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lundi, 08 novembre 2010

Reflection

Je pense que si je retombais
Sur terre, je m’effriterais ;
C’est si triste et beau
C’est le tremblement d’un rêve.

DYLAN THOMAS (1914-1953) extrait du recueil : "Ce monde est mon partage et celui du démon", éditions Points. Ecouter le poète ICI

autist0078.pngA la fin tu sors épuisé de ces mondes mais quelque chose encore resplendit que tu ne sais pas. On dit que les autres voient cela quand ils te croisent. Ils ne voient qu'en deça. Tu as si longtemps fait figure d'exemple. Lassé de vivre parmi leurs compliments qui t'attachaient encore, tu as usé ton esprit à écouter, des heures entières, toutes leurs conversations, tu as fait semblant d'y participer, tu as tourné des pages de magazines de sport, de mode, ou d'actualité. Tu resservais dans les dîners, toutes les phrases que tu y lisais, "les apéritifs dinatoires" qu'ils disaient ! et puis, tu t'es lassé, tu as pris des trains, tu t'es perdu dans des villes sans jamais sortir du pays. Tu as croisé des foules enragées, des esclaves dans des défilés, ou dans des bars, tu as laissé des personnages t'arroser d'alcool fort, te renvoyer une sale image. Tu t'es fondu aux steppes, aux lacs tout bleus, tout gris, pris entre l'horreur de tes pensées et la profondeur adorable d'autres nuits. Pendant que les Dieux impuissants de tes anciennes vies essayaient de te consoler, tu as désaxé ta pensée jusqu'à t'empaler aux limites, tout raisonnable que tu étais. Tu as raccordé ton corps à ton âme. Tu as chinoisé sur quelques détails. La jalousie te revenait. Engrangeant des rixes et des drames, les beaux corps te rendaient malade. Tu as dû voyager partout, peut-être, assis sur une banquette de deuxième classe côté fenêtres, dans le dernier wagon fumeur qui existait sur terre. Tu as fumé cigarette sur cigarette, tu as rempli le cendrier, tu as traversé un domaine ni familier ni étranger, tu t'es retrouvé longtemps l'esprit entre deux paysages, des kilomètres interminables sur un viaduc qui s'effondrait, tu t'es penché par la fenêtre, la dernière fenêtre qui s'ouvrait, de ce train qui irait à la casse, après toi, après ton ultime traversée, c'était écrit d'avance, du moins à cet instant, il te fût bon de l'ignorer, ou bon d'ignorer que ce mal te serait ensuite profitable. Tu as pris la mesure des battements de ton coeur en te penchant sur les ruines du viaduc qui tremblait pendant que le train prenait de la vitesse, tu as pleuré comme un enfant submergé par l'angoisse dans une chambre sans lumière, tu as eu peur à cet instant que le viaduc ne puisse pas supporter le poids du train, ton propre poids, coupable de ce déséquilibre, tu as eu peur de regarder ta mort en face tu l'as vue et tu l'as ressentie dans ton corps pendant que ta vie entière défilait, te revenaient les images imbéciles de vacances à Romorantin, le souvenir du corsage à pois blancs d'une cousine que tu détestais. Pendant ce temps le train aura passé l'obstacle, le viaduc derrière toi sera loin, en l'oubliant il deviendra comme réparé, tu oublieras avec le temps, tu te retrouveras dans la neige, un paysage immaculé, recouvrant ta mémoire ancienne, tu rencontreras celle qui mène ta vie au degré le plus pur d'immaturité. Une source de rayonnement stellaire, un peu de sucre cristallisé semé en une infinités de manières, le grain fin de cet allègement te donnera un air souverain. Plus tard, tout seul, avec ta pelle, ton rateau, tes outils d'enfant, tu tenteras dans le sable aussi fin que la neige de construire un vrai château avec des oubliettes pour deux. Tu te dis que tous deux réfugiés dans un coin, il ne pourra rien t'arriver, elle ne saurait aisément t'échapper, tu auras jour et nuit l'oeil sur elle, et sans même savoir si elle consent à te suivre, tu iras la chercher, tu forceras sa porte, et l'emmèneras très loin. Loin de ses amis, loin de tes chaînes. Tu feras le vide autour d'elle. Tu seras épuisé peut être, mais c'est cela qui resplendit, comme si le déplacement de ces vies t'amenait à un certain flou, toi, unique au milieu de tes constructions, tu contempleras une figure, au contour estompé, marquée par un regard immense uni à ta propre terreur, aux créatures que tu inventes pour les glisser en elle, rêvées incessamment crayonnées dans la peine, comme si la netteté de toutes les expériences, la même expérience à chaque fois, devait se découper en milliers de petits lambeaux tous identiques, recousus à la perfection. Et ce don se reflète en toi, te dédouble ou te multiplie, tandis que l'autre, elle disparaît, couchée sur ta peau de chagrin.  Elle ne pourra jamais retourner d'où elle vient. Tu veilles au grain. C'est bien la seule histoire possible. Une création fabriquée  pour en rêver la vie entière qui exige en retour un très grand sacrifice humain afin d'apaiser la terreur de ce jour où tu te vis mort, englouti sous les pierres d'un viaduc, repoussé au dehors, glissant dans l'espace glissant éternellement, ton esprit dans l'espace et ton corps qu'on ramasse à la petite cuillère entre des rails, ton apaisement, tu lui donnes un autre nom, c'est l'amour, comme si tous ces souvenirs que tu couvres de fanfreluches avaient trop longtemps affamé cette histoire, plus floue dans le monde alentour, tu regardes tout cela comme un phénomène étranger à toi, un principe d'irréalité, ta vie entière est noyée d'encre, cette vague qui toujours te revient, désintègre ta réflexion ; à mesure que tu réalises  et mets à jour tes songes, tu vois grossir la peau de chagrin et tu ne peux plus arrêter cela, malgré ta volonté, ce cauchemar inversé qui condense ton amour en ce point minuscule, résumé, ou perdu au milieu d'un tapis, le dessin de plus en plus volumineux refermera l'espace, il suivra vaguement le trajet d'une ligne disparue, les arcs tendres, délabrés, d'un viaduc accroché au flanc de la montagne, mais tu as beau chercher, faire marche arrière, cela ne te rappelle rien de précis, rien que tu aies jamais connu.

 

 

 



Photo : Jeux de pluie entre deux mondes tout comme figés, le ciel à terre se transforme en peinture de fleuve ou d'autre chose. photographiés après l'ondée, dans une ruelle sinistre pas loin du centre commercial de la Part-Dieu à Lyon, début Novembre.© Frb 2010.

lundi, 01 novembre 2010

November (version réaliste)

Petite balade pragmatique et mentale à travers le programme d'information continu émis par une radio (d'information continue), écoutée toutes les heures...

