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mardi, 28 avril 2015

La splendeur des fossés

Je n'étais pas loin de croire qu'il y avait dans ces lisières quelque chose d'insolite, pas une légende inventée, mais un renversement de tout éclairage connu, un regard qu'il suffit de porter selon un angle qui révèle une autre vision, j'entends bien à jamais autre. Une divergence essentielle.

ANDRE DHÔTEL extr. "Lointaines Ardennes", éditions Arthaud, 1979.

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Quand on s'arrête d'écrire, apparaissent les merveilles.

Un chemin aux limites, où il n'est plus besoin de mener en bateau, ses flots d'encre asséchée, contre un jour sans clavier, ni ces petits carnets où gratter les balades, j'aborde un paysage avec mes mains palmées, soudain happée des charmes de toutes ces fluidités.

Quand les eaux se séparent, c'est juste à la lisière et sur la pointe des pieds qu'on s'approprie des mondes...

Photo : un chemin pour cueillir le corail jusqu'à la grande barrière. Il n'y a rien de plus certain. C'est au parc, certains jours, alors qu'on s'attendait à trouver une tête d'or, qu'on voit des bras de mer. L'aura de sainteté en pavane ("il faut croire" like St Thomas), nous aura réservé un passage divergent sans le moindre trucage. Dieu (?) un peu joueur, qui sait ? (Gros buveur de liqueur de Ginseng, panacée aussi bleue qu'une orange), nous laisserait marcher, mes galops amusés creusant un peu des flots semblables au banc de neige.

Nota : Comme je n'ai plus de courrier qui pourrait étoiler les chemins, la barque de mon postier, voguant vraiment de travers, qui peut tout accueillir mais n'achemine plus rien, ce billet est dédié à quelques amis proches et lointains, oeuvrant à la lisière, en opus parallèles ici, là-bas, hors champ, via des rives singulières, et rien qu'à la lisière... 

 

Lyon, Parc de la Tête d'Or, © Frb 2015

jeudi, 26 mars 2015

Le parachute bleuté (interlude)

Il y a peut-être des lieux où l'on se trouve soudain comme dans le ciel.

ANDRE DHÔTEL extr. "Mémoires de Sébastien", les cahiers verts, éditions Grasset 1955.

 

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Sébastien, il faut l’avoir à l’œil, car il s’empresse à faire le canard pour n’importe quels beaux yeux nous avait confié sans vergogne, le ouiketi qui cachait sous son plus beau plumage, une tête d'Or, à ce qu'on dit.

On ne mesure pas le lieu qui sépara le ciel du parachute bleuté, si on n'est pas dans le ciel, si on n'a pas coulé, (sans aucune connexion, pour l'heure ça tiendra d'un pari stupide, évidemment), aveugle et vicieux comme on est, on finirait après des années d'ignorance, et même d'indifférence (c'est écrit, dans un monde, d'amis bien renseignés, donc ça ne peut-être que vrai :), à toucher l'autre rive en arrivant coiffé, au pays où l'on n'arrive jamais. Là, avec un peu de chance, on trouverait peut-être un point d'eau pour se laver...  Enfin, avec des si, et des coïncidences, "vous nous rencontrerez peut-être un jour ou deux, sur cette petite route entre le bois et le petit lac." (*).

(*) extrait des "Mémoires de Sébastien", pour la belle aventure aux grands rivages de Dhôtelland. 

 

Lyon, le lac de la Tête d'Or, au printemps (des poètes) © Frb 2015.

samedi, 04 janvier 2014

Le paradis

L'escalier s'enfoncera-t-il toujours plus avant ? Montera-t-il toujours plus haut ? 

ROBERT DESNOS : extr. "Désespoir du soleil", poème issu du recueil "Les ténèbres" (1927) publié in "Corps et biens", éditions Gallimard, 1968.

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Au premier jour, on s'aperçoit que l’escalier de l’observatoire n’est plus aussi solide qu’avant, on montera prudemment chaque marche, on sentira le bois vibrer tout en déséquilibre, on pourra toutefois se tenir droit sur la dernière marche pour contempler les montagnes du Caucase.

 

Photo : Le paradis peut-être, à se dire qu'on pourrait partir de plus haut...

 

Là bas : © Frb 2013

lundi, 28 octobre 2013

Certains rouges...

Quand je n'ai pas de bleu, je mets du rouge.

PABLO PICASSO

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Photos: tapis rouge (parce qu'il n'existe point de feuilles bleues et que le vert c'est périssable), vu au jardin d'Octobre entre le parc de la Tête d'Or (from Lyon) et le clos du marquis en forêt "narbonnaise"= (cf."the beautiful little redbook of latino-charmillon" by Mister J. :) lien hélas, introuvable.

Rouge nature : au feu la peinture ! =  "L'art c'est beau quand "ça brûle"

et ça brûle pour de vrai :

http://www.lexpress.fr/culture/art/elle-brule-un-picasso-...

 

Contradiction :

Sarbyf vs Apollinaire - "Quand j'ai du bleu, je mets du rouge quand même"

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/05/19/mu...

attablés là où on sait ou glanant chez la Mirlitonne = (on ne s'en lasse pas). 

 

Certains rouges, "qui se retournent sur eux mêmes"... preuve par l'image :

 http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/09/13/ha...

 

La ronde et autres rappels plus ou que moins bariolés...

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2013/08/23/co...

et retinton(s)

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2011/01/26/sy...

 

Red October © Frb 2013

jeudi, 20 juin 2013

Color me gently

Sous son pinceau, sous ses doigts, les couleurs, la glaise, le bronze, le métal se pliaient à sa force. Il matait les femmes et la matière pour en faire ses esclaves.

MARINA PICASSO in "Grand père", éditions Gallimard, 2003.

 

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Photos : Modèles vivants simples et dociles en quatre couleurs. Déploiement hors saisons suivant la partition, thématique en voeu pieux (?) gentiment after-punk, je cite:

Que la nature nous protège des taches de peinture, des puissances de la glaise, du métal et du bronze. 

