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lundi, 10 mai 2010

Le " je ne sais quoi "

C'est la vie des grandes qualités, le souffle des paroles, l'âme des actions, le lustre de toutes les beautés. Les autres perfections sont l'ornement de la nature, le "je ne sais quoi" [...]  suppose un esprit libre et dégagé [...] Sans lui toute beauté est morte, toute grâce est sans grâce. Il l'emporte sur la valeur, sur la discrétion, sur la prudence, sur la majesté même. [...] L'art de se retirer galamment de tout embarras.

BALTASAR GRACIAN. "L'art de la prudence". 1994. Editions Payot § Rivages.

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Au départ, tout partait d'une bonne intention, je voulais vous toucher deux mots de "je ne sais quoi", puis farfouiller dans le corps (?) du texte de Baltasar GRACIAN, (qui fût un écrivain d'une intelligence rare loué à maintes reprises par notre Guy) mais il paraît, malgré les caprices incompréhensibles des horloges de ce petit blog, que ce soir c'est "la fête des voisins". Encore une de ces inventions (autre bidule de printemps festif, incontournable), que notre époque de plus en plus décomplexée, aura pondu pour nous faire croire qu'au fond, nous sommes tous des êtres solidaires, avides de retrouver l'élan spontané originel (?). (Voir le billet suivant ou précédent, selon la logique de chacun). Dieu Merci (ou Diable, non merci!), il y aura toujours des concepteurs de bonté, un brin évangéliques, pétris de bonnes idées, pour venir "ambiancer" nos élans de générosité (naturelle ?), et rassembler entre elles des créatures, (lisez "voisins", "voisines" si vous voulez) qui, les autres jours de l'année, se retrouveront aussi amicaux (entendez complices et solidaires) que les quatre pieds de ma table. Comme le disait Nikos ALIAGAS (le poète grec) "on ne va pas se mentir", et s'il faut être spontané, autant le dire carrément, étant donné que je ne peux pas ce soir, écrire ce que bon me semble, en raison que c'est ma voisine qui, la plupart du temps, décide des jours où je peux ou non vivre dormir, ou simplement écrire chez moi, je lancerai donc un appel d'offre en vue d'une festivité bien moi. (Do it yourself !) et rechercherai de toute urgence deux ou trois grands gars du genre costauds, déterminés, et surtout très patibulaires, ayant une grosse pratique de boxe Thaï, ou française, voire de catch pour aller faire la fête à ma voisine, laquelle, (vous l'avez compris) m'a cruellement empêchée de développer les merveilleuses idées qui auraient pu s'échapper de cette non moins merveilleuse citation. Cela dit les images parlent d'elles mêmes, et disons que pour ce coup là, ça ne sera pas plus mal. J'invite donc son lecteur (adoré) à méditer ce qui lui plaira à propos de "je ne sais quoi".

Photo: Le "Je ne sais quoi", vu près de la fontaine Bartholdy, place des Terreaux, à Lyon, par un bel après midi de Mai 2010. © Frb

vendredi, 26 mars 2010

Lis ta rature

"Mon coeur est un lexique où cent littératures
se lardent sans répit de divines ratures"

JULES LAFORGUE. Extr. "Complainte-litanies de mon sacré coeur"

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Ici, Issy les baux, les beaux le cil est beau tissus t'y situent pisseux, pelissés plissés ce noir se noient.Les tueries laitues-riz cerises, ces iris s'hérissent Leiris de leurres fleurs pleurs peur beurre, meurent. Quand d'une simca cime étayée ayez essayée, honni cumul ! on y immacule, un maître mettre, 1 mètre, où le pire périr et tôt ! étau sans gouffre, s'engouffre, un nappaud n 'appeau, n'a pot de vivre ivre d'une vie pie divine vinaigrette regrette être crête, graine, nègre aigrelette, maigres lettres, ange mange lui l'île qui l'eût buté cul bleuté bulle culbutée de plâtre pas de pattes de pâtres. On en a des tartines, tartine de rêves tartinerait, raie des oracles, on râcle à s'enrhumer, s'emmurer. On jouillerait jouirait Rouget de têtes de rimes traîtres d'être mimis de figues mirifique. Puis, la veule des cinés l'aveu dessiné  l'aveugle destinée, sous Lunel une aile, elle est maxi ma cigale maximale, on oserait hausserait, ô serrés on serait nos vols duvetés, volutes du thé voluptés. luttez ! puits puis laveux veut l'aveu, lave le ! frais des rapes d'âge d'oeufs frais se ferait des rats de dérapage s'oeuvrait au poing au point de prêle,plère, plairre de plaire. Simone ! si Rome est mal morne est l'âme à la main douée, la mama, l'amadouée de Douai m'a mise, mystère, ta misère atterre, à terre, aux guépillets, au pied au ô gué guêpier épiez démons des monts de sac à craie ça craquait, ça craquerait ça crassé, sacré crasse ma caresse à massacrer creux choeur qu'eux coeur.

Tobie Lurie
podcast

Photo : "Le prix des yeux, pour son cou" : ratures humaines ayant appartenu à... Nathalie SARRAUTE. (Extr, bibliothèque personnelle) reproduction. Mars 2010 © Frb.

dimanche, 14 mars 2010

Ville en Mars

Il n'y a pas besoin d'aller bien loin pour se perdre. Les grands voyages les miens ne sont jamais qu'une succession de petits mis bout à bout comme des tiquets de métro. Mais quelle lenteur ! et quelle joie dans la lenteur !

NICOLAS BOUVIER : extr. "Lettres à Kenneth White" in "L'échappée belle / Eloge de quelques pérégrins". Edition Métropolis 1995.

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Les ciels "marsiens" roulent des teintes charmantes sur nos silhouettes à rénover. Du haut de la colline, je contemple une ville en feu. Le sol est virginal. Sur ce point d'Ozanam, on dirait presque que la terre pleure. Je regrette la neige, ses cristaux transparents. Le printemps c'est l'hiver en moins gai comme toujours. Et qu'y puis je si la ville fait briller ses deux fleuves quand un seul suffirait ? Qu'ai je à voir avec toute cette flotte ? Y trouverai je des poissons-scie? Des cerveaux de Neptune ?

Pourtant, on aime les fleuves ici. Les deux servent et sans qu'on se l'avoue comme les longs corridors dans les vieilles maisons, ceux des caves, des greniers, on les aime, juste parce qu'ils sont là. L'un invite aux guinguettes aux pique-niques, et l'autre a ses naufrages. Un vent qui pousserait, si l'on se laissait faire, à glisser corps entier. Un tourbillon happerait, on se mettrait à avaler tout le "caché" l'ésotérique, de "cette ville dite des mystères". Dans la Saône on se baigne, dans le Rhône on se noie. Entre les deux, les bouchons des mères coutumières roulent des quenelles, remuent des sauces dans des caquelons avec de grosses cuillères en bois.

Lyon est une ville lente, une ville où l'on marche presque sans s'y trouver. A deux pas du Dôme de Soufflot je me lie aux arcades des grands cloîtres austères, au silence éprouvant des hopitaux anciens. Là, des bancs bienveillants accueillent les petits jardins qu'on dirait quasi dévoués aux presbytères. A Saint Nizier, gothique, je rêve d'animaux fabuleux de chimères, ou de Quasimodo. Chaque jour sous mes pas glissent des pierres précieuses.

Je serai là, en pensées, sur les pavés du vieux St Paul, frôlée du grain presque italien des façades rosées, fenêtres de demi-geôles où se reflète la Saône, l'autre fleuve apaisant, sur mille bris de verre irisé, mille reflets, quand la nuit tombe et que les autos minuscules vont par le quai Chauveau rejoindre la campagne. L'indifférence est vaine, je ne puis la fixer, ni lui assigner un bercail comme un de ces cafés de jour où tout se boirait gentiment, entre des douloureuses à rallonge, toutes insubmersibles. Un coin aimant comme une auberge pas loin d'une bibliothèque, où d'un musée, petit, le bien nommé St Pierre, l'ancien Guimet...

Au printemps chaque année recommence mon hiver. Je regrette la neige et la luge effacée. Cette route impossible qui traverse les rails d'une gare désaffectée, ensorcelle tout autant le corps que les esprits. Une main surnaturelle en guiderait l'aiguillage, le déroulerait à l'infini pour prolonger d'un trait la ligne d'horizon. Toutes destinations se recroiseraient sans cesse dans le désordre. On rêverait de s'y perdre, le dédale hanterait. Mais la ville est petite et ne peut faire autre chose que tout rêver petit, ceux qui ont essayé d'étendre l'aventure se sont un jour ou l'autre retrouvés le bec dans l'eau. Deux fleuves ! il faut ce qu'il faut...

