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mardi, 07 septembre 2010

Le mois le plus tendre...

Intimité...

Si vous avez loupé le début de la petite histoire, il suffit de cliquer sur l'image

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-  Est ce que vous me ... ?

-  Oooh oui !.... Beaucoup !

 (A SUIVRE...)

 


Photo : Feuilles coquines, un brin rougisseantes, surprises dans un petit buisson (ardent ?) qui borde la divine gare, tout près des domaines du marquis. Photographiées par les paparazzi de "Ici Nabirosina" au mois de Septembre dont chacun sait qu'il est le plus tendre, mais tout cela va t-il durer ? Vous le saurez bientôt, en attendant la suite de notre feuilleton, (si j'ose dire). Fin de l'été, 2010.© Frb.

lundi, 06 septembre 2010

Le dernier mouvement de l'été

Puis ça s'apaise
Et s'apprivoise,
En larmes niaises,
Bien sans cause...

JULES LAFORGUE, extr. de "Solutions d'automne" (1882)

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der mov102.JPGder mov 144.JPGflower043.JPGdernier mvt 1.JPG

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"Le premier mouvement de l'automne", est déjà en lien ci-dessous :

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2010/08/29/le...

Nota : On ne doit pas seulement "Le dernier mouvement de l'été" aux "Quatre saisons" de Vivaldi, je cite pour le plaisir des correspondances, trois lignes de l'été ("L'estate"), "presto", pas si éloignées d'une étrange toile de Paul Delvaux, quand on y pense...

Ah, ses craintes n'étaient que trop vraies,
Le ciel tonne et fulmine et la grêle
Coupe les têtes des épis et des tiges.

On doit aussi ce "dernier mouvement de l'été" à un très beau court métrage, le premier, que Bruno Podalydès réalisa dans sa jeunesse, avec peu de moyens et une virtuosité surprenante. Le sujet souvent délicat à traiter au cinéma se transforme lentement en pur envoûtement poètique, et je ne saurais que vous conseiller de voir ce petit film, (il ne parle pas de fleurs mais c'est tout comme). Opus rare, et précieux, quelques notes glanées chez Eurêka, vous en diront davantage ci-dessous:

http://silencio.unblog.fr/2009/10/08/le-dernier-mouvement...

 

The Zombies : "time of the season"
podcast


Photos :  L'automne n'étant pas encore proclamé, le dernier mouvement de l'été sera presque muet. C'est la saison où tout flanche, où tout se penche, jusqu'à l'année nouvelle. Nous poursuivrons encore la petite histoire à travers villes, peut être à travers champs. Il reste bien quelques jours avant les premières neiges. Dernier été, dernier souffle du soleil recueillis au jardin, ou volés ça et là, non loin des bois du "Divin" Marquis de Montrouan et partout alentour. Nabirosina, Septembre 2010.© Frb

vendredi, 03 septembre 2010

Locomo, locomo... (by HK/RL)

Tout le monde va descendre
Dans la gare divine,
Dans la gare divine ....

Hozan KEBO VS Claude NOUGARO, ( Extr; "Locomo, locomo"  P. 1, traduit en français par ROGER LAHU). Edition Tchous, 2010) 

 Pour voir comment ça sera quand la loco elle sera partie, il suffit de cliquer sur l'image 

locomotive d'or.jpg

Afin de mieux apprécier les voyages locaux "loco" et les rythmes chauds de "la Divine", il suffit de monter le volume juste : ICI

La photo n'est pas signée Kenny Clarke (qui a pourtant été chef de gare aux Bois d'Oingt et de Vaux, comme chacun sait, avant de battre grand train sous le surnom de "Klook" dérivé de l'onomatopée inventée par lui même, "the klook-a-mop", mais je m'égare... La photo est signée Hozan KEBO qui est le dernier homme sur cette terre, à affirmer que les trains font encore "tchou tchou", et on serait bien pauvre d'esprit si on ne croyait pas à cette vermeilleuse théorie, car il y a des preuves et celles-ci ne mentent pas ! (il manquerait plus que ça que les preuves mentent !). Cette photo a été réalisée sans trucage. La légende est de Roger LAHU. Les décors sont de Roger... (comment s'appelle -il déjà ?). Les bénéfices de ce billet seront reversés au profit de la SNCF SIDGL, ("Société internationale des divines gares et locomos") qui permettra à notre "bac à rouler" préféré de se requinquer et de nous promener par delà monts et vallées, (même bien au delà), à lutter contre les trains à grande vitesse  qui défigurent nos paysages et arriveront un jour ou l'autre, à rayer de la surface de nos quais ces êtres pleins de tendresse que sont les chefs de gare. Or certains jours, on aime les chefs de gare, particulièrement celui de "la gare divine" qui mérite notre admiration autant que ce vibrant hommage. Le design incomparable signé HK/RL a reçu le prix "Georges Méliès" lors du 34em festival d'Art contemporain sauvage (ARCS) de Saint Germain aux Mont d'Or, et le premier prix des "Trains fleuris de la Grosnes et l'Azergues", avec les félicitations du MARC (Musée d'art rural contemporain). Septembre 2010.

jeudi, 02 septembre 2010

September (Part II)

Si on ne cherche pas à exprimer l'inexprimable, alors rien n'est perdu. L'inexprimable est plutôt inexprimablement dans l'exprimé.

