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vendredi, 10 janvier 2014

Dans quel pays sommes nous, cher Pisthétère ?

C'est la maison Dedalu

U a se devise

Set cascun entrer,

Et tout issont detenu,

Car en nule guise

Ne pueent trouver

Ne assener

Par u l’entree fu  

RICHARD DE FOURNIVAL  

campagne.jpg

 

On ne connait pas les traits des petits personnages.

Etaient-ils hommes ou femmes ? Qui s'inscrivaient déjà aux "clubs-neige" de Janvier. 

Qui sont-ils ces gogos bardés d'un attirail ?

Ils vont à la montagne en rondeau de deux mille quatorze pieds, autant d'allers-venues ; ils ne sentent plus leurs corps, des ombres les menacent, nous les voyons dormir sur une simple natte. 

Leur ciel est passé vite de ce bleu myosotis aux nuanciers du gris. On retrouve une image révélant une fresque qui décrit des silhouettes penchées sur des points d'eau ; près des feux étouffés, l'homme rêve de s'asphyxier, s'émonder, disparaître. 

Il voulait reconstruire son refuge au soleil, il s'y laisserait griller, il courait feux et flammes, il peut s'enluminer sous une croix latine, dans la nef romane où l'on donne en spectacle des joutes féodales sur de faux destriers.

Dans la terre, sur les branches, il voit des formes rares comme celles des animaux de la première histoire, celle d'avant ces soleils qui se passaient de l'art, de ces grilles à nos portes où l'on croit deviner des mondes entre les lierres. 

Si loin de ces caveaux d'où l'homme sortait confus rêvant de courir nu après les amazones ou de se balancer aux branches des cocotiers une tête à l'envers enserrant dans ses griffes le crâne d'une guenon affublée d'un diadème.

Elle respire la langueur de nos rhododendrons et cette Annapurna qui tient de la violette. Il la portait aux dieux dans les plus beaux feuillages puis la perd aux dédales, c'est un prince médiéval, qui nous toise ou nous garde, soulève la petite caille, la sert aux champignons avec de la moutarde qu'on étale au couteau sur un pain de campagne. 

Quelqu'un a croisé l'homme, croyant le reconnaître, l'avait vu épouiller sa femelle dans un zoo, un autre a prétendu qu'on l'envoyait à Loué chaque mardi à la foire vendre quelques pintades à cent sous arrondis pour les pauvres. 

Dans le simple fouillis des champs qu'on ratiboise, d'autres avaient dû parler de ces îles bariolées, de mangues et de grenades comme les sorbets de fruits qu'on revendait partout. 

Quel remou par l'emphase nous rend si malléables ! toujours nous donnerait de quoi nous divertir des fantasmagories de nos plumiers bavards gobés d'un noir liquide tirant à la hussarde le barda du chameau.

On venait nous chercher vêtus de ces manteaux grossièrement découpés dans du papier buvard. Quel gâchis que ces fards ! qui s'enfuient déjoués n'infusent pas les coeurs pris ; voilà les étourneaux.

La neige vient par mégarde, un vieil enfant s'attarde, contemple le rocher il tourne en rond autour, levant l'index il cherche à remuer l'espace, pour connaître dans quel sens le vent vient à souffler. 

C'est un roi contre un autre qui lèvera le voile, barbouillait sa figure, crissant l'ongle sous la craie, il évoque une roseraie qui se laissa tenter par les hellébores noirs, et ils en redemandent, mais rien de l'apparence ne fût aussi grimés que l'homme et sa femelle, avant qu'ils n'eussent compté jusqu'à deux mil quatorze, qui tourna sur un pied pris au jeu où s'attardent de lentes caravanes, le chien à leur passage, n'avait rien remarqué.

Ici, c'est un instant où les ombres opiniâtres voudraient s'y montrer "rares", elles règnent en ministères, nous mettraient en bocal pour un épi de blé, tel on doute on va boire aux tavernes chez les gueux de la liqueur d'armoise (dont les teintes agréables rappellent vaguement l'absinthe, mais celles-ci crachent un fleuve), c'est l'or du pyromane, il la buvait cul sec par ennui, comme nous autres.

Quand le monde se figea mû à l'état sauvage remué des sarcasmes à s'y croire irréel, traînant à l'évasif sur le flanc d'un caillou haut comme une montagne déjà dans l'avalanche, on vient chercher secours, par la chaleur humaine experte en sauts de biches qui se déhanchent au parc d'une ville impériale, on aurait cru une île entourée d'un abîme, on ne pouvait rien entendre des fracas alentour. 

On trouve plus grand danger en fleuretant des volières sur un trou de mémoire, au seuil où l'ermitage se multiplie parfois en divisant les âmes. L'homme cacherait qu'il chasse à mater ces roulis. Fait une pointe de compas d'un bout de ses savates, il retrace le diamètre d'une planète qui l'absorbe en son centre aussitôt le promène jusqu'à ce qu'il n'en trouve plus un hectare respirable, un trait de ligne courbe caressée qui se casse, ensuite c'est un dédale, on le suit préposé, juste où l'on craint d'avance qu'il n'existe plus grand chose, bientôt à contempler, au ciel ce gris lavasse tend un drap de lin sale qui bat sur un nuage, on ne sait l'arrêter.

On ouvre une rengaine, on dit qu'il va pleuvoir, mais qu'il conviendrait mieux que tous les champs s'enneigent, qu'Arcade et Saint Hilaire gèleront les bruyères. L'homme ressent la croisée des chemins nécessaire mais elle est si couverte de gelures à présent qu'il n'a pas vu le vent faner le perce-neige

Ce fût un court sommeil un peu d'une tristesse comme on en voit souvent. On ressent le dépit des mots qui s'agglutinent traversent les cervelles ; les plus vides n'y conçoivent que leur propre malaise, les plus exubérantes ont vu le Saint-Esprit qui s'incarnait pour elles. 

Ce serait, un sentier, des épaves à travers y traceraient la vie avec les spécimens, on imagine déjà le premier petit d'homme qui au lieu de parler écouterait crépiter le brouan du village, il s'en irait rythmer l'amour des trouveresses, l'embellir à charmer les badauds d'à côté.

La fille est apparue, c'était la belle Doette qui descend l'escalier ouïssant la chalémie, elle ne croit pas au mal qui se dit en musique, un bourdon sur les yeux, elle croise l'homme à la foire, qui riait au milieu des pintades égorgées, elle pensait qu'elle trottait au coeur d'un mauvais rêve avec l'homme endeuillé tout à son cimetière.

Un dieu berçait les anges comme au tout premier monde, personne n'eût cette idée d'huiler sa mécanique contre l'abrutissement où d'autres étaient tombés, le nerf qui d'imprudence parfois nous relayait avait dû s'enliser dans l'oubli, nous aussi on faisait comme à Loué.

Des jours en ces manèges, d'hommes abordant la nuit sans qu'aucun compagnon par les villes, sur les places si peu avoisinantes ne s'occupe plus déjà de venir aux nouvelles.

L'homme avait vécu là, par cette indifférence. Quand il revint nous voir nous étions moins vivants, moins nombreux, plus terreux comme ces statues de plâtre qui souriaient heureuses sur leurs socles sévères, on les aimait muettes, si patiemment brisées par une longue attente à tortiller des laines. 

L'homme allait s'exiler sans un bruit n'endurant plus les cris de victoire en son propre pays, il se mit à railler bombardes et chevrettes et pria qu'on n'aille point lui chanter des poèmes avec la chalémie. 

Le diable est dans les têtes. Quand ses forces contraires le tiraient d'un côté ou d'un autre, l'homme partait, il restait, il revenait, gêné de ne pas avoir pris à coeur ces ritournelles qu'on lui souffle à l'oreille, l'oreille est son outil, et si prêt de crisper le son sur une affaire qu'un reflet étourdit, on suggéra à l'homme de s'en venir semer les ors des chrysanthèmes sur nos champs de bleuets. Il le fit à son prix. Puis ce fût la jachère.

Qu'importe la saison, tous les jeux à la fin s'étranglent sur un rire, quand le chemin des daims se réduit aux ornières, un fleuve revient, aspire les rives hospitalières, la fille mal fagotée semblait toujours chanter ses amours d'Orcival, accroupie dans la neige, sur le foin de la bête, près d'un vétérinaire qui triait des entrailles et le sang qui pissait n'affolait plus le ciel.

Tout devenait normal. La bête était immonde. Devant l'homme secoué de sanglots, s'affairaient quelques dames, accourues au galop, pour consoler les mâles avec leurs gros ballons et des mains fabriquées à lustrer des pétrins contre pépites honnêtes, l'homme s'en irait demain, un panier de pintades sous le bras, à la foire où l'on vend des mensonges du matin jusqu'au soir. Quand nous revînmes au soir, sur nos bois en copeaux, il tombait des hallebardes.  

On n'y penserait plus, on allait, on venait, enfin, on fit l'idiot pour se sauver d'ici, comme on croise à la gare ceux qui courent à la vie. On s'est remis aux phrases, des phrases rudes et légères qui nous grimpent au dessus. 

On cherche dans les champs les formes du trèfle rare. On voudrait le cueillir. On a vu, le gri-gri du plus grand enchanteur pris dans les rayonnages du produit pittoresque, on acceptait l'obole au prix phénoménal qu'on nous faisait d'un grain de blé broyé menu, on en croquait le dimanche, à défaut de brioche, il fallait remercier le coeur des bienfaiteurs, ne pas trop jacasser qu'on le digérait mal ce petit grain jeté autrefois aux bossus, aux boiteux, ou aux nains, si la petite hirondelle ne l'avait pas volé, quand ce n'était pas elle, c'est l'alouette qu'on plumait.

On a vu l'archiprêtre saupoudrant finement d'acide la bonne étoile qui se changea, mauvaise. Ce n'est pas un remède que les bêtes minuscules sacrées par nos bons dieux nous révèlent un royaume par les arts de la fugue qui s'étalait en fresque de démons-chimpanzés, d'anges mutiques retombés par mégarde contre un mur.

Ils criaient innocence, ils n'avaient embrassé qu'une statue de plâtre trônant au fond d'un cloître, ils voulaient la sauver ou la montrer au dieux, ils avaient insisté, c'était l'unique mal, ils tournaient autour d'elle croyant voir se former des syllabes sur ses lèvres, la statue souriait, depuis mille ans peut-être, personne n'avait frôlé sa bouche, sauf les mouches ou les anges et voilà qu'ils perdaient subitement la parole. 

Ils ont dû regretter comme nous l'éternité qui ne prolonge en rien les actions désirables, vidait notre mémoire écrivant à la marge sur des fossés poreux hissait des cathédrales où les prières tournaient en virelai puis en peines qu'on recycle en papiers.  

Ces pages furent barbouillées du noir de ce plumier à nos mondes essentiels comme l'huile de pédalier sur Rossinante Ruissel (c'est le nom d'une coureuse cycliste médiévale), elle salue du mollet les buveurs de ginseng (et buveuses :) qui trinquaient. elle espérait un jour revoir l'aventurier, un genre doux maréchal qui roule sa mécanique en tricot balinais.

Quand la lumière revient, sur la rive oubliée, sûr que chacun n'y voit rien qu'une dégringolade, ne pouvant tout saisir on affichait nos rages aux horloges d'un clocher, on tournait les aiguilles à la main, comme c'était laborieux, pour se donner du mou on secouait nos pieds suivant le "Sing sing sing". Nul ne pût distinguer le tambour ou le coeur du genre des créatures, qui ne jouaient de rien, léchaient les devantures et prirent d'un air bravasse la chose très au sérieux.

Le matin nous recueille, flottant sur des barquettes, avec l'homme toujours seul et des types près du zinc, des gars de la marine en grosses têtes d'épingle flairant la sphère de Dieu, des mains comme des palettes tripotent la barre à mine. Ils boivent jusqu'à l'ivresse dès le petit matin ou ils causent avec nous à nous rendre plus informes peu à peu on s'abaisse à échanger des nèfles, on joue au jass couinché contre du marasquin

A ce coût insensé qui n'exalterait pas le coeur des mélomanes arrivés pour rythmer le temps sur un clavecin, où rien ne se tempère, il faut encore s'y perdre. Passera, passera pas ? Encore un jour pour rien.

Au pire, on est moyen à s'en virer dehors plutôt que d'approcher ces palais où les chants de merles vont caporaux nous chier un répertoire limité à des cris pinaillant ou gloussant, c'est dans la rue, parfois, qui nous prend en tenaille, avec nos oreilles d'âne qu'on court de l'idéal aux sons précipités dont l'oiseleur disait qu'ils masquaient de l'angoisse, et pourtant, et pourtant...

La trouveresse cachée sous sa couette paysanne sort de sa solitude et se met à clamer debout sur un bidon (avec la voix de Simone de Bardot ou de Brigitte Beauvoir)

- "Ouh ben ! Faudrait beau voir (c'est pas malin, je sais) par le grand Fournival qu'est pas mon gigolo, mieux vaut être une renarde ou la rougette vilaine qui intrigue les moineaux avec ses dents fragiles, des ailes tellement spectrales qu'on dirait des vampires allés au carnaval  en parcourant un point lequel d'ici bientôt marquera des années jusqu'à faire deux mil 15, 16, 17 fois le tour du même pied roulant dans le même foin qui se trouve là, chez machin, moi, ou eux, enfin bon, chez tous les cornichons qui ne savent toujours pas voir plus loin que leur tarin".

Pour nous c'est juste un point là, dans une île très loin, d'où l'on devait partir toujours de l'origine rêvant d'atteindre un but au pays enfantin, où les corps sont d'écume gonflés de berlingots. On gardait des images à se ressouvenir quand tout serait passé pour s'extraire des ressorts d'un enfer où les morts font la pluie et le crachin, le ciel sur une truelle, notre chaleur humaine semblait devenir tiède. 

On pourrait l'enrichir des trésors que convoitent les nouveaux followers qui prennent la place du mort dans les décapotables où flottent les hémisphères et la blondeur des blés s'étoffera d'une barrette sertie d'un rubis vert.

L'oeil du dragon clignait sur l'empire du soleil, il vient sur tes genoux, l'homme prend de la bouteille, sa guenon débarquée, de ces rades, en nuisette, de cent pas s'enfonçait dans ses mondes intérieurs.

Deux mille pas balayés, feraient une épopée de quatorze avec l'ombre héroïque d'une armée et ces coeurs en voiliers c'est toute l'humanité qui s'égare dans une bulle et danse la tarentelle, ce vacarme vient chez nous, s'y croyant informé sur les zoos, les igloos, et le lycalopex, il fouillera dans nos fiches, corrigera le cahier qui porte la méprise comme si tout était vrai.