flaque.JPG Parapluies, actualité, Europe, avenir, manifester, les constructions navales, se positionner, les vivants, les projets, la pression, l'agriculture,  le monde, dialoguer, le reste du monde, le journaliste du "Monde", la programmation, la politique, Sarkozy, les occupations, gérer, la catastrophe, les députés, les ressortissants, le spectacle, les réseaux, la séparation des pouvoirs, les préoccupations des français, un projet d'envergure, les propositions, le dollar, le G20, la vérité, se qualifier, Brice Hortefeux, les formalités, PSG, alpha, en bas de l'échelle, les affaires, l'état, les averses, restructurer, témoignages, refroidissement, potiche, convaincre, 40% des français, renoncer, la réforme des retraites, la Jordanie, erreur, mortier, Groupama, l'amendement, les préjudices, torpiller, les impôts, Laurent Blanc, explosion, revalorisation, fiscalité, le sérieux, viser, promulguer, maussade, moratoire, constructions, la compétitivité, les Etats-Unis, les experts, un carnage, préserver l'espèce, l'humidité, la capacité, la marge, la rigueur, le chef de l'état, les syndicats, l'Irak, la grandeur de la France, les pourparlers, se repérer, Dominique de Villepin, Eurodisney, oméga 3, le scepticisme, la voiture, la qualité, croire, tennis, internet, grossesse, saisir, familles, peur, adolescents, identité, 13500 tonnes, réalité, nouveau coup dur, surplus, révélation, les finances, les mesures, les magistrats, Edouard Balladur, le financement illicite, les dommages collatéraux, le tribunal de grande instance, l'inflation, la brutalité, l'histoire, Martine Aubry, l'incitation, porter plainte, feu vert, faiblesse, F.C Barcelone, souscrire, les points communs, aéroports, emplois, globalement, les économistes, Airbus, la Birmanie, purger, Roselyne Bachelot, le gaz carbonique, se connecter, plein essor, bonus malus, les partenaires, France-Télecom, les paradis fiscaux, le prix des appartements, le chiffre d'affaire, le tourisme, une note confidentielle, sans précédent, le grand Palais, valider, animation, les prix, les dispositifs, la dépression, Opel, Peugeot, Renault, les éléveurs bovins, les journalistes, le match, fausser, l'émergence, l'engagement, le pétrole, les actifs, le schéma, La patronne du PS, l'investigation, la confiance, le modèle vertueux, les répercussions, la crise, la régulation, l'Elysée, la viande de boeuf, macro-économique, les acteurs, les protagonistes, les Nations-Unies, diffuser, les grandes puissances, la grande échelle, l'échelle mondiale, la parole, le débat, la décision, la marge de manœuvre, les plus riches, l'illégalité, 600 milliards de dollars, Mélenchon, le web, s'approprier, le CNRS, le surendettement, Michèle Alliot Marie, les ménages, les bidonvilles, les symptômes, la coupe de la ligue, la pression fiscale, le capitalisme, les sitting, les données personnelles, le libéralisme, l'aide humanitaire, l'éducation nationale, sexuel, vidéo-projection, Facebook, le seuil symbolique, François Fillon, la reprise, les conseillers, l'espace, le marché directeur, 300 emplois, la psychologie, les devises, libellés, achat, monnaie, réel, Séoul, quantitatif, ex-nihilo, entraves, les ONG, la planète, 100 milliards supplémentaires, les soldes, la banque centrale, le pouvoir d'achat, les français, Georges Frêche, recadrer, soupçonner, main basse, l'affaire Bettencourt, défense, s'attaquer, 200000 euros, scandale, performances, travail, générer, cumuler, obus, urgences, fumer, les dommages, la solidarité, la solution, le juge d'instruction, enquête, mission, trou, livres, écologie, officiellement, sur le terrain, briser des vitres, l'enseignement supérieur, Houellebecq, organisme de développement, SFR, enfermer, la force, utile, le FMI, la logique, le danger, l'Amérique, la publication, les victimes, controverses, naissances, Sarcelle, Bagdad, le 11 Novembre, Gérard Depardieu, les designers, explosions, rafales, boutiques, objets, 30 blessés, loisirs, cambriolages, ambassades, opaque, Toronto, Shangaï, Cergy Pontoise, les femmes, 1,6% seulement, divers gauche, 11° sur le nord, Bercy, la péridurale, le vent du sud, l'équipe, cinéma, médaille, tricolore, sport, canicule à Moscou, gagner, 30 à 14, réussir, sacrer, disputer, la lutte, la faim, les travaux, les associations, la loi publiée, l'impatience, Jean louis Boorlo, documentation, fauteuil, ministère, quasiment, incarnation, écroués, Obama, Palestine, parti radical, processus de paix, théâtre, reconnaissance, incident diplomatique, Jérusalem, implicitement,  délégation, Chine, les êtres humains, forfaits, Jean luc Delarue, Bouygues, les parties communes,  fréquence, assemblée, prix coûtant, réunions, honoraires, payer, focaliser, le minimum, la reprise, l'indépendance, la gestion courante, l'entretien, les archives, violer la loi, les stupéfiants, l'adéquation, le général de Gaulle, les offres, l'internet, 2010, les taxes, refuser, les lacunes, Bordeaux, Joël Collado, la rémunération, la transparence, le cadre de vie, des sommes colossales, l'indignation, le besoin de communiquer, répartitir, multiplier, la mise à jour, les sujets, les chrétiens, la culture, le cyber-espace, le choléra, Haïti, Bernadette Chirac, la bourse de Paris, la téléphonie mobile, les éditions Odile Jacob, le CIC, le vent du nord, la stabilité, tenir la corde, la volonté, un défi impossible, jusqu'au boutisme, la pénurie, la fatigue, la presse, les chiffres, l'affaire des écoutes, Catherine Deneuve, l'intimidation, horizon, destin, anthropologie, la pelleteuse, les fondements, les poilus, endurer, figures, enjeux, cérémonies, hypothèses, se solidifier, interception, tout le monde, limiter, les fantasmes, disparités, profit, mandat, emploi, ampleur, exploits, 13500 tonnes, le Figaro, l'Islam, les supermarchés, la grève, les chômeurs, la sécurité sociale, la guerre de 14-18, les romans, le secteur, les journées d'action, Raymond Domenech, Virginie Despentes, commémorer, la télévision, sensibiliser, rabotage des niches, abattoirs, 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manifestants, les parlementaires, le quinquennat, rogner, la rue, libérer, souligner, l'audace, les jobs, l'habillage, la détention, 10 500 euros, ambitionner, les moments de détente, la météo, la rumeur, la proximité, les troupes, le Languedoc Roussillon, verrouiller, diviser, 2012, le gaullisme, le pataquès, les médias, les fictions, la Belgique, dans la foulée, l'actualité musicale, l'intêrêt global, s'emparer, les quotas, les soldats, Pékin, les maisons de naissances, le thon rouge, l'Afghanistan, pondérer, le foot, les ressources, subventionner, test, quizz, le cabinet ministériel, la position, l'équilibre, la popularité, les déchets, la filière, étudier 150 contrats, le blocage, le i. commerce, homologuer, le diagnostic, la balance économique, la chaîne, le microcosme, renforcer, le porte-parole, les hommes, les femmes, le casting, les sans abris, le commissaire à la simplification, France-télévision, sécurité, vie culturelle, le RSA, traduire, le contrat de travail, les gouffres, Microsoft, 65000 km2, consulter, le moment venu, la feuille de route, statu quo, bilan, plomb.

 

MD SO SO : Box machine 
podcast

 

Photo : Une grande tour d'affaires ouvragée en plaques miroitantes se reflète dans une flaque pas ouvragée elle aussi miroitante. photographiée dans les couleurs plus ou moins argentées du premier jour de November entre Charpennes et République sur le cours Emile Z. à Villeurbanne. © Frb 2010.

mardi, 26 octobre 2010

Une heure à la Manille

Une petite fantaisie me prend, de créer une nouvelle rubrique, qui consisterait à m'installer une heure ou plus, de temps en temps, (certains jours, donc !), dans un café de Lyon (ou d'autres villes) et d'y laisser trainer une oreille, avec ou sans dictaphone. Au hasard de balades je choisirai les cafés qui me semblent les plus accueillants ou les plus insolites, tout cela laissé à l'appréciation du moment. Le café de "La Manille", est un très vieux bistro de Lyon, et ce n'est certes pas un choix de hasard, je l'adore entre tous, et j'augure la rubrique par mon quasi préféré, il est situé rue Tupin, au niveau "Cordeliers", pas très loin du vacherin, sur la presqu'île de Lyon, la clientèle y est variée, très sympathique, elle va du d'jeun à demi-looké, au papy rutilant, en passant par tous styles d'âges et de gens. La déco depuis plus vingt ans n'a pas changé. L'accueil y est vraiment extra, on pourrait même dire carrément "bonne franquette". C'est un lieu ordinaire à vue de nez, et plutôt extraordinaire, mine de rien, quand on le connaît bien. Un endroit où il fait bon lire, écrire, vivre (et laisser vivre), enfin bref ...

manille0275.JPG

Situation :

La rue Tupin est calme, les gens assis à la terrasse  discutent des évènements, chacun semble assez détendu, l'ambiance générale est sereine malgré la gueule de bois de la ville toute cassée encore par endroits surtout dans le 2em arrondissement. Rien ne pourrait faire penser au voyageur tombé là par hasard, que la semaine dernière Lyon, fût à feu et à sang. Je lis le journal que Manille nous prête collé au bout d'un grand bâton presque aussi long qu'une canne à pêche. Deux femmes arrivent, s'installent, il s'agit d'un couple de femmes, l'une ressemble à Eva Joly, je me dis que c'est peut-être elle ?... L'autre plus pulpeuse a un côté variété 70, une sorte de Michèle Torr, en plus light, (donc ce n'est pas elle) elle a une belle voix grave et commande deux cafés. Dix minutes après la serveuse revient avec les cafés, elle s'excuse elle dit que le service a pris du retard. Les gens de la table à côté s'en vont, je reste seule, je regarde passer les Vélov' qui grincent et ralentissent devant la pizzeria d'en face et de longues minutes passent...

Mise en bouche :

 Deux hommes d'affaire discutent en sortant du café-restaurant : 

- Je serai fixé sur mon sort dans une heure.

Il serre la main à un autre monsieur plus vieux que lui mais qui lui ressemble (le même, donc, en plus étoffé)

- Et si ça ne marche pas, qu'est ce que tu vas faire ?
- Ce que je vais faire ? Oh ben tu sais ça j'en sais rien, je ferai comme tout le monde, j'irai à Pôle-Emploi. (Ils rient).

Deux hommes s'installent à la table jusqu'à côté de moi (les tables se touchent presque ainsi puis je entendre parfaitement la conversation comme si j'étais attablée avec eux, j'enclenche le dictaphone, pour le plaisir de la lo-fi :

Conversation :

- 32000 tu te rends compte ! les charges c'est 10%, tu te rends compte ? Ca fait des sommes énormes, payables avant 30 jours, je prends ça comme une sommation
-  C'est pas possible, Patrick, il faut que tu les fasses patienter
- Tu rigoles ! avant c'était 4000 et comme c'était un gros dossier, j'ai déjà obtenu une ristourne...