Ici un choeur antique réciterait un prologue. Là bas, levant le coude et dansant sur un pied, quelques pochards de Vaise, de Couzon ou d'ailleurs ressentiraient sur toute colline, (surtout celle qui travaille) l'étrangeté d'une Saudade un peu à nous, qu'on appelle désormais, ici "Le mal du soir" . Ils agiteraient gaiement ce petit ballon rouge légèrement transparent qui fait les nobles distractions. Un jour de plus, un verre encore, et voici conjugués le mauvais sort et cette espèce de liberté qui file entre les doigts comme autant de ruisseaux incapables de rejoindre ni les deux fleuves ni même la mer mais raptés par d'autres cours d'eaux, ils seront simplement digérés sans le savoir.

Plus loin, le mouvement des forêts et des plaines, élaboré par des génies (ceux de Morand, jungle à trois balles) finiront au fond d'une bouteille tandis que leur dame, inlassable, guettera le retour d'un amant (éternel), en faisant tapisserie, juste au dessus de nous et peut être pour nous.

Il nous faut encore endurer les heures de pointe et les passages cloutés. La quincaillerie, l'absurdité du feu qui passe du vert, orange, puis au rouge, et ainsi de suite toute la journée etc... Tandis que le tramway, bestiole paranormale, enchenillée de diodes, promet les métamorphoses des soirées, revenants des voyages houblonneux, gueule en cerise, trimballantes bergères affalées un peu saoules dans une machine de science-fiction.

En bas des escaliers, juste après l'esplanade, les corps s'animent de liaisons infinies. Toute chose s'en contamine. Tout objet s'en trouve déplacé. Enfin, des âmes traboulées s'unissent. La durée vient à terme, ruine tout sans rien différencier, qu'importe celui-ci ou celle-là. Un corps fait parler l'autre, étend les formes à d'autres villes. Aux deux fleuves on vendrait son âme pour deux secondes d'incarnation extra-liquide. Ce serait bien de se dissoudre, peut être pour n'avoir plus à payer la minuterie des allées collectives, ni avoir à subir la tête commèrante de mademoiselle Manchon, ouvrant le matin, de l'intérieur de sa cuisine, les volets de son rez de chaussée, fidèlement aigrelette dans sa robe de chambre en pilou et ne plus l'entendre nous héler avec cet air impunément complice qui nous met la honte en dedans : "Vous avez vu ! ah les voyous ! ils ont encore taguée des sottises sous ma fenêtre !" .

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Cette affaire là ne peut pas aisément se solder, elle est routinière autant que furibonde. Livrée à la pureté des flots, du flux, et des rapidités, moins vives que nos ombres laissées en je ne sais quelle prairie du Parc où des biches sucent des croûtons. Il manque peut être l'exaltation, la beauté sensuelle d'une capitale. Ici tout se meurt en vitrine, l'étuve est en chaque saison. Ici tout crève et se relève arrosé de luxe ou de Saint Jo, parfait en bouche, avec son joli nez de pêche, de géranium et d'abricot. Tout dépend de ce que l'on cherche ou de ce que l'on évite.

A la station Hôtel de Ville correspondance Croix-Rousse et Cuire, j'avale une raie manta vite fait. Les ciels changeants de Mars n'ont que faire de cet aquarium. Trois minutes c'est parfois plus long que tous ces voyages en avion, trois minutes, une éternité, à creuser d'un oeil torve, le vieux tunnel couleur charbon pour cueillir fraîchement le signal du bruit grave des mécaniques, toute la pseudo téléphérie : deux wagons à fauteuils velours, plus jolis qu'un salon de poupée. Ce petit véhicule d'élévation, qui cahote jusqu'aux cimes, on l'appelle "la ficelle".  Il faudrait que s'ajoute à ce court instant de ténèbres, une légère illumination. La joie y serait si profonde que peut être le fil lâcherait... ?

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Photo 1 : Le ciel vue du boulevard de la Croix Rousse, côté mairie du 4em. Un sommet de premiers bourgeons, (qui travaillent à l'avènement d'ombres à venir, estivales, bien évidemment !) un appel au retour d'Alceste, où se cache-il, le bougre ?

Photo 2 : Comme un interlude en forme de mur (ou de murmure). "Ils ont encore tagué le mur de Melle Manchon ! ah les voyous ! et que fait la police ? On se le demande...  Est ce que tout cela ne mérite pas la guillotine ? les graffeurs pendus par les pieds place Bellecour ! pour montrer l'exemple à nos jeunes !". Vu à Lyon sur la façade de la maison de Melle Manchon, à côté de sa fenêtre de cuisine, en plein coeur de la Tabareau. (Une photo bien sympathique, oh un tout petit graff  très enfantin, discret, tout petit, ne tirons pas sur les moineaux)

Photo 3 : Retour au point précieux où l'indolence est souveraine. Nouvelles berges du Rhône à deux flots du printemps, au niveau parallèle dans le glougloutement ou berceuse d'une fausse rivière, (notre Mississipi à nous) plus jaune que les amours du vieux Tristan (Corbière évidemment). Photographié à Lyon Mars 2010 © Frb

jeudi, 11 mars 2010

Albatros et pigeons

J'avais de la grandeur, ô cher Missisipi
Par mépris des poètes, gastéropode amer;
Je partais mais quel amour dans les gares et quel sport sur la mer
Record ! j'avais six ans (aurore des ventres et fraîcheur du pipi !)
Et ce matin à dix heures dix le rapide
qui flottait sur les rails croisait des trains limpides
Et me jetait dans l'air, toboggan en plongeon
C'était le cent à l'heure et malgré la rumeur
Le charme des journaux enivrait les fumeurs [...]

ARTHUR CRAVAN  extr "Langueur d'éléphant" in "J'étais cigare". Editions Losfeld- Le terrain vague. 1971.

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Tous sont revenus ravis de la classe de neige. Ils ont posé leurs moufles, leurs bonnets à pompons, pour amener le printemps au point le plus fondant, albatros et pigeons, du Placebo dans la prothèse, passeront le pont jusqu'aux arbres encore faibles de la forêt Morand, où près du square, en îlots verts occupés par l'interflora faussement passeïste, des amants en chemises bleu blanc beige, achètent les premiers bouquets de jonquilles pour qui là haut les guettent sur la plus haute branche du parc de la Tordette. Mésanges, bergeronnettes. Attendri par les premiers chants qui firent glisser les neiges, partout un solitaire se meurt dans les pollens. Partout des vieilles pies devisent du printemps, partout de la jeunesse couchée déjà dans l'herbe, (ô pelouses interdites !)  se roule des gamelles et des pétards à la peau de banane sèche aux sorties des cours de physique. Melle Pugeolles s'en retourne à l'heure qui est l'heure dans sa petite 2CV violette, corriger son tas de copies, l'analyse d'un poème de VERLAINE. "Les Saturniens", aubaine ! "je vous distribue les enfants, ce polycope bleu, vert, rose ! que veut dire saturnien dans le poème ?" "les ingénues", soleils couchants. Rossignols. Des souvenirs, une promenade obsessionnelle... "Que me veux tu, mémoire ?" VERLAINE plié, poltron, "son chant d'amour est un chant de printemps", les cheveux, les pensées, tout est soumis au vent. Albatros et pigeons font l'école buissonnière. Dans ma tour, ce donjon en mode cadet rousselle, je m'entiche de BUFFON ou COMTE GEORGES LOUIS LECLERC DE.. toute l'histoire naturelle se grave dans la chair blanche et JEAN DORST moud du grain près des cloches.

« La vieille et toujours jeune histoire naturelle n'est pas morte, bien au contraire elle a encore de beaux jours devant elle. Il nous reste encore beaucoup à apprendre avec une paire de jumelles et une loupe, surtout avec nos yeux ! [...]

Voilà nos yeux qui pêlent sous le coucher de soleil vaguement florentin quand les péniches tanguent molles sur le fleuve menteur lèchant les quais du côté du sixième, du sixième sens peut être. Ainsi albatros et pigeons, pourquoi pas hiboux ou corbeaux ? s'éprendront d'un bateau, de 1869, treizième poème des "Fêtes galantes". L'eau reste sombre la pythie de Lugdumum donne des soirées crépusculaires, l'indécision des passagers cède à la flemme. "Arrête de rêver et travaille!" crie mademoiselle Pugeolles, tout en haut de l'estrade où poussent des champs de tulipes rouges et des vivaces hybrides, des pivoines arbusives des pivoines herbacées aux étamines fines "tiges grêles supportant l'anthère, forme aplatie comme un limbe de feuilles" ô Nymphaea ! Voilà que le bateau s'enivre...

"Les fleuves m'ont laissé descendre où je voulais".

