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mercredi, 21 janvier 2015

Aimer le chétif

J'avais envie de dire quelque chose, de le rompre comme du pain, le silence.

CHRISTIAN DOTREMONT extr. "Les grandes choses" 

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Ogres et géants assistent à nos raclettes.

La petite dans sa cage tapotait sur le bec d’un oiseau et les cris déchirants de la bête nous arrachaient le coeur.

L'humain, noble chétif, apportait les z'oizelles et de juteuses mûres, des volailles à pieds d'ange, ce serait les dernières.

L’ogre savourait encore les orties dans sa grange. Il tombait une belle neige barbouillée de groseilles et le bonhomme fondait au milieu de la route avec son rire tenant le notre en hébétude.

Sur les murs de la chambre un vacherin couleur miel camouflait des moellons, c'était le bas de laine, une vie de pâquerettes à motif libertaire,

la petite tirait la langue à cette drôle de neige, le bonhomme dégorgeait, l’ogre dormait en ronflant, la mère faisait des crêpes, et l’ado, né-rebelle, un nid de faune dans l’oreille répétait à tue tête "on  y va ! on y go ! on y va ! on y go!".

Ogres et géants sifflent nos anisettes,

piquent dans nos sacs nos sucres, nos pétards et nos pêches, s'aspergent à nos pipettes puis embaument leur crête des arômes du grand musc d'Ovibos Moschatus.

L’un des derniers poètes sirotait sur son banc, l’hypocras et le ciel se couvrait doucement d’un grand voile écarlate, vu de l'escarpolette on aurait dit du sang.

La petite dans sa cage portait un jupon blanc qui flottait dans sa tête, elle martelait penchée, en arrière, en avant, le bâton de rouge à lèvres mélangé à la terre, farines et dissolvants

l’ogre sautait sur le banc de son frère et la terre s’en trouvait parée de brisements. Le bonhomme souriait sur ses mains grosses de neige, serrant l’air de l’hiver, la tempête et le vent.

Ogres et géants dévastent nos palettes,

un bras de mer roulé au pays des congères pour embraser la guerre, l’ogre mangeait un flan. La petite dans sa cage comptait les vers de terre sur les corps des amis par milliers, ruisselants,

et la chaleur humaine dans le bonhomme de neige devenait un cortège au grand air débonnaire, on ne sût pas pourquoi cet air était glaçant, une flaque dans nos gamelles.

Ogre et géant funestes retardaient les horaires.

Le benêt cajolait des cachous sous sa dent, le froid cloquait les ailes des bébés-cormorans.

La petite à genoux priait la Bernadette qu’on la sorte à présent du trou où les gisants se transforment en lichens, et les mourants reprennent des airs de bons vivants.

Une gondole échouée près d'un mur en coulisse s’était mise à rouler, la petite écoutait. Ces bruits lui rappelaient les chantiers de Dunkerke, caresses à l'océan,

le dadet retournait à ses mondes étonnants, l'américain suaire bouclerait ses bonnettes sur un vaste désert et des vues d'ouragan.

On dut voir l’encre sèche cacher les pansements. Quand l’ogre tremperait ses lèvres dans un grand bol de crème, il serait 5H30, l'aube s'ouvrirait violette à nos gigues mourantes, et le dernier candide sous le premier soleil, ne verrait pas les vrilles attachant la petite secouée dans sa cage qui riait mollement.

Ogres et géants étouffent nos chansonnettes.

Des croisés sur un rire barré de rouge ardent, la parole agrégeant un noeud sur sa ficelle, le géant décrétait. Sous un ciel apaisé, les pigeons communient dans le vin de bohême. Le nez devient complexe.

On voit les dieux-enfants suspendus à l'envers aux branches du pommier blanc, les bébés cormorans se ramassent à la pelle, une mémoire s'épanouit hors des lousses maraîchères, les femmes occupent l'hiver, les marins sont marrants. 

Ogres et géants boursouflent nos crapettes

Diable ! que les dieux sont bêtes ! à parquer les comètes dans l'osier des volières, où de grands fauconniers pleurent les joujoux d'antan.

La neige tombe en poussières, si les voeux sont troublants, les coeurs flanchent à travers.

Le rouquet boit son lait de jabot sous le lierre, on annonce pour demain, un peu de neige en plaine, l'ombre porte le gel. Les jours vont sans oreilles.

 

In situ: Jour de grâce à l'hôtel, les pigeons retombés sur un tapis de neige, vaguement allégorique, si on veut. Bien aussi malins que les pingouins, nos pigeons - Ce Qui Fut et Ne Fut Pas Démontré - juste vus de concert entre autres hybridations, parmi de nombreuses "curiosités", mues de l'époque épique.

Photo: à l'aube d'une ère nouvelle, la photo officielle, nous y étions, déguisés en Charlots, (bien partis à la faire, la guerre, la dure ! la vraie !) armés d'un stylo bille, dans la cour des petits, d'accord, mais assez dignes, engagés et lucides, droits dans nos bottes, et hop ! to hope is to live, hop ! et hop ! en doudoune sur la place des Terreaux, partis à la marche des Charlie qui se trouvait place Bellecour, en fait, bon, on n'est pas des héros,,"l'erreur est presque humaine" a dit l'ogre, tout là haut après avoir fouillé la bête et sa f(u)leur polétique, se fut fée, et enfin nous pûmes rationnellement rejoindre les camarades pour la photo, pis aller à l'after, voilà, un monde d'images, à suivre, peut-être, ou pas, une promesse intenable pour l'instant...

Moralité: y'en a pas, toujours pas, enfin, si, y'en a une, on la pigera après quand on sera très très vieux. On peut toujours sourire, et suivre de loin, chouïa, pour le temps qui nous reste, desfois qu'on anticipe, des feuilles mortes à la pelle qui se balayeraient elle mêmes, pour ne pas voir le vent... :((

 

Nids perliens : La vie des animals, une fantaisie pas méchante remixed © Frb, 2014 vs 2015.

vendredi, 23 mai 2014

Métaphore filée

Tout ce que nous ne voyons pas est immense.