C'est de Dante, je crois  - le manuscrit reste introuvable -  mais on a retrouvé celui-ci :

 

 

Nel mezzo del cammin di nostra vita

mi ritrovai per una selva oscura,

ché la diritta via era smarrita.

 

 

A suivre, peut-être...

 

 

 

Là bas : © Frb 2013

dimanche, 16 juin 2013

L'abolition des privilèges

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Ailleurs © Frb 2013

dimanche, 26 mai 2013

Loin de Lybie

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Cézanne peignait des pommes

Chaque jour en pantoufles.

Il descendait dans son atelier et

Il peignait des pommes...

Des pommes.

Jour après jour.

Encore des pommes.

Et il ne s'en lassait jamais.

 

 

http://www.idixa.net/Pixa/pagixa-0708231832.html

http://www.atelier-cezanne.com/france/visite-pomme.htm

http://www.musee-orsay.fr/index.php?id=851&tx_comment...

 

Photo : Quartier de pomme blanche, sur nappe ronde en coton bleu uni cousue (de fil blanc) par la Céleste Nabirosinaise. (Décalage, contraste et antidate). Photographiés le mois dernier, loin de Lybie.

mardi, 16 avril 2013

La fleur bleue de Novalis

Je n’ai jamais rien éprouvé de pareil : c’est comme si j’avais vécu en songe jusqu’à présent, ou encore comme si j’étais passé en dormant dans un autre monde ; car dans celui où je vivais d’ordinaire, qui donc aurait prêté attention aux fleurs ? Quant à une passion aussi insolite pour une fleur particulière, je n’en avais jamais entendu parler auparavant.

NOVALIS : extr. Henri d’Ofterdingen, traduit de l’allemand par Marcel Camus, éd. GF Flammarion, Paris, 1992. 

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Tout commence ainsi :

le fils de baron Friedrich Von Hardenberg, alias Novalis nom de plume, décrit un rêve de jeune homme, dans son sommeil, il découvre un bassin aux ondes chatoyantes :

Aussitôt, un souffle intérieur le parcourut tout entier, le réconfortant et le désaltérant. Pris d’un irrésistible désir de se baigner, il se dévêtit et descendit dans le bassin. […] Une sensation céleste inonda son cœur […] Et chaque vague de l’adorable élément se pressait contre lui comme une gorge amoureuse.

Le jeune homme s'ouvrit à l'illumination et dans sa nuit rêveuse, eût une autre vision

Il se trouvait à présent étendu sur une molle pelouse au bord d’une source qui jaillissait dans les airs et semblait s’y consumer. Non loin de là, s’élevaient des roches bleuâtres aux veines diaprées. Le jour qui l’entourait lui parut plus clair, plus doux que de coutume ; le ciel, bleu noir, était d’une pureté absolue. Mais ce qui l’attira d’une manière irrésistible, ce fut, dressée au bord même de la source, une grande Fleur d’un bleu éthéré qui l’effleurait de ses hauts pétales éclatants ; autour d’elle se pressaient des milliers de fleurs de toutes les couleurs et dont les suaves parfums embaumaient l’air. Lui, ne voyait que la Fleur bleue, et longtemps il la contempla avec une indicible tendresse. Mais quand il voulut enfin s’approcher d’elle, elle se mit à frémir et à changer d’aspect. Les feuilles, de plus en plus brillantes, se serraient contre la tige qui croissait à vue d’œil ; la Fleur se pencha vers lui : parmi les pétales qui formaient une sorte de collerette bleue, flottait un tendre visage… Son émerveillement grandissait avec cette étrange métamorphose quand soudain la voix de sa mère le réveilla et il se retrouva dans la chambre familiale que dorait déjà le soleil du matin.

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Je me garderai de vous livrer les interprétations des métaphores sublimes nées dans l'esprit du rêveur Henri d’Ofterdingen, dont vous pourrez apprécier plus vastes scintillements ICI ; je n'étriperai pas d'analyse sigmundienne ou jungienne, ces passages de pure grâce afin de ne pas dévoyer ni trahir la beauté suggestive insufflée par l'auteur, et que vienne à chacun cette folle idée d'unir sa vie à ce printemps portant nos figures pâles dans la campagne fraîche. Puissions nous pressentir la puissance alchimique qui bouleverse les coeurs au point qu'il n'est plus d'autre façon d'imaginer vivre autrement que couché au milieu des fleurs, qui sont toutes bleues quoiqu'on dise, sauf peut-être le myosotis qui est rouge comme le sang offert au saccage pictural des chants surréalistes, ils vénéreront avec d'autres, bien plus tard, la grande modernité des romantiques allemands et les oeuvres visionnaires de Friedrich Von H. alias Novalis, du bleu de la fleur au bleu lumineux de la nuit dont nous nous parerons sans doute.

 

Nota : Les conditions impérieuses du petit monde du myosotis se devant toutes d'êtres remplies, par défaut d'entrer dans le rêve du vieux siècle romantique, nous pouvons prier pour la fleur afin qu'elle ne s'étiole pas trop tôt entre nos mains frondeuses, ou dans nos coeurs gros et avides. 

 

Photo : corolle ouverte, accueillants mais farouches et bizarrement difficiles à photographier, Les mini coquelicots de l'Himalaya ont aimablement posé sur ma pente (et pour vos cimes, en tout bien, tout honneur), si par chance là où qu'il soit, (avec des si), Novalis, feu poète nous faisait la fleur (qui tient notre malheur) de nous rêver au profond de ses nuits plus impérissables que nos jours... Je ne termine pas la phrase, le mystère a son charme.

 

Nabirosina : © Frb 2013

lundi, 24 décembre 2012

Ciel qui traîne

Les larmes du monde sont immuables. Pour chacun qui se met à pleurer, quelque part un autre s'arrête. Il en va de même du rire. Ne disons pas de mal de notre époque, elle n'est pas plus malheureuse que les précédentes. N'en disons pas de bien non plus. N'en parlons pas.

Samuel BECKETT : "En attendant Godot", éditions de Minuit, 1952.

