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dimanche, 26 mai 2013

Loin de Lybie

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Cézanne peignait des pommes

Chaque jour en pantoufles.

Il descendait dans son atelier et

Il peignait des pommes...

Des pommes.

Jour après jour.

Encore des pommes.

Et il ne s'en lassait jamais.

 

 

http://www.idixa.net/Pixa/pagixa-0708231832.html

http://www.atelier-cezanne.com/france/visite-pomme.htm

http://www.musee-orsay.fr/index.php?id=851&tx_comment...

 

Photo : Quartier de pomme blanche, sur nappe ronde en coton bleu uni cousue (de fil blanc) par la Céleste Nabirosinaise. (Décalage, contraste et antidate). Photographiés le mois dernier, loin de Lybie.

mardi, 20 novembre 2012

Etat des lieux

Pas de fluctuations possibles, d'écarts brusques, d'arrachements, de rapprochements imprévus, de soudaines fusions. Chacun ici est à sa place. Une place que rien ne peut lui faire perdre.

NATHALIE SARRAUTE in "L'usage de la parole", éditions Gallimard 1980.

 

champ v.JPG

  

Nous étions invisibles nous devenons absents. 

Nous prenons la distance nécessaire.

  

Photo : Un matin d'automne au pied du mont St Cyr.

 

 Là bas © Frb 2012

mardi, 06 novembre 2012

Panier (by HK/RL)

"Je les vois se dorer ventre à l'air vos chanterelles d'abord dans une petite mousse grosnienne émeraude bordée de feuilles de chênes ocres puis bercées dans votre panier d'osier"

écrivez vous dans votre commentaire

d'où la photo ci-jointe pour vous prouver que votre "vision" est très exacte (retour d'une longue balade-cueillette en forêt des Trois Monts)"

HK/RL: extrait d'une correspondance automnale et gourmande, (ce n'est pas la première). Vous pouvez  retrouver LR chez nos amis de Lieux dits (en ouvrant la fenêtre) ou vous pouvez rester ici en offrant votre corps et votre âme à ce divin panier pour en jouir sans entraves.

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podcast

 

 

Musique: A very special dédicace to HK/LR, de correspondance en correspondances: John Cage était aussi un fin mycologue allumé par l'art des cueillettes il s'est tôt aperçu que "Music" et "Mushroom" se  touchent dans plus d'un dictionnaire. Ci-dessus, un extrait de  "Mushroom Haïku, excerpt from Silence".

 

Photos: Un panier de chanterelles et des parfums boisés, pour un monde attachant où l'or croît au grand air, se cueille à pleines brassées puis s'attache à nos lèvres. De quoi  passer l'hiver très loin du CAC 40  dans la délectation insolente des plaisirs simples et gais, à humer sans vergogne un  petit vin de région.  Le cueilleur de champis (qui est aussi un marcheur, chercheur patient et silencieux), pourrait  bien se laisser tenter au retour par un de ces Chinon de 10 ans d'âge, un salaire sans la peur,  dans le crépitement  des fricassées, nous lèverons nos verres à la terre, tant qu'elle tourne,  (comme un plat de chanterelles), et trinquerons au tableau merveilleux qu'on pourrait appeler "le repos du  cueilleur". Et ce n'est qu'un début...

 

from the Grosne's-Land © HK/RL 2012.

jeudi, 20 septembre 2012

La naissance du modèle (I)

Tu prépares, comme chaque jour, un bol de Nescafé ; tu y ajoutes, comme chaque jour, quelques gouttes de lait concentré sucré. Tu ne te laves pas, tu t’habilles à peine. Dans une bassine de matière plastique rose, tu mets à tremper trois paires de chaussettes.

Georges PEREC : "Un homme qui dort", éditions Denoël 1967

la naissance du modèle (1), marcher, homme,dormir, georges perec, le monde en marche, rêverie, partir, fugue, errance, vie, autre, les autres,  terre, ciel, pieds, tête, chaussettesIl faudra y aller à bras le corps, sortir un bazar de caleçons, de cravates, pour trouver les chaussettes, des bonnes chaussettes qui vont dans la chaussure, ni trop fines ni trop  chics, surtout pas trop épaisses, un style de coton confortable, un peu comme les nuages, un détail  brisant là,  le premier pas contre le rituel d'une journée qui ne peut pas répéter les mêmes gestes qu'hier, qui les répétera. A partir de maintenant, il ne sera plus jamais permis qu'une journée ressemble à la précédente, il en a décidé ainsi, et cela jusqu'à nouvel ordre.

C'est peut-être intenable de ne pas claquer la porte derrière soi, simplement pour marcher sans un projet qui mènerait ici ou là. Il l'a dit fermement hier soir à sa femme, un ton semblant si sûr, qui tremblait en dedans, il s'est râclé la gorge plusieurs fois, il a dit : -"le travail, j'irai pas, c'est fini, j'irai pas".

Il n'a pas entendu sa femme murmurer gentiment en essuyant la table : - "mon pauvre Patrick, j'crois que tout le monde en est là !". Ca avait l'air d'une blague.

Des jours qu'il vit comme ça, à se balancer sur sa chaise à regarder ses jambes se croiser, se décroiser sous la table, il fait tourner la phrase "j''irai pas/ j'irai pas" - aller-retour de là à là - "j'irai pas, j'y vais pas". Depuis le temps qu'il y va.

Chaque jour il enfile ses chaussettes avec les animaux, une paire brodée de papillons, une paire avec des vaches qui font "meuh" dans des bulles au niveau du mollet, une paire avec des sortes d'écussons, des oursons couchés sur des rayures bouclées à l'intérieur achetées par lot de six à la boutique de L'homme Moderne.

Chaque jour, il s'en va, travailler avec ses papillons et des vaches plein les pieds, il rentre le soir à la maison, il ressort les chaussettes à rayures avec les écussons et les oursons il les prépare pour le lendemain, posées par terre à plat à côté des chaussures. C'est leur place. Ca va de là à là.

Il hésite à pencher vers cette faculté qu'un homme aura toujours de ne plus adhérer à ce qu'il crée. Il refuse cette instance qu'imposeront les limites de la satisfaction cette prétention cachée à pouvoir ressentir la lucidité comme une chance.

