mercredi, 31 août 2011
Premier volet de l'exposition
Art-volet ou volet volé ? Encore une oeuvre qui ne sera pas comprise ...
"Art signifiant, signifié du mouvement flêché dans l'oeuvre non-signée, du volet blanc de l'exposition fondue au noir repassant au blanc de l'oeuvre volée, le spectateur enfin confondu par la pertinence du sujet retrouve la place qui ne lui fût jamais accordée. Celle du regardeur survolé. Cela faisait bien longtemps qu'on n'avait pas abordé une oeuvre aussi riche de sens, du nouveau pour les yeux et l'esprit. Un chef d'oeuvre stupéfiant retournant le détournement jusqu'à la plus pure authenticité du quotidien transfiguré par une sublimité à la fois simple et forcément multiple qui cache et révèle la complexité des relations du visiteur à tout ce que l'oeuvre sait lui dissimuler jusqu'à lui enseigner les bases aléatoires d'un réapprentissage des gestes comme "ouvrir" ou "fermer". Le premier volet de l'exposition est sans aucun doute l'évènement le plus intelligent de la rentrée. A ne louper sous aucun prétexte !
CLAUDE-MARIE CREMOIX, in "L'étherama" n° 8966, pages culture, Juillet 2011.
Photo : Le premier volet de l'expo, (ou l'infracritique du sub'art' précise l'expert), à ce qu'en dit l'artiste, d'autres viendront. De volets, (suivez un peu, voyons !)
© Frb 2011.
mardi, 30 août 2011
Du peu qu'on ne sait dire...
Je suis long à prendre des déterminations, à quitter des habitudes. Mais quand les pierres, à la fin, me tombent du coeur, elles restent pour toujours à mes pieds et aucune force humaine ensuite, aucun levier n'en peut plus remuer les ruines. Je suis comme le temple de Salomon, on ne peut plus me rebâtir.
FLAUBERT extr. d'une "Lettre à Louise Colet" datant du 6 juin 1853.
Sa mémoire recensait un peu tout ce qui remuait dans l'ombre, d'autres brassaient sur des écrans les nouvelles du soleil à venir, ça donnerait au milieu de Septembre une illusion de feu dans la lumière. Le vieux, il racontait hier, que "lorsqu'on voit sortir le museau des taupes, c'est toujours signe de mauvais temps". En attendant, l'été finissait, éclairant toute chose et même les yeux si parfaitement éteints de nous autres les promeneurs, qui prenions l'ocre pour du jaune, et l'herbe brûlée pour du foin. Ceux qui ne remarquaient rien craignaient juste que la fraîcheur du soir porte en elle les tourments aux heures les plus sombres, tout le dépressionnisme des jours qui précèdent la rentrée des classes, et s'installe longtemps à l'avance, ils redoutaient les nuits noires, de longues nuits où se bousculaient les fantômes, cela réveillait les chagrins qui se figeaient par les brumes au matin. Partout on savait qu'on allait vers une saison plus triste, chaque année c'était toujours comme à la fin, toujours les mêmes célébrations. On revivait la fin du monde une fois l'an, partout où grossissaient les ombres si démesurées qu'elles semblaient pouvoir annuler en chemin, toutes les illuminations de l'été.
Les vieux buvaient encore sous les platanes, on voyait sur leurs gueules la chaleur qui remonte par les tonneaux de vin. On attendrait qu'il pleuve, ou qu'il vente pour rentrer les bacs à géraniums et les chaises de jardin. Ici, du tonnerre de Juillet on s'en souvenait, par delà les décombres, il avait fait grand bien, balayant les anciennes demeures où le malheur frappait toujours, la foudre était tombée sur le grand chêne rouge, cette fois, il n'en resterait rien. On parlait d'un malheur ici, on espérait encore que la force du vent puisse détruire en même temps le souvenir funeste de ces gens qui portaient le malheur avec eux, trop sûrs d'eux-mêmes pour qui la cruauté semblait une force à offrir en modèle ravivant la faiblesse d'en finir avec nos faiblesses, mais on n'en soufflait mot, ce qu'il restait d'embarrassant, venait comme une maladie qui courait encore dans le ciel et l'on se sentait vaguement étranger, tâchant de se protéger au mieux de ces gravités trop humaines qui creusaient des tombes en dedans. Que n'auraient-ils pas fait, ces ambitieux, pour obtenir l'assentiment du plus grand nombre ? Hélas, ils l'obtenaient. Ils parlaient à tort à travers et les autres écoutaient, attrapés par les belles formules, des mouches attirées par le miel et ces semblants d'amour qui venaient flatter par défaut le manque. Aucun des spectateurs ne saurait dire si la source d'un tel amour n'était pas remplie de poison. On ne pouvait plus répondre aux questions, miel et poison, c'était dans l'air. C'était là notre vie présente, on en ferait un commerce égal à nos fausses compassions. On ne pouvait ni juger, ni s'y plaire, on écoutait en prenant garde de ne pas se trouver happés par la trop vive lumière que des ombres moins prévisibles écraseraient un jour en passant.
