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mardi, 14 septembre 2010

Cosmos

Nous ferons sonner en nous les verres cassés
les monnaies d'argent mêlées aux fausses monnaies
les débris des fêtes éclatées en rire et en tempête
aux portes desquelles pourraient s'ouvrir les gouffres
les tombes d'air les moulins broyant les os arctiques
ces fêtes qui nous portent les têtes au ciel
et crachent sur nos muscles la nuit du plomb fondu

TRISTAN TZARA, extr. "L'homme approximatif"

IMG_0058.JPG

Photo : Un temps intense et mince. A moins que ne soit une destination fondue entre mille autres. Perrache-gare. Lyon Septembre 2010. © Frb.

mercredi, 08 septembre 2010

Requiem pour une feuille pas morte

25 secondes de mouvement perpétuel (ou presque)

 




Nota : Ce modeste antifilm est un clin d'oeil minimal à l'artiste JEAN TINGUELY. (Voir plus précisément le lien ci-dessous) :

http://jeantinguely.artblog.fr/173706/Analyse-Requiem-pour-une-feuille-morte/

Bonus : La musique (de saison), se trouve par ICI. C'est un incontournable, vous pouvez me remercier, je vous ai épargné Yves Montand, (j'ai toujours eu horreur d'Yves Montand ! :)

vendredi, 03 septembre 2010

Locomo, locomo... (by HK/RL)

Tout le monde va descendre
Dans la gare divine,
Dans la gare divine ....

Hozan KEBO VS Claude NOUGARO, ( Extr; "Locomo, locomo"  P. 1, traduit en français par ROGER LAHU). Edition Tchous, 2010) 

 Pour voir comment ça sera quand la loco elle sera partie, il suffit de cliquer sur l'image 

locomotive d'or.jpg

Afin de mieux apprécier les voyages locaux "loco" et les rythmes chauds de "la Divine", il suffit de monter le volume juste : ICI

La photo n'est pas signée Kenny Clarke (qui a pourtant été chef de gare aux Bois d'Oingt et de Vaux, comme chacun sait, avant de battre grand train sous le surnom de "Klook" dérivé de l'onomatopée inventée par lui même, "the klook-a-mop", mais je m'égare... La photo est signée Hozan KEBO qui est le dernier homme sur cette terre, à affirmer que les trains font encore "tchou tchou", et on serait bien pauvre d'esprit si on ne croyait pas à cette vermeilleuse théorie, car il y a des preuves et celles-ci ne mentent pas ! (il manquerait plus que ça que les preuves mentent !). Cette photo a été réalisée sans trucage. La légende est de Roger LAHU. Les décors sont de Roger... (comment s'appelle -il déjà ?). Les bénéfices de ce billet seront reversés au profit de la SNCF SIDGL, ("Société internationale des divines gares et locomos") qui permettra à notre "bac à rouler" préféré de se requinquer et de nous promener par delà monts et vallées, (même bien au delà), à lutter contre les trains à grande vitesse  qui défigurent nos paysages et arriveront un jour ou l'autre, à rayer de la surface de nos quais ces êtres pleins de tendresse que sont les chefs de gare. Or certains jours, on aime les chefs de gare, particulièrement celui de "la gare divine" qui mérite notre admiration autant que ce vibrant hommage. Le design incomparable signé HK/RL a reçu le prix "Georges Méliès" lors du 34em festival d'Art contemporain sauvage (ARCS) de Saint Germain aux Mont d'Or, et le premier prix des "Trains fleuris de la Grosnes et l'Azergues", avec les félicitations du MARC (Musée d'art rural contemporain). Septembre 2010.

mardi, 31 août 2010

Variations buisantines

N’arrête pas ta pensée en un lieu, dit le doux maître, qui me tenait auprès de lui, du côté du cœur.

DANTE, extr. "La Divine Comédie", (Purgatoire, X-v. 46 Traduction de J. Risset), Les éditions du Cerf, 1987.

bois d'oing.JPGAllers-retours. Entre la grande ville et le pays perdu. Je neutralise mes habitudes avec toutes sortes d'horaires de train, après les rendez-vous oubliés comme l'été, comme ces jours où je m'accoutume à vivre à rebours des contraintes, avec toujours le même plaisir de disparaître et  m'épanouir sous l'ombrelle d'une fougère dans les bois de Vaux, puis de céder aux fruits abondants des ronciers de Jalogny jusqu'à Saint Cyr. Allers-retours et douceurs capricieuses... Pourquoi se trémousser en ville, quand il y a des trains au départ de chaque gare, à toute heure et pour toutes les destinations ?

Des pérégrins moutonnent autour des vieux wagons. Les autres trains sont beaux, plus spacieux, bleus comme des salons de musique décorés d'un faux-velours assorti aux rideaux. Chamelet, Ternand, Lamure, partir plus loin, se raconter que ce serait l'aventure. Se prendre pour Philéas, pour une jeune fille enturbannée à la Ciotat ou pour la première chaussure de la mission Apollo 11, se garder son aéroplane privatif, personnalisé, tout au fond d'une poche au cas où... (Le transnabirosinien 16846 n'est peut-être pas indestructible). Se fabriquer avec les chutes d'un poème arraché d'une page de la Pleïade, un petit chapeau simple contre les derniers coups de chaleur. Allers-retours par les hameaux de la vallée, sur les plis des sièges modulables de la bête ronde et longue qu'on croirait immobile avant le grand chaos par dessus le viaduc construit avec ces moellons bruts d'un granit ramené des carrières d'Anglure ; ces matériaux portés par le train jusqu'au village de La Chapelle sous Dun puis acheminés par des attelages de boeufs. Juste après... (avertissement aux âmes sensibles, le lien est un peu "empoulé" ) le Bois d'Oingt,  il y aurait des villages, dans le désordre, on pourrait les remonter sans jamais s'arrêter Saint Germain au Mont d'Or, Mussy, Poule les Echarmeaux etc ...