L'homme grisé, follement s'entichait de lui-même, ne sait plus à présent, quelle saison est la sienne. On a vu le printemps, l'été, l'automne, l'hiver et les quarts de saisons, tourner des béchamels autour d'une soupière avec tout ce vermicelle qui dépasse de l'assiette, il pleut des alphabets.

La fée prise dans sa traine regarde des cervelas flotter sur la rivière, par des foules en pique-nique, la clepsydre accélère le tempo pour un bouc tapi sous les loquets, d'un beau bleu électrique qui imite à moitié le pays où l'on dort quand on sait par avance qu'on n'arrivera jamais, ce qui est peu de chose ; quand on n'a pas d'idées on vit sur le côté comme des singes qui se sapent ou se pendent aux voilures, à peine à la lisière on s'y fond docilement et tous les points mouvants nourrissent une mémoire constellée de gourmets roulant leur aligot dans nos ronds de serviette d'où l'avenir a eu lieu, où le passé lira le présent dans tes yeux, il chuchote à voix basse des petits poèmes creux consacrés aux cinq sens, aux licornes, aux belles lettres, et à la grande musique.

    

Photo : Olga la vache aux pieds d'ânon, posant dans devant mon le plus simple appareil, droite dans ses bottes fourrées (maison) ou ses sandales (vintage), c'est tout comme vous voulez, et les voeux pour la suite du monde... (ô maudite procrastination ! Vade Retro ! grand mal !), (tout ira comme hier, je remets à demain, les bonnes résolutions :)

 

"Sem pesalt sexuse upor el tredar § sle clesiens lhaes, drapon, drapon, eorcen cemir à ovus, sem nages...", (c'est de Dante).

 

  

A l'oclens des véchas : © Frb 2014

vendredi, 27 septembre 2013

Impromptu

Le souci de soi

 

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Le philosophe Giorgio Agamben dit qu'il faut se soucier de soi dans les formes pratiques de soi, en même temps il énonce à plusieurs reprises le thème apparemment opposé :

Il faut se déprendre de soi.

Il dit aussi plusieurs fois :

On est fini dans sa vie, si l'on s'interroge sur son identité. L'art de vivre c'est détruire l'identité, détruire la psychologie. 

 

Le souci de soi devrait logiquement aboutir à se déprendre de soi.

 

Nota : Le prélude à l'impromptu est lisible en cliquant sur l'image. 

Photo : Les bancs sont devant la Vie Claire, c'est quelque chose à voir, aussi bizarre que rien, mais le promeneur croix-roussien les connaît bien, il s'y contemple en bancs d'oignons (oui, bon...), certes, ce ne sont pas les bancs des amoureux sur l'esplanade de la rue de l'Alma, d'ailleurs je ne les montrerai pas, ce sont plus sûrement les bancs de personne donc les bancs de tout le monde, faits pour penser à rien et à tout, ou au deux, tout c'est eux, eux, c'est nous par une des mille façons à tenter de se déprendre, en attendant de regarder tomber les épluchures, bientôt, une autre et sage leçon de vie pour l'homme (c'est de Héraclite, il me semble), je cite pour la beauté des lettres :

κόσμον τόνδε τὸν αὐτὸν ἁπάντων οὔτε τις θεῶν οὔτε ἀνθρώπων ἐποίησεν ἀλλ᾽ ἦν ἀεὶ καὶ ἔστιν καὶ ἔσται πῦρ ἀείζωον ἁπτόμενον μέτρα καὶ ἀπο­σϐεννύμενον μέτρα. 

 

Lyon/ Croix-Rousse © Frb 2013.

vendredi, 20 septembre 2013

Prélude à l'effeuillement

L'air par cet après-midi d'automne était d'une grande douceur et les montagnes au loin se découpaient avec une clarté froide. Malgré tout, je ne pensais guère à elles mais seulement à mes pensées. Tout ce qui avait été me parut plus triste que si tout cela n'avait jamais été.

FERNANDO PESSOA, (voir acolytes) in "L'éducation du stoïcien", éditions Christian Bourgois, 2000.

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Le caillou grossissait en colline comme un être vivant, au delà, la lumière généreuse de Septembre évoquait par instants le soleil de Corinthe. La sûreté toute humaine allait en bercements. J'étais peut-être ici coincée sous les ratures d'un roman à tiroirs, une copie dans l'espace qui pouvait reproduire pour un autre regard, agrément ou désagrément, tout me biffait alors par la force illusoire que je mettais à vouloir me rajouter au monde en ayant l'air d'occuper des vêtements camouflant des pensées opposées à tout ce que j'étais.

Je virais à l'ersatz mais parvenais toutefois à suivre les conversations y répondre poliment et les personnes croisées ce jour là, ont dû s'imaginer que j'existais vraiment. Nous avons échangé quelques banalités, comme les banalités paraissent encore des preuves du temps qu'on passe ici au temps qu'il fait là bas, nous constatons bêtement, qu'il est bon d'exister, présents avec nos chairs, ce rire bête au dehors, un gloussement, à peine, echo de la volaille, et le balancement de couleurs agréables sur des nappes à carreaux rouges et blancs sous ce ciel gris-bleuté, c'était un enchantement.

Quand le jour veut tomber, des mains molles font des gestes puis rien, absolument rien n'en peut demeurer, juste après ce sourire qui n'exprimera jamais autre chose que le contraire d'un air riant, on dirait qu'on s'y croit éternellement vivant, à causer sans manière, près d'un panneau montrant la douzième biennale d'art qui sème un peu partout une images du cochon puis cette tête de garçon - une photo réussie - d'un visage assez tendre portant autour de l'oeil les traces noires d'un violent rififi dans la gueule, c'est si bon, la violence, quelques ruines permanentes, des miroirs grossissants qu'on regarde par dépit de ne pouvoir les fuir. Et si on le pouvait, sans doute on passerait son temps à ne faire que ça:

prendre des raccourcis qui rallongeraient la vie, on s'éviterait parfois de se retrouver happé dans les plans irréels dont on nous persuade qu'ils sont notre présent, à la fin on y croit dur comme fer et ça doit s'intriquer plus ou moins dans les plis ou plus exactement, c'est un passage forcé, on serait les obligés des profusions d'images qui nous compileraient, s'approchant au plus près de nos centres d'intérêt, on s'y adapterait.

Au mieux c'est un reflet, tant de jours on espère qu'il se passe quelque chose en dehors de ce vide qui pourrait nous heurter au nerf des éléments comme surprendre le caillou rouler et s'écraser contre une Tête d'Or cachée dans les marais, et qu'enfin réveillée elle déchire les reflets et les enterre là bas, justement à l'endroit précis, où l'on ne la trouverait pas.

Ca changerait le trajet avec d'autres couleurs, la terre de Sienne brodée des sublimes strobilanthes. Mais ici rien ne bouge, pour le mieux on attend un immense évènement qui convierait les fleuves à devenir torrents, et par le cours du temps on serait ces ballants repris dans les colères on se transformerait, on serait le ruban, courant se purifier dans les éclaboussures.

Au mieux on sera le clampin qui s'en va claudiquant à son bureau de tabac au coin de la rue Say, (tu sais mais tu sais rien), entre deux vides, on serait celui qui fait son plein, un sac dessus l'épaule, à parodier les charmes qui émanent de ce monstre dévorant la parade, suivant d'autres ballants promis au menu sort, dans les joies des achats qui nous tiennent harmonieux comme des produits vitreux dérivés des trésors pour ballants-matamores. Truffes au guet, dos cinglé, dans un léger cafard caché par les formules qui s'autorisent la valse, et des ronds de fumée au milieu de l'azur, on se roulerait dedans, on piétinerait les rousses qui hantent la Tabareau et frottant sur tout le monde sa belle rangée de dents, on serait prêt à l'ouvrir pour dire n'importe quoi, on parlerait du temps:

"demain il fera beau, malgré quelques rafales dûes au violent cyclone venu des Philippines...".

Contre l'abêtissement, qu'est ce qu'on ne vous dirait pas ? Et puis clopin-clopant on se trouverait un banc, on irait lire l'avenir dans les feuilles rosissantes, on les aimerait vraiment, et on regarderait gentiment trembloter leurs ombres moins béantes que nos songes balancés aux torrents, voguant dessus des feuilles, puis dessous bringuebalant et dehors et dedans, et inlassablement...

 

  

Photo: Voyageuse immobile, contemplant un chef d'oeuvre d'ombres chinoises en presqu'île, biennale off d'arbres rares encore verts, d'où prélude...

 

 

Lyon © Frb 2013.

jeudi, 04 avril 2013

Les trous noirs sont irrésolus

Si l'on pouvait se voir dans les yeux des autres, on disparaîtrait sur le champ.

E.M. CIORAN, "De l'inconvénient d'être né", éd. Gallimard, 2013.

 

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Nous sommes dans la guirlande, nos couleurs sont passées, nous regardons tomber la bruine sur les autos. Le petit jour s'épuise. Nous sommes seuls à la fenêtre, autant que des milliers, nous avons vu revenir le vent qui tournait, nous n'avons pu prévenir, il nous aura tournés. Nous étions comme des crêpes.

Les yeux sur un clocher, sous un ciel déchiré nous déchirions de même, nous effaçons doucement chaque lettre, et les lettres de ceux qui nous aimaient, elles brûlent, dans la cheminée avec les bûches en sucre, des mêmes suavités, nos têtes de vieilles vedettes, nous brûlons les passés, les reliques, les dossiers, les livres philosophiques, les revues poétiques, les vinyls, les cassettes, nous brûlons les tableaux, les horoscopes débiles, les bulletins météos de l'année à venir, nous ne savons pas quel goût aura le vin de l'année, billes d'austères, une année de bibine, pas d'ivresse à la crêche. Des kirs à la manille. Après ça nous courons. Après qui ? Après, non.

Après un tel saccage dans les vignes, nous retrouvions des notes de frais sous nos tonnelles et cette langue qui claquait du bruit de la machine, nous ne savions plus pourquoi ils veulent nous orienter, nous n'osions pas freiner, à peine l'anticiper mais à tous, les prothèses règnent du mouvement des glaises qui nous virent déroutés, nous courons à l'étroit, nous courons à l'égard, après qui ?  Après toi ? Nous courons à l'apprêt.

Nous croquons le petit déjeuner en vitesse nous ne pensons à rien, nous jetterons les montres avant l'heure, et nous aurons encore quelques jours de retard, nous éloignerons les noms et les phrases et tout ce qui fût notre, nous le mettrons au loin. Nous courons après le pain, après le beurre après le lait.

Nous visons la jachère, une seconde arrêtée ; nous pourrions croire encore mais rien, croire en rien c'est plus fort, en tout sens moins que rien, à rapprocher la main, ou balancer les pieds, tu m'as vue me jeter sans désir dans le tramway, un penchant pour l'exil, quand cet oeil fit trembler au loin les figurines de notre île homérique à présent oubliée, on oublie, on écrème, ce n'est plus compliqué, et l'oubli nous devine, il n'y a plus qu'à courir, après l'heure, après l'art, pour entrer de plain-pied.

Ces engins créent du signe et du monde vous fabrique mille amis à la seconde, dans ces lits enrobés dans les draps de la fée, le cocher qui dormait parfois sous nos tonnelles, n'y verrait qu'un amas, ça bouge et ça respire, c'est lustré dans la graisse, mille absents recherchant la fraîcheur des parfums élégants d'autrefois, des filles de bonne famille, ces lavandes dans l'armoire, ces ronds de citronnelles, à présent ne diffusent plus qu'un brin de ta fraîcheur corporelle à la sveigne, ta chic en robe trapèze moud les sucres à Mugler, cette fausse exhalaison comme le mot sur ta langue qui rentrait dans tes fesses, légèreté triomphante du malabar Cobra, d'intenables airs de danses des canards sur ton ventre, ta vulgaire tu la vois ? Dans ses jupes transparentes, imiter Dalida en tirant sur son Dim et toi tu ricanais, heureux dans ton marcel, essayant de cacher l'odeur du pourrissement des plus beaux mouvements de notre fin d'été.

La société nouvelle se répandra sur nous. Elle est pire que l'ancienne, nous contenterait d'un mot, le mot de trop qui brade la pépinière d'Alceste. On la tient la parole on tapera dans nos mains, on fera venir monsieur le maire pour couper le cordon qui ouvrira l'accès de ce pressing pour tous, cette laverie dans nos mondes, l'entonnoir sur ta tête et les rois et les reines toquards du rond de la jambe qui nous appellent "z'amis" et qui courent après qui ? Après toi... ? After mi ?  Tu répètes. Répètons.

Le vent à la fenêtre ferait le bruit d'une foule qui se traîne, émouvante, quelques uns nous redressent, ou graissés, ou mouillés, une madeleine dans la crête, la lanterne à la main cherche la base et le sommet qui touchaient la couleur, se vanterait demain de s'en remettre au ciel, quel ciel de traîne-misères, et celui du demain dissimule un trou noir.

C'est d'abord une fine bruine d'un gris tournant en hyène, gris toupie qui s'excite à entrer dans l'hiver juste voir comment ça fait quand toute chose s'accélère, et que l'intensité des couleurs fond sur nous, puis bariolant la chair, l'effacerait et la fête reprendrait pleine d'entrain. A force de s'empiler sur des peaux de chagrin, finirions-nous par voir les choses se rétrécir sans que d'autres n'en sachent rien ? Ils croient nous voir grandir nous pourrions disparaitre, devenir l'énergumène qui tourne en eau de boudin, passant de main en main sur la chair bariolée et dans ton regard terne je vois les lendemains de ta toupie joyeuse qui se fripe comme la terre et fait un bruit de chien écrasé sur mes reins, vite fait, bien fait, je te kiffe, je suis le courant d'air, la fille en Rexona, qui éteint ta lumière et descend ta poubelle, qui trempe des écrevisses dans la sauce mayonnaise rêvant d'aller là bas chez les étoiles de mer, couler comme des plongeurs qui manquaient d'oxygène. Savons-nous qui nous pleure ? Qui nous tape sur le nerf ? Qui nous crie et pourquoi ? Après moi ? Pour la quille ? Qui qu'en veut des toupies ? Dans sa main qui qu'en n'a ?   