Sous la toile aguicheuse patiemment ouvragée, il y avait des doublures, des motifs piqués de frelons, un tissu cachant la vermine, des peaux de bête qui sait ? Et les monstres grimés allaient comme des loups de légende, poser cette caresse aux carrefours où des colporteurs faisaient feu de tout ce qui restait. Jusqu'au bistro d'en face on retrouvait les moues les mêmes, depuis des siècles, des créatures obscènes des chapitaux romans et des masques de plâtre. Les femmes aussi, elles portaient leur silence en dessous, à force de devoir endurer toute la boue que les hommes éconduits avaient dû déverser sur elles. Sous des coiffes impeccables et les fausses dentelles, elles pouvaient ressembler tantôt à des sorcières, tantôt à la Sainte Vierge, dont le visage, sans aspérité révélait une férocité naturelle qui faisait douter de leur sainteté, on ne pouvait plus dire si leur joie apparente était une peine ou leur peine un rire plein de méchanceté, de rancoeur ravalée jusqu'au sacrifice pour leurs mères elles mêmes sacrifiées. Aucune image, ni aucun livre n'avaient osé clairement nous dire si cela était faux ou vrai.
On marchait quelques kilomètres plus haut, la terre couvrait de souvenirs l'histoire de ces conquérants courageux. On retrouvait émerveillés les premiers écrits des trouvères, ceux du jeu de parti sous le palefroi d'un chevalier, dans les formules abolies on prenait soin de s'abolir ainsi, tout alentour allait aux pas de ces anciens poètes-guerriers partis un jour forcer les portes de la terre. On appréciait encore le charme des fenêtres à meneaux, on se promenait dans les chapelles où sous les voûtes en berceaux, on pleurait seul mais tranquille. Après s'être isolé par cette apaisante lumière, on se retrouvait dans la rue d'une ville, on se sentait perdu, vendu, défenestré, redirigé à contre-coeur vers ces nouveaux commerces où plus un seul humain ne pourrait bientôt choisir d'aller seul sans se trouver brusquement isolé, (encore qu'il reste à préciser, la différence à la fois intime et infirme entre la solitude et l'isolement). Ce nouveau monde nous forcerait-il à appartenir, (qu'on le veuille ou non), à quelquechose d'infiniment plus désarmant que la solitude ou que l'isolement ? Oui, et sans grâce, pour l'heure on se sentait presque obligé d'en accepter l'exubérance, et sa loi, cette inanité.
Lentement, on verrait se tramer les éclats de ces petits mondes, un mirage pour chaque chambre, cela nous donnerait-il la somme d'une totalité encore insuffisante ? Des vies où nous ne serions plus ni assez seuls ni assez libres pour réfuter nos dépendances. Cette nouvelle religion était si expressive, si idéalisée, que par mégarde on s'y logeait comme rien, galvaudant nos secrets, jusqu'à ceux qu'on avait juré de ne jamais trahir, pétri par cette masse, embarqué, on acceptait d'y étaler maintenant nos amitiés pareilles aux marchandises, pourvu que nous soit accordée, un court instant, ce peu de reconnaissance qui nous "fait", celle qu'on croit toujours mériter ; comme si tout était histoire de "mérite". Pour quels égards encore, serions-nous prêts à nous laisser "choisir" ? Envisagerions-nous aussi naïvement l'idée que la seule valeur défendable à ce jour fût encore la liberté d'expression ? (de chacun, bien évidemment), une fiction parmi d'autres, tout comme l'intelligence (du coeur ?) que mon ingratitude ne me permettra jamais d'exalter à si bon compte, mais ce regret inconsolé trouvera peut-être plus de sérénité à savoir qu'il est plus facile de montrer ce qu'on n'a pas, que de se regarder au miroir de ses propres contrefaçons.
Bientôt, il y aurait des courses pour chaque histoire, de compétition en compétion, des preuves au transfert de ce mal, le retour de toutes sortes de préventions, maldonne organisée pour le bien du grand nombre : retour de la morale, prise en charge de l'expression de nos forces diminuées et toutes les trahisons de nos plus grands espoirs seraient à mesure consommées. Il y aurait l'oubli de ces merveilleuses constructions, l'écroulement des cabanes pour d'autres garanties, plus solides, tout cela permettrait de nouveaux paysages. On construit déjà les maisons. On met aux loisirs tant de pages, au catalogue quelques balises et des combinaisons pour grimper dans les arbres, le retour à la vie sauvage encadrant les nouvelles colonisations. Il nous paraîtra encore délicat de poser autour de ces miasmes des bâtons d'encens parfumés. Ou bien, on ira dormir dans la crasse, par les ruines volées, imparfaites, un instant détaché de tous, scrutant le vide omni-présent dans la nuit qui vient à rebours et sous la bonne étoile qui nous relie aux trois mille autres, visibles à l'oeil nu, peut-être choisira-t-on de ne pas voir, de n'y puiser que le néant, l'immense empire impénétrable ou le noir à portée, cependant il faut toujours un peu choisir, quoiqu'on en dise ... On cherchera encore ce qu'il y aurait de charme à vivre, pas plus que le présent, pour tout le peu qu'on sait, intraduisible. On cherchera.
Photo : Si l'hiver vient comme un mouton, il s'en ira comme un dragon dit un ancien proverbe hivernal. Mais ce pays n'est pas l'hiver et la bête n'est pas le cerbère du temple de Salomon, c'est juste un doux fauve pétrifié par le temps, saisi là haut sur la montagne, on ne le trouve que si on le cherche, il est caché par les buissons près des cailloux sous lesquels remontent les légendes anciennes comme celle d'un trésor qui se trouvait enseveli sous une pierre tournante, dans ce monde, (le notre) la bête garde encore de nombreux souterrains, je vous ramènerai peut être un (certain) jour quelques extraits de ces légendes encore vives qui viennent de la Montagne de Dun, dominée par une minuscule chapelle. J'ai sous les yeux les notes de trois érudits de ces mondes (Mr Jean Virey, les abbés Paul Muguet et Henri Mouterde), qui ont narré dans un ouvrage admirable, paru en 1900, l'histoire de "Dun. Autrefois, aujourd’hui". Rien à voir avec notre monde... Petite promesse, peut être à suivre...