LUDWIG WITTGENSTEIN

Sept II cl.jpgIl y a des locos, des saxos, des pandas sur le parking aux alentours de la gare du Bois d'Oingt, il y a des gens âgés avec des grosses valises qui semblent attendre au bout du quai, on se demande ce qu'ils font là. Depuis que la ligne est changée, le train ne s'arrêtera désormais plus jamais au Bois d'Oingt. On voit des paraboles sur le toit des maisons, une jeune fille en jupe longue qui promène un bébé dans un landau à pois. J'apprends par une voyageuse, que le Bois d'Oingt est jumelé avec la Wallonie depuis 1968, qu'on le surnomme "village de roses" et que les habitants s'appellent les buisantins tout simplement parce qu'autrefois l'ensemble du territoire était couvert de buis, qu'il y a là bas, les vestiges d'un château construit au XIIIem siècle avec des passages voûtés, des fenêtres à meneaux. Le Bois d'Oingt sonne à mes oreilles autant que la Marie-Charlotte, une cloche comme une autre, obsolète et fêlée. La voyageuse lit à voix haute, le document qu'elle veut me montrer, je me demande à quoi ça pourrait m'avancer d'en savoir un peu plus sur les cloches obsolètes, mais j'écoute parce j'aime que des voix me bercent:

"Ce jourd’huy 31 mai 1751 a été faitte avec les cérémonies solennelles prescrites dans le rituel la bénédiction de la 4ème cloche du Bois d’Oingt pesant 8 quintaux. Cette bénédiction a été faite par moy soussigné accompagné de messires les curés de Frontenas, vicaires de Bagnols et du Bois d’Oingt."

Tu manges en vitesse une cochonnerie au Quick du coin. A 15H00, tu as rendez vous avec ton psychanalyste qui se prénomme Guillaume comme ton père. Tu auras honte de raconter à ton psychanalyste que tu n'aimes ni ta femme, ni Evelyne, que souvent tu hésites entre Ghislaine et Martine mais qu'au fond tu sais bien que la femme de ta vie sera toujours une autre que tu vénéres d'un amour impossible et qui habite Jinchang dans le Gansu au nord ouest de la Chine avec un acteur brun, ténébreux, qui te dépasse d'au moins 20 centimètres, tu sais qu'il est plus intelligent que toi, surtout, beaucoup plus drôle. Tu sais bien qu'en parler ne servira à rien, mais tu en parleras quand même parce qu'il faut bien que tu en parles à quelqu'un même si tu dois payer pour ça. Tu fumeras une cigarette juste en face d'une église, tu verras un clochard danser comme un indien autour d'un magnéto à cassettes qui diffusera tout dans l'aigu une chanson de Lucienne Delylle, tu croiseras des gamines de 15 ans fardées comme des putains, tu les suivrais volontiers jusqu'au pays des Bisounours, si tu ne craignais pas une fois de plus, de paraître ridicule, à cause de la différence d'âge. Tu penseras un peu à Evelyne qui serait plus jolie dans les robes de ta femme, tu maudiras Ghislaine de ne pas avoir les cheveux de Martine. Tu téléphoneras à Jouvenot avec ton adaptateur kit piéton que ton beau frère t'a offert, le jour de tes 45 ans. Des passants croiront que tu parles seul. Tu parles seul. Tu reliras dans le métro le rapport du vulcanologue. Tu te souviendras de ce matin du 24 Août 79, tu étais à Pompeï avec ta secrétaire, à tirer sur un joint devant des flamands roses, vous vous prépariez à fêter les Vulcanalia, organisées par le comité des fêtes de ta boîte. Mais toi, tu savais bien que le Vésuve grondait déjà depuis des mois. Et tu n'as pas osé leur dire... C'est depuis ce temps là que ton corps brûle. Tu auras mal à l'estomac à l'idée que demain, Jouvenot changera la place des bureaux du personnel désormais tu travailleras aux côtés de Chantal que tu détestes parce qu'elle a des varices et fait trop de bruit avec sa bouche quand elle mange des caramels. Tu te retrouveras à Paris, sans trop savoir pourquoi, tu croiseras Sophie K. chargée de sacs courant en direction de la gare, tu lui offriras d'aller boire un verre au bistro du Festival le Balmoral à Montréal, elle te répondra qu'elle n'a pas le temps. Elle te dira "on nous avale" avant de disparaître dans une bouche de métro.

Ici c'est presque la même chose, pas tout à fait quand même, les nuages abondants m'apportent une licorne, j'ai le Bois d'Oingt en mandala embué sur un pictogramme, le chef de gare a les yeux roux, c'est très rare et très beau. Je m'interesse à tout, à lui, à toi, aux autres. Et je suis ce que le Bois d'Oingt veut bien me montrer de lui, je le suivrai jusqu'à Poule, Poule qui est dedans ce que je veux de Poule quand je ne pense qu'à Poule. Quand je suis mal à Poule je suis bien au Bois d'Oingt. Au Bois D'Oingt je ne suis qu'un point pas plus gros qu'un mammouth. Et je prends la place qui m'appartient et je prends la parole et je prends la main d'un autre, et quand je lui dis, à lui, qu'il n'est pas plus gros qu'un mammouth, il sourit et il doute, quand il doute, je doute aussi, plus on est de points et plus on retrécit, puis à la fin, ce sont les jours, les mois, c'est tout qui rétrécit. Des montagnes accouchent ma souris. Septembre vient, Novembre demain... Ce train s'arrêtera définitivement à Tours. Nous sommes 24 mammouths à descendre avant Tours, avec nos cils fragiles, nos paupières qui bougent, et nos groins cuits par le plein soleil des Issambres, 24 mammouths avec un grain qui descendent en riant d'un train. Septembre vient. On me le dit à Poule. Après des mois d'absence, je suis devenue, rien. Si je me tais, personne ne le remarquera. Septembre vient, je ne suis pas rien. Pas peu rien, ni moins bien que personne. Si j'essaie de le dire, on ne l'entendra pas. En Septembre tous se rentrent, et chacun voudrait devenir mieux que ce qu'il était en Aôut. Rien ne tient. Jamais, personne ne saura désirer se donner les moyens d'éprouver je ne sais quoi...

