samedi, 10 juillet 2010
Argh ! (Pan-art ?)
L'homme écrit sur le sable. Moi ça me convient bien ainsi ; l'effacement ne me contrarie pas ; à marée descendante, je recommence.
JEAN DUBUFFET : extrait de "Prospectus aux amateurs de tout genre". Editions Gallimard (1946).
Nous prenons appui dans le vide, nous lui donnons un autre nom, nous transformons les arbres en sculptures mobiles émiettables. Nous leur donnons un autre nom. Nous augmentons ainsi la valeur du monde. Ce leurre coule mollement, comme du jus de cerise sur un caraco blanc. A la faveur des guignes, doucement nous évoluons. Des fabrications nous émondent, on croirait qu'elles rendent invincibles. Cette erreur est insoupçonnable. Nous exhibons des mines radieuses entre deux précipices. Un chant infiniment poreux, nous guide, que rien n'effleure, d'aucune façon, nous sommes tels que nous sommes, pareils à des éponges. Ces bestioles nous avalent, nous recrachent puis nous parent d'une lucidité intenable. Nous touchons des régions glacées, éloignées des mondes vivants. De là nous espérons recomposer les plus beaux chants. Des chants d'Amour, de retrouvailles... Nous cherchons des superlatifs pour aborder les continents, incapables d'aller au bout. Il n'est nulle place en nous qui ne soit pas poursuivie d'ombres. Nous haïssons ces fantômes puis nous les infligeons à ceux que nous aimons. Nous pensons prétendre là, à l'immoralité. Une oeuvre attend son heure, son élan, ses métamorphoses. Nos corps se voilent, apprennent les danses orientales
"Danser est le fin mot de vivre et c'est par danser aussi soi-même qu'on peut seulement connaître quoi que ce soit : il faut s'approcher en dansant"(1)
Le Saïdi, la guerrière, qui attire la terre, fait valser la misère du monde, avec ses sauts de jambes et ses jeux de cannes. La musique émet des bruits variables, secoue son tremolo, les corps vibrent à l'assaut d'un rythme qui augmente, accélère le rythme cardiaque. Nous affichons la modestie avec une rage émouvante, un modus vivendi gît au coeur du mirage. Nous ne supportons pas de subir la moindre réflexion. La réflexion est pourtant notre grâce. Nous sommes des artistes au coeur pur, véridique, il nous importe de créer "ce qui ne se fait pas forcément", adjonction d'un rayon de mots nouveaux, abandon des règles des trois unités, etc... L'expérience se détache peu à peu de notre mémoire.
Ici le verbe est vulnérant, la caresse hypnotique. Je suis des yeux le mouvement d'un étranger qui me parle et me cloue sur le front un rubis à tête de phénix. Le ciel vire au gris anthracite, une lueur blanche dans les cheveux, me donne des airs d'enfant idiot. L'imprudence allume une mèche qui met tout à feu et à sang. Pourvu que ciel brûle ! nous posons des verrous magnétiques comme jadis on posait des lampes de sûreté dans les mines à charbon, courons grimés à l'authentique, une question inconnue taraude, sans visée et sans nom, des masques aux sourires monstres remplacent la fureur d'autrefois ; il nous vient parfois une grimace mais toujours nos éclats nous trompent. Nous déroulons des séries de rubans multicolores pour distraire quelques habitants. Notre âme jadis si peu disposée à se corrompre émet maintenant des sons de batterie de cuisine, de placards à balai. Tout pour le mieux dans un monde fait à notre image. La démarche est précieuse tout autant qu'implacable. Nous devenons des Dieux vivants. Nos têtes coupées s'enfoncent lentement dans le sable... Notre réalité commence à cet instant.
(1) Jean Dubuffet : Extr. de "Prospectus et tous écrits suivants".
Photo: Un fragment de fresque éphèmère portée sur deux ou trois édifices vue au coeur de la nuit, une fois, (une seule, hélas !), Montée de la Grande Côte, effacée dès le lendemain. Mille excuses à l'artiste, (parisien, il me semble (?), graffeur fou, inspiré, je n'avais pas de quoi noter son nom, je ne sais pas si la signature en était seulement lisible dans la nuit, il me semble avoir retenu, parmi d'autres, le nom du plasticien Yves Koerkel qui exposait de source sûre, sur ce mur également, mais je ne peux pas confirmer (vraiment navrée), que ce grand dessin noir sur blanc soit de lui, si quelqu'un en sait plus, tout renseignement est bienvenu, sinon je tâcherai de me renseigner ici ou là, chez les "spés du street art" et autres copains graffeurs. Sait-on jamais ? En attendant de peut-être, préciser, je transmets toutes mes félicitations à l'artiste pour la belle sauvagerie in situ. Photographiée en remonte-pentes (de la Croix-Rousse), entre la rue Leynaud et la Burdeau à Lyon au printemps 2010. © Frb.
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mardi, 06 juillet 2010
La notte
Ne nous faisons pas d'illusions au moment où elle nous imagine, la réalité devient notre ennemi numéro un.
Nota.
C'est une nuit où presque rien n'arrive, mensonge et vérité sont étroitement mêlés. La vue est imprenable comme le jour où par temps clair, on aperçoit d'un point précis, pas loin de la rue de l'Alma, une sorte de flou mais très sûr, au dessus des flots lumineux, un peu de brume, à peine, sur une mer impavide. La nuit, des liqueurs infectes sont offertes par des créatures qui caressent, en riant un énorme ventre affamé. La nuit se porte comme un calice, se joue d'un rébus couturé, qui nous décompose à mesure qu'un mystère se trouve révélé. Tout nous voue à l'obscurité, en cette place oscillante, aux souvenirs des joies de la veille devenues presque indifférentes et aux présages de joies futures qui n'adviendront peut-être jamais. Dans les monts, le soleil se couche derrière la terre. Un homme glorieux se sauve sur un cheval au galop. Un faisan est égratigné. Mais l'instinct résolu ; le faisan blessé reste en vol. Des choses se consument hors du monde, et d'autres naissent à la limite. Le silence annule toute offrande. L'épuisement viendra avant l'aube. Quelque chose nous mesure encore entre mille étoiles piétinées.
La notte.
Les personnages se sont trouvés, mais ils ont du mal à communiquer, parce qu'ils ont découvert que la vérité est difficile, elle demande beaucoup de courage et des résolutions toutes impossibles dans ce qui est leur milieu respectif. Cette ville leur ressemble, elle est morose et vide. Deux minuscules silhouettes au pied d'un gigantesque immeuble blanc, et des visages exsangues expriment un profond désarroi. Les voix tenteront en vain d'écrire l'évanescence. Rien ne sera préservé. Une bande magnétique, des cocktails, des espaces et des gens très lentement se délitent. Les trompe-l'oeil font mourir. Les reflets des arbres et les bâtiments traversent les visages, des rêves sont sacrifiés autant que l'émancipation. Une femme lance son poudrier pour atteindre une dernière rangée de carreaux, l'homme veut aussi jouer. Pris au jeu et piégé. Il va perdre. Quelque chose se détache. L'homme ne mesurant pas les conséquences de ses actes, ne remarque pas que sa femme va le quitter. Il ne sait plus quoi dire, quoi penser, ni surtout quoi sentir...
"Le mur derrière la femme est blanc, traversé d'une ombre en forme de ligne noire, un trait épais qui ressemble à celui qu'on pourrait faire avec un marqueur sur une image qu'on veut rayer. Cette ligne noire ne raye pas la femme mais le mur qui est derrière elle; le trait noir meurt dans son dos, s'y enfonce, blessant, comme une grosse épée d'ombre, son dos se courbe lorsqu'elle raccroche le téléphone. Après quelques secondes d'une évidente difficulté à se redresser, la femme tourne son visage vers cette ligne noire d'où proviennent aussi les voix et bruits des autres. Elle ne dira rien à personne. Au lever du jour, plus rien ne sera comme avant".
A tribute to Michelangelo :
http://cinema.encyclopedie.films.bifi.fr/index.php?pk=42451
http://home.comcast.net/%7erogerdeforest/antonioni/
http://blog.lignesdefuite.fr/post/2007/08/02/lobjet-repre...
Photo : La nuit, vue de la grande esplanade (au seuil de la rue Pierres Plantées et de la rue Jean Baptiste Say), qui précèdent l'ultime petite montée jusqu'au boulevard désert, au plus haut point de la colline endormie. Lyon, Croix-Rousse, autour de trois heures du matin. Juillet 2010 © Frb
02:46 Publié dans A tribute to, Arts visuels, Balades, De visu, Impromptus, Mémoire collective | Lien permanent
samedi, 03 juillet 2010
Une nuit à la fenêtre...
J’ai élevé chez moi un petit cheval. Il galope dans ma chambre. C’est ma distraction.
HENRI MICHAUX "Lointain intérieur" in "Plume ; lointain intérieur" Gallimard, collection poésie 1985.
