" pour les premiers chrétiens. Le modillon obscène représentait aussi, des personnages, (parfois religieux, ou architectes...) dans des postures dégradantes. Il semblerait qu'ils aient été conçus par esprit de vengeance à une époque où les ouvriers soi-disant payés à la pièce pouvaient aussi ne pas être payés du tout. Ainsi, les ouvriers n'ayant que ces pierres là pour exprimer leur rancoeur, pouvaient encore façonner à leur guise leur créditeur en le ridiculisant. Une fois que la pierre était posée à 15 ou 20M de hauteur, il était difficile de l'en déloger. Il y eût sans doute des modillons obscènes issus de quelques bonnes blagues de chantier comme à Chambonas en Ardèche l'un des modillons de l'église romane représente une belle paire de fesse, que des mains écartent pour afficher un anus sans défaut, (hélas pour vous, je n'ai pas d'image, tant pis ! hé hé !). Si la blague n'est pas historiquement prouvée, elle est assez probable. J'espère que nous trouverons matière à développer tous ces sujets, l'été prochain, si quelque épidémie de peste nouvelle ou autres démons bleus ne nous emportent pas.
Pour revenir au pays qui nous tient, il y a en cette merveilleuse petite Eglise de Bois- Ste-Marie, certains vestiges d'inspiration païenne (difficiles à photographier), comme ces modillons trop haut perchés. Celui qui ouvre cette page étant sage comme une image sainte, je refermerai ce billet sur la terrible figure d'un modillon moins catholique : on peut dire un démon. (Mais à Nevers, on a vu pire). On raconte qu'il mange les livres, qu'il ronge l'écran liquide, et qu'il transforme en pierre celui qui le regarde, (on vous aura prévenus). Sur cette pierre, (où reposera ton âme, ô lecteur adoré), je construirai une autre église ! (c'est ma folie en ce moment !), j'y scellerai des modillons et ainsi de suite... L'Histoire n'étant qu'éternel recommencement. A moins que par une flemme assez contemporaine, je sois tentée par le très bas, l'argent facile, qui consisterait à faire fabriquer à la chaîne, (en sous-traitance, bien sûr), des bougies-modillons, des cales-livres en balsa (merci Sophie K.) à simili têtes de dragons, et pourquoi pas ? des modillons un peu coquins en médaillons. Il ne me resterait plus qu'à les vendre (très cher) pour que vous en orniez vos rayonnages. Ainsi tirant par les cheveux mon petit homme vert jusqu'au bureau de tri de l'ami Perec, pourrais-je ajouter ces babioles à votre catalogue d'échos et tenter d'épuiser sous le poids de cette poussière nos esprits compactés du très haut au très bas. L'autre sens étant obsolète voire impensable...
Maudits liens : http://chantecoucou.over-blog.com/article-28883031.html
http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/09/15/co...
Photo 1 : Modillon à figure d'ange ou veilleur de troupeau et son chou (?) merveilleux quasi miraculeux vus sur la façade de l'église romane du village de Bois Ste Marie.
Photo 2 : Zoom sur un modillon végétal orné d'une tête de démon (?) ou d'animal (?). Mais je ne crois pas que ce soit "Green man". Vu à l'Eglise romane de Bois Ste Marie. Nabirosina. Août 2009. © Frb.
13:13 Publié dans Arts visuels, Balades, De visu, Impromptus, Le vieux Monde, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
mardi, 11 août 2009
Battre la campagne (3)
"Toute bibliothèque répond à un double besoin, qui est souvent aussi une double manie : celle de conserver certaines choses (des livres) et celle de les ranger selon certaines manières."
GEORGES PEREC : "Penser classer". Editions Seuil 2003
Il y a des gens qui disposent les pierres comme on range des livres : cela s'appelle peut-être aussi "battre la campagne" .
Je repense à Alain CAVALIER qui disait dans la "lettre d'un cinéaste", (cf. l'émission "Cinémas-cinémas" à propos de la préparation de "Thérèse"), ne vouloir conserver uniquement 3 livres au plus. "Jamais je n'arriverai à cette légéreté là."
Surtout avec les livres gravés sur la pierre de Vareilles, trois livres ça fait déjà un sacré poids.
Et s'il ne fallait qu'un seul livre pour une île déserte, le poids des mots, (et le choc de ma photo) en disent assez long sur ce thème. Moi qui croyais ne voir qu'un tas de pierres, en caressant l'espoir de construire une église. Ou peut-être une chapelle ? (merci Choule !). Me voilà avec un tas de livres sur les bras. Tout en ancien français. Qu'en faire ?
Je ne vais tout de même pas m'asseoir dessus ? Ce serait une infâmie. Une injure aux premiers et derniers troubadours; ce serait comme bafouer l'arrière arrière arrière galant de mon arrière arrière arrière grand-mère, ce charmant GONTIER DE SOIGNIES qui louangeait les dames par le chant et la poésie dans les bosquets de Vareilles (?) et du Comté de Bourgogne. Il y a tant de beauté à lire dans ces pierres là, tant de pages à tourner. Mais je me demande qui acceptera de m'aider à les porter. Car voyez vous, les temps ont bien changé et l'on ne trouve plus tellement (sur le marché) de galants à la GONTIER (De Soignies, s'il vous plaît !), célébrant les vertus absolues de la Dame et l'accompagnant (à la sortie de la bibliothèque jusqu'au seuil de sa chambrette), des pierres savantes plein les bras. Non, on ne trouve plus de ces messieurs si délicats, qui venaient à la nuit tombante, (avec une viele), célébrer sous notre tonnelle embaumée de roses trémières, les paysages de l'amour et des beaux sentiments... J'ouvre la pierre à la page 27. Ma surprise est immense de voir le poème que GONTIER (De Soignies, quel merveilleux garçon) m'a dédié cet après-midi :
Onques mes ne fu soupris
De nule amour, ne destroiz,
Mais or m’ont dou tot conquis
Ses sens et sa bone foi.