Il désire juste marcher et ne plus arriver à l'heure, quitte à les faire attendre, il ne veut plus devoir saluer ses collègues dont l'amabilité peut se retourner comme un gant.

Barnier, Chaumette, et Thomasson: trois paires de mocassins, grimpant sur une échelle...

Il refuse d'écouter les fourmis qui tourmentent son bestiaire, des mollets à ses pieds, un rêve de bord de mer où les algues vont naître enchevêtrant les joncs sur des rives jusqu'aux îles que la rue re-dessine sous ses pas, à l'emplacement exact de la semelle. Quand il pleut c'est visible, on pourrait y loger des milliers de créatures inoffensives : les doryphores, les coccinelles...

Enfin, il faut rentrer par la bouche du métro passer entre les poutres en ferraille qui diffusent les musiques d'une nostalgie, au  temps vécu par d'autres quand il n'était pas né. Celles-ci paraissent pourtant plus authentiques que sa mémoire, un canyon près d'une route chantée par des ancêtres dont il visualise précisément l'espace : les bornes, les caravanes, les kilomètres qu'il reste à parcourir jusqu'aux dunes, les sommets sous le ciel, un espace infini.

Ca grouille dans les artères, quand il attend sa rame, il peut apercevoir une quantité d'orchestres, son pas ouvrant l'attaque de ces anciennes vies et les nouveaux visages et les chers souvenirs fussent-ils revenus  intacts de la saleté, du bruit ; un énorme désastre absorbé par l'envie.

Entre les grosses pierres il voit des galets blancs et des petits scorpions goûtant la drôle de chair des papillons, des vaches, la chair des écussons, en lambeaux des rayures que les oursons avalent, et la voix de Suzanne, qui criait dans la rue quand elle le vit pieds-nus accroché au portail "mon pauvre Patrick, tu t'es encore perdu !".

Ca pressait le défi d'abîmer leurs espoirs, rien d'extraordinaire n'avait eu lieu ici. Cette expérience ruineuse entre en grâce pour laisser marcher l'homme dans un rond de serviette avec les animaux, jusqu'à ces alluvions, il entend les guitares : "Dirt road blues", il retrouve le fauve qui garde son esprit, un tigre dans le muscle piétinant à pas vifs les dernières plumes d'autruche d'un édredon trop lourd, il revient à la vie, pieds nus dans ce dédale, il est nu, il déclame couché sur des moellons les vers de "Walk the line". 

Une fois n'est pas coutume, elle ne met pas ce soir sa longue chemise de nuit brodée de libellules. Elle apporte les fruits, les citrons, les grenades qui décorent la ouate rebrassant ces étoffes, elle se glisse près de lui, trouvera le passage au moins jusqu'à l'aurore, elle marche sous ce corps en précisera l'attache en s'appliquant surtout à ne pas réveiller l'homme qui dort.

 

A suivre ...

 

 

Nota : L'ouverture du mouvement à cliquer dans l'image

Photo : Le modèle en extase (devant un tableau de... Vazarely ?). Selon nos experts, si le marcheur s'est endormi, rien ne pourra l'arrêter, il n'aura donc cessé de marcher pendant que nous dormons, il aura fait des kilomètres sauf si nous sommes en train de le rêver, une hypothèse probable. L'homme qui dort et qui marche dans sa tête ne cessant de mourir et de naître, la suite dépendra aussi des espèces d'espaces traversés et peut-être aussi un petit peu de Suzanne ?

Le mot de Georges  (un supplément à méditer) :

L’espace est un doute : il me faut sans cesse le marquer, le désigner ; il n’est jamais à moi, il ne m’est jamais donné, il faut que j’en fasse la conquête.

 

 

Lyon presqu'île © Frb 2012.

vendredi, 14 septembre 2012

La naissance du modèle (II)

Je lui disais "regarde comme on peut bien marcher sur deux jambes. N'est ce pas merveilleux ?"
Un équilibre parfait. Je déplaçais le poids de mon corps d'un pied sur l'autre, faisant brusquement demi-tour sans perdre l'équilibre. C'est quand même quelque chose d'extraordinaire.

GIACOMETTI parlant à son modèle, extr. du livre de Anne MORTAL "Le chemin de personne - Yves Bonnefoy Julien Gracq ", éditions l'Harmattan, 2000.

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Il marchera dix heures par jour pour parcourir une moyenne quotidienne de 35 km entre sa cabane et son île, il rêvera de partir en sandales sur les chemins de Compostelle.

Il marchera sur un manège par des tapis roulants à travers des clôtures incassables, il n'aura pour ami qu'un tricycle à bagages, une trousse de premiers soins, une tente, peut-être un sac, il achètera tout à la boutique du "campeur" de la rue des écoles.

 

Lien  : http://youtu.be/F72jPxRCR7c

Nota : Augurant le thème de la marche et des forces motrices dont aucune n'est à suivre, strictement, (quoique)... parmi des propositions multiples et les vagues à venir, vous trouverez un fragment des dérives du modèle en cliquant dans l'image.

 

Photo : La naissance du modèle sur les chemins de la vie, (pas encore buissonniers), pas encore Homme qui marche, filliforme et précaire, dépouillé de ses accessoires, tel que l'avait imaginé Giacometti, occupé à le faire, le défaire en multiples versions jamais achevées selon l'artiste, foulant l'équilibre de l'homme et de son vide. Le modèle 2012 aura coûté moins cher, (détail mesquin, le cartable coûte un bras, car aujourd'hui hélas, on ne peut plus naître sans rien), le modèle 2012 trace humblement son rêve en habits de gala, il chemine pas à pas, patience ! laissons-le naître... Photographié loin des écoles entre deux rives, sur la Presqu'île exactement.

 

Lyon. © Frb 2012.

jeudi, 16 août 2012

Vitrailler (I)

Oh n'est-ce pas mon Christ, mieux valait l'esclavage,
Les terreurs et la lèpre et la mort sans linceul,
Et sous un ciel de plomb l'éternel Moyen-Age,
Avec la certitude au moins qu'on n'est pas seul !

Jules LAFORGUE, extr. "Certes ce siècle est grand !" in "Poésies complètes", (références incomplètes).

vitrail &.jpgLe temps allé, nos corps se trouvèrent suspendus, il fallait bien choisir entre le haut ou le bas. Nous sommes demeurés dans cette position indécise, un peu voûtés comme les  plafonds en voûte d'arêtes du petit édifice.