Les nuits d'été, sont lourdes irrespirables. Elles se succèdent toutes pareilles. Les nuits sont noires (pas autant que certains jours en nos villes mais tout de même ), les nuits sont blanches, et je les passe à la fenêtre qui m'offre une vue imprenable sur un ciel absolu, infini. Ma nature adorant le vide, je m'y noie à feuilleter mentalement "Le Grand Livre des Pourquoi" qui fit les délices de l'enfance et me revient régulièrement de mémoire, avec ses casse tête plus ou moins chinois d'une simplicité désarmante, enfin bref, c'est un ouvrage plein de ces questions pour les moins de huit ans, auquel nul ne pourrait répondre (pas même les tricentenaires ni madame Jesétou, éminente théoricienne du grantou devant l'Eternel, pour qui un jour ou l'autre il faudra bien composer un panégyrique)... Mais je m'égare. Ceci ne sera encore qu'une modeste nota/ notte à la fenêtre d'une chambre plus petite que l'esprit qui s'y perd (quoique...), et plus grande, (si j'en crois mon cheval), que mille fois l'univers entier. Et voilà aussitôt que je me demande pourquoi le ciel est noir la nuit alors que la lune qui m'éclaire et les étoiles qui entrent dans ma chambre sont si étincellantes. Mais au même moment quelqu'un frappe à ma porte : "Qui va là ?", Une grosse voix me répond : "N'ayez crainte, c'est monsieur Heinrich Wilhelm Matthaus OLBERS ! pour vous servir !". Je n'en crois pas mes yeux, l'astronome en personne ! ce grand découvreur d'astéroïdes est venu exprès de Göttingen, sur son alezan lacté, me visiter, afin de m'expliquer grosso modo le contenu de son paradoxe, si fascinant, que je ne pourrai (dans mon immense générosité), garder cela une seconde de plus pour moi seule, ainsi je me sens investie d'une mission toute nouvelle, celle de vous présenter (grosso modo) le paradoxe de OLBERS, si toutefois il vous est encore inconnu. Ames sensibles, s'abstenir ! c'est une histoire qui finit mal.
"Le paradoxe de OLBERS est une contradiction apparente entre le fait que le ciel est noir la nuit et le fait que l'Univers était supposé statique et infini à l'époque. Si on suppose un univers infini contenant une infinité d'étoiles uniformément réparties, alors chaque direction d'observation devrait aboutir à la surface d'une étoile. La luminosité de surface d'une étoile est indépendante de sa distance : ce qui fait qu'une étoile semblable au Soleil est moins brillante que celui-ci, c'est que l'éloignement de l'étoile fait que sa taille apparente est beaucoup plus faible. Donc, dans l'hypothèse où toute direction d'observation intercepte la surface d'une étoile, le ciel nocturne devrait être aussi brillant que la surface d'une étoile moyenne comme notre Soleil ou n'importe quelle autre étoile de notre Galaxie.
Une autre explication consiste à considérer que le milieu cosmique n'est pas parfaitement transparent, de sorte que la lumière provenant des étoiles distantes est bloquée par ce milieu non-transparent (des étoiles non-lumineuses, de la poussière ou des gaz), de sorte qu'un observateur ne peut percevoir que la lumière provenant d'une distance finie (comme dans un brouillard). Cette explication est incorrecte, car le milieu devrait s'échauffer en absorbant la lumière. Au final, il se retrouverait aussi chaud et aussi lumineux que la surface d'une étoile, ce qui pose à nouveau le paradoxe [...]
Ce paradoxe est important, une théorie cosmologique qui ne saurait pas le résoudre serait évidemment invalide. Cependant, une théorie qui résout le paradoxe n'est pas forcément valide. Après quoi tout ce qui brille nous laissera pantelants, affamés, à ras des cailloux, mais là n'est pas le plus le plus tragique.
[...] Il est clair que dans sa formulation initiale, on faisait implicitement l'hypothèse que les étoiles pouvaient briller indéfiniment. Or on sait aujourd'hui que c'est faux et que les étoiles ont une durée de vie finie."
Grand livre du pourquoi et autre liens utiles, sûrement complèmentaires :
http://www.astrosurf.com/nezenlair/nel3/olbers.htm
http://oncle.dom.pagesperso-orange.fr/astronomie/histoire...
http://tice.education.fr/meteo/rayonn/jour_nui/html/jn01....
http://fr.wikipedia.org/wiki/Univers_observable
Photo: La nuit à ma fenêtre, ornée d'une charmante bimbeloterie lumineuse, à en frôler le haïku, mais bon cette fois ci je vous l'épargne. Lyon by night. Juillet 2010.© Frb.
05:42 Publié dans ???????????, A tribute to, Ciels, De visu, Impromptus, Mémoire collective | Lien permanent
jeudi, 01 juillet 2010
Ceux qui partent / Ceux qui restent...
Ou 22 secondes de vie estivale citadine.
05:39 Publié dans Actualité, Art contemporain sauvage, Balades, De visu, Impromptus, Le nouveau Monde, Mémoire collective, Transports | Lien permanent
vendredi, 11 juin 2010
Une semaine de catas (thema part I)
"Quelle force, quelle cuirasse faut-il avoir pour encaisser tous les coups de griffes que l'on va recevoir ?"
HENRY MILLER, extr de "Henry Miller, rocher heureux", par Brassaï.
Si vous n'avez pas de feu sur vous, vous pouvez cliquer sur l'image
La nature ment. L'aise émerveille. Le monde est là, l'outrage nous charme. L'effort s'y heurte puis la voix se promène sur les heures, les balaye. Elles se dévident sans cesse. Est ce lui qui vient ? Craque des allumettes, s'enfuit devant le feu qui dévore l'envoilure puis essaye à pas lent de chiffonner les toits ? Dans l'ennui passe l'ennui. Les œuvres tombent en ruine, nous exilent loin des Dieux. Au premier jour qui vient tous les coeurs s'illuminent, le lendemain un autre se lamente en regardant l'anthère d'une fleur arrachée sous la touche du piano secoué d'impatiences et raconte à qui veut bien l'entendre, que sa bonté fût flouée par indifférence. Les rôles sont inversés si aisément ! toute cruauté bien travestie et convulsée de pleurs restera émouvante, un vibrato chéri envoûtera la littérature. Plus tard, en effeuillant un livre qui parle de bombe atomique (au Japon, ou ailleurs), on tombera sur une page si blanche où la méprise à ce jour impossible, paraîtra demain évidente. Tant de gâchis pour rien. Avec quoi pourrions nous l'effacer ?
L'inexorable excite un venin malséant. Tu le vois, le moineau-migrateur à ta porte ? Soufflé par de minuscules guerres, et frissonnant à l'aube ? Quand l'éboueur dépose la tête de ton aimée, sur un paillasson impeccable, lèvres closes. Enfin muette. La voie est libre. Le temps dévore l'acier, soulage un four incandescent, hameçonne au désert à lent terme le dépassement et d'autres choses effritent l'âme terrienne. Les beaux débats secoués d'infâmie, la trahison qui prend de jolis airs de fête et mille faux semblants épuisent la splendeur des épithalames. Tout gêne. Il y a ces toits chiffonnés que j'essore dans la mer où pullulent des petites algues mortes. Il y a des reniement si laids, que l'alphabet entier refuserait d'y prêter les angles (obtus) ou les courbes (qu'on dit sensuelles), d'une seule lettre, pour leur donner un nom, (ne prêterait ni A, ni E, ni N, ni I ni U et encore moins le M) ... Il y a des parenthèses qui se referment à l'envers sur six milliards virgule sept cent quatre vingt treize créatures humaines parmi lesquelles il est impossible de retrouver sa moitié. Tout blesse. Je suis à l'ouest. Des margraves veillent sur mon sommeil, ils portent d'azur, à l'aigle échiquetée d'argent et de gueules, becquée, languée, membrée, couronnée d'or. Quand je ferme les yeux tout s'empresse, pleure, ou disparaît. Je suis dans le Grand Nord, sur une presqu'île presque déserte, assise à la terrasse d'un café somptueux. Et maintenant par dépit, je regarde un garçon danser.
Comme il est beau ce fêtard triste et chevelu !
