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mercredi, 07 mars 2012

Le temps des gueux

"Il fait un froid de gueux"

CARLA BRUNI-SARKOZY, phrase rapportée par le Nouvel Observateur + une pépite encore (hiver 2012)

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194316638.jpg939154459.jpg3270511092.JPG2307122574.2.JPG2285644031.jpggueux CC.jpg

Nota : Si vous remarquez quelques incohérences entre la date de parution du nouvel Obs et notre jour de Février c'est bien normal, pour vous livrer l'information avant tout le monde nous avons dû personnaliser un peu notre calendrier. Ce qui s'appelle en d'autres mondes, le "mentir-vrai. En revanche, vous constaterez que nos images sont réalisées sans trucages. La situation est la même partout, que ce soit à Lyon, cours Vitton, quartier naguère prestigieux (photo 1), à Cannes, sur la Croisette, (photo 2), à Paris, face au Fouquet's (photo 3), à Deauville, pas loin du casino (photo 4) à Marne la Vallée, à 300 mètres d'Eurodisney (photo 5), à Lyon-Vaise devant la rutilante médiathèque (photo 6), ou à  la sortie du super U de Courchevel (photo 7), les gueux envahissent nos villes et nos campagnes avec un toupet qui se pose là. Mais le plus inquiétant, nous vient d'une études très sérieuse faite par la commission des  savants mandatés (et chers payés) par l'IEECJ (institut d'expertises et d'évaluations de certains jours) qui a prouvé que non seulement les gueux attirent le froid mais qu'ils en sont les principaux responsables. Les conséquences, on ne peut plus les cacher. Elles vous seront révélées, veuille ou veuille pas, après ce que vous savez. En attendant je confie le soin aux lecteurs de tirer les conclusions qui s'imposent, et de se poser la question : doit-on laisser en toute impunité les gueux prendre leurs aises aux vues de tous ? Quand on voit que certains ramènent le froid par cartons entiers, (cf. photo 1) pour organiser, semble-t-il, une fois encore, entre eux, on ne sait quel trafic de sacs frauduleux, on est droit de se demander si par leur faute, il n'y aura pas de la neige tout l'été...

En attendant, remercions l'ingénuité de notre savoureuse première dame de France, qui étant troubadour d'origine, s'exprime dans une langue moyenâgeuse à ravir. Une invitation à ressortir nos Barthes, (non, ce ne sont pas des baskets) que dis-je ! notre Roland Barthes ! unique, inimitable, qui n'est pas auteur médiéval  souvenez vous, quand il écrivait : "Je vois le langage", en considérant cette condition de voyeur comme une maladie. Enfin, bon, heureusement, chacun sait que là où s'arrête le langage, tout finit par des chansons, (des cerises, et puis des roses, au diable ! le bas de laine !), mais faudra pas confondre la langue spécifique à chacun, avec le langage qui est une généralisation à l'homme, (c'est de Lacan) après quoi, on se tiendra peut-être mieux droit sur dans nos bottes, tout ça pour dire, (ce qui n'a pas grand rapport) que le cynisme moderne ne se raccordera en rien avec l'ancien, nevermore... Nul ne l'ignore, bien sûr, après cinq ans de... Non, rien.

Ligne de fuite (100% médiévale datant de 1876 grosso-modo) :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57802151/f9.image.swf

Photo : nous, les gueux, et nos sacs de légumes, photographiés un peu partout, durant le rude hiver.

© Frasby 2012

jeudi, 01 mars 2012

Le temps des jeux

Plus on médite un sujet, plus il s’étend ; on trouve que c’est l’histoire de tout ce qu’on a dans la tête et de tout ce qui y manque : et cela sert d’autant mieux que les idées et les connaissances y sont plus liées ; il part tant de branches, et ces branches vont s’entrelacer à tant d’autres qui appartiennent à des sciences et à des arts divers, qu’il semble que pour parler pertinemment d’une aiguille, il faudrait posséder la science universelle. Qu’est-ce que c’est qu’une bonne aiguille ? Dieu le sait. Le découragement et le dégoût nous prennent, et dans l’impossibilité de tout dire, car il faudrait tout savoir, on se tait ; parti dont la paresse naturelle s’accommode fort bien.

DENIS DIDEROT : "Sur la diversité de nos jugements", extr. "Oeuvres complètes", édition Assézat, IV.

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Photo : Les pieds dans l'eau, un peu de paix au coeur du monde, en état de grâce hors saison, saisi d'un pont sur les berges du Rhône.

 

© Lyon, frb 2012

samedi, 10 décembre 2011

La chair est tendre

Croire que "tout a été dit" et que "l’on vient trop tard" est le fait d’un esprit sans force, ou que le monde ne surprend plus assez. Peu de choses, au contraire, ont été dites comme il le fallait, car la secrète vérité du monde est fuyante, et l’on peut ne jamais cesser de la poursuivre, l’approcher quelquefois, souvent de nouveau s’en éloigner [...]

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[...] Quiconque s’enfonce assez loin dans sa sensibilité particulière, quiconque est assez attentif à la singularité de son expérience propre, découvre des régions nouvelles ; et il comprend aussi combien il est difficile de décrire à d’autres les pas effrayés ou enchantés qu’il y fait.

PHILIPPE JACCOTTET: "Tout n'est pas dit", éditions "Le temps qu'il fait", 1994.

 

 


Photo : La chair est tendre et le soleil pénètre doucement dans une chambre là bas. Les amants du 8 Décembre n'ont pas eu besoin de vos lumières ni des nôtres pour resplendir.

Photographiés sur l'esplanade à quelques mètres de la rue des Pierres plantées qui mène au plateau de la Croix Rousse, à Lyon, en haut des escaliers quand on s'assoit sur le petit mur par temps clair on aperçoit le  fleuve plus élevé que celui de tous les autres fleuves de la planète qui prend sa source dans les Andes et se jette dans l'océan Atlantique, après avoir traversé le Pérou, la Colombie et le Brésil, contourne les obstacles, puis rejoint etc ...

© frasby 2011.

samedi, 26 novembre 2011

Dépense des rentes

En présence des textes de Perec, je cherche d'emblée le sens de l'ensemble, le centre de cette sphère révérée. Espèce d'élève blême en dette envers Perec, je prends les rênes et me sers de menées de même genre. Je tente de mettre en scène les mêmes gestes, de répéter les mêmes percées [...]

JACQUES JOUET : un extrait : "Les sept règles de Perec", tiré de "Mélanges" in "Les cahiers de Georges Perec 4" parus aux éditions du Limon en 1990.

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1- Régle de réserve :

"De temps en temps, les Belles Lettres se répètent, secrètent des défets ; l'encre est terne, les lettres et les termes pendent blets... Cérès est excédée, Déméter se met en grève, le pré est en berne, le blé en herbe sèche. Les lèvres gerçées empêchent de penser. C'est l'échec.

Perec se rebelle et met des lettres en réserve. Ces lettres restent, le temps de tel texte, empêchées : les perles se régénèrent et régénèrent le sens, ce serpent de mer... Elles désempèsent le verbe. Le texte cesse de végéter."

Notes § photo : Aux approches du Noël, la Noëlle émet une versée, femme en fête entêtée, les p[a]resses hébergées, pêlent les verres à Genève, pour répéter la chansonnette si elle n'est oulipote au moins oulipichette, il nous plaisait, avec mon chien [et les amis du club des poètes] de vénérer l'amour au travail "Raidi pour" activant d'effervescents cachés, frasby centrée à désherber, les deux m'auront pas mal aidé.

Aux présences, de ce jour, les ardeurs décuplées vous présentent Jacques Jouet [une bonne tête] à la botte de sept lieues et des sept règles du Perec, nous vénérons la hotte sacrée vous avouerez que pour nos bons mot ce n'est pas encore la panacée, mais Jacques Jouet, on le respecte au nom des Georges [on dérogeait pour les Robert aussi un peu], sus aux herses fondées en sucettes ! pas pipées, une bonne pente oulipichetée, pentassait à roser de ces biens au fond d'une boutique à Jouet qui n'est pas le banquier de Perec, ni l'objet plus secret de ses rêves. Bienfaiteur et lettré, il dilapide les rentes, les reverse à la communauté avec de solides arguments, pour cela il ne faut pas être grêle ni frêlé romancier, ses cercles ne tournent pas autour de la psychée, on l'aime blême, le Jouet et même on l'aime sans mesurer.