Photo: © Frb 2010.
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dimanche, 28 août 2011
Sur la tombe de Marcel Duchamp
Pour éviter tout malentendu, nous devons répéter que ce "coefficient d’art" est une expression personnelle "d’art à l’état brut" qui doit être "raffiné" par le spectateur, tout comme la mélasse et le sucre pur. L’indice de ce coefficient n’a aucune influence sur le verdict du spectateur. Le processus créatif prend un tout autre aspect quand le spectateur se trouve en présence du phénomène de la transmutation, avec le changement de la matière inerte en œuvre d’art, une véritable transsubstantiation a lieu et le rôle important du spectateur est de déterminer le poids de l’œuvre sur la bascule esthétique. Somme toute, l’artiste n’est pas seul à accomplir l’acte de création car le spectateur établit le contact de l’œuvre avec le monde extérieur en déchiffrant et en interprétant ses qualifications profondes et par là ajoute sa propre contribution au processus créatif. Cette contribution est encore plus évidente lorsque la postérité prononce son verdict définitif et réhabilite des artistes oubliés.
MARCEL DUCHAMP : in "Duchamp du Signe", éditions Champs Flammarion, 1994.
On pourra se demander en passant où sont les artistes ? On trouvera peut-être la réponse soit en creusant un peu, soit en se couchant voluptueusement sur la dernière résidence (secondaire) de Marcel Duchamp. Marcel Duchamp, (c'est écrit), aimait placer le spectateur dans la peau du flâneur à cette exception près que le désir de celui-ci, de contempler petit à petit les transformations du monde, tout livré à son propre désir lui soit retourné brutalement par l'indifférence que l'objet suscite en lui. Cette chose n'est plus regardée / mais on sait qu'elle existe. Pour la grande question vous pouvez frapper à sa tombe, (ci-dessus), au delà des questions il s'y trouvera peut-être encore une présence ? ...
Photo : Qu'y a t-il après le ready-Made ? Ou comment regarder l'oeuvre en face ? Une boîte verte cette fois sans épitaphe, (ni moustache). A première vue, ceci est bien la tombe de Marcel Duchamp (et des siens) on la trouve désormais dans tous les bons cimetières, on peut même la fleurir avec une rose. Rose parce que Rose... (Je vous en prie... ) ! à moins que le lecteur (pas si dupe) préfère remplacer le foulard de RHozan-Muttkebo par un mouchoir et ni vu ni connu le spectateur entourloupera l'artiste. Certains jours le cimetière boscomarien se transforme en sanctuaire dada, le grand verre de Duchamp vire en petit vert du champ, (merci Marcel Vermot) Il existe une autre tombe (où est la vraie ?) qui se trouve à Rouen, sur laquelle on peut lire (et cliquer) :
"D'ailleurs c'est toujours les autres qui meurent".
Photo © Frb 2011.
vendredi, 26 août 2011
Où va la rentrée ?
mercredi, 24 août 2011
Où vont les feuilles ?
Un rêveur uni à la vie des songes interroge l'insignifiant. On réunirait aisément des documents sur l'anxiété subtile des feuilles mortes. Mais puisque celles-ci ne sont pas encore mortes, Permettez que je vous les cueille avant que d'autres ne les rechantent.
Nota : Comme on ne peut répondre à la question, sans d'abord se demander "où vont les fleurs ?", (Elles vont dans certains jours, bien sûr !) vous pouvez réviser vos classiques ci-dessous :
http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2011/08/06/le...
Photos : Pour les doux de la feuille, bien de quoi s'éventer encore. Des feuilles, des feuilles, encore des feuilles, photographiées dans les fourrés forêts du Marquis, là bas, au plus profond du Nabirosina.
Photos : © Frb 2011
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dimanche, 14 août 2011
Ronde des immortels
Et d'un coup, nous voici jetés dans les nues en plein ciel. Les esprits soufflent et règnent partout. Ceci est la peinture des esprits.
VICTOR SEGALEN, extr. "Peintures magiques" in "Peintures", éditions Gallimard/ L'imaginaire, 1983.
L'homme aux oreilles qui fument ↑
Le pianiste endormi sur le dos du grand tamanoir.
Le souffleur de Nimbostratus.
La Jeune fille et le caniche à groin.
Sur cette dernière image je tiens particulièrement à remercier Fernand Chocapic qui a judicieusement remarqué qu'il ne s'agissait pas exactement d'une jeune fille avec un caniche à groin mais bien d'un lapin Duracell avec cymbale et salopette, il en a rapporté une preuve incontestable que vous pouvez encore contempler en cliquant ICI-MÊME. Toutes autres propositions seront accueillies avec bienveillance et seront ajoutées ici...
Photos : Figures libres... Regarder tous ces personnages attise ma fascination. L'étranger n'est pas loin, il suffit de frôler chaque image pour trouver vos correspondances, c'est peut-être écrit dans le ciel furtivement mais vous n'êtes pas obligés de voir ce que j'ai vu...
© Frb 2011.
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vendredi, 12 août 2011
On rentre à la maison
Tant qu'à faire...
Si la maison vous déplaît, vous cliquez dessus, on vous en donne une autre comme d'habitude
Suite à nos pérégrinations nabirosinaises, une envolée accidentelle de toiture dûe aux récents orages, m'a fait troquer ma coquette châtellenie boscomarienne contre une spacieuse demeure parodienne un rien plus plus confortable.