L'assemblée est debout, ramassée dans son cercle, elle sommeille.

Quand viendra l'heure de rentrer, il sera difficile de rejoindre les bruits. Entre la solitude et cette clameur là bas, il y a l'ombre d'un homme qui vient chercher la somme déposée dans les troncs, c'est la recette des cartes postales à cinquante centimes pièce. Il marche sur la pointe des pieds, il a fait le signe de croix, c'est une sorte de vicaire. Et toi tu vis de ça, du regard porté sur l'original au milieu des imitations, de l'envie allant au plus simple esquivant les complications de la vie ordinaire, elle aussi, a fini par te coller une lucarne dans l'oeil et tu t'enfuis là haut saisir les éclats de couleurs. La volonté de tout saisir a fait de toi un courant d'homme qui court et court sans cesse après quelque chose de nouveau, même si cette nouveauté reproduit avec précision un savoir millénaire, cela ne rencontrait pas ton rêve. Tu te promènes en touriste comme tout le monde. Un vitrail te sidère. Ta voix veut s'y loger.

A cette heure, tu devrais être avec les autres, sur la plage et tu ris de toi même, toi, le fauve à genoux, l'incrédule amusé qui s'en revient lustrer son corps sur cette pierre. Tu es tombé ici et tu tais ce hasard. Un voeu de Moyen-Âge traverse ton histoire. Tu t'es dit un instant qu'il serait temps peut-être, d'abandonner le reste, si tu le peux encore.

L'assemblée s'est tournée vers toi, elle met un doigt sur ta bouche, comme une seule émission elle te prie. La voix baisse c'est à peine, se taire, tu ne sais pas.

Tu croyais aux rictus de ces diables surgis des chapiteaux, et encore tu t'exclames, pour ce peu de silence...

Pourrais-tu leur reprendre ?

C'est le même rictus qu'autrefois. Ils t'intriguent ces vieux, avec le même dos rond qui passe en communion, quand ils baissaient les yeux à cause du jugement.

Ils t'effrayaient parfois, au delà de leur âge, il y avait autre chose. Tu n'as pas tout compris. Voulaient-ils te prévenir quand toi aussi un jour, tu marcherais voûté et monterais là haut ?

C'était inadmissible de semer la terreur dans l'esprit des enfants de faire d'eux des petits vieux avant l'heure. A présent l'assemblée ne te juge pas, elle rêve, entrée dans ses prières qui vont avec les pleurs et tout ceux que l'on pleure déjà nous pétrifient.

Tu aimes cette clarté du choeur et des travées contre l'obscurité du bas côté où le visage repeint de la Vierge-Marie semble attendre que l'on répare aussi l'enfant blotti contre les plis d'un voile cœruleum. La statue a été soigneusement inclinée derrière une pancarte qui demande une faveur : "prière de ne pas toucher / restauration en cours". 

Par l'allée principale les figurations de l'enfer ne te semblent pas plus sérieuses que ta tête quand elle sort de la nuit, ébouriffée, broyant dans une image une foule illuminée qui disait les messes basses et troublait ton sommeil. C'est comme au cinéma, ça tourne, ça se répète, ça rejoue d'autres scènes: les sentences arbitaires, l'improbable veau d'or... Un sacré beau désordre : il grouillait de bonhommes qui criaient au miracle, de gouailleuses parigottes s'entichaient d'un sauveur et Robert Le Vigan prenait son rôle à coeur,  dans la chair mortifiée d'un Jésus aberrant guidant un peuple élu qui ne peut s'y retrouver. Cette mémoire revient noire de monde...

Ils montent le long de la colline,
Chacun le front couvert d'épines...
Par centaines...

Toi, tu étais enfant, ces vieux jetaient au ciel les cailloux qu'ils trouvaient en chemin, ça leur faisait des têtes de perpétuels orphelins. Ils revenaient parfois ramper sous forme de bêtes, elles peuplaient les armoires dans la maison austère d'une cousine Charliendine ou d'une tatan chartraine. Les têtes de fouines glissaient sur des manteaux immenses qui ne sortaient que le dimanche. On te prenait la main. On t'emmenait à la messe. Tu trottais derrière eux. Tu aimais ces vitraux qui rappelaient les cubes ou les étoiles de mer avec ton imagination tantôt géométrique tantôt bercée de sphères. Déjà tu ne savais plus  comment faire pour choisir entre le haut, le bas. Le mieux eût été de demeurer toujours ainsi, pendu dans l'air...

Tu ris parce que ces vieux sont devenus d'hier. Ils ne te font plus peur à présent. Ils prient, ils pensent à eux. Ils se consolent entre eux. Ils ont peur des cailloux qui rouleront dans ta bouche, quand tu les chasseras. Ils savaient bien pourtant qu'au temps venu personne ne peut passer son tour. Ils croient que l'heure est proche, ça les hante, ces comètes, les pôles à la dérive, la barbarie, les guerres. C'est écrit dans le livre et même dans les vitraux, des genres d'apocalypse...

Tu contemples ces simples qui mettent des croix partout : aux chemins des calvaires, aux murs des crucifix...  tu ris un peu de tout, avec ta science qui pèse, ton jugement qui claque mais ne flambe pas les mitres. Viserais tu le haut avec tes rimes en raout ? Tu te crois tellement libre de savoir lier ton verbe à ces sortes de vrilles que tu finis aussi par mettre des croix partout : dans des cases, sur des plans sur les gens, sur le blanc, parfois sur tes amours, et ta bouche énumère comme ils faisaient hier, tout un tas de hantises. Tes images nous délivrent. Tes fidèles adoreront un jour ta face de chèvre. Nous te regardons rire sans savoir quoi penser, quoi tirer de nous mêmes. Pour apprécier pleinement la lumière du dehors entrée par les vitraux, peut-être faudrait-il nous crever les yeux puis en fabriquer de nouveaux qui ne soient pas tentés de nous refléter dans tes images.