Toi tu en voulais une de toupie dans ta main, et tourner comme les autres aller de l'un à l'autre d'une chair à une autre te barioler comme eux, on te l'offrait gratis, à toi qui te taisais on t'aura vu sourire, tu souris dans les coins avec ton oeil guettant l'harmonie des battants de ces portes de western pour glisser entre tous te distinguer : pan ! pan ! tu flingueras comme John Wayne, en héros de la culbute ensuite tu serais rien qu'un gogo du plasma qui dort sans ses lunettes, ou tire sur tout ce qui bouge dans ses rêves, dans mes rêves, mais dans nos rêves, y a quoi ? Pourrais-tu me redire dans quel film tu jouais et quel rôle quand soudain, on trouvait à ta voix un son qui n'était plus exactement le tien ? Tu l'ouvrais ta grande gueule, ils t'appelaient "Attila", t'en pinçais pour "Ginette", c'était pas un nom de fleur, le soir tu la bouclais, et Ginette refermait les volets d'Attila, plus de portes, plus de fenêtres, tu n'avais qu'une réplique il fallait s'en souvenir, tu disais d'un air triste :

"je me tais parce que je suis rien".

Qu'est ce qu'on aurait pu dire ?

Hormis ramasser ça : des graines de cacahuètes sur la terre qui semblaient boucher notre chemin nous belles gens d'autrefois on devenait des modernes, par d'étranges épousailles avec des personnages si grandioses devenus au final héros du quotidien comme les autres comme ces toupies passant de main en main, ces liaisons provisoires dont les promesses étaient comme autant de pétards mouillés, ça faisait "splatch ! platch !" et puis "pof !" ça retombait tout foutu sur le gazon, ces paroles en bouquets s'en allaient sous les grosses mécaniques de la vogue, on mangeait des marrons sans marrons, des gaufres couleurs d'éponges, toupies d'aires provisoires, pour nos liens je pomponne le charmillon truffé, j'ai la tête en corolle et me ridiculise à reprendre la réplique d'un film du Tartignole,

"vous aimez le provisoire ? 

- moi, je suis définitive".

J'anticipe les casseroles, je saccage les mariages la tête entre les mains comme la folle du Rodin elle te regarde fuir avec ton galurin, battre à mort la campagne pilé entre deux gares à la sortie d'une ville dont le nom ne te dit rien, ta grande ligne de vie et de mort dans ma main qui lâche son léopard en string à la montagne et tu cours après qui ? Après plus ? Après moins ?

Passe ton temps, tu regardes, tomber les derniers fruits derrière une vitre molle, la saleté dans ta fiole emberlificotera la belle Isadora, pressant entre tes doigts longs et fins la sanguine, maintenant c'est les grenades d'un sang pourpre ou bleuâtre qui éclaboussent nos marges comme le coucher de soleil, du dernier paysage, on croyait l'habiter, on l'a vu accroché au rayon cartes postales de mon buraliste tchèque, il solde tout à deux balles, il y a quelques années un tel coucher de soleil était inestimable, le Louvre se l'arrachait je le voulais, je le voulais ! lassée de ma toupie il me manquait une maille, quatre vingt dix centimes, le coucher, le soleil, je voulais sur la carte changer le territoire. Le buraliste se barre en Austin au Burger, il me dit :

- prenez donc, c'est gratis, tous ces couchers de soleils y'en a marre, marre marre ! ils se ressemblent tous, c'est vrai, prenez suici ou suila, ou l'autre là, ils me reste dix mille cartes postales pour les dix mille gugusses qui traversent des villes en groupes avec des cars, ça pourra le faire grave et puis pour les gonzesses, qui seront toujours trop connes à danser en tutus devant un coucher de soleil, c'est du sentimental, je vous dis pas, ca cartonne".

Moi, je réponds

"chui pas conne", et l'autre il me claque sa grille:

-"prenez tout, je liquide, je me casse au Sénégal il paraît qu'on s'éclate, les soleils, les couchers, les caniches, et le pont de la guenille et les vues du théâtre, et Gnafron, et Guignol, les qu'nelles prenez tout, même les "bonnes fêtes maman" et les "Joyeux Noël" si ça vous fait plaisir"...  Je lui dit:

oh merci m'sieur, merci, vous être si généreux, il me fait :

- ah non, pas généreux je débarrasse tout mon stock ! je liquide, si je foire le Sénégal j'ai un plan pour dealer de la coke et ptêtre du shit sur la route de Memphis mais après je sais pas, après quoi je peux courir, après vous ? Après rien ?

C'était peut-être le dernier Mohican, le dernier Vendredi, le dernier homme qui passe, la dernière valse triste, la dernière promenade, la dernière inquiétude, la dernière paire de claques, la dernière solitude, le dernier chant du coq, la dernière forfanterie, le dernier merle noir, la dernière roue du paon, le dernier mouvement un peu lent un peu braque. Le dernier cours du temps. Et depuis ils couraient, nous courons. On accourt. Et vous, ça s'arrête quand ?

La dernière guirlande s'affaissait, le monde s'agglutinait, bourrés, fourrés courez, et le soir, nous dansions. Le monde s'agglutinait pourtant nous aurions cru que le monde était absent, le beau monde, le grand monde, vivait dans d'autres mondes, les choses s'organisaient, tout revenait normal, à partir du lundi, mais le samedi nous plombait, il y avait que de la viande saoule accrochée aux bateaux de plaisance, sur la rive défilaient d'énormes rats d'égout, et voilà le dégoût, ça y est, qui recommence, tu vomis ton Baileys Irish Cream dans la petite roseraie, c'est quoi ces gens qui courent ?

Nous avons cru entendre les cris d'une femme là bas, un corps entre les flots, au milieu des bateaux, de ces genres de bourgeoises qui hantent les boîtes de nuit, et le coucher de soleil au milieu des plasma semblait d'une autre planète, non, nous n'aurions jamais dû naître dans ce monde-ci, nous qui ne courons pas. 

Nous étions des fripons portant des martingales sur nos vestes, des chapeaux à plumes de tourterelles, des guêtres de pollen, et des foulards en soie et j'en passe, il en reste un ou deux, des qui sans panoplie sont comme le gars, là-bas, il reste assis tout seul sur son banc médiéval à regarder ses salades, à trier dès l'aurore des paniers de champignons, c'est de saison, les girolles, ça c'est beau, ça rassure qu'il en reste, des comme eux cachés dans les hameaux. Les autres ont la bougeotte, des avions des texto et des fêtes, et des mots des paroles, des paroles avec rien, tu comprends ? Rien partout ni dehors ni dedans, des grandes phrases en lambeaux, comme des pelures d'oignons passant de bouches à oreilles, sur les lits sous des couettes, avec toujours des mots qui servent à pas grand chose et ce vin une piquette, passe moi donc, une lichette et le gobelet en plastique que je me dévisse la tête avec ce tord-boyau, et demain, et demain, nous regarderons la bruine, demain la pluie, pis après-demain, bingo ! on s'offre le Parpaillon, au diable la jachère ! abrégeons, vide ton sac, allez chiche ! on se dit tout, t'as quoi sous ton chapeau ?

Allumettes, brasero, le linge de ton balcon, des miroirs aux alouettes. Aux vaches, les trains d'enfer, aux chiens les gargoulettes, bois ta nuit peu importe ce qu'il en sera demain, tu ramasseras les restes petit à petit, t'en fais pas, demain tu verras clair.

Tout au bout du chemin, il y a ce confetti comme un baume à nos lèvres, nos bouches ont le refrain douloureux des vieux siècles, une chaufferette sur le coeur, quel chemin pour tes fêtes ? Ton futur de rouleau compresseur tu le laisses, quels goudrons, quels silex entre des feux follets ? Tu vois, ces petits éclats nous ressemblent comme deux gouttes d'eau, c'est de la vraie poésie des feux follets qui sont en tout pareils que deux petites gouttes d'eau, c'est pas couru d'avance, si ça se trouve ça serait ça, l'art moderne ? Ca le sera sûrement demain. Demain, on cassera tout, demain ça va péter, enfin vous verrez bien. On était rassuré. On avait le goût d'en rire, un rire simple et grossier, des amis, des voisins, du schnaps, du gibolin, tout de quoi bien se déglinguer en attendant la fin.

 

 

Nota 1 : Dans l'image, (à cliquer), peut-être un contrepoint, vu d'un autre univers.

Nota 2 : Le titre de ce billet a été inspiré par la lecture de l'ouvrage épatant "Anagrammes renversantes" ou "Le sens caché du monde" de Etienne Klein et Jacques Perry-Salkow, une merveille vivement recommandée par la maison

Photo : La sortie des usines Lumières en Septembre 2013 vue du banc de la quiétude.

- Vous croyez ?  

- Oui, on croit. Pourquoi on croirait pas ?

  

Only-Lyon © Frb 2013. 

samedi, 10 novembre 2012

Vers l'idéal...

L’avenir n’est pas encore venu, le passé est déjà bien loin [...]

Il me plaît de marcher de travers ne gêne pas mes pieds. C’est le moment de laisser faire.

ZHUANG ZI : "Oeuvre de Tchouang-Zeu"

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Adage : Quand les hommes s'en retournent au pays des Anatidés, ça veut dire que l'hiver ne va pas tarder

Bonus : L'affirmation du jour se multipliera sous l'image et la métamorphose sera presque achevée...

Photo : Saisir à la volée du haut (pas trop) d'une falaise lyonnaise (?) une pêche miraculeuse sur les berges du Mississipi qui ressemblent (étrangement ?) à celles de la Saône, par endroits...

 

Mississipi ou presque © Frb 2012

mardi, 16 octobre 2012

Des jours et des jours à la vogue

Dernière grande fête foraine de l'année à Lyon, la vogue des marrons tire son nom des premiers marrons de l'année et du premier vin blanc qu'on y dégustait, à l'imparfait, rien n'est parfait, bien sûr. La vogue des marrons actuelle a démarré le 6 Octobre elle finira le 11 Novembre 2012.

vogue ballons.jpgQu'on l'apprécie ou non, parler de l'esprit bon enfant de la vogue paraît aujourd'hui déplacé (on ne sait où), même si l'enchantement des jolis manèges hante encore notre époque, c'est une image entre autres, de fête et de flonflons, rien qu'une image légendaire puisque pour la plupart d'entre nous, ces fêtes foraines familiales, bricolées sans manières, nous ne les avons pas connues. Nous savons simplement, malgré la joie délitée, et révolue, peut-être, que si la vogue des marrons, à Lyon, n'existait plus, elle manquerait. Mais je n'ose pas ici employer le mot "fête", la vogue est rituelle, c'est admis dans l'esprit des habitants de cette ville, elle marque un temps dans l'année, juste avant la saison des pluies, les foules du 8 décembre et les marchés de Noël, elle balade aujourd'hui plus d'ennui que de gaieté. On s'accorde à l'idée, on s'y traîne, on y flâne sans penser par exemple qu'au XIXe siècle Lyon totalisait plus de 207 jours de vogue, de Pâques à la Toussaint. Il n'en reste qu'une, c'est celle-ci, on la prend pour ce qu'elle est, entre la vogue et notre esprit il y a des nébuleuses... Nous fermons les yeux sur ce qui manque, ou bien encore heureux, nous nous rattachons aux mémoires idéales de ces mondes enfantins qui suçaient les guimauves une fois l'an,  nous nous contenterons des arômes d'un Chardonnay allégeant l'Homme (et son désir), tenterons d'en retenir le dernier tourbillon sans trouver le raccord entre ces vieilles gravures et les temps à venir qui nous invitent à décharger notre poids soucieux ou abêti, matière poreuse ou bons vivants, nous contemplerons en touristes ces rubans colorés où les  jeux vont sans nous. Nous ne savons pas comment cette grande usine à attractions valdinguera les corps, pourvu qu'elle ne valdingue pas les notres (pas le mien en tout cas), des furies techno-funk à la nostalgie du mashed potatoes via le rock à l'antique (Elvis, tuning, sodas, ice-cream), l'over-bass brutalise. Les engins crachent le feu, les flammes, au propre, au figuré, nul ne devrait s'en plaindre car l'intitulé ne ment jamais (desfois qu'on n'aurait pas su lire les enseignes kitsch and cheap)...

rock.jpg

Âmes vagues décomposées seules ou accompagnées, c'est à peu près pareil, voguant dans l'ennui patent de nos semaines contemporaines qu'il faut absolument secouer de loisirs à grands cris sur la place solidaire plombée par la dérive, l'esprit dans la paillette du pepsi pop, les  défilés se suivent et ne tarderont plus à  nous s'enchaîner, (8 décembre, morne plaine, ma flamme dans leur publicité) ; rameutent ici ou là  un bref éclat entre les bruits, tiraillant nos faiblesses: le caprice d'un enfant qui ne veut pas redescendre du manège, des parents sur des chaises et leurs gueules d'enterrement, des gars avec des franges qui tirent comme Charles Bronson sur des figurines en plastique pour gagner une peluche du bon temps de Pandi Panda,  ça reste divertissant de regarder tout ça afin de n'en tirer aucune réflexion particulière. Juste regarder. Et puis voilà.

vogue in the usa.jpgFlâner entre les hurlements d'humains harnachés par des courroies fixées sur des machines qui montent, tournicotent, gesticulent, brassant l'air, d'accord pour ces crampes d'estomac qu'on se fera à la place des passagers retournés à l'envers, d'accord pour l'empathie-express qui est notre, à ce moment là, superflue, tout-express, même la peur des antres gothiques et ces sorcières qui remuent des balais sur un toit brûlant, même la nuit quand je rentre chez moi, à chaque fois, je suis d'accord avec moi, pour avoir peur de ça. D'accord pour écouter les mécanismes stridulatoires des simulateurs inspirés des plans les plus sombres de L'exorciste qui propulsent mais quoi ? - D'accord pour être propulsée - juste une fois, mais sans rien essayer, parce que la joie d'une vogue c'est aussi de s'y noyer. La vogue n'est qu'une fois dans l'année, alors on peut bien vivre avec son temps une fois, en marchant, pourvu que le boulevard et ses rues parallèles, continuent à sentir la vanille, le nougat, les bonnes gaufres, les crêpes au Nutella... Peut-être vous livrerai-je un jour une traversée by night dans la vogue en sommeil mais je ne promets pas étant donné que c'est déjà un peu ça: une stimulation acharnée qui n'arrive pas à réveiller grand monde, ni grand chose, la nuit au fond de soi, en plein jour, l'émerveillement absent, ou caché sous un air de s'en foutre. Ca validera peut-être cette adhésion sympa à tout ce qui peut plonger l'esprit dans sa paresse, encanailler l'espace avec ses grappes festives d'humanité blasée, toquée de gigantisme, où les bulles énormes font pétiller le corps d'une ville enrobée dans le sucre et la glace à venir. Nous goûtons en deçà, le plaisir monotone de nous disperser puis voguer, ne serait-ce que pour se vouer tout entier à la recherche éperdue du premier cornet de marrons chauds. Chauds, chauds, chauds, les marrons ! où sont-ils ?...