Sa femme est mon extracaresse, "Raidi pour" me l'aura soufflée, l'oulipote est du genre partageur, son germe fait un pas de côté où valseront les recettes, les étiquettes, et la petite graine du père Jouet est moins revêche que celle des femmes du père Noël [que la Noëlle et ses scellés vitrinés en zèles ou produits dérivés du Léthé]. Je prends de la bouteille et lève mon verre à Jouet [une idée de cadeau], un artiste qui écrivit "Paresse", with Tito Honegger, [cf. "Mode de vie", éd. art&fiction, 2010] ne peut pas être mauvais. Ainsi nous sèmerons les uns les autres les sept graines aux planisphères à colorier, pour vous prouver qu'on est des Hommes encrés dans le réel, louez Perec, lisez Jouet, au nez des tromblons, soutenons le pas de "la machine ronde". Trempons dans ce Cognac les produits inéquitables, puis entrons dans l'intimité des "Jules et autres républiques", sous l'éternelle protection du Fournel, du Roubaud et autres Papous malades de la tête, dérobant à notre regard, les paysages insoupçonnés que pourtant nous avons sous les yeux.

"La règle de réserve", est issue des mêmes références notées au dessus de l'image. Les autres extraits ont été choisis par paul (le chien) - la truffe à l'air - [et pas que], dans ma bibliothèque de la rue des Chanterelles la note grattée de luth par un choeur mixte, fût rédigée un soir mélancolique à Cimains sous Troitettes [c'est un hameau côté jardin sponsorisé par le carré post-maoïste section culture physique et ouvrages collectifs]. Je remercie "Raidi pour" à la manivelle, la tient plus vaillante que jamais, et parfois sans les mains, un scandale qui cachera la forêt, merci à notre hôtesse, frasby douillant au téléphone Hyperli, c'est la marque, oui, oui, oui, pas trop smart quand même, elle nous aura fourni les accessoires via le petit vélo du Jacques, du Paul, Georges, bricola le reste. J'ai charpardo la photo dans l'album familial de frasby [encore!], fraîchement revenue de la vogue de Genève, [Genève sur Saône, ben voyons !], une perle [ça n'appartient qu'aux dames] : "la vogue ressemblait cette année à Wall Street" m'a t-elle confiée les larmes aux yeux. Toutefois nous regarderons cette information avec une extrême prudence. La prochaine fois je vous parlerai de l'eulachon si j'y pense.

 

Ecrit par Paul and paul and Paul [avec la chorale des brocantes], traversés des éclats du verbe à Jouet par le cercle des belles jambes de l'oulipichette, © 2011.

lundi, 26 septembre 2011

L'échappée vaine

Je serai l'artisan de mon propre dépaysement

JEAN BERTRAND PONTALIS : "Loin", éditions Gallimard, 1992.

lucien bis6343.JPGComme le grand voyageur, il a tourné les talons, il s'en est allé seul. "Facile de laisser tout". Et leur tronches tous derrière, les gens de sa maison qu'il appelait "les miens", et qui avaient fini par lui ressembler trait pour trait tandis qu'il ne leur ressemblait en rien, portant une quantité d'obligations, d'affections corvéables, tout ce temps à durer, se construire sur un drôle d'équilibre qui n'était ni le leur, ni le sien. A devoir faire plaisir, même quand il bricolait, c'étaient là des moments  tranquilles, mais il y avait toujours un temps où quelqu'un lui criait du fond la cuisine "Tu viens manger ?" ou simplement, "C'est prêt !". Il répondait régulièrement, "j'arrive !" comme hier, comme demain, il arrivait dans la seconde, la tête rentrée dans les épaules déroulant d'un rond de serviette ,sa petite serviette à lui, reliquat d'un trousseau, où l'on avait brodé à la main, point par point son prénom il savait chaque jour qu'il s'appellait "Lucien", à la même place, la place du père en bout de table, à côté de la corbeille à pain, de la bouteille de vin, de la cruche d'eau toute en face de cette cruche de Brigitte, ces cruchons familiaux, il prenait sa becquée, sa couvée, toute en bouche, et là, sur ses épaules un excédent fragile détraquait les chemins.

Comme le grand voyageur il reviendra, (il reviennent tous) pour raconter plus tard ce qu'il a vu, c'est cela qui lui manque, raconter ce qu'il a vu. Comme hier, comme demain, c'est toujours les mêmes tronches. Parfois, il s'agglutine seul dans son coin en douce, et dans le vin qui gonfle ses méninges, il est fils de cette fougue remuée patiemment, il a trop à larguer, d'un seul coup c'est si dur, tout cet attachement, tout ce qu'on lui promet. L'amour de l'entourage ne fait plus désormais qu'assurer le poids du décor, assortir des objets avec quelques tentures, ou des coussins du genre. Tout cet abrutissement dans un monde achevé, abrutissait sa mort, il n'y aurait rien d'héroïque à se sentir aimé, ni à mourir de cette façon.

Comme le grand voyageur, il a dit "je vais tourner la page", si novice à l'époque, ces photos de mariage exposées au salon, la traîne blanche de Brigitte, ces sourires sur la plage, ça lui sort par les yeux, dans les cadres, ça mélange les vacances au camping, les crêpes au carnaval, et Médor dans les bras des cousins à La Plagne. Comment avait-il pu se croire chef au domaine ? Lui, qui depuis longtemps ne décidait de rien, Ce n'était plus vraiment comme hier, sur les photos quand il prenait Brigitte par la taille, celle qu'il avait choisie, à qui il avait dit "tu seras la femme de ma vie pour toujours". Mais quelle vie pour toujours spéculerait sur demain ? Il croyait c'était vrai. Il tenait une femme de sa vie, qui se donnait, était sienne ; aurait-il le coeur si fidèle pour n'aimer qu'une seule femme ? Une seule vie ? Existait-il sur terre, une créature plus belle que Brigitte, et sa traîne ?

Il avait dû comprendre quelque chose qu'on ne doit pas dire, du moins s'était-il arrangé jusqu'à ces derniers jours, pour ne pas laisser échapper ces lièvres qui couraient sous son corps, des milliers de fourmis, des crampes, des entonnoirs, et ces cubits replets de Nuits Saint Georges. Il avait ramassé, depuis ce temps, les couleurs de tous les automnes, collées sur des herbiers, une bonne vingtaine d'années fourbues entre le lierre, le chèvrefeuille, qui dévoraient les murs, partout camouflant les greniers, où l'on avait caché des bas de laine précieux. Pour deux ou trois pièces d'or, chez lui rien ne bougeait. Aujourd'hui c'est la poudre de perlinpin diluée dans l'alcool qui se prend dans le grand soleil d'Octobre, ouvre l'été radieux de sa jeunesse privée de ces jeux qui débordent.

Comme le grand voyageur, le dormeur réveillé au milieu de la nuit par le vent qui frappe aux volets, il veut aller partout et se débarrasser, de ses murs et des siens qui courent, des gens concrets, énergiques, il fait mine de les protéger, lui, qui, sucé jusqu'à la moelle est devenu plus faible qu'eux, lui qui s'en va. Il est parti. "Qu'ils se débrouillent sans moi, avec leurs tronches !" Il se ressert un verre ou deux, il va jusqu'aux champs lumineux de la vigne qui pousse au milieu des bassins du jardin d'acclimatation, il regarde des jeunes filles, au sang chaud, brasser le grain et les fruits rouges, leurs belles mains libres, courent déjà sur son corps. Oui ce sera demain.