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Photo : Quelques jours avant minuit. Sous la dernière lune ou le répit. En attendant le petit (ou grand) jour, fêtez en paix, s'il est possible...

 

 Lyon / Tabareau © Frb Décembre 2012.

mardi, 04 décembre 2012

Nous et autres

La vie est-elle seulement faite de morceaux qui ne se joignent pas ?

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Nous aurions tant aimé pouvoir les assembler afin d'en trouver une forme reconnaissable, nous avons recollé un peu, quelques jointures à la surface qui se décomposeraient au moindre souffle. Nous y avons appliqué des mots comme des baumes, la terre tenait bon sous nos pieds mais nos pensées étaient plus mesurées. Nous tentions d'esquiver ces parterres qu'il faudrait toujours écraser pour se tenir ici, debout dans la lumière. Nous regardions les feuilles rétrécir, l'or de l'automne virer aux bruns foncés, une vase légère déliait les passages des boutiques. Les ponts devenaient utilitaires. Nous n'irions plus nous attarder à contempler les flots. Sous l'eau encore limpide, rien ne nous promettait que ces flots pouvaient encore rouler jusqu'à la mer. C'est là bas une force contre laquelle nous n'avons pas eu le courage de nous opposer, nous sommes entrés dans les formes prévisibles de la parole, le bruit gagne. Quelques voix nous séparent et nous ne pouvons rien réparer. 

  

Photo :  La disgrâce. Parc de la Tête d'Or © Frb 2012.

vendredi, 10 août 2012

Vitrailler (II)

”Écoute ! Écoute ! C’est moi, c’est Ondine qui frôle de ces gouttes d’eau les losanges sonores de ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ; et voici, en robe de moire, la dame châtelaine qui contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau lac endormi.
Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant, chaque courant est un sentier qui serpente vers mon palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le triangle de feu, de la terre et de l’air. Écoute ! Écoute ! Mon père bat l’eau coassante d’une branche d’aulne verte, et mes sœurs caressent de leurs bras d’écume les fraîches îles d’herbes, de nénuphars et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc et barbu qui pêche à la ligne.”
Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son anneau à mon doigt, pour être l’époux d’une Ondine, et de visiter avec elle son palais, pour être le roi des lacs.
Et comme je lui répondais que j’aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s’évanouit en giboulées qui ruisselaient blanches le long de mes vitraux bleus.

ALOYSIUS BERTRAND : "Gaspard de la nuit", Nouvel Office d’Édition, Poche-Club fantastique, 1965,

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Entre le poème d'Aloysius Bertrand d'inspiration gothique, et le vitrail non figuré d'art roman sacré, restauré finement par le maître verrier Rachid Ben Lahoucine, il y a comme un fil reliant la géométrie, les espaces et le temps. Le rêveur fantastique fusionnera t-il avec l'artisan médiéval pour permettre au promeneur de vitrailler à l'infini entre le soleil excessif, et cette pluie de giboulées ? C'est la question de l'été.

De l'église en campagne, aux palais ondoyants, les murs fondent sur un vitrail. "Qui ne fait chateaux en Espagne ?", c'est de Jean de La Fontaine, c'est aussi un work in progress qui consiste à croiser les lignes de là bas à ici...

Quant à la fascination d'Aloysius Bertrand pour les monastères, l'écho boscomarien filant chez "Gaspard de la Nuit" semble écrit noir sur blanc. Extrait.

 Les moines tondus se promènent là-bas, silencieux et méditatifs, un rosaire à la main, et mesurent lentement de piliers en piliers, de tombes en tombes, le pavé du cloître qu'habite un faible écho.

 

Liens plus ou moins buissonniers :

à propos du "Gaspard de la Nuit" de Maurice Ravel :

http://pianosociety.com/cms/index.php?section=168

à propos de peintres et vitraux :

http://suite101.fr/article/peintres-de-la-lumiere-et-vitr...

à propos du lieu où se trouve ce vitrail :

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/08/09/comme-un-dimanche.html

 

Photo: Le vitrail aux losanges silencieux a été photographié en la petite église de Bois St Marie, par un jour assez doux sous un ciel bleu comme un grand monochrome.

 

Bois ste Marie © frb 2012

samedi, 16 juin 2012

Dans l'intervalle...

Où il sera vaguement question de l'interprétation des nuages...

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Photo 1 : Où l'on peut avoir une petite idée de la largeur des rues qui forment les pentes de la Croix-Rousse, et un peu une idée des couleurs des façades. Je sais, c'est vague...

Photo 2 : Où l'on retrouve la demeure du Maître de Lyon qui tire les ficelles de la ville au secret dans sa tour octogonale, un endroit fascinant, éclairé la nuit, on se demande parfois quels secrets s'y cachent.. Situé du côté de Bellecour en Presqu'île. Place Antonin Poncet exactement.

Photo 3 : Où l'on apprendra que la véritable boule lyonnaise se joue un petit peu dans les airs et parfois sur la terre entre le clos Jouve et la Tabareau entre autres...

Photo 4 : Où l'on aura, un aperçu  fragmentaire de l'immeuble aux 365 fenêtres, qui donne sur le jardin des Chartreux, vous ne pouvez pas le voir mais les gens qui vivent là  de leur fenêtre, eux, le savent...  En fait elle compte 378 fenêtres, c'est la fameuse Maison Brunet, un immeuble que j'aime particulièrement d'une part j'y ai travaillé quelques années au dernier étage dans une ambiance festive mémorable avec vue imprenable sur les scintillements d'une partie de la ville dont l'autre colline de Lyon et surtout parce que des considérations cosmologiques attachées à cet immeuble  méritent un peu qu'on s'y attarde, en effet la maison comporte autant d'appartements que de semaines (52) et autant d'entrées (4) que de saisons. Monsieur Marcel Rivière le savait avant moi, même si ce n'est plus lui qui officie, (tout fout le camp) cela dit, cher à notre mémoire autant que son suppléant, vous pourrez en apprendre davantage en cliquant sur l'image. L'immeuble est situé place Rouville  juste en dessus de l'ancienne "Boule des rigolards", ça ne vous dit rien, c'est normal elle a changé de nom et les gargoulettes rafraîchissantes n'y sont plus les mêmes qu'à l'époque de la naissance (des Rigolards) que je n'ai pas connus, mais je vous raconterai ça un jour, quitte à broder un brin, s'il le faut (encore des promesses)...