Là, je me suis assise, chargée comme une bourrique juste en face de ces gens. Et j'ai pris les gens sur mon dos. Comme ils étaient faciles! ils venaient  librement, approuvant, tout comme moi le destin collectif, de ces départs plus ou moins grands. Nous avons échangé quelques banalités à propos du temps puis de nos livres dans le mélange le plus parfait d'harmonie et d'indifférence. Et j'ai pris le wagon pour un livre, tandis que le temps m'allongeait.

(A SUIVRE...)

 

 FEVER RAY : "Now's the only time I know"

podcast

 

Photo : Un aperçu du panneau de la gare du Bois d'Oingt à 350 mètres d'altitude, où vivent les buisantins, les buisantines dans des maisons entièrement recouvertes de buis. Une bien belle image comme en aimerait en voir plus souvent. Photographiée derrière la vitre du glorieux 16846 en provenance de Lyon, la ville en Août 2010 © Frb

lundi, 30 août 2010

Sur le banc de la gare de St Germain au Mont d'Or

"Si l'homme ne fermait pas les yeux, il finirait pas ne plus voir ce qui vaut la peine d'être regardé"

RENE CHAR

Si ce banc vous déplaît, la maison propose un autre modèle il suffit de cliquer sur l'imageBANC17.JPG

Sur le banc de la gare de St Germain au Mont d'Or, je me suis assise ce matin, j'y suis restée je ne sais combien d'années en espérant l'arrivée du train de 19H00. J'ai regardé tourner les heures, et j'ai pensé à tout un tas de trucs, tout un tas de machins. Sur le banc de la gare de St Germain au Mont d''Or, j'ai pensé.

Qu'on pourrait se trouver en gare de St Germain des Près et cela ne changerait pas le cours de cette histoire, j'ai pensé aux âmes simples qui partent en voyage pour la première fois avec une étiquette pendue autour du cou, j'ai pensé que dans un autre pays il devait être plus de deux heures du matin, j'ai pensé à l'air frais, à tous ces vents qui nous fouetteraient le visage avant le retour du printemps, j'ai pensé à ce néant, aux gens qui vous oublient au fond d'une salle d'attente et qui reviennent trois heures après, vous dire en souriant "pardonnez moi je vous ai oublié" alors que chacun sait qu'on ne se pardonne pas soi même mais on peut présenter des excuses. J'ai pensé aux grottes, aux falaises, à la fatigue, aux accidents, à ces vies corvéables qu'on doit fuir et refuir, à cette affreuse affaire concernant la circonférence des cercles qu'il faudrait un jour qu'on m'explique, aux ventres écaillés des carapaces énormes sur l'île de la tortue, à Saorge qu'on croyait imprenable et au sutra de l'arbre. Sur le banc de la gare, j'ai pensé que nous pourrions lire en nos âmes comme dans un abécédaire noblement illustré, j'ai pensé qu'il serait impensable d'oublier les enluminures. Sur le banc de la gare j'ai pensé.

Qu'il n'était pas désagréable d'allumer une cigarette pré-roulée en machine avec des tubes cobalt premium, j'ai pensé aux moments d'absence qui nous surprennent juste après le départ d'un train, j'ai pensé qu'ici, ça pourrait être tout aussi bien la gare de St Germain en Laye  et que ça n'aurait pas l'importance qu'on croit. Sur le banc de la gare j'ai pensé au mât de cocagne, à la dépense à la luxure. J'ai pensé aux bedaines, aux cheveux grisonnants des messieurs élégants assis sur d'autres bancs face aux kiosques ou près des manèges. Sur le banc j'ai pensé que du quai A jusqu'au quai B, de la gare de St Germain au Mont d'Or, précisément, il était impossible de trouver une correspondance pour la ville de Limoges, ni pour la ville de Liège. J'ai pensé aux anges dissipés et punis dont le diable se débarrasse en les envoyant vivre sur terre, incognito. J'ai pensé que les filles se trompent à croire toujours que n'importe quel homme est ému de sécher leurs larmes, j'ai pensé aux chemins de Katmandou, à ceux de Compostelle, au masque de Bhairava, à la conversation que j'aurais demain avec Dieu ou bien avec des champignons du type ascomycète ectomycorhizien tels le bulgaria inquinans, les truffes noires ou même les lichens pourvu qu'ils soient juste assez hallucinogènes.

Sur le banc de la gare de St Germain au Mont d'Or j'ai pensé qu'au lieu de me contenter d'être là, je pourrais penser à des trucs et à des machins sur le banc de la gare de St Germain les Arpajon cela serait plus original quoiqu'un peu loin de tout. J'ai pensé que ce n'était peut être pas normal de faire de si lointains voyages en restant assise sur un banc sans même payer sa place. Sur le banc de la gare j'ai pensé aux "maisons oniriques" qui logeraient nos souvenirs, nos secrets amoureux et nos extraversions. J'ai pensé à Sandro et Claudia seuls sur le banc d'en face, au lever du soleil. J'ai pensé que c'était idiot de ne pas oser leur faire une petite place. J'ai pensé si que la gare de St Germain au Mont d'Or était précédée ou suivie par la gare de St Germain du Puy on arriverait plus vite à Nevers, j'ai pensé que Nevers en hiver devait être aussi triste que Nevers en été. Sur le banc de la gare de St Germain au Mont D'or j'ai pensé...