Comme le grand voyageur, il a mis les fruits à sa bouche, le feu aux poudres et ça ne ressemblait en rien, aux fruits qu'il mangeait chaque jour. Un instant cueilli comme un prince, s'agréant au désir de ses folles combines qui font tourner la roue. La route, elle tourne aussi ; encore un chariot qui chavire. C'est autant de malheur qui vient. Il a brassé dans la montagne, l'heure tournait, ce n'était pas grave. Il s'est voué aux secrets de ces filles, a pratiqué les ablutions.

Comme le grand voyageur, tire un trait, s'en va libre, il a mis son corps à merci livré son coeur mou à ces filles, une première fois, après quoi l'obsession sera de leur tourner autour, d'y retourner les autres jours, pour ne pas dépérir de l'usure de là bas, dans les belles décombres des pavillons où vont les ballons, les tricycles, le juste prix, les soucis emballés dans de la toile de jouy, il a vu l'heure tourner sur un poignet, qui n'était pas le sien, par la caresse d'une de ces petites putes, allumant, un instant le bon père de famille, et l'incendie dans sa maison. Une vie entière qu'on bousillerait comme ça pour un coup de queue. "Merde alors ! ces filles là, ont le vice dans la peau" aura t-il pensé un instant en remontant ses bretelles, ses chaussettes en coton, en rhabillant l'ivresse sur un demi-litre de vin de table, un demi-verre, par jour, avait dit le Docteur Mollon, à cause de l'albumine ou du cholestérol. Parfait, parfait, puis il regardé le pli du pantalon, repassé comme il faut, ça tombait droit sur la chaussure, qui foulait sans souci des tapis de feuilles mortes.

Comme le grand voyageur qui a froid qui a faim, pris du regret soudain d'avoir failli à sa mission, comme le père fouettard fouette la poudre de perlinpin, il a remis le grain fou de ses grands voyages dans de toutes petites craintes. Que deviendraient ils, eux, sans lui, les miens, les siens ? Bordel à cul, bordel à cons". Il a encore regardé l'heure sur son poignet, c'était le sien. C'était grand temps. Il a eu peur. Il était temps de retourner à la maison. "On ne part pas comme ça". On ne laisse pas tout sur un coup de coeur. Il a voulu s'amender, demander pardon, aux enfants à sa femme, à ces tronches. Tout leur dire. Vivre avec ce poids là, "non, non non ! il n'était pas question" après toutes ces années, après tout leur avoir caché, "pas question de mentir, non non non" ! Il songeait à la belle famille. Ca ferait un beau tintamarre. Puis comme chaque jour, il a repoussé à demain, le moment de le dire, mais le grand vin doré l'abordait d'une lie qui laisserait des empreintes, allant rejouer l'aventure avec ce petit goût heureux de reviens-z'y. Une joie, un frisson, "heureux, heureux".

Il y retournerait demain, et tous les jours qui suivent changeraient de couleur, peu à peu habiteraient dans sa tête qui n'allait plus très bien, ce serait une autre maison, celle du petit bonhomme qui pirouette dans la chanson, un pti bonhomme de rien monté sur des bretelles, porté par des chaussettes en coton, des vignes, et des bassins et la douceur des filles qui sortent toutes nues du bain dans le parc d'acclimatation. Il songea au remords bien plié, à la faute, qu'elle pourrait deviner, elle qui devinait tout, elle qui disait toujours "le connaître comme personne". Tu parles d'une expression ! Des mots, "nos mots à nous", il les anticipait, les connaissait par coeur, quand il se défendait, s'embrouillait, cette réponse. Le soupçon à portée, Brigitte elle concluait :"c'est pas la peine, Lucien j'te connais, j'te connais !".

Il songea au Docteur Mollon avec sa longue tête piriforme, ses cravates à rayures cette tête de bouteille de Perrier ou de gnôle à la poire, sa cravate aussi moche qu'un torchon pour les mains, il songea à Médor, s'il partait, qui en aurait la garde ? Il vit le Docteur Mollon qui le fixait, pas comme d'habitude derrière des grosses lunettes d'écaille, il a vu le Docteur Mollon gracieux comme une porte de prison, tirer comme on dit la sonnette d'alarme -"vous êtes surmené monsieur Bauchier en ce moment, il faudrait passer un scanner, puis consulter au plus vite un psychiatre, je vais vous donner l'adresse d'un confrère, vous verrez il est excellent", il aura répondu sans voir plus loin que le bout de son nez -"Mais moi, j'ai pas besoin de psychiatre, je vais très bien, chui pas fou". Le docteur Mollon il savait ; laissait peser dans le bleu de son cabinet les symptômes et la grande souffrance d'une maladie bizarre "qu'on ne peut pas toujours expliquer qui dépend de facteurs divers et variés, mais qu'il est nécessaire de traiter, pour différentes raisons".

Comme le grand voyageur, il aura pris les escaliers au lieu de l'ascenseur, sous son corps tous les lièvres à présent soulevés n'avaient plus tant d'ardeur, au soupçon de myxomatose, et les bretelles se rattachaient aux chaussettes en coton aux crampes, aux fourmis noires à l'entonnoir et au bouchon en plastique d'une bouteille d'Hépatum. Comme le grand voyageur, il a marché, marché en portant des sacs invisibles. Il a repensé que Brigitte voulait qu'il ramène deux banettes, des oeufs, du lait, de l'aspirine. On l'aura vu passer par la boulangerie, ressortir avec deux banettes, au Franprix on soldait des chaussettes, il en a acheté une série, et du vin, sans raison, ça le calmait. On l'a vu entrer par la porte de derrière de la petite pharmacie, juste à l'écart du centre ville, puis il a glissé l'ordonnance et des billets, des milliers de billets dans les grands décolletés de Nadège et de Sandrine.

 

 

Photo : Lucien rêve. Sur la grande esplanade située juste devant le TNP dans le très beau quartier (Merci Lazare Goujon !) des Gratte-Ciel, à Villeurbanne.

© Frb 2011

dimanche, 11 septembre 2011

Rentrer

Mes espaces sont fragiles : le temps va les user, va les détruire : rien ne ressemblera plus à ce qui était, mes souvenirs me trahiront, l’oubli s’infiltrera dans ma mémoire, je regarderai sans les reconnaître quelques photos jaunies aux bords tout cassés. Il n’y aura plus écrit en lettres de porcelaine blanche collées en arc de cercle sur la glace du petit café de la rue Coquillière :  "Ici, on consulte le bottin" et "Casse-croûte à toute heure".

GEORGES PEREC in "Espèces d'espaces, éditions Galilée 2006.

rentrer,septembre,la rentrée,ville,espace,espèces d'espaces,georges perec,déambulatons,filatures,balades,mouvements,instantanés,saison,lyon,les gens,la ville,démarches,traces,activités,en sarkozie,nouveau monde,uniformité,night and dayEt puis, Septembre remit sur pieds les corps glorieux qui claquaient le jour au défi des tapis roulants et c'était toutes sortes de gens qui revenaient d'on ne sait où, dorés comme des bijoux du manège enchanté de la galerie "Toutor". Ils marchaient au dessus du monde, ils glissaient dans le labyrinthe dont le sol serait bientôt recouvert de feuilles mortes, et par dessus encore, il y aurait le bruit des pas de ceux qui rentrent à reculons, déjà figés dans le décor avec leur tête de d'autruches, les éternels amoureux du dimanche et de l'oisiveté qui ouvrent les yeux comme autant de fenêtres sur de multiples mondes. Il y aurait la beauté intouchable des noctambules qui battent le pavé à minuit, finissent sous les poutres des pigeonniers cours d'Herbouville ou dans ces rues sans avenir la "De nuits", ou la "Longue". Il y aurait du bruit sur la Côte, de la bière et des flics entre Polycarpe et Terraille et puis, dans la fraîcheur, les nuiteux reviendraient à l'aube, claquer leurs derniers sous pour être les premiers dans les boulangeries aux noms qui flattent un peu l'amitié voir l'amour ou juste la mémoire comme "Le banquet" "L'épi d'or", ("Gerbe d'Or", ou "Rodrigue"), il y aurait des orgies de croissants chauds et de chaussons aux pommes. Il y aurait des halos de brumes fondus dans la lessive des particules fines et le couloir de la chimie qui ramènerait les odeurs d'oeufs pourris, à l'heure des ablutions des uns, des réunions des autres, tout se re-mélangerait à la fumée des cigarettes blondes, au goût du shit, au reflux d'arômes tièdes du printemps synthétique qu'on met dans les gamelles de détergents industriels sous le nom de "senteur florale", ça remonterait vers les pelouses du quartier Opéra où l'on se traîne encore, allongeant l'été à loisir, seul à seul multiplié par mille, tous portant le même sac (du positif), et lisant la même revue (de l'actu), celle qu'on nous distribue dans le métro, qui est gratuite, inventée par les concepteurs de la gratuité lucrative ciblant son grand public de publi-reportages voués aux isthmes du Sarko. Ils préparent notre avenir en nous caressant le dos, ça grignote sans nous le dire, nos heures de cerveau disponible durant les pauses ou via nos déambulations de rats des villes ; en toutes constellations où la multitude nous allège du poids de l'ombilic, nous irons. On ira, on va, on va...