Cors a gent et cler le vis,
Blanches mains et longuez doiz,
Douz semblant et simple ris :
Bien est faite en touz endroiz.
Pou la voi…
Nota : Certes, je bats la campagne, un peu, beaucoup, paisiblement. Et j'ai un magnifique projet : la future bibliothèque du petit village de Vareilles formera autour de ma grande église (j'ai trouvé d'autres pierres) un bienveillant rempart... Tandis que dans la grande ville, je ne sais pas trop pourquoi, on range les livres tout autrement. On dirait qu'ils sont bien scellés peut être pour empêcher les gens de les jeter dans la mare ? Mais n'allez pas croire que je suis exagérement en train de battre la campagne, tandis que vous battez, (et peut être sans le savoir) chaque jour ce pavé que l'on ne vous autorise pas à lire...
Parallèlement, à mon rêve minéral, je me désole de constater (ce n'est pas faute d'avoir essayé ;-) qu'on ne pourra sans doute jamais construire des églises en papier. Et là, je crois savoir pourquoi...
Photo : Une bibliothèque rangée et classée à la mode médiévale, elle entoure partiellement l'église et la compose partiellement. Mémoire romane du Nabirosina vue à Vareilles le 11 Aôut 09. © Frb.
06:11 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, Balades, De visu, Impromptus, Le vieux Monde, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
lundi, 10 août 2009
Travailler
"Je préfère risquer en osant, que regretter de ne pas avoir su saisir l’occasion qui se présentait."
Voilà le travail !
Aujourd'hui je me suis dit :
"tiens un tas de pierres ! et si je construisais une église ?"
La tâche s'avérant compliquée, je savais qu'on ne construirait pas d'église digne de ce nom, avec deux mains et une devise Shadok. Pour que la réalisation soit belle, il fallait changer de citation.
A suivre...
Photo : Les grosses pierres de Vareilles. Nabirosina. Aôut 2009. ©Frb
04:42 Publié dans Art contemporain sauvage, Certains jours ..., De visu, Impromptus, Le nouveau Monde, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
Oeuvrer
"Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer"
GUILLAUME D'ORANGE
Ce qui fût dit fût fait ...
On pourrait émettre l'objection que, dans le cas de la construction d'une église romane, (en ce très pieux et superstitieux Moyen Âge), il était tout aussi nécessaire de craindre, que d'espérer. Mais les citations de C.J. ne se posant pas toujours en paraphrases, c'était juste, (vous l'avez compris), un prétexte (un peu fumeux, j'avoue), pour comparer.
Est il réellement possible de comparer l'incomparable ? (je passe la main pour la question ;-)
Maintenant que l'église est bâtie, il faudrait en parler... Je ne le ferai pas ce jour, pas avant de vous avoir montré le clocher (l'un des plus beaux, à contempler toujours sur les chemins romans du Nabirosina).
Pour la première fois, je découvre un village, où les cailloux et les devises shadoks s'anéantissent dans la lumière dorée des vieilles pierres. Un endroit hors de tout, jardiné de plantes folles et de roses trémières. Je sais déjà que je ne pourrai pas poursuivre longtemps le chemin des routes romanes. Il y a trop à voir partout. Et déjà la rentrée... Chaque jour je repousse au lendemain, le jour de mon départ. Quel plaisir y aurait il à retrouver le métro ? Les grues autour de la tour Oxygène... la Fnac ? Certes il y a bien les graffs et à quelques années lumières, ces heures, où dînent les biches, les odeurs qui annoncent l'automne tout près de l'orangerie à la Tête d'Or. Les copains, les cinés (même si je n'y vais jamais). La Tête d'Or peut attendre. Pour ce qui est de l'or c'est Vareilles aujourd'hui qui coiffe tout. Au diable la rue Pouteau et son soleil gentil, vade retro le pont Morand !. C'est la fin de l'après midi. Le soleil du petit village transforme doucement le Moyen Age en géant speculoos. (merci kl-loth !). Vareilles se fait patisserie de Bruges. Je m'assois sous un marronnier, le tronc noué, énorme, semble revenir d'une légende, il affronte l'église, pacifiquement. Des pierres du XI em siècle, une écorce indatable...Il est probable que je renierai tout à l'heure, Le parc de la Tête d'Or et la rue Pouteau, trois fois, le Pont Morand au chant du coq. Tandis qu'à mon oreille, l'amie rose trémière chuchotera aux lueurs de l'aube : "On est bien peu de chose"...
Photo : Façade de l'église romane de Vareilles et sa lumière à l'oeuvre. Vues juste avant le coucher du soleil. Nabirosina 10/08/2009.© Frb.