ARTHUR CRAVAN prend la relève. Le taureau par les cornes. Le printemps sera intranquille. J'ai des Fortuna bleues en poche ainsi je m'échappe parée. ARTHUR CRAVAN va sous les jupes des filles, renifle, printanier, de son nez aristocratique, puis éclaire ma lanterne mieux que dix soleil d'Août "Chaque fleur me transforme en papillon". Je cours sur la haute route, ce jour est jour de joie, le colosse revient des Caraïbes. Cela fait des mois je l'attends. Albatros et Corbeau vadrouillés de Boeing, traversent le pont Morand. Aux pas pesants, leurs grosses bottines épousent un goudron solidaire sur lequel tous mentalement ne cessent de s'envoyer en l'air.

Entraîneur aimantant albatros et pigeons,
à cette allure folle, l'express m'avait bercé
Mes idées blondissaient, les blés étaient superbes,
Les herbivores broutaient dans le vert voyou des près
J'étais fou d'être boxeur en souriant à l'herbe.

Un grand type inquiétant, bûcheron dans les forêts trace à grands pas la buissonière : " Dans la nature, je me sens feuillu, mes cheveux sont verts". Je suis ... Je suis. L'autre Arthur, qui trace la ville, malade de ne pas être plus loin à chevaucher peut être, des girafes et des éléphants, ou tout simplement, la donzelle, Madame DELAUNAY en personne épouse de...

"Je ne prétends pas que je ne forniquerai une fois madame DELAUNAY, puisqu'avec la grande majorité des hommes je suis né collectionneur [...]"

"Ah nom de Dieu ! quel temps et quel printemps !"

Photo : Pigeons ou albatros longeant le bordel-Opéra et ses loupiottes venimeuses (hors champ) ; juste avant de passer le grand fleuve sur un(e) mode jeune à l'éveil du printemps. Photographiés en Mars 2010 à Lyon. © Frb

vendredi, 05 février 2010

L'insolite

IINSOLITE 169.JPGL'autre jour, en sortant de la conférence de notre ami Solko, après avoir pris tant sur moi, pour aller déposer quelques lagounes beni rémitées aux pieds du grand maître (Dangr imâtre, drapon) de la saucerie du CAFI (non traduite, en charmillon, à mon plus grand regret. Entatoin ! gridessoin : Li tuaf ride uqe le dangr imâtre Solok ste isaus dangr dripésent, imâtre de froncérence intorsiné dnsa esl glères ed l'atr ed otren bonel cacédiem du charmillon donfée evca trone ima Tanygu desuip le na 9002). nif de la rentaphèse Bref. Après avoir serré quelques mains, chaudes, gelées ou moites, à la sortie du petit cinéma St Denis, dans ce froid de canard de notre rude hiver français, je repris en sens contraire le chemin de la maison, avec ma chapka sur la tête (c'est la mode, on est obligés), Dieu que j'avais l'air bête ! comme lorsqu'on rentre penaud après quelque spectacle lumineux, penaud juste à l'idée de rentrer chez soi, que l'on soit seul ou que l'on traîne une famille à sa botte, le fait est qu'il est sans doute un petit peu le même chez tout le monde, ce sentiment penaud de rentrer chez soi après un spectacle lumineux. Quand l'envie puissamment insufflée d'aller traîner toute la nuit, dehors (dans quelques maisons chaleureuses ou dans des lieux à air de fête où l'alcool coule à flots), nous est soudainement ravie par cette sentence odieuse, ce reliquat de contingence humaine dont tout l'inacceptable tient en une seule expression aussi tragique que misèrable qui dit encore trop peu de notre fardeau accepté, notre baluchon charnel, hélas ! inévitable, quelque soit le degré de romantisme de chacune et chacun, la sentence se dit bien à peine, même pas qu'on la pense tellement elle est laide, je vous la cite en toutes lettres, la même pour chaque fin de journée, tous les soirs répétée et cela durant toute une vie. Quel joug, quelle cruauté. Que celui qui ne l'a pas prononcé une seule fois dans sa vie me jette la première pierre, je vous la livre dans toute son inanité :

"Il est l'heure d'aller se coucher".

Les personnes bien elevées diront "on va se coucher", le bel égotisé lancera un "j'ai sommeil" et l'homme sans manière annoncera "j'vais m'pieuter". Ainsi finissent les belles soirées, dans de beaux draps pour ceux qui n'ont pas encore acheté leur couette, et que les couples n'épargnent pas, en lançant à la cantonade cette phrase lourde en images, amorçant le délit officiel du devoir conjugal "on va se mettre sous la couette". Couples ! ayez pitié des jeunes ou vieux célibataires qui se laisseront glisser tout habillés sur un lit défait de la veille, couvert de miettes de gaufrettes, de pépitos, et de revues pornographiques (Art press, Télérama, Bel âge) tirant sur leurs pieds un patchwork en laine tricoté au point mousse par une vieille tatan et n'enlaceront rien qu'un bout de couette à rayures genre imitation "zèbre" décoloré par une vie de lavomatic, le célibataire c'est fréquent dira "j'vais m'écrouler" ou "je m'effondre". Bien sûr, tout ne finit pas toujours si mal, il peut y avoir quelques miracles, un soir, un être humain, un magnifique, (un plus magnifique que les autres), lancera à l'assemblée  juste après un spectacle, qu'on pourrait tous aller chez lui, qu'il y aurait du vin pour tout le monde, des petits fours, du champagne. On serait tous sur un canapé, à picorer des pistaches grillées et très dures à déshabiller, on écouterait de la musique bien sympa du genre un bon vieux J.J. Cale et même, avec petit peu de chance, il resterait de la tarte tatin. Mais cela est trop rare, non, il est fréquent qu'après une belle causerie, un beau spectacle, un bon ciné, chacun n'ait plus qu'à se dire après toutes les dindonneries d'usage : "Allez, on va se coucher !". Il n'y aura plus qu'à rajouter" "parce que demain,  je travaille". Et le couvercle se refermera de lui même.

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Admettons que ce soit la fin du prélude, à l'insolite, bien sûr, puisque tel est le sujet. Celui qui recherche l'insolite a bien peu de chance de le trouver ou bien ce sera encore un insolite admis dans nos cases ordinaires, ou nos cadres, tout comme celui (ou celle) pas malin ni maline, qui n'a pas le permis de reluire, ni le gratte vaisselle, ni même une machine à coudre le beurre digne de ce nom, ceux là, deviennent vite dans l'organe vocal du normal (voire du normatif), un ou une "atypique". Rajoutez des cheveux bleus à ces bougres démunis, un cornet à piston, un tamanoir à houpette comme animal de compagnie et cela vous fera peut-être, sorti de la centrifugeuse, des lots et lieux communs, une sorte ou une espèce "d'insolite atypique".

L'introduction sera beaucoup plus longue que ce billet. Mais comme aucun professeur de français n'oserait lire ce petit blog, je ne vais certes pas me gêner. (Je profite de cet espace de publication pour saluer ma vieille institutrice, cette grosse vécha de melle Pugeolles), qui m'a appris à bien cercler mes sujets verbes, et autres complèments d'objets à coups de règle en fer. Qu'on la brûle ! sous des tonnes de divisions à virgules ! et de tout petits calculs éternels de la circonférence du même cercle) mais je m'égare...