Photo : Ceci est La maison Jayet en toute sobriété, (hélas, un grand malheur est venu au dernier moment, contrarier mes projets, le maire n'a pas voulu me céder sa "maison des poupons", pour l'écu symbolique que je lui proposais, inquiet par mon idée de repeindre la façade en rose bonbon il a préféré en faire son Hôtel de Ville (le maire est méchant), situé au coeur de Paray le Monial (ville dédiée à la foi chrétienne, à la dévotion de cette chère Marguerite-Marie (Alacoque), et à la Basilique romane, un édifice clunisien il est vrai si imposant qu'on en oublie parfois l'architecture civile de cette ville-sanctuaire qui fût même visitée par Jean Paul II, en 1986 juste le jour de la Ste Faustine (c'est rien de le dire !). L'Hôtel de ville a été installé depuis le XIXem siècle dans cette majestueuse "villa" de style Renaissance que Pierre Jayet (riche et illustre marchand drapier) fît édifier pour moi entre 1525 et 1528, on nomme cet endroit très joliment "La maison des poupons" par la grâce des ses petites sculptures sur pierre encadrant les frontons des fenêtres hautes, je retournerai vous les saisir avec un meilleur zoom, mais je peux vous en toucher ici, quelques mots, ayant eu la chance de contempler les finesses de cette maison certes chargée, au charme toutefois féerique, une pure curiosité. Sur cette façade, on admirera un chérubin nu en pied, un chérubin joueur de flûte traversière et d'autres chérubins non musiciens qui complètent le décor, (vous pouvez en attendant, découvrir une figure parmi ces angelots ICI) la façade est aussi ornée de coquilles et de médaillons représentant les rois de France. Cette photo a été prise l'été dernier en la pieuse commune, où vous savez.
© Frb 2010
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mercredi, 10 août 2011
La mort du héron
Sans légende, enfin si ...
Grand chagrin aujourd'hui, je reviens de l'enterrement du héron, quelle tristesse ! le héron était notre ami, il faut croire qu'il était apprécié... Mais la vie continue, n'est-ce pas toujours ainsi ? Et pour vous mettre en appétit, (si j'ose dire), je vous invite à relire en image,une fable bien sympathique, de monsieur Jean de La Fontaine. En espérant qu'il n'est pas arrivé au héron, (comme on le raconte ici) le même accident qu'à la belette, (j'y reviendrais), une occasion pour moi (l'occasion faisant le héron) de vous faire découvrir une autre fable également sympathique celle-ci de Jean Vauquelin de la Frenaye, (né vers 1536 mort en 1607), un poète peu connu, qui fut successivement avocat du roi, lieutenant général, et président au bailliage de Caen. C'était un disciple de Pierre de Ronsard, Mais Vauquelin était sûrement plus chrétien que Ronsard. Il menait une vie rustique à la campagne, il aimait le chant du rossignol (ce qui est déjà courageux), les prairies, les forêts, mais pas seulement, il étudia les trouvères et les vieux chroniqueurs; il cultiva la muse pastorale avec un talent et une modestie qui rendra ses lecteurs indulgents, Jean Vauquelin, imitait les anciens (initiative moins heureuse quand il imitait les poèmes érotiques des grecs), mais encore pardonnable car jamais Jean Vauquelin n'eût la moindre ambition novatrice, ni l'envie de se prendre pour un grand poète. Il est l'auteur de "Foresteries" qui eurent peu de succès. Petit extrait :
Creuse antre, épais hallier, bois de haute fûtée,
Tu veois toujours d'ennui mon âme tourmentée :
Soit que chauve-souris sortent hors de leurs creus,
Soit qu'un astre du ciel, à mi-nuict, tombe en feus...
Puis il composa des "Idillies", (je cite Jean Vauquelin de la Frenaye) :
[...] qui représentent et signifient des petites images ou gravures, en la semblance de celles qu’on grave aux lapis, aux gemmes et calcédoines pour servir quelquefois de cachet. Les miennes en la sorte, pleines d’amour enfantine, ne sont qu’imagettes et petites tablettes de fantaisies d’amour.
Le titre exact du premier livre :"Idillies et Pastoralles de l'amour de Phikmon et Philis. Par le sieur de la Fresnaie Vauquelin", compte 84 pièces. Le Titre du deuxième livre : "Idillies de l'Amour de divers Pasteurs. Par le sieur de la Fresnaie Vauquelin" ; en compte 89. On relèvera un contraste évident entre ces poésies légères de Vauquelin et les terribles événements dont il fût le témoin : cela est de tout temps le parti pris de certains artistes de distraire l'imagination, en se reportant vers un idéal rêveur et des univers innocents. C'est aussi pour Vauquelin le rôle qu'il s'est donné, de savoir émettre une chanson aux idéaux rustiques, des contes ou des fables pour endormir les enfants sans frayeur plutôt que de relater le spectacle des maux réels susceptibles de faire souffrir davantage les grands ou les petits. Extrait choisi de ces "idillies":
Vent plaisant, cjui d'aleine odorante
Embasmes l'air du basme de ces fleurs,
Pré joyeux, ou versèrent leurs pleurs
Le bon Damete et la belle Amai'ante :
Il rédigea également un "Art Poétique" d'un style un peu rude, mais qui reste parmi ses ouvrages, le plus souvent cité, et il composa des satires, ou plutôt des épîtres. A noter que Nicolas Vauquelin, Seigneur des Yveteaux qui était son fils aîné, (comme chacun sait) fût aussi poète libertin. Voilà pour le résumé très léger, ce qui ne ressucitera pas notre héron, loin s'en faut ! la belette et l'évocation de Jean Vauquelin de la Fresnaye pareront ce billet uniquement pour changer les idées des lecteurs et lectrices, que la mort du héron aura trop douloureusement affligés. Et comme la rumeur court au château que notre héron aurait péri dans un grenier à blé (parce qu'il voulait devenir aussi gourmand que la belette) ; "Le héron qui se prenait pour la belette" étant par ailleurs la seule fable que La Fontaine aura oublié de nous écrire (il l'a quand même composée on peut dire, à quelques bestioles près), je vous offre "La belette" tout court. Cette fable rédigée dans un style aussi charmant que désuet, est une oeuvre de... ? (Me voyez-vous venir avec mes gros sabots ?) eh oui ! Jean Vauquelin de la Frenaye ! restons simples. Approchez la sans crainte, la présence d'une belette dans votre ordinateur est à considérer d'une manière sereine et réfléchie, la belette est aussi votre amie.