Photo : Le lecteur aura bien compris qu'il s'agit véritablement du banc de la gare de St Germain au Mont d'Or (je ne vois pas pourquoi je vous mentirai) où je n'ai jamais mis les pieds. Je remercie Dame SNCF dans son immense générosité de m'avoir accordé environ deux minutes d'arrêt afin que je puisse  immortaliser cette merveille aux lignes simples et pures saisie derrière la vitre du redoutable transnabirosinien N° 16846 en provenance de Lyon, la ville. Août 2010.© Frb

jeudi, 26 août 2010

Où ça ?

Aussi loin de moi-même que je puisse me trouver, je n'aurais jamais l'impression d'être ailleurs que là où je ne suis pas.

P.Y. MILLOT

L'arbre cache la forêt. Pour savoir où est la forêt il suffit de cliquer sur l'arbre.IMG_0053.JPG

J'ouvre la route à celui qui revient des pays du gamelan. (Prononcer gam'lane). Des petits cristaux étincellent autour de nous, pistils d'or et pétales irisés. Un ciel bleu, un vent de fin d'été, à peine chaud, juste frais, absorbe notre présence, l'entraîne près d'un vieux douglas (surnommé "géant cocotier" par les cueilleurs de mûres), qui fût longtemps le plus grand et le plus ancien refuge alcestien de toute la région, avant qu'un autre plus grand et plus impressionnant ne soit découvert par hasard, touchant le ciel encore plus loin. Depuis que l'autre a été révélé on a oublié celui-ci. Le sentier encore dégagé se prend au milieu de la forêt, sur la droite à partir d'un chemin, il faut connaître, sinon on passe à côté sans se douter qu'ici règne sans doute l'arbre le plus majestueux de tous les environs. Des sinuosités bordées de ronces, de fougères qu'il faut d'abord enjamber, puis dégager, nous y emmène. L'aventure est légère jusqu'à ce qu'un petit banc composé d'une branche posée à l'état naturel sur quatre autres branches maigres, (peut-être s'agit-il de pattes d'animaux ?) nous convie, juste là, à contempler le monstre, Sir Douglas, (gaélique Dúbhglas), dont cinq bras d'homme ne pourraient faire le tour, (cinq bras d'hommes vous paraîtra sans doute d'une logique aussi peu probable qu'exagérée, mais c'est notre mesure, on ne peut la contester). Ailleurs, nous écoutons des hommes faire ronfler les camions qui porteront en plusieurs voyages, quelques autres forêts de douglas plus petits et des épicéas en nombre qu'ils viennent tout simplement d'abattre. Deux déserts lumineux découvrent une dune chauve, une clairière dévastée, où ne subsistent que des brindilles et des tiges de plantes écrasées. Nous haïssons ces hommes.

Entre les deux hameaux du Nabirosina au point oublié de nulle part, il y a Bali et l'île de Java. Les sons graves et lents sur les troncs, les sons aigus, rapides, sur les feuilles et les fleurs. Le parfum de la pluie qui viendra cet automne, la clarté de la lune troublant le sommeil et l'esprit la nuit prochaine. Cette rencontre nourrit encore la terre et le ciel entre les branches, et ce tronc battu sans souci par le promeneur ou la chute des palais de bronze dans l'océan, tournant comme un petit vélo dans la tête d'un voyageur ami, tôt revenu d'Indonésie. Le battement est au coeur du gamelan, au coeur de la forêt enchevêtrant ses rythmes et ses cycles éternels, tout comme ici, ailleurs, des îlots délaissés et pulsés d'une beauté absurde portent les coups avec autant d'exubérance que l'éclat des cristaux, ou les pistils d'or, les pétales irisés de nos fleurs. A Bali, ici ou là, on croirait que le sculpteur est devenu fou, à moins qu'il nous rende fous. Rien qu'en regardant l'oeuvre, on en perçoit les sons ; les géographies se confondent, nous fondent au métal ou nous gravent dans le bois. Le rythme vient de partout. Nous sommes seuls ou en nombre pris dans l'éternité du vent, des feuilles, de tous les éléments à percuter encore, de végétaux en végétaux... Les racines fouettent l'écorce. Des tambours en peau de buffle donnent le tempo. Tout cela pourrait-il servir à faire de la musique ?

 

Gamelan extrait

podcast


Détours pour peut-être s'instruire, à voir surtout entendre :

http://www.youtube.com/watch?v=wqH_L7uZkqA&feature=re...

http://www.youtube.com/watch?v=zq2lGxCi9rw

En savoir plus :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Gamelan

 http://www.gamelan.fr/blog-hommage-sapto

 

Photo : une vue partielle du tronc de Sir douglas l'ancêtre quasi mythique, et déjà répudié, photographié dans la forêt nommée du Clos botteret, on ne sait où. Je crois qu'il est préférable pour notre vénérable de garder le point précis du domaine au secret. Je dédie en passant ce billet à un certain illuminé et ami de toujours (il se reconnaîtra) qui dort ces jours dans les forêts puis s'en repart à l'aube, pour remonter jusqu'à la capitale par un détour à Bali, Java, j'en oublie, et le tout, à vélo bien sûr ! (ou presque le tout) ce qui vaut tout de même un petit hommage sonore, légèrement arboré. (Que ceux qui n'arrivent pas à suivre se rassurent, moi non plus, c'est normal. Captation: Nabirosina. Fin Août 2010.© Frb

mercredi, 25 août 2010

Non-recette de la gelée de mûrons (par HK/RL)