(Silence)

- He ben ...

(Un homme qu'ils semblent bien connaitre passe rue Tupin, il hurle)

- Alors les deux jojos ! ils z'ont pas fini leur causerie et ils prennent leurs cafés dehors comme deux pachas !

celui qui disait "he ben!" répond et du tac au tac :

- Crie plus fort, Dominique, tant qu'à faire, prends un porte -voix ! tu veux t'asseoire ? Viens dont boire le jus avec nous  !
- Non, non ! je vous laisse j'ai rendez vous, je suis pas en avance ! (il s'en va)

Les deux hommes continuent la conversation :

- Tu te rends compte 32000 !
- Mouais ! à ce compte là vaut mieux travailler dans le bâtiment.
- Dans le bâtiment ? Mon pauv' vieux ! j'y crois pas moi au bâtiment !
- 32000 merde ! tu te rends compte les charges ! Pour St Rambert, tu te rends compte !
- Ouais, bon,  pour St Rambert c'est pas tellement quoique si tu payes que 20 euros ton appartement, ça vaut le coup de refaire le calcul...
- Ouais si je paye le loyer avec le budget de la communauté, mais ça va pas le faire, c'est trop risqué, je préfère aller à Ambérieu dans l'Ain, je gagnerai moins mais au moins je serai libre, et puis ce serait une tranquillité, rien ne passera sous la table, tu comprends Martin, il est sympa mais c'est un gros filou et moi j'ai des comptes à rendre au conseil régional, d'ailleurs Tournier a piqué une colère l'autre jour, une colère monstrueuse, parce que Martin c'est peut être un énarque mais il marche trop sur les plates bandes des autres, sans compter tout le fric qu'il pique dans les caisses de la collectivité
- Merde ! à ce point ?
- Tu parles ! il se démerde comme un politique, mais c'est un parfumeur
- Ah bon ? il est parfumeur ?
- Mais non ! c'est une métaphore, je veux dire qu'il embrume tous ses partenaires

(Silence) les deux hommes plongent chacun dans leur café et leurs pensées... Cela dure de longues minutes. L'autre reprend.

- Les vitriers vont faire fortune.
- C'est sûr, c'est fait ! tu as vu ce massacre, jeudi, rue Victor Hugo  ?
- Ouais mais Hortefeux a promis une enveloppe, il a donné 80 000 euros pour la bijouterie, le magasin de chaussures et le magasin vidéo, il va sûrement donner l'enveloppe au préfet
- Ouais, ouais ouais ! au préfet !
Ils se regardent et éclatent de rire
- Tu penses à ce que je pense ?
-  Ouais, ouais ! faudra qu'on en reparle dans deux mois de c'histoire là, tu paries un restau ?
- Ouais ! d'accord ! (ils se tapent dans la main)
- Je vais te dire que Jean-Jacques il va asticoter son gamin, il était parmi les casseurs
- Tu parles ! ah ! ah! un gosse de riche ! ah ! ah ! ah ! c'est trop marrant. C'est comme en 68 !
- De toute façon il n'y aura pas de nouveau 68, en 68, il y avait le pognon, on avait du boulot, y'avait tout, c'était juste un problème tout autre, on l'a fait à cause des mentalités, c'était d'un archaïque !
- Ouais (dubitatif) la France De Gaulle, c'était mortel !
- N'empêche que moi, je maintiens les quatre ans où je n'ai pas voté, je ne voulais pas voter pour des blaireaux et c'est tout !
- T'as peut être au raison, moi j'ai voté Ségolène par dépit, mais je pense que le PS a tout laissé passer et c'est inadmissible, et regarde maintenant où en on est !
- Des blaireaux j'te dis ! non mais t'as vu ? Après tu vois Nicolas Sarkozy, un mec comme ça qui se retrouve au pouvoir c'est quand même pas possible !
- Après les français, ils peuvent choisir Fillon, il sera plus large d'épaule...
- Tu déconnes ?  Fillon large d'épaule, ah ! ah ! ah! non, merde ! faut pas pousser ! il a pas le charisme ! Balladur n'avait pas assez d'ambition et Juppé il a trop de casseroles, Sarko je suis navré de te le dire comme ça mais il l'a lui, le charisme ! il est malin, il s'est servi de Balladur, il s'est fait propulser...
- Et y'avait l'autre là, tu sais le zigue à Chirac sorti de nulle-part, celui qu'a une tête d'oiseau...
- Ah ! Raffarin ! ouais bof ! bien placé, mais vraiment trop sorti de nulle part ! ce mec là c'est un prof il a donné des cours au Québec, c'est Juppé qui lui a passé le tuyau !
- Merde alors ! ces gars là c'est vraiment des polichinelles
- Ouais ! mais c'est des polichinelles qui tiennent la route. Ils resteront.
- Tu plaisantes ?
-  Mais oui, bien sûr que je plaisante ! ah ah ah, Ducon, je t'ai bien eu !

 (ils se lèvent et s'en vont en pouffant)

Fin du premier acte. La suite bientôt mais dans un autre café de Lyon (ou d'ailleurs) ...

Photo : L'enseigne, du beau café de 1860. "Cadre simple", dit-on "rétro" mais pas si "branché" que ça. On y boit et même qu'on y mange pas mal, pas cher, (plat du jour 8.70 €, formule déjeuner 11.70 €). "La Manille" est située au 32 rue Tupin dans le 2em à Lyon elle est ouverte du lundi au samedi de 7H00 à 20H30, avec terrasse et véranda chauffée en hiver. Que demande le peuple ? Aurait-il besoin d'autre chose ? Frb© 2010.

dimanche, 24 octobre 2010

Prélude à un gai désespoir

L'avenir ne mesure rien que ma faiblesse présente

ANDRE COMTE-SPONVILLE

gai desesp782.JPGQuand nous serons sortis de terre, nous irons dépenser nos deniers pour flotter dans des jonques. Nous prendrons conseil auprès des demoiselles du syndicat d'initiative, nous visiterons les jardins des châteaux ornant les calendriers de l'automne. Nous y séjournerons longtemps et nos nuits seront idylliques. Le temps s'allégera nous retrouverons ces enfances qui ne cessent de grandir en nous à mesure que nous vieillissons. Et la peur du temps passera. Notre mémoire deviendra  floue.

Nous serons assis sur les marches d'escalier de l'église d'Augustin rue Denfer, nous regarderons les damnés, traîner de lourdes chaînes et juste en dessous, un beau Christ en élévation sera (comme toujours) adoré par nos anges. Nous maudirons cet espoir qui nous met à genoux, nous entretue pour une louange si minuscule, par rapport à ce qu'elle promet. Nous cesserons d'y croire. Nous n'aurons plus un seul argument vérifiable pour aborder la terre promise. Nous n'aurons pas d'autre maison, pas même une petite arche ne saura fournir l'évasion nécessaire à nos échappées. Peu importe. Sans maison plus besoin d'échapper. Nos mondes nous fondront dans la main, s'amolliront dans nos chairs tendres à la manière des éponges  ou des étoiles de mer cela nous délivrera bien à la longue.

ll y aura des signes importants, des dilemmes contre lesquels nous lutterons encore, on ne sait quand s'amorceront les lendemains nouveaux. S'il y a de quoi espérer. Peut être, irons-nous à l'idée lumineuse de désespérer enfin totalement et gaiement de toutes choses ? Ou de ces espèces de choses soit-disant épatantes qui nous viennent d'on ne sait où...

(A suivre)

Photo : Le répit. Photographié à la croisée de Zola et Barbusse en plein coeur du très beau quartier des gratte-ciel à Villeurbanne.© Frb 2010

vendredi, 22 octobre 2010

(Se) soustraire

Parviendrais-tu à retirer
Ta mort de ton futur flou
Pour l’inscrire avec éclat
Au plus bas fond de ton passé
Alors tu ne mourrais plus
Poète et ton clair présent
Persisterait dans le temps même
Où le temps désintégré
Se fera le grand miroir
De la fin de l’éternel.