Donc disais-je, au sortir de la belle causerie de notre ami Solko, je me retrouvais seule dans la petite allée qui sépare le ciné Saint Denis, de la grande rue de la Croix-Rousse, et comme aller me coucher cela ne me disait rien, éperdue que j'étais d'un amour infrangible, vivant à l'autre bout du monde, cherchant à l'oublier, je m'arrachais les yeux à saisir des détails qu'il me fallait pour moi, absolument, de suite, en tirant à bout portant avec mon petit Canon, armée jusqu'aux dents et dégainant plus vite que tous ces héros nonchalants qu'on voit dans les films de S. Léone. Il me fallait l'instant. Et ne pas le laisser partir. Cela tout comme on tire la journée sur la nuit, tant dormir est proche de mourir (bien que le ticket retour nous semble acquis, n'est ce pas ?). Tandis que follement je tirais sur les murs, les boîtes aux lettres, les clous rouillés, et les pierres acheminées tout autour du local poubelle, j'entendis dans la nuit une petite voix qui me parlait. C'était une drôle de voix entre celle d'une petite fille et d'une vieille retombée en enfance. Je fus tirée brutalement de ma rêverie au moment très précis où je photographiais les courbes d'une insignifiante rampe d'escalier, de nulle part, de partout, cette voix brutalement, me posait la question, une intrusion étrange. Au coeur d'un grand silence, la voix me sembla menaçante, elle sonnait en fanfare :"Vous aimez l'insolite ?". Je me retournais, et je vis devant moi, une grosse femme dont la voix si fluette, n'allait pas avec son physique, cette voix était faite pour une muse filliforme ou une fée clochette, et j'avais devant moi, une bonne grosse dame aux joues bien fraîches, à l'oeil curieux mais pas très vif qui me souriait jovialement tandis qu'hallucinée je bredouillais : "comment ?". Elle osa répéter "Vous aimez l'insolite ?". Quelque chose clochait. J'observais maintenant cette femme là, en face de moi, avec son bonnet rond à poil de je ne sais quoi, tout mauve, irisé sur les coins de paillettes argentées, d'où dépassait une sorte de pompon énorme pendu au bout d'un long et gros filet en tricotin fait maison accroché au bonnet par une sorte de magie que je n'arrive toujours pas à m'expliquer. Les yeux ronds bleus trop bleus de cette créature me fixaient goulûment, roulaient sur un mélange abstrait de grande tendresse et d'immense bêtise qui donnait une autre qualité que je ne saurais dire. La bonne dame répéta :"vous aimez l'insolite ?". Elle eût l'air de se ratatiner dans son manteau dont le col déployé, comme des ailes d'oiseau frêle, remontant loin par delà les épaules se repliait façon doudoune jusqu'en haut des oreilles dont les lobes étaient ornés de deux boucles à tête de biche à faire pâlir tous les porte-manteaux et les trophées de chasses de la terre. Les têtes de biches aux oreilles de cette  femme pourtant si ordinaire dont la voix, le visage, n'allaient pas plus avec le bonnet qu'avec le col de son manteau, les deux têtes de biches me regardaient, et il y avait dans ses yeux là, légèrement fendus en amande, une douceur indescriptible. De chaque côté de ce bonnet, me parvenait un choeur, comme celui qui s'écoute dans les chapelles romanes du Nabirosina. Tandis que la femme attendait, tantôt très concentrée sur ma réponse qui ne venait pas, tantôt regard fuyant contre une vieille montée d'escalier vide d'un désolant dépit, les têtes de biches me souriaient et je les comprenais distinctement. Le fil en tricotin de cette pauvre dame faisait des mouvements de balancier réguliers. Le va et vient du pompon semblait issu d'un mécanisme bien réglé sorti de je ne sais quel cerveau malade, qui d'un coup animait les ombres et celles-ci follement semblaient prendre plaisir à se déplacer. Les yeux des biches se posaient sur mes lèvres, attendaient que je me décide, leurs jolies têtes crème me harcelaient, guettant le bon moment où je me déciderais à parler. Un choeur de biches pendues au bout de chaque oreille, doucement balancé par la brise de Janvier, l'une, se décida, il fallait en finir et prenant son élan (car elle était timide) elle osa la question plus lentement, pour que je la comprenne et articula tout de go  :

"Vous aimez l'insolite ?".

insolite.JPGPhotos : (1 et 2 ) De ces choses qui vivent dans les murs, et qui grandissent sans notre accord...Murs/ murs. Lyon. 2010. © Frb.

Photo : (3)  L'insolite et l'insignifiance, une montée une descente vues un jour de pleine lune dans la cour intérieure du Cinéma St Denis à la Croix-Rousse à Lyon. (Le ourj  prisec ed al froncérence ud dangr te renevé Solok). Janvier 2009.©

dimanche, 31 janvier 2010

Là où nous ne sommes pas

A vendre les Corps, les voix, l'immense opulence inquestionnable, ce qu'on ne vendra jamais. Les vendeurs ne sont pas à bout de solde ! les voyageurs n'ont pas à rendre leur commission de si tôt !"

ARTHUR RIMBAUD : extr "Solde" in "Illuminations". Librairie Générale française 1984.

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Pour lui plus activement, j’utilisais mon influence en l’aidant à porter le plus lourd bonheur au sublime. Une fine vapeur, et je crus voir s’ouvrir le ciel, des années de jeunesse, un premier mot dont je réalisais qu’il était de la plus grande importance. En louanges serrées, dans cet aimable lieu où les roses griffaient les murs, me revenait toujours le son volumineux d’un adage pendu aux fresques de Janvier. De toiles lues dans l'ombre en descriptions de runes, je vis venir la nuit dévorer le matin. Une vision où l'espace balayé par les brumes traînait des fusées lentes et des flacons de vin.

Pillage et contrebande, paradis sans cépage, coupé tout net à la racine. Pour lui plus activement je remuais les trains en m’étonnant qu’ils glissent ensemble sur tant de lignes à la même heure et en même temps. Des cahiers de jeunesse d’un goût très raffiné s'effeuillaient dans la moleskine. “puisque vous êtes si bête, enfin... me disait il... il serait doux de nous trouver bêtes en même temps, un jour, ou deux, entre ces lignes".

En attendant, j'apprivoisais sous les voûtes romanes des animaux bizarres à ventres de fourrure. Tout cela paraissait de l’ordre du devoir et du travail bien fait.

Pour elle plus activement, avec des gants blancs de jardin, il remuait le ciel, la terre en s'amusant, et je renversais tout sur un nid de serins où se liaient patiemment les digitales brunes.
Ensuite je rentrais au logis. Il y avait les horaires des trains et ceux de la toilette du troupeau d’élandins qui dans mon esprit se mêlaient, c’est ainsi que souvent, je mettais la ligne après le point, et le chapeau du i sur les ê. Les trémas restaient dans ma main. Pour ne pas me faire prendre j'accentuais les graves.

”Puisque des jours ne t’ont laissé qu’un peu de cendre dans la bouche” (1) ...

Pour lui plus activement, je mélangeais mes cigarettes aux fumées des usines, mes poumons me semblaient plus grands. Les bons amis assis sur des petites chaises conversaient de nous au salon.

Pour lui plus activement, je déposais dans la rivière des gros cailloux, des petits bonbons effervescents, tout enrobés de réglisse et de zan qui pétillaient dans l'océan. Les trains transportaient des ébats et des sacs à dos en peau de chèvre. Dans cet aimable lieu, des baisers de géants explosaient les séries de chaises. “La vie est donc éparse à ce point !", nous disions-nous gaiement. Les amis tombés de leurs chaises trouvaient qu’on ne tournait plus très rond, et dans le wagon Treize du rapide “Rhône-La mer”, des hommes chargeaient les épuisettes des pêcheurs de petits bonbons.

Ainsi tout de travers, j’entrais sous une chappe pour lui dans ce silence
qui régnait au salon. Elle repeignait les chaises, et je vis notre rêve renaître doucement :

Tous les gens du salon, se transformaient en chèvres.

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Nota (1) : Cet extrait cité plus haut, a été emprunté au poète Paul-Jean TOULET

Photos : Un des murs des menus plaisirs ou des pires lamentations, (tout dépend des jours), vu au coeur de la Baraban (pour les gens), "pissenlit" en patois, (pour les bêtes). Quand en hiver, les murs racontent l'histoire de l'art ou celle de la peinture... Photographié l'année dernière, rue Baraban du côté de Paul Bert à Lyon © Frb.

dimanche, 03 janvier 2010

Se faire couler un bain

29 secondes de toilette dans la salle de bain de l'élan.


vendredi, 01 janvier 2010

Un nouvel élan à partir d'aujourd'hui

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Lectrices, lecteurs, mes chers compatriotes,

Les objectifs ont été remplis. Le bilan est positif. Il s'agit maintenant de monter plus haut...

Nous en sommes tous capables. Et nous relèverons ce défi !

Durant l'année 2009, des millions d'hommes et de femmes (ils se reconnaîtront) ont mobilisé des forces phénoménales pour que vive certains jours. Lecteurs, commentateurs, ont oeuvré, sans relâche, pour que certains jours soit meilleur (soillent meilleurs ? sont meilleurs ?) et je les en remercie.

En 2009, par la grâce de ces voix (voies ?), venues de France et de Navarre, (Lyon, Paris, Mâcon, Ardennes, Belgique, New york, Suzy les Charolles, Bordeaux, Marseille, Canada, Arcueil, Couzon, Metz, etc... ), nous avons vaincu la morosité. Cette morosité dont on nous rabat rebat les oreilles, nous l'avons terrassée ici, (et là bas), sur l'autel de la joie et la bonne humeur, sur l'autel du savoir et de la poésie.

Qui parle de morosité ? Qui osera effleurer ici, le thème de la "morosité" sans rire toutes dents dehors ? Vous connaissez mieux que quiconque la raison de cette bonne humeur. Elle est inouïe et toute bête en même temps : nous nous sommes, élevés, simplement, à notre guise, ne formant qu'un seul corps (et quel corps !) afin de nous placer, tous, un par un, deux par deux, en file indienne, ou assis en tailleur, très au dessus de la morosité durant toute l'année 2009.

Quand je feuillette les pages du grand album de l'année écoulée, je n'en crois pas mes yeux.