Photo 5 : Figure libre, la photo qui n'existe pas, celle qui reste à faire, c'est la première fois qu'on vous la montre, plus dépouillée on n'oserait pas, histoire d'offrir un peu d'avenir à nos moutons, il ne sera bien sûr  question que de l'interprétation des nuages. Si par hasard vous savez lire (dans les nuages, of course)...

 

Lyon © Frb 2012

mercredi, 04 mai 2011

Jardins secrets (une histoire presque fleur bleue)

Toutes les couleurs s'accordent dans l'obscurité.

FRANCIS BACON

Si les roses vous fatiguent, cliquez sur les 2 images on vous donnera des tulipes à la placerose yellow.JPG

Elle a les couleurs de la fleur au printemps. Les yeux bleus comme le ciel, noir dedans. Elle court à lui dans sa tête, se prépare devant un miroir entouré de roses pompon, dans une chambre remplie de poupées de chiffons et d'oursons en pâte d'amande.

L'homme, il s'est réveillé ventre à terre, sur la pelouse, sous le peuplier du jardin. Il a eu, (est ce un mauvais rêve ?), une vision de sa femme couchée dans le jardin la gorge ensanglantée. Il se demande quel est ce fou qui l'a jetée ici. Ce n'est bien sûr, qu'un mauvais rêve. Ici, la réalité est tout autre.

Des gens se pressent au portail, à présent. On voit naître une fine coulée rouge dans l'allée entre les bulbes parfumés de jacinthes et sous les premiers bourgeons d'un drôle d'arbre, on dirait des châtons qui pleurent. Une pluie de pollens, en fin d'après midi adoucit ce monde ordonné par des allées fraîchement ratissées. Il lui reste ce souvenir, celui d'une longue attente, celle du départ du jardinier qui ne cessait de ratisser les allées et ses nerfs n'en pouvaient plus de voir ce rateau dessiner des traits si parfaits sur la terre. Etait-il dans son rêve, ce son crissant, ces parallèles qui brisaient sa ligne de vie ? Roses comme les fleurs du printemps, au creux de sa main chevauchant la ligne de coeur d'une main étrangère de l'autre côté des collines, à l'est.

Etait-ce un souvenir ? Ou dans un cri, ce rêve qui l'aura renversé ventre à terre ? Quand il avait chassé le jardinier en le poussant violemment dans les roses à coups de pieds et qu'il s'était battu avec lui pour que le bruit des traits s'arrête. Ou bien, est-ce encore le visage bouleversé du jardinier qui l'avait sorti de son cri ? Il revoyait sa femme qui avançait sur lui, contournant soigneusement l'arbre à soie, elle marchait sur la santoline verte. Sa femme avec sa robe couleur lavande, ses cheveux fins comme des antennes, on aurait dit un papillon. Elle avait demandé d'où venaient les bruits. Il avait esquivé. Il avait peur des papillons, peur des questions, peur de la floraison de l'arbre à soie formant des plumets rouges feu dans son rêve. Il avait juré qu'il n'était pas là. Le jardinier a donné une autre version.

A présent, l'éclat des fleurs n'en finit pas de l'aveugler et le soleil précise les contours d'une colline, il est à l'ouest. Il voit la fenêtre de la maison où la jeune fille l'invitait de récréation en récréation, à soulever des mantilles, et la texture infime rebrassée des dentelles, morcellait ses jours, abrégeait ses nuits. Des milliers de semis fantômatiques maculaient de géantes hybrides les allées et les lignes du jardin étaient sans cesse à reconstruire, des chenilles multicolores couraient sur les euphorbes, le jardinier qui était phyllomancien parlait d'un malheur à venir. La nuit l'homme allait au jardin en cachette. La jeune fille, plus loin, plus libre, envoyait des signaux de fumée, et des mots qui se lisaient avec une torche. Ils sont allés à l'aventure. Il pensait que cela serait le caprice d'une nuit, une fantaisie de quelques jours, juste pour l'agrément.

Il se souvient. C'est vrai, il y en avait eu des dizaines, de rendez vous pour elle, hier, et chaque soir juste avant le coucher du soleil. Aujourd'hui un corps s'était affaissé repliant les pétales, une tête avait heurté la pierre, écrasé des milliers de roses, Une percée de couleur primaire sur fond mauve. Le jardinier préféra ne pas évoquer certaines choses.

Plus tard, L'homme ira se laver et ces choses partiront d'elles mêmes, au savon, dans l'eau chaude. Il mettra un costume de coton blanc léger, il ajoutera deux belles roses pompon à sa boutonnière. Une pour lui, une pour elle. Une heure, une petite heure seulement, arrachée à la ritournelle, pendant que sa femme se promène avec une vieille cousine tuberculeuse, vivace pareille aux cyclamens qui répandaient une odeur écoeurante sous la tête de sa femme entre les tombes jardinées, il ne sait plus à quelle heure ni dans quel cimetière. Il est sûr que c'était avant.

Le jardinier est là qui l'observe avec ses yeux d'indien piquants, toujours un peu mouillés, cette bouche qui murmure et ses gestes discrets, rituels, telle une atmosphère de douceur linéaire aux jardins de Shalimar et c'est tout le Pakistan qui semble maintenant s'accrocher au portail. L'homme demande à son jardinier : "dis moi, que veulent-ils, tous ces gens ?". Si nombreux, ils se pressent, des hommes et des femmes en colère et des plus grands, des soldats de plomb dans des combinaisons empêchent la foule de pénétrer au delà d'une certaine limite. Une coulée rouge, un flux dément de grenadine sur lequel sont penchés des tas d'inconnus qu'on tient à distance. Des gyrophares luttent contre la lumière...