ANDRE PIEYRE de MANDIARGUES, "Pouvoir poétique" (Nov 1971), extrait de "L'Ivre Œil", éditions Gallimard 1979

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 Moins que le A, moins que le B, moins que le caé nir, moins que l'ea roide, moins que l'ea chude, moins que le pemier digt de la man drite, moins que le denier digr de la man guche, moins que le bs relif, moins que le murure des forts, moins que les ris et les lames, moins que le balbuiement, moins que la cêpe au sure, moins que l'ea de ie de cerse, moins que le mineau bessé, moins que la sorie de secous, moins que le but de la caussure, moins qu'une giroutte au cocher, moins que la dase du vetre, moins que le arteau et l'encume, moins que le chland qui pase, moins que le beu de cauffe, moins que la olle à bis, moins qu'un cantier iterdit au pulc, moins qu'une onnerie de révil à l'ube, moins qu'un po, moins qu'un hibo, moins que le geno, moins qu'un cho à la crée, moins qu'un éclir au chocolt, moins qu'un crissant de lue, moins que le oq a vi, moins que le premir cant du mode, moins qu'une piqre d'inscte, moins qu'une onquille anée, moins qu'une pume, moins que le pomb, moins que le li du pantlon, moins que la banche de l'arre, moins qu'une vasselle à essuer, moins qu'un câne chave, moins qu'un vente vie, moins qu'une virgle, moins que des pints de suspesion, moins qu'une rèle monasique, moins qu'une ôte de malle, moins que l'ecre symathique, moins qu'un ba de lain, moins qu'une boutille de lit, moins qu'un gos hat qui dot, moins qu'un chen qui abie, moins qu'une muche du oche, moins qu'une babe de pote, moins qu'une nit sans lun, moins qu'une lape de cevet, moins qu'un bat jur, moins que la forme d'Abert, moins que la re Quincampix, moins qu'une arée ryale, moins qu'un hait de deil, moins que la crante de trouler, moins qu'un bo taac dans une abatire, moins qu'une chise en palle, moins qu'un futeuil Voltare, moins qu'une gran de poussère, moins qu'un klo de pataes, moins qu'une pire de pantofles, moins qu'une tale de multilication, moins qu'un pépi de rasin, moins qu'un noyu de crise, moins que du suce en morceux, moins qu'un veux méot, moins qu'un ale caracère, moins que la peiture à l'eu, moins que la peiture à l'hule, moins que la tou de pie, moins que le Panthon, moins qu'une fie poure blance, moins qu'un pont d'interrogaton, moins que le burre, moins que l'arget du burre, moins que le ul de la créière, moins qu'une plue d'Ocobre, moins qu'un solil de Mi, moins qu'une tole d'arainée, moins qu'un it roulea, moins que le bac de la quitude, moins qu'une motre perde à ogent le rotro, moins qu'un clar de lun à maubuge, moins qu'un tran de balieue, moins qu'une tabe de cisine, moins qu'une pore de chabre, moins que le follore breto, moins qu'un haiu chinis, moins qu'une voda poloaise, moins qu'un rondeu, moins qu'une révrence, qu'une allégrie, moins qu'un grad candélare, moins que la rolette ruse, moins que le guigolet, moins qu'une mèce de chevex, moins qu'une mie en pis, moins que le anache de Crano de Bergeac, moins que le tot dernir pilu de la gurre 4-8, moins que le vi roue,  moins que le burre norand, moins que la frêt Morad, moins que les mans d'Orlc, moins qu'une lêche d'indin, moins qu'une ie blue, moins que l'er de chne, moins qu'une pare de gats, moins que l'avene Vicor Huo, moins que le roge et le noi, moins qu'un fim de Godrd, moins que syphonie pastrale, moins qu'une choucoute garne, moins qu'un coucous polet, moins que les masons loses, moins que l'éée du ri Slomon, moins que le radeu de la méuse, moins que Raine et Cornille, moins que la ciale et la fouri, moins que la frise des bos,  moins que l'escarot de bourggne, moins que le colcique et le coqulicot, moins que l'étenard sanglat, moins qu'une paissade, moins que la derière cigrette, moins qu'un véo voé, moins qu'un ube de denifrice, moins qu'un blai brose, moins qu'un numéo de sére, moins qu'une cupe de Cairette de ie, moins qu'une uto-écle, moins que la pette monnie, moins qu'un moton de panrge, moins qu'une lé à molltte, moins que le bateu ive, moins que l'agent faile, moins qu'un copte en susse, moins qu'une viture de sort, moins qu'un cacht d'asprine, moins qu'un digt copé, moins qu'une slade de fuit, moins qu'un disue raé, moins qu'une brebs gleuse, moins qu'un rato lavur, moins qu'une popée de cie, moins qu'une tarine de nutlla, moins qu'un ot de yaort, moins qu'une etreprise de nettoyge de vires, moins que chevl de Trie, moins qu'un mange encanté, moins que des volts ferés, moins que le ri solil, moins qu'une obe d'ét, moins qu'une nut d'aour, moins qu'un ri sans divrtissement, moins qu'une coméie muicale à la cn, moins que le chassur franças, moins qu'un bonbo à la menhe, moins que la orte d'Abervilliers, Moins que le al de Sant Pont, moins que l'étole du berer, moins que la bage au digt, moins que l'alvole, moins que l'étue, moins l'ebrun, moins que la vaue, moins que la voute d'une cigrette, moins qu'une délaration, moins que vos, moins que nos, moins qu'ex, moins que mo.


Moins que rin
Moins que rn
Moins que r
Moins que.

Moins. Mois, Moi. 

Je (me) soustras.


AEGRI SOMNIA :"Outro"
podcast

  

Photo : Palissade, ou collage mural en voie d'effacement, vu quelquepart en presqu'île, je ne sais plus où exactement, n'ayant pas noté la rue où était situé l'ouvrage, en temps voulu, (du pur street art, comme on en croise rarement) l'affreuse peinture beigeasse des brigades nettoyeuses, ayant tout recouvert entretemps, je n'ai jamais pu retrouver l'endroit de ce grand dessin remarquable, sitôt collé, sitôt (ou presque) soustrait à nos regards désormais tristes et beiges. Lyon.© Frb 2010.

lundi, 18 octobre 2010

Avalanche

La recherche de l'intensité veut que nous allions d'abord au delà du malaise.

GEORGES BATAILLE, extr. "La littérature et le mal" (à propos de "La sorcière" de Jules Michelet), éditions Gallimard 1957.

avalanche_0093.JPGTout t'épuise. C'est cela qui resplendit, le déplacement de toutes tes vies jusqu'au plus grand flou possible ; la confusion entre les joies dilapidées et le pic hormonal normal, comme si l'impression nette de toutes tes expériences avait nourri pendant longtemps un but sans fondement véritable. Le flou et tous ses avantages, abhorrant tes antécédents, les trouble, dénude un fil étrange qui menace à présent ton ouvrage. Tu vois pousser des tulipes au milieu de ta maison. Tu perds la boule puis tu pars en haillons marcher sur une plage et tu sens tout le sable et le sel ronger le cuir de tes souliers. Il te faudrait de l'imprudence pour allonger la dulcinée au milieu du salon, dans ce feuillage exubérant, la regarder s'étendre sur tes pieds nus réchauffés par l'amour, tes pieds tout neufs. Elle s'aveugle à tes pieds. Tu es une idole immortelle. Tu grandis. C'est cela qui réchauffe, elle resplendit en toi. Tu dis que les herbes sont plus hautes quand elles repoussent à l'intérieur, entre les murs ou aux plafonds, nul ne te contredit, oui, c'est logique tout ça. Et tu tapes en cadence, ta petite chanson. Une pelle, un rateau dans tes mains, sur ton ventre accroché, le jouet tient par un ruban aux couleurs de tes mondes, tu tapes sur un seau aussi rond qu'un tambour, et tu chantes à tue tête sans te soucier du faux. Les notes avenantes cristallisent tout ce qui reste à goûter de silence ; la dulcinée se couche dans l'herbe folle parmi les tulipes floues dessinées par les monstres qui pressent dans la nuit des tubes de couleurs chaudes. Les jaunes de cadmium coulent sur les végétaux leur conférant d'artificielles callosités en forme de pétales de rose. Les bulbeuses prolifèrent entre les lianes nouées de lierre, et toi tout enlacé d'amour, tu sens quelque chose comme une pierre qui te coule au fond, un point fondu dans ton système, une drôle de solitude. Il reste une question que tu n'arrives pas résoudre, cela ne finit jamais, ça te venait déjà quand tu vivais sous terre. Tu demandes à la dulcinée, elle qui ne t'écoute jamais, elle qui t'aime sans rien dire, qui te veut immortel, à la manière de ces rois embaumés, les pharaons. Tu la couvres d'énigmes puis tu fais voyager sur son corps l'excès fantômatique revenu des sables, tu tamises et verses grain par grain ton sel. L'évènement, tu le passeras sous silence, il se couchera sur ta chanson qui resplendit toujours et mutile constamment tes sens. Enfin, il y a ces gens qui reviennent chercher leur dû. Des montagnes de sel entourent la plage, tu entends. Quand elle respire c'est encore leur respiration, il remontent la pente où tu les as laissés pour morts, par négligence, parce que c'est humain d'oublier. Tu les vois, ils sont flous, ils sont là, ils s'amusent et remuent dans ta tête des flaques d'eau miraculeuse avec leurs doigts, leurs sales doigts qui se mêlent, à chaque fois, c'est pareil, plus tu les noies, plus ils remontent.