Des mécaniques t'enjôlent, tu marches à côté de la route qui semble plus enchantée quand tu t'allonges à l'ombre de tes arbres préférés, les feuilles volent, te recouvrent, les serpents muent, les papillons, les champignons, sont tout ce qui reste à présent. Tu as sous la peau une géante bleue de type spectral O ou B invisible à l'oeil nu, et tu t'émeus de la fierté mélancolique qu'il y aurait à s'extraire de la superficie des mondes, à s'ouvrager dans les sonnets d'un élégiaque assourdi par le son des rails.

Sois - et sache à la fois la condition qu'est le non-être,
l'infini fondement qu'il est de ta ferveur vibrante,
et donne à celle-ci, unique fois, pleine existence.

A la nature, utilisée ou bien dormante et muette,
à cette ample réserve, à cette inexprimable somme,
ajoute-toi en joie et ne fais qu'un néant du nombre.

(A SUIVRE... ICI...)

Photo: Wagon abandonné (de la célèbre "Agence-engins" qui eût son heure de gloire dans les années 60). photographié dans une prairie bordant les rails, quelquepart (ou peut-être justement nulle part ?) entre la gare du Bois d'Oingt et celle de Poule les Echarmeaux. Par la vitre du toujours même, indémodable 16846 en provenance de Lyon. Septembre 2010.© Frb.

mercredi, 01 septembre 2010

September (Part III)

Des maisons se dressaient alentour puissantes,
mais irréelles, - et aucune
Ne nous connût jamais. Qu'y avait-il de réel dans tout cela ?

R.M. RILKE, extr. "Les sonnets à Orphée", VIII, (trad. Angelloz)

septembre bb.jpg

Quand tu marches sur les cailloux, tu entends un bruit de ferraille, tu cotoies les silhouettes longilignes des petits hommes fluos qui plantent des panneaux de signalisation. Tu roules à St Germain des près avec ta mécanique, tu sais qu'il y a des pistes anticyclables du côté de la Loire. Tu prends les abbayes pour ton propre berceau, tu reviens de Golsone déçue par les hérons, tu vois d'un cimetière arriver les bateaux puis tu sors du tunnel pour nous rejoindre, on sait que tu reviens de loin, peut être de cette plaine qui recouvre deux fois la superficie des prairies.

Ici, c'est presque la même chose, je tombe dans les panneaux des départs, je me colle au sommeil d'une file d'attente interminable en goûtant l'immanence de la situation. Je fréquente les marchands de journaux qu'on appelle des points-presse. Je lis les horoscopes, et puis la météo, les journaux quotidiens rendent hommage à Corneau, je poinçonne à l'envers, m'y reprends à quatre fois en tous sens, j'y arrive, je m'énerve, le temps presse, je m'en vais au quai A, un titre de revue du genre "choc des photos" cite une phrase de Fignon :

"Je n'ai pas peur de la mort, je n'en ai juste pas envie, c'est tout".

Quand tu vas à la banque tu vois les coquillages que tu as oublié de ramasser sur la plage des Issambres un 24 Juillet 2010, d'énormes coquillages vernis et brevetés avec un logo peint sur le côté, qui décorent ta banque, des personnages étranges habitent ton guichet. Tu poses le coquillage à tes oreille et tu entends le bruit d'une cocotte en papier qui te demande de créditer ton compte au plus vite. Tu crédites de très peu. C'est un nouveau départ. Tu prends un rendez vous chez le coiffeur Jacky qui est aussi "visagiste d'art" tu veux être propre et net dès aujourd'hui, pour reprendre ton travail, tu sortiras ravi avec cette impression d'avoir une nouvelle tête, tes bonnes résolutions dureront jusqu'en Octobre, Une septuagénaire s'en ira du salon avec une mise en plis violette. Le parfum d'encens d'une boutique 100% bio te donnera mal à la tête. Tu lis les horoscopes de Voili en cachette, tu t'en défends devant les copains, mais tu y crois dur comme fer, tu achètes le monde 2, le monde 3, et le magazine télé Z. Tu marches sous les yeux inquiétants de mademoiselle Nothomb, notons, notons, que tu as beau marcher mille fois sur son chapeau, tu suis ce que ta ville te montre, puis tu vas à la banque retirer 100 euros pour t'offrir toutes les vagues que ton amour soulève. Tu craqueras aussi pour des cigarillos. Tu en fumeras un devant un bordel de la rue Mercière en pensant que tu as oublié d'envoyer une carte postale des Issambres à Evelyne, que cela fait un mois qu'elle n'a pas eu de tes nouvelles, tout comme Martine et Ghislaine. Tu auras un peu honte de toi. Tu as peur qu'au milieu du mois, ta femme retombe en dépression, tu as rendez-vous à 16H00 chez le vulcanologue pas très loin de la villa des mystères à Pompéï, tu rejoindras demain Evelyne à 17H00 au café des écoles, vous irez à l'hôtel rue du Mail, tu retrouveras ta femme à 20H30, tu lui diras que tu as eu du retard au bureau à cause d'une réunion qui t'auras épuisé, tu maudiras ce crétin de Jouvenot qui pinaille sur les RTT,  tu prendras un effaralgan 1000, tu embrasseras tes quatre enfants, ton chien ton chat et ton chameau et tu prendras une douche avec un truc qui mousse quand tu le pousses. Tu entendras Johnny chanter à la radio. On a tous quelque chose de n'importe quoi ...Tu rêveras d'aller vivre en Pennsylvannie, juste pour voir Bardo Pond en concert, ta femme te montrera le programme du musée de Cluny elle aimerait visiter l'exposition sur l'art gothique en Slovaquie qui aura lieu du 16 septembre 2010 au 11 janvier 2011 à Paris tu diras oui, tu penseras non. Tu regarderas un extrait de "Pick Pocket", tu trouveras ça complètement con. Tu mangeras des rillettes.