Au milieu de l'allée, tu as ouvert un sac, tu as sorti des miniatures d'outils afin de mobiliser l'objectif sur ce noyau de vieux, tu les prends, tu les cadres, les traques et les mitrailles comme si tu désirais que l'image te révèle le verrou de leur Dieu. Le ciel t'appartiendrait. Tu nous libérerais avec cet air badin qui voit dans un vitrail, un produit idéal. Capturant l'éternel, tu pressens la tendance, le charme vaste et mystique de nos prochaines vacances. Cet air ne mange pas de pain, il multiplie les êtres postés en file indienne entre les cars multicolores et les modillons minuscules qui veillent sur le jardin de l'ancien presbytère. La place est pleine de monde espérant l'ouverture du choeur par un portail, une excursion bancale sur un rai de lumière. Comme il pèse à présent ce chant des vieux qui tardent dont le silence se perd encore dans la question.

What are you doing after the apocalypse ?

 

 

 

 

Photo : Récemment restauré par l'artiste Rachid ben Lahoucine, ce vitrail magnifique a été photographié en la petite église de Bois St Marie (voir billet suivant ou précédent ICI). Le rendu des couleurs du vitrail n'a pas été modifié par quelque procédé photographique, seuls les murs déjà très sombres de l'église ont été un peu assombris. Pour mieux voir vous pouvez cliquer sur l'image.

Là bas © Frb 2012

mercredi, 01 août 2012

Volets vers...

CHAMELET : département : Rhône, code postal : 69620, population : 690 Habitants,  Altitude : 337 mètres,  superficie : 14.77 km2 ou 14, 50 (tout dépend les sources)...


chamelet gare.jpg

Chamelet-Village, ce nom résonne comme un bon cru. Les habitants y sont nommés  les Chamelois et Chameloises. C'est un lieu fortifié aux charmes qu'aucun adjectif ne saurait décrire, ce qui tombe bien parce que je n'ai rien vu et comme toujours je dirai tout, pour quelque fantaisie qui hante l'esprit du pérégrin dans ses égarements, à ce passage rapide de la correspondance en ces villes ou bourgades dont on ne parle jamais dans les livres, quand deux minutes suffisent  à rallonger le temps, pour glisser des images et un tas d'impressions plus ou moins pédagogiques. On peut lire à son rythme... je remercie vivement Michèle Pambrun d'avoir inspiré cette exploration, (certes, approximative), en m'invitant via une récente correspondance ici même, à retrouver l'oeuvre de Pierre Bayard dont un livre particulier s'accorde semble-t-il au thème de cette page ; à cette question qui obnubile également certains jours, une tentation de déplacements légèrement improbables : "Comment parler des lieux où l'on n'a pas été ?".

chamelet.jpg

Ainsi, sans bouger du train bleu aux banquettes confortables, j'ai pu visiter à travers l'espace-temps, par les reflets d'une fenêtre passée dans une autre fenêtre, l'ancienne place forte des sires de Beaujeu, jadis un centre de tissage et de blanchisseries de toiles. J'ai remarqué les halles en bois du XVIème siècle et un donjon carré également du XVIem, tout cela admirable. Ensuite, je me suis dirigée jusqu'à l'ancien relais de poste puis, croisant là, le Marquis de Chalosset, il m'invita à boire un cruchon de beaujolais au Château (de Chalosset évidemment). Son cousin Gervais de Vaurion jouait là au tric-trac, comme cela est courant à Chamelet en été, (j'en profite pour vous montrer le tableau de Le Nain où le Comte Gervais de Vaurion figure avec son chapeau à plumes qu'il ne quitte jamais, bref, Monsieur le Comte me montra les vestiges du château de Vaurion, ce fût un moment agréable. Ensuite nous allâmes à l'église contempler des vitraux d'une finesse remarquable datant du XVème siècle, et dans le foin nous nous roulâmes, bénis par les ombrages d'une petite chapelle arborée. Profitant ardemment de quelques secondes encore vastes, après avoir vu la maison natale de l'illustre ingénieur hydrolicien, le Baron Gaspard de Prony, dont le nom est inscrit sur la tour Eiffel,  et dans une rue du 17 em arrondissement de Paris, je batifolais un instant avec un ou deux chamelois, chameloises entre la vigne, les pâturages et la forêt. Mais il ne fallait pas traîner, comme on dit "le train n'attend pas le nombre des années" bien que le temps échappât et que j'y fus installée, (dans le train et ce temps étrangement envolés), douillettement calée et galopant par des forces cosmiques assez inexplicables, impatiente de visiter les pierres dorées des édifices, de battre la campagne jusqu'aux coins les plus reculés de Chamelet, tout en savourant la mollesse de somnoler au frais, vautrée comme tout  passager qui se respecte les pieds posés sur la banquette d'en face. Ceux qui ont fréquenté ce genre d'expérience, sauront que deux minutes suffisent à s'abstraire totalement, pour toucher l'insoucieuse déréalité insufflée par le bruit d'une locomotive à l'arrêt. On se retrouve alors comme rien, étranger à soi-même, hors temps si loin du monde et des êtres continuent à courir dans les villes vers toutes sortes d'objectifs dont la quadrature obstinée nous paraît soudain incompréhensible. Ce n'est qu'une impression, produit trompeur de l'oisiveté qui peut parfois revêtir, (gare ! gare ! c'est un piège !) les mêmes certitudes que la vérité la plus sûre. Moralité: Méfions nous de nos impressions...