Il advint d'aventure un jour qu'une belette,
De faim, de pauvreté, gresle, maigre et défaite,
Passa par un pertuis dans un grenier à blé,
Ou sur un grand monceau de froment assemblé ,
Dont gloute elle mangea par si grande abondance,
Que comme un gros tambour s'enfla sa grosse pance.
Mais voulant repasser par le pertuis étroit,
Trop pleine elle fut prise en ce petit détroit.
Un compère le rat, lors lui dit : O commère,
Si tu veux ressortir, un long jeûne il faut faire;
Autrement par le trou tu ne repasseras,
Puis au danger des coups tu nous demeureras.
De la belette au héron, encore un petit pont, pour oublier le reste (du monde evidemment), et puisque tout finit par des chansons, je ne pouvais omettre de vous offrir celle-ci, qui rend un hommage triste et beau à la majesté des hérons.
Photo : L'enterrement du héron (1896-2011). Couronnement et dernière demeure. Une oeuvre d'art contemporain sauvage, vue dans un cimetière roman, perdu entre forêts et vallons, presque au coeur du village boscomarien.
© Frb 2011
samedi, 06 août 2011
Où vont les fleurs ?
Je vous convie donc à voir seulement. Je vous prie de tout oublier à l'entour ; de ne rien espérer d'autre ; de ne regretter rien de plus.
VICTOR SEGALEN, extr. "Peintures", éditions gallimard, 1983.
Doc Watson § David Grisman : "Summertime"
Photo : Où vont les fleurs ? Question.
Pigments et parfums naturels ou balade au jardin un matin d'été doux.
© Frb 2011.
jeudi, 04 août 2011
Haïku Nabirosinais
Les Haikus ne sont connus en Occident que depuis le début du XXem siècle. Les écrivains occidentaux ont tenté de s'inspirer de cette forme de poésie très brève la plupart du temps, ils ont choisi de transposer le Haïku japonais qui s'écrivait sur une seule colonne sous la forme d'un tercet de 3 vers de 5, 7 et 5 syllabes pour les haïkus occidentaux. quand on compose un Haïku en français, on remplace en général les mores par des syllabes, "mais c'est quoi les mores exactement ?" se demandera notre lecteur chéri (à supposer qu'il ne sache pas...) Et comme je fais désormais les questions et les réponses, je vous dirai qu'il ne faudra pas craindre celle-là (de réponse ! suivez un peu, vous irez vous baigner après), et donc, la more est un son élémentaire émis lors de la phonation. Son nom provient du latin "Mora" signifiant "retard" ou "délai". Comme beaucoup de termes spécifiques à la linguistique, sa définition exacte est contestée, mais bon, grosso-modo, sans rentrer dans les discussions, il s'agit d'une notion plus fine que celle de syllabe. Dans les langues syllabiques, chaque syllabe est constituée d'une ou plusieurs mores, qui en déterminent le poids, ce dernier déterminant à son tour l'accent tonique du mot, ou son rythme. Dans certaines langues, dites "moriques", la notion de syllabe, d'ailleurs, n'existe pas, une syllabe qui contient une seule more est appelée "monomorique" ou "monomoraïque", si elle est composée de deux mores elle est appelée "bimorique" ou "bimoraïque". La langue japonaise est connue pour sa structure en mores. La plupart des dialectes utilise les mores (haku en japonais) plutôt que les syllabes comme fondement de son système phonique. Une syllabe française peut contenir jusqu'à trois mores, ce qui engendre des poèmes irréguliers. Quant à la notion de more, si elle existe en Nabirosina, le nabirosinais considère qu'il n'est guère besoin de se casser la tête avec ça, ce n'est déjà pas mince affaire de traduire tant bien que mal le patois nabirosinais (dit rachollasi) en bon français moderne, on pourra donc considérer que le Haïku nabirosinais est peut-être l'un des seul Haïku au monde à n'obéir qu'à sa propre loi.
Photo : Offert par la boulangère du village, ce poème-Haïku chanté par Ricky Vacance (et sa cornemuse à pain) ravira vos matins, vos midis, vos soirées, (j'ai testé pour vous). Un fragment de pure poésie vue au Nabirosina doux.
© Frb 2011.
03:32 Publié dans A tribute to, Actualité, Affiches, panneaux, vitrines, Art contemporain sauvage, Arts visuels, De visu, Impromptus, Le vieux Monde, Mémoire collective | Lien permanent
mercredi, 03 août 2011
On rentre à la maison
Si ma maison vous déplait vous cliquez sur l'image, et je vous en donne une autre.