Ici c'est presque la même chose. Mes voisines de voyage sont des blondes aux yeux verts, mère et fille si collées l'une à l'autre qu'on les dirait siamoises, la mère parcourt les pages de "L'horizon", elle prend des notes avec un feutre sur un cahier de brouillon parfois elle écrit dans la marge sur "L'horizon", elle souligne des mots à l'aide d'un stabilo. Sa fille porte un mandala vaguement tibétain tatoué sur une seule épaule. Dehors, il y a les vaches comme dans les Lucky Luke, et des petites maisons avec des jardins bordéliques. Des parasols et des tables en plastiques. Parfois on voit des gens au seuil de ces maisons, des gens tout petits qui secouent des tapis par toutes sortes de fenêtres, des jardiniers avec des grands chapeaux qui méticuleusement, ratissent. Dans quelques minutes nous traverserons le Bois d'Oingt et commencera le bout du monde. Je déplie la tablette propre et beige qu'on trouve dans tous les trains, j'y pose un livre et des crayons, des ormes glissent dans mon sac à dos, le ciel se couvre. Je m'intéresse à tout, au cimetière britannique de Bayeux et ses 4648 tombes, au Cardinal de Retz et à Charles Pennequin, je connais maintenant par coeur son poème que j'aime bien qui s'appelle :"Je suis le gruyère" [...]

Et je suis ce que l'autre veut bien de moi
l'autre est dedans ce qu'il veut quand je suis
bien en lui
quand je suis mal à être bien
tout en lui
quand je suis moins en moi
l'autre n'est pas bien
non plus dans son je suis
tout à lui
tout comme moi
je ne suis rien dans le je suis de l'autre

(A SUIVRE...) 

Nota : Pour les précieuses correspondances, je dédie ce billet à Michèle Pambrun et à Marc.

Photo : Le pays de Septembre, vu quelquepart lors d'un voyage, quelques minutes après la pluie, lors d'un léger ralenti entre Le Bois D'Oingt et Poule les Echarmeaux. Et puis d'ailleurs, quelle importance ? Sur la gauche vous pourrez admirer la maison de personne ou du garde-barrière ou de qui vous voulez. Photographiée le 1er Septembre 2010 entre Lyon et Orléans, du train bleu 16846. © Frb.

mardi, 31 août 2010

Variations buisantines

N’arrête pas ta pensée en un lieu, dit le doux maître, qui me tenait auprès de lui, du côté du cœur.

DANTE, extr. "La Divine Comédie", (Purgatoire, X-v. 46 Traduction de J. Risset), Les éditions du Cerf, 1987.

bois d'oing.JPGAllers-retours. Entre la grande ville et le pays perdu. Je neutralise mes habitudes avec toutes sortes d'horaires de train, après les rendez-vous oubliés comme l'été, comme ces jours où je m'accoutume à vivre à rebours des contraintes, avec toujours le même plaisir de disparaître et  m'épanouir sous l'ombrelle d'une fougère dans les bois de Vaux, puis de céder aux fruits abondants des ronciers de Jalogny jusqu'à Saint Cyr. Allers-retours et douceurs capricieuses... Pourquoi se trémousser en ville, quand il y a des trains au départ de chaque gare, à toute heure et pour toutes les destinations ?

Des pérégrins moutonnent autour des vieux wagons. Les autres trains sont beaux, plus spacieux, bleus comme des salons de musique décorés d'un faux-velours assorti aux rideaux. Chamelet, Ternand, Lamure, partir plus loin, se raconter que ce serait l'aventure. Se prendre pour Philéas, pour une jeune fille enturbannée à la Ciotat ou pour la première chaussure de la mission Apollo 11, se garder son aéroplane privatif, personnalisé, tout au fond d'une poche au cas où... (Le transnabirosinien 16846 n'est peut-être pas indestructible). Se fabriquer avec les chutes d'un poème arraché d'une page de la Pleïade, un petit chapeau simple contre les derniers coups de chaleur. Allers-retours par les hameaux de la vallée, sur les plis des sièges modulables de la bête ronde et longue qu'on croirait immobile avant le grand chaos par dessus le viaduc construit avec ces moellons bruts d'un granit ramené des carrières d'Anglure ; ces matériaux portés par le train jusqu'au village de La Chapelle sous Dun puis acheminés par des attelages de boeufs. Juste après... (avertissement aux âmes sensibles, le lien est un peu "empoulé" ) le Bois d'Oingt,  il y aurait des villages, dans le désordre, on pourrait les remonter sans jamais s'arrêter Saint Germain au Mont d'Or, Mussy, Poule les Echarmeaux etc ...

Là, je me suis assise, chargée comme une bourrique juste en face de ces gens. Et j'ai pris les gens sur mon dos. Comme ils étaient faciles! ils venaient  librement, approuvant, tout comme moi le destin collectif, de ces départs plus ou moins grands. Nous avons échangé quelques banalités à propos du temps puis de nos livres dans le mélange le plus parfait d'harmonie et d'indifférence. Et j'ai pris le wagon pour un livre, tandis que le temps m'allongeait.

(A SUIVRE...)