Le jardinier ne répond plus. L'homme au milieu des fleurs se pose encore en maître du domaine, entre un ruisseau qui flambe et des collines allumées par une torche dont chaque soir au coucher du soleil une lueur semble absorber le halo sphérique de toutes les voies lactées de tous les univers qui peuvent s'imaginer quand on sort des jardins privatifs du périmètre solaire. Chassera-t-il encore l'étranger qui voit tout, sait tout et ne dit rien ? Son silence est pareil aux traits de son visage ratissé dans l'immobilité, droiture et loyauté des allées bordées d'ifs, de gestes répétés chaque jour à l'identique, rappelant le sommeil, pourvu qu'il vienne, revienne.

Tous ces traits, sur la terre, disparus, qui les a emportés ? Tout est rouge, ça revient. Les camions rouges, les ambulances et ces fourmis qui glissent lentement sur ses mains, éveillant par accoups un système nerveux central empalé sur des gouffres de friandises. Des colliers, des barrettes dorées, et des oursons éparpillés autour un lit, des mantilles qui flottaient dans un ciel étoilé. Et puis, hier, sans prévenir, la nuit entra dans la lumière.

rose yelloF0808.JPGLe ciel est rouge de la colère des foules. Rouge de l'impatience de la vérité qu'il faudra un jour dire. Rouge d'une colline embrasée à l'est, par une fenêtre à la lueur d'une torche, à la tombée du jour, pour la joie de céder aux excès sous tous les empires. Rouge du regret des fleurs exhalant l'odeur affolante de la mort, durant un court moment d'absence où toutes les valeurs se renversent. Il voit un corps dont le visage a été recouvert d'un linge et ce n'est pas l'épouse qui dort à ses côtés. Une coulée d'encre, ce petit lait à peine, déroulant l'épilogue, se cheville aux feuilles en rosette du chlorophytum dans ce hors lieu de l'homme et de la femme où quelquepart un rêve éveillé les promène entre présence, absence, rêve et réalité. Ils en viennent à se pencher dangereusement au bord d'une fenêtre. La maison est cernée d'ambulances, d'enseignes bleues, reflets violets de la douleur des antichambres. La maison est cernée de lueurs, de fleurs et de jouets. Comment traduire ce qu'en disent les sirènes lancinantes ?

Il faudrait prendre une douche de toute urgence. Des ombres traversent l'homme, et partout ces grignotements dans sa tête, qu'il ne peut plus comprendre. Des doigts le montrent. Une main le prend. Des bouches grandes ouvertes le huent et le dénoncent. Des bras le traînent. Il pose sa tête dans ses mains et sa tête devient rouge. Les ongles de l'homme avaient griffé longtemps. Le jardinier a dû le confirmer devant tout le monde. Il fallait bien qu'il prouve son innocence. Partout ça ronge dans la terre, au dedans, dans les esprits ça remonte, à la surface on voit clairement les mains de l'homme et son visage qui semble ignorer tout, il ouvre des yeux d'enfant, traqué par des sifflets et couvert d'une étrange honte, celle qu'on lui fait, qu'il ne peut pas comprendre. Il voit la foule allumer l'incendie dans ses fleurs. Ce n'est plus le rêve. Quelque chose dans sa tête devient très encombrant. Et cette gamine, à l'est, qui l'espionne par un trou de serrure, le balade depuis des mois, ne cesse de lui ravir son existence, cela s'appelle du harcèlement. Il faudrait que quelqu'un la gronde.

Tout à l'heure, il se rendra, au coucher du soleil dans cette maison qu'il connaît aussi bien que la sienne. Il changera son plan et retrouvera sa vie d'avant, le foyer, les mains lestes de sa femme coupant les fleurs pour les coller à l'infini sur la tapisserie de leur chambre, cet ancien nid d'amour où se trouvent encore au chevet de deux meubles à tiroirs les mêmes livres tristes, deux réveils et des boîtes de Tercian. Il sera calme, même apaisant. Il ne portera pas de costume, pas de roses pompons à la boutonnière. Il aura un grand manteau noir il dira simplement: "C'est fini. On arrête". Il ne faudrait pas tout bousiller pour presque rien : sa maison son mariage et sa femme. Où est-elle ? Trois hommes en habits blancs descendent d'une fourgonnette.

Sur la colline à l'est, rien ne bouge. C'est l'heure clémente. Bientôt il y aura le coucher de soleil. Une jeune fille caresse ses cheveux, les roule en chignon fait de tresses et de boucles qu'elle libère, elle attache une barrette dorée, ajoute un collier de perles autour de son cou blanc, si transparent qu'on voit presque le coeur battre à travers les veines. La peau ne dit rien des milliers de fleurs bleues qui ont poussé sur elle, se sont mises écrire le premier des romans à l'eau de roses pompon pour petites filles méchantes, (femme de personne ou de nulle autre) ; elle ne sait rien des trames, des traits et des stries de leur monde, un phare de fleurs, des clôtures électriques dans le velours où des rondes un beau jour ont arrêté leurs sentiments, ceux ci ayant depuis si longtemps cessé d'être, ils peuvent renaître, intermittents, dans les entailles faites au contrat oui mais voilà. Elle attend. C'est l'unique attrait de ses jours, elle attend l'être aimé. Elle veut tout. Sa ferveur est profonde quand l'homme en costume blanc traverse les champs jusqu'aux collines pour apporter les roses et toutes les bonnes nouvelles.

Hier c'était une promesse, un pur instant d'égarement quand ne pouvant saisir ce corps il n'offrait que son ombre et dans une fraction de seconde seulement, il avait juré sur sa tête, peut être dans la lune ? Ou sur la terre, demain, qu'il serait un homme libre. Il ferait ça pour elle, l'impensable jusqu'à l'impossible. Ensuite, il serait avec elle toujours. Sa femme, un papillon, liquidée, au bout d'une épingle, ça ne l'effrayait même plus d'y songer, un long cou avec des antennes et puis ses ongles qui s'enfonçaient lentement dans la chair (à mains nues ou avec des gants de jardin, si possible). Ce serait un acte d'amour pur.