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samedi, 08 août 2009
On rentre à la maison
Si ce genre de maison ne vous convient pas, cliquez sur l'image.
Sauf que cette maison là, ce n'est pas une maison, c'est une prison. La prison du château de Drée très exactement, posée comme une maison de poupée non loin d'immenses allées, aux arbres parfaitement taillés, presque en face du château de Drée, surnommé "Le petit Versailles". Le Roi et la Reine (du Nabirosina, bien sûr !), m'avaient invitée l'autre jour à goûter, en leurs appartements, ce breuvage tout nouveau (venu de la nouvelle Papouasie Nabirosinaise), qu'on appelle le thé. Mais comme j'étais très en retard, le Roi, pour qui l'exactitude... etc.. etc... (je vous épargne ses sermons), très en colère, n'a point voulu me recevoir. Ainsi, je dus me contenter de parler avec les gens de maison dont l'oiselier qui avait la clef d'une colombière, (n'ayant jamais servie aux oiseaux, nous en reparlerons peut être) et le geôlier détenant les clefs d'une prison qu'il me fît visiter. (Visiter une prison Nabirosinaise en plein mois d'Aout, est, je peux, sans rire (assez ri !) vous l'assurer, beaucoup moins sinistre que de passer ses journées dans un camping à Palavas. Quoique... La suite nous prouvera que non). Mais revenons au geôlier. Il me conta que jadis, ce charmant bâtiment symbolisait un pouvoir seigneurial : le droit de justice, ce droit représenta jusqu'à la révolution une des bases les plus fermes de la puissance des seigneurs.
Sur la terre de Drée se trouvait une petite cour de justice, où l'on exerçait la basse justice pour les menus délits (vols de poules, braconnage, ivrognerie etc...) et des conflits variés (querelles de voisinage pour un droit de passage sur un chemin etc..). C'est aussi ce petit tribunal qui effectuait les inventaires après décès, les partages lors des successions.
Et bien sûr dans cette adorable prison (beaucoup plus rustique à l'intérieur que cette photo semble le suggérer) on jetait les brigands, les fraudeurs, ceux qui téléchargeaient illégalement les poules sur leur dos, on les condamnait à croupir dans une pièce minuscule, et une obscurité quasi totale, la prison étant située de l'autre côté des plus belles splendeurs du domaine.
Pour situer un peu, cet ensemble du château de Drée dans l'histoire de France. Il faut savoir que le projet de construction du château de Drée commença en 1620. Les travaux furent achevés au cours du XVIIIem siècle. Une Comtesse en hérita, l'habita le décora. Puis le château fût racheté en 1748, par Etienne Comte de Drée, élévé en 1767 au rang de Marquis (par copinage, il prêtait ses carosses à Louis XV, quand celui ci désirait se retirer pour "habiter la fonction" et qui, par conséquent devint son grand ami en échange de quelques services). Pour le reste, on vous distillera les détails plus tard, parler de la vie de château à des gens qui ont une prison sous le nez, ça ne se fait pas.
Le geôlier, un garçon délicat, m'accompagna donc pour me faire visiter ce que j'appelais "la petite maison de poupée", d'un geste aussi courtois qu'une révérence, il me murmura joliment : "honneur aux dames !", flattée, j'entrais en dindonnant dans la bâtisse, aussi insouciante qu'une enfant qui danse au bord d'un puits, (ça m'apprendra à jouer les jeunes, car ce qui suit est bien affreux). Une fois bien au centre de la pièce (un trou froid, humide, exigu) traversé d'araignées (Les pires ! des "Segestria Florentina", offertes en 1770 par un Prince Florentin au Marquis pour distraire ses prisonniers), j'entendis une porte claquer, puis le bruit d'une douzaine de clefs tournées autant de fois. Le geolier me cria par le trou de la grosse serrure "Ca t'apprendra !". Je compris, que le roi, très offensé, me punissait pour ne pas avoir respecté l'heure du thé.
Voilà. Je ne sais plus depuis combien de temps je suis là... En espèrant que le Marquis de Montrouan puisse prochainement intercèder en ma faveur, j'essayerai malgré tout de poursuivre ce pauvre blog ; (heureusement que j'ai une marraine qui est fée et qui écrit à ma place les chroniques de certains jours !). Si le Roi refuse de me libérer avant Noël, je crois que... Non rien. En attendant, j'attends.
Lien très utile :http://www.chateau-de-dree.com/
Photos : La prison du Château de Drée. Vue extérieure + intérieurs. Curbigny. Août 2009. © Frb
03:22 Publié dans Arts visuels, Balades, De visu, Impromptus, Le vieux Monde, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
vendredi, 07 août 2009
Persévérance
22:34 Publié dans ???????????, Art contemporain sauvage, Balades, Ciels, De visu, Impromptus, Mémoire collective, Objets sonores | Lien permanent
mercredi, 05 août 2009
Montrer patte blanche
"Patte blanche est un point chez les loups, comme on sait, rarement en usage [...]"
JEAN DE LA FONTAINE. Extr. "Le loup, la chèvre et le chevreau", in "Fables", Livre IV, Fable 15.