Est ce lui qui broute sur de secrètes bestioles ? Damne son poulpe étourdi d'amusettes, jette des tubéreuses sur la méchante époque et les mêle à l'acide qui va en ce jardin, saccager les beaux entretiens. Demain nous serre, tristement sous son aile, barde le monsieur qui se rince au bar. Sa déroute amusera. Est-ce lui qui vient ? Administre à pas lourds des châtiments encore pour rien ? Les enclos minent la providence, de belles paronomases arrêtent l'été, hélas ! "amantes sunt amentes", les amants sont ils fous ? Se piquent de vanités près desquelles on s'endort, tandis que le pas se poursuit hantant les anciens parallèles. Est ce lui qui étreint les fadaises et se crève les yeux à toujours vouloir surplomber l'humain ? Lui qui se vante encore de glisser à la fosse, l'élégant baise-main ? Lui que l'ennui a jeté dans l'adoration tant des étoiles que des ténèbres, de l'exaltation au dédain, abhorrant aujourd'hui, son amie de la veille. A tant rapiner les émois, chassés dans les jungles éphémères, on se noierait à marée basse. L'extase est vil, l'humus est là. Il étouffera tous les mignons. Dans l'ennui, j'aime ce monstre et l'ange qui porte le sommeil au milieu de l'après-midi. Le jour nous pare de muselières. La nuit nous ferons mijoter des amanites solitaires avec les amanites blanches mortelles. Il n'y aura peut-être aucun survivant. Des éléphants sommeillent sur des cadavres tièdes.
Ici les biquets se déhanchent.
CATACLYSME.
http://www.deezer.com/listen-3848070
Photo : Image extr du film de Anton Corbijn: "Control", (2007).
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jeudi, 10 juin 2010
Une semaine de catas (thema part II)
Pourquoi chercher le bout de la chaîne qui nous relie à la chaîne ?
TRISTAN TZARA extr. "L'homme approximatif". Editions Gallimard 2007.
MARDI.
Louis pouvait maintenant rester des heures dans la même position, qu'on lui plie le bras ou le soulève, son bras restait plié ou soulevé, qu'on le pique avec une aiguille, plus rien désormais ne le faisait réagir. Il ressemblait au cadavre, qu'il avait lui-même découvert, à l'aube dans ce fenier, un visage redevenu mémorable qu'il avait cru voir un instant lui sourire, au bout d'une corde. Son frère repensait à tout cela en regardant le savon mousser entre ses mains. Il avait tout compris, et il s'était promis qu'il ne piperait jamais mot à personne, même s'il y avait encore quelque chose à sauver. On ne badinait pas avec la justice immanente, le Seigneur faisait son boulot, il réparait les infamies, et cela était juste et bon. Il faudrait laisser en état ce décret qui venait d'en haut, il marmonna "dans la vie, tout se paye" en approchant ses mains d'un immense torchon blanc.
Il songea que son pauvre frère avait dû reconnaitre le visage de Jeanine, cette fille née de travers, avec une petite case en moins, à qui il avait dû promettre pour rire, monts et merveilles, un jour de foire, il y a plus de 40 ans, suite à un pari bête avec des copains de régiment. Il avait dit à Jeanine, des choses très émouvantes, avec l'air d'y croire tant lui même, qu'elle avait tout gobé mot pour mot. Pour épater les copains, dissiper l'ennui de ses permissions, faire briller un pari contre quelques fillettes de côte de Beaune, il lui avait dit qu'il l'aimait, plus que cela, qu'elle était la femme de sa vie, il l'avait toujours su et quand il aurait fini son armée, qu'il reprendrait la ferme de son père, alors, il l'épouserait, elle, pas une autre.
Jeanine avait l'âge mental d'une enfant de 10 ans. Elle rêvait de robe blanche et de trenne, tout son imaginaire s'offrait aux balancelles, aux cornets de dragées bleues et roses, au prince charmant. Et, le prince charmant était venu, revenu exprès pour elle, elle en était persuadée. Il y a juste quarante ans, Louis était reparti finir son régiment, deux ans à l'étranger, elle l'avait attendu chaque jour, en comptant les minutes, les secondes, courant au moindre bruit d'auto, de son lit à la fenêtre, le coeur battant au moindre grincement de porte. Aucun objet n'avait pu la distraire, ni tricotin, ni chapelet, pas même les ouvrages au crochet, encore moins les napperons, pourtant brodés amoureusement, avec ses initiales à elles, ses initiales à lui, bleues et roses, côte à côte et toujours enlacées. Elle avait attendu ses lettres, quelque signe de lui. Elle n'obtînt rien. Il n'était jamais revenu au pays, pas avant la semaine dernière, et bien qu'il n'eût guère envie de retrouver ces paysans qui trahissaient une origine qu'il abhorrait plus que tout, il avait bien été bien forcé par devoir, peut-être par superstition, de sacrifier un peu de son temps, pour venir enterrer son père. Il n'avait pas tenu à s'installer sur le banc avec la famille. Cette cérémonie était l'opportunité parfaite et symbolique pour bien leur signifier qu'il n'avait plus rien à voir avec eux, un frère qui ne parlait pas ou qui parlait si bas qu'on le comprenait à peine, des cousins, des cousines plus ou moins attardés. Quant à ses anciens copains, d'école ou de régiment, la plupart étaient devenus crétins, abêtis par l'alcool. C'est ainsi qu'il les voyaient tous, des humains aussi bruts que leurs bêtes, dénués du moindre désir de transcender quoi que ce soit, avec leur petite vie foutue d'avance, et des conversations trop terre à terre.
Après l'armée, Louis avait rencontré sa future épouse, une élégante, très raffinée, professeur de philosophie, qui le trouvant bel homme mais pas trop dégrossi, l'avait aidé à passer des diplômes et des équivalences. Il n'avait pas voulu que ce soit dit, il en avait bavé plus que les autres, mais il était devenu à son tour, après des efforts insensés, professeur de philosophie, versé dans toutes sciences humaines: sociologie psychologie et surtout dans la poésie. Il enseignait maintenant à la Sorbonne et fréquentait un cercle de bels gens trié sur le volet, tous érudits. Il était devenu de surcroit, le principal maître à penser d'un cénacle de parnassiens. Il avait oublié le village, et aussi que son frère avait dû reprendre la ferme à sa place au lieu de poursuivre des études pour lesquelles on le disait doué. Cela était un autre sac de noeuds, mais il avait tourné cette page. Ces gens étaient trop petits pour lui. C'est ainsi que depuis quarante ans il s'appliquait à jouir du temps présent et à se cultiver, parmi ceux d'une société formidable à laquelle il appartenait.
C'était sorti comme une voix hors de lui, un grossier personnage reniant aux plis les surfaces arrondies du monsieur délicat qu'il était devenu. Il ne s'était pas montré très aimable, en lui criant "Vas te faire pendre !". Il n'avait pas reconnu Jeanine, en cette souillon qui trainait autour de sa chambre, soir et matin à la même heure, en gémissant, et qui semblait l'épier, importunait jusqu'à Madame son épouse, en lui jetant des cailloux au visage. Louis avait cru à une mendiante de celles dont on ne peut se débarrasser qu'en leur donnant quelques gri-gris, des porte-clefs ou des médailles. "Ces femmes ont quelque chose d'ensorcellant, tant qu'elles n'obtiennent pas ce qu'elles désirent...". Il lui avait donné un mousqueton, pour la calmer, cela n'avait pas suffi. Il n'aurait pas pu dire combien de fois il avait croisé cette folle depuis son arrivée. Dix fois par jour, peut être ? Ca devenait trop harcelant. Elle le hantait. Son frère le regardait de loin chasser Jeanine comme on chasse la vérole et restait stupéfait qu'on puisse à ce point oublier.
Jeanine après de longues années d'attente, s'était lentement affaissée, dans un monde bien à elle, entre ses rêves de pureté et une saleté réelle. Elle était devenue méchante, à force d'implorer le ciel. Sa vie n'avait été qu'une douloureuse attente, agrémentée par des rituels quotidiens, incompréhensibles, pour le retour de son aimé. Et elle savait qu'un jour il reviendrait. Que tous deux, ils se marieraient. Il lui avait promis. Cela ne pouvait être autrement.
Il y avait eu une altercation très violente, juste en bas du fenier. Jeanine, s'était jetée sur lui, pour l'embrasser, enfin comblée ! le frère avait vu ça de loin, assis sur le muret des cabanes à lapins, avec sa pipe en coin et son béret sur le côté. Il avait entendu les injures proférées, hurlées et répétées. Ca allait loin ! Le frère songea qu'aucun homme, même le plus grossier, n'avait le droit de dire des choses pareilles à un autre être humain. Après avoir déversé les pires mots sur la femme, Louis était parti sans se retourner, il s'était adressé à son frère juste pour pester encore, de ne pas être à cette heure, à son cercle privé de poésie, qu'il animait tous les mardis à St Germain des près. Il ne cachait plus son irritation à devoir encore rester un jour au pays. C'était le jour de trop. Le frère ne comprit pas d'emblée, pourquoi Jeanine avait trainé la grande échelle.