Rouletabille in "Le mystère de la chambre jaune" par G. LEROUX. 

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Adolphe essaie de cacher l'ennui que lui donne ce torrent de paroles, qui commence à moitié chemin de son domicile et qui ne trouve pas de mer où se jeter (*)

  

Nota (*) : extrait des "Petites misères de la vie conjugale" de Balzac.

 

Photo: Tout est .  

 

Aux champs © Frb 2013

20:36 | Lien permanent

vendredi, 01 février 2013

Avalanche

Et je m'en vais à Panama pour vivre en sauvage. Je connais à une lieue en mer de Panama une petite île (Taboga) dans le Pacifique, elle est presque inhabitée, libre et fertile. J'emporte mes couleurs et mes pinceaux et je me retremperai loin de tous les hommes. 

PAUL GAUGUIN

 

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Il n'a rien entendu de particulier, il s'est contenté de regarder. Il est sur la ligne de départ. Autour de lui le bruit gagne. C'est le seul argument qui retient l'attention, et semblable aux mouvements précédant un parcours, lassé de parcourir, il voit le paysage réduire les perspectives, quelques mots devraient suivre, qu'il tait. Il ne suit pas.

Ce thème est un motif qui vaut un peu la peine de décrire ce qu'il reste, ce qui va disparaître. Il choisit la plus sotte expression parmi des milliers d'expressions possibles, un confort creusé en ce trou, un nombril aspirant, tiède encore, les plaies brûlantes de l'homme, ou les battements d'un coeur humain pas plus qu'un aspirant de rien allant à l'interligne dans l'épaisseur du bruit glorieux de ses échos.

Il y a le temps qui vient, dresse une chape et ça couve sous son poids de chair vive, ça donnera une valeur factice à la surface, quand une porte bat aux vents, quand l'éclat de ces feux attractifs rend l'univers massif, il referme sa fenêtre, il n'aura bientôt plus à se battre pour les siens.

Il a rayé son nom, il a songé aux possibilités d'anéantir enfin sa faculté d'écrire, pour s'en remettre à ce silence d'une cathédrale ou d'une bibliothèque. Oserait-il au moins peindre ? Des Carceri à la mine de plomb, le prix de ses efforts, et puis des fleurs encore, quelques lettres de l'île puis la disparition d'une marge qui portait la couleur dans une ligne de fuite. C'est peut-être un ersatz ou c'est le labyrinthe d'un lieu qui nous décime, milles convives aux fenêtres entre eux autant de vitres, là, de grandes mosaïques comme à Constantinople. 

Il fouille dans cette matière, quand revient la jachère, il y voit un soleil privé de ses ombrages, l'espace habituel où chacun arbitré dans le langage d'un autre réfute l'obscurité porte une perspective de puits et de falaises sur une place noire de monde.

Un mot encore si près à le couvrir de honte, y affûtera son verbe et l'éloquence qui vit toujours en légéreté, impérieusement tenue portera à nos lèvres l'unique grande vérité, la tienne et celle des autres, dans ce fût, sur l'étage du Beaujolais nouveau, la langue et sa piquette, t'as vu ces grands tonneaux à présent tu t'étonnes qu'ils se déversent copiant le bruit du pacifique, épanchant une série de vagues bien tempérées et délayant le corps qui se tait, le défait, comme se défait le verbe.

Il ne peut rien en dire, nous capturons de force ce point d'inanité, c'est à peine une cible qui nous veut repliés dans cette obscurité, elle va nous réfléchir, nous briser, l'emporter, qu'en sait-on ? Qui pourrait nous instruire ?

Nous serions tels que lui, des modèles d'écorchés, barrés de croix, de traits, des figures portant peine à la brutalité où la mort du désir peut encore l'emporter, ne tiendrait qu'un espace lentement annexé ; l'innocence consommée, il faudrait retrouver un mot à prononcer pour cet homme qui ne qui ne sait plus parler.

Un pas de plus, il souhaite couronner son effort, dépasser les obstacles pour bâtir un royaume au flottement discret, des airs de flammes muettes courant sur nos jouets qu'une vague achemine dans le ravissement où l'ignorance nous tient à tout heure disponibles, un bon rire à demeure tel qu'il fût toujours prêt, générant une série d'accidents, de minuscules enclaves où le mot est jeté où le désenchantement se reproduit à l'identique, tandis qu'il essaye de jouer pour simplement jouer.

Un pas de moins, les marchands de plaisirs passeront sur sa peau un baume rafraîchissant, il reluit à nouveau il est comme liquidé mais il reluit pourtant. On peut le suivre ou l'oublier se faire lentement rattraper ou souffler ce pion solitaire, mais cela n'a pas plus d'importance que ce qui est secret et devra forcément nous taire.

Il payera. Il payera en retour du désir affamé de s'affamer encore, quand l'oeil fou qui dévore des vies à la seconde aura mis des cailloux dans cette immense bouche, la sienne voudra se clore, saborder ce qui porte en dedans, ne trouvera aucun mot pour extraire une manière de recommencements à cette fin qui résiste à comprendre.

On connaît le passeur obligé de se rendre. C'est partout le même quai, alignant une suite de croix et de carrés. Partout c'est un poème qui recomptera ses pieds, ça forme sous le soleil quelques cristaux de glace et des ronds de fumée quand la lumière prend l'ombre ou peut-être autre chose, la marche se soustrait, l'homme fume une cigarette et nous voit sidérés que le vocabulaire n'ait jamais su faire mieux que nous aider à exprimer cette sensation profonde de n'avoir rien à dire.

Ca fait longtemps qu'il sait. Il mâchera les cailloux, et sentira la terre lui porter des pelletées, un semblant de jachère devenue cette palette de noirs et de blancs contenant un ensemble de couleurs ou l'absence de couleur. Il goûtera la nuance, afin de se mouvoir d'un espace à un autre sans tirer aucun trait, aucun plan, aucune des conséquences. Il est dans les reflets ou l'absence de reflet comme à ces premiers jours, naissant un peu trop tard, il a pris de l'avance, il se pelotonnait contre un arbre et goûtait au silence sous un ciel moutonné masquant les voix violentes, des ébats festifs d'où revenait puissante, une foule assurée.