 Si vous ignorez ce qui a inspiré la beauté de ces pots, il suffit de cliquer sur l'image

aout-001.jpg 

Depuis longtemps je n'écris plus de poèmes

ni tard

ni tôt

ça me manque un peu de ne plus écrire de poèmes

tard ou tôt

à la place (ou parce que ?)

je cueille des mûres

deux pleins seaux ce jour d'hui

puis patient travail alchimique ensuite

pour les transformer en gélée

ou alors je sème de la mâche pour l'hiver

et recouvre ma semaison de fougères

coupées dans les bois dits « de Vaux »

il y avait longtemps que j'avais envie

de mettre ces bois « de Vaux »

dans un poème

c'est pour cette simple raison

que je me suis dit « tiens gars écris donc

un poème ce soir avec les bois « de Vaux »

dedans

il n'est ni tard ni tôt

j'espère que la gelée de mûres

sera bien « prise »

ni trop ni pas assez

juste « comme il faut »

 

HK/RL  (2010)

 

Remerciements. A nos deux alchimistes z'et amis HOZAN KEBO  (HK) et ROGER LAHU  (RL), qui ont par la grâce d'une complicité étonnante, préparé amoureusement de quoi combler nos longs après midis d'hiver. La pâtissière de certains jours dans son immense générosité fournira gratuitement les boudoirs et les tuiles aux amandes (desfois que ça suffirait pas) à tous les volontaires audacieux qui se présenteront pour mettre les doigts dans le pot. Le défi étant :"Pas vus, pas pris". Merci donc à ROGER LAHU et HOZAN KEBO de nous avoir également glissé les bois de Vaux, dans un poème, autant dire un cadeau encore mieux que juste "comme il faut"...

Photo : Pour preuve de l'alchimie, desfois que le lecteur s'imaginerait en train de rêver. Et pour garantir l'authenticité de la gourmandise, nous assurons que la photo a été réalisée sans trucage, par nos deux inséparables tentateurs, HK/RL, (encore eux), on imagine qu'elle fût prise (elle est bien prise) pas très loin des bois de Vaux. A noter que cette création a obtenu le soutien du MARC (mouvement d'art rural contemporain) et le prix spécial du jury, dans le cadre du bicentenaire de "La mûre en liberté" organisé par le MARS (Musée d'art contemporain sauvage) en Août 2010.

mardi, 24 août 2010

Le premier mouvement de l'automne

Avant de nous promener sur les routes, il nous faut nous envelopper d'éternel.

ANDRE DHÔTEL,  extr. "La chronique fabuleuse", éditions Mercure de France (2000)

 

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BELA KAROLI : "Summertime" (cover)


podcast



Photos : Avant première. L'automne n'étant pas encore proclamé le premier mouvement sera sans légende, (pour l'instant), mais nous tâcherons de suivre la petite histoire de très près, au fil des jours et des mois à venir. Photographié à travers les bois du marquis et les champs de la princesse entre les hameau de Montrouan et Vicelaire, non loin du Mont St Cyr. Nabirosina. Fin Août 2010.© Frb.

dimanche, 22 août 2010

Intermezzo

Subitement, un matin, j'en ai marre. Je me demande quoi, somme toute ? Un peu d'amitié ce n'est pas le diable ! je suis je crois impressionné par les déserts gris que nous traversons et par le mauvais temps qui arrive.

JEAN GIONO : "Les grands chemins"; Gallimard (1951)

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Je suis à la place du promeneur, presque gaie comme mille autres. A cet endroit du bon côté de la terre. D'ordinaire, je vis en ville sur des ponts, avec les patineurs. Peu à peu, j'ai appris à me fondre parmi les citadins. Le nombre m'indiffère. Quand je désire me fausser compagnie, je reviens au pays. La brume descend sur les demeures. Chaque jour qui décline perd des secondes de soleil. Bientôt viendront les heures d'hiver et les crépuscules orangés. Je reçois des cartes postales de dolmens, de menhirs, des Albères et du Vallespir. Des amis sont partis à pieds, chercher sur des vitraux l'empreinte de l'ancien paradis. Ils marcheront jusqu'à l'automne. J'ai reçu des nouvelles des vergers d'Amérique, du hongrois de Bretagne (?), de la fiknun' Golsone, de notre vieil Alphonse qui se morfond vers Saint Point, et de mon ami Paul, au cimetière marin. D'autres amis encore passeront par ici, à l'improviste, peut être, avant de rejoindre Paris. Pendant que les uns reviennent d'autres s'en vont. Quand les uns se retrouvent d'autres nous abandonnent. Par la maudite Golsone, ici on a trop de grenouilles, à part ça, les personnes, elles sont plutôt gentilles. C'est bête comme chou cette idée de gentilles personnes, quand on y pense. En ville, on y pense cinq minutes, on boit un verre, deux verres, etc..  Ca va, ça vient, on s'oublie, après tout. Contre la maudite Golsone, le gris berce nos routes, une table abondante, entourée de quelques uns, est bien plus chou que bête, on y revient encore. Ensuite il faut rentrer. Marcher longtemps tout seul. Diable ! on se dit "toute cette amitié manquera bien". Ici on s'empale sur le son des cloches. Dieu prend toute chose. Dieu régule les peines, Dieu est amour, Dieu est une autre haine. Le bulletin paroissial a publié trois pages sur le départ du père Panier, ils ont fait un pot au village, il y avait des grenouilles partout qui parlaient de l'humilité. Ce sont les mêmes qui chaque après midi, tantôt chez l'une, tantôt chez l'autre, s'occupent à faire courir des bruits sur les uns et les autres. J'ai croisé Madame Jeanne Mouton revenant de sa prière. Si j'oublie de lui dire bonjour, je serai brûlée demain à l'aube. Je salue Madame Jeanne Mouton. - "Bonjour, Madame, vous allez bien ?" - "Très bien !, Et vous ?" - "Ca va ! au revoir Madame !"