L'après midi fût plus tranquille, une belle journée d'été. Le lendemain à l'aube, le frère s'aperçût que la corde qui tenait la cloche du portail, avait été volée. La cloche gisait dans l'herbe. Comme ce matin, si tôt, il n'avait pas encore vu Jeanine dans les parages, le frère eût une intuition un peu sombre. Il se dit que cette histoire avait assez duré. Il était temps que le Seigneur intervienne. Il courût dans la chambre d'amis chercher Louis, à peine éveillé, prétexta qu'il fallait à tout prix monter dans le fenier pour l'aider à descendre un outil dont il avait besoin tout de suite, et comme lui, avec sa sciatique etc, etc... En échange de l'hospitalité, "pour une fois un petit coup de main"... Louis accepta, c'était son dernier jour ici, "après tout rendre petit service" il pensa que :"ça ne mangeait pas de pain !". C'est là haut, dans un coin du fenier, en voyant de près le visage de la créature, un visage rajeuni de 40 ans qui, au bout d'une corde, encore, lui souriait comme en adoration, avec cette drôle d'expression qu'on eût dit de béatitude, qu'il dût se passer quelquechose. Après quoi tout devient mystérieux.
Le médecin appelé d'urgence par le frère devant les deux corps immobiles dont un seul respirait, plia le bras, piqua un peu l'homme partout avec une aiguille. Plus rien de ce corps ne réagissait. C'est ainsi, désormais que le malade vivrait, figé dans une posture horrible, comme celle d'une statue hantée, ou d'un cadavre dont l'âme s'épuisait aux enfers. Avant de repartir tout en saluant le fermier, le médecin crût très utile de rajouter: "Pour guérir votre frère, cher monsieur, il suffirait que je connaisse la cause profonde du choc terrible qu'il vient d'endurer, si vous avez quelque élément, n'hésitez pas à m'en parler, ce serait l'unique moyen de le guérir". Le frère prit un air désolé "vous savez moi, je ne sais rien, j'suis jamais au courant de rien !". Dans le foin, le visage de Jeanine était devenu sublime, près d'elle un homme mort respirait, la bouche déformée, fixée dans une grimace affreuse. Quand le medecin fût reparti, le frère alla avec un petit sourire en coin jusqu'au robinet de la cuisine, il vit par la fenêtre, passer l'épouse de Louis dans sa nuisette en tulle. C'est vrai qu'elle avait belle allure ! il remonta sa grosse culotte de velours d'un air très satisfait, fît un clin d'oeil complice au portrait du Seigneur qui trônait dans un cadre au dessus du buffet puis se lava les mains longtemps.
CATALEPSIE.
Photo 1 : Judas bois polychromé, détail art lorrain du XVem siècle.
Photo 2 : Reproduction d'un Christ couronné d'épines. Art lorrain, début du XVI em siècle tiré d'un catalogue ancien sur le "Nouveau musée de Metz". Archives personnelles. ©Frb.
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mercredi, 09 juin 2010
Une semaine de catas (thema Part III)
Que serions-nous sans le secours de ce qui n'existe pas ?
PAUL VALERY : Extrait de la "Petite lettre sur les mythes", publiée dans la NRF en Janvier 1929, puis réunie avec d'autres textes dans le recueil "Variété II" aux Editions Gallimard 1998.
Pour accéder à la couleur vous pouvez cliquer sur l'image.
Mercredi.
J'ajuste sur les bans de sable, la lune et ces désemparés qui gardent au delà des récifs, le temps à l'échelle cosmique et ces phares qui n'invitent à rien. J'oublie les vagues brûlant la trêve, et les digues que ce corps enroule dans le bel azur usagé. Je mesure le rectangle blanc, le nuage d'une vierge inique et le désenchantement de tout. J'accroche un oeil à la paterne, je cherche un vieux pêcheur de perles, le grandgousier, poisson lanterne, qu'on appelle encore "anguille abyssale". Des poissons-papillons sèchent juste au milieu du pont. J'apprivoise le corail comme s'il était l' animal ami, servant à l'apaisement d'un ennui qui vient sûrement au cours de longs mois de voyage. Je capitonne le souterrain, l'éclaboussure habituelle m'envoie une vapeur légère. Un halo de lumière convoque une fois encore les sédiments. Sous ce multicoque avenant il se passe de curieuses choses qui vont toujours en avalanche. Je partage l'effacement pour ne pas savoir ce qui coule, culbutant le compte à rebours, prise au piège des organismes fantastiques et multicellulaires. Je comprends le vert et le rouge et le violet couleur de fastes toutes les mollesses baladeuses et les stratus à formes de jonques. Je collectionne les poissons rouges et les têtes de barracudas qui dévorent entre elles leurs grimaces, je comprends le vert et le rouge, et le violet couleur de farce. Le soleil plombe ma voilure. Je deviens presque insubmersible. L'océan ne donne sur rien. L'eau est folle et le vent est doux, le fond geint de bestioles cachées. Je garde la tête dans mes mains face à l'oeil fou qui m'atomise. L'avantage revient aux vestiges à cet endroit presque infini où le geste a mêlé l'eau de source au sel. Je vide mon sac dans les embruns. Je me détourne de la matière pour flotter entre les pigments. Partir me prend, au large et le plus loin possible, jusqu'à ce que le ciel et l'eau fondent. A la tempe me pousse une cible; aux oreilles des anneaux de gym, je tombe du haut du Lloyd's building comme sur le pelage d'une hermine, je tente le musc, les senteurs d'ajoncs. Les flots de l'océan indien, me trouvent. Au pays des cholas, j'ai dû rêver longtemps à demie-endormie sur les flots, à ne plus savoir s'il est vrai ou faux que ces ports sont à ce point artificiels : Chennai (ex Madras), Cuddalore, et Pondichery (ou Pondycherry ou comme on dit en abrégé "Pondy"). J'y passerai des jours à tisser le coton. En attendant j'astique mon multicoque avec amour. Rendez vous sur l'île d'or... Où Monsieur William m'attend pour un autre voyage toujours autour du monde, mais cette fois à l'envers. Le vent monte crescendo, le capitaine ne parle pas ; et pour faire passer les secondes au moins jusqu'à demain matin, je fais et redéfais des boucles. J'apprends et réapprends sans cesse la confection du noeud Zeppelin...
Catamaran.
http://www.youtube.com/watch?v=J_G9RRY7SS0
Photo : Ceci n'est pas un catamaran. Peut être n'est ce que le faux semblant du port d'attache de notre cata 1 ? Ou un catamaran parti ? (un catapamaran ?). Photographié la nuit sur les berges de la Saône, à la face de Saint Georges (qui travaille à la terre) pendant que nous flottons. Lyon. Juin 2010.© Frb.
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mardi, 08 juin 2010
Une semaine de catas (thema Part IV)
Beaucoup de gens, peu d'idées, et comment faire pour nous différencier les uns des autres ?
MILAN KUNDERA, "L'immortalité", Editions Gallimard 1993.
Jeudi.
Petit déjeuner. Cuisson. Ustensiles de cuisine. Aide culinaire. Soin du linge. Entretien des sols. Confort de la maison. Beauté femme. Beauté homme. Bien être. Famille. Lave linge. Sèche linge. Lave vaisselle Micro-onde. Four encastrable. Cuisinière. Plaque de cuisson. Hotte. Réfrigérateur. Congélateur. Cave à vin. Barbecue. Woody Camping Gaz. Clavier musical. Disney Princesses. Portes de service. Batterie à partir de 54,50 € du 31 mai au 10 juillet offre exceptionnelle 20 % sur les échappements et catalyseurs. Auvents. Fenêtres de toit. Fenêtres et portefenêtres. Films pour vitrage. Moustiquaires. Portes d'entrée. Maillots de bain. Portes de garage. Raccords pour fenêtres de toit. Robe tunique rayée + ceinture fille du 6 au 14 ans jusqu'à - 30 % depuis 6,99 €. Stores de terrasse. Stores pour fenêtres de toit. Vérandas. Volets. Motif en strass. Plaquette de strass. Kits et accessoires. Autres sous-vêtements. Alarmes autonomes. Mini-alarmes. Soutien gorges. minceur. Cylindres de serrure. Entrebailleurs. Portes blindées. Serrures. Serrures multipoints. Targettes et petits verrous. Verrous. Vidéosurveillance. Lambris et revêtements décoratifs. Parquets. Planchers. Séjour gourmand. Slips. Strings. Boxers. Mini souris optique filaire Compact 500. Maillot 1 pièce "Aventure". Robe "esprit" fille du 2 au 11 ans. Lot de 4 sets de table bicolores. Salon et Salle à Manger. Nappe. Linge de table. Affiches et posters. Antiquités. Sabots. Sandales. Espadrilles cuir. Fournitures. Photographie. Reproductions. Oreiller ergonomique anti acariens. mules Birkenstock au dessus synthétique. Cache-sommier à nouettes et poches, super déco en toile 80% coton, 20% polyester, décliné dans des coloris très tendance. Pantacourt toile stretch.Yaourtière automatique. Tondeuse Bikini Femme Fatale hot 111E. Parasol chauffant à gaz. Sèche-cheveux "Shinetherapy" D444. Barbecue gaz australien 2 brûleurs. Écharpe polaire (3 coloris, bien chaude et toute douce). Le string dentelle et tulle plumetis 75% polyamide, 14% élasthanne, 11% coton. Table de cuisson gaz FGL641IT. Store enrouleur concept easy (facile à poser). Ceinture électrostimulation pour homme Flex. Tunique version imprimée ou version unie (La tunique... on aime son côté bucolique ! jersey 100 % viscose). Mini cave à vin de mise en température. Slip fantaisie en maille confort et douceur. Bande cache-sommier en jersey traité anti-acariens. Cravate pure soie longueur 150 cm. Chapiteau de réception, long. 8 m. Kit beauté des pieds. Protège-matelas molleton stretch. Téléphone répondeur. Sèche-cheveux Salon Dry Pro AC lite HP. Drap de bain 500 g/m², 3 coloris. Socquettes bambou lot de 2 paires, coloris assortis. Coupe-bordure à lame. Mocassins style joggers. Support pour accessoires d'entretien. Armoire triple pour salle de bain. Maillot replica coupe du Monde de foot 2010. Casquette 35 % laine. Piscine autoportante diamètre 3,05 m. Rehausse en pin massif. Escarpins petit talon découpes fantaisie. Machine à pain. Table octogonale pliante eucalyptus. Culotte minceur. Pantacourt paréo boule en voile pur coton, entrejambe 62 cm. Matelas gonflable compact et léger. Collants spécial fatigue 40 deniers. Rasoir Arcitec Serie 1000 RQ1085. Store bateau tamisant petite largeur. Baskets joggers aspect froissé. Débardeur fines bretelles. Poubelle en métal 2 modèles, 2 coloris. String tulle et dentelle. Mini lave vaisselle. Dérouleur 3 en 1. Porte-balais. Mini-étagère extensible. Legging stretch chiné longueur chevilles. Bain de soleil à roulettes. Panier porte-bûches en saule tressé grisé. Crochets sans clou ni vis. (lot de 2.). Poubelle à ouverture automatique. Toutes les bonnes affaires...