 

 FEVER RAY : "Now's the only time I know"

podcast

 

Photo : Un aperçu du panneau de la gare du Bois d'Oingt à 350 mètres d'altitude, où vivent les buisantins, les buisantines dans des maisons entièrement recouvertes de buis. Une bien belle image comme en aimerait en voir plus souvent. Photographiée derrière la vitre du glorieux 16846 en provenance de Lyon, la ville en Août 2010 © Frb

lundi, 30 août 2010

Sur le banc de la gare de St Germain au Mont d'Or

"Si l'homme ne fermait pas les yeux, il finirait pas ne plus voir ce qui vaut la peine d'être regardé"

RENE CHAR

Si ce banc vous déplaît, la maison propose un autre modèle il suffit de cliquer sur l'imageBANC17.JPG

Sur le banc de la gare de St Germain au Mont d'Or, je me suis assise ce matin, j'y suis restée je ne sais combien d'années en espérant l'arrivée du train de 19H00. J'ai regardé tourner les heures, et j'ai pensé à tout un tas de trucs, tout un tas de machins. Sur le banc de la gare de St Germain au Mont d''Or, j'ai pensé.

Qu'on pourrait se trouver en gare de St Germain des Près et cela ne changerait pas le cours de cette histoire, j'ai pensé aux âmes simples qui partent en voyage pour la première fois avec une étiquette pendue autour du cou, j'ai pensé que dans un autre pays il devait être plus de deux heures du matin, j'ai pensé à l'air frais, à tous ces vents qui nous fouetteraient le visage avant le retour du printemps, j'ai pensé à ce néant, aux gens qui vous oublient au fond d'une salle d'attente et qui reviennent trois heures après, vous dire en souriant "pardonnez moi je vous ai oublié" alors que chacun sait qu'on ne se pardonne pas soi même mais on peut présenter des excuses. J'ai pensé aux grottes, aux falaises, à la fatigue, aux accidents, à ces vies corvéables qu'on doit fuir et refuir, à cette affreuse affaire concernant la circonférence des cercles qu'il faudrait un jour qu'on m'explique, aux ventres écaillés des carapaces énormes sur l'île de la tortue, à Saorge qu'on croyait imprenable et au sutra de l'arbre. Sur le banc de la gare, j'ai pensé que nous pourrions lire en nos âmes comme dans un abécédaire noblement illustré, j'ai pensé qu'il serait impensable d'oublier les enluminures. Sur le banc de la gare j'ai pensé.

Qu'il n'était pas désagréable d'allumer une cigarette pré-roulée en machine avec des tubes cobalt premium, j'ai pensé aux moments d'absence qui nous surprennent juste après le départ d'un train, j'ai pensé qu'ici, ça pourrait être tout aussi bien la gare de St Germain en Laye  et que ça n'aurait pas l'importance qu'on croit. Sur le banc de la gare j'ai pensé au mât de cocagne, à la dépense à la luxure. J'ai pensé aux bedaines, aux cheveux grisonnants des messieurs élégants assis sur d'autres bancs face aux kiosques ou près des manèges. Sur le banc j'ai pensé que du quai A jusqu'au quai B, de la gare de St Germain au Mont d'Or, précisément, il était impossible de trouver une correspondance pour la ville de Limoges, ni pour la ville de Liège. J'ai pensé aux anges dissipés et punis dont le diable se débarrasse en les envoyant vivre sur terre, incognito. J'ai pensé que les filles se trompent à croire toujours que n'importe quel homme est ému de sécher leurs larmes, j'ai pensé aux chemins de Katmandou, à ceux de Compostelle, au masque de Bhairava, à la conversation que j'aurais demain avec Dieu ou bien avec des champignons du type ascomycète ectomycorhizien tels le bulgaria inquinans, les truffes noires ou même les lichens pourvu qu'ils soient juste assez hallucinogènes.

Sur le banc de la gare de St Germain au Mont d'Or j'ai pensé qu'au lieu de me contenter d'être là, je pourrais penser à des trucs et à des machins sur le banc de la gare de St Germain les Arpajon cela serait plus original quoiqu'un peu loin de tout. J'ai pensé que ce n'était peut être pas normal de faire de si lointains voyages en restant assise sur un banc sans même payer sa place. Sur le banc de la gare j'ai pensé aux "maisons oniriques" qui logeraient nos souvenirs, nos secrets amoureux et nos extraversions. J'ai pensé à Sandro et Claudia seuls sur le banc d'en face, au lever du soleil. J'ai pensé que c'était idiot de ne pas oser leur faire une petite place. J'ai pensé si que la gare de St Germain au Mont d'Or était précédée ou suivie par la gare de St Germain du Puy on arriverait plus vite à Nevers, j'ai pensé que Nevers en hiver devait être aussi triste que Nevers en été. Sur le banc de la gare de St Germain au Mont D'or j'ai pensé...

Photo : Le lecteur aura bien compris qu'il s'agit véritablement du banc de la gare de St Germain au Mont d'Or (je ne vois pas pourquoi je vous mentirai) où je n'ai jamais mis les pieds. Je remercie Dame SNCF dans son immense générosité de m'avoir accordé environ deux minutes d'arrêt afin que je puisse  immortaliser cette merveille aux lignes simples et pures saisie derrière la vitre du redoutable transnabirosinien N° 16846 en provenance de Lyon, la ville. Août 2010.© Frb

samedi, 28 août 2010

Le son des rails

(Interlude)


 

Par contraste, le chaos contre l'indolence : une autre histoire sans parole à (re)découvrir ci-dessous

http://solko.hautetfort.com/archive/2010/06/27/histoires-...

La voix de son train vue par...

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/02/26/an...

jeudi, 26 août 2010

Où ça ?

Aussi loin de moi-même que je puisse me trouver, je n'aurais jamais l'impression d'être ailleurs que là où je ne suis pas.