chamelet gare poème visuel.jpg

La locomotive toussotant un peu au démarrage, j'y gagnais trente secondes de vitesse hyper lente (qui n'est plus de la vitesse mais une lenteur peut-être plus rapide que la lenteur ordinaire, tout cela difficile à mesurer précisément) puis après avoir exploré de fond en comble, Chamelet, ses alentours, (sans jamais bouger de mon fauteuil, là, j'insiste) je me suis aperçue (avec stupéfaction) que ce qu'on ne mentionne jamais quand on évoque le village de Chamelet c'est le lieu fou de la maisonnette laquelle, très curieusement a pris le nom de gare. A cet endroit qui devient aussi un instant magique, on peut, durant deux minutes s'égarer et le reste s'évase. Ainsi, en contemplant ces discrets joyaux villageois par les fenêtres de la maison du chef de gare, là où s'arrête la modernité, je dus encore me réjouir d'un léger réenchantement des lieux, dans la briéveté du temps qui passe et ne passe pas, devant ces beaux lettrages rouges qu'on croyait disparus, et je vanterai en passant, les bienfaits visuels et spirituels des volets verts, ainsi que la bonté intrinséque des rideaux dits "bonne femme", que l'on glane à des prix imbattables à Lyon, chaque mardi au marché de la colline (qui travaille), on n'exaltera jamais assez l'esthétique de la bonne franquette qui adoucit les moeurs autant que les vins de l'Azergue mettent le palais en sympathie avec la terre... Malgré l'annonce des deux minutes, d'arrêt, (en fait, d'annonce il n'y a pas, c'est au voyageur de faire le calcul et comme le temps moderne est arrêté ce n'est pas mince affaire, à cette heure du départ), il faut être matheux pour demeurer d'équerre sur les rails enfumescents "que nos rêves enfumaient", c'est de L'Emile...  Paisible, je suis restée, à Chamelet, deux minutes égales à longtemps, admettons que ce soit une imitation fort bien faite de l'éternité que je pris pour la vraie, collée à toutes les fenêtres, (ubiquité oblige), sans m'y pencher bien qu'étant fort tentée comme au temps de la lison où l'on pouvait ouvrir à volonté autant que refermer ou tomber de l'autre côté, pour un instant d'inattention,  et mourir dans une cotonnade anthracite, (à lire absolument "les périls colossaux" du philosophe cascadeur, Italien E.P. Sporgersi). Ne pouvant pas entrer le corps dans Chamelet entier (certains détracteurs de Sporgersi ayant cher payé de provoquer l'auteur sur ses mouvants territoires), près de ce quai à trente secondes de ce coup de sifflet d'un chef de gare du genre homme invisible, je voyageais encore dans l'air conditionné d'un wagon de deuxième aussi frais que le petit train des gentianes et après réflexion, je décidais de vous glisser quelques images de l'atmosphère inimitable de Chamelet-gare: une fenêtre par minute...  déjà le train nous presse, mais rien ne sert de courir, en soufflant sur une plume par le vent mythomane, l'oiseau vogueur pourra conduire, éconduire le lecteur de Chamelet à Kharbine en tirant légèrement sur les rails avec ses ailes comme sur un élastique jusqu'à l'oubli certain de nos destinations.

 

 

 

 

 

Nota : Pour voir toujours plus grand, il est recommandé de cliquer sur les images. Pour le titre assez lacunaire vous pouvez complèter ...

Photos : Dans l'ombre d'un train, des fenêtres, les derniers volets vers... peut être. Quelques vues. Tout est là ou plus sûrement ailleurs...

 

Chamelet © Frb 2012

jeudi, 12 juillet 2012

Invisibles

An têt an pié mango-vê
Mêt Kolibri lévé bon-nê
Opipiri ija douboutt' :
Sin tchê d'matin
Soleye ka lévé bon-nê ozantiy.
Fuiii !!!... Pssiii!!! - Mêt Kolibri ka siflé

Extr. du "Mêt Colibri" - Conte Créole"-

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Invisibles

Le roi-grenouille, la fille aux mains coupées, le renard parrain, Till l'Espiègle, la nonne qui a vu le monde, l'os qui chante, la reine des oiseaux, le petit poucet, le chat perché, les trois châteaux du diable, la femme-squelette, le carreau de beurre, la bouillie dans le trou de glace,  l'homme sans tête, le grand gros navet, la chemise qui porte bonheur, la tortue avisée, la poupée qui mord, la danse dans les épines, le roi des poissons, la bible du démon, la licorne rose invisible, l'arbalète magique, le petit boeuf rouge, le chien du tsar, le bonhomme de pain d'épices, les trois oranges d'amour, les souliers usés à la danse, le crocodile qui ne mange pas les poules, l'enfant crapaud, l'indien qui gardait sa femme en cage, le chat qui s'en va tout seul, les 12 valets paresseux, les bottes de 7 lieues, les soupirants de la renarde, l'arbre sans fin, le Nakakoué, la soupe aux escargots, le harfang des neiges, la belette entrée dans un grenier, la princesse aux petits pois, l'ourson de verre, le coucou franc, le cochon à tête blanche, les trois petits kangourous, le vilain petit ver, Moumine Le Troll, l'homme au sable,  le nain jaune, le monastère des larmes, la malle volante, le rêve vendu, l'homme gris, la belle aux cheveux d'or, le jabberwocky, celui qui voulait vivre aux crochets des autres, le petit homme marron, le chêne parlant, le dromadaire mécontent, les fileuses d'or, les trois sourds, le petit âne, l'oiseau malin, la biche borgne, le chien Zoubar, les oies qui demandent du répit...

 

Invisibles

 

Le samouraï oublié, l'homme touffu, le prince aux 3 destins, le Marquis de Carabas, le phénix sculpté, le tyran écarlate, le maître voleur, le roi des échos, la fée clochette, Tim Tim bois sec, Poucette, la petite fée Carotte, le caméléon amoureux, le manticore, le dragon vengeur, le baiser maléfique, la dame à la licorne, l'âne si doux marchant le long des houx, monsieur-Chenille, la femme-cygne, le génie de la forêt, la mystérieuse chambrière, le nocher des enfers, la case des jours de pluie, le prince Torticoli, le Kraken, la fée aux gros yeux, les trois ours, le sabre enchanté de va-de-bon-coeur, le gnome qui regarde passer le train, La belle Florine, la petite poule rousse, le roi des singes, Blaise le poussin masqué, les oeufs de la cane Calandéric, le mendiant insupportable, La fleur des vies des Saints, le Baba Yaga, la Dakini, Persinette, Sylvain et Sylvette, Jeanot le cuisinier du roi, Dame cagouille, les lavandières de la nuit, la grotte aux lutins, le génie à tête de bouc, le prince tout bleui, Berthe la fille du roi de Hongrie, le sou du rossignol, le petit garçon qui plantait des clous, la vieille femme dont le fils adoptif était un ours, la soupe à la princesse, Dame Trude, peau de vachette, le vieux baron des ravots, la petite sirène, le chercheur de vérité, la lune prise pour un fromage, l'ankou, Ricdin Ricdon, le prince Titi, la bête à 7 têtes, la fontaine de Jouvence, le fantôme de l'avare, le moineau à la langue coupée, la princesse clair de lune, le roi Bec de grive, les moires, les nornes et les dises, les vérités inutiles, les souhaits ridicules, l'arbre qui voulait rester nu, la fée aux miettes, le pays des 36 000 volontés...