Catalogue.
http://fr.calameo.com/read/000230544f6cb5deaac63
Photo : La mer (et autres produits dérivés). Lyon. Juin 2010. © Frb.
lundi, 07 juin 2010
Une semaine de catas (thema Part V)
Quand une jeune fille se met une fleur dans les cheveux, quand une plaisanterie surgit au cours d'une conversation, quand nous nous perdons dans le clair-obscur d'un crépuscule, tout cela n'est-il pas de l'art ?
WITOLD GOMBROWICZ in Ferdydurke (1937). Editions Gallimard 1998.
Vendredi.
Ce fut comme une sensation de brouillard. Il ne voyait plus les gens venir. Il savait que le cristallin était le grand responsable. Une fenêtre givrée tout à la place des yeux, il se rendit à l'hôpital, en croisa deux cent mille comme lui errant tous dans le même brouillard. Le chirurgien posait tranquillement des lentilles. Quatre cent mille lentilles, quatre cent mille noyaux de cristallins patiemment remplacés. Ceux ci étaient aspirés en quelques minutes par une petite sonde qui introduite dans le globe oculaire, produisait des ultrasons. Les ultrasons se désagrègeaient, soufflaient une parti du cristallin, il ne restait alors plus qu'à glisser l'implant souple. Le soir même chacun rentra chez soi et dès le samedi matin, toute chose reprit son cours ordinaire, un monde redevenu clair mais pas comme de l'eau de source. Assis sous un néon, il ouvrit un petit livre de GAËTAN GATIAN DE CLERAMBAULT, psychiatre, ethnographe, photographe, né en Juillet 1872 à Bourges et mort à Malakoff le 17 Novembre 1934. Ce jour là, GAËTAN GATIAN DE CLERAMBAULT mit curieusement en scène sa propre mort. Il se suicida par arme à feu, assis dans un fauteuil face à un grand miroir entouré de mannequins de cire qui lui servaient pour ses études de drapé. Grand visuel, GAËTAN GATIAN DE CLERAMBAULT souffrait d'une maladie des yeux.
Cataracte.
http://www.memoclic.com/4-1099-1024x768/fond-ecran-flou-a...
(A suivre...)
Photo : L'oeil de C.J. fouillant dans les carnets d'artiste jusqu'à ce que la nuit les referme. (Image: a tribute to I.C.). Juin 2010.
21:53 Publié dans ???????????, A tribute to, Art contemporain sauvage, De visu, Impromptus, Mémoire collective | Lien permanent
dimanche, 06 juin 2010
Révérence
Guy Debord :"Critique de la séparation"
Vous pouvez aussi cliquer sur l'image, in situ...
Photo: Salomé et les anonymes. Photographiés à Lyon, rue de la République en Mars 2010.© Frb
11:50 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, Balades, De visu, Impromptus, Le monde en marche, Le nouveau Monde, Mémoire collective, Objets sonores | Lien permanent
vendredi, 04 juin 2010
Chaloupée
Où se trouve le port terminal, d'où nous ne lèverons plus l'ancre ?
HERMAN MELVILLE in "Moby Dick" (1851). Editions Flammarion 1989.
C'était des jours avant l'été. J'avais décidé de quitter la ville, et son crépuscule empourpré m'attirait entre les deux rives. Des barques défilaient transparentes jusqu'à la confluence, je m'y glissais tandis qu'un ami sur le pont me faisait la conversation : la mutation de sa femme, ses vacances à Vaison, le dernier disque des Redwood Plan...
Il y avait sur des bancs d'ordures, des oiseaux blancs qui déjeunaient, des ombres filant sur les berges à la vitesse d'un vent plus glacé que le vent de Mars. Mille années de nuages, recouvraient les vestiges et les herbes épaisses, serrées telles des joncs se mêlaient à d'autres végétaux dont la texture tendre et les pétales soyeux rappelaient certains visages connus de la petite enfance.
Sur l'embarcation invisible où commençait un long voyage, je cherchais quelquepart une île qui pourrait m'éloigner de ce temps, en inverserait le décompte. Il fallait retrouver le givre, le fameux givre du printemps et les forêts d'érables à presser en sirop, les feuilles odorantes et toutes les molécules à volatilité plus lourde qu'on appelle "notes de fond" dont certaines flottent sur l'océan ou se cachent près des côtes, au plus profond du corps des cachalots. Sur le fleuve un peu jaune, près des vagues dans la brume, j'aperçevais quelques pêcheurs, remontant d'un filet, des anguilles bleues à têtes de dragonnets et à grandes pupilles rondes qui ressemblaient un peu aux couleuvres à colliers dites Natrix Natrix. Des mots fous me venaient sortis de sous les ombres et du ciel et des eaux, où se multipliaient ces barques transparentes surpeuplées qui doublaient doucement la mienne. Les voyageurs ramaient avec ressentiment pour arriver premiers dans la compétition jusqu'à la confluence. Tout ce vocabulaire emplissait peu à peu le récipent qui me portait et menaçait peut être de m'entrainer au fond. Ainsi les goélands, les mouettes, les iganons, le carassin doré, le pinson vespéral, le requin du zambèze, le gobe mouche tyran, ou la grive musicienne. Tous les noms de ces bêtes envahissaient l'espace.
Il fallait maintenant équilibrer ce bateau avant qu'il ne tangue trop. Tout ce bringueballage battait la démesure entre clique et fanfare, timbres recombinés. Cela ouvrirait tôt ou tard, l'histoire des sons aléatoires des clameurs, du vacarme et des cris enroués. Par le fleuve chancelant je remontais le temps ou le redescendais, à ma guise. Le reflet gris et clair des flots qui remuaient mon corps jusqu'à le pendre tête en bas, tête en haut, en ce roulis épais, chargeait le paysage d'un magma qui semblait remonter des entrailles d'une ville. Maintenant tout le monde s'aperçevait qu'elle n'était pas plus grosse qu'une bille. Un volcan en sommeil sous les eaux méditait sa prochaine charge où les anciennes âmes ressortiraient tranquilles du Rhône pour cueillir les vivants dont l'imagination ardente avait fini par s'effriter ; oublier les intrigues, les dangers imminents à l'attaque d'un vieux fauve, domestiqué sur un blason. Il me fallait atteindre absolument,très vite, une de ces baies sublimes, dans une de ces sept îles baignant la Tyrrhénienne, Alicudi, Filicudi, Vulcano, Salina; Panarea, Stromboli. Retrouverai-je, Andréa, Giovanni, et les jaloux de Lipari dans leurs costumes neufs de maquereaux ?
Le voyage ne s'arrêtait plus, mû par le vent, défilaient l'île de Man, l'île de Guam, aux aluminosilicates déments, peuplée de sorciers, de touristes et de renards volants à têtes grises... J'avais des corps étrangers dans l'oreille et dans les yeux une bribe impersonnelle qui prenait possession des lieux, délivrant un poème tel une panacée et tout le limoneux du monde transformé en serre flottante cultivait en pots l'oignonière pour les sanglots de mes pelures. Oserai-je seulement planter ma barque et vivre au coeur d'une bambouseraie ? Dans la volupté des rhizomes, les joies du lignifié, à en oublier le climat et toutes ces coulées d'encre mêlées à la fonte des glaciers, me vouer à tout ce qui coule mais ne peut jamais se noyer ; retrouver sous la nappe une gouache, bavant sur une table de cuisine et les petits bateaux arrachés d'un cahier pliés dans une marge sur laquelle on s'embarque.