L'expression "Montrer patte blanche" vient de la fable de LA FONTAINE citée plus haut, inspirée par la fable "Le loup et les chevreaux" d'ESOPE, et aussi par un auteur anonyme. Tout cela donna naissance à un conte populaire : "La chèvre et les sept biquets" ou encore "le loup et les sept biquets. La version la plus connue, à ce jour celle de Jean :
La bique allant remplir sa traînante mamelle,
Et paître l'herbe nouvelle,
Ferma sa porte au loquet,
Non sans dire à son biquet :
"Gardez-vous, sur votre vie,
D'ouvrir que l'on ne vous die",
Pour enseigne et mot du guet :
"Foin du loup et de sa race !" [...]
Vous l'avez bien deviné, dans cette fable, la chèvre s'absente, en laissant son biquet tout seul. Elle lui recommande de n'ouvrir à personne et d'attendre sagement son retour. Elle préconise la phrase spécifique avant de la laisser entrer. Elle prend son sac à main, elle sort (ça c'est moi qui rajoute). Elle n'en n'a pas pour très longtemps (qu'elle dit !) il s'agit juste d'aller acheter un petit pot de beurre à l'hyper-Rion de Suzy les Charolles, pour sa marraine la fée ( Je crois que je m'emmêle un peu, mais c'est pour mieux te distraire, mon lecteur !). Comme il y a des promos au linge de maison de l'hyper-rion, elle traîne un peu devant les nappes... Pendant ce temps là, à la maison, biquet envoie des sms à sa copine bouquinette. Soudain on sonne : "qui est là ??? " demande biquet d'une toute petite voix. Il attend la phrase spécifique. Personne ne répond. (Chacun sait que ce n'est pas la maman bique qui est derrière la porte mais le loup)... Il y a fort à craindre, car le loup est impitoyable. Biquet redemande "Qui est là ?". Silence encore. Biquet tremble comme une feuille sur ses pattes chétives, et son coeur bat très fort. Mais une idée géniale se forme dans sa tête ... Ca me fait penser qu'il faut que j'aille moi aussi à l'hyper-Rion, j'ai promis d'aider ma copine Cendrillon à se choisir des pantoufles pour l'hiver. Je vous laisse donc avec Jean, qui se fera un honneur de vous narrer le fin mot de l'histoire. Puissiez vous bien vous entraîner à "montrer patte blanche", Dieu sait à la rentrée ce que le loup nous réserve ;-). Vaz'y Jean ! c'est à toi :
Le biquet soupçonneux par la fente regarde :
"Montrez-moi patte blanche, ou je n'ouvrirai point,"
S'écria-t-il d'abord. [...]
Celui-ci, fort surpris d'entendre ce langage,
Comme il était venu s'en retourna chez soi.
Où serait le biquet s'il eût ajouté foi
Au mot du guet que de fortune
Notre loup avait entendu ?
Posons nous la question.
Photo : Ceci n'est pas une chèvre. Mais peut être le loup en tenue de camouflage ? Vu par l'oeil de boeuf de la chaumière du "chemin des alouettes". Août 2009. © Frb
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mardi, 04 août 2009
Dix mille êtres...
Quand chacun tient le beau pour beau vient la laideur
Quand chacun tient le bon pour bon viennent les maux
Étant et n'étant pas s'engendrent
Aisé malaisé se parfont [...]
LAO TSEU. Extr. "La voie et sa vertu". (Traduction de 1949 de François HOUANG et Michel LEIRIS). Editions du Seuil coll. Points.
On dirait presque qu' HERACLITE (d'Ephèse) s'est promené avec LAO TSEU. HERACLITE : le versant dédaigné de la culture occidentale depuis de nombreux siècles. Notre culture a davantage choisi SOCRATE, PLATON et ARISTOTE pour plaquer sa pensée à la raison, valider les réalités du monde matériel, les mouvoir en des mondes séparés. Au Nabirosina, HERACLITE l'obscur, croise dans sa balade, le chantre de l'impermanence : LAO TSEU . Et peut être, tout au fond des forêts, quelques racine récalcitrante, qui flottera pour la millième fois, sur mille flots d'un fleuve, (jamais le même)...
"Les hommes ne comprennent pas qu'en se contredisant les choses s'accordent "
On se demande qui d'HERACLITE ou qui de LAO TSEU aurait pu écrire une telle phrase :
"L'harmonie invisible surpasse celle qui saute aux yeux"
Alors qui ? Je vous le demande ...
Peut-on se souvenir, il y a plusieurs siècles, que le BOUDDHA GAUTAMA et R. MAHAVIRA, naissaient en Inde, LAO TSEU et TCHOUANG TSEU en Chine, ZOROASTRE en Perse, et HERACLITE en Grèce. (A lire...)