Au bout de deux heures de marche, on oublie ces gens là, et on s'oublie soi même. On devient le coin de terre, la ronce à contourner. En oubliant, on se retrouve, au milieu des vaches sous des sons de cloches inoffensives qui descendent jusqu'aux hameaux où là bas des hommes passent leur journée à pêcher dans l'étang. On traverse une autre grande terre, je croise un paysan, juste un hochement de tête, suffira à  l'approbation du temps, du vent et des saisons. Je coupe à travers champs. La lumière me déplace déjà vers l'autre monde. J'arrive à ce point du pays où plus aucun obstacle ne complique l'esprit. La nuit tombe trop tôt, je n'ai pas vu l'heure. Nous changeons de pays. Le silence est de profundis. Nul ne règne en aucun pays, tout est las, mais ma joie demeure.

Photo : A travers champs, ciel et terre. Esquisse d'un crépuscule à Châtenay Sous Dun, deux heures après la pluie. Nabirosina. Août 2010.© Frb

jeudi, 19 août 2010

Presque rien




 

Poursuivre ici: http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/08/20/fe...

Repartir par là: http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/08/29/pe...

Puis peut-être écouter: http://www.deezer.com/listen-3427799

 

mercredi, 18 août 2010

Sur le banc de la quiétude

Qu'est ce qu'on raconte ?

JAMES SACRE extr : "La petite herbe des mots", (1986), "Si peu de terre et tout". Editions "Le dé bleu" 2000.

Pour découvrir quand et où se trouve la quiétude vous pouvez cliquer sur l'image.banc.JPG

Sur le banc de la quiétude, je me suis assise ce matin, j'y suis restée je ne sais combien d'années, jusqu'à l'heure du coucher du soleil, j'ai pensé à tout un tas de trucs, à tout un tas de machins, sur le banc de la quiétude j'ai pensé.

A l'enthousiasme qui n'est pas un état d'âme d'écrivain, j'ai pensé aux longs chats allongés sur des crêtes, j'ai pensé à tout ce qui peut être l'objet d'un désir honnête, j'ai pensé à la gymnastique, rien qu'à la gymnastique, j'ai pensé aux objets miroitants et fragiles, j'ai pensé à l'amoncellement des volumes informes, j'ai pensé à ce roi qui se couche sur des feuilles après un repas de fruits, j'ai pensé au secret de la beauté, à l'étang lustral, aux lotus, j'ai pensé à l'art d'user des plaisirs, j'ai pensé aux messagers, aux bien aimés, j'ai pensé à ces cages d'escalier, à leur pauvre lumière, j'ai pensé à la transmigration des âmes, aux lucioles et aux vers de terre, j'ai pensé au bateau qui prend forme, aux planchers de sapin usés, j'ai pensé au défi qu'on lance à tous les vices, au repli sans trêve et sans fin, au peuple qui s'engage de son plein gré, sur le banc de la quiétude j'ai pensé.

Midi a sonné à la petite église, il ne m'est pas venu à l'esprit l'idée de déjeûner. Assise sur le banc de la quiétude, j'ai pensé que désormais plus personne n'aurait plus jamais besoin de déjeûner. J'ai pensé à l'arbre de la connaissance, au cloître où sont formé les maîtres, au monstre, à la bête abattue, aux veillées de noël rustiques, j'ai pensé aux fées des roches et des collines, j'ai pensé à la solidité de l'oeuvre, j'ai pensé à la règle bénédictine, aux miradors, aux mirabelles, j'ai pensé au figuier sycomore, aux magnolias, aux immortelles j'ai pensé aux mantilles, à l'évènement ébruité, j'ai pensé aux entrelacs qui se peuplent d'animaux, au spectre de soi qui va et vient entre les murs, j'ai pensé aux âmes des morts ensevelies dans l'étroit cimetière autour d'une église en ruine, j'ai pensé aux hommes visant le gibier, j'ai pensé à l'effeuillement gai, j'ai pensé au rayonnement d'un jour total, au vierge sable osant battre la couche, j'ai pensé aux petites heures et aux grandes heures, j'ai pensé aux livres rangés sur le dos qu'une languette permet d'attraper, j'ai pensé aux confiscations révolutionnaires, à la timidité mortelle. Sur le banc de la quiétude, j'ai pensé.

Je sens que la lumière est moins vive, le jour baisse, assise sur le banc de la quiétude j'ai pensé qu'il devait être plus de cinq heures du soir, j'ai pensé que désormais cinq heures du soir ne voudrait plus jamais rien dire. J'ai pensé que quatre ou cinq c'était comme cinq ou six, j'ai pensé aux chiffres romains, aux racines carrées, aux tables rondes, et au khim, j'ai pensé à l'étincelle en lieu de ce néant, à la main de Damayantî s'en allant vers la capitale du Vidarbha, j'ai pensé à Saint Syméon qui vécut quarante ans sur une colonne, j'ai pensé à l'eau froidement présente, aux grenades entr'ouvertes, aux cloisons de rubis, j'ai pensé à la dispersion et à la perte des livres, aux enluminures romanes et gothiques, j'ai pensé aux moucherons agités qui s'engluent dans la confiture, au rocher que l'on roule devant une porte ouverte, j'ai pensé que très bientôt sur les marchés ça sentirait la mandarine, j'ai pensé aux questions indécises et à la force d'inertie, aux pierres disjointes, j'ai pensé aux intempéries, j'ai pensé à la joie paresseuse, aux perfections des mécanismes, aux gens qui se mordillent la lèvre inférieure avant de se rendre à un rendez-vous, j'ai pensé à la théorie du chaos, aux épaves de la guerre, aux chavirements et aux mouvements de cils d'une biche, aux coeurs qui s'y fient, à l'effacement, j'ai pensé au soleil couchant sur le banc de la quiétude, j'ai pensé.