Il n'y a plus à douter, pour traverser les lignes, sortir de cette violence, on se dit que parfois il faudrait marcher seul, quand la mécanique sourde continue à cibler, à broyer, elle n'aura pas de phrase pour dépouiller le geste qui recouvre le ciel d'un champ de tournesols. Il n'aura pas besoin de ces flux de paroles pour aimer ces baigneuses divines indolentes ou saisir le silence d'un dernier grand concert dans la fine transparence, les nombreux coups de couteau donnés à la matière, sont peut-être identiques, à ceux que l'on nous donne.

Un mot ne tiendrait pas à capturer cet homme, ou demander pourquoi ces entailles n'ont pas entaillé le visage des nombreux regardeurs ? La question le déplace. Il est là, et il fume du tabac parfumé. Son geste le retient, entre une drôle de clarté et le flou inhérent à la nécessité de se tenir toujours plus près du précipice. De n'en rien ignorer, à présent, il savoure plutôt garder ce vide bien en main, que de craindre l'effroi qui le rendra muet, avec cette habitude de ne parler qu'à soi, d'en ressentir l'outrage sans pouvoir accepter que nous serions tenus de battre ce pavé, nous livrer, nous lustrer, cumuler les effets, de quoi bien tapiner.

Il redoute le courant réducteur, et le malentendu qui placera son coeur d'homme entre le singe et la savane, il comptera sur les doigts d'une seule main ceux qui ont pu survivre à cela sans se fossiliser, sans se faire braconner, ceux qui ont pu créer encore, pour changer la vie quelquepart, pas seulement l'énoncer, non seulement l'énoncer, mais l'appliquer sur soi,  pas gagné ! ce qu'il reste de cobayes ne serait pas si doué à satisfaire ces files qui se massent aux musées, des foules reconnaissantes, l'artiste mort estimable, une somme de vies ratées pour battre des attraits, mourir dans les images.

Longtemps, longtemps plus tard, il trouvera quelques pièces détachées, elles nous tiennent à portée sur un filet de bave, un cri vaste oublié, le prenait corps et âme, et pouvait nous relier par une sorte de chant du monde inépuisable, mais encore trop lointain. Il a vu ce matin, Panama sous la neige, et sa jeune vahinée venue emmitouflée le plongera à nouveau dans l'extase.

 

De la neige et une bestiole inoffensive pour adoucir la dernière ligne droite de l'an 2014.merci à ceux qui ont suivi ce blog, malgré un temps d'arrêt involontaire, une panne d'ordi, et la vie (la vraie) s'y mettant en travers j'ai dû m'astreindre à des obligations laissant la panne courir en cette années si peu clémente qui m'a contrainte à imposer au blog une sorte de latence, le courrier est en rade, depuis pas mal de temps avec un sérieux bug et un bazar en dedans encore compliqué à résoudre  Mes excuses à ceux qui ont écrit, des mails dont certains  datant de cette été ne me sont parvenus que récemment, des courriers sont perdus, pour l'instant, introuvables, ici une zone de flou d'autres les courriers rescapés restent en rade la possibilités d'acheminer correctement les réponses restant aléatoire, je m'abstiens pour l'instant, à suivre, donc, pour l'instant je dédie au Noêl et à la Noêlle et aux autres, s'ils s'y trouvent

 

Echappée belle : à lire et regarder, le livre de Gauguin, "Noa Noa"  paru aux éditions J.J. Pauvert en 1988.

 

Photo : Taboga en hiver, ou le départ de l'élandin.

 

Là bas © Frb 2013.

mercredi, 28 novembre 2012

Le loup dans mon oeil gauche

"Je suis riche de pauvreté"

CHOMO alias Roger Chomeaux propos recueillis par Laurent Danchin in "Chomo" éditions Claude Simoën, 1978.

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Parler du royaume de Chomo c'est pour l'heure, une figure de prétérition, une préface pour vous dire que nous ne l'évoquerons pas ce jour ou très peu, l'univers de Chomo servant à ouvrir une fenêtre sur une autre manifestation, mais je reviendrai aux oeuvres de Chomo, prochainement puisque nous en aurons le temps et qu'il me paraît plus pressé de parler d'un spectacle donné par la compagnie de l'Iris, (et son théâtre villeurbannais) aujourd'hui bien connu, dont nous soutenons sans réserve les créations et la démarche exigeante au fil du temps, pour que l'art vivant le reste et puisse encore se partager simplement. Le theâtre de l'Iris, on le sait, en plus des nombreux spectacles qu'il propose et crée depuis des années, reste une mine d'explorations surprenantes, d'échanges entre des disciplines scéniques très différentes, où la rencontre avec les acteurs, les créateurs, les auteurs, offre une approche généreuse autant qu'une interrogation constante de la vie au spectacle et réciproquement. L'Iris a résisté contre vents et marées et continue à chercher et triturer dans l'humain, des sources classiques à contemporaines jusqu'à celles oubliées ou encore incréees avec un soin scrupuleux de réflexion, de transmission, le tout très accueillant.

Pour ceux qui souhaiteraient se rendre à ce spectacle (je vous le recommande chaleureusement) il s'appelle: "Le loup dans mon oeil gauche" pour ceux qui ne connaissent pas, ils trouveront le théâtre de l'Iris au 331 rue Francis de pressenssé à Villeurbanne, l'endroit ne manque pas de charme puisque c'est en 1988 que la Compagnie s'est installée dans un des derniers petits cinémas de quartiers alors que le cinéma permanent par exemple le "Fantasio" (premier cinéma à s'équiper du parlant, non loin du coin des frères Lumière, ô capitale du cinéma !) a vu depuis des lustres sa mémoire effacée, contre l'avis des habitants pour grossir la cité dortoir, il n 'en reste quasi aucune trace, quant à la création, aujourd'hui dans la rue de nos ateliers, les derniers îlôts artistiques, lieux d'échanges officieux sont déjà sous les bulldozzers, les notres frappés de servitude, c'est dire (-dits graissons-), par les temps qui courent, combien le lieu où l'Iris a choisi de poursuivre ses créations demeure précieux et nécessaire, il colle parfaitement avec l'esprit de son theâtre où la création résiste en peaufinant son art et souvent le fait voyager. Le projet initial toujours en évolution, le théâtre de l'Iris reste aussi un "passage" (au sens imagé du passeur) pour rencontrer des oeuvres et des artistes rares.