vogue ours.jpgAu hasard, la plus réaliste de cette expédition en quête de marrons, (chauds, chauds chauds), rend le pas tiède ou triste, mollement nous grillons nos cartouches à l'américaine sur de vraies carabines, tellement bien imitées  (des Kalashnikov, on dirait) sans la moindre biquette à caresser, ni un cheval de bois dont on fait les violons, pas de quoi pousser la chansonnette. Nous croiserons plus tard, le nez de Pinocchio qui s'allonge, s'allongera, grâce aux reflets multicolores d'une flaque d'eau.  Cela vaut les discours sur les fameux marrons, promis en cette vogue, seule vérité discordante, ô spleen de nos nuits sans marrons, moins folâtres que les nuits sans Oscar Wilde, (à ce point d'inanité, je vais me faire un peu de réclame) ;  le marchand de marrons (nous apprendrons le jour d'après, que c'est en fait, une marchande) serait-il du genre lève-tard ou couche-tôt ? Nous le cherchons nous le trouvons. Le stand est minuscule, il est  doux, il sent bon, c'est tout ce qu'on vous dira de cette première tentative sans pouvoir plucher le maroncho,  c'est un peu de ma faute, je ne sais pas jouer des coudes en société, ainsi je n'ai même pas eu le culot de bousculer quelques badauds, pour photographier le fameux stand aux marrons, parce qu'il y avait devant, les personnalités de la colline : Monsieur Marcel Rivière (et sa femme, la grande, dont je ne me rappelle plus le prénom) qui charmillonnaient discrètement avec un Alceste entièrement caché sous une toge recouverte d'écorces avec des feuilles rousses et ocres made in Tabareau collées sur son chapeau évasé par le haut en multiples branches ornées de nids de hulottes revenues de Couzon, je n'osais déranger, et ne fixais pas mon objectif afin d'obtenir un cadrage (presque) parfait sur les mains des personnalités qui tenaient leurs cornets de marrons comme on tient des cierges lors des grandes processions hivernales (par exemple, celle en l'honneur de la Sainte Vierge, nous en reparlerons peut-être...). Il faut dire qu'affecté par les privations, on glissera dans la romance de toutes petites choses pourtant vraies, à ce sujet fragile, j'ouvre une parenthèse puisque je ne peux décemment exposer ici Monsieur Alceste piquant à pleine branchées les marrons de Monsieur Rivière, (à lire prochainement "Les marrons de Monsieur Rivière" un inédit  issu des carnets de la mère Caquelon, poètesse Lyonnaise oubliée, grande copine de la Mère Pompon qui mit au point la recette des quenelles de marrons, plat mythique servant à décupler le courage des canuts lors de la révolte en 1831, - là, j'exagère, mais c'est un des nombreux effets secondaires produit par le manque de cornet aux marrons, quand on en goûte un seul, ensuite, ça dure, une vie parfois - quant au livre, je l'ai déniché récemment dans un vide-grenier de la Tabareau, on ne dira jamais assez - surtout en plein coeur de la vogue - qu'il s'en passe de chouettes sur la Tabareau où la rutilante boule lyonnaise n'a que faire des tournis des manèges; les parties de boule lyonnaise se déroulant dans un monde parallèle, en silence, les manches retroussées, les hommes ne pourraient en être déconcentrés ou seulement par une boule dégommant l'autre boule, pour aller se placer à deux millimètres du cochonnet, on entendra alors un gars qui l'ouvrira plus fort que ses copains, mais pas trop, pour dire "ouhla !  joli !", c'est ici, que le vogueur épuisé viendra se reposer sur un banc pas loin de "la Coquette", qui comme son nom l'indique est une coquette auberge, quand on passe devant ça sent bon  le thym et l'échalote, surtout l'été, mais  je ne peux rien en dire je n'ai  pas encore testé), là je referme la parenthèse, (vogue off). Laissant grésiller en paix les marrons, pour goûter les bonbecs, j'ai compté qu'avec trois picaillons, on peut obtenir 80 grammes d'un diamètre de huit centimètres de réglisse + une bille de gum au milieu, après une telle dépense je n'oserais pas entamer mon dernier billet de mille pour dilapider des restes (?) de jeunesse dans la bétaillère jurassique où la foule, clairsemée sur les feuilles abattues, attend de faire son baptême, happée par le plus fameux des glyptodons de Lyon, relouqué par qui vous savez.

vogue tutti.jpg

Enfin, ce qui est bien agréable à la vogue c'est qu'on s'y trouve tous en vadrouille, un peu comme des stars démodées allant incognito, offrant aux sunlights jaunes et verts  nos mines cadavériques, nos lèvres jaunes et nos dents vertes (juste un sourire pour la photo), stars d'un jour flambant à la roulette le mou avant l'hiver, vivotant au sommet, sans se soucier de savoir s'il existe un autre lieu au monde, la colline valant à elle seule, un hémisphère. Une seule fois dans l'année quand la vogue est de retour les Croix-Roussiens vivant en autarcie au  village, se sentent pénétrés du lourd de ces camions beaux comme des barres de la Duchère branchées sur des prises électriques qui  serpentent de la place par les rues et sur les tapis (introuvables) de la place (des tapis), ils croisent aussi les monstres qu'on ne verra (pour de vrai) qu'à la fin du monde, venus culbuter nos grattons, crapahuter sur nos coussins (ces quiétudes ganachées fourrées d'un filet vert, couchés dans leurs boîtes de velours, à se damner). Quelle pagaille, en nos us et coutumes!  quand, soudain, dans les premières heures, du 5 au 6 Octobre, on regarde les gars de la vogue (de magnifiques garçons) déballer le matos afin de monter les engins, on croirait voir construire une ville, elle se fait en un jour ou peut-être une nuit, sous nos yeux se déroulent des kilomètres de câbles et des kilomètres de rallonges sur le bitume courant dans les rigoles, après on s'y balade comme si tout cela avait poussé uniquement par magie, on est dans la vogue-champignon et les jours qui suivront ça scintillera de partout. Je suppose que la vogue des marrons aurait plu à Andy Warhol, ces objets en série multipliés partout, auraient pu lui souffler de sacrés tableaux, l'Amérique qui se pose là, avec ses boîtes en kit, des bistanclaques qui se perdent au milieu d'une foule, cette année, pas trop dense à cause des restrictions. Ce n'était pas complètement étranger à l'oiseau vogueur, lequel, d'une année à l'autre s'était fait grignoter par un sanglier vogueur, voyez qu'il y a quelque changement, (le lecteur assidû, qui s'y connaît forcément en sanglier connaît aussi son paradoxe, toutefois je laisserai ouverte l'interprétation symbolique pour laisser voguer l'homme et son désir dans l'approximation). Bref, chacun sait que le mot sanglier vient du latin "singularis", (au sens isolé, solitaire "singulier") et que le sanglier est aussi ubiquiste, à vrai dire, je ne sais pas ce que signifie sociologiquement cette raréfaction de l'oiseau vogueur au profit plus imposant du sanglier ubiquiste mais je trouve, ma bonne dame, que c'est pas rassurant et peut-être aussi triste que nous autres les festifs désolants qui picorons nos beignets entre les barrières métalliques du boulevard et les autos méchantes, à se demander encore qui a décidé d'encastrer la vogue sur la place des tapis  où l'on entre enjambant des panneaux et des fils alors qu'une partie du boulevard semble plongée dans le gris, sans doute à cause des travaux, d'autre chose, peu importe, on pourrait être ailleurs, déjà à la périphérie, et ce n'est sans doute pas un hasard de trouver de plus en plus de pigeons moches, mal polis (ubiquistes) gouverner sur la tête de notre vénérable inventeur.

et vogue sur la tête au père jacquard  kb.jpegLe lendemain ce fût la même vogue ainsi les jours d'après telle l'année précédente, malgré une fine pluie, (ce retard coutumier de l'automne), après que le thermomètre eût marqué  26° à l'ombre, sous un ciel mitigé, comme on dit chez nous desfois "ça mouillassait", le gros rire (voguenard ?) du sanglion raillant l'inventeur des métiers m'attira sous un stand abrité, c'était une sorte de vestiaire à peluches (peluchons) encore des pantelantes arachnoïdes à cornes et multipattes difformes (soyeuses ? Je n'ai pas approché), je remarquais juste, que l'une des bestioles tristement pendue par les pieds portait entre les oreilles, un bonnet de lutin indécollable qui ressemblait à un cône de Lübeck, pourquoi, des cônes de Lübeck sur la tête de nos bêtes à la vogue ? Vous me direz! alors que des cornets de marrons seraient plus rigolos ? (Vous remarquerez que l'odeur des marrons grillés peut très vite taper sur le système surtout quand on les cherche), enfin voilà pour l'énoncé d'une vogue aux présumés marrons, nous repasserons, (enfonçons un clou dans ce marron), je subodore que si je n'ai point l'occasion de goûter au seul produit annoncé chaque année dans cette vogue, par cet  engouements précaire qui jalonne les recherches de certains jours, (comme leur façon là bas de fabriquer la barbapapa), ça tournera à l'obsession.

vogua.jpgEnfin, sortant de là, un peu sonnée, seule ou accompagnée, de toutes les façons harassée, je ne rejoindrai pas les copains comme prévu au RV du café du bout du monde où c'était encore convivial de pouvoir causer un brin tranquillement après avoir patassé (comme dit le lyonnais les pieds dans sa bassine de sel) puisqu'ils sont revenus déçus, les copains, de voir le bout du monde remplacé par un bar à bière,  un autre ! dont nous ne pensons à peine moins que rien, le houblon on s'en fiche, au départ on voulait un voyage en ballon de blanc (même de rouge, ô fillette !) avec des cornets de marrons (si je radote, mon lecteur, râle et  indigne toi mais là, minute papillon ! je promets de boucler la boucle et après on n'en reparlera plus jamais), un cornet de rien du tout, pour dire que ce n'était pas demander la lune. Oui, certes, mais il est comme ça le monde, dès qu'on veut quelque chose de simple, même si on on le demande gentiment, ce n'est jamais possible, ou alors ça devient compliqué parce que c'est rare etc... Et s'il faut demain voir en vrai griller des marrons, je serai prête à faire sonner le réveil (sacrilège) vers les 14H00 du matin. C'est vrai qu'à ces heures à la vogue y'a moins de monde. Un tout petit monde, discret , lent, pas  bégueule, du coup ça fait vogue oubliée et certains jours ça paraît bizarrement plus gai bien que beaucoup de stands soient vides, on admire le courage des forains, mine de rien, rude métier !

vogue.jpgEn guise de conclusion (j'ai dit en guise), c'est une bénédiction, pour nous autres gastronomes du plateau, que le citymarché (unanimement fréquenté en colline) ferme ses portes à 21H30,  c'est à dire après la vogue (mais un conseil, allez-y à 21H00 parce qu'après 21H15 les vigiles, qui n'aiment pas voir les gens lambiner se mettent à fouiner dans votre filoche, avec le vocabulaire de Rambo, (surtout un), c'est très laid, mais ce n'est pas à cause de la vogue (très influencée par Rambo également, pas pour les mêmes raisons), donc, le  citymarché, reste un endroit très pratix pour trouver de la vraie crème de marrons Clément Faugier, c'est pas en cornet (heureusement pour les manchons d'hermine de la bourgeoise), mais après ces promesses de vogue aux marrons rarissimes, ça pourra apaiser un peu notre besoin de consolation.

La conclusion, la vraie : à défaut de grives (aux marrons, vogue ! mon pijon) on mangera un merle à la crème de châtaignes. La suite de la vogue une prochaine fois peut-être (avec ou sans marrons, seul ou accompagné, si les petits ânes ne nous mangent pas). la dernière image à cliquer ICI vous donnera l'aperçu vite fait, du sort des animaux de la vogue, sous les yeux de l'enfant tirant pile dans la cible qui s'en retournera, en serrant dans ses bras un authentique Stormtrooper bien utile pour battre les Flogs, les Froschs et neutraliser l'homme vieillot qui cherche avec son groin (ubiquiste) des marrons sous les platanes du boulevards (vogue, vogue !), l'homme vieillot qui ne sait même plus le nom des arbres, ni le nom des fruits qui poussent sur les platanes, qui croit que les marrons tombent tout chauds des platanes et qui pleure et dit à tout le monde que tout fout le camp, et personne ne l'entend, pas une âme ne se lèverait pour lui tendre un cornet, un tout petit cornet de marrons chauds, un cornet de frites à la rigueur, et encore ! ah non, vraiment l'être humain n'est plus ce qu'il était, la fête est triste le monde est moche, on est tous triste on est tous moche. Alors qu'avec un cornet (même tout petit) de marrons chauds, même des châtaignes grillées... suffiraient, suffiront, comme l'écrit lademoiselle Pinturault (que je salue vigoureusement) dans son dernier recueil de poème intitulé "L'hiver des poètes", préfacé par Madeleine Lacroix, (je cite): "Desfois la beauté tient à pas grand chose". Vous pouvez ricaner mais si ça se trouve, elle a raison.

giga night.jpg

 

Lien : oldies but goldies, la vogue 2010, si ça vous dit.

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2010/10/10/le...

 Photos : Boulevard de la Croix-Rousse et un petit peu place des Tapis: quelques vues hasardeuses de la vogue (des marrons) parcourue à pieds, à vélo, saisies de jour et de nuit, + une pensée émue pour l'Auguste Jacquard et son infinie patience. En vrai il ne s'appelle pas Auguste, ni Albert mais je crois l'avoir déjà beaucoup répété, (la vie des blogs tourne comme un manège), pardon au lecteur adoré, puisque tout doit finir par des chansons c'est inécoutable hélas je ne peux y résister, et peut-être que ça fera plaisir à msieur Fernand. (hypothèse hasardeuse j'en conviens)...

 

Lyon Colline © Frb 2012

vendredi, 12 octobre 2012

Le modèle se rebiffe

Je m’asseois à une table du restaurant de la gare et demande une pomme coupée en tranches fines dans le haut-parleur du quai une voix récite
la dernière partie du Mahâbhârata
un voyageur solitaire me demande la permission de s’asseoir à ma table
je le regarde un temps et dit avec ennui
non.

Matéi VISNIEC : "Scènes à la gare de la ville", (fragment), traduit par Nicolas Cavalliès, extrait (probablement) de "La ville d'un seul habitant", Lansman éditeur, 2010.

Pour écouter la marche, il suffit de cliquer dans l'imagefrançois bayrou rentrant dans son pays.jpg

Il sentira le sable sous les quais jusqu'à la naissance des galets, cette blancheur introuvable, l'île aux poudres où tout va exactement à l'opposé d'une  vague qui lisserait son verbe sur la trame  de l'homme arrivé.