Le jour décline, je dors couchée sur le banc de la quiétude, j'y dors toutes les nuits depuis près de deux ans et je rêve que je m'assois chaque matin sur le banc de la quiétude, pour penser à des trucs et à des machins.

Nota : Remerciements à Stéphane Mallarmé, Paul Valéry, Etiemble, Julio Cortazar, Boris Vian, Hermann Hesse, Spinoza, et Corneille qui m'ont quand même un tout petit peu aidée (mais pas trop, hein !) pour la rédaction de ce billet. Je dédie le banc de "La quiétude" et même "La quiétude" entière à Christophe Borhen parce que je sais que c'est un endroit qu'il apprécie et enfin, (belle âme !) je dédie "La quiétude" à tous ceux qui en ont besoin (vous pouvez me remercier :)

Photo : Le banc de "La quiétude" n'est pas un tombeau. "La quiétude" est le nom d'une petite maison plus que charmante, (mais je crois que le lecteur aura compris), découverte et photographiée au coeur du bourg de Vareilles, au mois d'Août de l'année dernière, en contrée nabirosinaise © Frb.

vendredi, 30 juillet 2010

Doux de la feuille (Part I)

Premiers pas...

Si vous voulez connaître le second épisode, vous pouvez cliquer sur l'image

doux c.jpg

-  Je vous raccompagne  ?

-  ohhhh ! je...

(A SUIVRE...)

Si vous voulez accéder directement à la fin de l'histoire cliquez ci-dessous, (âmes sensibles s'abstenir)...

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/09/30/el...

...Avec toutes les conséquences que ça suppose :

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/08/14/mo...

Pendant ce temps là, à quelques mètres de là :

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/08/14/po...

Photo : Feuilles folâtres surprises en flagrant-délit (par les paparazzi du Nabirosina) dans le bois nommé "Clôt Bôteret", juste derrière chez moi. Là bas. Juillet 2010. ©Frb.

mercredi, 28 juillet 2010

Dead souls

L'idée d'inspiration, si l'on se tient à cette image naïve d'un souffle étranger, ou d'une âme toute puissante, substituée, tout à coup pour un temps à la nôtre, peut suffire à la mythologie ordinaire des choses de l'esprit. Presque tous les poètes s'en contentent. Bien plutôt, ils n'en veulent point souffrir d'autre. Mais je ne puis arriver à comprendre que l'on ne cherche pas à descendre dans soi-même le plus profondément qu'il soit possible.

PAUL VALERY : extrait d'une lettre écrite en 1918, publiée dans la revue "Le Capitole", en 1926 (La pléiade, I, p. 1654).

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Les serments nous dévident. Au soleil, nous disparaissons. Incapables de choisir entre le bien et le mal, nous prenons dans l'épreuve le lot de faux plaisirs, l'enrobons du contentement des sots. Nous sommes calmes, avenants, marchons les bras chargés de fleurs, des choses nous illuminent, nous les nommons, leur donnons vie, par mégarde elles nous sont reprises. On les emporte au loin. Au loin est un lieu impossible, déjà l'imposture nous fait autres. Les regrets s'éternisent. Des passagers descendent, d'autres montent. Le cochet fouette des chevaux blancs. Le carosse a des airs de train de marchandises ou de charrette à bras portée par quelques monstres. Qui se douterait que ce beau véhicule aura déjà servi, toujours à l'identique ? Des tas de gens tous identiques, absorbés par l'azur auront traversé ce même lieu tous, indifféremment et s'y seront perdus à convoiter l'âme promise, jusqu'au mal le plus vif, au mouvement brut, des bris de là, tout au bord d'un sentier, entre les pierres sculptées, le calcaire d'une église au tympan martellé, dentelle d'apocalypse et de Christ adoré.

Le paysage nous prend et déchire nos chemises. Les oracles prédisent des temps à venir périlleux, ensuite, peut-être éblouissants. Ce serait tout comme à l'origine. Un endroit féerique né d'un péché puissant. A terre gît l'écorce éclatée d'un arbre centenaire, une sève figée, blanche et terne, de belle opacité, un point ultrasensible au centre d'un sillon qui semble se fermer à vue d'oeil, en s'approchant, on sait qu'il s'ouvre sur des mondes. Alceste qui s'y connaît, dit que les arbres ne meurent pas. Il faut les tuer, pour qu'ils tombent. S'il l'on écoute on peut entendre une plainte en écho. Un chant, des turpitudes attendrissent les dunes. Rares sont ceux qui le savent. Quelque chose cède à l'embarras, plus fort que toute vélléité d'accéder aux limites. On a beau croire que la douceur s'annule comme rien, au milieu de tout ça, l'humain chute, et cette chute fait encore peine à voir, on le regarde s'agripper à la haie du chemin, la tête noire comme un mûron: rumex, rumicis, ruberraspberry, blackberry, cloudberry, dewberry, salmonberry, nagoonberry, thimbleberry, jusqu'à l'explosion des fruits rouges. Les lèvres imitant le baiser, lèchant le jus sombre, et le suc. Si délectables, enfin.

Rien ne dissipe le muet battement qui ravive la nuit. Les chants de ces rapaces aux yeux frontaux existent bien à l'écart du monde.