rentrer seul_0109.JPGPlus loin par les méandres d'un plan de Vélov' (ou "vélos d'amour"), la rentrée honorera encore le beau temps sous des blancs de cirrocumulus granulant légèrement le bleu qu'on possède encore en lambeaux et l'on remuera l'aventure sur un pied d'appareil photo, espérant du nouveau, à croquer un peu de perspective. Ici, tout semble prévisible. Rien ; sinon cette chaleur de tripot, cet air brut et torpide. Rien ; sinon que du beau dans la ville aux façades rosées cachant son mal entre les ponts, autant de gouffres côtés du Rhône que de guinguettes aux volets clos et de plages interdites, les boites de nuits plongeant sur Vaise neuf et refait avec sa gare qui fût détruite sous les bombardements du 6 Mai 44, une gare en bois, vite reconstruite entre deux évènements, jusqu'à l'espace multimodal d'aujourd'hui et par dessus, tout ça, il y aura les barres vanillées de la Duche qui regardent le bas, plus pour longtemps, barrées déjà par un projet de ville, il transformera bientôt ce quartier en un "pôle attractif", disons "plus attractif", c'est la fine formule, pôle ou quartier, pourvu que tout cela devienne "attractif". Les mots bleus du Grand Lyon, peaufinant sa vitrine en bonnes concertations abonnées à la cool attitude, nebulus à venir. On ne peut rien en dire. On se porte sur les pentes, on coupe par les traboules où vit encore un monstre de légendes mystérieuses ; on croisera même en rêve les fantômes : des gisants de Loyasse, un secret chu à l'observance  puis on retournera comme hier dans les rues en presqu'île, autour de la place de la Bourse, on verra des messieurs dits "d'un âge", des cadres distingués, à l'allure de Clooney raybanés (comme Dutronc), faussement déglingues, (vaguement Borloo), qui vont de table en table, glissant, leur carte de visite, en toute discrétion, aux jeunes filles venues là pour boucler leur fin de mois. C'est secret de Polichinelle mais ce n'est pas dans tous les bars de presqu'île qu'on fait ça...  Chez Jules on causera d'art (mais à la bonne franquette), à la Manille on jouera (à la Manille), ou on lira sous les mêmes globes lumineux qu'autrefois, des journaux du jour ou de la veille, au Moulin joli on s'emmerdera joliment et les nouvelles couleurs de beige à chocolat nous ferons regretter le vieux "Moulin Joli" terne et bruyant, d'avant.

rentree  cc.jpgIl y aura la sortie des classes vers Ampère ou ailleurs, des ados qui ricanent à trois sur un scooter, roulant les pelles, les mécaniques, claquant de la planche, l'Icare niqué sur des genres d'escaliers. Passée vers la mairie de la place Sathonay, il on croisera Mademoiselle Pugeolles, rejoignant sur une trottinette, son petit F2 de la rue Burdeau, un  cartable tout neuf sous le bras, avec des surpiqûres, et des poches intérieures de la taille d'un kleenex.  Il y aura rue de la Ré plein de monde en grappes vers les cinq heures du soir, des groupements sous la cnaf avec toute la culture de Levy à Musso et des livres de Daniel Pennac à moitié prix entassés près des piles de compils de Pavarotti chante Verdi. Il y aura des regards en biais, sur le flottement d'une jupe plissée bourgeoise, s'attardant devant la vitrine d'Yves Rocher, des mains de femmes chez Sephora dépliant la publicité d'un nouveau parfum (pour les femmes) qui leur affine les hanches pendant qu'elles dorment. Il y aura les dernières robes d'été, des chapeaux d'hommes  à l'Argue, à fines rayures noires et blanches genre maquereaux siciliens à porter avec des bottines en daim à demi lacées, exprès, fausse néglige, de la bohème, encore, des bottines de gamines, vraiment ergonomiques à talons de 7 cm, qui font de belles chevilles et qu'on porte avec des collants 15 deniers de teinte biche.

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Antithèse : ICI

Photos : Des filatures fragiles aux quatre points cardinaux d'une ville entre deux ponts et deux collines, du quartier de bureautique (et domotique) aux costumes froissés près des gares (1) juste à proximité de l'école (2), un passage clouté de bellecour en Presqu'île (3) enfin, sortie du temple où la terre promise distribue de la marchandise et pour quelques centimes (de plus) vous avez les cabas recyclables, bien de quoi battre le pavé jusqu'aux prochaines vacances (4). Juste quelques images from Lyon entre déjà hier, dans le vieil aujourd'hui, aussi loin que demain.

 

Lyon vu par © Frb : 2011.

mercredi, 27 juillet 2011

Partir tout en restant

Nous fondons de bonté dans l'atmosphère de ces romances, le monde nous semble sympathique et rempli de bonnes intentions.

ROBERT DESNOS, extr. "Paris, l'été", in "Récits, Nouvelles et Poèmes", éditions Roblot, 1975.

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Photos : Partir au Parc de la tête, (Tête d'Or, exactement), tout en restant en plein centre ville ou presque. Le corps de Lyon dans une forme éclatante, (courant après les écureuils), huit coureurs et un petit cycliste adorable (j'aurais pu vous faire croire que c'était moi sur le vélo (puisque grosso-modo c'est mon vélo) mais jamais je n'aurais osé porter de telles chaussures en été, (on ne peut donc pas mentir tranquille dans ces internettes sans qu'un infime détail etc etc...). Billet light, pendant les préparatifs de départ, certains jours on se met en mode dilettante. "Quand on écrit on écrit quand on fait sa valise, on fait sa valise" (a dit Homère). Les "partis" ont été photographiés ces derniers jours dans la grande allée du parc donc de la Tête d'Or, on a dit, (ouvert since 1857) et on a croqué la bicyclette en revenant du même parc, Cours Vitton ou Zola dans ces coins là, et, euh... Vu la photo, il me semble que ça n'a pas énormément d'importance :)

© Frb 2011

mardi, 26 juillet 2011

Se barrer

L’essentiel était de partir.

NICOLAS BOUVIER  : "L'usage du monde", éditions Droz, 1963

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Photos : Nous autres, devant le grand panneau des départs, gare de la Part Dieu, Lyon, ce Juillet.

© Frb 2011.

mercredi, 20 juillet 2011

Modernes Baleines

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Un petit coin de paratigre, (ah non, je rectifie : pas de tigre de léopard !) on entre dans la saison des pluies, fins contrastes, élégants ocelles traversent nos esprits d'une rythmique africaine comme celle des boubous dorés et musique de King Sunny Ade. ("Mori keke kan, tere ajalu bale tere opobi pobi, ori po lo bi", so sweet !)


parapluioeF8135.JPGQuadricolore pastel généreux il marque son territoire en tout temps et tous lieux, le parapluie mégalomane il peut abriter les voisins, les amis, la famille, sans même le faire exprès il peut servir de parasol de parachute, (ULM, toile de tente etc...), bref, un gros coin de parapluie,  pour ne pas dire une petite maison portative.