Il aimera sa maison et les siens, pas de reproches à leur faire, c'est de la faute à personne, s'il a envie de marcher, juste pour aller plus loin. Quelques pas en dehors. Au moins ça,  qui ça gêne ?

Il convoque son enfance, elle revient grâce à des attractions qui brillent dans les vitrines, sous des guirlandes. Elles ont si peu à voir avec l'enfance. Une mémoire écrasante anime des personnages en mousse grandeur nature qui traversent les rues il voit des  panneaux gigantesques représentant le père Noël riant dessous sa hotte, au printemps, le vieux passe par les combles  ça avait dû se détraquer avec les activités de l'âge mûr. L'enfance, il la goûtera toujours à travers les coffres en désordre : billes, poupées, cubes, légos, oursons, balle, trottinette, et le bonhomme de neige, retourne vers la mer, y chercher un peu de brume pour le sortir des murs. Tout au feu et là bas, découvrant l'embrasure, il laissera son corps décider.

Là bas, c'est une place où l'on passe sans s'inscrire, l'homme y perd et en perdant il gagne. Il devient le marcheur, trouvera sans chercher un parcours provisoire où le muscle délivre, s'allie avec l'espace puis réduit son malheur, il ne sait trop lequel, il s'était inventé. L'avantage d'inventions, c'est qu'on peut s'en défaire. Des tas de malheurs c'est cru et probablement fait d'une seule pièce, dont il ne connaît pas le but, ou  bien c'était hier, au cours élémentaire :

quatre fois deux passe encore. Six fois cinq, c'est limite, mais sept fois huit ? Il cherche. Il ne se souvient plus.

Il revoit monsieur Bouchard, appuyant sur sa craie. Elle crissait sous l'effort, ça aiguisait aussi, le nerf de la musique

Il ne fait guère de doute que le "moteur" du cri déchirant de la craie, c'est la très forte non linéarite du frottement de celle-ci sur le tableau, un peu comme pour la collophane sur l'archet des violons.

Il tentait de fuir le regard (du maître) mais à chaque fois, c'était encore sur lui que ça tombait :

- Sept fois huit ? Moinon ! Répondez ! au lieu de dissiper vos petits camarades! Sept fois huit ?

- Sept fois huit ? Bin ... euh ...

- Vous êtes complèment hors sujet ! qu'est ce qu'on va faire de vous ? Mon pauvre ami !

Complètement hors sujet. Ca devient un handicap. Ce babillement entre les phrases. Sept fois huit fenêtres sur ce mur, sept fois huit wagons sur deux rails...

- Combien ça fait ?  Moinon ! c'est pas bien difficile ! on dirait que vous tenez à devenir la risée de vos petits camarades ?  Procédons autrement !

Sachant qu'un petit ourson voyage 7X moins vite qu'un grand héron lequel quitte Paris à 6 heures volant à 36 km/h. alors que le pinson, qui est à Montluçon quittera son nid à 17 heures à une vitesse moyenne de 59 km/h ;  à quelle heure et à quelle distance de Paris vont se rencontrer le pinson, le héron et le petit ourson ?

- Bin ... heu....

Pourtant ça te regarde, toi aussi, ce goût qu'on donne à la jeunesse de ne pas se promener toujours avec des oreilles d'ânes.

Lui il s'est assis sur sa bête, il est resté droit dans ses bottes il a dit:

- "allez ! hue la bête ! on s'en va ! en route ! le soleil brille, la route est belle !

Il a cru voir Martin qui partait au désert, peser de son poids sur le monde :

 

De la peau du Lion l'Ane s'étant vêtu
Etait craint partout à la ronde,
Et bien qu'animal sans vertu,
Il faisait trembler tout le monde.
Un petit bout d'oreille échappé par malheur
Découvrit la fourbe et l'erreur.
Martin fit alors son office.
Ceux qui ne savaient pas la ruse et la malice
S'étonnaient de voir que Martin
Chassât les Lions au moulin.
Force gens font du bruit en France,
Par qui cet Apologue est rendu familier.
Un équipage cavalier
Fait les trois quarts de leur vaillance.

 

Ils ont tellement ri aux éclats que le vieux maître a puni tout le monde.

Peut-être est-ce à cause du poids de ces petites tracasseries continuelles qu'on en vient superscivement à accepter des choses qu'on ne désirerait pas pour soi-même ?

- subrepticement, Moinon ! ça suffira  et toutes vos facéties  ne  méritent  pas notre peine.  Celle que des gens se donnent à vous instruire,  pour votre  bien quand même, procédons autrement, huit fois sept ! on y restera jusqu'à demain!  personnellement j'ai tout mon temps !

- Bin ... mais c'est que c'est pas pareil...

- Comment c'est pas pareil ? Pensez aux hérons aux pinsons !

- Et l'ourson ?

- Laissez l'ourson hors de tout ça ! Sept fois huit ? Huit fois sept ?

-  Bin euh... personnellement, je vois pas...

- Moinon ! vous le faites exprès ?

- L'ourson c'est parce qu'il n'a pas d'ailes ?

- On se passe de vos questions, Moinon ! essayez au moins six fois sept ?

- quarante deux !

- Bien !!!

- Sept fois Sept ?

- Quarante-neuf !

- Très bien ! félicitations !

Peut-être faut-il faire croire qu'on sait la vérité ? Chaque jour une nouvelle pour remplacer l'ancienne, comme ces panneaux publicitaires qui grandissent avec ceux qu'ils promènent. Ces manières de se voir imposer partout les palissades des nuages à ras terre et ces chaises occupées par des hommes assis, jambes croisés, ils décident avec gravité la vie pareille aux mêmes - spécialistes présidant au récit de la vie, présidents des journées de la tarte à la crème, ils étaient tous superbes avec leur peau de lion, ils ont pris des fusils et ils ont couru après le héron, le pinson, et ils ont réveillé l'ourson. C'était ça qui clochait. C'était à cause de ces tracassins d'illusion, qu'il faudrait tôt ou tard se faire la malle en vitesse. Et l'autre il racontait qu'il faudrait un sacré rocher pour voir venir de loin des ennemis imaginaires.

- Que vont ils décider à présent ? Ce qui leur semble bien fait ? Et si moi je foutais le camp ? Est-ce que le monde s'en apercevrait ? . Enfin, le petit monde, celui qui nous fait nous défait, et de nouveau, rien d'autre ...Il a demandé au docteur Mollon qui tournait en rond dans la pièce, les mains derrière le dos en soupirant. Il faudrait essayer d'expliquer au patient qu'il serait parano. A présent, le docteur il observe derrière ses grandes lunettes, calmement les mains à plat sur le bureau  il y a d'abord un silence qui semble en savoir long. Puis le Docteur répond:

- Bien sûr, je comprends tout à fait votre question, monsieur Moinon, mais il  y a des méandres... il faudrait essayer de vous adapter un petit peu, vous montrer à vous même un  peu plus d'organisation, c'est important surtout important pour les autres...

- Important ?  Croyez vous ?

Le Docteur a souri, il s'est gratté la tête, le patient n'était pas complètement perdu, le docteur a songé  : "il faudrait je le récupère, oh puis non ! pas la peine" il  a creusé  un  trou,  il a dit :

-  je vous rajouterais du Broilapène 3000  ou si vous préférez du Gramabol 500 ou 610, à base de cryptocoryne ça permet de bien dormir. Au moins ça...

Pour la première fois l'homme, il a fait comme toi , il a fait ce que nous ferons tous un jour. Il s'est levé, il a pris sa casquette, il a dit "Non merci !".

Le docteur a tiré sur le bras de l'homme, il a dit :

hola ! mais il ne faut pas se sauver si vite ! Vous me devez 56 !

- Et pourquoi, 56 ?

-  Monsieur Moinon, vous êtes venu sept fois cette semaine comme vous êtes remboursé, que votre sécu coûte cher, aux autres  gens, pensez-y,  moi je ne prends que 8 par consultation, si vous faites le calcul sept fois huit 56, recomptez, mais je crois que c'est à bon compte...

L'homme a souri. 7X8, il était guéri.

- 56, oui,  c'est vrai,  le compte y est !

Il a sorti des pommes et des figues a demandé au Docteur Mollon

- ça ne vous fait rien que je vous règle à ma façon ?

- Pas du tout au contraire ! depuis que l'argent n'a plus de valeur j'aime autant ! a répondu le Docteur puis il a avancé sa grande tête piriforme parlant plus près de l'homme qui farfouillait dans sa barotte :

- Si vous aviez quelques châtaignes ou des noix, pour mon épouse, elle adore ça.

- Pas de problème ! voilà voilà ! Au revoir Docteur !

- Au revoir Monsieur Moinon, si on ne se revoit pas je vous souhaite un Joyeux Noël !

- Vous de même !

- Je n'y manquerais pas !

L'homme est sorti, guilleret, il a su grâce aux arbres que même si partout c'était écrit qu'on approchait de toutes sortes de fêtes, elles semblaient encore loin. On était la saison du cul entre deux chaises. Il a tripoté au marché les guirlandes de Noël, avec des lutins en forme de sapins gigantesques qui clignotaient et devenaient multicolores quand on les raccordait à une clé.

 Il a su aussi que l'automne cette année serait juste attardé, il restait encore des feuilles vertes et des fleurs, il a croisé des gens en shorts, et d'autres emmitouflés, les couloirs de métro diffusaient "Vive le vent",  et des publicités pour des séjours au Val d'Isère. Le mois des soldes et des liquidations massives allait recommencer.

Il a mis la guirlande lumineuse autour de son cou, puis a choisi sa rame, mais il n'est pas monté, il a repris le chemin en sens inverse. Il a fait deux pas en arrière puis il a reculé.

Pourvu que ses pas ne le ramènent plus là bas, chez eux, Suzanne avait déjà trouvé des santons pour la crêche, il n'avait pas envie de traîner au bricoland tout l'après-midi pour choisir les cadeaux de la petite. Il est remonté par le boulevard Charles Géode au niveau de la mairie jusqu'au grand manège.

Il s'est acheté deux pommes d'amour à la vogue desfois qu'il croise une inconnue. Quelle femme sur la terre n'a pas rêvé un jour de se faire offrir une pomme d'amour par un gars un peu con qui croiserait son chemin, et repartirait sans rien dire ? Et s'il ne rencontrait pas la femme, il se garderait l'autre pomme pour manger après son  sandwitch .

Il a vu des gens portant des paquets étincellants étoilés de rubans, d'autres avec des sapins. "Les gens sont de plus en plus dingues", il s'est dit. Mais c'était de la faute à personne. Les gens, les gens, pour ce peu qu'on en  dit. ll a marché longtemps, sous les arbres une pluie de sanguines et de l'or plein les mains. Quand la nuit tombera, les rites de saisons seront tous accomplis. Il a songé à l'illustre Vyâsa qui convoquait les mondes. Demain, il rassemblera toutes les femmes pour les mettre à l'abri, sous un arbre. Puis ce sera l'été. D'une manière ou d'une autre.

Il a jeté sa pomme au fond de sa barotte,  ça a dû faire un bruit du genre "splotch" qu'il n'a pas entendu, il a remis sa casquette comme il faut, a repensé à sa femme, qui avait remarqué avec ses grosses oreilles rangées sous la casquette que ça faisait deux grosses bosses ridicules à se marrer. Deux grosses bosses et alors ? Qu'est ce que ça peut changer ? Il a pissé un coup dans l'allée sur les pétales des fleurs, qu'il avait admiré la veille. Puis remontant sa braguette d'un coup sec, pof ! voilà une affaire de réglée ! il a jeté sa ceinture au milieu de l'allée, où le vent incessant avait renversé des poubelles du caniveau à la chaussée, tout un tas de vestiges des tempêtes, le vent pouvait souffler sur les fleurs, sous le ciel, sur la mer, et alors ? Qu'est-ce que ça pouvait faire ? Il a mis ses deux mains carrées sur la manette, il les a agrippé solides, il a marché, il a continué, la casquette sur le nez, à marcher, marcher, encore marcher, ça a duré des semaines, à force de s'éloigner, il n'avait plus cet air de ramper ventre à terre pour les autres, il a revu l'image de Suzanne lovée dans son rire bête, il a songé au gars de la fable qui riait le dernier. Il ravalait sa peine, la changeait en fierté, il faudrait s'accrocher et il s'éloignerait plus loin que les Monts d'Or ensuite il marcherait, droit devant, sans plier, jusqu'à trouver son coin, à force tout s'arrangerait et le vent tournerait, avec la volonté, en gardant bien ses mains posées sur la manette, droit devant, en suivant son chemin, le vent le porterait. Il sentait son destin chalouper dans sa tête, il fallait du courage et il en avait plein, ramper c'était hier. Selon ses prévisions, après beaucoup d'années et beaucoup de kilomètres, il sentait qu'à la fin, tout finirait sûrement par aller comme sur des roulettes.

 




podcast


 

 

Musique : Chenard Walcker : "Les arbres-mon Dieu"

 

Photo :  Le modèle et son âne caché dans une barotte sont sortis de la bibliothèque, ils ont traversé un passage qui mène droit à la gare. Filature impeccable, ensuite, je les ai vu happés par une foule sous le  panneau des départs, je les ai suivis encore, par des rues, des avenues puis la foule est venue  et je les ai  perdus.

 

Lyon Vivier-Merle © Frb 2012

dimanche, 07 octobre 2012

Les errances du modèle (II)

Rien ne nous advient que revêtu de notre âme : nous n'y reconnaissons qu'à la longue ce que nous avons appelé...

Joë BOUSQUET cité par les "Esprits Nomades" dans une page à découvrir intégralement  ICI.

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Ce départ nécessite une lente préparation, un matin il se lèvera trop tard et laissera tout aller : le bol, le sucre, la petite cuillère. Les choses en cours subiront un obstacle.

Il laissera de travers, la toile cirée parfaite, avec ses fruits pêle-mêle répétés à l'identique: un raisin une pomme deux cerises au milieu des triangles, des carrés alternativement disposés en quinconce. Depuis le temps qu'il les compte, c'est une distraction coutumière au petit déjeûner, compter et recompter. Quand il aura tout compilé, il se dira que Suzanne, sa femme a des goûts de merde. Un raisin, un carré deux triangles deux cerises et la pomme entre deux, tous les jours identiques ça recommence sans bouger: un raisin un carré deux triangles deux cerises et la pomme entre deux, tellement identiques.