"Leur attitude au sage enseigne / Qu'il faut en ce monde qu'il craigne / Le tumulte et le mouvement;" (1)

Leurs cris semblent montrer la figure souveraine, le chemin des grandes terres, et du soleil couchant. Toute crainte terrestre s'en trouve remuée, mais rien jamais ne peut si aisément se rompre. Nous accueillons la vanité et nous cachons ce vierge, ce muet en nous même, qui nous plie, nous allonge sur un fil, et lie les univers les uns aux autres, un seul ressort si mystérieux qu'on ne sait déjouer. L'effroi succède aux tumultes, aux mouvements, les aveux magnifiques se taisent.

Tout était lumineux, et tout nous enchantait. Nos pavanes ne sont plus que bredouillements de gêne. Nous cherchons l'absolu ou l'oubli ou les deux et la nuit nous pleurons. La nuit ça continue, ne viennent que subterfuges, et les vains substituts. Quand l'heure est dépassée, on se rentre en citrouille. Toutes ces grâces enfantines n'en finissent plus de nous hanter et ces folles entreprises, tours de main, tour de cour, et ce rire de l'humain, noyant dans l'excès d'encre, les belles exhumées. Toutes ces grâces vont échues en petites notes éparses, pages blanches, cahiers reliés de cuir, ratures, effets de style à découvrir sous la lame du coupe-papier, tous ces ratés monumentaux dont on voudrait faire oeuvre ; tous ces paradis personnels, solitaires, déjà déchus. La main n'atteindra pas le coeur de la forêt. Et les songes inouis, trop criants, finiront par nous rendre sourds.

Nous dormions innocents sur un lit de bleuets. Mais par la main du diable, la création nourrit aussi les ânes, singe la sève et l'arbre. Les ardentes couleurs de nos petits succès, nous font maintenant pâlir de honte : ronds de jambes, jus de framboise, à tu à toi, je mute en rimes qu'on fait moisir confinées, mains absurdes caressant les pistils soyeux, hymen à déchirer dans un joli fourré, bouches en cul de poule, trous de guingois, le mucus libère ses toxines, des hiboux perroquets nous recouvrent de plumes, on prend des airs échevelés, concupiscence, excès. Voici l'éternité. L'ombrage est sans limite et les réveils sont durs. Pourquoi se réveiller ?

 

 

Nota : (1) ces vers sont extrait du poème de Charles Baudelaire : "Les hiboux".

Photo : Ma forêt en Nabirosina. Juillet 2010. Frb©

mardi, 20 juillet 2010

Procrastination

Chaque homme trouve au fond de ses réveils tous les désordres du temps, réduits à la médiocre échelle d'une inquiétude privée.

PAUL NIZAN

Si vous voulez voir la mer, vous pouvez cliquer sur l'image.tout quitter.JPG

Si peu de choses me retiennent. Je pourrais tout quitter... Demain.


SONGS:OHIA /"Body burned away"

podcast


Photo : Le désespoir est assis sur un banc et il ne s'appelle pas Bébert (ou bien est il debout derrière le banc ?). Tout un été à procrastiner face au kiosque à fleurs, sans une fleur à se mettre sous la dent. La vacance dans toute sa splendeur, photographiée place Liautey ou Morand à Lyon au début de l'été 2010.© Frb.

dimanche, 18 juillet 2010

Rubans

Le train de nouveau le veau spectacle de la tour du beau je reste sur le banc qu'importe le veau le beau le journal ce qui va suivre il fait froid j'attends parle plus haut des coeurs et des feux roulent dans ma bouche en marche et des petits enfants dans le sang [est ce l'ange ? Je parle de celui qui s'approche] courons plus vite encore toujours partout nous resterons entre des fenêtres noires.

TRISTAN TZARA, extr. "Vingt-cinq poèmes" achevé d'imprimer en 1918 chez J. Heuberger pour la Collection Dada, Zurich, Zeltweg 83.

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La glace a pris le pouls du coeur des frondes. La forêt maculée de sang et peuplée d’exploiteurs d'enfants est sauvée par ce point qui mène à la caverne où l'autre, un transhumant, trace des lignes sans cesse. Dans sa main un fusain, dans l’autre une palette, il sème des pigments bleus où mûrissent des hommes à tête de chiens, de veaux. Il chrome les parterres d’éclipses et de comètes, renverse toutes les encres pour camoufler l'îlot qu'on dit de rêve sur lequel s'inviteront un jour des créatures d’un autre temps, peut-être. Aux veines capiteuses des peintures, s’emmêlent le délié fin des lianes, les coquillages et leur poison. On effleure des bambous haut de plus de vingt mètres. On ne rembourse rien. On ne revient jamais. Le voyage est gratuit pour chaque volontaire. On le couche dans l'herbe, on le nourrit de baies. On l’emmène dans les mondes où il vivait naguère, lécher les gouttes de rosée sous les draps qui sèchent au soleil, embaumés des étreintes, des voluptés d’hier... Vanilles, préciosités, notes d'ambre, aldhéhydes. La rivière est couleur de menthe acidulée. On le trempe, on le baigne. A ces ébauches molles se mêle un joug épais comme celui d’une plaie fondue sur l’épiderme. L'être vain se refait. On le peint sur la pierre. Et les corps n’y résistent pas. Ils perdent leur substance, roulent dans l'avalanche. Déconstruits enfin, purs, on effacera la trame de tout leur mouvement, la mémoire et les charmes. On anéantira définitivement le mystère. On fera retomber ce pan. Sur la ligne où va le courant, un autre vient, trace des lignes sans cesse. Dans sa main un fusain, dans l'autre une palette. Il chrome les parterres d'éclipses et de comètes, puis sculpte des squelettes dans les plis de ces pierres qui revivent enfin, gorgées de sel et d'eau. L'aubaine s'acquitte bien, jouxtant les fausses plinthes. Ce ruban dès demain s'enroulera sur lui même.