Photo : Flou urbain (et humain ?). Dans ma rue, quand la nuit tombe, toutes les fenêtres fondent, c'est ainsi. Photographié à Lyon, quelque part à Croix-Rousse, par un beau soir d'Octobre, (le nom de la rue restera sous scellés). Frb © 2010.

vendredi, 24 septembre 2010

L'homme qui cachait l'homme qui cachait l'homme...

Ou du pareil au même (ad libitum)...

On m'avait pourtant bien prévenue de ne pas suivre les inconnus et surtout de ne pas faire du vélo en ville (sous ecstasy ou Veuve Clicquot), au risque de subir mentalement quelques dommages, donc ne faites pas comme moi, c'est mon conseil, sinon vous viendrait à l'esprit une question ouvrant des gouffres, et ce serait un peu comme entrer dans la quatrième dimension. Tout comme peut s'avérer dangereux (pour le cerveau) d'aborder cette question précédant la théorie (vertigineuse) de la pelure d'oignon: "qu'y a t-il après la pelure d'oignon ?", Réponse presque certaine (fournie par nos experts): "Une autre pelure d'oignon !". Certes ! mais comme il nous en faudrait toujours plus, s'ensuivrait une autre question (celle du lecteur sagace voire du sceptique): "oui, mais les pelures d'oignons, sont elles exactement pareilles ?". Or dans sa grande confusion, la tenancière (filaturiste), trop occupée à retrouver ses esprits, n'aurait à vous offrir (pour patienter), que 23 secondes (un peu troublantes) d'un petit film burlesque qu'on aurait pu intituler (en toute humilité) à la manière de Baudoin de BODINAT: "La vie sur terre".  Autrement dit, la tenancière telle Ponce Pilate  (rien que ça), abuserait de l'esquive, et, livrant désormais toute théorie (dont celle hallucinée, d'un probable clonage d'humains (à quelques détails près) qu'on nous aurait dissimulé ) s'en remettrait au bon sens général (ou sans vouloir vous flatter, à la raison du plus fort), autrement dit : c'est à vous de voir ...

 

 

Concernant la vie sur terre, et d'éventuels "clonages", ( de gens, de mallettes, de vêtements, de meubles etc...) quelques images d'anthologie à revoir ci dessous:

http://www.youtube.com/watch?v=Qifl9saFtSw&feature=re...

Pour le plaisir encore

http://www.youtube.com/watch?v=7xNnRBksvOU&feature=re...

Et pour les amateurs de vélo,("Lov" ou "Lib"), sous ecstasy, (il y en a !), comme il paraît (et on y croira dur comme fer) que "tout finit par des chansons": j'ajouterai la musique de nuit, à écouter  ICI

mercredi, 01 septembre 2010

September (Part III)

Des maisons se dressaient alentour puissantes,
mais irréelles, - et aucune
Ne nous connût jamais. Qu'y avait-il de réel dans tout cela ?

R.M. RILKE, extr. "Les sonnets à Orphée", VIII, (trad. Angelloz)

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Quand tu marches sur les cailloux, tu entends un bruit de ferraille, tu cotoies les silhouettes longilignes des petits hommes fluos qui plantent des panneaux de signalisation. Tu roules à St Germain des près avec ta mécanique, tu sais qu'il y a des pistes anticyclables du côté de la Loire. Tu prends les abbayes pour ton propre berceau, tu reviens de Golsone déçue par les hérons, tu vois d'un cimetière arriver les bateaux puis tu sors du tunnel pour nous rejoindre, on sait que tu reviens de loin, peut être de cette plaine qui recouvre deux fois la superficie des prairies.

Ici, c'est presque la même chose, je tombe dans les panneaux des départs, je me colle au sommeil d'une file d'attente interminable en goûtant l'immanence de la situation. Je fréquente les marchands de journaux qu'on appelle des points-presse. Je lis les horoscopes, et puis la météo, les journaux quotidiens rendent hommage à Corneau, je poinçonne à l'envers, m'y reprends à quatre fois en tous sens, j'y arrive, je m'énerve, le temps presse, je m'en vais au quai A, un titre de revue du genre "choc des photos" cite une phrase de Fignon :

"Je n'ai pas peur de la mort, je n'en ai juste pas envie, c'est tout".

Quand tu vas à la banque tu vois les coquillages que tu as oublié de ramasser sur la plage des Issambres un 24 Juillet 2010, d'énormes coquillages vernis et brevetés avec un logo peint sur le côté, qui décorent ta banque, des personnages étranges habitent ton guichet. Tu poses le coquillage à tes oreille et tu entends le bruit d'une cocotte en papier qui te demande de créditer ton compte au plus vite. Tu crédites de très peu. C'est un nouveau départ. Tu prends un rendez vous chez le coiffeur Jacky qui est aussi "visagiste d'art" tu veux être propre et net dès aujourd'hui, pour reprendre ton travail, tu sortiras ravi avec cette impression d'avoir une nouvelle tête, tes bonnes résolutions dureront jusqu'en Octobre, Une septuagénaire s'en ira du salon avec une mise en plis violette. Le parfum d'encens d'une boutique 100% bio te donnera mal à la tête. Tu lis les horoscopes de Voili en cachette, tu t'en défends devant les copains, mais tu y crois dur comme fer, tu achètes le monde 2, le monde 3, et le magazine télé Z. Tu marches sous les yeux inquiétants de mademoiselle Nothomb, notons, notons, que tu as beau marcher mille fois sur son chapeau, tu suis ce que ta ville te montre, puis tu vas à la banque retirer 100 euros pour t'offrir toutes les vagues que ton amour soulève. Tu craqueras aussi pour des cigarillos. Tu en fumeras un devant un bordel de la rue Mercière en pensant que tu as oublié d'envoyer une carte postale des Issambres à Evelyne, que cela fait un mois qu'elle n'a pas eu de tes nouvelles, tout comme Martine et Ghislaine. Tu auras un peu honte de toi. Tu as peur qu'au milieu du mois, ta femme retombe en dépression, tu as rendez-vous à 16H00 chez le vulcanologue pas très loin de la villa des mystères à Pompéï, tu rejoindras demain Evelyne à 17H00 au café des écoles, vous irez à l'hôtel rue du Mail, tu retrouveras ta femme à 20H30, tu lui diras que tu as eu du retard au bureau à cause d'une réunion qui t'auras épuisé, tu maudiras ce crétin de Jouvenot qui pinaille sur les RTT,  tu prendras un effaralgan 1000, tu embrasseras tes quatre enfants, ton chien ton chat et ton chameau et tu prendras une douche avec un truc qui mousse quand tu le pousses. Tu entendras Johnny chanter à la radio. On a tous quelque chose de n'importe quoi ...Tu rêveras d'aller vivre en Pennsylvannie, juste pour voir Bardo Pond en concert, ta femme te montrera le programme du musée de Cluny elle aimerait visiter l'exposition sur l'art gothique en Slovaquie qui aura lieu du 16 septembre 2010 au 11 janvier 2011 à Paris tu diras oui, tu penseras non. Tu regarderas un extrait de "Pick Pocket", tu trouveras ça complètement con. Tu mangeras des rillettes.

Ici c'est presque la même chose. Mes voisines de voyage sont des blondes aux yeux verts, mère et fille si collées l'une à l'autre qu'on les dirait siamoises, la mère parcourt les pages de "L'horizon", elle prend des notes avec un feutre sur un cahier de brouillon parfois elle écrit dans la marge sur "L'horizon", elle souligne des mots à l'aide d'un stabilo. Sa fille porte un mandala vaguement tibétain tatoué sur une seule épaule. Dehors, il y a les vaches comme dans les Lucky Luke, et des petites maisons avec des jardins bordéliques. Des parasols et des tables en plastiques. Parfois on voit des gens au seuil de ces maisons, des gens tout petits qui secouent des tapis par toutes sortes de fenêtres, des jardiniers avec des grands chapeaux qui méticuleusement, ratissent. Dans quelques minutes nous traverserons le Bois d'Oingt et commencera le bout du monde. Je déplie la tablette propre et beige qu'on trouve dans tous les trains, j'y pose un livre et des crayons, des ormes glissent dans mon sac à dos, le ciel se couvre. Je m'intéresse à tout, au cimetière britannique de Bayeux et ses 4648 tombes, au Cardinal de Retz et à Charles Pennequin, je connais maintenant par coeur son poème que j'aime bien qui s'appelle :"Je suis le gruyère" [...]

Et je suis ce que l'autre veut bien de moi
l'autre est dedans ce qu'il veut quand je suis
bien en lui
quand je suis mal à être bien
tout en lui
quand je suis moins en moi
l'autre n'est pas bien
non plus dans son je suis
tout à lui
tout comme moi
je ne suis rien dans le je suis de l'autre

(A SUIVRE...) 

Nota : Pour les précieuses correspondances, je dédie ce billet à Michèle Pambrun et à Marc.