Il est presque neuf heures du soir, la jeune fille affine ses mantilles, glisse dans sa bouche amusante un petit ourson en pâte d'amande étirable à loisir. Elle regarde du côté de la maison de l'homme et tout en mâchonnant ce sucre qui l'aura fait grandir, elle voit un feu d'artifice tantôt rouge tantôt bleu et des lumières là bas, qui scintillent, des signaux lumineux, jamais elle n'en n'a vu autant. Dans ce grand halo blanc elle voit autant de preuves d'amour, comme dans ses rêves de petite fille, ouvrant le bal somptueux des princesses virevoltant dans des robes cousues d'or, une couronne de roses pompons sur sa tête assourdie des violons d'une valse un peu folle qui couvre le bruit lancinant des sirènes, les petites voitures, les fourgonnettes miniatures d'où sortent des petits bonhommes en panoplies de pompiers, de docteurs qui font avancer sur son coeur, les joies du carnaval et la bonté des fleurs dans un pays sorti d'une boîte de friandises en pâte d'amande pas plus grande qu'une boîte à chaussures.

Photos : Ces roses ne sont pas des roses pompons ni des roses bonbons mais des roses fraichement nées dans la grande roseraie du Parc de la Tête d'Or à Lyon (+ de 30 000 roses seulement) qui ne sortent pas d'une boîte de friandises... Quoique pour certaines, on dirait. Grande et petite roseraies à visiter, très vite, si vous passez ou vivez dans cette ville c'est une des plus belles choses à contempler en ce moment. Pur vertige de parfums et couleurs, qui ne se raconte pas, il faut voir, toucher, de près et même que ça se respire ...

© Frb 2011.

lundi, 11 octobre 2010

Out of the blue

Nous vivons dans l'envers du monde, le monde véritable du feu est sombre, palpitant, plus noir que le sang : le monde de lumière où nous vivons en est l'autre côté.

D.H. LAWRENCE in "L'homme et la poupée". Extr de "Amant et fils - L'homme et le poupée - L'amant de Lady Chatterley- Nouvelles". Editions Gallimard 1992.

IMG_0044.JPGGagner la limite de l'écho. S'étonner que partout des gens luttent pour quelque cause. Marcher à côté d'eux sans bruit. Compter les collines innombrables aux flancs légèrement érodés. Savoir encore courir. Courir après.

Assouvir sous la pluie les délits, cacher sa plainte. Se faire ombre délicate. Courtiser les poètes. S'enflammer, en aimer un seul. Se laisser vivre. Rouler sous la banquette ou en Rolls sur les Champs Elysées. Abuser d'alcool polonais. Goûter aux drogues artisanales. Perdre pied. Devenir incompréhensible. Chercher la sagesse dans le sport. S'engoncer dans une veste en cuir. Fuir les gens. Tout bazarder.

S'embarrasser d'une incartade. Mépriser l'art. Etre rongé de palissades. Epancher toutes ses doléances au comptoir d'un café avec des inconnus idiots, à moitié ivres, n'éprouver aucune honte précise à cela ou les éprouver toutes. Faire le cadet de ses soucis des exagérations d'autrui. Se contenter de peu. Choisir des journées simples. Opter pour des prières extravagantes devant les stalagmites, les stalagtites qui coulent goutte à goutte à la voûte des souterrains.

Naviguer en eaux troubles. Se pourvoir d'une méthode carrée. Chercher l'autre dans un parc parmi les aliénés. Ne pas le reconnaître. Le voir et le trouver changé. Revenir écoeurée du monde. Abhorrer la chimie. Avoir envie d'administrer à certains diplômés (pas tous) de la "médecine de l'âme" (soit-disant), les mêmes traitements qu'ils préconisent pour leurs patients, les regarder devenir légumes avec le sentiment d'une vengeance légitime et du travail bien fait. Eviter l'alvéole. Se faire pendre juste après le combat. Hésiter entre la retraite à plus de 60 ans ou une fin choisie parfaitement anticipée. Chercher la voix d'un autre qui s'inflige des châtiments. Se sentir impotent face à qui perd le nord. Trouver le panneau des départs. Echapper vite.

Fuir la voix de son maître. Se faire livrer des roses par un serviteur qui oublie la chose confiée, et soudain sans que vous ne le sachiez, se met à vous dominer par mégarde. Offrir au tout venant ses rêveries intimes. Eviter toutes les malveillances. Compter les jours. Les ranger dans des cases, cocher les cases avec une craie. Faire chou blanc d'une fraîcheur matinale dans un bocage microscopique. Protéger la fine fleur rosée par l'aube qui dévore la lune. Ouvrir la porte sur le confort tout familial enguirlandé d'offrandes des Noël indécents. Craindre le père Fouettard puis Janvier sous le gel. Ecraser de ses propres mains quelques colonies de limaces glissant sur les reins d'une statue qui brûle au jardin botanique. Se gaver des fêtes à outrance, goûter l'hypocras couchée sur les marches anciennes de la maison de Thérèse, dans la chambre de Marguerite, vestale du Sacré Coeur et d'un mal plus ou moins sacré. Craindre les papillons de nuit. Leur ressembler.`

Croire que les déserts renforcent la mémoire. Enjôler les aspects prouvant que la matière peut réellement soutenir la forme. Affiner le caillou, le caresser sans y penser tout comme on caresserait le crâne d'animaux tombés des falaises. Partir un crayon sur l'oreille, reconquérir le lieu, la formule peut-être. Se croire porteur de panacée universelle, pourvu d'un don extra lucide, répéter les mots à la suite qui conjurent l'endeuillement. Rouler au milieu des rosaces dans les régions tempérées de l'ancien monde. S'hybrider par la toute puissance du père, du fils, du Saint Esprit. Devenir solitaire en marche, rêver les yeux fermés sur un fil agiter ses bras au bout d'une ficelle. Se faire femme et poupée. Acheter un seul fruit au marché, le poser sur une table parfaitement nettoyée, se l'approprier, comme le faisait Michaux, jadis avec sa pomme :

"Je mets une pomme sur ma table. Puis je me mets dans cette pomme. Quelle tranquillité !"