C'est encore la compagnie de L'iris qui vient nous offrir aujourd'hui une traversée aussi profonde qu'époustouflante dans l'univers singulier de l'art brut. Trop rarement célébré, on ne sait pas exactement quelle place lui accorder, lui qui semble n'en vouloir aucune. Il y a dans l'art brut des attraits mystérieux, des sentiers qui s'évasent...

Chaque jour à notre insu, des gens, des anonymes et inconnus dits "ordinaires", après ou avant leur travail, créent, dessinent, découpent, peignent, bâtissent, inventent, sculptent ou écrivent. Rien que de banal, direz vous ? Rien de plus extraordinaire au contraire, lorsqu'il ne s’agit pas de leur métier et que ce qu’ils font là, ils le réinventent totalement, sans l’avoir jamais appris. Passion, visions, transcendance, mais aussi désespoir et quelque fois maladie. 

Ce spectacle vaut la peine d'un petit déplacement (même dans le froid) puisqu'il est encore facile aux lyonnais (et à ceux de passage) de s'y rendre, à métro par la ligne qui mène direct de presqu'île à Laurent Bonnevay, il suffira de descendre à la station Cusset, et filer au theâtre, pour le plaisir de se retrouver "embarqué...  

extraits:

 Le facteur Cheval ramasse des cailloux sur les chemins, perdant quelque fois le courrier, 

Aloïse institutrice contrariée dans sa vocation de cantatrice tombe éperdument amoureuse de Guillaume II, elle écrit et dessine depuis,

Jeannot a inventé une machine à tailler les vignes, mais se fait voler son invention et se réfugie dans un autre monde, 

Jeanne se voue au spiritisme et à la divination puis dessine, brode et écrit le restant de sa vie en devenant Jeanne d'Arc,

Un autre Jeannot de retour de la guerre d'Algérie s'enferme chez lui pour sculpter un texte halluciné dans le plancher de sa chambre,

Jean-Pierre, quant à lui, nous révèle les origines de l'espèce humaine et du langage dans un Evangile de mille pages qu'il fait tirer à son compte et distribue gratuitement. Il y dévoile la Grande Loi cachée dans la parole et nous démontre la prodigieuse évolution humaine : l'homme descend de la grenouille ! 

La pièce a été mise en scène par Caroline Boisson et Philippe Clément, conçue et écrite par Philippe Clément d'après les oeuvres de Jean-Pierre Brisset, Aloïse Corbaz, Samuel Daiber, Henry Darger, Jules Doudin, Henri Besse, Zdenek Kosek, Lobanov, Marmor, Petit Pierre, Simon Rodia, Jeanne Tripier, Walla, George Widener, Scottie Wilson, Adolf Wölfli etc…

Elle est servie par quatre acteurs (performers) éblouissants: Hervé Daguin, Martine Guillaud, Serge Pillot, Didier Vidal, chorégraphiée par Maryann Perrone, les costumes pas piqués des hannetons sont de Eric Chambon, le son et les lumières, tout est beau, mais, allez voir, le spectacle est jubilatoire et pas seulement, c'est un écho, une émotion, une exploration, (préludienne ?) ramenée du "pays" de l'art brut, celui-ci fût défini par Jean Dubuffet

ici, un extrait du manifeste de 1949, à propos de l'art brut:

Nous entendons par là, des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique dont le mimétisme, contrairement à ce qui se passe chez les intellectuels, ait peu ou pas de part, de sorte que leurs auteurs y tirent tout (sujets, choix des matériaux mis en œuvre, moyens de transposition, rythmes, façons d’écriture, etc.) de leur propre fond et non pas des poncifs de l’art classique ou de l’art à la mode. Nous y assistons à l’opération artistique toute pure, brute, réinventée dans l’entier de toutes ses phases par son auteur, à partir seulement de ses propres impulsions. De l’art donc où se manifeste la seule fonction de l’invention, et non, celles, constantes dans l’art culturel, du caméléon et du singe."

ou plus simple:

Les artistes d'art brut oeuvrent en dehors, sans références et souvent sans démarche intellectuelle.

Certes, il y a des grincements, il faut les éprouver de front. 

Ces créateurs sont par définition des exilés, le chômage, le vieillissement, la maladie, parfois le handicap peuvent en faire des exclus. Certains malgré tout ont inventé leur chemin où il se tiennent, on pourrait dire "au bord du monde". 

Si d'entre eux, quelques uns s'effondrent, condamnés à errer mentalement avec leurs créations, incapables de communiquer à quiconque leur langage mystérieux, d'autres sont parvenus à se reconstruire en s'exprimant dans cette marge grâce à l'art et à la création, pour le créateur d'art brut, l'idée de se glisser dans les programmes des musées ou autres n'est pas le but, les artistes d'art brut disposent d'une gratuité à laquelle nous sommes (principe de réalité oblige) assez peu disposés (quoiqu'on dise), les artistes d'art brut balaient par leur inspiration, les moues des sceptiques qui se demanderaient encore "l'art brut est-ce de l'art pas de l'art ?". Cela n'est pas le souci des artistes d'art brut. Leur vie même étant d'inventer un langage radicalement inédit et totalement dénué d'emprunts, leurs oeuvres ont à voir avec la pulsion, mais cette expression personnelle touche encore à l'universel, sans le secours de références (histoires de l'art, courants d'ismes etc...) jusqu'à ce que nous en éprouvions quelque fois le vertige, une sensation qui hésite entre la peur d'y contempler un puit sans fond et l'émerveillement enfantin devant quelque paradis retrouvé. Entre les deux autant de royaumes ou d'abîmes... L'art brut naît d'un élan vital qui tente encore d'échapper à la destruction à l'anéantissement et fait un retour sur ce que nous avons en nous de plus profond. 