P.Y. MILLOT

L'arbre cache la forêt. Pour savoir où est la forêt il suffit de cliquer sur l'arbre.IMG_0053.JPG

J'ouvre la route à celui qui revient des pays du gamelan. (Prononcer gam'lane). Des petits cristaux étincellent autour de nous, pistils d'or et pétales irisés. Un ciel bleu, un vent de fin d'été, à peine chaud, juste frais, absorbe notre présence, l'entraîne près d'un vieux douglas (surnommé "géant cocotier" par les cueilleurs de mûres), qui fût longtemps le plus grand et le plus ancien refuge alcestien de toute la région, avant qu'un autre plus grand et plus impressionnant ne soit découvert par hasard, touchant le ciel encore plus loin. Depuis que l'autre a été révélé on a oublié celui-ci. Le sentier encore dégagé se prend au milieu de la forêt, sur la droite à partir d'un chemin, il faut connaître, sinon on passe à côté sans se douter qu'ici règne sans doute l'arbre le plus majestueux de tous les environs. Des sinuosités bordées de ronces, de fougères qu'il faut d'abord enjamber, puis dégager, nous y emmène. L'aventure est légère jusqu'à ce qu'un petit banc composé d'une branche posée à l'état naturel sur quatre autres branches maigres, (peut-être s'agit-il de pattes d'animaux ?) nous convie, juste là, à contempler le monstre, Sir Douglas, (gaélique Dúbhglas), dont cinq bras d'homme ne pourraient faire le tour, (cinq bras d'hommes vous paraîtra sans doute d'une logique aussi peu probable qu'exagérée, mais c'est notre mesure, on ne peut la contester). Ailleurs, nous écoutons des hommes faire ronfler les camions qui porteront en plusieurs voyages, quelques autres forêts de douglas plus petits et des épicéas en nombre qu'ils viennent tout simplement d'abattre. Deux déserts lumineux découvrent une dune chauve, une clairière dévastée, où ne subsistent que des brindilles et des tiges de plantes écrasées. Nous haïssons ces hommes.

Entre les deux hameaux du Nabirosina au point oublié de nulle part, il y a Bali et l'île de Java. Les sons graves et lents sur les troncs, les sons aigus, rapides, sur les feuilles et les fleurs. Le parfum de la pluie qui viendra cet automne, la clarté de la lune troublant le sommeil et l'esprit la nuit prochaine. Cette rencontre nourrit encore la terre et le ciel entre les branches, et ce tronc battu sans souci par le promeneur ou la chute des palais de bronze dans l'océan, tournant comme un petit vélo dans la tête d'un voyageur ami, tôt revenu d'Indonésie. Le battement est au coeur du gamelan, au coeur de la forêt enchevêtrant ses rythmes et ses cycles éternels, tout comme ici, ailleurs, des îlots délaissés et pulsés d'une beauté absurde portent les coups avec autant d'exubérance que l'éclat des cristaux, ou les pistils d'or, les pétales irisés de nos fleurs. A Bali, ici ou là, on croirait que le sculpteur est devenu fou, à moins qu'il nous rende fous. Rien qu'en regardant l'oeuvre, on en perçoit les sons ; les géographies se confondent, nous fondent au métal ou nous gravent dans le bois. Le rythme vient de partout. Nous sommes seuls ou en nombre pris dans l'éternité du vent, des feuilles, de tous les éléments à percuter encore, de végétaux en végétaux... Les racines fouettent l'écorce. Des tambours en peau de buffle donnent le tempo. Tout cela pourrait-il servir à faire de la musique ?

 

Gamelan extrait

podcast


Détours pour peut-être s'instruire, à voir surtout entendre :

http://www.youtube.com/watch?v=wqH_L7uZkqA&feature=re...

http://www.youtube.com/watch?v=zq2lGxCi9rw

En savoir plus :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Gamelan

 http://www.gamelan.fr/blog-hommage-sapto

 

Photo : une vue partielle du tronc de Sir douglas l'ancêtre quasi mythique, et déjà répudié, photographié dans la forêt nommée du Clos botteret, on ne sait où. Je crois qu'il est préférable pour notre vénérable de garder le point précis du domaine au secret. Je dédie en passant ce billet à un certain illuminé et ami de toujours (il se reconnaîtra) qui dort ces jours dans les forêts puis s'en repart à l'aube, pour remonter jusqu'à la capitale par un détour à Bali, Java, j'en oublie, et le tout, à vélo bien sûr ! (ou presque le tout) ce qui vaut tout de même un petit hommage sonore, légèrement arboré. (Que ceux qui n'arrivent pas à suivre se rassurent, moi non plus, c'est normal. Captation: Nabirosina. Fin Août 2010.© Frb

mardi, 24 août 2010

Le premier mouvement de l'automne

Avant de nous promener sur les routes, il nous faut nous envelopper d'éternel.

ANDRE DHÔTEL,  extr. "La chronique fabuleuse", éditions Mercure de France (2000)

 

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BELA KAROLI : "Summertime" (cover)


podcast



Photos : Avant première. L'automne n'étant pas encore proclamé le premier mouvement sera sans légende, (pour l'instant), mais nous tâcherons de suivre la petite histoire de très près, au fil des jours et des mois à venir. Photographié à travers les bois du marquis et les champs de la princesse entre les hameau de Montrouan et Vicelaire, non loin du Mont St Cyr. Nabirosina. Fin Août 2010.© Frb.

dimanche, 22 août 2010

Intermezzo

Subitement, un matin, j'en ai marre. Je me demande quoi, somme toute ? Un peu d'amitié ce n'est pas le diable ! je suis je crois impressionné par les déserts gris que nous traversons et par le mauvais temps qui arrive.