Ca fuit, ça se dérègle, ça altère son esprit. Il est la pomme cirée entre deux cerisiers, il est le raisin dont la colère se cache sous des figures géométriques. C'est décidé, maintenant, ce non, il peut lui obéir.

Non, il ne passera pas l'éponge pour nettoyer les miettes et ranger les mets qu'on rassemble chaque jour autour du compotier.

Non, il n'effacera pas le coulis échappé des tartines fondues de Plantafin ; et la pomme, entre deux, il ne va pas la regarder toujours comme le symbole des goûts de merde de Suzanne, elle rêvait d'une maison propre et nette comme on en voit à la télé, ça accentuait ses manies de cocooner pour l'embellie de ses fleurs de ses fruits. Il avait installé ses bases dehors, il allait et venait, une bêche à la main, sommé d'entretenir les fleurs, les fruits, le chien.

Suzanne, tous les samedis, va choisir des tissus à l'hyper du textile, depuis toujours elle porte un soin méticuleux à rajouter pour la maison, "quelques petites bricoles", comme elle dit. Il ressent la vague sensation d'une course incontrôlable, Suzanne doit éprouver un état de manque, à courir après des tapis de bains, des séries de coussins, des traversins... Rien ne lui semble assez doux pour eux. Est-ce de sa faute à lui, ce besoin impérieux qu'elle a de rajouter des objets afin de les mettre en valeur avec d'autres objets ? Ca lui donne l'impression, qu'il ne peut déjà plus trouver sa place, s'imposer parmi eux, il n'est plus maître en sa maison. Il observe Suzanne, décorer le salon il n'osera mettre un frein à cette obstination dont le perfectionnisme ne saurait endurer le moindre reproche.

Plus le temps passe, plus ça fleurit chez eux, ça fruite dans tous les coins, la couette est envahie de pommes, de noisettes, gonflant des housses assorties aux rideaux, giroflées, coquelicots, tout s'emboîte et leurs corps dans ces goûts n'apaisent plus leur faim...

C'est juré, à partir d'aujourd'hui, il n'utilisera pas la lingette au citron qui absorbe les taches de café sur le bord blanc du bol, un seul geste suffirait. Non, c'est non. Il ne respirera pas ce goût de Paic qui lui rappelle l'odeur âcre de la tarte-citron-maison du café-restaurant-snack "Croqu' vit'" où il mange tous les jours de midi quinze à midi quarante-cinq avec ses trois collègues, Barnier Chaumette et Thomasson, six mocassins, logeant des animaux sur des chaussettes, trois paires de jambes traînant des fruits sur leurs caleçons.

Il suffira de claquer la porte, d'enfiler des bottes de cow boy, un grand chapeau un fusil, tirer dans le tas, et allez boum ! ou plus simplement, dénicher des chaussures anglaises, des trotters en daim souple assez sobres. Il faut se tenir prêt, afin d'aborder l'étape nécessaire d'un ravissement qui consiste à ne pas se rendre.

Pas aujourd'hui. Et pas demain. Il faudra supprimer aussi l'obsession de survie, le loyer, les crédits, cette dépression qui n'en n'a jamais l'air, aucun signe extérieur de désordre. Une "dépression larvée", il a dit le docteur Mollon en prescrivant le Lexomil et des boîtes de Tardyferon. Le docteur Mollon, il secoue toujours sa tête piriforme quand il veut donner un conseil, il prend un air confidentiel anticipant au mieux toute forme de contestation. Il a dit en se râclant la gorge: - "vous devriez faire du jogging, monsieur Moinon, vous inscrire dans un club d'Aquagym, j'en connais un très bien sur l'avenue Blaise Cendrars juste en face du Bricomaton".

Assis au bord de la table d'examen, il songeait au poète et sa main retrouvée qui remuait le ciel, pour faire un bras d'honneur par delà les persiennes aux flots bleus du club d'Aquagym. Il faudrait bien un jour que quelqu'un le sorte de ce traquenard, ou qu'il s'y colle lui-même avec un tel cafard, il croiserait peut-être un cas de figure similaire dans un forum sur internet.

Pour l'heure il ne peut rien en dire, il longe les murs, jusqu'à la pharmacie, il creusera son trou dans la file, tirera un tiquet d'une machine pour obtenir un numéro. C'est comme à la boucherie dans les grandes pharmacies, il y a du nouveau : on prend un numéro, un pharmacien parfois se poste à côté de la machine pour réciter les numéros, le client sait alors exactement quand c'est son tour, le pharmacien ne dit plus "à qui le tour ?" Il crie juste très fort "364!" "365 !" et ainsi de suite. Il n'y a plus de chaos, 365 tours pas plus de trois minutes par client, à la sortie c'est toujours la même chose, après avoir attendu très longtemps, et payé poliment, il cherchera une poubelle, et hop ! hop ! hop ! il jetera le bromazépam dans les réceptacles à produits recyclables qui ont fini par prendre une place phénoménale dans la ville, ultime acte de bravoure après quoi la planète pourra bien endurer une ou deux explosions, son âme étirant l'étincelle, invitera les constellations à libérer les animaux qui vivent dans les chaussettes une vie pareille à la notre.

Pendant que le Docteur Mollon a essayé de lui expliquer pourquoi il fallait faire le test gratuit de dépistage du cancer du colon, en quoi cela était un acte responsable ;  lui, il sentait que l'irresponsabilité, dans son cas serait un acte d'amour inouï. Mais il ne toucherait pas un mot de la fable au Docteur Mollon quand celui-ci traquant les larves dessous la dépression, jugerait "bon" de lui prescrire un séjour d'un mois, à la maison de repos des Tanches. Lui, n'a pas osé dire qu'il  préférerait un séjour au bord d'un étang, dans une petite maison, entourée de roseaux. Il devenait peu à peu le héron.

- Moi des Tanches ? [...] moi Héron ? Mais pour qui me prend-on ?

La petite idée jouerait encore sous conditions. Il restait un tas de choses à régler. Dernier caprice en date. Suzanne voulait un chat. Un chat sur un coussin, juste pour l'affection. Il n'avait rien contre les chats, mais cette fois c'était non. La petite idée consistait à marcher vers ce non, tranquillement, sans se fâcher, sans causer aucun mal, rien qu'un non radical ouvrant le phénomène au plus grand horizon, un non, qui aurait l'apparence d'un vrai non, et qui serait, au contraire, une approbation totale au monde, sans rien en conquérir, en demandant pardon à tous les animaux.

Ca flottait comme un rêve entre le sentiment de bonté qui aurait dû faire de lui l'être le plus adoré au monde et la sensation personnelle de devenir un  vrai salaud  s'apprêtant à commettre  un acte inavouable, où l'exil balançant son pôle magnétique entre des corps étrangers infiniment plus désirables que celui de Suzanne, inaugurerait bientôt un état de transformation si brutal que ceux qui l'avaient tant aimé ne pourrait jamais pardonner.

Ce serait comme un jet de pierre, un frisson entre la peur de perdre pied et le souffle qui la délivre. Le modèle dériverait vers cette dimension où basculent tous les phénomènes, il ne laisserait que le souvenir d'une pointure taillée dans le cuir, un détail qui perdrait peu à peu son prestige, Le sol changé en petits pas grandioses, le modèle roulerait sa mécanique comme n'importe quelle machine se met à broyer les graviers les larguer derrière elle, jusqu'à ce que la route les disperse sans plus de différence. Il y aurait une étincelle juste avant l'embrasure et l'imminence de l'arrivée ne serait plus un problème pour lui.

 

A suivre ...

 

 Nota : Notre modèle devenant de plus en plus interchangeable, vous pouvez explorer ses multiples facettes en cliquant dans l'image.

 

Etat des lieux : Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé ne serait que pure coincidence, toutefois cet inventaire (ou démarque) d'objets domestiques, m'a été inspiré par une scène de rue  fascinante d'un déménagement en forme de montagne d'objets familiers représentant des années de vie, de deux personnes dont je n'ai vu que la silhouette de loin. Un aperçu de quelques minutes d'une densité presque aussi effrayante que ces objets qui nous possèdent peut-être chez nous, à l'identique, si par hasard un certain jour, il nous venait l'idée saugrenue de les entasser dans une rue...

 

Photo : Ascension du modèle croissant incognito dans la ville, une procession saisie au corps à corps, sur le grand escalier mécanique de la station Charpennes, menant à la place Charles Hernu anciennement Place de la Bascule à Villeurbanne.

 

Sortie métro  © Frb 2012

dimanche, 30 septembre 2012

Les errances du modèle (I)

Je suis vague comme la mer ; je flotte comme si je ne savais où m'arrêter.

LAO-TSEU, extr. Livre I -XX, in "Tao Tö King" (ou Tao Te king ou  Tao Teh Ching) "Le livre de la voie de la vertu", traduit par Stanislas Julien à découvrir intégralement ICI

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 Il allège, il s'abrège, il marche sur les sentines embaumées d'aromates, il prend le large saute la haie une feuille de houx sur les lèvres il marche pour un appeau affine les frontières il marche entre les phares il marche à pas chassés il marche sur ses collègues.

Il marche pour des sommets, il marche sans s'arrêter un fleuve hante son geste même s'il ne paraît pas demeurer sur la rive même s'il paraît s'y perdre il marche dans un musée il part à la recherche d'un secrétaire perpétuel.

Il marche sur des falaises pour le bruit du ressac troublé de vents contraires poussé par la galerne contemple les traînières il marche sur des ressorts pour voir bouger le nerf dans les filets de pêche de cent mugilidés.

Il a dit : "je serai l'homme qui marche" qui titube et perd pied il s'éloigne il arrache ses racines les disperse autrepart il marche sur des quais par les rues encombrées sa marche est inventaire il passe entre les creux d'un lit prisant les feux ou fragmente son verre contre un cri de colère brisant les rondes aimables puis il se radoucit.

Il prend sur lui la pluie les brumes et la tempête il marche dans l'oeil pugnace qui le prend pour un autre il contourne le rire de ces foules les bourrades il marche loin de ces langues qui morcellent le jour tenant encore l'injure pour une délivrance.

Il marche fuit les truelles les engins à chenilles  vibrantes et compactées qui tourmentent l'univers l'entaillent le plissent l'emboutissent il marche jusqu'à ces temples qui cimentent le ciel avec la terre  il marche pour se défaire des torchis de leurs guerres il tourne les talons à ces pieds alignés caressant les moquettes au salon.

Il marche dans la salle à manger dans la chambre dans un hall il marche dans la cuisine à la recherche d'un paquet de chips il marche près des buvettes au milieu des canettes il marche sur les franges des rideaux d'un hôtel et sur les perles roses d'une fille menée par le tempo il marche près des massifs des jardins impériaux il porte à son blason un céleste vitrail marche dans sa lumière

Il marche pour le présent grisé par la promesse "du petit bout de chemin ensemble" il marche de la vie contre la mort pipant en travers elle avant qu'elle le reprenne il marche solitaire dans la blessure la mort de l'autre qui le fera payer courir rire et pleurer il marche sans retenir ceux qui lui portaient peine et ceux qui l'ont aimé ou l'aimeront à nouveau il marche dans sa reine sous un dôme de trois cent quatre vingt quinze mètres il marche sur des fossiles marche comme on se relève d'un sommeil troublé par des monstres aux poumons secs cousus de gueules avides transpirantes.

Il marche dans un tunnel juste après l'accident marche comme un enfant que le premier pas émerveille il marche dans un couloir entre deux infirmières.

Il marche dans la combine marche avec ceux qui règnent marche à pas d'échassiers il marche sur un autel il marche de Bellême à Couronne, dans la forêt d'Ecouves pour voir un éperon rocheux repartir aussitôt il marche pour le schiste bitumineux il marche dans la question qui tournera longtemps il marche devant tout le monde pour se poser devant un drôle de monochrome la marche pourrait cesser ici. Pourtant.

Il marche sous des voûtes gardées par une fraternité d'hommes qui doutent il marche sur des prières qui redresseraient son corps s'il les savait par coeur il marche pour fuir cela il marche une pochette en carton sous le bras jusqu'à la librairie de la rue de Belfort il marche comme un soldat au delà des fossés trop larges il marche entre les arcades d'une cité universitaire rêvant de perdre la parole marche pour disparaître voudrait réapparaître là où on ne l'attend pas il marche il aimera ses arpents plus que le soleil.

Il marche au bras des égouttiers qui ronronnent sur la ville en roulant des salives aux reflets d'arc en ciel il marche sur une route il marche comme Gulliver il marche sur des plages par les cours d'eau tranquilles foulant des coquillages, à l'affût des sirènes. Il marche pour ces naufrages qui n'en n'ont jamais l'air il marche contre l'aisance pour l'exception qui passe ne s'efface pas ne sait promettre promet effacera il marche loin des cloisons cerclées de minimoog il marche chez les pop dans les pipes et la poudre.

Il marche pour revoir les contrées que l'été n'a pas pu assécher il marche pour approcher ce qui ne peut se dire il marche sur des pays qui se détruisent dès lors qu'on les traverse il marche contre ce mot roulant dans les tranchées jusqu'aux plis de la paume qui caresse en secret des marges infrangibles.

Il marche sur l'Espagne et ses auberges tristes il marche aux côtés d'un ami insolvable et cupide il marche sur des croustines beurrées avec amour il marche dans sa meurette portant son CV d'homme-sandwitch  tourne autour d'un bordel avec des idées noires.

Il marche vers la mer crachant des étincelles tire son char jusqu'aux digues où se meurent les hétérocères il marche pour des sauteries arrangées de cocktails il marche pour le champagne il marche dans ces pailles aspirant les framboises et le jus des sanguines marche au mât de cocagne marche cherchant son île percée par des soleils empestés de furies il marche sur l'eternit marche comme la souris chassait entre les huis d'une geôle le mauvais rêve

Il marche derrière l'amour comme l'agneau s'abreuvait aux lèvres de la petite il marche dans la fontaine marche pour la rouquine qui se perd dans la foule marche pour une fausse blonde vêtue comme une tigresse marche pour une brune sympa qui tapine en Lancia il marche pour une princesse découvrant sous son pois des mires délicieuses il marche les yeux fermés il marche entre les bornes kilométriques tramant l'attaque d'un train de marchandises.

Il marche sur un passage sans ménager son âge il marche de l'impasse aux sentiers à l'aguet de la menthe du thym de l'aubépine il marche à la campagne dans la laine jonquille des épervières en cyme.