 

paraCF8130.JPG"La barotte et le parapluie", ce n'est pas une fable de la Fontaine; mais de la fontaine peut-être ? Si ? (umour-umour) un petit peu de fantaisie dans ce monde chargé mais pointronenfo la fantaisie reste sobre dans l'esprit de la cravate à Gilbert (Bécots), ça nous donnerait presque des idées. Un petit pois de parapluie donc...

 

para wilsonF8132.JPGParapluie dépressif, gros karma, un physique qui raconte une histoire ("les parapluies c'est comme les gens" a dit Homère) celui là il a sûrement fait toutes les guerres, et il est là. "Vieux Pataud" version parapluie. Fidèle compagnon d'une vie pour le meilleur et déjà pour le pire.

 

parapluieF8147.JPGLes dames du bois de Wilson conversent avec des interphones. Il semblerait qu'on retrouve notre fameux quadricolore généreux, (l'a t-elle chapardé au monsieur, la vilaine ?) et, (détail incongru), on verra l'autre parapluie (le sombre) coiffé d'un mystérieux chapeau,  est ce qu'il serait là pour protéger le parapluie de la pluie ? Le chapeau ? A t-on déjà vu chose pareille ?

 

Photos  : Festival de parapluies à Wilsons Place. Filature un jour de marché, de Juillet et de pluie (ça, vous l'aviez compris :)

 

Villeurbanne © Frb 2011.

mardi, 28 juin 2011

L'infini

Dame en sandales contemplant des sandales pour dame...

Si vous préférez les sandales "astro-stars". Cliquez dans les petites bulles.dame en  sandales.JPG

Photo : filature dans les quartiers chics, (cours Vitton, sur la rive gauche à Lyon). Il est doux de rêver devant les petites sandales soldées à 77 euros (pièce). Juste un interlude, ou presque rien pour aborder d'un pas léger les premiers jours de Juillet. Mais au calendrier d'ici on traînera encore un peu sur les p(l)ages (déjà surannées) du vieux Juin. Au lieu-dit de l'entretemps mais pas exactement, non plus. (ô mondes infinis !)...

© Frb 2011. 

jeudi, 12 mai 2011

Pas si loin de Montmartre...

Ce que tu m’as dit de ta nuit, du ciel, de la lune, du paysage, du silence a dû ranimer en moi des réminiscences similaires... Et alors, j’ai pris feu dans ma solitude car écrire c’est se consumer... L’écriture est un incendie qui embrase un grand remue-ménage d’idées et qui fait flamber des associations d’images avant de les réduire en braises crépitantes et en cendres retombantes. Mais si la flamme déclenche l’alerte, la spontanéité du feu reste mystérieuse. Car écrire c’est brûler vif, mais c’est aussi renaître de ses cendres.

BLAISE CENDRARS, extr. de "L'homme foudroyé", éditions Gallimard 1945.

Pour voir le poète de face, il suffit de lui tapoter un peu sur l'épaule ...

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Chaque fois que la littérature me paraît un peu vide ou trop molle je retourne chez CENDRARS et ramasse les points de vie fondue dans la puissante liberté d'esprit du corps et du langage qui anime son écriture. L'écriture n'est pas vaine celle de Blaise encourage la vie. Son existence imprévisible était entièrement vouée au présent sans grand souci que les récits qu'il racontait à lui même ou à ses amis soient véridiques, il y avait en lui une autre quête de vérité bien plus intransigeante qui ne fût jamais servile et ne céda à aucune domestication artistique. CENDRARS représente encore aujourd'hui, la jeunesse absolue du monde, de l'Homme, la poésie mais pour atteindre la poésie, son message est limpide : il faudra abuser du monde. La "lettre océan" n'a pas été inventée pour faire de la poésie.

La lettre-océan n’est pas un nouveau genre poétique
C’est un message pratique à tarif régressif et bien meilleur marché qu’un radio
On s’en sert beaucoup à bord pour liquider des affaires que l’on n’a pas eu le temps de régler avant son
départ et pour donner des dernières instructions
C’est également un messager sentimental qui vient vous dire bonjour de ma part entre deux escales
aussi éloignées que Leixoës et Dakar alors que me sachant en mer pour six jours on ne s’attend
pas à recevoir de mes nouvelles
Je m’en servirai encore durant la traversée du sud-atlantique entre Dakar et Rio-de-Janeiro pour
porter des messages en arrière car on ne peut s’en servir que dans ce sens-là
La lettre-océan n’a pas été inventée pour faire de la poésie
Mais quand on voyage quand on commerce quand on est à bord quand on envoie de lettres-océan
On fait la poésie

CENDRARS dit une chose si évidente, qu'on pinaillerait encore par crainte que l'exaltation déboussole nos petits nids et secoue favorablement les esprits. Les métamorphoses désirables visant à nous extraire de nos plis ne sont pas sans danger, au final. Saurions nous les vivre entièrement ? Y faire entrer avec tout le vertige, un peu de paresse aussi, la plus grande liberté possible ? C'est pourtant la proposition de CENDRARS, qui un brin hâbleur, balayant les faiseurs de rimes, posera sa phrase sous nos yeux, c'est si bête...

Le seul fait d'exister est un véritable bonheur

Ma foi, oui. Mais ce bonheur ne vient pas par niaiserie, il n'exclût pas la violence. La poésie du Blaise est celle d'un conquérant, d'un gourmet, et gourmand ; de l'ogre tout en même temps. Maintenant que les continents ont tous été découverts puis explorés, il s'agira de tenter d'en pénétrer le plus grand nombre possible d'aspects. CENDRARS donjuanise l'espace, il traque, poursuit les lieux, hanté par toutes les capitales, par les ports, les routes, les sierras etc... Cela pour lui est comme de grandes conquêtes amoureuses qu'il envisage au rythme enjoué et nerveux de courses et de combats. Il n'accorde aucune concession à la grâce, peu d'attendrissement, ou léger, assez drôle. Pour être digne du monde qui n'a pas le temps de s'apesantir, CENDRARS est dur, il cale son pas sur la cadence des villes, des bruits, des trains etc... En 1924, il écrit, (il n'écrit pas, il le martelle) :

Nous ne voulons pas être tristes
C'est trop facile
C'est trop bête
C'est trop commode
Tout le monde est triste
Nous ne voulons pas être tristes

Bien sûr, CENDRARS n'a pas fait qu'endurer il a aussi laissé voir ses doutes, ses regrets, ses amours, que les conquêtes des espaces et toutes les aventures n'ont pas réussi à combler, alors il nous donne par un mouvement paradoxal les poèmes les plus drus les plus beaux et le plus poignant de son verbe, où la détresse humaine longtemps camouflée (parfois sous les bravades), paraît encore plus inéluctable jusqu'à l'aveu bouleversant comme dans ce final de "Pâques à New York", que j'ai plaisir à vous offrir, et j'offrirai dans ce même élan, (pourquoi pas ?), un supplément de Blaise à ce blog comme posant une cerise à l'eau de vie sur un petit Lu d'anniversaire (de trois ans d'âge et des poussières) tenu par le fil très fragile de nos correspondances et des lieux, tramant d'inutiles rêvasseries, des passages à la redonne, et puis toujours la ritournelle dans un coin minuscule de nos mondes réels et virtuels qui existent tous en même temps... Je dois à Blaise l'amour des mots, des rues, des villes et de la profusion. Je l'ai tellement cité certains jours, qu'il me tentait de rendre à CENDRARS ce qui n'appartient qu'à CENDRARS, et je le referai encore autant de fois qu'il me plaira. Il faut relire CENDRARS, mes amis, même foudroyé, Blaise is alive and well. Extrait choisi.

Seigneur, je rentre fatigué, seul et très morne …
Ma chambre est nue comme un tombeau …

Seigneur, je suis tout seul et j’ai la fièvre …
Mon lit est froid comme un cercueil …

Seigneur, je ferme les yeux et je claque des dents …
Je suis trop seul. J’ai froid. Je vous appelle …

Cent mille toupies tournoient devant mes yeux …
Non, cent mille femmes … Non, cent mille violoncelles …

Je pense, Seigneur, à mes heures malheureuses …
Je pense, Seigneur, à mes heures en allées …

Je ne pense plus à vous. Je ne pense plus à vous.