JEAN GIONO : "Les grands chemins"; Gallimard (1951)

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Je suis à la place du promeneur, presque gaie comme mille autres. A cet endroit du bon côté de la terre. D'ordinaire, je vis en ville sur des ponts, avec les patineurs. Peu à peu, j'ai appris à me fondre parmi les citadins. Le nombre m'indiffère. Quand je désire me fausser compagnie, je reviens au pays. La brume descend sur les demeures. Chaque jour qui décline perd des secondes de soleil. Bientôt viendront les heures d'hiver et les crépuscules orangés. Je reçois des cartes postales de dolmens, de menhirs, des Albères et du Vallespir. Des amis sont partis à pieds, chercher sur des vitraux l'empreinte de l'ancien paradis. Ils marcheront jusqu'à l'automne. J'ai reçu des nouvelles des vergers d'Amérique, du hongrois de Bretagne (?), de la fiknun' Golsone, de notre vieil Alphonse qui se morfond vers Saint Point, et de mon ami Paul, au cimetière marin. D'autres amis encore passeront par ici, à l'improviste, peut être, avant de rejoindre Paris. Pendant que les uns reviennent d'autres s'en vont. Quand les uns se retrouvent d'autres nous abandonnent. Par la maudite Golsone, ici on a trop de grenouilles, à part ça, les personnes, elles sont plutôt gentilles. C'est bête comme chou cette idée de gentilles personnes, quand on y pense. En ville, on y pense cinq minutes, on boit un verre, deux verres, etc..  Ca va, ça vient, on s'oublie, après tout. Contre la maudite Golsone, le gris berce nos routes, une table abondante, entourée de quelques uns, est bien plus chou que bête, on y revient encore. Ensuite il faut rentrer. Marcher longtemps tout seul. Diable ! on se dit "toute cette amitié manquera bien". Ici on s'empale sur le son des cloches. Dieu prend toute chose. Dieu régule les peines, Dieu est amour, Dieu est une autre haine. Le bulletin paroissial a publié trois pages sur le départ du père Panier, ils ont fait un pot au village, il y avait des grenouilles partout qui parlaient de l'humilité. Ce sont les mêmes qui chaque après midi, tantôt chez l'une, tantôt chez l'autre, s'occupent à faire courir des bruits sur les uns et les autres. J'ai croisé Madame Jeanne Mouton revenant de sa prière. Si j'oublie de lui dire bonjour, je serai brûlée demain à l'aube. Je salue Madame Jeanne Mouton. - "Bonjour, Madame, vous allez bien ?" - "Très bien !, Et vous ?" - "Ca va ! au revoir Madame !"

Au bout de deux heures de marche, on oublie ces gens là, et on s'oublie soi même. On devient le coin de terre, la ronce à contourner. En oubliant, on se retrouve, au milieu des vaches sous des sons de cloches inoffensives qui descendent jusqu'aux hameaux où là bas des hommes passent leur journée à pêcher dans l'étang. On traverse une autre grande terre, je croise un paysan, juste un hochement de tête, suffira à  l'approbation du temps, du vent et des saisons. Je coupe à travers champs. La lumière me déplace déjà vers l'autre monde. J'arrive à ce point du pays où plus aucun obstacle ne complique l'esprit. La nuit tombe trop tôt, je n'ai pas vu l'heure. Nous changeons de pays. Le silence est de profundis. Nul ne règne en aucun pays, tout est las, mais ma joie demeure.

Photo : A travers champs, ciel et terre. Esquisse d'un crépuscule à Châtenay Sous Dun, deux heures après la pluie. Nabirosina. Août 2010.© Frb

vendredi, 20 août 2010

Credo des anciens jours

Si Dun était sur Dunet
Les portes de Rome on verrait

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Hier, Je suis allée me promener sur la montagne de Dun. Lieu riche en souvenirs, mais de son passé historique, nous ne trouvons pour l'instant rien de très net, rien de très précis. (J'ai bien dit pour l'instant)... Quelques pans de murs restent debouts mais tous les principaux édifices ont été dévastés. Des fondements se retrouvent bien dans le sol, mais on se demande qui pourrait satisfaire notre curiosité en racontant de source sûre le passé de ces monuments détruits ? Il y a bien de vagues traditions, de fabuleuses légendes, transmises de génération en génération en guise d'annales et de chroniques et des auteurs qui ont un peu abordé la question historique mais leurs recherches s'avèrent d'une briéveté désolante. Est ce à dire que le silence des tombeaux se soit fait sur ses ruines et que les tentatives ébauchées pour redire le passé demeurent une oeuvre inutile ? Ou une oeuvre toute entière composée d'hypothèses et de rêveries ? N'est il pas possible de découvrir une partie de la vérité et de l'affirmer avec certitude ? Lorqu'une catastrophe épouvantable a frappé une région, il reste bien sûr une mémoire de cette catastrophe et c'est comme une fumée qui planerait longtemps sur la place d'un vaste incendie. La génération contemporaine dit à la génération suivante ce qu'elle a vu, puis de génération en génération, on peut se faire une idée (grosso modo) de ce qui s'est passé. Au fil du temps, le récit passe de bouche en bouche se déforme puis s'altère. Des légendes incroyables se greffent alors sur la vraie tradition qui elle même nous revient voilée. Dans ces récits tout se confond, les années, les lieux, les peuples et les héros et voilà le beau dunois confondu avec Charlemagne, ou le chanteur Roland. Dans ces récits, ces traditions fourrées d'anachronismes, il y a souvent pourtant quelque chose de réel: l'ombre d'une vérité...