Il marche sur l'ardeur comme un faisan blessé perd ses plumes dans ces baies goûte la mûre cède au buisson entier marche sur les bouquets fanés entre les tombes s'y dore près de ce père qui lui apprenait à marcher il marche bercé par le son brut d'une locomotive dans la prospérité des fleurs des plantes des animaux il marche par ces travées pour y faire l'inventaire de ceux qui marcheront sans but il marche sur des tisons battant l'air à brûler un fourneau de miel de bleuet dans sa pipe il marche dans les billettes et les goussets d'azur il marche comme s'il pouvait marcher sur le déluge naviguer dans la terre sur des patins d'osier.

Il marche dans la tête une pointe de plomb fixée sur la verticale épurée d'un plan de monastère
, il marche sur l'histoire il marche sur ses ancêtres et tandis 
qu'il s'allège marche pour confirmer la dispersion il marche pour qui l'approche participe au mouvement céleste, ainsi le verrait-on inexplicablement marcher dans les nuages.

Il marche déjouant la durée il marche comme un page au guet des servitudes marche pour l'approbation marche chemin faisant il marche brouillant ses traces marche en petits fragments détachés parmi d'autres peut-être semblables  
il marche comme l'ange tombé hier de son balcon anônnait un chapelet de prières glossolales il marche jusqu'au péage rêvant d'épargner ses forces vitales pour marcher au delà marcher toujours encore et ne pas s'effondrer au prochain portillon.

 

 

 

 

Nota : Pour retrouver la suite des errances du modèle il suffit simplement de cliquer dans l'image.

Photo : Fragment de filatures, et autres vies modèles, le modèle en partance a été un instant saisi marchant, sur la rue penchée de la république (c'est pas complètement faux qu'elle penche la république et la rue aussi ça va ensemble peut-être) un léger flag' de fugue aux heures hyper-pointées, Le modèle est un poème-fleuve, il ne faudra pas l'oublier si d'aventure vous en suiviez un quelquepart il vous mènerait à coup sûr au pays qui ne s'arrête jamais. CQFD...

 

Lyon-Presqu'île © Frb

jeudi, 20 septembre 2012

La naissance du modèle (I)

Tu prépares, comme chaque jour, un bol de Nescafé ; tu y ajoutes, comme chaque jour, quelques gouttes de lait concentré sucré. Tu ne te laves pas, tu t’habilles à peine. Dans une bassine de matière plastique rose, tu mets à tremper trois paires de chaussettes.

Georges PEREC : "Un homme qui dort", éditions Denoël 1967

la naissance du modèle (1), marcher, homme,dormir, georges perec, le monde en marche, rêverie, partir, fugue, errance, vie, autre, les autres,  terre, ciel, pieds, tête, chaussettesIl faudra y aller à bras le corps, sortir un bazar de caleçons, de cravates, pour trouver les chaussettes, des bonnes chaussettes qui vont dans la chaussure, ni trop fines ni trop  chics, surtout pas trop épaisses, un style de coton confortable, un peu comme les nuages, un détail  brisant là,  le premier pas contre le rituel d'une journée qui ne peut pas répéter les mêmes gestes qu'hier, qui les répétera. A partir de maintenant, il ne sera plus jamais permis qu'une journée ressemble à la précédente, il en a décidé ainsi, et cela jusqu'à nouvel ordre.

C'est peut-être intenable de ne pas claquer la porte derrière soi, simplement pour marcher sans un projet qui mènerait ici ou là. Il l'a dit fermement hier soir à sa femme, un ton semblant si sûr, qui tremblait en dedans, il s'est râclé la gorge plusieurs fois, il a dit : -"le travail, j'irai pas, c'est fini, j'irai pas".

Il n'a pas entendu sa femme murmurer gentiment en essuyant la table : - "mon pauvre Patrick, j'crois que tout le monde en est là !". Ca avait l'air d'une blague.

Des jours qu'il vit comme ça, à se balancer sur sa chaise à regarder ses jambes se croiser, se décroiser sous la table, il fait tourner la phrase "j''irai pas/ j'irai pas" - aller-retour de là à là - "j'irai pas, j'y vais pas". Depuis le temps qu'il y va.

Chaque jour il enfile ses chaussettes avec les animaux, une paire brodée de papillons, une paire avec des vaches qui font "meuh" dans des bulles au niveau du mollet, une paire avec des sortes d'écussons, des oursons couchés sur des rayures bouclées à l'intérieur achetées par lot de six à la boutique de L'homme Moderne.

Chaque jour, il s'en va, travailler avec ses papillons et des vaches plein les pieds, il rentre le soir à la maison, il ressort les chaussettes à rayures avec les écussons et les oursons il les prépare pour le lendemain, posées par terre à plat à côté des chaussures. C'est leur place. Ca va de là à là.

Il hésite à pencher vers cette faculté qu'un homme aura toujours de ne plus adhérer à ce qu'il crée. Il refuse cette instance qu'imposeront les limites de la satisfaction cette prétention cachée à pouvoir ressentir la lucidité comme une chance.

Il désire juste marcher et ne plus arriver à l'heure, quitte à les faire attendre, il ne veut plus devoir saluer ses collègues dont l'amabilité peut se retourner comme un gant.

Barnier, Chaumette, et Thomasson: trois paires de mocassins, grimpant sur une échelle...

Il refuse d'écouter les fourmis qui tourmentent son bestiaire, des mollets à ses pieds, un rêve de bord de mer où les algues vont naître enchevêtrant les joncs sur des rives jusqu'aux îles que la rue re-dessine sous ses pas, à l'emplacement exact de la semelle. Quand il pleut c'est visible, on pourrait y loger des milliers de créatures inoffensives : les doryphores, les coccinelles...

Enfin, il faut rentrer par la bouche du métro passer entre les poutres en ferraille qui diffusent les musiques d'une nostalgie, au  temps vécu par d'autres quand il n'était pas né. Celles-ci paraissent pourtant plus authentiques que sa mémoire, un canyon près d'une route chantée par des ancêtres dont il visualise précisément l'espace : les bornes, les caravanes, les kilomètres qu'il reste à parcourir jusqu'aux dunes, les sommets sous le ciel, un espace infini.

Ca grouille dans les artères, quand il attend sa rame, il peut apercevoir une quantité d'orchestres, son pas ouvrant l'attaque de ces anciennes vies et les nouveaux visages et les chers souvenirs fussent-ils revenus  intacts de la saleté, du bruit ; un énorme désastre absorbé par l'envie.

Entre les grosses pierres il voit des galets blancs et des petits scorpions goûtant la drôle de chair des papillons, des vaches, la chair des écussons, en lambeaux des rayures que les oursons avalent, et la voix de Suzanne, qui criait dans la rue quand elle le vit pieds-nus accroché au portail "mon pauvre Patrick, tu t'es encore perdu !".

Ca pressait le défi d'abîmer leurs espoirs, rien d'extraordinaire n'avait eu lieu ici. Cette expérience ruineuse entre en grâce pour laisser marcher l'homme dans un rond de serviette avec les animaux, jusqu'à ces alluvions, il entend les guitares : "Dirt road blues", il retrouve le fauve qui garde son esprit, un tigre dans le muscle piétinant à pas vifs les dernières plumes d'autruche d'un édredon trop lourd, il revient à la vie, pieds nus dans ce dédale, il est nu, il déclame couché sur des moellons les vers de "Walk the line". 

Une fois n'est pas coutume, elle ne met pas ce soir sa longue chemise de nuit brodée de libellules. Elle apporte les fruits, les citrons, les grenades qui décorent la ouate rebrassant ces étoffes, elle se glisse près de lui, trouvera le passage au moins jusqu'à l'aurore, elle marche sous ce corps en précisera l'attache en s'appliquant surtout à ne pas réveiller l'homme qui dort.

 

A suivre ...

 

 

Nota : L'ouverture du mouvement à cliquer dans l'image

Photo : Le modèle en extase (devant un tableau de... Vazarely ?). Selon nos experts, si le marcheur s'est endormi, rien ne pourra l'arrêter, il n'aura donc cessé de marcher pendant que nous dormons, il aura fait des kilomètres sauf si nous sommes en train de le rêver, une hypothèse probable. L'homme qui dort et qui marche dans sa tête ne cessant de mourir et de naître, la suite dépendra aussi des espèces d'espaces traversés et peut-être aussi un petit peu de Suzanne ?

Le mot de Georges  (un supplément à méditer) :

L’espace est un doute : il me faut sans cesse le marquer, le désigner ; il n’est jamais à moi, il ne m’est jamais donné, il faut que j’en fasse la conquête.

 

 

Lyon presqu'île © Frb 2012.

vendredi, 14 septembre 2012

La naissance du modèle (II)

Je lui disais "regarde comme on peut bien marcher sur deux jambes. N'est ce pas merveilleux ?"
Un équilibre parfait. Je déplaçais le poids de mon corps d'un pied sur l'autre, faisant brusquement demi-tour sans perdre l'équilibre. C'est quand même quelque chose d'extraordinaire.

GIACOMETTI parlant à son modèle, extr. du livre de Anne MORTAL "Le chemin de personne - Yves Bonnefoy Julien Gracq ", éditions l'Harmattan, 2000.

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Il marchera dix heures par jour pour parcourir une moyenne quotidienne de 35 km entre sa cabane et son île, il rêvera de partir en sandales sur les chemins de Compostelle.

Il marchera sur un manège par des tapis roulants à travers des clôtures incassables, il n'aura pour ami qu'un tricycle à bagages, une trousse de premiers soins, une tente, peut-être un sac, il achètera tout à la boutique du "campeur" de la rue des écoles.

 

Lien  : http://youtu.be/F72jPxRCR7c

Nota : Augurant le thème de la marche et des forces motrices dont aucune n'est à suivre, strictement, (quoique)... parmi des propositions multiples et les vagues à venir, vous trouverez un fragment des dérives du modèle en cliquant dans l'image.

 

Photo : La naissance du modèle sur les chemins de la vie, (pas encore buissonniers), pas encore Homme qui marche, filliforme et précaire, dépouillé de ses accessoires, tel que l'avait imaginé Giacometti, occupé à le faire, le défaire en multiples versions jamais achevées selon l'artiste, foulant l'équilibre de l'homme et de son vide. Le modèle 2012 aura coûté moins cher, (détail mesquin, le cartable coûte un bras, car aujourd'hui hélas, on ne peut plus naître sans rien), le modèle 2012 trace humblement son rêve en habits de gala, il chemine pas à pas, patience ! laissons-le naître... Photographié loin des écoles entre deux rives, sur la Presqu'île exactement.

 

Lyon. © Frb 2012.

jeudi, 06 septembre 2012

Toujours plus

C’est en tant que cinéaste que s’élabore mon travail critique, et non pas en tant que critique de cinéma. En tant que critique, je suis essentiellement un laudateur. La critique peut fonctionner avec des mots, mais le mot est toujours plus discutable que l’image. L’image, elle, tord un peu la réalité mais peut frapper visuellement. Un distributeur automatique de baguettes de pain, c’est plus visuel à l’image qu’à l’écrit, n’est-ce pas ? Et bien, voilà, c’est ce que je filme !

LUC MOULLET, extr. de propos recueillis par Katia Bayer et Mathieu Lericq que vous pouvez retrouver en intégralité sur le site "Format Court", ICI.

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"Toujours plus", essai de présentation :

"Aujourd’hui, les supermarchés se construisent sur l’emplacement des cinémas ou des églises. Évolution normale, puisque le consumérisme était la religion du vingtième siècle"

Cet extrait datant du milieu des années 90, présentait succintement le  film "Toujours Plus" de Luc Moullet, montrant cette évolution dite "normale" (ou "normative") de notre société, ainsi qu'une  certaine entreprise de séparation généralisée, pour ne pas dire de sape (définitive ?) du vivant, de l'humain en particulier.

Le XXIem siècle (après Luc Moullet), persiste à affermir cette "nouvelle religion" alors que l'humain y semble plus réduit que jamais, ciblé et noyé de contradictions assiégé par un tas de nouveaux besoins, que des stratégies ultra-séductrices savent lui suggérer, bardé d'outils merveilleux, de sollicitations ininterrompues, il paraît malgré tout rendu au constat désolant de ne pouvoir lutter contre son sentiment de frustration, de clivages et d'inanité, à mesure que l'espace vital et le temps s'emplissent de denrées et  d'objets multicolores initialement prévus pour le bonheur de tous.

Le faix existentiel n'ayant pas été allégé, il devient délicat de montrer le sujet à distance ironique, sans que cela soit immédiatement estampillé via toutes sortes de connotations souvent consternantes, on pourra encore admirer avec quelle malice enfantine Luc Moullet aura eu le don d'échapper...

Le film "Toujours plus" (1993), précédant "Toujours moins" (2010), autre film qui évoquait en 13mn environ, l'évolution et l'accroissement des disposititifs fondés sur l'informatique, automates, bornes et autres)... appréhende avec un regard et une intuition époustouflante son temps aussi bien que les temps où nous nous trouvons, puisqu'en nos courses  sans grande alternative, nous sommes d'ores et déjà passés de plus à moins, obligés à réduire nos précieuses perspectives d'avenir, les médias ne cessant de le marteller, avec toutes sortes d'information inclus quelques messages paradoxaux, du genre "méthodes de vie" gaiement "sponsorisées", pour combattre le consumérisme, tandis que la voix humaine singulière se trouve peu à peu submergée, certes, tout ça on le sait...

Nous publierons peut-être ici un jour, le film "toujours moins", puisqu'à ce moins nous avons déjà cédé notre part, n'ayant pu éviter la logique de cet ordre prompt à nous intégrer dans une forme ou une autre de catégorie, le modèle du genre devenu intenable incontournable ; c'est dans "l'ordre", pour une fois, que je vous présenterai les balises du chemin et ses envolées conçues par le regard génial de Luc MOULLET ; parcours où tout abonde, avant que le plat de résistance ou d'épuisement des résistances (?) nous fasse entrer à l'insu de notre plein gré dans un monde pas si loin de la schizophrénie. Cette contradiction devenue "notre" lot, surprend ses créatures en flagrant délit d'impuissance mais au nom des vertus d'un (re)tour à la normale qui n'est jamais partie, quels efforts ne ferait-on pas ? 

Voilà pourquoi, déjouant cette question lamentable afin de favoriser un message utile et agréable que m'enseigna ironiquement feu mon père cinéphile et cycliste né à la même époque que Luc Moullet, (je délivre le message : "Le cinéma, y'a que ça de vrai") je glisserai aujourd'hui "Toujours plus", en tête de ma gondole. Un billet doublement dédié, (profitez ! c'est la semaine de la dédicace).

Nota : Si le côté foutraque, doux dingue, et la poétique hilarante de Luc MOULLET sont d'un style qui régale, n'oublions pas que le cinéaste est aussi l'un des plus grands (très modeste d'ailleurs) théoricien français du cinéma vivant et qu'il est fin connaisseur en matière de cinéma hollywoodien bien que ses films soient à l'opposé esthétiquement. 