Quelques liens ou variations sur thème :
Le mode d'emploi de ma maison (enfin presque):
http://www.poeteferrailleur.com/videoermite.htm
Moyens Dubord, le plastique écolo c'est fantastique:
http://www.youtube.com/watch?v=Zw2AE-uapd8&feature=related
A visionner, des projets ambitieux, (disons plus ambitieux):
http://www.spi0n.com/art-technique/des-batiments-bizarres/
Une lubie. Habitable ? Assez givrée, c'est à voir:
http://www.dailymotion.com/video/xbrmff_il-vit-dans-une-m...
Photo : Certains jours rentre à la maison, comme en période de flemme (vous voici prévenus). Ma panacée universelle s'en est allée nourrir un feu de joie et sur les cendres j'ai construit ma maison, (biodégradable, topécolo), n'est-elle pas sympatoche ? Elle ne s'appelle pas "La quiétude" mais on ne lâche pas l'affaire (en cas de crise et de récession)... Ma maison, donc, photographiée aujourd'hui sur un sentier là bas, dans ma châtellenie impériale boscomarienne. - C'est tout ? - Non, bien sûr que non (je fais la question et la réponse, bien obligée eh eh ! il faut tout faire dans cette maison).
© Frb 2011
lundi, 01 août 2011
La nuit venue
Tout ne revêt-t-il pas, dans ce qui nous exalte, les couleurs de la nuit ? C'est elle, maternelle, qui te porte, et tu lui dois ton entière splendeur. Tu te serais dissipée en toi-même, perdue dans l'espace sans fin, si tu n'avais été par elle contenue, enserrée en ses liens pour devenir chaleur et faire, en flamboyant, naître le monde.
NOVALIS (1772-1801) : "Hymnes à la nuit", éditions Mille et une Nuits, 2002.
Ici nous devenons invisibles, mais si vivants. Un pas de plus enrobe, nous regardons courir au ciel des astres doux, mêlés à cette force, elle retourne au soleil le moulin à paroles où rien ne peut se dire à temps. Nous avons tant parlé, la parole si sûre d'elle ouvrait des trappes, les refermait, se dévidait au milieu du courant tuant l'ennui par un désordre qui soufflait dans le vent d'autan des aquilons, mais c'était encore du vent sur le vent... Et moi semblant humaine je devinais la haine que tu ne disais pas, elle conjurait la mort dans l'apparente joie qui méprise la joie. L'écho surveillait nos paroles. A qui parlions-nous de si loin sans plus nous écouter ? Harcelés par des forces ; un vieux guerrier ingrat nous opposait sa loi, il effaçait le sens à mesure que le son progressait. Notre expression abattait des troncs creux il n'y avait rien de plus triste que cette matité, les véhémences impersonnelles de l'orgueil gagnaient le jeu énoncé par le maître, nous demeurions au point mort dans notre citadelle à demi-effondrée, quelques jours à peine suffiraient pour la voir disparaître. Tu enterras tes perroquets au fond de la forêt, tu arrosas des hellébores qui ne pourraient jamais renaître, tu les avais peut être brûlés un jour ou par ennui comme l'enfant aime frotter ses jouets sur les boîtes d'allumettes, comme l'enfant est heureux de créer pour la première fois le feu. Le feu courait sur moi et tu t'en réjouissais - ou bien c'est encore le soleil, qui devient simplement mauvais - A ce point onéreux, la voix transformait nos forces en faiblesse, plus nous parlions plus nous hâtions la possibilité d'un accident, lequel eût lieu il y a longtemps. Nous répétions à l'infini les vers de celui qui nous avait tant aimés et trouvés enlacés dans une chambre au milieu de la nuit :
Es-tu capable de me montrer un coeur à jamais fidèle ? Et ton soleil possède-t-il les yeux de l'amitié qui sachent me connaître ? Saisissent-elles, tes étoiles, ma main tendue de désir ? Me rendent-elles en retour la pression de tendresse et la parole caressante ? De ses couleurs l'as-tu parée, de ce contour léger, - ou bien est-ce la Nuit qui donne à tes atours un sens plus haut et mieux aimé ? Quelle est la volupté, quelles sont les délices offertes par ta vie, qui balancent les ravissements de la mort ?
Ici devenus invisibles, peut-être possédés, aurions nous tenu la promesse que tu me fis un jour ? Un jour sans prévenir, elle exigera son dû. Ce sera par hasard, quand nous serons certains que les fantômes s'égarent aussi loin que nos vieux sous ces pierres, là bas, profondément enfouis : "ci gît, les morts !" qu'ils y restent ! et bien non, justement. Quand tu paraîtras impeccable, mon visage te rappelera ces amusantes caponnades et le tien me demandera pourquoi j'ai désiré te fuir sans expliquer ni chercher à savoir lequel de nous deux est ce jour le plus mort. A présent, les fruits pourris de cette abondance gèleront nos coeurs au non-lieu d'une forêt évidant le désastre par la sève qui descend puis monte à l'intérieur des arbres, sans collision, dans des cernes annuels, la récente sève qui monte et descend sans répit, ce territoire restera nôtre, tel la peau criblée d'ocelles d'où tu arrachas nos prénoms par ta lame sans tendresse dans l'écorce encore tiède plus solide que la peau. Ici, on entend le halètement d'une bête siamoise, elle court sous les fougères, cherche d'autres bêtes à dévorer, jadis inoffensive, la faim l'a rendue si ogresse que cela nous remplit d'amertume et la parole de l'homme dit encore le contraire.