 

 Soeur Anne ma soeur Anne, ne vois tu rien... venir ???

 

A suivre, peut-être...

 

Photo : Le petit lièvre un peu visible, ou peut-être une apparition ? Photographié (sans trucages), montée de la Grande Côte à Lyon, un jour comme il y en a tant où l'on ne voyait rien venir hormis le petit lièvre dont on sût bien plus tard qu'il arrivait du pont du gard. (Avertissement : ceci est un conte pour les grandes personnes).

 

Liens :

intelligent : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfp_0556-7807_1977_num_40_1_2110_t1_0052_0000_2

instructif : http://expositions.bnf.fr/contes/arret/ingre/indespa.htm

Approximatif : http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/07/09/cendrillon-10-ans-apres.html

 

© Frb 2012.

dimanche, 08 juillet 2012

Coutances

Le dépaysement demande un pays d'origine

 

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 A suivre, peut-être...

 

Photo: Comme un dimanche à Coutances inspiré par la lecture du petit livre de J.B Pontalis intitulé "Loin".

 

© Frb 2012

dimanche, 27 mai 2012

Comme un dimanche...

Un dimanche de mai 1982, à onze heure du matin, le curé Masselin, monte en chaire, pousse un cri horrible et dit : "Après le jugement dernier, les ressucités de toute la terre se disposeront en colonne par deux et viendront successivement laver leur linceul dans le lavoir de Sore-les Sept Jardins. Ils se débarrasseront ainsi des traces de boue et des péchés. L'opération prendra le temps qu'il faudra. Les corps glorieux auront l'eternité devant eux. Puis ils se disperseront dans la campagne, poseront leur linceul à terre avant de s'y coucher et se caresseront les uns les autres sous le regard bienveillant de Dieu"

Gilbert LASCAULT : "Draps, linceuls et manuterges" in la revue "Le fou parle"23. Balland 1983.

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Lien : En plus d'être critique d'art, écrivain, véritable passeur, Gilbert Lascault est aussi un homme de radio  une "voix" des plus singulières... Extrait, à  écouter, visionner, ci dessous :

http://vimeo.com/7095736

Nota : Pour ceux qui envisagent les dimanches sous des onctions plus chastes, la Marie Charlotte honnissant nos vices vous sonnera les cloches loin des affres de la chair, avec tout de même du linge, des aubes, de la dentelle, et Mr le curé de Varennes, que vos doigts vertueux (ou la Sainte Souris) trouveront sans peine en cliquant dans l'image.

Photo : Un dimanche de Mai 2012, dans la campagne du Parc de la tête d'Or (Parc des 7 jardins  lui aussi, en cherchant bien), l'histoire n'en finissant pas de tourner en rond,  j'ai  photographié une ressucitée effectuant une partie de jambes en l'air avant que d'autres ne viennent la rejoindre pour échanger un peu d'amour universel sous votre regard bienveillant chers lecteurs, Dieu ayant bien d'autres chats à fouetter ce printemps. En attendant de voir la suite... Promesses, promesses...

Parc © Frb 2012

samedi, 01 octobre 2011

Love story

Sur le pont suspendu
nos vies s’enroulent
aux sarments de lierre

BASHÔ  (芭蕉)

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Nota 1 : Le premier mouvement de l'automne de l'année dernière peut se revoir en cliquant sur le mot "RITOURNELLE".

Nota 2 : Par une coïncidence extra, les conditions idéales étant réunies, nous voilà fin prêts pour la "MOMIJI".

Photos : "Le cycle des saisons" Ou le premier mouvement de l'automne  par les formes sereines d'une saison aussi luxuriante qu'une île lointaine. Et l'or de l'été finit là où tout ce qui finit tout peut renaître... Une orgie de feuilles mortes photographiée dans divers squares de la ville, à Lyon entre le mois de Septembre et d'Octobre.

© Frb 2011.

lundi, 26 septembre 2011

L'échappée vaine

Je serai l'artisan de mon propre dépaysement

JEAN BERTRAND PONTALIS : "Loin", éditions Gallimard, 1992.

lucien bis6343.JPGComme le grand voyageur, il a tourné les talons, il s'en est allé seul. "Facile de laisser tout". Et leur tronches tous derrière, les gens de sa maison qu'il appelait "les miens", et qui avaient fini par lui ressembler trait pour trait tandis qu'il ne leur ressemblait en rien, portant une quantité d'obligations, d'affections corvéables, tout ce temps à durer, se construire sur un drôle d'équilibre qui n'était ni le leur, ni le sien. A devoir faire plaisir, même quand il bricolait, c'étaient là des moments  tranquilles, mais il y avait toujours un temps où quelqu'un lui criait du fond la cuisine "Tu viens manger ?" ou simplement, "C'est prêt !". Il répondait régulièrement, "j'arrive !" comme hier, comme demain, il arrivait dans la seconde, la tête rentrée dans les épaules déroulant d'un rond de serviette ,sa petite serviette à lui, reliquat d'un trousseau, où l'on avait brodé à la main, point par point son prénom il savait chaque jour qu'il s'appellait "Lucien", à la même place, la place du père en bout de table, à côté de la corbeille à pain, de la bouteille de vin, de la cruche d'eau toute en face de cette cruche de Brigitte, ces cruchons familiaux, il prenait sa becquée, sa couvée, toute en bouche, et là, sur ses épaules un excédent fragile détraquait les chemins.

Comme le grand voyageur il reviendra, (il reviennent tous) pour raconter plus tard ce qu'il a vu, c'est cela qui lui manque, raconter ce qu'il a vu. Comme hier, comme demain, c'est toujours les mêmes tronches. Parfois, il s'agglutine seul dans son coin en douce, et dans le vin qui gonfle ses méninges, il est fils de cette fougue remuée patiemment, il a trop à larguer, d'un seul coup c'est si dur, tout cet attachement, tout ce qu'on lui promet. L'amour de l'entourage ne fait plus désormais qu'assurer le poids du décor, assortir des objets avec quelques tentures, ou des coussins du genre. Tout cet abrutissement dans un monde achevé, abrutissait sa mort, il n'y aurait rien d'héroïque à se sentir aimé, ni à mourir de cette façon.