La ration de provisions consommées, un naufrage annoncé, dévoilait toutes les planques et le Dieu des nuages me tirait à nouveau par les cheveux pour me ramener là où il faut et quand il faut. Le fleuve devenait si opaque, le devoir me clouait. Après avoir traversé tous les fleuves toutes les mers, renversé tous les sabliers. Je trépignais nerveusement en regardant ma montre et soupirais longtemps debout sur le pont à écouter encore cet ami insatiable qui me prenait par l'épaule et me faisait toujours, la même conversation : La mutation de sa femme, ses vacances à Vaison, le dernier disque des Redwood Plan.
"How the game is played ?"
Photo : A quai, rive gauche. Les bateaux amarrés. Une péniche, exactement. L'une des plus visible du haut du Pont Morand photographiée au dessus du fleuve Rhône à Lyon au printemps 2010.© Frb.
04:02 Publié dans Balades, De la musique avant toute chose, De visu, Impromptus, Mémoire collective, Objets sonores, Transports | Lien permanent
mardi, 01 juin 2010
Des fourmis plein la tête (part 3)
A propos de quelques questions recueillies au hasard dans les livres et dans les magazines...
Pour accéder aux fourmis plein la tête (part 2) vous pouvez cliquer sur l'image
Qui détient les tuyaux ? Pourquoi mon boucher est il blond ? Tout se négocie-t-il ? Trois cent euros pour quoi faire ? A qui dois-je donner cette clef ? Pourquoi ne pas tout acheter en gros ? Qui change les lampes ? Rien n'est-il jamais fait ? Doit-on équiper tous les éboueurs d'un passe-partout ? Qu'y a t-il de l'autre côté du pont ? Comment les oiseaux font ils leur nid ? Qui occupe le poste 3 ? Les larmes ont elles un sexe ? Le désespoir est-il une forme supérieure de la critique ? Pierre Corneille était-il un vieux beau ? Pourquoi la femme pleure t-elle plus souvent que l'homme ? Qu'est ce qu'un rythme circadien ? Est ce que les animaux ont le droit de nous humilier ? Pourquoi choisir la reprise plutôt que la création d'entreprise ? Qui garde le chat ? La révolution n'est-elle plus qu'un souvenir ? Peut-on repenser la violence ? Pourquoi les badges ? Doit-on interdire le bouche à oreille ? Où va la ligne 6 ? Qu'est ce que la magie nouvelle ? Qui n'a pas un jour rêvé de profiter des avantages de la solitude tout en disposant à tout moment d'un important réseau d'amis ? Où en est-on ? Comment ne pas citer Baudelaire ? Combien y a t-il de façons de parler ? Qui peut être sûr de sa valeur ? Se sentir malade ou en bonne santé peut-il être indépendant de l'opinion du médecin ? Tir à l'arc, où s'inscrire ? D'où viennent les sensations ? Est il nécessaire d'opposer l'être et l'étant ? Comment se retrouve t-on là où on ne voulait pas aller ? Avec quoi peser le pour et le contre ? Comment se faire aider ? L'amour est-il la réponse ? Où se trouve le talon d'Achille ? Pourquoi chercher autrui ? Quelle robe mettre cet été ? Qui a laissé la porte ouverte ? Où trouver la meilleure vanille ? L'artiste est il utile à la société ? Quelle place occupe-t-on ? Suis-je à la hauteur ? A quoi les cinq sens nous servent-ils ? Qui jette les dés ? Quelle route faut il prendre pour aller à Arnay-le-Duc ? Pourquoi est-ce déjà le matin ? Y-a-t-il une ville plus agréable qu'Avallon ? Peut-on boire du champagne dans des verres en plastique ? Quels candidats pour 2012 ? Pourquoi ne pas compliquer les choses ? Le suprématisme est-il démodé ? Quand l'animal rêve, (s'il rêve), a-t-il un inconscient ? Est-ce qu'une faute de jeunesse suffit à gâter toute une vie ? Qu'est-ce qu'un chanteur à voix quadruple ? Pourquoi devrions nous tenir compte de ce que les lecteurs peuvent comprendre ? Où vont toutes ces voitures ? Veux tu qu'on se promène ? Que signifie le verbe "habiter" ? La narration est-elle une forme artisanale de la communication ? Comment pardonner ? Que faut-il entendre par "réticulée" ? L'hospitalité prouve-t-elle quelque chose ? La première impression est-elle la bonne ? Qui réparera la tondeuse à gazon ? pourquoi la réalité qui s'offre à nos sens n'est -elle pas autrement ? Y a-t-il en nous des espaces vides ? Prendrez vous un dessert ? Qu'est ce que la loyauté ? Que faire quand on a le temps ? Où se trouve la forêt de Zil ? Sommes nous de la même espèce ? Faut-il avoir peur des plantes carnivores ? Comment n'être lié à rien ? Va-t-on rentrer à pieds ou en voiture ? Le futur est-il poussiereux ? Peut-on demander une preuve plus éclatante pour démontrer la connexité absolue de l'âme et du cerveau que celle que nous fournit le scalpel de l'anatomiste ? Le désespoir est il assis sur un banc ? Qui avance ? Qui recule ? Où va t-on ?
(A SUIVRE...)
Photo: Lascaux revival ou tout comme. Des fourmis plein le mur photographiées rue D'Anvers dans le 7em arrondissement de Lyon, en Juin 2010
© Frb 2010
04:03 Publié dans ???????????, Art contemporain sauvage, De visu, Impromptus, Mémoire collective, ô les murs ! | Lien permanent
mercredi, 26 mai 2010
Le poème Tang
Ecoutez là-bas sous les rayons de la lune, écoutez le singe accroupi qui pleure tout seul sur les tombeaux ;
Et maintenant remplissez ma tasse, il est temps de la vider d’un seul trait.
LI-TAÏ-PE : "La chanson du chagrin"
Les Tang (ou Thang) montèrent sur le trône de l'an 618 de notre ère, ils s'éteignirent l'an 909. Pendant ces 289 ans, vingt empereurs se succédèrent et presque tous furent dignes de régner. La poésie des Tang se divise en quatre périodes distinctes : le début, la prospérité, le milieu et la fin. Ce phénomène, qui reflète fidèlement la naissance, la grandeur, puis le déclin de l'empire, coïncide également avec les transformations du style poétique. La Chine était à cette époque, à l'apogée de sa puissance et de son expansion. Le christianisme avait fait des progrès en ce pays. Les doctrines de CONFUCIUS et de LAO -TSEU qui officiaient depuis longtemps, n’étaient plus seules à se partager la multitude. Pendant cette période de prosélytisme, la Chine ne pouvait rester en dehors du mouvement général des esprits, le bouddhisme déjà puissant inspirait également les poètes tel SONG-TCHI-OUEN :
[…] Je suis entré profondément dans les principes de la raison sublime,
Et j’ai brisé le lien des préoccupations terrestres.
Si certaines pièces des recueils poétiques des Tang portent l'empreinte du mouvement religieux qui s'accomplissait alors en Asie. La plupart n'en donnent aucune idée, la Chine n'était pas plus bouddhiste qu'elle n'était mahométane ou chrétienne. Le scepticisme, la fusion et la confusion qui y régnaient, se lit aussi dans les poèmes Tang où souvent on remarque une absence quasi générale de croyance, y compris chez les auteurs de renom. Le plus souvent cette absence de croyance ressort dans les poèmes sous forme de souffrance ou de découragement. L'illustre THOU-FOU compare l'avenir à une mer sans horizon. Il épanche sa tristesse devant un vieux palais en ruine :
Je me sens ému d’une tristesse profonde ; je m’assieds sur l’herbe épaisse ;
Je commence un chant où ma douleur s’épanche ; les larmes me gagnent et coulent abondamment.
Hélas ! dans ce chemin de la vie, que chacun parcourt à son tour,
Qui donc pourrait marcher longtemps ?
Il est fréquent que le poète s'égaie comme pour chasser des idées obsédantes, la mort, l'incertitude de l'avenir, sont des thèmes récurrents ; tel cet extrait d'un poème de LI-TAÏ-PE :
Pour moi, je m’enivre tout le jour,
Et le soir venu, je m’endors au pied des premières colonnes.
On le ressent encore plus clairement dans cet extrait, l'oeuvre se pare d'un titre sans équivoque : "La chanson du chagrin"
Combien pourra durer pour nous la possession de l’or et du jade ?
Cent ans au plus... Voilà le terme de la plus longue espérance.
Vivre et mourir une fois, voilà ce dont tout homme est assuré.