BLAISE CENDRARS, New York, avril 1912

Photo : En exclusivité, Blaise CENDRARS photographié par Frasby, eh oui !  et ce sera une autre preuve que CENDRARS est toujours en vie. Genèse d'une rencontre incroyable : Le hasard d'une balade à bicyclette aura fait apparaître sous mes yeux (éblouis !), môssieur Blaise CENDRARS en personne, photographié hier, le long des quais du Rhône à Lyon. Il regardait tristement les péniches amarrées, il m'a demandé : "Dis, Frasby, sommes nous loin de Montmartre ?". Je lui ai répondu "Oui, msieur Blaise ! bien trop loin, mais par la loi de la relativité, Montmartre est à côté et les roues de mon vélo sont des moulins à vent. Montez donc sur mon porte bagage, allez hop ! je vous emmène !". Ce qui fût dit fût fait et c'est avec plaisir que je fis ardemment grincer mon pédalier pour le poète. Le temps d'un aller retour, bringueballant, j'ai déposé Blaise à la terrasse du café Planchon; (très bon endroit, connu des "vrais" Montmartrois, et vivement recommandé par la maison, portant un autre doux nom à l'enseigne du "Rêve"; situé au 89 de la rue Caulaincourt (dans le XVIIIe à Paris), ultime endroit de la capitale où l'on trouve encore un bon gros téléphone à jetons (qui fonctionne !). Et me voici à nouveau sur la même berge, à Lyon, balayant du regard les péniches amarrées, à me demander si je n'ai pas rêvé. Pourtant non, la gouaille du Blaise (c'est pas pour me vanter mais nous avons bien rigolé), me manque déjà, autant que sa présence (un peu brute décoffrée mais au fond, tellement tendre)... Je me consolerai, en songeant à tous ceux qui n'ont pas eu la chance de rencontrer CENDRARS. Certains jours je me demande ce que j'ai fait au bon Dieu pour qu'il exauce avec autant de simplicité mes plus chers voeux. (Cela dit il y a baleine sous gravillon, elle se cache dans l'image, celui qui saura la trouver se verra remettre "la médaille de la sagacité" de certains jours avec un petit compliment de la crémière).

Photo : Frb © 2011.

jeudi, 28 avril 2011

Les printanières...

Sur une musique très courte.

Si vous avez loupé l'épisode précédent il vous suffit de cliquer sur la première image.printemps9821.JPG

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Photos : Les Printanières sont de retour, elles se baladent entre Presqu'île, et colline (qui fait travailler les maris, c'est bien normal), photographiées par un très bel après-midi d'Avril à Lyon comme en été.

© Frb 2011.

jeudi, 17 mars 2011

L'hiver s'en va

 Sur l'air d'une chanson de Jean Sablon 

av derniermo1341.JPGav der mov4046.JPGav der mov1324.JPGl'hiver s'en va,le monde en marche,vieillir,filature,ritournelle,irreversibilité,saisons,le temps qui passe,le temps qui reste,humanités,lot commun,hier,lucien du plateau,croix-rousse,aujourd'hui,demain,destinée,cruautéretraités de la X rousse 2.JPG Photos : L'hiver qui s'en va vu par Lucien Duplateau, Photographe officiel du"café des artistes" à la Croix-Rousse (from Lyon, since 1946).

© Lucien Duplateau 2011.

(tout droit de reproduction interdit sous peine de suppression des internettes) 

mardi, 15 mars 2011

Fallen angel

- A quoi passez-vous votre temps ?
- Le plus clair de mon temps, dit Colin, je le passe à l'obscurcir.
- Pourquoi ? demanda plus bas le directeur.
- Parce que la lumière me gène, dit Colin.

 BORIS VIAN in "L'écume des jours",éditions, le livre de poche, 1987

Colline0129.JPGPetit plan d'une ville à saisir, dans les motifs des portails de la rue Denfer, sur la mosaïque d'une façade qui jouxte une villa de taille idéale près du jardin de l'ancien presbytère ; ici, se trouve un homme penché, qui vomit sur les escaliers, plus loin, j'aperçois la chevelure blonde d'une femme qui s'éloigne. Ensuite je ne vois plus que des chevilles, entre les ronces enchevêtrées, de longues tiges bordées d'épines cachées par l'ombre. C'est la fin du jour, c'est la nuit. Loin d'une terrasse où l'on s'allume, sur une place, un couple se dispute  ; deux silhouette longilignes appuyées contre la portière d'une 206. Une planète engloutie, des millions de figures embarrassées de songes, un château Margaux pour l'oubli, des hommes penchés sur des figures, des fugues ignorées et des êtres qui cherchent leur moitié parmi les détritus. On voit même parfois le courage revenir grâce aux bitures, et le silence nous garde de ces forces actives qui nous auront nommés misérables. Tourbillon, escalade, chute cernée d'engrenages. Le vieux terme maritime dit : "lovage en biture" qui signifie : "ranger un bout ou une chaîne en formant des huit pour éviter la formation de tours", il évoque dit-on peut-être la marche de l’homme ivre. Des bitures pour les peines, les mêmes, pour le courage, qui commencent dans la fête, se terminent en sucettes en citrate et charbon. On rentre à la maison. L'homme s'est relevé, il frappe du poing contre l'escalier il crie "conasse !". La femme revient sur ses pas, vite. Elle trotte et le bruit de ses talons joue sa petite réverbération contre les murs d'une cour d'école. Elle parle à l'homme. Lui, il se noie et continue de taper du poing violemment sur le sol. J'entends un peu la femme qui essaie de discuter. "Je sais pas pourquoi  les femmes, elles veulent toujours discuter", lui il pense qu'elles sont folles ou chiantes le plus souvent, c'est les deux. Elle lui dit gentiment "T'avais qu'à..." "T'avais qu'à pas..." Puis des injures, "Regarde moi ce con !" "T'es vraiment qu'une pauvre merde, Christian... ". Elle s'éloigne, il essaie de répondre les yeux fixés sur son vomi, il répond il ne sait plus à qui, il balbutie : "tu comprends rien" mais trop loin d'elle. Elle ne peut plus entendre. "Elles sont comme ça les femmes elles veulent, les femmes, elles veulent, toujours discuter. Elles veulent on ne sait pas quoi. Est ce qu'elles mêmes elles le savent ?". Discuter, il y a un temps pour ça. Un temps qui passe et après, discuter, elles veulent pas. Le bitume claque encore sur le passage d'un groupe de gens qui cherchent un restaurant, On voit les bottines à la mode, à petits talons en daim, des écharpes à motifs indiens, des blazers anglais, des parkas, des dizaines de parkas achetés au stock américain, hors de ce défilé de mode mi-hiver, mi-printemps on sent Mai et ses fêtes enrober les heures ternes et les premiers bourgeons minuscules, au bout de branches sèches comme soudées sur des arbres morts et ces foules cet aplomb de ces galops qui claquent, un écho de talon qui s'approche puis s'éloigne, etc.. L'homme s'effraie de l'état des lieux, il a vomi sur sa cravate, il a frappé, il a pleuré; maintenant il pue; quelqu'un dit "ça pue la vinasse". Agenouillé devant la porte, face à la rue, les yeux fuyant un halo de lune masquée par un nuage, les mains tendues vers l'escalier, il y a de la beauté dans la forme de ses mains qui ne savent plus où s'aggripper. La femme est partie de l'autre côté, disparue dans l'allée d'un n°8, parallèle à la rue d'Ivry.