HERACLITE est une des plus belles âmes qui ait jamais existé. Un philosophe lumineux. On l'a pourtant surnommé "HERACLITE l'Obscur", on s'est peut être trompé. La pensée d'HERACLITE est limpide, merveilleuse, mais contrairement à Aristote qui propose de suivre méthodiquement un raisonnement, cette pensée exige que son lecteur modifie quelque peu ses acquis et sa perception. Le Tao parlerait de "Niveau de conscience"... car HERACLITE effraie un peu. Il évoque la vie, ses apparents contraires, et, tout comme le perçoit LAO-TSEU , cette "vérité" n'est ni chaos, ni logique. Elle est Logos, cosmos. Et, bien sûr, ce langage à l'application délicate suscite la perplexité. Logos on le retrouve dans les fragments de l'enseignement d'HERACLITE (ceux qui nous sont parvenus) : "Ce que vous appelez - réalité - n'est pas la vérité". En latin, "réalité", veut dire "objet" mais c'est une chosification, une objectivation de la réalité. Par le biais de son mental, l'homme scinde la vérité en "sujet" (le moi ) et les objets (le non-moi). La raison est binaire, elle réduit et déforme. Tandis que le Logos désigne la nature ou l'essence de tout ce qui existe et non leur interprétation. Pour un esprit occidental vie et mort sont séparées. Il y a d'un côté le monde des vivants, de l'autre celui des morts. Nous sommes, nés, on peut dire, avec ce genre d'idée... Pour LAO TSEU, pour HERACLITE, ce que nous appelons la vie est un processus qui inclût la mort. Nous sommes "Vivant-mourant" car vie et mort sont deux aspects du même. Un unique phénomène. (Source : OSHO RAJNEESH : "L'harmonie invisible". Editions du Ganje 1996)
Pour croiser LAO TSEU , il faudrait s'immerger dans l'illustre "TAO TE KING". Mais pourquoi commenter encore ? Je préfère vous laisser en chemin, savourer à votre guise l'écriture sybilline du vieux penseur chinois que j'ai croisé hier, en dialogue avec HERACLITE, sur la croûte d'un vieux bois, aussi beau que l'azur :
En état de totale vacuité et profonde tranquillité
Je contemple les Dix mille êtres
Et le mouvement d'éternité de leur retour.
Tout ce qui apparaît et fleurit
Disparaît et retourne à la racine.
Le retour à la racine s'appelle retour à la vie.
Le retour à la vie est le mouvement constant des phénomènes.
Qui connait la constance est un esprit éclairé.
Photos: Les croûtes du Nabirosina, photographiées le 4 Aôut 2009, dans l'obscure clarté d'un bois. © Frb.
04:13 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, Balades, De visu, Impromptus, Le vieux Monde, Mémoire collective | Lien permanent
Battre la campagne (5)
On peut opposer l'expression "battre la campagne" avec cette autre expression "battre le pavé". Pour apprécier le contraste, vous pouvez faire un tour du côté de chez DAILY LIFE, qui a décidé de battre le pavé, durant l'été, via une année zéro. La partie de ping pong improbable se joue d'une grande ville, au petit village : ici on remue patiemment les chemins, là bas on explore méthodiquement les rues. Si vous avez horreur de la campagne. Vous pouvez retrouver le pavé ICI
Photo: Les fleurs qui rongent les murailles des tombes, au cimetière du village médiéval de Bois Ste Marie sont les mêmes en toute saisons. Nabirosina. Août 2009. © Frb
02:16 Publié dans Art contemporain sauvage, Balades, De visu, Impromptus, Le vieux Monde, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
lundi, 03 août 2009
Suivez l'hydre !
"Que de gens ressemblent à l’hydre ! que de gens ont autant de coeurs à donner que cette hydre compte de têtes !"
BESTIAIRE DU MOYEN AGE Extr. (bienheureuse me rendra celui qui me dira de qui...)
"Si les messins ont leur "Graoully", pendu en l'air ou accroché aux pavés des ruelles, les nabirosinais ont certainement leur hydre, que l’on voit glisser hors des étangs par temps chauds les nuits d’été. Hydre voilà un mot ! J'aime ces mots passés, ceux dont la musicalité est souvent aussi fantastique que la mythologie. De quoi descendre dans la salle des archives, (du château) pour feuilleter quelques grimoires qui raconteraient des histoires d’eaux. Rien à voir avec l'hydre qui décore le fauteuil en osier de je ne sais quelle vacancière. Hydre ! le mot tourne diablement dans la tête, l'esprit semble en être possédé. La créature taraude. Une des plus fascinantes de la mythologie grecque : la légende raconte qu’Hercule la tua durant ses douze travaux, (il existe à ce propos une amphore attique à figures noires, (env. 540-530 av.J.C.) qui représente "Héraclès et l’hydre de Lerne", celle-ci souvent reproduite dans nos manuels d’histoire ancienne). Souvenez vous.
Décrite comme un serpent à eau, à corps de chien, l’hydre possédait dit on plusieurs têtes dont une, immortelle et ses têtes se régènéraient doublement lorsque elles étaient tranchées. L’haleine de la bête soufflée par les multiples gueules exhalait un poison radical, même pendant son sommeil.
La bête fût décrite différemment selon les différentes légendes. On la figura aussi comme ayant un corps de dragon (A nous deux graoully !) et sept têtes (seulement). La tête "centrale" était intelligente elle dirigeait le corps. Une tête immortelle ! Chaque fois qu’un chevalier la coupait, deux nouvelles têtes poussaient. Dans la mythologie grecque cette bête atroce habitait les royaumes aquatiques et les marais. Elle possédait un corps de chien et entre cinq et mille têtes. Là encore la tête était immortelle, constituée en partie d’or. Le monstre ravageait le bétail, saccageait les récoltes.