Bien sûr, on pourrait signaler certaines démarches d'art contemporain comparables ou très proches de l'art brut, certains artistes ont clairement revendiqué l'influence de l'art brut sur leurs oeuvres, d'autres sont à la "limite" mais quelque chose distingue le créateur d'art brut de l'artiste contemporain (prompt à se situer dans un courant): c'est ce point de "désintéressement" dont l'artiste contemporain déplore quelquefois qu'il se soit délité, voir perdu, mais les artistes contemporains ont besoin tôt ou tard de reconnaissance et peut-être (ça ne se dit pas trop) de louanges, même s'ils affectent un esprit "désintéressé", ce désintéressement de l'artiste (plus ou moins proclamé) peut sincèrement exister mais il ne sera jamais le même que celui du créateur d'art brut, en cela, l'artiste contemporain est assez éloigné de l'artiste d'art brut, qui se passe de reconnaissance pour créer, il ne cherche aucune approbation culturelle ou sociale. Peut-être est-il vestale de cette part angélique qui manque à l'homme plus ou moins "adapté"...  (c'est une vue romantique, j'y mets quelques guillemets, il y en a de plus sombres), ce dont on ne doute pas c'est que l'art brut interroge au plus près l'acte de créer, et celui d'être au monde. Comment peut-on créer pour rien ? Et pour personne ? C'est une des multiples questions avec parfois celle des affres de l'univers mental et des frontières de la folie, de la raison - où ça commence ou ça finit ? L'art brut dérange sans vouloir déranger. Il y a bien une sorte de démarche ou plutôt de ressort, mine de rien, très puissant, chez l'artiste d'art brut, c'est le défi solitaire obstiné, qui prend forme quelquefois de quête obsessionnelle: puisqu'on se désintéresse à ce que sont ses oeuvres, eh bien ! soit ! le créateur d'art brut prendra sans notre permission la liberté de "tout dire" et de toutes les façons, sans qu'on accorde une responsabilité à ce qu'il dit, à ce qu'il est puisque précisément, on ne manquera pas de compétences pour le traiter de fou, ou moins encore, d'irresponsable.

(en guise d'introduction de Chomo à la pièce de Philippe Clément , le sujet reste à suivre...)

  
source et  pistes d'exploration pour l'art brut, ci dessous:
 
 
 
A propos de la pièce, "Le loup dans mon oeil gauche":

Il ne reste qu'un jour à peine pour découvrir cette pièce (surtout ne pas se fier à notre horloge ici en mode "jours de traîne"), un regret cependant, j'aurais aimé chroniquer cette manifestation beaucoup plus tôt, le spectacle est une pure merveille, mais je ne l'ai appris qu'à mon retour puisqu'avant je n'étais pas à Lyon et  je n'ai pas de nid faune, mais il n'est pas trop tard :
 
"Le loup dans mon oeil gauche" se joue jusqu'au 2 Décembre 2012 (c'est donc le dernier jour, ce dimanche; attention, pour la der des der, le spectacle commencera à 16H00 pétantes, il est prudent de réserver.
 
Pour des infos complètes, le petit nécessaire du Theâtre de l'Iris est à cliquer ICI 
 
Le programme du theâtre pour cette année, peut se télécharger (en pdf) encore ICI
 
 
Et Chomo dans tout ça ? Chomo, on va en reparler, en attendant, pour illustrer le thème toujours irisé, Chomo vous récite un poème:
 
 
 
 
 
Remerciements à Serge Pillot, la compagnie de L'Iris, abcd art brut.net, Laurent Danchin, Raw vision, et Paul pour leurs invitations, le partage d'une précieuse documentation, et toutes les précisions, liens, éclairages qui ont largement nourri ce billet.
 
Photo : Mon quincailler est un étalagiste d'art brut mais il ne le sait pas, lorsqu'on lui dit, il s'en fiche. A chaque saison, sa façon bien à lui, d'agencer ses vitrines semble s'éloigner des tiroirs ordinaires de la quincaille contemporaine, chez lui, pour trouver par exemple, un clou, il faut d'abord croiser quelques biches qui nous observent comme si nous n'avions rien à faire ici (quelle idée me direz vous, d'aller acheter un clou dans une quincaillerie ?) - ça c'est la biche qui le dit - ainsi, à chaque saison un nouveau peuple d'animaux occupe les lieux avec une vraie légitimité saisonnière (ça reste dans une logique bien plus intéressante que celle des vitrines de la fête des lumières mais je m'égare, pardon). L'année dernière, dans la vitrine, c'était des écureuils qui sciaient des fagots avec des scies sans lame auxquelles il manquait le manche, (un peu comme le couteau quantique de Lichtenberg, qui n'est pas brut du tout mais ça reste une idée de cadeau), mon quincailler a aussi une façon formidable de faire la promotion de ses outils z'et matériaux, tant pis pour le castor, mon quincailler est fier de ses scies, cette année, on ne boude plus les plaisirs, avec des si t'avais peur du loup dans ton oeil gauche, t'aurais deux biches dans ton oeil droit, et le quincailler qui te donnerait à la place du clou, des champignons en mousse plus vrais que toi pour ton dîner que tu mettrais dans ta brouette afin te promener en ville avec ton ourson sur ta tête ou pour les manger quand tu rentrerais le soir dans ta maison en pain d'épice, en attendant, que des promoteurs du village préludien te la construisent, mais au lieu de lire ces fadaises cours dont vite à l'Iris, voir le loup, si tu ne veux pas te faire effacer par l'anprinte...
 