Au matin l'homme se réveille, sur le même escalier, il aura dormi habillé sur des dalles de l'église St Augustin. St Valentin ? Il ne sait plus. L'aube fera resplendir ailleurs des corps absents dans d'autres chambres. La femme, elle se réveille aussi, au N°8 sous une grande couette à fleurs hybrides jaunes et violettes hideuses près d'un corps qu'elle ne connait pas mais suivant le bout de ses doigts elle en connaît, dira-t-elle "les grandes lignes". Elle pense : "les grandes lignes c'est n'importe quoi !. Elle est libre, elle l'a si souvent dit, "libre et prête à n'importe quoi", mais surtout, pas, "non, quand même pas !" elle ne va pas prendre son café avec cet homme ni beau ni laid. Elle prendra le café quand même avec cet homme, ni beau, ni rien, au caractère juste agréable, pour la forme, dont la nuque sent la savonnette, le senbon de chez Séphora, un truc de goût, genre "Eau sauvage", ou "Kouros" un parfum qui sent l'homme, qui pue sur le tissu la glande de chevrotain, avec un petit fond de pisse de chat. Elle jette un oeil sur son portable. Elle cherche Christian, elle ne voit pas. L'autre, il est dans la salle de bain, il arrange sa coiffure en brosse avec son peigne, il reste des heures, elle pense "Est ce qu'il aurait pas plus vite fait d'arranger sa coiffure en brosse avec ses mains ?". Il va dans le salon, glisse un cd dans un bidule, un vieux tube de Moby, elle pense "Merde ! Moby, il manquait plus que Moby!". Elle regarde encore son portable, elle a très chaud aux mains, elle vérifie les numéros, Christian encore. Christian n'a pas laissé de message, pas d'appel de Christian, "pourquoi Christian il l'appelle pas ?". Elle pense qu'il ne doit pas aller bien que peut être il aura besoin d'elle. ? Puis elle pense le contraire : "ce connard n'en vaut pas la peine". L'autre, il revient, avec sa coupe en brosse, des épis impeccables aplatis par le Petrol Hahn, du senbon sur les mains, il lui caresse les seins, elle ne trouve ça ni mal ni bien, elle se dit "après tout, pourquoi pas ? A mon âge, il faut que j'en profite avant que plus personne ne veuille de moi, c'est vrai, quoi ! qu'est ce que j'ai à perdre ?".

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La nuit croise le jour à l'heure où tout vient à nouveau, comme hier, comme un premier jour après une première nuit d'amour qui ressemble à une nuit ordinaire. Il y a d'abord ceux des labeurs matinaux puis une foule qui dynamise les petits couloirs de la ficelle. Station Croix-Rousse, Hénon, Caluire et Cuire. Le soleil éclaire le caillou sans éclat tel un diamant brut qui culmine à 254 mètres sur un échantillon de soie, sous l'auguste des étourneaux font un de ces baroufs, il y a des forains sous les arbres qui transportent des cageots. Il y a des taxis qui patientent devant la marbrerie, de La rue de La Salle. L'homme aura attendu longtemps en longeant le parc à vélos (vélo'v qu'ils nous disent, traduction intégrale = vélos d'amour) entre le Clos Jouve et le "café Jutard", il commence sa journée comme ça, avec deux ou trois verres de blanc. Et de quatre !  "Et hop ! un dernier pour la route ! Partout il voit des sosies de blondes qui font claquer les mêmes talons c'est la charge d'une cavalerie lourde, défilé de guerrières sur Mars. Partout il entend des femmes blondes lui dire "t'es vraiment qu'une pauvre merde, Christian"... Partout il voit des brunes en body lamé qui se couchent sur sa peau, lui chuchotent à l'oreille "Que tu es beau, Christian !". Au bout du cinquième verre il finit par y croire vraiment, il mate dans la rue les brunes et les blondes et les rousses moins souvent . Elles disparaissent, toutes de la même façon, dans des coins de rues, dans des traboules. C'est une malédiction, dont il n'a qu'une image, ces femmes qui le pulvérisent dans des coins, à coups de bombe. La seule image qui le console c'est quand il pense à elle; avant hier, il se souvient dans la petite cuisine en soupente, d'un petit appartement rue de l'Alma elle lavait la vaisselle il l'essuyait et ils causaient d'un peu de tout à peine, sans se prendre le chou, et c'était bien comme ça. Il cherche dans sa poche, le portable, où il est ? Et ses clefs ? Il faudrait qu'il refasse tout le trajet d'hier, alors qu'il ignore d'où il vient, qu'il aille au commissariat le plus proche faire une déclaration de vol, de perte, il va entre les portes de ces longs corridors et son oreille se colle sur la vitre d'entrée noire du nouveau glacier où gît la dépouille de l'ancien Lutin Bleu, le magasin des petits enfants en pyjama devenus méchants, à force. Une danse gourde porte son corps sur des passés sans gloire, des jeux de mains, qui ont fondu comme neige ou vogue, pendant que des cristaux multicolores éparpillent sa tête sur un comptoir doux c'est un traversin. Il tente dans un demi-sommeil, de reconstituer la trame des évènements, qu'il reproduit sans cesse à l'identique quelle que soit la personne rencontrée. Qu'a t-il vécu avant pour que tous ces visages au final n'en forment plus qu'un ? Le plus inaccessible, toujours le plus absent. Dans les miroirs du bar il voit son reflet prenant des airs d'homme de demain, ses gestes de chevalier d'avant, au temps de la grande époque, quand tous ses combats étaient nobles, ses étreintes sûres et fortes, toute cause valait qu'il risque gros. Les filles disaient: "Christian il est pas comme les autres", ils s'aimaient et après ils se quittaient copain-copain, il n'y avait pas de drame, pas de biture, pas de vomi sur les cravates. Et Christian, il est là, comme les autres, au milieu d'une bande de gueulards, des poivrots, des vantards, des grands minces avec des gros bides, des petits rougeauds en salopette, qui rigolent à propos de rien, ils sont tous là et ils rigolent, à charrier la serveuse, ses lolos et son popotin. Lui, il retrouve ces vieilles gueules du vieux monde, sa sale gueule qui ne s'accorde pas avec ce qu'il est, ce qu'il voudrait montrer, nul ne le voit. Il aimerait bien appeler sa blonde au téléphone il se dit (comme ces gens qui se disent "tu" à eux mêmes), il se dit "ça suffit, Christian, en ce moment tu déconnes, t'as assez déconné, maintenant tu rentres chez toi", la serveuse elle l'observe elle se dit "celui là, il est pas comme les autres", elle le tient déjà sous sa robe, dans ses bras,  sous son aile et dans son lit, tu crois ? Moins rougeaud moins poivrot que les autres, elle se dit du  pauvre gars qu'elle pourrait s'en occuper "bien", elle lui demande "Et le joli monsieur, il est tout triste, il va bien reprendre une petite rincette ? Je vous en remets un pareil ?" Il pense à cette chanson de Nino Ferrer "Rondeau". Il se dit que cette chanson c'est toute sa vie ou c'est la vie de tout le monde. Au fond, les chansons et la vie, il s'en fout. Il émet un grognement qui veut dire "va pour une petite rincette". Il se dit, "après tout. Pourquoi pas ? Un peu plus, un peu moins..."

  

Photos : Passage clouté sur le boulevard plus un mot glissant comme la soie. Colline comme ailleurs. Entre la grande artère et petite rue d'Alma. © Frb 2010.

vendredi, 28 janvier 2011

N'importations

La banalité est faite d'un mystère qui n'a pas jugé utile de se dénoncer.