Quelquechose a chuté de si haut au cours d'une vulgaire ascension au plus vulgaire sommet, du plus somptueux paysage, je n'ai fait que saisir ce que la nuit daignait m'offrir jusqu'au jour désuet de la parade où tu me jetas à ces chiens. Sais-tu au moins ce qu'ils m'ont fait ? Vas donc, et dors tranquille, si tu vis, tu n'en sauras rien. Sauf si quelque rébus vient docile, en esquisser l'indice, au non-lieu d'une forêt que tu aimes, dont tu as besoin. Des figure enterrées remontent à la surface, pleurent la nuit font des ronds dans les flaques. Des petits cailloux ricochent déjà à nos fenêtres, ils sont là comme l'été on regardait les "demoiselles" flirter sur les flots des étangs, sans un bruit. C'est la nuit, elles reviennent, quand tu dors, quand ton rêve violente ces mille femmes qui hier, t'adoraient, devenaient infidèles sans raison, au non-lieu remplissant ton sommeil d'une haine et de toutes les salopes que les hommes ne savent pas comprendre. Rien n'existe sauf l'oubli dans la nuit qui hantera sans cesse. La tienne est semblable à la mienne, plus limpide que l'aurore, humide, parfois, c'est un oreiller d'herbe, d'où l'on contemple des comètes troussant les voiles d'une caravelle tandis que tu recouvres d'encre ces points d'or, purs aimants. Crois-tu les effacer vraiment ? Nos songes auront forcé longtemps des huis pour n'arriver à rien, ce rien retient en impatience l'effroi entre l'homme et la femme, dans la petite maison en papier qui s'envole sur l'aile d'une demoiselle du genre Zygoptéra pas plus grosse que mon doigt caressant tes cailloux dont le coeur bat encore. Là, juste sous ta fenêtre, à deux pas de nos bois quand ta vie va ranger sous forme de sérénade la même chose à toute heure, un masque de carnaval, un loup sur tes yeux enchanterait, il affame. Une musique fine bouclera le sillon, la pavane portant l'anagramme, ainsi finira la chanson, le temps de faire le tour d'un arbre, de goûter las, le saignement, la sève pourpre paraît dans l'entaille de ta douce et diurne balade. Crois-tu au pouvoir de la danse ? Un homme seul marche dans une forêt, ses pas sont ceux du loup de légende, ses songes la nuit, ont inventé un rythme indéchiffrable dont aucun musicien, pas même un virtuose, ne pourrait arriver à bout.
Nota : Le second extrait (en caractère gras dans le texte, est aussi extrait des "Hymnes à la nuit" de Novalis.
Photo : L'orée du bois du Marquis de... (il ne veut pas qu'on le dise on va dire que c'est "mon" Marquis). Un petit chemin, juste avant d'entrer dans la nuit, lumineuse... Vu, quelquepart entre le Mont St Cyr et le Mont ... Euh ? (Je ne me souviens pas, on va dire que c'est le Mont Marquis...)
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samedi, 30 juillet 2011
Petits voyages
Donc, si après mille efforts pénibles, le lecteur décrète qu'on n'a pas atteint le port, cependant il vaut mieux sombrer dans les profondeurs en cherchant avec ardeur, que flotter sur un banc de sable.
HERMAN MELVILLE, extr. "Mardi" (traduit par Charles Cestre, introduction D. Fernandez), éditions Flammarion 1990.
Le mouvement nous sort du danger des aveuglements de nous mêmes, les voyages portent autant conseil qu'ils nous remuent longtemps après, comme la nuit où nos songes font revivre les lieux oubliés, travaillent les esprits et nous allons à leur rencontre. J'ai mon billet, c'est plié en petit dans la poche, à chaque instant il me faut vérifier si je ne l'ai pas perdu. Oui, je l'ai. C'est pour l'heure un petit livre blanc, un fragment d'atlas, une cible. Je relis plusieurs fois le résumé recto-verso, avec le numéro du train, juste un "aller" au poinçon qui délivre le droit de s'éloigner, et là, pendant des minutes que j'aimerais encore ralentir, je regarde les locomotives jouer dans la pénombre. C'est un peu comme un mot d'absence, qui ira tout à l'heure glisser entre les mains d'un contrôleur, un billet simple que j'imagine quelquefois sans retour, quand je m'en vais, c'est dans l'idée que je pourrais partir toujours, ou revenir illico par le train qui suivrait, ou encore bifurquer dans la minute, s'il est possible (ah ! les correspondances !). J'ai le billet d'une loterie topographique, tant de bourgades à traverser entre ici et là bas, des forêts inconnues, hameaux sans habitant, vus d'un viaduc, on revit dans la miniature des petits toits, des petits murs, pareils aux bouts de toits, bouts de murs, du jeu de construction pour enfant. J'aime les trains lents, les anciennes Michelines, un jour je goûterai au Cevenol...
En attendant je fais les cent pas hors du hall, je m'égare un peu dans cet espèce de no man's land, le même autour de toutes les gares, je vois au loin des hôtels malheureux, des entrepôts en ruines, des magasins aux enseignes borgnes et puis les lignes bleues qui vont dans la montagne, du côté de Ste Foy-Lès-Lyon plus loin, jusqu'aux Monts d'Or, une illusion d'optique, la musique de "La vie de Cocagne", (merci Zoë !), la ligne bleue des Vosges, une cabane où des gars scient du bois, où des filles font des tartes aux pommes. C'est l'heure indescriptible de l'entretemps à n'être plus qu'un interlude entre deux voies. Sentiment agréable d'honorer la vie sur un banc, le compromis accepterait de céder tout aux mondes flottants, quand fatigué des profondeurs, on déciderait d'un errement en surface afin d'oublier, (un instant), la belle citation de Melville (sorry, Herman, on a dit "un instant") ; un banc de bois sous une rangée métronomique d'horloges hautes perchées, nids de coucous soudés comme des lampes aux plafonds, on fixerait l'incessant clignotement des diodes on serait à l'affût d'autres cliquetis métalliques de source invisible.