Photo : Le pays de Septembre, vu quelquepart lors d'un voyage, quelques minutes après la pluie, lors d'un léger ralenti entre Le Bois D'Oingt et Poule les Echarmeaux. Et puis d'ailleurs, quelle importance ? Sur la gauche vous pourrez admirer la maison de personne ou du garde-barrière ou de qui vous voulez. Photographiée le 1er Septembre 2010 entre Lyon et Orléans, du train bleu 16846. © Frb.

lundi, 30 août 2010

Sur le banc de la gare de St Germain au Mont d'Or

"Si l'homme ne fermait pas les yeux, il finirait pas ne plus voir ce qui vaut la peine d'être regardé"

RENE CHAR

Si ce banc vous déplaît, la maison propose un autre modèle il suffit de cliquer sur l'imageBANC17.JPG

Sur le banc de la gare de St Germain au Mont d'Or, je me suis assise ce matin, j'y suis restée je ne sais combien d'années en espérant l'arrivée du train de 19H00. J'ai regardé tourner les heures, et j'ai pensé à tout un tas de trucs, tout un tas de machins. Sur le banc de la gare de St Germain au Mont d''Or, j'ai pensé.

Qu'on pourrait se trouver en gare de St Germain des Près et cela ne changerait pas le cours de cette histoire, j'ai pensé aux âmes simples qui partent en voyage pour la première fois avec une étiquette pendue autour du cou, j'ai pensé que dans un autre pays il devait être plus de deux heures du matin, j'ai pensé à l'air frais, à tous ces vents qui nous fouetteraient le visage avant le retour du printemps, j'ai pensé à ce néant, aux gens qui vous oublient au fond d'une salle d'attente et qui reviennent trois heures après, vous dire en souriant "pardonnez moi je vous ai oublié" alors que chacun sait qu'on ne se pardonne pas soi même mais on peut présenter des excuses. J'ai pensé aux grottes, aux falaises, à la fatigue, aux accidents, à ces vies corvéables qu'on doit fuir et refuir, à cette affreuse affaire concernant la circonférence des cercles qu'il faudrait un jour qu'on m'explique, aux ventres écaillés des carapaces énormes sur l'île de la tortue, à Saorge qu'on croyait imprenable et au sutra de l'arbre. Sur le banc de la gare, j'ai pensé que nous pourrions lire en nos âmes comme dans un abécédaire noblement illustré, j'ai pensé qu'il serait impensable d'oublier les enluminures. Sur le banc de la gare j'ai pensé.

Qu'il n'était pas désagréable d'allumer une cigarette pré-roulée en machine avec des tubes cobalt premium, j'ai pensé aux moments d'absence qui nous surprennent juste après le départ d'un train, j'ai pensé qu'ici, ça pourrait être tout aussi bien la gare de St Germain en Laye  et que ça n'aurait pas l'importance qu'on croit. Sur le banc de la gare j'ai pensé au mât de cocagne, à la dépense à la luxure. J'ai pensé aux bedaines, aux cheveux grisonnants des messieurs élégants assis sur d'autres bancs face aux kiosques ou près des manèges. Sur le banc j'ai pensé que du quai A jusqu'au quai B, de la gare de St Germain au Mont d'Or, précisément, il était impossible de trouver une correspondance pour la ville de Limoges, ni pour la ville de Liège. J'ai pensé aux anges dissipés et punis dont le diable se débarrasse en les envoyant vivre sur terre, incognito. J'ai pensé que les filles se trompent à croire toujours que n'importe quel homme est ému de sécher leurs larmes, j'ai pensé aux chemins de Katmandou, à ceux de Compostelle, au masque de Bhairava, à la conversation que j'aurais demain avec Dieu ou bien avec des champignons du type ascomycète ectomycorhizien tels le bulgaria inquinans, les truffes noires ou même les lichens pourvu qu'ils soient juste assez hallucinogènes.

Sur le banc de la gare de St Germain au Mont d'Or j'ai pensé qu'au lieu de me contenter d'être là, je pourrais penser à des trucs et à des machins sur le banc de la gare de St Germain les Arpajon cela serait plus original quoiqu'un peu loin de tout. J'ai pensé que ce n'était peut être pas normal de faire de si lointains voyages en restant assise sur un banc sans même payer sa place. Sur le banc de la gare j'ai pensé aux "maisons oniriques" qui logeraient nos souvenirs, nos secrets amoureux et nos extraversions. J'ai pensé à Sandro et Claudia seuls sur le banc d'en face, au lever du soleil. J'ai pensé que c'était idiot de ne pas oser leur faire une petite place. J'ai pensé si que la gare de St Germain au Mont d'Or était précédée ou suivie par la gare de St Germain du Puy on arriverait plus vite à Nevers, j'ai pensé que Nevers en hiver devait être aussi triste que Nevers en été. Sur le banc de la gare de St Germain au Mont D'or j'ai pensé...

Photo : Le lecteur aura bien compris qu'il s'agit véritablement du banc de la gare de St Germain au Mont d'Or (je ne vois pas pourquoi je vous mentirai) où je n'ai jamais mis les pieds. Je remercie Dame SNCF dans son immense générosité de m'avoir accordé environ deux minutes d'arrêt afin que je puisse  immortaliser cette merveille aux lignes simples et pures saisie derrière la vitre du redoutable transnabirosinien N° 16846 en provenance de Lyon, la ville. Août 2010.© Frb

mercredi, 25 août 2010

Non-recette de la gelée de mûrons (par HK/RL)

 Si vous ignorez ce qui a inspiré la beauté de ces pots, il suffit de cliquer sur l'image

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Depuis longtemps je n'écris plus de poèmes

ni tard

ni tôt

ça me manque un peu de ne plus écrire de poèmes

tard ou tôt

à la place (ou parce que ?)

je cueille des mûres

deux pleins seaux ce jour d'hui

puis patient travail alchimique ensuite

pour les transformer en gélée

ou alors je sème de la mâche pour l'hiver

et recouvre ma semaison de fougères

coupées dans les bois dits « de Vaux »

il y avait longtemps que j'avais envie

de mettre ces bois « de Vaux »

dans un poème

c'est pour cette simple raison

que je me suis dit « tiens gars écris donc

un poème ce soir avec les bois « de Vaux »

dedans

il n'est ni tard ni tôt

j'espère que la gelée de mûres

sera bien « prise »

ni trop ni pas assez

juste « comme il faut »

 

HK/RL  (2010)

 

Remerciements. A nos deux alchimistes z'et amis HOZAN KEBO  (HK) et ROGER LAHU  (RL), qui ont par la grâce d'une complicité étonnante, préparé amoureusement de quoi combler nos longs après midis d'hiver. La pâtissière de certains jours dans son immense générosité fournira gratuitement les boudoirs et les tuiles aux amandes (desfois que ça suffirait pas) à tous les volontaires audacieux qui se présenteront pour mettre les doigts dans le pot. Le défi étant :"Pas vus, pas pris". Merci donc à ROGER LAHU et HOZAN KEBO de nous avoir également glissé les bois de Vaux, dans un poème, autant dire un cadeau encore mieux que juste "comme il faut"...

Photo : Pour preuve de l'alchimie, desfois que le lecteur s'imaginerait en train de rêver. Et pour garantir l'authenticité de la gourmandise, nous assurons que la photo a été réalisée sans trucage, par nos deux inséparables tentateurs, HK/RL, (encore eux), on imagine qu'elle fût prise (elle est bien prise) pas très loin des bois de Vaux. A noter que cette création a obtenu le soutien du MARC (mouvement d'art rural contemporain) et le prix spécial du jury, dans le cadre du bicentenaire de "La mûre en liberté" organisé par le MARS (Musée d'art contemporain sauvage) en Août 2010.

mardi, 10 août 2010

Le minuscule

Au pied du mur. Une falaise de craie, une paroi droite. La route stoppé là, au pied.
Des jours.
La paroi reste. On devient plus léger.
A force, le mur ne surprend plus.
On se dit qu'il fallait bien s'attendre à quelque chose comme ça.

ANTOINE EMAZ in "Caisse claire", éditions Points Seuil, 2007.