 
Villeurbanne © Frb 2012 (avec l'aimable participation de Paul)

jeudi, 12 juillet 2012

Invisibles

An têt an pié mango-vê
Mêt Kolibri lévé bon-nê
Opipiri ija douboutt' :
Sin tchê d'matin
Soleye ka lévé bon-nê ozantiy.
Fuiii !!!... Pssiii!!! - Mêt Kolibri ka siflé

Extr. du "Mêt Colibri" - Conte Créole"-

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Invisibles

Le roi-grenouille, la fille aux mains coupées, le renard parrain, Till l'Espiègle, la nonne qui a vu le monde, l'os qui chante, la reine des oiseaux, le petit poucet, le chat perché, les trois châteaux du diable, la femme-squelette, le carreau de beurre, la bouillie dans le trou de glace,  l'homme sans tête, le grand gros navet, la chemise qui porte bonheur, la tortue avisée, la poupée qui mord, la danse dans les épines, le roi des poissons, la bible du démon, la licorne rose invisible, l'arbalète magique, le petit boeuf rouge, le chien du tsar, le bonhomme de pain d'épices, les trois oranges d'amour, les souliers usés à la danse, le crocodile qui ne mange pas les poules, l'enfant crapaud, l'indien qui gardait sa femme en cage, le chat qui s'en va tout seul, les 12 valets paresseux, les bottes de 7 lieues, les soupirants de la renarde, l'arbre sans fin, le Nakakoué, la soupe aux escargots, le harfang des neiges, la belette entrée dans un grenier, la princesse aux petits pois, l'ourson de verre, le coucou franc, le cochon à tête blanche, les trois petits kangourous, le vilain petit ver, Moumine Le Troll, l'homme au sable,  le nain jaune, le monastère des larmes, la malle volante, le rêve vendu, l'homme gris, la belle aux cheveux d'or, le jabberwocky, celui qui voulait vivre aux crochets des autres, le petit homme marron, le chêne parlant, le dromadaire mécontent, les fileuses d'or, les trois sourds, le petit âne, l'oiseau malin, la biche borgne, le chien Zoubar, les oies qui demandent du répit...

 

Invisibles

 

Le samouraï oublié, l'homme touffu, le prince aux 3 destins, le Marquis de Carabas, le phénix sculpté, le tyran écarlate, le maître voleur, le roi des échos, la fée clochette, Tim Tim bois sec, Poucette, la petite fée Carotte, le caméléon amoureux, le manticore, le dragon vengeur, le baiser maléfique, la dame à la licorne, l'âne si doux marchant le long des houx, monsieur-Chenille, la femme-cygne, le génie de la forêt, la mystérieuse chambrière, le nocher des enfers, la case des jours de pluie, le prince Torticoli, le Kraken, la fée aux gros yeux, les trois ours, le sabre enchanté de va-de-bon-coeur, le gnome qui regarde passer le train, La belle Florine, la petite poule rousse, le roi des singes, Blaise le poussin masqué, les oeufs de la cane Calandéric, le mendiant insupportable, La fleur des vies des Saints, le Baba Yaga, la Dakini, Persinette, Sylvain et Sylvette, Jeanot le cuisinier du roi, Dame cagouille, les lavandières de la nuit, la grotte aux lutins, le génie à tête de bouc, le prince tout bleui, Berthe la fille du roi de Hongrie, le sou du rossignol, le petit garçon qui plantait des clous, la vieille femme dont le fils adoptif était un ours, la soupe à la princesse, Dame Trude, peau de vachette, le vieux baron des ravots, la petite sirène, le chercheur de vérité, la lune prise pour un fromage, l'ankou, Ricdin Ricdon, le prince Titi, la bête à 7 têtes, la fontaine de Jouvence, le fantôme de l'avare, le moineau à la langue coupée, la princesse clair de lune, le roi Bec de grive, les moires, les nornes et les dises, les vérités inutiles, les souhaits ridicules, l'arbre qui voulait rester nu, la fée aux miettes, le pays des 36 000 volontés...

 

 Soeur Anne ma soeur Anne, ne vois tu rien... venir ???

 

A suivre, peut-être...

 

Photo : Le petit lièvre un peu visible, ou peut-être une apparition ? Photographié (sans trucages), montée de la Grande Côte à Lyon, un jour comme il y en a tant où l'on ne voyait rien venir hormis le petit lièvre dont on sût bien plus tard qu'il arrivait du pont du gard. (Avertissement : ceci est un conte pour les grandes personnes).

 

Liens :

intelligent : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfp_0556-7807_1977_num_40_1_2110_t1_0052_0000_2

instructif : http://expositions.bnf.fr/contes/arret/ingre/indespa.htm

Approximatif : http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/07/09/cendrillon-10-ans-apres.html

 

© Frb 2012.

mercredi, 06 juin 2012

Pour la suite du monde

Depuis belle enfance, je soupçonne les mots de craindre les voyelles, le forgeron de redouter l'enclume du petit matin, les romanciers de tout faire pour éviter la fin de la messe, l'archéologue d'effacer toute trace de son passage, les sémiologues effarés par le coin des rues, de privilégier les images et de repousser le quotidien dans les poubelles de l'Histoire, car il est confortable et rassurant de vivre dans une forêt de symboles bien rangés sur les rayons de sa bibliothèque où cultiver la poussière du temps qui passe bien à l'abri des intempéries.

PIERRE PERRAULT,  extr. de "De la parole aux actes", éditions de l'Hexagone, 1991, Montréal.

trains de vies n.jpg
Leopold recrute le capitaine Hervey qui connait les fonds et réunit les propriétaires de l'île pour organiser la pêche. Le surintendant de l'aquarium de New York, lui a promis l'achat de quatre marsouins  à cinq cent pièces, pièce. Dans le film, on guette à la jumelle l'entrée des marsouins. Un marsouin est pris vivant. Bénédiction de la pêche au mileu du fleuve. C'est le miracle de l'ïle aux Coudres. Les pêcheurs se disputent sur le fait de savoir si la pêche remonte aux sauvages avant les premiers colons où à ceux-ci venus du Nord de la France. Qu'importe dit Grand Louis, l'essentiel est de garder la trace : on fait quelque chose pour la suite du monde. Ca demande du courage. Et comme on peine à croire nous regardons le beau plaisir d'un temps où nous n'étions pas nés, et c'est la suite du monde qui revient jusqu'à nous, c'est peut-être un passé ou le délit flagrant d'un présent qui ne cesse jamais, à la fois drôle, désespérant mais cela tient l'avenir comme on ne l'apprend qu'après tant qu'il reste des traces...