Dans les bestiaires d’Amour du Moyen Age, l’un des bestiaires associe l’hydre au crocodile, l'hydre est son ennemi mortel :
"[...] Qui le voyant désespéré après qu’il a dévoré un homme et se jetant sans discernement sur toute espèce de nourriture, se place sur sa route. Le crocodile la saisit, l’engloutit toute entière. L’hydre n’y est pas plutôt, qu’elle lui déchire les entrailles et sort toute triomphante du corps de son ennemi mort"
Et puis je repensais à la fin du prologue (juste avant le début de la fin :-) : "Que de gens ressemblent à l'hydre !". A ce venin qui court sur les flots, précédant d'étranges bestioles à tentacules... A ces petites proies paralysées par le venin, ces vers de vase. Je pensais aux connotations... De la gueule du diable, aux précis de morale humaine. Divins bestiaires du Moyen-âge.
Et si j'étais dans l'ignorance des prodigieux méfaits de l'hydre ? Si on me demandait aux croisées des étangs, de choisir entre suivre le ver de vase ou l'hydre ?
Je mets mes sept mains à couper que je choisirais l'hydre.
Photo: Le nid de l'hydre, aux portes de l'étang des clefs. Nabirosina. Août 2009.© Frb
08:09 Publié dans Balades, De visu, Impromptus, Le vieux Monde, Mémoire collective | Lien permanent
vendredi, 31 juillet 2009
Battre la campagne (7)
on ne connaît jamais le fond des choses
et l'on ne s'y résigne pas
on croit à la métempsycose
ou bien l'on n'y croit pas
RAYMOND QUENEAU. Extr. "Un rhume qui n'en finit pas" in "Battre la campagne". Editions Gallimard 1968.
Plus on s'approche, et plus la chose s'éloigne,"épuiser le modèle, recommencer sans fin", comme si derrière chaque réalité s'en trouvait une nouvelle. Devenir incessant jusqu'à la destruction et puis recommencer quand la matière renaît. Un jour viendra le terme. Un problème qu'il faudra résoudre. Choisir une matière plus ductile plus spirituelle. S'enfoncer dans le sol, réduire l'outil à cette main, qui tord et qui détord jusqu'à ce que l'élément cède. Sous ce pied qui franchit, et sous ce pied qui broie, réduire à l'infini. Engager l'aventure dans toute cette lumière. Affronter les nuances où l'ombre s'abolit. Et dans un même pas, découvrir, juste au pli d'un brin d'herbe, la fuite volontaire. Une bête qui va, dans le rouage minuscule de sa ville émiettée, articuler un monde sans connaître la solitude. Marcher, s'agenouiller, glisser entre la ronce, être griffé, mordu. Puis cueillir le fruit, en savourer le jus, en mesurer l'effet, teindre ses doigts en bleu. Arracher le genêt. Fusiller du regard la majesté d'un hêtre. s'enchevêtrer toujours, s'étonner que la mousse nous fasse disparaître. Et s'accrocher encore aux formes crucifiées d'une racine, la réduire en poussière. Fendre l'amande. Piquer le houx. Casser quelques noisettes. Aimer le chant du coq. S'extasier d'une abeille. Courir les près. Fendre les flots. Battre la campagne...
Nota : Ceux qui détestent la campagne, pourront toujours "battre le pavé", il y en a de très beaux chez Daily Life.
Photo : Vu aux racines de la forêt, une sorte de Christ plus ou moins revisité par Alberto GIACOMETTI, (ou son esprit réincarné). Et tant de choses encore... Vauzelles, dernier jour de Juillet 2009.© Frb.
05:18 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, Arts visuels, Balades, De visu, Impromptus, Le vieux Monde, Mémoire collective | Lien permanent
jeudi, 30 juillet 2009
A propos de la pieume.
Je signale au lecteur, (imaginons qu'il n'y en ait qu'un), qui a pu lire, récemment, la version patoise de "c't histouère de tsateugnes et de pouêle", qu'il peut disposer maintenant de la traduction en bon français. celle-ci se trouve dans les récentes archives du blog, à la date du 28 juillet 2009. Pour celui qui aurait la flemme de prendre l'escalier, (on le comprend, c'est les vacances). La maison dans son immense générosité, lui fournit l'ascenseur. (Vous pouvez me remercier ;-)
http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/08/05/la...
Photo : La pieume en grande conversation avec l'ange du mûrier sur le chemin qui mène au hêtre pourpre... Dit " le chemin des Alouettes". Juillet 2009. © Frb
05:35 Publié dans Art contemporain sauvage, Impromptus, Le vieux Monde, Mémoire collective | Lien permanent
dimanche, 26 juillet 2009
Un monde en ruines
Part I
Hier je marchais seule, dans cette rue ancienne, comme on va en pélerinage pour retrouver un temps, celui d'un grand parcours du monde avec mon grand ami M. (le monde = deux rues seulement !) sur des patins à roulettes géants. Explorateurs de cette planète de deux mille habitants à peine, nous montions avec de grands airs de cosmonautes, les escaliers de la salle des fêtes, pour aller chercher ceux de notre bande (des superstars), premiers tambours, ou de trompette à la fanfare. Puis nous partions en reportages avec des magnétos en plastique (De marque Remco 50) interviewer la boulangère, (à propos de ses "miches", bien evidemment !) ...