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L'âme atteinte, trop soudainement peut-être, au pied du mur, nous prend et nous sommes sidérés par les beautés anciennes. Il faudrait boire la pluie, il faudrait vivre sous la neige pour ne pas s'affamer, s'ensorceller de songes broutant le diamant en ces noces où l'image d'une trempe rituelle ne peut tout à fait s'effacer. La brutalité vient, après le dit de l'aime, une de la pire espèce, qui pousse à reculer, celle qui croit tout donner et reprend tout, prend l'aise, construit des bétaillères pour celles du genre de haine. La maladresse insiste jamais ne disparaît. On ne s'amende plus, l'avenir se délite peu à peu, à présent, plus vite que le passé. On porte la mort en bouquet façon dandy, rose ou pourpre. Fièrement, on se démet. Et les oeillets fanés dans les vases romantiques, n'inspirent plus le moindre regret. Après avoir chéri on s'étend tête froide sur la pierre polie des carrelages. Le son est celui de mille cloches briquées comme des casserole en cuivre qui résonnent en façade. Nous serons exhibés demain ou en Septembre.... Qu'il est doux de verser l'amour fou, ou la haine sous les yeux des indifférents ! fièrement on se pavane. On tire presque gloire de ses peines. Lamento affligeant déguisé en pure joie. Il suffirait pourtant, qu'un doux hasard, du genre humain lève le voile, et nous révèle inconsolables, cela serait moins désolant. On aimerait ce hasard. On plongerait à nouveau. On goûterait l'ornement, le velours, les emphases, celles qui visent plus haut, plus loin que l'insatiable. On se réchaufferait. On inviterait la lune, les étoiles dans les chambres. Elles nous lécheraient les pieds. Un jour, l'offense par accident, à nouveau viendrait nous reprendre. On serait consommé. On reconvoquerait les fantômes et puis on les rassemblerait tous sous la même chair exactement au même endroit. Eternel recommencement...

Photo : Visage humain candide ou effaré. Sculpture civile clunisoise, vue en façade d'une ancienne riche demeure. Cluny. Août 2010. © Frb

dimanche, 08 août 2010

Pays perdu puis retrouvé

Profonde solitude
je bouge mon ombre
histoire de voir


(HOSAÏ)

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Les oiseaux volent bas, annoncent des pluies de fin d'été. Des silhouettes dérobent le soleil, visent les fleurs des champs, les exhibent, puis les plantent dans la mare d'à côté. Ainsi vont lentement les jours, pluies et soleils sur les chemins, un peu de vent dans les prés, des choses mille fois décrites mais pas exactement telles qu'elles peuvent nous saisir. Les silhouettes déambulent cherchent l'ogre aux charmes de ces lieux, la guivre maléfique, un cri d'animal brut, et la louange soufflée que le verbe exécute. Il n'y a plus de boudoirs et plus de vestibules, plus de miroirs sans tain, ni de portes dérobées. L'être humain dans l'air vif, approuve cet état nul, à peine, mais suffisant, et puis, la vacuité toujours éblouissante et encore la forêt qui veille sur les vies antérieures qui n'ont pas été enterrées. Un remuement obscur agite une terre fangeuse, le crapaud aux marais attend son vrai baiser et l'on voit quelquefois passer des promeneurs de retour d'une journée de marche, transfigurés par une clairière. Il faut bien vénérer quelquechose. Ils vont nus pieds, se piquent, sucent la sève des pins, picorent la myrtille qui roule entre leurs doigts violets. Le jour est mûr enfin, le vent fait tourner la girouette d'un clocher de village caché du côté de la Grosne revenue du Mont St Rigaud (qu'on surnomme aussi "toit du monde Rhône"). Il y a des chemins de pélerinage reliant Cluny à St Jacques de Compostelle. Et des érudits en sandales émus devant des chapiteaux datant du XIIem siècle où des monstres à corps d'homme et têtes d'animaux administrent des châtiments (on ne se lassera jamais d'admirer le plus beau d'entre tous "le châtiment du bavard", qui jalonne le pan nabirosinais de certains jours et j'espère vous ramener peut-être bientôt cette image). C'est ainsi que tout nous revient, peu importe la ligne d'arrivée. Que le sort nous épargne les grandes destinations ! les confluents, les termes. Qu'on nous laisse aux chemins, et même à la croisée. C'est ici que la vie commence tout au bord d'un ruisseau qui n'a jamais porté de nom, dans la forêt de Montrouan, près du château, ou dans un champ brumeux à l'aube. Et il faut réapprendre plusieurs fois une seule chose. Terre ou nuages, ce qu'il y a de plus personnel en nous est au dehors, jusqu'à ce que notre esprit rencontre celui des animaux et les imite. On se souvient que les grands ascètes de Syrie broutaient. Dans leur culte et pour vaincre le désert, ils broutaient comme des vaches.

Photo : Nabirosina (Allégorie) : "Un point où le réel et l'imaginaire deviendraient indiscernables...".Vue imprenable. Là bas. Août 2010. © Frb

vendredi, 16 juillet 2010

Le prestige de la mort

Des fleurs pour Patrice Moullet (frère de Luc) :

http://www.patricemoullet-alpes.com/

http://fr.wikipedia.org/wiki/Patrice_Moullet

Et puis encore des fleurs pour Luc Moullet (frère de Patrice et cinéaste admirable vivement recommandé par la maison) :

http://www.telerama.fr/cinema/luc-moullet-j-aime-la-manie...

http://www.cahiersducinema.com/article983.html

http://cinema.encyclopedie.personnalites.bifi.fr/index.ph...

Sans oublier, une belle couronne (de fleurs) pour la chanteuse (qui est plutôt actrice)

http://fr.wikipedia.org/wiki/Claire_Bouanich

mardi, 06 juillet 2010

La notte

Ne nous faisons pas d'illusions au moment où elle nous imagine, la réalité devient notre ennemi numéro un.

MICHELANGELO ANTONIONI

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Nota.

C'est une nuit où presque rien n'arrive, mensonge et vérité sont étroitement mêlés. La vue est imprenable comme le jour où par temps clair, on aperçoit d'un point précis, pas loin de la rue de l'Alma, une sorte de flou mais très sûr, au dessus des flots lumineux, un peu de brume, à peine, sur une mer impavide. La nuit, des liqueurs infectes sont offertes par des créatures qui caressent, en riant un énorme ventre affamé. La nuit se porte comme un calice, se joue d'un rébus couturé, qui nous décompose à mesure qu'un mystère se trouve révélé. Tout nous voue à l'obscurité, en cette place oscillante, aux souvenirs des joies de la veille devenues presque indifférentes et aux présages de joies futures qui n'adviendront peut-être jamais. Dans les monts, le soleil se couche derrière la terre. Un homme glorieux se sauve sur un cheval au galop. Un faisan est égratigné. Mais l'instinct résolu ; le faisan blessé reste en vol. Des choses se consument hors du monde, et d'autres naissent à la limite. Le silence annule toute offrande. L'épuisement viendra avant l'aube. Quelque chose nous mesure encore entre mille étoiles piétinées.

La notte.

Les personnages se sont trouvés, mais ils ont du mal à communiquer, parce qu'ils ont découvert que la vérité est difficile, elle demande beaucoup de courage et des résolutions toutes impossibles dans ce qui est leur milieu respectif. Cette ville leur ressemble, elle est morose et vide. Deux minuscules silhouettes au pied d'un gigantesque immeuble blanc, et des visages exsangues expriment un profond désarroi. Les voix tenteront en vain d'écrire l'évanescence. Rien ne sera préservé. Une bande magnétique, des cocktails, des espaces et des gens très lentement se délitent. Les trompe-l'oeil font mourir. Les reflets des arbres et les bâtiments traversent les visages, des rêves sont sacrifiés autant que l'émancipation. Une femme lance son poudrier pour atteindre une dernière rangée de carreaux, l'homme veut aussi jouer. Pris au jeu et piégé. Il va perdre. Quelque chose se détache. L'homme ne mesurant pas les conséquences de ses actes, ne remarque pas que sa femme va le quitter. Il ne sait plus quoi dire, quoi penser, ni surtout quoi sentir...

"Le mur derrière la femme est blanc, traversé d'une ombre en forme de ligne noire, un trait épais qui ressemble à celui qu'on pourrait faire avec un marqueur sur une image qu'on veut rayer. Cette ligne noire ne raye pas la femme mais le mur qui est derrière elle; le trait noir meurt dans son dos, s'y enfonce, blessant, comme une grosse épée d'ombre, son dos se courbe lorsqu'elle raccroche le téléphone. Après quelques secondes  d'une évidente difficulté à se redresser, la femme tourne son visage vers cette ligne noire d'où proviennent aussi les voix et bruits des autres. Elle ne dira rien à personne. Au lever du jour, plus rien ne sera comme avant".


 

A tribute to Michelangelo :

http://cinema.encyclopedie.films.bifi.fr/index.php?pk=42451

http://home.comcast.net/%7erogerdeforest/antonioni/

http://blog.lignesdefuite.fr/post/2007/08/02/lobjet-repre...

Photo : La nuit, vue de la grande esplanade (au seuil de la rue Pierres Plantées et de la rue Jean Baptiste Say), qui précèdent l'ultime petite montée jusqu'au boulevard désert, au plus haut point de la colline endormie. Lyon, Croix-Rousse, autour de trois heures du matin. Juillet 2010 © Frb

vendredi, 11 juin 2010

Une semaine de catas (thema part I)

"Quelle force, quelle cuirasse faut-il avoir pour encaisser tous les coups de griffes que l'on va recevoir ?"

HENRY MILLER, extr de "Henry Miller, rocher heureux", par Brassaï.