Un autre jour, nous nous retournerons peut-être pour retrouver des traces, après les avoir épuisées, nous aurons besoin à nouveau de les aimer. Il est possible, vues d'ici, qu'elles soient déjà filées et qu'il n'y ait à la place qu'une quantité de jugements et de conclusions désolantes. Il faudrait reculer encore, jusqu'aux lieux d'où nous sommes partis puis arrêter, avant que revienne le souvenir du lieu où nous sommes arrivés, avant de réaliser que nous avons perdu la plus belle part de nous et de nos jeux. On ne joue plus ici mais dans le film sur l'ile aux Coudres, les danses se prolongent, off, sur des images de chevaux sous la neige, des oiseaux envolées. Mésanges...

La suite du monde peut être.

 

Visionnage :

 

 

Photo : Ceci n'est pas la loquace île aux Coudres, mais l'île aux Mangers, d'hommes (et de mouettes, parfois). Un silence à filmer autour de midi et dans l'intervalle, un répit, une vie parallèle , on dirait une passerelle, en dessous des restau-bars du quai St Antoine et du marché aux livres/ Le fragment de cette berge du fleuve Saône, est situé à Lyon-Presqu'île, un contrepoint pour la suite du monde, avant de rejoindre les pêcheurs de l'île Barbe en rafiot, si les marsouins ne nous ne mangent pas...

© Frb 2012

mercredi, 10 février 2010

La rue Jean Baptiste sait...

JBS.JPGLa rue Jean baptiste sait que le temps ne fait rien à l’affaire
La rue Jean Baptiste sait qu’après la pluie vient le beau temps
La rue Jean Baptiste sait que l’habit ne fait pas le moine
La rue Jean Baptiste sait qu’il n’y a pas de fumée sans feu
La rue Jean baptiste sait qu'il n'y a pas d'amour heureux
La rue Jean Baptiste sait qu'on n'a pas tous les jours vingt ans
La rue Jean baptiste sait que la mort n'est pas une solution
La rue Jean Baptiste sait que deux et deux font quatre
La rue Jean Baptiste sait qu'après l'heure c'est plus l'heure
La rue Jean Baptiste sait que la nuit tous les chats sont gris
La rue Jean Baptiste sait que la fourmi n'est pas prêteuse
La rue Jean Baptiste sait qu'on ne prête qu'aux riches
La rue Jean Baptiste sait que le plaisir peut s'appuyer sur l'illusion
La rue Jean Baptiste sait qu'on a peine à haïr ce qu'on a bien aimé
La rue Jean Baptiste sait que les sots parlent beaucoup du passé

La rue Jean Baptiste sait que penser à la mort raccourcit la vie
La rue Jean Baptiste sait que haricot par haricot se remplit le sac
La rue Jean Baptiste sait que seul ton ongle sait où te gratter
La rue Jean Baptiste sait que mauvais chien ne crève jamais
La rue Jean Baptiste sait que le pape bénit d'abord sa barbe
La rue Jean Baptiste sait qu'à l'impossible nul n'est tenu
La rue Jean Baptiste sait que celui qui écrit lit deux fois
La rue Jean Baptiste sait que la gourmandise vide les poches
La rue Jean Baptiste sait que la joie est suspendue à des épines

La rue Jean Baptiste ne sait pas que l'oisiveté est mère de tous les vices.

Kesang Marstrand :"Say say say"
podcast

La rue Jean-Baptiste sait ce que peu de gens savent et peut se lire en titillant le lien ci-dessous, d'autant plus que l'endroit est vivement recommandé par la maison et qu'on aurait bien tort de s'en priver :

http://lesruesdelyon.hautetfort.com/archive/2010/02/26/je...

Photo : La rue Jean Baptiste sait et elle le dit ! entre l'esplanade et la rue des Pierres Plantées, presque en haut du plateau de la Croix-Rousse à Lyon. Photographiée en hiver 2009. © Frb

lundi, 08 février 2010

Du pain et des jeux

" O gentilshommes, la vie est courte... Si nous vivons, nous vivons pour marcher sur la tête des rois."

SHAKESPEARE: (Henry IV).

du pain et des jeux.JPGAvoir du pain sur le pain.

Tomber dans le pain.

Pousser comme du pain.

C'est fort de pain !

Pressé comme le pain.

Tirer les marrons du pain...

Nota : La célèbre formule "panem et circenses" = "Du pain et des jeux" date de l'Antiquité romaine.  C'est Juvénal qui en est l'auteur. Il l'a écrite pour évoquer les besoins fondamentaux du peuple de Rome qui vivait alors dans la misère. Pour éviter les émeutes et les révoltes, les consuls et les empereurs ont organisé des distributions de farine gratuite, avec l'aide des boulangers devenus fonctionnaires d'Etat au 2ème siècle avant J-C. Cette tradition s'est maintenue jusque sous Aurélien. Et plus tard comme on sait.

Du pain et des jeux
et le peuple sera content,
il suivra aveuglément
les lois des Seigneurs-Dieux.