Mais ce n'est point le sujet du souvenir qui m'intéresse, le présent est encore assez bien achalandé d'une toute petite marge de lendemains que je ne désire pas dilapider trop précocement s'il est permis... C'est juste comme ça, rassurant, quelquefois de revenir sur ses pas, de vérifier que rien n'est changé, car si rien n'est changé on peut alors s'imaginer qu'on ne vieillira jamais. Enfin, pas comme ceux qu'on revoit 20 ans après, qui nous tapent dans le dos par surprise, tellement heureux de nous retrouver et qui sautent de joie en nous disant : "tu te souviens de moi ?", Laurent Pinsson ! on était ensemble au collège "tu te souviens de melle Pugeolles ? "Melle Pugeolles ! si je m'en souviens !" je réponds. Et voilà que ce gros bonhomme, un parvenu jovial, (dont je m'imagine qu'il parait 20 ans de plus que moi, car je suis une dindonne toute pétrie d'illusions), ce gros bonhomme, disais je, me raconte en riant, "la fois on avait mis de la superglue sur la chaise à Sandrine Chevreau." Il enchaîne les anecdotes comme d'autres enchaînent les histoire belges à la fin des repas de famille. Et il me tape dans le dos (moi qui ai horreur de ça) en finissant toutes ses phrases par un pénible "Tu te souviens ?". Je ne réponds pas. Je hoche la tête avec mon sourire bête qui veut dire oui. Sauf que Laurent Pinsson, Sandrine Chevreau, je ne les connais pas ! ils sont passés aux oubliettes! Je cherche en vain. La mémoire fait défaut... Je pense tout de suite à un début d'Alzheimer, il paraît que les premiers signes, c'est ça. Je ris quand même pour ne pas faire de la peine à ce pauvre Laurent Pinsson... Et le supplice de la conversation n'en finit plus, je me vois me renier moi-même, mes valeurs ! ah ! ah ! quelle cruauté ! je tente de ne pas trahir l'étrangeté qui me tire les traits au dessus d'un sourire qui n'a jamais été le mien. Etrange étrangeté... Une petite mécanique se met en marche, il parle, et je souris. Comment faire autrement ? Laurent Pinsson me demande ce que je deviens : "Ben euh... rien ! Et toi ?". Et le voilà parti dans un récit épouvantable : "Je suis marié, j'ai quatre enfants, je suis entrepreneur à Suzy les Charolles, je fabrique des maisons, je construis des résidences, j'ai repris la boîte de mon père et patati et patata..." que répondre à cela ? sinon un à peine audible et gentil : "c'est bien !" et je reste là, pétrie de politesses, n'osant fuir ce bonhomme qui me prend maintenant par le cou et m'embrasse. "ça m'a trop fait plaisir de te revoir". Je m'entends roucouler bêtement : "Ben..euh... moi aussi, je suis bien contente !". Une voix (celle du surmoi féroce, sans doute) se superpose, "Mais tais toi donc, espèce d'idiote !", j'écoute le surmoi : "bon, Laurent, c'est pas l'tout, mais j'ai des courses à faire !!!". J'ânonne sur un dernier coup de rame : "alors salut ! bien le bonjour à ta femme ! (et autres conneries du genre), on se téléphone, on bouffe ensemble, ok promis, ciao bye bye !!!". Rideau.
Part II
Voilà. C'est aussi ça, retourner sur ses pas. C'est déprimant. Une regression, parfois. Pour peu que je finisse à la cantine dans une chanson de Vincent DELERME, moi qui rêvais d'être une branche d'acacia au jardin de Jean Louis MURAT, c'est gagné ! je ne suis pas fière de moi.
Retourner sur ses pas. Je préfererais que cela ne soit qu'une sensation géographique. Le passé nous suit à la trace, il prend la forme d'un platane, d'une maison, s'ils viennent à disparaître, quelque chose se referme. Plus rien ne tient.
Pendant ce temps là, les anciens du pensionnat radoteraient autour d'une raclette, après s'être retrouvés via internet... Je le comprends pour les autres, mais moi, ça me fout le cafard. La nostalgie on nous la fourgue, comme on fourgue des barres de lexo en nous faisant croire que c'est du chocolat. Pendant qu'on remue nos vieux moments on ne voit pas le temps qui vient... Pourtant la nostalgie c'était très beau avant. Nostalghia...
Mais revenons à cette maison. Cossue, blanche, importante, elle appartenait au notable, sans doute un pharmacien. Une maison comme il y en a chez BALZAC, ou dans les films de CHABROL, avec sa fleur austère gardant mille secrets et suitant de sa bourgeoisie austère, de ses livres austères : Gilbert CESBRON, "Trois sucettes à la menthe" de ses images de catéchèse, et d'autres choses moins catholiques. La fleur du mal... Pourtant cette maison, je l'aimais bien. Mais nous, l'entité impartiale enfantine, n’aimions pas les enfants qui vivaient dedans. Des fayots à l'école, avec des raies de côté. Vêtus de blanc le dimanche, jouant dans le jardin, où était installé juste pour eux, un luxueux portique pourvu d’une balançoire à cordes bleues, la grille était toujours fermée. Car les parents craignaient que les enfants ne se fassent renverser par une voiture, ou ne soient abordés par ces types qui donnaient des bonbons. Et nous, du haut (du très haut) de nos patins à roulettes, sur notre bout de trottoir, (un délicieux jardin aussi), nous regardions derrière la grille, le petit garçon donner des ailes à la petite fille et la maman assise sur une chaise de jardin, qui surveillait d’un oeil brave sa couvée, deux poussins ! tout en brodant une tête de biche devant une table ronde sur laquelle une bonne avait posé des verres de citronnade et des assiettes remplies de barquettes trois châtons. C’était d’une douceur de vivre, tout ça. Trop de douceur en vérité. L'entité enfantine impartiale, monstre à deux têtes que nous étions n'aimait que le chahut. Là, nous tirions la chevillette, s'ensuivait un fracassant "dreling dreling" et le fin monde de cette fleur austère s'en trouvait brutalement renversé. Notre joie satisfaite, nous courions nous cacher, observant madame mère bredouille devant le grand portail doré et deux petits enfants terrifiés qui la suivaient de près et tremblaient à l'idée que leur maison fût hantée...