L'absence de toute conviction religieuse laisse un grand vague à l'âme du poète Tang, et la religion des lettrés s'inscrira finalement dans une morale très floue. C'est plus naturellement le sentiment de l'immortalité de l'âme, l'idée qu'elle pourrait exister indépendamment de l'enveloppe corporelle qui se reproduit alors sous mille formes dans les vers les plus incrédules comme s'il fallait inventer une protestation à toute cette perplexité. Tantôt l'esprit d'un homme endormi se met à voyager seul à travers l'espace, franchissant les distances au diapason de la pensée, et passant les murs d'un cachot, d'un gynécée, afin de consoler un prisonnier, de revoir quelque amante. Tantôt c'est l'âme d'un proche défunt qui est évoquée, celle d'un soldat tué qui se lamente, ou celle d'une épouse rongée par la jalousie, qui par un mouvement violent se dégage des entraves de la chair, pour voler sur les traces d'un époux en voyage et le suivre à son insu. On retrouve aussi dans tous ces poèmes des traces de légendes, de récits populaires, les aspirations vers une autre vie, et toujours le besoin d'espérer ou de croire. D'autres poèmes donnent au soldat le beau rôle. Par exemple dans les oeuvres de LI-TAÏ-PE, on découvre un poème intitulé "Le brave", une rare composition chinoise où l'homme d'épée est exalté aux dépens de l'érudit. Le soldat aura encore un rôle central dans ce poème intitulé "A cheval ! à cheval et en chasse" :
L’homme des frontières,
En toute sa vie n’ouvre pas même un livre ;
Mais il sait courir à la chasse ; il est adroit, fort et hardi.
Quand il galope il n’a plus d’ombre. Quel air superbe et dédaigneux !
THOU-FOU lui même écrira "Le recruteur", l'histoire d'un village dépeuplé par un recruteur, "Le départ des soldats et des chars de la guerre" nous conduit sur les pas d'une colonne en marche :
Partout les ronces et les épines ont envahi le sol désolé,
Et la guerre sévit toujours, et le carnage est inépuisable,
Sans qu’il soit fait plus de cas de la vie des hommes que de celles des poules et des chiens.
Les Tang savent aussi retracer la vie intime des chinois de l'époque. Tel ce poème de MONG-KAO-JEN titré, "Visite à un ami dans sa maison de campagne" :
Un ancien ami m’offre une poule et du riz.
Il m’invite à venir le voir dans sa maison des champs.
D'autres sont de véritables petits tableaux décrivant par exemple deux amis qui se donnent rendez-vous à l'automne pour regarder les fleurs. Pour d'autres, les scènes sont plus animées elles ne s'imprègnent plus de la contemplation de la nature, mais se mêlent à un banquet où le vin coule à flot. Et partout on retrouve les fleurs, indispensables à la poésie Tang.
Combien de fois nous sera-t-il donné encore de nous enivrer, comme aujourd’hui, au milieu des fleurs ?
Ce vin coûterait son pesant d’or qu’il n’en faudrait pas regretter le prix.
Il y a aussi ces réunions dans la maison d'un ami, les dîners en plein air, les parties de montagne, la promenade solitaire qui porte à un plus haut degré, cette langueur indéfinissable particulière au peuple de Chine.
La lune surgit du milieu des pins, amenant la fraîcheur avec elle ;
Le vent qui souffle et les ruisseaux qui coulent remplissent mon oreille de sons purs.`
Et puis bien sûr, d'autres thèmes ceux-ci incontournables jalonnent la poésie Tang. L'attachement au pays natal, et les douleurs que peuvent causer une absence. Le chinois n'est pas voyageur, quand il part c'est toujours le coeur lourd et quand il se retrouve en pays étranger, rien ne le distrait du souvenir de sa terre natale :
Ne pensons qu’à l’accord harmonieux de nos luths, tandis que nous sommes réunis dans cette charmante demeure,
Je ne veux songer aux routes qui m’attendent qu’à l’heure où il faudra nous séparer [...]
Mais ces doux instants passés ensemble, hélas ! quand pourrons-nous les retrouver ?
L'exil pour le chinois, très attaché à son foyer a de cruelles amertume et l'on pense à l'immense THOU-FOU qui mourût disgrâcié comme OVIDE et qui jusqu'à son dernier jour ne cessa d'exprimer son chagrin :
Devant mes yeux passent toujours de nouveaux peuples et de nouvelles familles ;
Mais, hélas ! mon pauvre village ne se montre pas !
Tandis que le grand Kiang pousse vers l’Orient des flots rapides que rien n’arrête,
Les jours de l’exilé s’allongent et semblent ne plus s’écouler...
Source : Les notes de ce billet ont été inspirées par le travail de présentation et les traductions des poésies Tang du Marquis D'Hervey-Saint-Denys (1862)
Photos : Les brésars du Nabirosina sous le pinceau un peu chinois du Van Ki Tang, photographiés à l'orée de la très mystérieuse forêt de Bliges. Avril 2010. © Frb.
09:13 Publié dans A tribute to, Balades, Ciels, De visu, Le vieux Monde, Mémoire collective | Lien permanent
dimanche, 23 mai 2010
Le livre tangue
"Je veux être un éléphant qui pisse dans le cirque quand tout n’est pas beau… "
BERTOLT BRECHT in "Baal". Edition Arche 1997.
RIMBAUD dit de l'ivresse qu'elle procure cette eau de vie verdâtre "Qu'elle est le plus délicat et le plus tremblant des habits". Affirmer que l'ivresse, est pour le poète un habit reviendrait à la classer parmi les accessoires qui lui sont nécessaires pour paraître en société. On sait que jadis, les bourgeois s'étaient fait un devoir de rompre avec les excentricités de l'aristocratie, et de porter les tenues les plus neutres possibles, des costumes de coupes sobres dans des tons éteints gris anthracite, chapeaux sombres, ensembles bleus marine ou noirs. Le vêtement bourgeois dissimulait la chair et renvoyait l'image sinon d'un homme utilitaire, au pire celle d'un automate fonctionnel.
Au contraire le corps ivre s'élance, erre à tâtons. Il commet toutes les maladresses et on ne peut le mettre à la chaîne, il est en quelque sorte perdu pour toute utilité sociale.
RIMBAUD dit encore que le poète doit "faire l'âme monstre" (cf. "La lettre du voyant"). Le poète doit apprendre à voir, à éprouver toutes les formes d'amour. "Etre voyant", c'est aussi refuser de passer inaperçu. Et "faire l'âme monstre" est la grande ambiton du dandy, dont l'extravagance se trouve, (c'est sans doute préférable), très souvent incomprise. Si être écrivain et alcoolique n'a rien d'exceptionnel, le mélange parfois n'offre pas la compensation espérée. Et ces deux passions réunies dans une même personnalité comportent un risque d'entrave. On connaît ici et là des destins avortés, de talents, qui se sont lentement, inexorablement gâchés dans l'alcool, sans réussir à offrir une oeuvre disons, à la postérité, ni même une simple oeuvrette. Ces parcours fort nombreux, on les retrouve souvent dans le sillage des grands mouvements artistiques autour du Dadaïsme ou du Surréalisme, du Situationnisme etc... Dans l'entourage de personnalités fascinantes comme Francis BACON, Andy WARHOL, pour n'en citer que deux... Ainsi toujours dans ce sillage évoluaient des faunes d'artistes potentiels parmi lesquels très peu d'élus. Beaucoup se sont noyés, comme dans un bain voluptueux ainsi on ne compte plus le nombre de génies inconnus. Et il s'agit toujours de l'itinéraire très classique qui n'est pas à juger, de l'artiste qui boit son talent au lieu de mener à bien son oeuvre.
C'est un peu le schéma de "Baal "de Bertold BRECHT (dont GUILLEVIC a donné une merveilleuse version française). Le schéma de "Baal" est un cas limite. Nul ne pourra savoir si l'homme qui se détruit plutôt que de faire carrière est un minable ou bien encore une sorte d'artiste supérieur qui achève sa carrière non sur le plan pratique mais dans un élan mystique ou peut- être indéfinissable. C'est pourquoi décider de la valeur de l'existence de "Baal "est une absurdité car le fond de cette existence sera toujours inaccessible à un observateur extérieur. "Baal" chemine seul, il serait vain de vouloir l'accompagner, l'encourager ou le comprendre. D'autrepart "Baal" était la divinité tyrannique à laquelle les époux carthaginois sacrifiaient en des temps oubliés, l'aîné de leurs enfants, c'est à dire le meilleur de leur peuple.