Relire de toute Urgence : GUY DEBORD: "La société du spectacle" 1967. (Bon pour ton poil ô mon lecteur!). Extrait choisi :

"Le détournement est le langage fluide de l'anti-idéologie. Il apparaît dans la communication qui sait qu'elle ne peut prétendre détenir aucune garantie en elle-même et définitivement. Il est, au point le plus haut, le langage qu'aucune référence ancienne et supra-critique ne peut confirmer. C'est au contraire sa propre cohérence, en lui-même et avec les faits praticables, qui peut confirmer l'ancien noyau de vérité qu'il ramène. Le détournement n'a fondé sa cause sur rien d'extérieur à sa propre vérité comme critique présente"

Photo : Détournement de pain. Photographié dans la vitrine du monopain de Lyon. Croix-Rousse. Février 2010.© Frb.

lundi, 01 février 2010

Jouer / Déjouer

"Je pense qu'on change à cause de ce que l'on fait. Si vous faites quelquechose par vous mêmes, vous verrez les choses à travers le fait de votre activité. Arrangez vous pour que ce que vous faites ouvre à ce qui est."

JOHN CAGE : extr. "Entretien à Yale journal" in "John Cage par J.Y Bosseur. Editions Minerve 1993.

(Si vous préférez le silence aux sons, vous pouvez cliquer sur l'image).

cage Two II.jpg

On a beaucoup entendu dire à propos de JOHN CAGE que même si ses idées ne manquaient pas d'à propos, sa musique, elle ne présentait que peu d'interêt et de consistance (cette même critique  fût également émise quelques années plus tôt à propos de Erik SATIE). A travers un tel jugement on peut reconsidérer l'éternel malentendu provoqué par une sommaire opposition entre l'art et la vie, la théorie et la pratique, la créativité et la réceptivité. JOHN CAGE paraphrasant L. WITTGENSTEIN disait :

" La signification c'est l'usage".

On sait que CAGE n'a jamais bâti de théories abstraites préalablement à ses oeuvres : "Je n'imagine jamais rien avant de l'avoir expérimenté" (1969). Tout est là. Ainsi, lorsque JOHN CAGE rendît visite à un potier traditionnel et le questionna sur sa pratique, ce dernier lui déclara : "Ce n'est pas l'objet en lui même qui m'intéresse, mais le fait de le fabriquer". La méthode du potier fît toute l'affaire de CAGE. Tout au long de sa vie il se comportera en homme pragmatique qui se plaît à garder les pieds sur terre malgré la dimension topique de son oeuvre. La découverte du piano préparé, l'épreuve du silence, le recours aux méthodes de hasard et à l'indétermination, sont liés à une circonstance concrète et non issus d'un procédé analytique. Une immense place est également accordée à l'écoute et à l'observation. C'est peut être ce sentiment du vécu qui donne une forme d'évidence à sa musique, même si cette évidence, n'est là, en fait, que pour susciter des interrogations multipliables à l'infini.

"La perception ne constitue-t-elle pas une forme d'action ?"

Cette disponibilité vis à vis des sons et des circonstances les plus variées, on la retrouve dans la manière que CAGE a de vivre les situations et les rencontres, dans ce qu'elles ont de moins prévisibles, de déroutant, dans sa façon de déjouer les obstacles. Un exemple entres autres, (ils sont nombreux) :  en 1984, JOHN CAGE, imagine pour la Radio de Cologne, une rencontre de circonstance (une de plus) : HMCIEX où se mélangent les musiques populaires de 151 pays qui reconnaissent le comité olympique. Dans le titre on trouve à la fois, les lettres M, C, et E, du "Here comes everybody"= Ici vient tout le monde", cher à JOYCE, alternant avec les lettres: M, I, X, qui contribuent à identifier plusieurs productions électroacoustiques:

"Tout ce que nous faisons se fait sur invitation. Cette invitation émane de soi-même, soit de quelqu'un d'autre."

Selon JOHN CAGE, composer pour autrui, devrait consister à donner aux autres, ce qu'ils souhaitent et non pas ce qu'on souhaite leur donner en tant que compositeur :

"Chaque son est un son merveilleux [...] et prendre conscience de l'interêt de chaque son, refuser de sélectionner, de classer, c'est pour moi le signe d'un pas (peut-être minime et même insignifiant au regard des gens sérieux et autorisés), mais je suis joueur !"

Ainsi JOHN CAGE franchit une étape nouvelle dans le sens de l'ouverture, de la non-hiérarchie, et du non-empiétement :

"[...] Où plus rien ne sera dicté, où chacun sera libre de décider de sa conduite et de vivre les plaisirs qu'il souhaite".

Nota: Ce billet a été largement inspiré par la lecture de l'ouvrage "John CAGE par Jean-Yves Bosseur" cité plus haut (et très bon pour le poil de notre lecteur mélomane).

Photo : l'une des multiples possibilités d'agencement des graviers, peut-être un peu sonores, (par la grâce d'une semelle bien préparée), vus sur un quai d'une gare de campagne. Nabirosina. Janvier 2010. © Frb.

mercredi, 17 septembre 2008

Comme un mercredi

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" ASSEZ RI ! " (1). On ne joue plus au ballon le mercredi ! C'est fini. Adieu le ballon ! terminé ! Et si on ne peut plus jouer au ballon contre la vitre, vous allez me dire, ce n'est plus la peine de jouer au ballon. Certes. De toute façon, ce blog vous l'annonce, c'est la fin du ballon. Autres temps, autres moeurs !

Une question me tourmente cependant, dans cet énoncé fort scrupuleux : à qui s'adresse cette requête ?  puisqu'elle ne s'adresse, semble-t-il, ni aux enfants, ni aux parents, aux animaux peut être ? Tant il est vrai qu'à la saison d'automne, les écureuils s'en donnent à coeur joie...

J'emprunte cette formule (1) à la Marquise de l'éventail, qu'elle puisse y lire au delà de la citation, un véritable hommage... Car si notre époque (triste époque) s'achemine  tout doucement, vers la fin du ballon, nos jeunes pourront toujours aller sous l'éventail, consulter la marquise qui trouvera bien de quoi les occuper...   CLICK

Notre photo : Une petite affiche collée derrière la vitre d'une crêche (ou d'une école maternelle) située tout en haut de l'esplanade près du plateau de la Croix-Rousse à Lyon.

P. S. : (Que les éducateurs et les écureuils me pardonnent...)