En 2008, nous étions 5 ou 6 (c'était déjà pas mal), en 2009 les effectifs se sont multipliés, je ne dirai pas à la vitesse de la lumière mais presque. Nous étions des centaines, nous voici des milliers. Et c'est là notre force : nous n'avons pas baissé les bras à la première difficulté. Notre atout, et il est admirable, (sans vouloir nous flatter), c'est que la difficulté (qu'elle s'ouate soille première ou dernière) n'existe pas dans notre esprit, ni la facilité d'ailleurs. Ce qui existe, c'est AUTRECHOSE ! une chose plus GRANDE que cela. Cette chose qui n'a pas encore de nom à ce jour, qui court déjà sur ses petites pattes, nous allons la regarder venir. ENSEMBLE. Et nous allons la sublimer. Ensuite nous nous réunirons dans l'herbe pour en goûter la quintessence et nous ferons cela chaque jour de cette nouvelle année si ça nous plaît. Et si ça ne nous plaît pas, nous ne le ferons pas.

La grande idée, pour l'an qui vient, ne sera point que chaque pas soit un but, (trop facile !) mais que chaque pas soit un (ou plusieurs) chemin(s). Et pourquoi pas un pont (en voilà une idée, pardon, Solko, je vous la pique !). Serait-il concevable à notre esprit, qu'on puisse se contenter d'un but ? De qui se moque-t-on ?

Sommes nous des personnes nées pour nous contenter ? Ah que nenni ! d'ailleurs à partir d'aujourd'hui, nous cesserons de demander, nous exigerons !

Notre priorité exulte : parfaire l'excellence. Mais pas n'importe quelle excellence ! une excellence de qualité. Je ne dis pas que ça se fera à coups de baguette magique. Je ne le dis pas, je vous le promets !

Voilà, mes chers compatriotes, ce que je nous souhaite pour 2010 et ce n'est qu'un prélude à la matinée de l'élan.

La montagne est très haute. Notre coeur est vaillant. La neige est blanche. La terre est ronde.

Des sommets nous attendent...

Ce billet est dédié à tous les lecteurs et commentateurs de Certains Jours (standing ovation) et comme ce jour est beau, je vous offre un RIMBAUD :

"Devant une neige Un Etre de Beauté de haute taille. Des sifflements de mort et des cercles de musique sourde font monter, s'élargir et trembler comme un spectre ce corps adoré, des blessures écarlates et noires éclatent dans les chairs superbes. Les couleurs propres de la vie se foncent, dansent, et se dégagent autour de la Vision, sur le chantier. Et les frissons s'élèvent et grondent et la saveur forcenée de ces effets se chargeant avec les sifflements mortels et les rauques musiques que le monde, loin derrière nous, lance sur notre mère de beauté, elle recule, elle se dresse. Oh ! nos os sont revêtus d'un nouveau corps amoureux."

Sur les trois derniers mots du poète sublime, je vous souhaite à toutes et à tous, une somptueuse année 2010 !

Nota : Afin de ne pas nous fâcher avec la CGE (Confrérie des Grands Elans) et l'ABDT (association des Beaux Daims de la Terre), et, pour ne pas éveiller les soupçons du très puissant CLA (comité des lecteurs abusés), Certains jours tient à préciser que notre élan n'ayant pas de pédigree, il pourrait s'agir d'un "Elandin", une espèce rare, originaire des Monts du Lyonnais, à ne pas confondre avec le "Wapiti" qui est légèrement plus foncé. (Les vétérinaires du Parc de La Tête D'or viennent de nous le confirmer). Je remercie tous les lecteurs (sauf un), de ne pas l'avoir remarqué.

Photo : Un nouvel élan. Vu au Parc de la Tête d'Or. Lyon. Décembre 2009. © Frb.

lundi, 28 décembre 2009

Notes givrées 1

"La source de goutelette pour le givre est un nuage ou le brouillard [...] Il est fréquent en hiver sur le sol, la végétation, les objets et les aéronefs. Le givre peut également se déposer sur des flocons de neige dans les nuages et les enrober d'un dépôt glacé qui augmentera leur densité."

Wikipédia : voir "givre". (Si vous ne voulez pas vous en tenir à la poésie du Ouiki vous pouvez caresser l'image en appuyant bien fort, sur la petite feuille de lierre).

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Le givre peut se déposer sur les créatures. Un seul hiver à peine les fardent pour longtemps. Cela n'a rien à voir avec les cheveux blancs. Chaque dépôt cache une plainte, quasi imperceptible, chaque blancheur couvre la haine d'une beauté ancienne. Le givre mou des plantes, les écailles rompues, et les cristaux de neige voilant la pépinière sont encore moins chancelants que ces coeurs en jachère, aux yeux exorbités, cherchant l'âme soeur dans les tanières, un sexe entre les dents, des fadaises pour la mère Noël.

Le dégivré empire l'affre du peuplement. Le dégivré est pire. Il se tient proprement. Il a sucé les vents sur des échelles humides, s'est barbouillé d'azur jusqu'à l'écoeurement. Le dégivré s'empiffre de matins agrippés aux grains qui se dépulpent dans l'eau tiède, souvent, le dégivré, y trempe des petits gateaux secs, et des biscottes sans sel lui rentrent dans la tête. La nuit, il dort. D'un sommeil bienheureux. Nul cauchemar ne le hante. Pas le moindre consentement s'immisce à ce qu'il fût, l'amoureux de naguère, l'étoile inaccessible, (Arcane XVII). Il a plié son drap, tué son jeu de flêches puis il s'est retapé... Il est sorti en ville avec son chapeau blanc, son souvenir piteux qui lui râtelait, au grand secret, le sang à petit coups féroces sous un linge admirable.

Son souvenir était piteux, il n'avait pas su l'entretenir. Tout se délitait doucement. Sur la blessure, il pouvait lire quelques mots désolés. Il l'était, platement. Et les sanglots de tant d'hivers s'atténuaient au fil des ans, tandis que le mercure remontait.

Le givré a pensé qu'il y avait bien des cochonneries qui grouillaient sous ce chapeau blanc. Et qu'il faudrait un jour, faire payer les vampires en les refroidissant. Le dégivré reniait son givre. Un givré malhonnête. Un suiveur impatient. Minaudant sur les sports d'hiver, roulant son paradis sur des notes de pêches. Attachant les roses par dix avec des kikis à frisettes. Voilà, ce qu'il reste du givré quand il a trop aimé et que sa fol' jeunesse se change en levure morte. Une suite de jours panoramiques liquidés sous l'enfant. Il fallait aussi balancer les chagrins malséants. Les uns n'allant pas sans les autres : L'alphabet doux, l'amour d'une fille. La cabane de l'Alceste, la grappe bleue des glycines à gratter dans la neige, pour piétiner au cul de l'an, les splendeurs d'un palimpseste.

Le givré berce ses hiéroglyphes. Il retrouve plus loin, le ruban d'une lettre. Et le vent mauvais de Janvier qui le laissa fou et muet, dix ans plus tôt, à l'abandon, dans un massif pas loin des tulipes de Juillet. Il avait essayé les cimes, il était retombé par terre, dans un grand trou, où poussaient les fougères, quand Décembre en fin de carrière gelait toutes arborescences. Puis il s'était laissé mourir, non sans avoir pleuré longtemps sur ce temps replié. Les derniers numéros perdants, deux ou trois journées immobiles qui n'en finissaient plus de redouter cet an mordu déjà de deux mil 10. C'était une nouveauté, que le monde entier, dit-on, s'arracherait. Mais pourquoi s'en moquer ?

"On cherche aussi nous autres le Grand Secret"...

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Photo : La voie de son givre + quelques plantes au choeur floqué. (Le dégivré n'ayant pas désiré figurer sur cette photo, il vous présente platement ses excuses). Vu en forêt. Nabirosina. Fin Décembre 2009. Frb. ©.

dimanche, 20 décembre 2009

Notes givrées 2

J'ai ardemment souhaité partir mais j'ai peur.
Une vie, encore neuve, pourrait fuser
Hors du vieux
mensonge en feu sur le sol
Et, crépitant dans l'air, me laisser à demi aveugle [...]

DYLAN THOMAS (1914-1953) extr: "J'ai ardemment souhaité partir" in "Ce monde est mon partage et celui du démon". Editions Points 2008.

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Un grand poème de Walt Whitman fait pousser des prés sous la neige. Dans les magasins surchauffés on devine les mondes d'Orwell. Sur le sol, les pieds patinent. Et au dessus, un soleil gris, redessine les créatures. Tout l'être s'adonne au désir de la difficulté. Se mouvoir est une aventure. N'importe qui, n'importe quand, peut se prendre une boule dans la gueule. Lignes brisées sur le cristal. Des envers de manteaux en peluches, quatre doigts coupés dans une moufle, des nains à nez rouges, et à bonnets larges tendent leurs bras sur le pays. Il faudrait jouer avec ce feu. Quand il fait si froid les mains brûlent. En deçà du ciel, sous les arbres, le roux de la feuille s'éternise, la Tabareau se fossilise. On foule aux pieds, une nervure. Un trèfle, à quatre feuilles d'or, travaille au sommet le brésar dans la forêt Francis Popy et le Clos Jouve se rétrécit quand les boulistes, naguère fêtards, se retrouvent frappés d'amnésie.