Comme le grand voyageur, il a dit "je vais tourner la page", si novice à l'époque, ces photos de mariage exposées au salon, la traîne blanche de Brigitte, ces sourires sur la plage, ça lui sort par les yeux, dans les cadres, ça mélange les vacances au camping, les crêpes au carnaval, et Médor dans les bras des cousins à La Plagne. Comment avait-il pu se croire chef au domaine ? Lui, qui depuis longtemps ne décidait de rien, Ce n'était plus vraiment comme hier, sur les photos quand il prenait Brigitte par la taille, celle qu'il avait choisie, à qui il avait dit "tu seras la femme de ma vie pour toujours". Mais quelle vie pour toujours spéculerait sur demain ? Il croyait c'était vrai. Il tenait une femme de sa vie, qui se donnait, était sienne ; aurait-il le coeur si fidèle pour n'aimer qu'une seule femme ? Une seule vie ? Existait-il sur terre, une créature plus belle que Brigitte, et sa traîne ?

Il avait dû comprendre quelque chose qu'on ne doit pas dire, du moins s'était-il arrangé jusqu'à ces derniers jours, pour ne pas laisser échapper ces lièvres qui couraient sous son corps, des milliers de fourmis, des crampes, des entonnoirs, et ces cubits replets de Nuits Saint Georges. Il avait ramassé, depuis ce temps, les couleurs de tous les automnes, collées sur des herbiers, une bonne vingtaine d'années fourbues entre le lierre, le chèvrefeuille, qui dévoraient les murs, partout camouflant les greniers, où l'on avait caché des bas de laine précieux. Pour deux ou trois pièces d'or, chez lui rien ne bougeait. Aujourd'hui c'est la poudre de perlinpin diluée dans l'alcool qui se prend dans le grand soleil d'Octobre, ouvre l'été radieux de sa jeunesse privée de ces jeux qui débordent.

Comme le grand voyageur, le dormeur réveillé au milieu de la nuit par le vent qui frappe aux volets, il veut aller partout et se débarrasser, de ses murs et des siens qui courent, des gens concrets, énergiques, il fait mine de les protéger, lui, qui, sucé jusqu'à la moelle est devenu plus faible qu'eux, lui qui s'en va. Il est parti. "Qu'ils se débrouillent sans moi, avec leurs tronches !" Il se ressert un verre ou deux, il va jusqu'aux champs lumineux de la vigne qui pousse au milieu des bassins du jardin d'acclimatation, il regarde des jeunes filles, au sang chaud, brasser le grain et les fruits rouges, leurs belles mains libres, courent déjà sur son corps. Oui ce sera demain.

Comme le grand voyageur, il a mis les fruits à sa bouche, le feu aux poudres et ça ne ressemblait en rien, aux fruits qu'il mangeait chaque jour. Un instant cueilli comme un prince, s'agréant au désir de ses folles combines qui font tourner la roue. La route, elle tourne aussi ; encore un chariot qui chavire. C'est autant de malheur qui vient. Il a brassé dans la montagne, l'heure tournait, ce n'était pas grave. Il s'est voué aux secrets de ces filles, a pratiqué les ablutions.

Comme le grand voyageur, tire un trait, s'en va libre, il a mis son corps à merci livré son coeur mou à ces filles, une première fois, après quoi l'obsession sera de leur tourner autour, d'y retourner les autres jours, pour ne pas dépérir de l'usure de là bas, dans les belles décombres des pavillons où vont les ballons, les tricycles, le juste prix, les soucis emballés dans de la toile de jouy, il a vu l'heure tourner sur un poignet, qui n'était pas le sien, par la caresse d'une de ces petites putes, allumant, un instant le bon père de famille, et l'incendie dans sa maison. Une vie entière qu'on bousillerait comme ça pour un coup de queue. "Merde alors ! ces filles là, ont le vice dans la peau" aura t-il pensé un instant en remontant ses bretelles, ses chaussettes en coton, en rhabillant l'ivresse sur un demi-litre de vin de table, un demi-verre, par jour, avait dit le Docteur Mollon, à cause de l'albumine ou du cholestérol. Parfait, parfait, puis il regardé le pli du pantalon, repassé comme il faut, ça tombait droit sur la chaussure, qui foulait sans souci des tapis de feuilles mortes.

Comme le grand voyageur qui a froid qui a faim, pris du regret soudain d'avoir failli à sa mission, comme le père fouettard fouette la poudre de perlinpin, il a remis le grain fou de ses grands voyages dans de toutes petites craintes. Que deviendraient ils, eux, sans lui, les miens, les siens ? Bordel à cul, bordel à cons". Il a encore regardé l'heure sur son poignet, c'était le sien. C'était grand temps. Il a eu peur. Il était temps de retourner à la maison. "On ne part pas comme ça". On ne laisse pas tout sur un coup de coeur. Il a voulu s'amender, demander pardon, aux enfants à sa femme, à ces tronches. Tout leur dire. Vivre avec ce poids là, "non, non non ! il n'était pas question" après toutes ces années, après tout leur avoir caché, "pas question de mentir, non non non" ! Il songeait à la belle famille. Ca ferait un beau tintamarre. Puis comme chaque jour, il a repoussé à demain, le moment de le dire, mais le grand vin doré l'abordait d'une lie qui laisserait des empreintes, allant rejouer l'aventure avec ce petit goût heureux de reviens-z'y. Une joie, un frisson, "heureux, heureux".

Il y retournerait demain, et tous les jours qui suivent changeraient de couleur, peu à peu habiteraient dans sa tête qui n'allait plus très bien, ce serait une autre maison, celle du petit bonhomme qui pirouette dans la chanson, un pti bonhomme de rien monté sur des bretelles, porté par des chaussettes en coton, des vignes, et des bassins et la douceur des filles qui sortent toutes nues du bain dans le parc d'acclimatation. Il songea au remords bien plié, à la faute, qu'elle pourrait deviner, elle qui devinait tout, elle qui disait toujours "le connaître comme personne". Tu parles d'une expression ! Des mots, "nos mots à nous", il les anticipait, les connaissait par coeur, quand il se défendait, s'embrouillait, cette réponse. Le soupçon à portée, Brigitte elle concluait :"c'est pas la peine, Lucien j'te connais, j'te connais !".