Revivre toutes les formes de la cruauté. Devenir deux, et m'adonner à vous, tandis que votre esprit repose, loin du monde, après tout. Vous dormez, quelqu'un veille, et vous fait croire que les déserts sont des univers pour vous, qu'ils vous protégeront désormais de tout accident regrettable. Devenir une friandise émiettée dans un autobus, assourdie par les cornemuses d'un groupe de manteaux écossais. Sentir sous la pluie de vraies hallebardes tomber et retomber. Se dire qu'on aimerait que quelqu'un nous explique la théorie du météore minuscule, comment le dinosaure a pondu un jour un archéoptéryx, pourquoi les feuilles des églantiers ont cinq à sept folioles elliptiques. Espérer mettre fin au débat qui agite la science sur la question. Parler de déréglement climatique avec le commis du pépiniériste et sentir le dérèglement tout court, nous pendre au nez. Penser à l'unique seconde d'il y a 160 millions d'années, en période jurassique à l'époque où l'océan venait tout juste de se former. Regarder l'automne avancer.

Craindre une collision dangereuse, une glissade sur des feuilles mortes, des peaux de banane dans l'escalier. Courir en cette ville infestée de d'hérétiques. Convoquer en soi les mensonges, les vérités de l'argenture. Songer à ces gens à traiter qui subissent un grand lessivage pour le bienfait de leur mental puis après avoir été dégraissés, polissés rentrent chez eux l'âme amollie, balayée des passions. Se cuivrer, se chromer, s'oxyder jusqu'au drame. Recouvrir tout le fonctionnel pour lequel nous sommes dévoués, tout le sens d'exister. Se perdre au grand supermarché devant les bouchons noirs des bouteilles de curaçao. Se dire qu'on aimerait bien que quelqu'un nous explique d'où vient ce bleu.

 

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Photo : Un verbe qui se mouille à la pluie d'October photographié en début de soirée entre les échaffaudages d'un chantier au quartier du Tonkin à Villeurbanne. © Frb 2010

mercredi, 26 mai 2010

Le poème Tang

Ecoutez là-bas sous les rayons de la lune, écoutez le singe accroupi qui pleure tout seul sur les tombeaux ;
Et maintenant remplissez ma tasse, il est temps de la vider d’un seul trait.
LI-TAÏ-PE : "La chanson du chagrin"

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Les Tang (ou Thang) montèrent sur le trône de l'an 618 de notre ère, ils s'éteignirent l'an 909. Pendant ces 289 ans, vingt empereurs se succédèrent et presque tous furent dignes de régner. La poésie des Tang se divise en quatre périodes distinctes : le début, la prospérité, le milieu et la fin. Ce phénomène, qui reflète fidèlement la naissance, la grandeur, puis le déclin de l'empire, coïncide également avec les transformations du style poétique. La Chine était à cette époque, à l'apogée de sa puissance et de son expansion. Le christianisme avait fait des progrès en ce pays. Les doctrines de CONFUCIUS et de LAO -TSEU qui officiaient depuis longtemps, n’étaient plus seules à se partager la multitude. Pendant cette période de prosélytisme, la Chine ne pouvait rester en dehors du mouvement général des esprits, le bouddhisme déjà puissant inspirait également les poètes tel SONG-TCHI-OUEN :

[…] Je suis entré profondément dans les principes de la raison sublime,
Et j’ai brisé le lien des préoccupations terrestres.

Si certaines pièces des recueils poétiques des Tang portent l'empreinte du mouvement religieux qui s'accomplissait alors en Asie. La plupart n'en donnent aucune idée, la Chine n'était pas plus bouddhiste qu'elle n'était mahométane ou chrétienne. Le scepticisme, la fusion et la confusion qui y régnaient, se lit aussi dans les poèmes Tang où souvent on remarque une absence quasi générale de croyance, y compris chez les auteurs de renom. Le plus souvent cette absence de croyance ressort dans les poèmes sous forme de souffrance ou de découragement. L'illustre THOU-FOU compare l'avenir à une mer sans horizon. Il épanche sa tristesse devant un vieux palais en ruine :

Je me sens ému d’une tristesse profonde ; je m’assieds sur l’herbe épaisse ;
Je commence un chant où ma douleur s’épanche ; les larmes me gagnent et coulent abondamment.
Hélas ! dans ce chemin de la vie, que chacun parcourt à son tour,
Qui donc pourrait marcher longtemps ?

Il est fréquent que le poète s'égaie comme pour chasser des idées obsédantes, la mort, l'incertitude de l'avenir, sont des thèmes récurrents ; tel cet extrait d'un poème de  LI-TAÏ-PE :

Pour moi, je m’enivre tout le jour,
Et le soir venu, je m’endors au pied des premières colonnes.

On le ressent encore plus clairement dans cet extrait, l'oeuvre se pare d'un titre sans équivoque : "La chanson du chagrin"

Combien pourra durer pour nous la possession de l’or et du jade ?
Cent ans au plus... Voilà le terme de la plus longue espérance.
Vivre et mourir une fois, voilà ce dont tout homme est assuré.