Enfin, pour terminer, après la publication sur ce blog des films "Barres" (1984), "Prestige de la Mort" surtout, récemment de "L'homme des Roubines", l'oeuvre de Luc Moullet a suscité une vive curiosité auprès de nos lecteurs, dont certains m'ont demandé d'y revenir et je les remercie, étant inconditionnelle de l'oeuvre de Moullet, je ne me ferai donc pas prier pour vous présenter "Toujours plus" réalisé en 1993/94, tourné en 16mm et en short. A noter que les conditions de travail intenables des caissières et employés des grandes surfaces y étaient déjà finement saisies au vif, bien avant l'ouverture des débats de société sur le monde du travail, le harcélement et autres intolérables, le film laissant à voir, et entendre subtilement l'espace où nous sommes embarqués... 

Sur ce coup exceptionnellement, je tenterai une démo de force de vente en ciblant sans vergogne le lecteur adoré, que je sais par ailleurs fort sollicité, et je l'encouragerai vigoureusement à visionner ce petit film hénaurme, peaufiné jusqu'au moindre détail. Je serai prête à parier un caddy de DVD que vous ne le regretterez pas. Les insatisfaits ne seront pas remboursés.

 

 

Bonus : http://www.dailymotion.com/video/xgw9r5_regard-082-luc-mo...

Remerciements : à mon ami Jacques, artiste du son et de l'image, doux dingue et  lui-même réalisateur, pour bon nombre d'artistes hauts en couleurs qui m'a amplement initiée à l'univers de Luc Moullet par de savants détours (en)cyclopédiques et montagnards, en espérant qu'il nous délivre "son" prochain film (en short, évidemment).

Photo : Ceci n'est pas un autoportrait mais ça pourrait être "notre" autoportrait (?) /(que celui qui n'a jamais éprouvé son corps dans un hyper pour s'absenter rêveur, entre deux marques de yaourts me jette la première pierre )/ Photographié à l'Hyperion de ma zup au rayon laitages, ("on se lève tous pour..."), on pourrait appeler ça si on en était sûr, de la poésie du quotidien. Un exercice plus périlleux qu'il n'y paraît (louez-moi ! :) puisqu'il est strictement défendu de prendre des photos dans les supermarchés et que le vigile sur ce coup là, a dû très gentiment fermer les yeux, sur le contenu de mon baluchon ce qui est rare, d'habitude ils ouvrent les sacs, parfois vident les cabas et les appareils photo non sans violence, (sachez qu'ils n'en n'ont aucun droit), ceci fera peut-être le sujet d'un autre billet dans notre série "nature et découverte", ou certains jours à l'abordage d'un monde de brutes"...

Zup © Frb 2012

mardi, 04 septembre 2012

La buissonnière

La poésie c'est aussi une façon de se débrouiller au quotidien

 

ça s'arrose.jpg

 

 


 

 

Nota : Si vous avez loupé le début, retrouvez notre poétesse en cliquant dans l'image

 

Conseil du jour : http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2010/08/04/mi...

Prévention : http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2011/07/27/clonfa-charmillone.html

Immersion : http://www.invinoveritas.fr/pages/achats.htm

 

Photo : La poétesse sur les chemins de la vie.

 

Lyon © Frb 2012

mercredi, 04 juillet 2012

Rouler les mécaniques

Le vélo est une machine à remonter le temps

Ce n'est pas H.G Wells qui l'a dit, c'est un autre, bien après notre Georges. Lequel ? Perec ! voyons ! c'est pas Perec non plus, c'est de Eric Fottorino, auteur d'un petit livre vigoureux approuvé par la Rossinante, on ne sait sur quelle départementale.  Vu que c'est la saison du tour, et des congés payés, j'ai la présomption de recommander ce petit livre aux lecteurs, je ne fais pas souvent des recommandations, au moins pour conjurer les bouchons ! nous pouvons nous offrir cette noble ascension, la petite reine y sera vénérée, le livre s'appelle "Petit éloge de la bicyclette", il coûte pas cher, juste 2 euros, il a été édité chez Gallimard en 2007. A noter sur le même braquet, la parution du Paul Fournel avec son "Anquetil tout seul" aux éditions du Seuil à un prix raisonnable, mais hormis l'effeuillage de pages régalantes dans la douce atmosphère de la librairie "Passages", je n'ai pas encore lu le Paul Fournel en entier, toutefois je crois que ce n'est pas un abus de le re-préciser : chez Paul Fournel, il n'y a rien à jeter... Par la grâce de l'archive, sur le sentier battu du "je me souviens", j'installe la Youkette et invite les lecteurs, (ceux qui ne sont pas sur la plage), à prendre place sur dans le porte-bagage panier à côté de la Youkette, afin de roder ce beau vélo Mercier, et le Kway de la Janine, flambant comme un soleil, les sandalettes dans les cale-pieds,  et hop ! en route pour le passé.

velo_0014.JPGJe me souviens des routes pentues de La Chalosse, et plus encore des Pyrénées, je me souviens du pignon fixe qui oblige à pédaler sans jamais se mettre en roue libre, je me souviens de Eddy Mercks et du beau castillan Ocana, je me souviens des voix de ces gars à chapeaux en cartons griffés "Dauphiné-Libéré" criant "Allez Poupou !", (mais je croyais que c'était pour bibi à l'époque j'allais en poussette), je me souviens de l'affaire Festina en 1998, et des larmes de Virenque, je me souviens des voitures-balai et des klaxons à l'italienne, je me souviens de notre Bernard régional dit "Nanard" (est-il frère de... ? C'est un mystère) né au lieu-dit (ça ne s'invente pas) du "Guidon" à St Julien de Civry, en Nabirosina, je me souviens de cette phrase de l'Emile (lequel ?) Cioran, pardi ! hénaurme grimpeur dès ses premiers ouvrages Cioran, "philosophe et cycliste" qui parcourait la France en pédalant, et disait le plus sérieusement du monde "on pense à vélo", ça a l'air tellement bête à lire qu'on dirait chouïa du Michel Drucker (je n'ai pas dit que Michel Drucker était bête, ah non ! non ! n'allez pas mal interpréter, je n'ai pas les moyens ni l'estime de moi assez sûrs pour vous instruire sur la bêtise d'autrui) mais n'empêche qu'en le pensant de concert ("à l'insu de leur plein gré") Cioran et Drucker avaient drôlement raison, je me souviens que Cioran (je le préfère à Drucker, y'a pas photo, si, justement !) il écrivait à vélo, d'autres petites choses guillerettes pas piquées des vers (si j'ose dire). Extrait :

Du temps que je partais en vélo pour des mois à travers la France, mon plus grand plaisir était de m'arrêter dans des cimetières de campagne, de m'allonger entre deux tombes, et de fumer ainsi des heures durant. J'y pense comme à l'époque la plus active de ma vie.

("De l'inconvénient d'être né")

Je me souviens de la première étape du Midi-Libre en 2001 qui s'appellait, "Gruissan-Saint Cyprien", elle faisait 181 km, et puis je me souviens de la deuxième étape, Saint Cyprien-Pézenas, elle faisait 190 km, (tout le monde s'en fout, n'est ce pas ? Tant pis je suis partie, comme le coureur qui a déjà tout perdu,  continue, vaguement de rouler pour le panache, les cyclistes comprendront.)  Je me souviens du (vieux) nouveau vélo de Nicolas Sarkozy (comme c'est pas un vélo couché, on va pas s'étendre sur le sujet), juste peut être regarder le prix, histoire de relativiser avec mon pijot millésimé "Junior 1993", que j'ai touché pour 20 euros aux magasins de sport humanitaires une recyclerie nommée  Bric à brac des sans abris, ("maouahaaaah !" répondrait l'inimitable Sophie K. que j'aimerais tellement voir un jour bricoler mon vélo), je me souviens du réparateur (de vélos, eh ben oui !) un minuscule local baroque, qui n'était pas loin de la gare des Brotteaux, tenu par un pépé, il prenait pas trop cher, il avait un commis troublant qui réparait bien les vélos (surtout le mien, pas le commis, le vélo, que dis je ?), ce souvenir me tuera, aux yeux bleus de braise, (pas le souvenir, le commis) tout nu sous sa combinaison en suédine bleu pétrole (houla Gisèle ! cte corrida!) bon, j'arrête là. Je me souviens de mon grand ami et poète, le Maréchal Olive Prince de sa Rossinante, partant faire le Paris-Berlin dans la neige, il n'y a pas si longtemps et je me souviens toujours du même, avec sa petite reine étincellante (Rossinante, on a dit, suivez un peu !) arrivant sur le cours Emile (si c'est pas le cours Emile Cioran c'est donc l'autre), lors d'un Paris-Espagne ou le contraire, avec les vraies fleurs espagnoles dans son pédalier assorties à ses chemises balinaises (c'est un peu compliqué, je sais, nous en reparlerons, bien que ce soit pas écrit dans le ciel), je me souviens de Dino Buzzati (le Ka...masutra du vélo) suivant le Giro 1949 (enfin pour tout ça je n'étais pas encornée mais je me souviens quand même) comparant la finesse des boyaux des vélos à des serpents.

Je me souviens de la crème "Musclor Relax" et puis du "Liniment Sloan" produit-miracle ("good for man and beast") que feu mon père, le plus élégant coureur cycliste du système solaire, utilisait en surabondance, je me souviens que le Liniment sentait si fort la térébenthine que pendant des semaines toutes les affaires dans la maison, nos yeux, nos cheveux, les aliments, semblaient avoir été trempés dans des citernes géantes de "Liniment Sloan", je me souviens du col de Menté depuis le pont de l'Oule (1349 Mètres, seulement) et je me souviens d'Alfred roi du cyclotourisme, et j'y pense, mais dites, moi, vous qui buvez ces paroles religieusement et roulez à vélos depuis la tendre enfance, en est-il un seulement parmi vous qui pourrait me dire s'il se souvient de ce brave Arsène Millocheau ?...  (Ne répondez pas tous en même temps s'il vous plaît, eh ! eh... !).

Nota : Je remercie E. Fottorino de m'avoir soufflé ça et là un ou deux vrais et faux-vrais souvenirs via le "Petit éloge de la bicyclette". Vous saurez peut-être prochainement pourquoi j'ai choisi de traiter le sujet à la mode de Perec, bien qu'on soit loin de rassembler 480 "Je me souviens" sur le thème du vélo, sans vouloir me vanter, en cherchant bien et en collectant les souvenirs des uns et des autres je crois qu'on pourrait y arriver haut la main...  Je coupe le billet en deux, (même là, je sens que c'est encore trop) parce je sais qu'au début du col de l'été en pleine période de soldes c'est difficile de lire, des billets aussi intellauds surtout quand il y en a des tartines, (en hiver aussi ? Ah bon ?) et pour me faire pardonner, je glisse dans vos musettes à côté du gateau de semoule, quelques liens salutaires dans le désordre :

 

En écho avec le billet suivant ou précédent (suivant la logique de chacun):

http://videos.arte.tv/fr/videos/luc_moullet_eloge_de_la_b...

Incontournable :

http://tour-de-france.sport.francetv.fr/?gclid=CJHW6o31_K...

Pratiques et utiles :

http://www.on-avance.fr/fr/dernieres-nouvelles/articles-d...

http://www.pignonsurrue.org/spip.php?rubrique45

L'indispensable du vélocipédiste lyonnais:

http://www.lavilleavelo.org/

Autre idée de lecture:

http://www.franceculture.com/oeuvre-ubu-cycliste-de-alfre...

Georges est formidable:

http://issuu.com/editionsgrainsdesel/docs/apercu_velo?mod...

Les copains d'à côté aussi:

http://chatmouettes.fr/

S'il y a un billet à lire ou relire avec attention, c'est sûrement celui-ci:

http://off-shore.hautetfort.com/archive/2010/05/22/jarry-...

 

 Photo: La Jeanine Longueaux et la Youquette, en préparatifs du mythique tour de Lyon, photographiées sur l'esplanade René Vietto... à... ???

Je laisse Monsieur André Robert Raimbourg vous le confirmer.

 

 

 

 

 

Remerciements : Vous pouvez me remercier,  je vous ai épargné l'effroyable Yves Montand, avec Paulette, c'est dommage que ce soille lui qui chante parce que bon, la chanson en elle-même serait pas mal enfin ...

 

Lyon © Frb 2012.

mardi, 12 juin 2012

No "tweet" today

 

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Photo : Danse et chant du printemps. Les amoureux de Lyon, photographiés, s'en allant au Parc. Un bref instant d'apaisement pour oublier les aviniles hirosites ed glureche et de sajoulie...

 

© Frb 2012

dimanche, 27 mai 2012

Comme un dimanche...

Un dimanche de mai 1982, à onze heure du matin, le curé Masselin, monte en chaire, pousse un cri horrible et dit : "Après le jugement dernier, les ressucités de toute la terre se disposeront en colonne par deux et viendront successivement laver leur linceul dans le lavoir de Sore-les Sept Jardins. Ils se débarrasseront ainsi des traces de boue et des péchés. L'opération prendra le temps qu'il faudra. Les corps glorieux auront l'eternité devant eux. Puis ils se disperseront dans la campagne, poseront leur linceul à terre avant de s'y coucher et se caresseront les uns les autres sous le regard bienveillant de Dieu"

Gilbert LASCAULT : "Draps, linceuls et manuterges" in la revue "Le fou parle"23. Balland 1983.

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Lien : En plus d'être critique d'art, écrivain, véritable passeur, Gilbert Lascault est aussi un homme de radio  une "voix" des plus singulières... Extrait, à  écouter, visionner, ci dessous :

http://vimeo.com/7095736

Nota : Pour ceux qui envisagent les dimanches sous des onctions plus chastes, la Marie Charlotte honnissant nos vices vous sonnera les cloches loin des affres de la chair, avec tout de même du linge, des aubes, de la dentelle, et Mr le curé de Varennes, que vos doigts vertueux (ou la Sainte Souris) trouveront sans peine en cliquant dans l'image.

Photo : Un dimanche de Mai 2012, dans la campagne du Parc de la tête d'Or (Parc des 7 jardins  lui aussi, en cherchant bien), l'histoire n'en finissant pas de tourner en rond,  j'ai  photographié une ressucitée effectuant une partie de jambes en l'air avant que d'autres ne viennent la rejoindre pour échanger un peu d'amour universel sous votre regard bienveillant chers lecteurs, Dieu ayant bien d'autres chats à fouetter ce printemps. En attendant de voir la suite... Promesses, promesses...

Parc © Frb 2012