L'être fondu à son mouvement très lentement rétropédale. Revêtir la trace du pas d'un passant ordinaire, s'y glisser pour y faire son nid. Attendre la tempête. Le froid qui vient. L'homme dit "Je l'endure".  C'est un défi. Des signaux de fumée, de buée sont envoyés dans la vallée. Quand le froid aura bien mordu, le monde se disposera d'une toute autre manière. Croit-on.

Les yeux bruns visant les agates, une luge sera offerte à tous les animaux. Les yeux bleus butinant la neige. Des pas de biches courant sur la lune. Il y aura des souvenirs. Des continents glacés sous l'illumination. Ce froid qui en mordant remet tout à zéro ira bien au delà d'une révolution.

"Icebergs, sans garde-fou, sans ceinture, où de vieux cormorans abattus et les âmes des matelots morts récemment viennent s'accouder aux nuits enchanteresses de l'hyperboréal [...]"

Un hiver éternel glissé dans la peinture, et un enduit fondant sur le toit des maisons. Il y aura un combat pour chasser les vigiles, ils secoueront à l'infini la boussole et la boule, pour voir la neige tomber de la cage du téléphérique. Des pantins ridicules, hors des vitrines choyées, porteront les cadeaux dans la benne à ordure puis des engins viendront pour balancer des sacs de sable rose sur la ville.

En attendant, que dire de ces nains à nez rouges, ces nains à bonnets larges qui prennent de l'altitude, par milliers puis s'envolent, tels des étourneaux ? On les regarde partir, on les retrouvera plus haut, au royaume des luges, hilares sur des traineaux, vouant un culte intraduisible à ce bonhomme jovial, qui compose le futur, une carotte entre les deux yeux, et des boutons de culotte piqués à l'ours Pitou.

A la place des monuments, mille bras porteront sur l'eau, la transformation à venir, des igloos mous voguant à la place des péniches, des radeaux transparents pour fixer la couleur dans l'eau. Le sentiment humain ne trouvera plus son mot. Plus un seul mot à dire, pas un qui n'ait subi dans l'exquise météo, ce désordre : l'absence enfin, de notre son. Alors comme là bas, le soleil ne se lèvera plus qu'une seule fois par an, et sur plusieurs semaines on verra s'étirer, toutes les beautés du crépuscule.

Qui dira, en ce monde détintinabulé, où se trouve "la Noël", et quel mois pour le jour de l'an ? La neige masquera le chrono. La terre plate sera stationnaire. La lune jettera son auréole au dessus de nos têtes cuites, et le soleil, ce cimetière, peuplé des anciens luminaires, réchauffera notre dîner. Juste des bulbilles et des baies...

Le monde, à partir d'aujourd'hui, ne bougera plus d'un millimètre.

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Photos : L'enfance est solitaire à Croix-Rousse sous la neige. Quelques bribes d'un pays blanc, et des pavés vus (et parcourus) à quelques jours de Noël. (Noël ? Vraiment ?). A Lyon. Décembre 2009. © Frb.

dimanche, 29 novembre 2009

Petit à petit, l'oisif ...

Johnson - L’oisiveté engendre l’ennui.

Boswell - Si fait, monsieur, parce que les autres sont occupés, de sorte que nous manquons de compagnie. Si au contraire nous étions tous oisifs, nous n’éprouverions nulle lassitude ; nous nous divertirions les uns les autres.

JAMES BOSWELL (1740-1795). Extr. "La vie de Samuel Johnson". Editions "L'âge d'homme", 2002.

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En juillet 1877, Robert Louis STEVENSON publia un essai philosophique tout autant qu'une critique (dans la revue Cornhill Magazine) sur la société et sa relation au travail : "Une apologie des oisifs" disponible en français aux éditions Allia, en langue originale sous le titre : "An apologize for idlers". Dans l'esprit magnifique de R. L. STEVENSON, (et l'on notera au passage que nos politiques actuelles dites "de civilisation" n'ont pas encore atteint ce seuil extra de modernité, de bienveillance ; pour ne pas dire qu'elles s'en éloignent...), oisif ne signifie pas "ne rien faire", mais plus exactement (et dans le flou le plus espéré) : "faire des choses intéressantes" qui bien sûr, "échapperont aux dogmes de la classe dominante" il faut bien que l'auteur le mentionne un peu. STEVENSON s'en donne à coeur joie pour critiquer les "besogneux" et cette sacro-sainte valeur-travail, qui n'enlèvera pas pour autant aux humains leur insignifiance. Bien sûr, à présenter comme ça, par ce sujet louant l'être oisif, et qui caresse assez le sens du poil des paresseux, on pourrait vite verser dans la facilité voire dans la complaisance, mais l'imagination solaire (et pas seulement), de STEVENSON, son style digressif, profondément talentueux nous embarquent comme rien. Jamais docte, ni futile, STEVENSON connaît son sujet, évitant les écueils d'une séduction truquée, il se pose en passeur et plus encore, en éclaireur. Ses petits textes gagnent en saveur, quand on les lit, tête en l'air (c'est ainsi que lisent les oisifs), parfois, au bord d'un fleuve drainant tous les lumbagos de sa ville, juste en dessous du tintamarre et du dernier soupir dominical déjà voué aux astreintes de maître lundi. Ainsi ai-je dévoré le livre, sans y penser ! près de la cabane du pêcheur Honoré, fine comme l'aile de l'Anax imperator, tendre comme les pilotis de la maison d' Alceste, que vous finirez bien un jour par entrevoir dans quelque frayage buissonnier, à cette improbable croisée des mondes quand l'oisiveté devient un lit presque amoureux.

Sans réserve, j'adorerai toute ma vie STEVENSON qui me prit par la main un jour d'été afin que je puisse échapper à d'autres sortes de lectures, par exemple, celles de ces organismes qui déjà sur l'enveloppe raccolent votre culpabilité. Celles de ces structures qui vous demandent de leur rappeler ce que vous faites dans la vie, cocher des cases, fournir des preuves, remplir encore, et puis signer avec la date, exactement là, où c'est dit. Le tout "accompagné" par le nom de quelqu'un qui "suit votre dossier" (votre dossier numero tant est suivi par Madame Claude Vairolle) tandis que nous, avant que le papier ne soit posté, nous sommes déjà pris dans la peur des conséquences. Le dossier doit être renvoyé avant la date prévue, notée en gros (en rouge parfois) sinon, gare ! s'ensuivront de sourdes menaces aussi lourdes en malentendus etc... Rien que du très banal, mais du très banal de survie.

Pour avoir subi deux fois le même entretien dans une pièce sans fenêtre, couleur papier kraft, avec je ne sais quel employé diplômé dans les ressources sociales (c'est pas comme ça qu'on dit ?) asservi à vous "reclasser", (parfois on peut très mal tomber)... Pour avoir, par le commerce avec monsieur le subordonné, éprouvé quelques temps la certitude, qu'il fallait urgemment que je sois reclassée, ou que je meurs à petit feu voire sur le champ ; à moins, que j'accepte obligatoirement un autre entretien avec une subordordonnée supérieure et plus spécialisée dans les cas plus ou moins "sensibles" comme ils disent... N °456, deux heures de chaises en plastique orange un gros tas d'épaves dans mon genre tous diplômés des écoles d'art, des comédiens postulant pour figurer (en figurants) dans un futur "Louis la Brocante", des plasticiens portant à bout de bras, des books monumentaux remplis de photos d'installations en plexiglass qui n'intéresseront pas. Tous, présentables pour la carrière, au rendez vous de la dite chef des subordonnés. Pas de quoi pavoiser. N° 456 ? -" Oui, le 456 c'est moi ! bonjour madame !'. Rampant et lèchant le pied de mon sauveur : "bonjour madame la subordonnée supérieure  etc etc...".  Pour avoir foulé un instant le bureau d'une haute responsable de l'ANPE (lisez encore pour la poilade =  de "l'ANPE des artistes", il y a des jours où on se demande qui a crée ces mondes...), qui regarda une demie-seconde mon piteux Curricoucou.V que j'avais tapé à la machine toute la nuit , recommencé cent fois ... Face à cette dame très importante qui, ne comprenant pas le genre de diplôme que j'avais obtenu, me dit (en secouant sa grosse tête de lionne, emmanchée d'un petit cou de serpent à tordre) : "Vous ne comptez tout de même pas trouver un travail avec ce genre de diplôme là ?". Que dire ? Répondre - Ben si !" serait d'une insolence... Donc écouter. Oui. "Chercher la solution ensemble", comme elle disait. "La solution, (ensemble ) c'est de vous envoyer au bureau de l'anpe normale pour un reclassement, voilà tout !". Que dire encore ? Répondre que j'en revenais tout juste, et que c'était même le subordonné, son inférieur de "la normale", qui m'avait envoyée ici ? C'aurait été d'une imprudence ! Ainsi, ai-je durant des jours (semaines ? mois ?) gaspillé ma jeunesse en cheminant, de l'anpe "normale" à l'anpe des "artistes", (c'était le temps où rien n'était regroupé, aujourd'hui ça a fusionné, l'idée est d'ailleurs formidable !!!) pour trouver (ah, j'ai oublié de le mentionner, pardonnez moi), pour trouver un travail. A la base c'était ça l'idée. Trouver un travail. Voilà.