Si vous n'avez pas de feu sur vous, vous pouvez cliquer sur l'imagecataclysme.png

Lundi.

La nature ment. L'aise émerveille. Le monde est là, l'outrage nous charme. L'effort s'y heurte puis la voix se promène sur les heures, les balaye. Elles se dévident sans cesse. Est ce lui qui vient ? Craque des allumettes, s'enfuit devant le feu qui dévore l'envoilure puis essaye à pas lent de chiffonner les toits ? Dans l'ennui passe l'ennui. Les œuvres tombent en ruine, nous exilent loin des Dieux. Au premier jour qui vient tous les coeurs s'illuminent, le lendemain un autre se lamente en regardant l'anthère d'une fleur arrachée sous la touche du piano secoué d'impatiences et raconte à qui veut bien l'entendre, que sa bonté fût flouée par indifférence. Les rôles sont inversés si aisément ! toute cruauté bien travestie et convulsée de pleurs restera émouvante, un vibrato chéri envoûtera la littérature. Plus tard, en effeuillant un livre qui parle de bombe atomique (au Japon, ou ailleurs), on tombera sur une page si blanche où la méprise à ce jour impossible, paraîtra demain évidente. Tant de gâchis pour rien. Avec quoi pourrions nous l'effacer ?

L'inexorable excite un venin malséant. Tu le vois, le moineau-migrateur à ta porte ? Soufflé par de minuscules guerres, et frissonnant à l'aube ? Quand l'éboueur dépose la tête de ton aimée, sur un paillasson impeccable, lèvres closes. Enfin muette. La voie est libre. Le temps dévore l'acier, soulage un four incandescent, hameçonne au désert à lent terme le dépassement et d'autres choses effritent l'âme terrienne. Les beaux débats secoués d'infâmie, la trahison qui prend de jolis airs de fête et mille faux semblants épuisent la splendeur des épithalames. Tout gêne. Il y a ces toits chiffonnés que j'essore dans la mer où pullulent des petites algues mortes. Il y a des reniement si laids, que l'alphabet entier refuserait d'y prêter les angles (obtus) ou les courbes (qu'on dit sensuelles), d'une seule lettre, pour leur donner un nom, (ne prêterait ni A, ni E, ni N, ni I ni U et encore moins le M) ...  Il y a des parenthèses qui se referment à l'envers sur six milliards virgule sept cent quatre vingt treize créatures humaines parmi lesquelles il est impossible de retrouver sa moitié. Tout blesse. Je suis à l'ouest. Des margraves veillent sur mon sommeil, ils portent d'azur, à l'aigle échiquetée d'argent et de gueules, becquée, languée, membrée, couronnée d'or. Quand je ferme les yeux tout s'empresse, pleure, ou disparaît. Je suis dans le Grand Nord, sur une presqu'île presque déserte, assise à la terrasse d'un café somptueux. Et maintenant par dépit, je regarde un garçon danser.

Comme il est beau ce fêtard triste et chevelu !

Est ce lui qui broute sur de secrètes bestioles ? Damne son poulpe étourdi d'amusettes, jette des tubéreuses sur la méchante époque et les mêle à l'acide qui va en ce jardin, saccager les beaux entretiens. Demain nous serre, tristement sous son aile, barde le monsieur qui se rince au bar. Sa déroute amusera. Est-ce lui qui vient ? Administre à pas lourds des châtiments encore pour rien ? Les enclos minent la providence, de belles paronomases arrêtent l'été, hélas ! "amantes sunt amentes", les amants sont ils fous ? Se piquent de vanités près desquelles on s'endort, tandis que le pas se poursuit hantant les anciens parallèles. Est ce lui qui étreint les fadaises et se crève les yeux à toujours vouloir surplomber l'humain ? Lui qui se vante encore de glisser à la fosse, l'élégant baise-main ? Lui que l'ennui a jeté dans l'adoration tant des étoiles que des ténèbres, de l'exaltation au dédain, abhorrant aujourd'hui, son amie de la veille. A tant rapiner les émois, chassés dans les jungles éphémères, on se noierait à marée basse. L'extase est vil, l'humus est là. Il étouffera tous les mignons. Dans l'ennui, j'aime ce monstre et l'ange qui porte le sommeil au milieu de l'après-midi. Le jour nous pare de muselières. La nuit nous ferons mijoter des amanites solitaires avec les amanites blanches mortelles. Il n'y aura peut-être aucun survivant. Des éléphants sommeillent sur des cadavres tièdes.

Ici les biquets se déhanchent.

CATACLYSME.

http://www.deezer.com/listen-3848070

Photo : Image extr du film de Anton Corbijn: "Control", (2007).

mardi, 01 juin 2010

Des fourmis plein la tête (part 3)

A propos de quelques questions recueillies au hasard dans les livres et dans les magazines...

Pour accéder aux fourmis plein la tête (part 2) vous pouvez cliquer sur l'imagefourmis.JPG

Qui détient les tuyaux ? Pourquoi mon boucher est il blond ? Tout se négocie-t-il ? Trois cent euros pour quoi faire ? A qui dois-je donner cette clef ? Pourquoi ne pas tout acheter en gros ? Qui change les lampes ? Rien n'est-il jamais fait ? Doit-on équiper tous les éboueurs d'un passe-partout ? Qu'y a t-il de l'autre côté du pont ? Comment les oiseaux font ils leur nid ? Qui occupe le poste 3 ? Les larmes ont elles un sexe ? Le désespoir est-il une forme supérieure de la critique ? Pierre Corneille était-il un vieux beau ? Pourquoi la femme pleure t-elle plus souvent que l'homme ? Qu'est ce qu'un rythme circadien ? Est ce que les animaux ont le droit de nous humilier ? Pourquoi choisir la reprise plutôt que la création d'entreprise ? Qui garde le chat ? La révolution n'est-elle plus qu'un souvenir ? Peut-on repenser la violence ? Pourquoi les badges ? Doit-on interdire le bouche à oreille ? Où va la ligne 6 ? Qu'est ce que la magie nouvelle ? Qui n'a pas un jour rêvé de profiter des avantages de la solitude tout en disposant à tout moment d'un important réseau d'amis ?  en est-on ? Comment ne pas citer Baudelaire ? Combien y a t-il de façons de parler ? Qui peut être sûr de sa valeur ? Se sentir malade ou en bonne santé peut-il être indépendant de l'opinion du médecin ? Tir à l'arc, où s'inscrire ? D'où viennent les sensations ? Est il nécessaire d'opposer l'être et l'étant ? Comment se retrouve t-on là où on ne voulait pas aller ? Avec quoi peser le pour et le contre ? Comment se faire aider ? L'amour est-il la réponse ? Où se trouve le talon d'Achille ? Pourquoi chercher autrui ? Quelle robe mettre cet été ? Qui a laissé la porte ouverte ? Où trouver la meilleure vanille ? L'artiste est il utile à la société ? Quelle place occupe-t-on ? Suis-je à la hauteur ? A quoi les cinq sens nous servent-ils ? Qui jette les dés ? Quelle route faut il prendre pour aller à Arnay-le-Duc ? Pourquoi est-ce déjà le matin ? Y-a-t-il une ville plus agréable qu'Avallon ? Peut-on boire du champagne dans des verres en plastique ?  Quels candidats pour 2012 ? Pourquoi ne pas compliquer les choses ? Le suprématisme est-il démodé ? Quand l'animal rêve, (s'il rêve), a-t-il un inconscient ? Est-ce qu'une faute de jeunesse suffit à gâter toute une vie ? Qu'est-ce qu'un chanteur à voix quadruple ? Pourquoi devrions nous tenir compte de ce que les lecteurs peuvent comprendre ? Où vont toutes ces voitures ? Veux tu qu'on se promène ? Que signifie le verbe "habiter" ? La narration est-elle une forme artisanale de la communication ? Comment pardonner ? Que faut-il entendre par "réticulée" ?  L'hospitalité prouve-t-elle quelque chose ? La première impression est-elle la bonne ? Qui réparera la tondeuse à gazon ? pourquoi la réalité qui s'offre à nos sens n'est -elle pas autrement ? Y a-t-il en nous des espaces vides ? Prendrez vous un dessert ? Qu'est ce que la loyauté ? Que faire quand on a le temps ? Où se trouve la forêt de Zil ? Sommes nous de la même espèce ? Faut-il avoir peur des plantes carnivores ? Comment n'être lié à rien ? Va-t-on rentrer à pieds ou en voiture ? Le futur est-il poussiereux ? Peut-on demander une preuve plus éclatante pour démontrer la connexité absolue de l'âme et du cerveau que celle que nous fournit le scalpel de l'anatomiste ? Le désespoir est il assis sur un banc ?  Qui avance ? Qui recule ? Où va t-on ?

(A SUIVRE...)

Photo: Lascaux revival ou tout comme. Des fourmis plein le mur photographiées rue D'Anvers dans le 7em arrondissement de Lyon, en Juin 2010

© Frb 2010