Epilogue :
Je suis repassée ce jour, rue de la gare. rien n’a changé tout est presque pareil. J’en suis très soulagée même si tout aurait besoin d’être un peu ravalé. Ravalé. Drôle de mot... Seul un vilain détail m'a sans doute échappé hier. Là, sur l’autre trottoir, je le vois me happer, ce panneau, en façade avec dessus, dessinée, une affreuse construction genre lego en 3D, précédée de lettres géantes, un énoncé comme un faire part : Permis de démolir : ici bientôt, construction de la résidence "les Iris": 35 logements, sur 4 étages", avec parking, travaux dirigés par l’entreprise Pinsson § fils. Siège social : Suzy les Charolles..."
Avant de repartir, j'ai regardé longtemps cette grosse maison grise. Pour la première fois de ma vie, j'aimais follement la bourgeoisie. Le cossu, toute cette importance, ces volets blancs devenus gris, il aurait suffi de retaper. Retaper, drôle de mot aussi ! les pierres tenaient, auraient pu traverser les âges... Sous les plantes proliférantes qui couraient sur les escaliers, j'entendais comme des cris d'enfants, le grincement de la balançoire, et la voix d'une vieille maman qui courait hurlant deux prénoms. Je ne peux dire si c'était le diable mais je sus que le type aux bonbons était passé, et qu'il s'en était pris à la maison. S'en suivit quelque drame. Le bruit courût que la maison était hantée. Et, pour une bouchée de pain la maison fût rachetée.
En pensant aux misères que nous faisions à ces chers notables, au baiser de Judas, de l'étranger Pinsson, je me suis demandée s'il était permis d'éprouver à la fois, et des remords et des regrets...
Nota : Toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé ne serait que pure coïncidence, sauf pour mon grand ami M que je salue au passage, (oui, M. je te promets, tu l'auras un jour, l'adresse de ce blog !) et plus ou moins, Melle Pugeolles qui m'a plus ou moins tout appris...
Photo: Soleil couchant sur la maison bourgeoise. Vue dans une petite ville du Nabirosina. A des années lumière de la forêt. L'été prochain je vous montrerai la résidence "Les Iris" construite par l'entreprise Pinsson § fils, constructeurs de bâtiments modernes, barbares de père en fils. Juillet 2009. © Frb.
22:42 Publié dans Balades, De visu, Impromptus, L'ai- je bien descendu ?, Le vieux Monde, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
jeudi, 23 juillet 2009
Tulipia Pliasantae
Nous vînmes au jardin fleuri pour la cueillette.
Belle, sais-tu combien de fleurs, de roses-thé,
Roses pâles d'amour qui couronnent ta tête,
S'effeuillent chaque été ?
Guillaume APOLLINAIRE (1880-1918). Extr. "La cueillette" tirée du recueil "Il y a".
Elle ne sait pas, la belle ! elle qui croit que la pluie la visite chaque soir et se plaît à orner sa tête de perles rares, celles dont personne n'a pu arracher le secret, ni rouler dans ses mains pour en faire des colliers. Elle qui n'a pour couronne qu'un peu d'eau chaque soir que le jardinier porte dans un grand arrosoir. Elle qui croit qu'il l'adore au point de la couvrir de ces diamants bizarres, tandis qu'il est payé pour lui donner à boire.
Des pétales de rose ont chu dans le chemin.
Ô Belle, cueille-les, puisque nos fleurs de rêve
Se faneront demain !
C'est ce qu'on dit au jardin... Elle qui ne cueille rien. Elle qui croit à demain, elle qui n'entend pas le jardinier qui vient, avec ses gants de jardin, une bêche, un sécateur.
Et les fleurs vont mourir dans la chambre profane.
Nos roses tour à tour effeuillent leur douleur.
Belle, sanglote un peu... Chaque fleur qui se fane,
C'est un amour qui meurt !
The ZOMBIES : "Summertime"
Photo: Les sanglots de la Tulipia pliasantae vue dans le Nabirosina en Juillet 2009. © Frb.
note du lecteur : - Comment ? des tulipes au jardin ? en plein mois de Juillet mais...
Réponse de la cueilleuse: - Y'a pas de mais ! des tulipes en Juillet. C'est comme ça. A prendre ou à laisser...
04:51 Publié dans ???????????, Balades, De la musique avant toute chose, De visu, Impromptus, Le vieux Monde, Mémoire collective, Parlez vous Charmillon ? | Lien permanent