Pour avoir vendu des espadrilles invendables dans une vague chausseria de la fosse aux ours (on en rit encore, moi pas vraiment), pour avoir classé des barboteuses par ordre alphabétique dans un magasin du genre Grobaby rue de la Barre, pour avoir emballé des éléphants imitation Ganesha en pseudo bois écolo-gaga (méfiez vous des imitations !) et des bougies idiotes aux vertus relaxantes à l'Hippopotashop du grand centre commercial la part-Dieu par la grâce du reclassement et de mes diplômes prestigieux... Pour tout cela, oui, sans réserve j'adorerai toute ma vie STEVENSON, qui, par ses beaux écrits me l'a en quelque sorte sauvée. La vie. Je veux dire la vraie. (Pardonnez la syntaxe), et par la grâce... (La vie, encore ! n'est pas si mal foutue, au final) de mon "supérieur hiérarchique" = oyez ce terme qui sonne diable ! comme une tautologie à en tartuffer les babouines et les babouins qui se disputent leurs Kinder bueno autour d'une machine à café ; mon patron, donc, (restons simples)  du magasin de la fosse aux ours, qui n'était pas un mauvais patron (j'adore le patronat !), juste un monsieur âgé, genre vieux singe fatigué par sa propre grimace, qui avait pris la peine (tout de même!) de lire en entier mon "parcours", me convoqua dans son bureau un jour d'été pour m'annoncer : "Enfin je ne comprends pas, vous n'avez rien à faire ici", j'ai répondu "ben oui je sais bien ! et puis de fil en aiguille, comme j'étais plus ou moins virée, nous bavardâmes un brin, le monsieur, m'avoua qu'il s'ennuyait assez dans son métier qu'il avait plus ou moins choisi et qu'il se préparait un départ avant l'âge, pour se retirer à tout jamais, dans les Cevennes afin de passer ses jours à se promener et lire ses auteurs préférés, drôle de destin pour un roi de l'espadrille.... De là il me parla du "Voyage avec âne dans les Cevennes" puis de fil en aiguille d'un autre petit livre... C'est un comble, mais grâce à cet homme admirable, je découvris les pensées de STEVENSON et par delà cette très fugitive apologie du patronat, celle des oisifs.

Ainsi effeuillant au plus loin, une biographie de chausseria, les affres de petite quotidienneté, j'aimerais, vous présenter monsieur STEVENSON (faites entrer !). Au grand luxe des flemmes, sous un soleil d'automne baillant dans un ciel doux un peu lacté, de l'heure du coq à l'heure du chien, sur des rives aquarellisées, quand chaque fraction de secondes, entrent toutes en béatitude et peignent la girafe aux frais de l'empereur. Monsieur STEVENSON en personne traverse la grande allée, pour nous montrer les beaux sentiers, en déchirant nonchalamment quelques dossiers, et autres pages un peu tâchées...

"Une apologie des oisifs". Extrait :

"[...] Je n'ai pas le temps de m'étendre sur ce formidable lieu d'instruction qui fût l'école préférée de Dickens, comme de Balzac, et d'où sortent chaque année bien des maîtres obscures dans la science des aspects de la vie. L'élève qui fait l'école buissonnière [...] peut tomber sur un bouquet de lilas au bord de la rivière et fumer d'innombrables pipes en écoutant le murmure de l'eau sur les pierres. Il entend un oiseau chanter dans les halliers et là, il se laisse aller à des pensées généreuses et voit les choses sous un jour nouveau. Qu'est ce donc si ce n'est de l'instruction ? [...]"

BRESAR_ 1.JPGNota 1 : Toute ressemblance avec des situations réelles, ou des personnes existantes ou ayant existé serait fortuite et indépendante de ma volonté.

Photo 1 : Le pêcheur Honoré, au bord de son fleuve sacré, pêchant pour rien. Vu côté berges du Rhône, à l'heure du coq.

Photo 2 : Un autre petit coin de berge, et son brésar déplumé photographié par l'oisive même, juste après le départ d'Honoré, à l'heure du coq, s'acheminant cahin- caha, vers l'heure du chien. Lyon. Avant-  Dernière de Novembre 2009. © Frb.

Nota 2 : Pour des raisons bêtement techniques, je suis désolée de ne pouvoir actuellement, visiter, les blogs amis autant que je le souhaiterais. Je vous remercie ô commentateurs ! de venir ajouter un grain extra, au jour le jour, à  C.J. et j'ose espérer, être en mesure de reprendre à loisir, ces balades virtuelles, appréciées aux domaines kamarades.

samedi, 28 novembre 2009

Comme un soir presque tranquille

soir.JPGDans les maisons il y avait des fuites d'eau, des plombiers sur des escabeaux. Des ouvriers dans l'escalier étaient agenouillés devant une porte. Rue de Brest à Lyon, on avait pendu sur des fils, des étoiles entre les maisons. Le milieu de l'après-midi ressemblait à un soir tranquille. Sur le muret bordant le Rhône à quelques mètres de Morand-pont, une jeune fille lisait Modiano. Le paysage, l'étrangeté des ritournelles et des points fixes. Une valse muselée aux paradoxes des "Dimanches d'Aôut". Quelques personnes, encore, traversaient l'esplanade emmitouflées comme des enfants, à l'heure du goûter, plongeant pudiquement une moitié de visage dans des viennoiseries fourrées de frangipane. Il montait de la ville, une odeur de chocolat chaud. Les rues étaient désertes et les ponts désolés. Discrètement déjà, on ramenait les machines, pour une fête des lumières, qu'on avait décidé, cette année sous la sacro-sainte thématique de la nature. Assis par terre près d'un bouchon lyonnais, l'hiver glacerait les bonnes consciences, nos intranquillités, une main tendue, un spectre légèrement affublé, sur la tête un foulard et une corbeille aux pieds ; à ses côtés un garçonnet jouant de l'accordéon avec un doigt, deux notes slaves et la rue Verdi tirait sa roulotte, en ombres rares jusqu'aux luminions du bordel élégant de l'opéra où les danseurs de hip hop, RnB. draguaient les filles en marchant sur la tête. D'autres humains moins virtuoses anticipaient l'heure de l'apéro aux terrasse des cafés de la grande place, des employés, des bureaucrates, et des types en cravates qui n'étaient sans doute rien de tout cela. Des gens venus de la campagne demandaient leurs chemins. On vendait des pagnes bogolans au magasin Toto, les vieux osaient la trottinette, les jeunes la casquette à carreaux. Plus bas, le long des berges une jeune femme marchait un bouquet d'immortelles à la main. Jamais le vol des mouettes n'avait été si haut. Le ciel semblait peint par Jacob Van Ruisdael. Dans quelques secondes, le feu-piétons passerait au vert, nous serions une dizaine à traverser le pont...

Pour rejoindre le pont Morand, Il faut traverser deux fois la même route. Cela se fait sans y penser. Les piétons se mêlent aux rollers, et aux lourds vélos d'amour (on dit Vélo'V), qui trimballent dans leur guidon toute l'écologie pratique et techniciste du nouveau monde. Le Rhône est d'une belle couleur brune. Ses reflets cruels semblent doux. Une mer huileuse si l'on se penche, beaucoup plus fluide au loin. Par les flots on devine toutes les peines de coeur et ces corps remués sous ce fleuve éprouvant. Ces drames innombrables jamais ne se prononcent. Il y a des épines dans la gorge du Lyon.

Balade à suivre (peut être)...

Photo : Le fleuve Rhône en automne vu du Pont Morand à la fin de l'après-midi. Novembre 2009.© Frb.

mercredi, 14 octobre 2009

La vogue indifférente

dimanche, 11 octobre 2009

Souviens toi, barbe à papa...

Il pleuvait sur Lyon ce jour là.

souviens toi, barbapapa.JPG

Encore un tour à la vogue sous un ciel moins clément mais dans les senteurs folles des sucres parfumés, près du nuage rose, improbable cocon, sur une autre ancienne route de la soie, celle ci comestible, un pastel odorant remué par une dame aux belles mains ouvragées ; ( on apprécie autant la "petite cuisine" que "barbe à papa mobile"). Ces brassées franches osent l'excès des petites folies de l'enfance, travaillent la réminiscence au corps même des passants plus âgés, et de ces petits vieux, superbes, insolents de santé qui vont à l'onctuosité, comme jadis à la kermesse. Un souvenir de demoiselles en robes Vichy, paletots à cols froufroutés, celles à qui l'on offrait des chouchous et cette friandise fameuse sur la place promise, une générosité qui souvent se troquait en  baisers...