Pour en revenir à l'histoire de "Baal" même, BRECHT raconte celle d'un poète qui se perd, une sorte d'"archirimbaud" dont aucun texte n'aurait été conservé. "Baal" chante ses compositions dans une taverne de charretiers située près d'une rivière. Il envoûte son public. Il ressemble à VERLAINE en plus indécent. Un riche négociant entend parler de lui et propose de l'éditer, un patron de presse veut le lancer. Mais "Baal" refuse avec orgueil, toutes propositions mercantiles. La seule chose qui l'intéresse est de boire, et puis boire et boire encore, (du schnapps), courir les filles, faire bonne pitance et dormir à la belle étoile. "Baal" est l'incarnation de la force poétique brute. Peu à peu tous ses bienfaiteurs se lassent, ses amis, irrités par son inconstance, l'abandonnent. "Baal" se brouille avec le tenancier de la taverne où il se produit et se met à errer misérablement. Il achèvera ses jours sur un grabas miteux dans une cabane au fond d'une forêt. Les bûcherons de passage le tournent en dérision et lui crachent dessus. A la veille de sa mort il a encore le ressort de leur lancer le reproche étrangement poignant :
"Vous n'aimeriez pas mourir seul, messieurs !".
Il est trop tard plus personne n'écoute le déchet humain qui s'exprime.
http://www.deezer.com/listen-3360225
Source : Les notes qui composent ce billet ont été largement inspirées par le livre d'Alexandre LACROIX : "Se noyer dans l'alcool ?". Dont le blog de Bartleby dit très justement qu'il donne envie de lire et qu'il donne soif. (lien ci-dessous)
http://bartlebylesyeuxouverts.blogspot.com/2007/10/boire-...
Nota : Le sujet des multiples relations entre l'art et l'alcool étant aussi inépuisable que fascinant, j'espère pouvoir très prochainement vous livrer quelques autres facettes, à travers d'autres auteurs, et d'autres manières toutes différentes de s'enivrer. A défaut de noyer son lecteur (adoré) je distillerai (tel l'alchimiste chaldéen, et allez donc !), les billets sur ce thème au compte goutte (ce qui est un comble) et dans le désordre le plus imprévisible (toujours des promesses !)
Photo: Nécessaire d'énivrés, photographié à la terrasse du "Vin § Ko", (bientôt rebaptisé "Le Mondrian" à l'occasion de la reprise du café restaurant par le talentueux artiste cuisinier Michel Piet et son équipe d'adorables), un lieu situé au 1 quai Claude Bernard dans le 7em arrondissement à Lyon, et qui est déjà vivement recommandé par la maison. De cela je reparlerai un certain jour, car l'endroit est si chaleureux et le mojito si extra qu'il serait bien dommage de passer l'été sans aller s'y lover et s'y prélasser des soirées entières sous les arbres. A suivre donc. photographié en Juin 2010 à Lyon (En juin ? alors que nous ne sommes que fin Mai ? pensera le lecteur plein de sagacité. Mais oui ! l'alcool nous f(i)loute, voguez voyants! ... Livrez l'ivresse !...)
02:50 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, De visu, Interieurs-tables de travail, Mémoire collective | Lien permanent
mardi, 18 mai 2010
Increvable (2 ans après)
Cette affichette est une sorte de petit miracle, quand on pense que je l'avais déjà photographiée sur ce même poteau (presque en face de la porte dorée du parc de la Tête d'Or) le 18 mai 2008.
Je vous re-propose un petit tour de manège pour mémoire. Choc des photos, résumé en images :
http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/05/19/in...
L'année suivante, je l'avais retrouvée, la fameuse affichette, presque intacte:
http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/05/23/in...
Et voilà que, bon an mal an, en Mai 2010, elle est toujours là, à narguer, (oserai- je dire, avec à peine quelques égratignures) nos yeux qui ont pris (mine de rien, mais très visiblement), deux ans de cernes et de rides, on pourrait même presque se dire qu'on est peu de chose (enfin, par rapport au show Dalida).
Que penser de tout ça au juste ? Et ben, moi rien ... Mais comme disait Jacques LACAN, (un grand ami de certains jours) :
"L'interprétation n'a pas plus à être vraie que fausse ; elle a à être juste"
Songez-z'y chers lecteurs. Et prenez gentiment votre mal en patience. Quant à moi, je ne vivrai désormais que pour le mois de Mai 2011 afin de courir vous donner des nouvelles de notre feuilleton "Show Dalida" (1 par an) en espérant qu'une tempête ne déracinera pas notre poteau (et quand bien même Dalida y serait sans doute encore increvable...) ma foi. En attendant, vous pouvez réserver vos places à la Cnaf. (Vous suivrez les personnes à gilets vert barré d'un élégant jaune moutarde et oserez demander Dalida, ils connaissent. (Mieux que Stockhausen) c'est ça qu'est chouette, (enfin, pas pour tout le monde).
Enfin pour parachever, tout autant que combler les caractères plus impatients, un retour dans le futur vu par Hozan KEBO, (le 18 Mai 2098), pourra encore en dire bien autant que Jacques DERRIDA (un autre ami de certains jours) extr de "L'écriture et la différence", je cite :
"Une trace ineffaçable n'est pas une trace".
http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/05/21/in...
Si ce n'est pas une trace, Alors c'est quoi ? Comme se le demanderait mon copain Jean Luc, (GODARD évidemment !) :
"Qu'est ce qu'il y a après la trace ? et comment ça s'appelle ?"
Posons nous sérieusement la question. Et peut-être qu'en Mai 2011 nous saurons ? Gros suspens. J'attendrai, vous aussi n'est ce pas ? Rendez-vous donc l'année prochaine même jour même heure. Fidèle au poste. Tandis que de là haut, Dalida, nous regardera... (?)
Photo : Malgré pluies, neige, vent, frimas, (je ne vais pas me répéter, bien que ce soit à mes yeux, une résistance plus qu'incroyable). L'affichette increvable, photographiée dans le 6em arrondissement de Lyon, là où vous savez, le 18 Mai 2010. © Frb.
05:32 Publié dans A tribute to, Affiches, panneaux, vitrines, Art contemporain sauvage, Balades, De visu, Impromptus, Le nouveau Monde, Mémoire collective | Lien permanent
lundi, 10 mai 2010
Le " je ne sais quoi "
C'est la vie des grandes qualités, le souffle des paroles, l'âme des actions, le lustre de toutes les beautés. Les autres perfections sont l'ornement de la nature, le "je ne sais quoi" [...] suppose un esprit libre et dégagé [...] Sans lui toute beauté est morte, toute grâce est sans grâce. Il l'emporte sur la valeur, sur la discrétion, sur la prudence, sur la majesté même. [...] L'art de se retirer galamment de tout embarras.
BALTASAR GRACIAN. "L'art de la prudence". 1994. Editions Payot § Rivages.
Au départ, tout partait d'une bonne intention, je voulais vous toucher deux mots de "je ne sais quoi", puis farfouiller dans le corps (?) du texte de Baltasar GRACIAN, (qui fût un écrivain d'une intelligence rare loué à maintes reprises par notre Guy) mais il paraît, malgré les caprices incompréhensibles des horloges de ce petit blog, que ce soir c'est "la fête des voisins". Encore une de ces inventions (autre bidule de printemps festif, incontournable), que notre époque de plus en plus décomplexée, aura pondu pour nous faire croire qu'au fond, nous sommes tous des êtres solidaires, avides de retrouver l'élan spontané originel (?). (Voir le billet suivant ou précédent, selon la logique de chacun). Dieu Merci (ou Diable, non merci!), il y aura toujours des concepteurs de bonté, un brin évangéliques, pétris de bonnes idées, pour venir "ambiancer" nos élans de générosité (naturelle ?), et rassembler entre elles des créatures, (lisez "voisins", "voisines" si vous voulez) qui, les autres jours de l'année, se retrouveront aussi amicaux (entendez complices et solidaires) que les quatre pieds de ma table. Comme le disait Nikos ALIAGAS (le poète grec) "on ne va pas se mentir", et s'il faut être spontané, autant le dire carrément, étant donné que je ne peux pas ce soir, écrire ce que bon me semble, en raison que c'est ma voisine qui, la plupart du temps, décide des jours où je peux ou non vivre dormir, ou simplement écrire chez moi, je lancerai donc un appel d'offre en vue d'une festivité bien moi. (Do it yourself !) et rechercherai de toute urgence deux ou trois grands gars du genre costauds, déterminés, et surtout très patibulaires, ayant une grosse pratique de boxe Thaï, ou française, voire de catch pour aller faire la fête à ma voisine, laquelle, (vous l'avez compris) m'a cruellement empêchée de développer les merveilleuses idées qui auraient pu s'échapper de cette non moins merveilleuse citation. Cela dit les images parlent d'elles mêmes, et disons que pour ce coup là, ça ne sera pas plus mal. J'invite donc son lecteur (adoré) à méditer ce qui lui plaira à propos de "je ne sais quoi".
Photo: Le "Je ne sais quoi", vu près de la fontaine Bartholdy, place des Terreaux, à Lyon, par un bel après midi de Mai 2010. © Frb
00:17 Publié dans Art contemporain sauvage, Balades, De visu, Impromptus, Le monde en marche, Le nouveau Monde, Mémoire collective | Lien permanent