Il est 17H44, il me reste quinze minutes avant le départ sur quai A. Ces quinze minutes dureront le temps qu'on les désire, elles paresseront parallèlement dans cette vague perception atemporelle qui tient la page de tous les autres livres. J'ai mon billet, c'est d'un contentement bête. Assise sur un banc, à coté de nombreux voyageurs qui lisent, fouillent dans leurs sacs, ou picorent des Smarties, je dessine machinalement des rectangles sur le modèle d'un wagon de marchandises arrêté juste en bas, j'attache les rectangles avec quelques trombones (tombés d'une boîte trouvée hier, dans le funiculaire), je bricole machinalement des petits bonhommes en tiquets de métro pliés, que je déchire, pour leur fabriquer (grosso-modo) des jambes et des bras. Machinalement, je tue le temps, sans vraiment savoir que je bricole. Mais en gribouillant mon bonhomme, le corps ici, la tête ailleurs, j'imagine en même temps, que j'entre en rotation sur le manège de Petit Pierre dans cette fabuloserie ignorée des grands voyageurs : un joyau en orbite absorbe l'univers, dans la lune, sur la terre, révèlant la huitième merveille d'un monde aux enchantements-rois. Le cercle magique des ferrailles flotte dans l'air qui va loco loco nimber de valses folles les débris reconstruits pour faire tourner la terre sur des boîtes de conserve et le plus étonnant c'est qu'elle tourne merveilleusement...
Petit Pierre en gardant ses vaches fabriquait des cyclistes, des avions, des charrettes, des petits trains et puis il ajouta des boulons aux petits voyages extraordinaires qu'il faisait dans sa tête...
Regardez, c'est divin.
Lien divin : http://www.fabuloserie.com/#
Nota 1 : la réfutation d'une citation de H. Melville ne durera que le temps d'un petit voyage (réfutation it is not a répudiation, j'ai précisé, j'insiste).
Nota 2 : pour ceux qui aiment les images, (bonus d'été) il y a un Delvaux-garissime à cliquer sous notre photo (voir plus haut ↑).
Photo : Gare de Perrache (Lyon) et ses alentours, vus de la grande allée de la gare, fin Juillet, cette année.
© Frb 2011
03:13 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, Arts visuels, Balades, De visu, Impromptus, Le nouveau Monde, Le vieux Monde, Mémoire collective, Transports | Lien permanent
mercredi, 27 juillet 2011
Partir tout en restant
Nous fondons de bonté dans l'atmosphère de ces romances, le monde nous semble sympathique et rempli de bonnes intentions.
ROBERT DESNOS, extr. "Paris, l'été", in "Récits, Nouvelles et Poèmes", éditions Roblot, 1975.
Photos : Partir au Parc de la tête, (Tête d'Or, exactement), tout en restant en plein centre ville ou presque. Le corps de Lyon dans une forme éclatante, (courant après les écureuils), huit coureurs et un petit cycliste adorable (j'aurais pu vous faire croire que c'était moi sur le vélo (puisque grosso-modo c'est mon vélo) mais jamais je n'aurais osé porter de telles chaussures en été, (on ne peut donc pas mentir tranquille dans ces internettes sans qu'un infime détail etc etc...). Billet light, pendant les préparatifs de départ, certains jours on se met en mode dilettante. "Quand on écrit on écrit quand on fait sa valise, on fait sa valise" (a dit Homère). Les "partis" ont été photographiés ces derniers jours dans la grande allée du parc donc de la Tête d'Or, on a dit, (ouvert since 1857) et on a croqué la bicyclette en revenant du même parc, Cours Vitton ou Zola dans ces coins là, et, euh... Vu la photo, il me semble que ça n'a pas énormément d'importance :)
© Frb 2011
mardi, 26 juillet 2011
Se barrer
L’essentiel était de partir.
NICOLAS BOUVIER : "L'usage du monde", éditions Droz, 1963
Photos : Nous autres, devant le grand panneau des départs, gare de la Part Dieu, Lyon, ce Juillet.
© Frb 2011.
samedi, 23 juillet 2011
Carte postale (version muette ou presque)
Travailler et créer "pour rien", sculpter dans l'argile, savoir que sa création n'a pas d'avenir, voir son oeuvre détruite en un jour en étant conscient, que profondément, cela n'a pas plus d'importance que de bâtir pour des siècles, c'est la sagesse difficile que la pensée absurde autorise. Mener de front ces deux tâches, nier d'un côté et exalter de l'autre, c'est la voie qui s'ouvre au créateur absurde. Il doit donner au vide ses couleurs."
ALBERT CAMUS : "Le mythe de Sisyphe", éditions Gallimard 1942.
Les saisons se meurent. La carte est muette. (ou presque).
Photo : Bleu, gris, ici ailleurs, quelle importance ? Chacun pourra y lire ce qu'il voudra, des vacanciers vous écriront une carte bête, (voir billet suivant du jour qui précèda, idem à celui là), on pourra toujours vous faire croire qu'on se berce d'illusions semblant gaies dans l'indifférence qui voyage d'un enthousiasme au dépit d'un grand débarras - Tout ce que tu voudras - Je passe la main au marchand de cartes postales. Le vide est gris c'est encore une couleur, fragment d'un parcours assez vain ou juste une image de je ne sais quoi, enfin bref. Ce qu'il reste...
© Frb 2011.