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L'absence de toute conviction religieuse laisse un grand vague à l'âme du poète Tang, et la religion des lettrés s'inscrira finalement dans une morale très floue. C'est plus naturellement le sentiment de l'immortalité de l'âme, l'idée qu'elle pourrait exister indépendamment de l'enveloppe corporelle qui se reproduit alors sous mille formes dans les vers les plus incrédules comme s'il fallait inventer une protestation à toute cette perplexité. Tantôt l'esprit d'un homme endormi se met à voyager seul à travers l'espace, franchissant les distances au diapason de la pensée, et passant les murs d'un cachot, d'un gynécée, afin de consoler un prisonnier, de revoir quelque amante. Tantôt c'est l'âme d'un proche défunt qui est évoquée, celle d'un soldat tué qui se lamente, ou celle d'une épouse rongée par la jalousie, qui par un mouvement violent se dégage des entraves de la chair, pour voler sur les traces d'un époux en voyage et le suivre à son insu. On retrouve aussi dans tous ces poèmes des traces de légendes, de récits populaires, les aspirations vers une autre vie, et toujours le besoin d'espérer ou de croire. D'autres poèmes donnent au soldat le beau rôle. Par exemple dans les oeuvres de LI-TAÏ-PE, on découvre un poème intitulé "Le brave", une rare composition chinoise où l'homme d'épée est exalté aux dépens de l'érudit. Le soldat aura encore un rôle central dans ce poème intitulé "A cheval ! à cheval et en chasse" :

L’homme des frontières,
En toute sa vie n’ouvre pas même un livre ;
Mais il sait courir à la chasse ; il est adroit, fort et hardi.

Quand il galope il n’a plus d’ombre. Quel air superbe et dédaigneux !

THOU-FOU lui même écrira "Le recruteur", l'histoire d'un village dépeuplé par un recruteur, "Le départ des soldats et des chars de la guerre" nous conduit sur les pas d'une colonne en marche :

Partout les ronces et les épines ont envahi le sol désolé,
Et la guerre sévit toujours, et le carnage est inépuisable,
Sans qu’il soit fait plus de cas de la vie des hommes que de celles des poules et des chiens.

Les Tang savent aussi retracer la vie intime des chinois de l'époque. Tel ce poème de MONG-KAO-JEN titré, "Visite à un ami dans sa maison de campagne" :

Un ancien ami m’offre une poule et du riz.
Il m’invite à venir le voir dans sa maison des champs.

D'autres sont de véritables petits tableaux décrivant par exemple deux amis qui se donnent rendez-vous à l'automne pour regarder les fleurs. Pour d'autres, les scènes sont plus animées elles ne s'imprègnent plus de la contemplation de la nature, mais se mêlent à un banquet où le vin coule à flot. Et partout on retrouve les fleurs, indispensables à la poésie Tang.

Combien de fois nous sera-t-il donné encore de nous enivrer, comme aujourd’hui, au milieu des fleurs ?
Ce vin coûterait son pesant d’or qu’il n’en faudrait pas regretter le prix.

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Il y a aussi ces réunions dans la maison d'un ami, les dîners en plein air, les parties de montagne, la promenade solitaire qui porte à un plus haut degré, cette langueur indéfinissable particulière au peuple de Chine.

La lune surgit du milieu des pins, amenant la fraîcheur avec elle ;
Le vent qui souffle et les ruisseaux qui coulent remplissent mon oreille de sons purs.`

Et puis bien sûr, d'autres thèmes ceux-ci incontournables jalonnent la poésie Tang. L'attachement au pays natal, et les douleurs que peuvent causer une absence. Le chinois n'est pas voyageur, quand il part c'est toujours le coeur lourd et quand il se retrouve en pays étranger, rien ne le distrait du souvenir de sa terre natale :

Ne pensons qu’à l’accord harmonieux de nos luths, tandis que nous sommes réunis dans cette charmante demeure,
Je ne veux songer aux routes qui m’attendent qu’à l’heure où il faudra nous séparer [...]
Mais ces doux instants passés ensemble, hélas ! quand pourrons-nous les retrouver ?

L'exil pour le chinois, très attaché à son foyer a de cruelles amertume et l'on pense à l'immense THOU-FOU qui mourût disgrâcié comme OVIDE et qui jusqu'à son dernier jour ne cessa d'exprimer son chagrin :

Devant mes yeux passent toujours de nouveaux peuples et de nouvelles familles ;
Mais, hélas ! mon pauvre village ne se montre pas !
Tandis que le grand Kiang pousse vers l’Orient des flots rapides que rien n’arrête,
Les jours de l’exilé s’allongent et semblent ne plus s’écouler...

Source : Les notes de ce billet ont été inspirées par le travail de présentation et les traductions des poésies Tang du Marquis D'Hervey-Saint-Denys (1862)

Photos : Les brésars du Nabirosina sous le pinceau un peu chinois du Van Ki Tang, photographiés à l'orée de la très mystérieuse forêt de Bliges. Avril 2010. © Frb.

vendredi, 12 mars 2010

Icare II

Si vous avez loupé le début vous pouvez cliquer sur l'image

TREE76.JPGZarathoustra avait remarqué qu'un jeune homme l'évitait. Et un soir, comme il traversait seul les montagnes qui entourent la ville appelée "La vache bigarrée", voici que dans sa promenade il trouva ce jeune homme appuyé contre un arbre et jetant sur la vallée un regard fatigué. Zarathoustra entoura de ses mains l'arbre contre lequel le jeune homme était assis, et il parla ainsi : "Si je voulais secouer cet arbre avec mes mains, je ne le pourrais pas. Mais le vent que nous ne voyons pas le tourmente, les mains invisibles sont les plus terribles." Stupéfait le jeune homme se leva et dit : "J'entends Zarathoustra et justement je pensais à lui". Zarathoustra répondit : "Pourquoi t'en effrayes-tu ?" - Mais il en est de l'homme comme de l'arbre. "Plus il veut aller vers les hauteurs et la clarté, plus ses racines aspirent à s'enfoncer dans la terre, à plonger vers le bas, l'ombre, les profondeurs - le mal." "Oui, vers le mal ! s'écria le jeune homme. Comment se peut -il que tu aies découvert mon âme ?". Zarathoustra sourit et dit : "Il est des âmes que l'on ne découvrira jamais, à moins de les inventer d'abord."

FREDERIC NIETZSCHE : extr. "De l'arbre sur la montagne in "Ainsi parlait Zarathoustra". Editions Flammarion 1996.

Photo : Des arbres s'élèvent au printemps sur la colline (qui travaille). Peut-être s'envoleront ils en Avril ? Photographiés sur le Boulevard de la Croix-Rousse à Lyon en Mars 2010. © Frb.