MAURICE BLANCHOT in "Faux pas", éditions Gallimard 1943.

n'importations,clandestinité,indistinction,multitude,banalité,tout venant,fantaisie,étrangeté,masse,maurice blanchot,de visu,le monde en marche,humanité,n'importe qui,n'importe quoi,fatras,dérision,erranceN'importe quel lieu avec n'importe qui sur n'importe quelle île grande ou petite, sous n'importe quelle lumière où l'on verrait l'hiver prolonger toutes les saisons, n'importe quel lieu pourrait convenir. N'importe quel reflet suffirait, si l'on s'y penchait à effacer n'importe quel visage dont les traits déjà vagues raconteraient n'importe quelle histoire, où n'importe quels èvènements se mélangeraient, n'importe quelle protestation s'étoufferait dans n'importe quelle masse de gens rassemblés sur n'importe quelle place dans n'importe quelle ville de n'importe quel pays, n'importe quelle plainte pourrait se mêler au tournoiement, à n'importe quel vacarme de n'importe quel trafic dans n'importe quelle accumulation de sens interdits ou d'interdiction de stationner indiquée sur n'importe quel panneau de n'importe quel code d'une route qui mènerait n'importe où. N'importe quel chemin pourrait convenir. N'importe quelle idée à la fois fausse et vraie viendrait se noyer dans les reflets qui nous effaceraient, dans la parole des autres qui raconte une vie dont ils s'imaginent qu'elle est notre, avec n'importe quel argument qui pourrait nous persuader que n'importe quel autre nous connait mieux que n'importe qui. N'importe quel lieu pourrait suffire, avec toi, peu importe, avec eux, par exemple, ou n'importe quel voisin de palier, n'importe quel cousin éloigné, un oncle d'Amérique. N'importe quelle lumière, n'importe quel fleuve nous méneraient dans n'importe quelle rue de Paris ou de Londres, n'importe quel homme, n'importe quelle femme pourraient s'y rencontrer, parmi la cohue, n'importe quel homme ou femme suffiraient pour m'assaillir et brouiller mon identité, réduire mon histoire en fumée ou la votre, nous pulvériser à n'importe quel instant, nous transformer en n'importe quel tas. En fatras, en bris, un amas de bris, en cri beau ou honteux jusqu'à toutes sortes de bruits semblables à celui de n'importe quelle machinerie. N'importe quelle fièvre ferait fondre n'importe quel glacier. N'importe quel grain cristalliserait n'importe quel sentiment heureux, malheureux, dans n'importe quelle inspiration, n'importe quel instinct évaluerait la géométrie de n'importe quelle chambre pour faire coucher n'importe qui avec n'importe qui, lesquels croiraient qu'ils sont faits l'un pour l'autre, toi pareil à moi, comme deux, toi comme un seul ou des milliers, les autres, couchant sur toi et moi, ou entre eux et ça donnerait n'importe quoi qui serait raconté comme n'importe quelle chose importante. N'importe quelle autre chose importante pourrait convenir aussi. N'importe quelle pierre, n'importe quel rocher nous retrouveraient dans n'importe quelle position sous n'importe quel vent du sud ou du nord, en train de fumer n'importe quel tabac hollandais ou français n'importe quel Pierre ou Paul, dans la perspective de n'importe quelle aventure nous mettraient dans n'importe quels draps. N'importe quel grain de folie installerait n'importe quels cosmonautes dans n'importe quelle fusée, n'importe quelle erreur humaine les feraient exploser en plein vol, il en retomberait n'importe quels déchets comme n'importe quels flocons de neige qui fondraient comme n'importe quoi sur n'importe quelles mains tendues pour recevoir n'importe quel signe qui tombe du ciel, de n'importe quel nuage, de la lune, du soleil. Des mains pleines de n'importe quoi qui auraient rendez vous pour serrer. Ouvrir, pousser n'importe quelles portes, les fermer, ou se tendre, cocher signer n'importe quel papier. Des mains à moi, tes doigts, leurs têtes, dans n'importe quel bureau y parleraient sérieusement de n'importe quoi pour remplir n'importe quelle plage horaire, après quoi on se promènerait comme rien, on ferait les magasins avec quelqu'un qui serait d'accord avec ça. Peu importe.

Photo : D'un "Faux pas" de Blanchot aux vrais pas en Presqu'île, il n'y a qu'un fil (étroit émoi) vu à Lyon, à la fin de l'hiver de l'année dernière. © Frb 2010.

lundi, 06 décembre 2010

Words words words

I'll be you,  I want you, I love you,  I really want you, I got a line on you, I miss you, I'm gonna miss you, I lost you, I need you now, I knew you knew, I'd come for you, I'll stand by you, I just wanna make love to you, I believe in you, I give all my love to you, I put a spell on you, I follow you, I love you more,  I can't tell you why...

If you want translators, you can touch click on the lovers with your mouth IMG_0170.JPG

You've got the love, you're not invincible, you can let go, you're going to age, you're a hologram, youv'e changed, you'll never find, you'll disappear, you make it easy, you were never there, you set off my brain, you really got me, do you remember ? You never had it better, you make two weeks two days, you make me feel, you look like rain, you already love me, you just can't win, you sure love to ball, you go the silver, you got me hummin', you don't know love, you get me, did you get my message ? Do you ring my bell ? You do something to me, you could have both, are you passionnate ? Do you love me ? You love me, because you love me, tell me you love me, you love to sing, you're an ocean, you can't hide love, take what you take, you can't do that, you can't always get what you want, you can move back here, you can do what you like, you own me, you are what you is, you make me feel like a whore, you make me like charity, thank you for loving me, you should'nt kiss me like this, you make lovin fun, you are the terror, you decorated my life, you rock my world, kiss me like you mean it, you are never alone, do you wanna dance ? Would you love a monsterman ? You're so real, you go to my head,  you bring me down, you fail me, you belong to me, Who you are ? You are the music, you are my life, you make me so very happy, make you smile, you are my sunshine, you're my only home, you are what you love, you kept me waiting too long long long long long long long long long...

I wanna take your higher again, I've got the world on a string, I'm waiting for the man, I'm waiting for the day, I'm throwing my arms into Paris, I'm so lonesome, I could cry, I'm a loser, I'm not angry, I'm smashed, I'm goin' a fire, I'm leaving you for solitude, I wanna be your dog, I'd much rather be with the boys, I won't support your love, I won't back down, I woke up today, I wish you, I wish I knew, I will survive, I will, I was gone, I was a lover, I'm a woman in love, I'm not in love, I used to try, I talk to the wind, I have a vision, I think I'm paranoid, I start to run, I see a darkness, I'll be around, I saw her standing there, I need some money, I may have a drink, I needed this, I love your eyes, I can't get no satisfaction, I've got so much to give, I'm with stupid, I singing in the rain, I am the black gold of the sun, I don't need no doctor, I am very sorry, I'm new here, I'm not like everybody else, I'm in the house, I'm going away, I'm a man, I love London, I learned the hard way, I know very how I got my name, I kissed a girl, I just don't know, I hear the rain, I gotta be goin', I got the feeling, I got my mojo working, I fought a crocodile, I feel fine, I don't wanna be a soldier, I don't need that kind of lovin', I don't mind, I don't care, I didn't know what time it was, I can't wait, I can't get started, I can't explain, I can't believe we did, I can't see it in your face, I can't not poet be, I can't never go home anymore, I came as rat, I do it for your love, I do I do I do I do I do I do I do I do I do ...

 

TOBIE LURIE : "Love"

podcast

 

 Source et note : Ce billet a été rédigé après une sélection drastique issue d'une liste de titres pop contenant des mots précis, (le lecteur adoré l'aura bien compris), les titres sont extraits de ma sonothèque personnelle et de celles de quelques amis (gougoules forbidden) versés dans la musique de beatniks que je remercie (les beatniks et les amis). Ce billet conçu via un procédé nommé "wip", est agrémentable à loisir toutes autres suggestions pertinentes et personnelles (no gougoules, no dix heures) seront accueillies avec les égards qu'elles méritent.

Photo : "You and me" en balade aroumeuse, (on va le dire comme ça), c'est de l'usurpation d'identité. Quel toupet ! et je lis, d'après l’article 434-23 du code pénal, que le fait de prendre le nom d’un tiers dans des circonstances frauduleuses et sans l’accord du tiers, est puni de 5 ans de prison et de 75 000 euros d’amende, mais je tiens à signaler, aux lecteurs, lectrices, à monsieur le ministre que je n'usurpe pas les noms, je ne sais pas dans les combien ça ira chercher, gageons que tout cela sera sauvé par l'indulgence de nos lovers qui ont certainement mieux à faire que de se regarder de dos sur un blog, et l'aroum triomphera de tout, au final. Les lovers ont été photographiés sur le "pont des (gros) soupirs" à Lyon, jadis appelé pont de l'université (University's bridge over trouble water), rebaptisé "pont des (gros) soupirs" par deux ou trois rabat-joie (ils se reconnaitront) effrayés par l'éminent, l'imminent 8 Decembre. Comment c'est fini ? Mais non rien n'est jamais fini ! never never ...  © Frb 2010.