Photo : Petite complainte de mon obscurité (la complainte de Tristan est un petit peu plus grande) ou crucifixion (?) en presqu'île, entre la Tupin et la Ferrandière. Ex quartiers chauds devenus chouïa sibériens. Graff bleu sauvage, ou peut-être sacrifié anonyme dessiné à l'arrache, entre les nuits, le jour. Photographié au début de l'été 2010 à Lyon. © Frb.

samedi, 03 juillet 2010

Une nuit à la fenêtre...

J’ai élevé chez moi un petit cheval. Il galope dans ma chambre. C’est ma distraction.

HENRI MICHAUX "Lointain intérieur" in "Plume ; lointain intérieur" Gallimard, collection poésie 1985.

Ipara168b.jpgLes nuits d'été, sont lourdes irrespirables. Elles se succèdent toutes pareilles. Les nuits sont noires (pas autant que certains jours en nos villes mais tout de même ), les nuits sont blanches, et je les passe à la fenêtre qui m'offre une vue imprenable sur un ciel absolu, infini. Ma nature adorant le vide, je m'y noie à feuilleter mentalement  "Le Grand Livre des Pourquoi" qui fit les délices de l'enfance et me revient régulièrement de mémoire, avec ses casse tête plus ou moins chinois d'une simplicité désarmante, enfin bref, c'est un ouvrage plein de ces questions pour les moins de huit ans, auquel nul ne pourrait répondre (pas même les tricentenaires ni madame Jesétou, éminente théoricienne du grantou devant l'Eternel, pour qui un jour ou l'autre il faudra bien composer un panégyrique)... Mais je m'égare. Ceci ne sera encore qu'une modeste nota/ notte à la fenêtre d'une chambre plus petite que l'esprit qui s'y perd (quoique...), et plus grande, (si j'en crois mon cheval), que mille fois l'univers entier. Et voilà aussitôt que je me demande pourquoi le ciel est noir la nuit alors que la lune qui m'éclaire et les étoiles qui entrent dans ma chambre sont si étincellantes. Mais au même moment quelqu'un frappe à ma porte : "Qui va là ?", Une grosse voix me répond : "N'ayez crainte, c'est monsieur Heinrich Wilhelm Matthaus OLBERS ! pour vous servir !". Je n'en crois pas mes yeux, l'astronome en personne ! ce grand découvreur d'astéroïdes est venu exprès de Göttingen, sur son alezan lacté, me visiter, afin de m'expliquer grosso modo le contenu de son paradoxe, si fascinant, que je ne pourrai (dans mon immense générosité), garder cela une seconde de plus pour moi seule, ainsi je me sens investie d'une mission toute nouvelle, celle de vous présenter (grosso modo) le paradoxe de OLBERS, si toutefois il vous est encore inconnu. Ames sensibles, s'abstenir ! c'est une histoire qui finit mal.

"Le paradoxe de OLBERS est une contradiction apparente entre le fait que le ciel est noir la nuit et le fait que l'Univers était supposé statique et infini à l'époque. Si on suppose un univers infini contenant une infinité d'étoiles  uniformément réparties, alors chaque direction d'observation devrait aboutir à la surface d'une étoile. La luminosité de surface d'une étoile est indépendante de sa distance : ce qui fait qu'une étoile semblable au Soleil est moins brillante que celui-ci, c'est que l'éloignement de l'étoile fait que sa taille apparente est beaucoup plus faible. Donc, dans l'hypothèse où toute direction d'observation intercepte la surface d'une étoile, le ciel nocturne devrait être aussi brillant que la surface d'une étoile moyenne comme notre Soleil ou n'importe quelle autre étoile de notre Galaxie.

Une autre explication consiste à considérer que le milieu cosmique n'est pas parfaitement transparent, de sorte que la lumière provenant des étoiles distantes est bloquée par ce milieu non-transparent (des étoiles non-lumineuses, de la poussière ou des gaz), de sorte qu'un observateur ne peut percevoir que la lumière provenant d'une distance finie (comme dans un brouillard). Cette explication est incorrecte, car le milieu devrait s'échauffer en absorbant la lumière. Au final, il se retrouverait aussi chaud et aussi lumineux que la surface d'une étoile, ce qui pose à nouveau le paradoxe [...]

Ce paradoxe est important, une théorie cosmologique qui ne saurait pas le résoudre serait évidemment invalide. Cependant, une théorie qui résout le paradoxe n'est pas forcément valide. Après quoi tout ce qui brille nous laissera pantelants, affamés, à ras des cailloux, mais là n'est pas le plus le plus tragique.

[...] Il est clair que dans sa formulation initiale, on faisait implicitement l'hypothèse que les étoiles pouvaient briller indéfiniment. Or on sait aujourd'hui que
c'est faux et que les étoiles ont une durée de vie finie."

Grand livre du pourquoi et autre liens utiles, sûrement complèmentaires :

http://www.astrosurf.com/nezenlair/nel3/olbers.htm

http://oncle.dom.pagesperso-orange.fr/astronomie/histoire...

http://tice.education.fr/meteo/rayonn/jour_nui/html/jn01....

http://fr.wikipedia.org/wiki/Univers_observable

Photo: La nuit à ma fenêtre, ornée d'une charmante bimbeloterie lumineuse, à en frôler le haïku, mais bon cette fois ci je vous l'épargne. Lyon by night. Juillet 2010.© Frb.