Pour ma part, je trouve la barbe à papa, plus jolie à regarder qu'à manger, un peu comme la meringue, écoeurante et fade au palais (mais tous les goûts étant dans la nature), je laisse le lecteur ("barbe à papaphage"), envier l'aubaine des cruci-roux qui chaque jour, partant et revenant de leur travail peuvent se coller la bouche (et les doigts, et la tête...) dans l'opulence trompeuse de ce fil à fil adoré. Pour le plaisir des mots, rappelons au lecteur, reluqueur de friandises, quelques autres péchés mignons du même genre : Berlingots, calissons, fraises tagada, carambars, niniches de Quiberon, bêtises de cambrai, nougats, rigolette, pommes d'amour... Bien de quoi se consoler par ces temps quelque peu acides.

Lien gourmand pour les incorrigibles  :http://www.euro-info-tourisme.com/France/barbeapapa.html

Photo : Rien n'est plus beau que "les mains de la dame dans la barbe à papa" encore plus fascinantes que "les mains d'une femme dans la farine" glorifiées par Claude Nougaro. Vu, Boulevard de la Croix-Rousse en plein coeur de la vogue (aux marrons), entre Jutard et Chanteclerc. Lyon Octobre 2009. © Frb.

lundi, 07 septembre 2009

L'enfance du peintre

"Un critique a écrit que mes tableaux n'avaient ni commencement ni fin. Il ne l'entendait pas comme un compliment, or c'en était un. C'était même un beau compliment. Seulement il ne le savait pas."

JACKSON POLLOCK

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"J'ai encore renversé le lait !" s'écria le petit J. POLLOCK en rentrant les mains vides à la maison avec juste l'argent de la monnaie.

" Oh mais c'est pas possible ! s'écria sa maman, je vais finir par croire que tu le fais exprès !"

Si vous voulez vous aussi devenir Jackson POLLOCK, c'est par  ICI

Photo : Rue René Leynaud, à Lyon, les "apprentis POLLOCK" réinventent l'enfance du peintre. Tandis que nous marchons sans souci du lendemain et que la ville suit à la semelle, l'itinéraire de nos petits souliers blancs...  Septembre 2009. © Frb

samedi, 22 août 2009

Cailloux

"Hélas ! mes pauvres enfants, où êtes-vous venus ? Savez-vous bien que c'est ici la maison d'un Ogre qui mange les petits enfants ?

POUCET17.JPGNous étions là, assis par terre sur l'ancienne place de la Grenette à Bois Ste Marie, minés par la chaleur, nous écoutions le Germain Poître nous raconter des histoires d'hydres et de gargouilles, tout un Moyen-Age à faire peur, quand la cloche se mit à sonner. Le son allait lentement, lugubre et revenait presque sans variation. Il semblait que le métal coulait sur les maisons, et que le plomb perché tout en haut du clocher mêlé à la blancheur du ciel, nous ferait perdre la raison. Le Germain Poître murmura à voix basse, "Quelqu'un en moins ! la Marie-Antoinette a parlé". (Marie-Antoinette c'était le nom de la Cloche boscomarienne, celle de La Clayte s'appelait Marie-Charlotte, les deux cloches étaient soeurs dans la vie, je veux dire les deux filles étaient soeurs, filles jumelles du donateur, elles portaient le même prénom que les cloches en hommage, ou le contraire enfin bref...). On chercha parmi tous les vieux lequel aurait pu être "emporté" par les dernières grosses chaleurs (Bois St Marie étant aujourd'hui partiellement transformé en asile, ou plutôt en "long séjour" très honorable, comparé aux mouroirs encore nombreux partout, dont je vous parlerai peut être un jour, Bois Ste Marie, disais je, compte sans doute plus de pensionnaires à son asile que d'habitants, il était donc impossible de savoir pour qui sonnait ce glas).

Deux jours après, l'annonce parût dans le journal "La Renaissance", à la rubrique nécrologique, (c'était la première rubrique qu'on lisait, juste avant le billet du père Mathurin). Un papier signé Guy Bouillon, notre journaliste cantonal, une grande vedette, sorte de Pujadas du Nabirosina. C'était un tout petit article avec une toute petite photo, montrant un tout petit bonhomme entouré de ses sept frères, et de ses parents bûcherons originaire des bois environnants ; une sorte de nain, en somme. Le journaliste avait écrit "un tout petit homme cordial et travailleur, un ouvrier bien sympathique". Le titre, en plus gros caractère affichait "Un orphelin est décédé". Chez nous on dit officiellement "est décédé" pour les gens, "a crevé" pour les bêtes, ce n'est qu'à voix basse qu'on ose le "il est mort", comme dit la Berthe, (la bonne du Germain Poître), "être décédé" ça fait plus propre ! Le Germain Poître, lui, il pense carrément qu'à trop prononcer le mot "mort" ça fait mourir les gens, il dit que c'est comme le vert au théâtre : ça porte malheur ! Le papier signé Guy Bouillon ne tarissait point d'éloges pour vanter les mérites du "défunt". Il évoquait entre parenthèse quelques drames survenus naguère dans cette famille, soulignant "l'enfance malheureuse, toute la pauvreté d'une famille" mais aucun autre détail ne filtra. Notre curiosité en fût lésée.

La seule façon de la satisfaire était de suivre l'enterrement. La cérémonie fût très brève. L'église était vide, hormis le père Prunier qui fit une  homélie incompréhensible à cause de son accent de Palinges, le journaliste-vedette Guy bouillon qui était revenu en "reportage spécial", et nous mêmes, les curieux, plus quelques autres commères. Ce ne fût qu'à la sortie de la messe que nous remarquâmes un très très vieux monsieur qui pleurait toutes les larmes de ses yeux. Il était vêtu à la mode ancienne, une lavallière, des guêtres, une perruque bouclée et poudrée. Il portait sur son dos un gros sac qui faisait un bruit bizarre, de billes entrechoquées... Guy Bouillon vint nous saluer, Le Germain Poître lui demanda si le bonhomme qui pleurait c'était pas le fils du Jean de La Fontaine. Guy Bouillon tapota gentiment l'épaule du Germain Poître : "Non, non , mon vieux, ce n'est pas ça, je crois que vous confondez, avec Jean Pierre Delafontaine (un notaire farfelu de Suzy les Charolles)... Mais ce n'est pas lui non plus !"

Nous partîmes au cimetière. Tous les vieux de l'asile, nous regardaient passer, on pouvait deviner leurs têtes, derrière les volets roulants descendus à mi-fenêtre. Il faut croire que chaque enterrement pour eux était une sorte de fête. C'était "leur" évènement. Aucune animation d'accordéon ou de trompette (menées tambours battants) par Jo Corda (et sa trompette), Ricky Vallin (et son accordéon) ni les concours de "diamino" ne pouvaient surpasser cet élan d'allégresse, que provoquait chez eux, un enterrement, au désespoir du personnel hospitalier qui faisait tout pourtant...

Au cimetière, on ne prononça pas le nom du défunt. On jeta la boite en sapin au fond d'un trou, un employé du cimetière la recouvrît à grands coups de pelle, cela fît une grosse motte de terre, sur laquelle il planta une croix. On récita le "Notre Père". Un signe de croix. Et puis voilà.

DE PROFONDIS4 b.png

L'histoire pourrait s'arrêter là, si je n'avais pas perdu mes clefs dans une de ces allées. Tandis que je grattais la terre entre les tombes, je vis, (et pour mieux voir, me cachai derrière la chapelle du Marquis de Carabas sous Dun), l'homme à la perruque bouclée, s'approcher doucement de la motte de terre. Il prit son sac cliquetant, en déversa le contenu tout autour de la croix. Il pleurait toujours à chaudes larmes. Du sac je vis tomber des milliers de petits cailloux, blancs, gris, roses, tous scintillants dont la tombe fût bientôt recouverte. Puis l'homme se mit à parler seul : "Tu vois, petit, je les ai gardés pour toi... Ces petits cailloux, ils te reviennent, ils sont à toi". Puis il posa soigneusement l'objet : une babiole, ornée d'une belle rose rouge sculptée, et le mot "souvenir" peint à l'encre dorée. "Et ça, Poucet, je te le donne aussi, c'est de la part de Blanche Neige"...

Photos : Une tombe + quelques souvenirs. (Vous savez maintenant pour qui, pourquoi.) vue au cimetière du village médiéval de Bois St Marie. Nabirosina. Aôut 2009. © Frb