Il songea au Docteur Mollon avec sa longue tête piriforme, ses cravates à rayures cette tête de bouteille de Perrier ou de gnôle à la poire, sa cravate aussi moche qu'un torchon pour les mains, il songea à Médor, s'il partait, qui en aurait la garde ? Il vit le Docteur Mollon qui le fixait, pas comme d'habitude derrière des grosses lunettes d'écaille, il a vu le Docteur Mollon gracieux comme une porte de prison, tirer comme on dit la sonnette d'alarme -"vous êtes surmené monsieur Bauchier en ce moment, il faudrait passer un scanner, puis consulter au plus vite un psychiatre, je vais vous donner l'adresse d'un confrère, vous verrez il est excellent", il aura répondu sans voir plus loin que le bout de son nez -"Mais moi, j'ai pas besoin de psychiatre, je vais très bien, chui pas fou". Le docteur Mollon il savait ; laissait peser dans le bleu de son cabinet les symptômes et la grande souffrance d'une maladie bizarre "qu'on ne peut pas toujours expliquer qui dépend de facteurs divers et variés, mais qu'il est nécessaire de traiter, pour différentes raisons".

Comme le grand voyageur, il aura pris les escaliers au lieu de l'ascenseur, sous son corps tous les lièvres à présent soulevés n'avaient plus tant d'ardeur, au soupçon de myxomatose, et les bretelles se rattachaient aux chaussettes en coton aux crampes, aux fourmis noires à l'entonnoir et au bouchon en plastique d'une bouteille d'Hépatum. Comme le grand voyageur, il a marché, marché en portant des sacs invisibles. Il a repensé que Brigitte voulait qu'il ramène deux banettes, des oeufs, du lait, de l'aspirine. On l'aura vu passer par la boulangerie, ressortir avec deux banettes, au Franprix on soldait des chaussettes, il en a acheté une série, et du vin, sans raison, ça le calmait. On l'a vu entrer par la porte de derrière de la petite pharmacie, juste à l'écart du centre ville, puis il a glissé l'ordonnance et des billets, des milliers de billets dans les grands décolletés de Nadège et de Sandrine.

 

 

Photo : Lucien rêve. Sur la grande esplanade située juste devant le TNP dans le très beau quartier (Merci Lazare Goujon !) des Gratte-Ciel, à Villeurbanne.

© Frb 2011

mercredi, 14 septembre 2011

Le dessus des cartes (désir du jour)

ProgrammeAmis de la petite province, je vous promets le bonheur pour tous. (Votez pour moi !). Note à l'attention du lecteur qui n'ose pas regarder sous les jupons des cartes, j'ajouterai, le lien du dyptique, (fin dyptique cartésien, il en faut, et sa synthèse va dans les murs) vous trouverez le voyage dans toute sa complétude en cliquant sur : ICI.

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Photos :  Le dessus des cartes de la rue Descartes ou petit rébus provincial

Restructuration d'une ancienne enseigne d'un atelier artisanal situé rue Descartes à Villeurbanne. © Frb 2011

La suite toujours plus bas

mercredi, 24 août 2011

Où vont les feuilles ?

Un rêveur uni à la vie des songes interroge l'insignifiant. On réunirait aisément des documents sur l'anxiété subtile des feuilles mortes. Mais puisque celles-ci ne sont pas encore mortes, Permettez que je vous les cueille avant que d'autres ne les rechantent.

douxCF1644.JPGdoux de la fDSCF1624.JPGdouxCF1598.JPGdoux de la fCF1642.JPGdouxF1607.JPGdoux de la_0086.JPGdoux de la feuilleCF8749.JPG


 

 

Nota : Comme on ne peut répondre à la question, sans d'abord se demander "où vont les fleurs ?", (Elles vont dans certains jours, bien sûr !) vous pouvez réviser vos classiques ci-dessous :

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2011/08/06/le...

Photos : Pour les doux de la feuille, bien de quoi s'éventer encore. Des feuilles, des feuilles, encore des feuilles, photographiées dans les fourrés  forêts du Marquis, là bas, au plus profond du Nabirosina.

 Photos : © Frb 2011

samedi, 06 août 2011

Où vont les fleurs ?

Je vous convie donc à voir seulement. Je vous prie de tout oublier à l'entour ; de ne rien espérer d'autre ; de ne regretter rien de plus.

VICTOR SEGALEN, extr. "Peintures", éditions gallimard, 1983.

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Doc Watson § David Grisman : "Summertime"
podcast

Photo : Où vont les fleurs ? Question.

Pigments et parfums naturels ou balade au jardin un matin d'été doux.

© Frb 2011.

mercredi, 03 août 2011

On rentre à la maison

 Si ma maison vous déplait vous cliquez sur l'image, et je vous en donne une autre.on rentre à la maison,architecture,la maison,les maisons,balade,bricolages,été,blog des champs,étrangeté,rêverie,pârurages,de bric et de broc,nonchalance,détachement,chronique boscomarienne,tout venant,art contemporain rural

 

 

Quelques liens ou variations sur thème :

Le mode d'emploi de ma maison (enfin presque):

http://www.poeteferrailleur.com/videoermite.htm

Moyens Dubord, le plastique  écolo c'est fantastique:

http://www.youtube.com/watch?v=Zw2AE-uapd8&feature=related

A visionner, des projets ambitieux, (disons plus ambitieux):

http://www.spi0n.com/art-technique/des-batiments-bizarres/

Une lubie. Habitable ? Assez givrée, c'est à voir:

http://www.dailymotion.com/video/xbrmff_il-vit-dans-une-m...

Photo : Certains jours rentre à la maison, comme en période de flemme (vous voici prévenus). Ma panacée universelle s'en est allée nourrir un feu de joie et sur les cendres j'ai construit ma maison, (biodégradable, topécolo), n'est-elle pas sympatoche ? Elle ne s'appelle pas "La quiétude" mais on ne lâche pas l'affaire (en cas de crise et de récession)... Ma maison, donc, photographiée aujourd'hui sur un sentier là bas, dans ma châtellenie impériale boscomarienne. - C'est tout ? - Non, bien sûr que non (je fais la question et la réponse, bien obligée eh eh ! il faut tout faire dans cette maison).

© Frb 2011