Les enfants des écoles de la région alentour connaissent bien cette montagne charollaise, et la visitent tous sans exception, de génération en génération. Cela fait partie du programme de la discipline dite de "Plein air" et surtout des incontournables sorties de fin d'année avec celle du "bois des acacias", (un jour on vous le montrera), qui mène jusqu'à la Chapelle St Avoye. Et nous voilà, vingt mômes de 6 à 8 ans, trottant en file indienne docilement derrière Melle Pugeolles qui mène le cortège d'une main de fer (sans gant de velours) ; et nous passons par ici et nous repassons par là, nous y sommes, tout en haut à 721 mètres d'altitude, enfin presque, il faut grimper un petit chemin, minuscule, jusqu'à cette vue imprenable sur l'église d'abord, et puis ensuite, nous irons découvrir le panorama. Nous courons un petit peu avec nos gourdes en bandoulière, nos bobs ou nos casquettes autour des groseillers sauvages. Ce jour là fait époque. Ce sera à jamais, le premier plus beau jour de notre vie. Debout en demi cercle, nous tâchons de compter les clochers des églises environnantes que l'on peut distinguer à l'horizon (interminable). Nous nous familiarisons (est-ce une seconde possible ?) pour la première fois de notre vie, à l'idée encore un peu trouble, tout à fait indicible, de l'infini...

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Dans un bois dégagé tout près, un peu à la redescente, une vieille assise sur un caillou garde trois chèvres. Melle Pugeolles lui pose tout un tas de questions. La vieille est toute grise et toute sèche, elle ressemble un petit peu à ses chèvres. Nous fixons sur elle des paires d'yeux enchantés. La vieille raconte à sa manière l'histoire de Dun, sa destruction. A un moment elle s'arrête. Elle répète "Oui, mais y'a longtemps de ça ! du temps où la ville de Mâcon était perchée sur la montagne de Dun". Melle Pugeolles se raidit comme un piquet, elle tente d'autres questions: "Et après ?", "Après, répond la vieille, des ennemis sont venus, il y avait un château fort à cet endroit, là où c'était  Mâcon (elle fait une croix par terre avec son doigt) il y avait aussi de jolies maisons. L'ennemi a tout détruit", nous écoutons, une petite voix s'élève - "Mais madame de quel ennemi vous parlez ?" -"Ah ben, les autres ! ils v'naient de là haut ! de la montagne du Dunet, c'est là qu'ils avaient placé leur canon pour bombarder la ville et depuis ce temps y'a c'trou plein de pierres qu'on appelle le pote, le pote c'est le trou, le trou de l'ennemi, celui que vous voyez là". Elle tend à nouveau son bras, elle nous montre, "regardez ce chemin, et ben, figurez vous que c'est par là que l'ennemi est monté pour saccager la ville". Nous écoutons de plus en plus assidûment. Melle Pugeolles insiste encore un peu, - "Et il y a longtemps de ça ?" "Ouh ben ! j'y sais pas. Peut être ben plus de mille ans." Melle Pugeolles ne lâche pas le morceau - "Mais qui vous a raconté ça ?" - "Tout le monde y sait ! j'y ai toujours entendu dire comme ça, ma foi, et c'est la vérité ! tout le monde vous le dira, même monsieur le maire." La réponse est catégorique. Le visage de la vieille se referme. Il n'y aura plus rien à tirer d'elle. Melle Pugeolles donne un petit coup de sifflet qui veut dire "récréation". Nous avons enfin le droit de nous asseoire dans l'herbe pour manger nos bananes. Pourtant, quelque chose ne va pas. On dirait que Melle Pugeolles est préoccupée, elle tourne autour de la croix que la vieille a tracé dans la terre, elle tourne longtemps, regarde la croix comme si cette croix était mal dessinée. Elle gratte un peu autour pour dégager l'herbe, se relève, fouille dans son sac à dos, s'énerve, en sort un document qu'elle déplie, le lit de long en large, le relit, s'agenouille dans l'herbe pour gratter encore un petit peu. On l'entend marmonner toute seule: "C'est pas possible, c'est pas possible ! Ah non ! jamais de la vie ! ça ne se peut pas ! Mâcon sur la montagne de Dun, faut quand même pas exagérer !".

Nota : Evidemment, pour ne pas faire mentir tout à fait ce billet, je dirais qu'il existe aujourd'hui des ouvrages très bien documentés, où l'histoire de Dun se précise, se fait moins brève, pas du tout désolante. Je remercie P. Muguet, H. Mouterde et J. Virey, d'avoir conçu un livre passionnant abondamment documenté, une vraie "mine", comme on dit,  qui a pour titre "Dun, autrefois, aujourd'hui", et dont je me suis inspirée (un peu) pour écrire ce billet.

Photo : Un aperçu des façades d'inspiration romane (restaurée) de la splendide petite église de Dun qui était en ruine encore il n'y a pas si longtemps. Il existe des clichés des ruines de la chapelle ancienne, qui sont impressionnants tant il ne reste presque rien de cet édifice. L'église fût restaurée de manière raffinée sur initiative du Comte de Rambuteau au siècle dernier mais on évalue son origine à la seconde moitié du XIIem siècle. Vue sur la Montagne de Dun. Nabirosina. Août 2010. © Frb.

jeudi, 19 août 2010

Presque rien




 

Poursuivre ici: http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/08/20/fe...

Repartir par là: http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/08/29/pe...

Puis peut-être écouter: http://www.deezer.com/listen-3427799

 

mercredi, 18 août 2010

Sur le banc de la quiétude

Qu'est ce qu'on raconte ?

JAMES SACRE extr : "La petite herbe des mots", (1986), "Si peu de terre et tout". Editions "Le dé bleu" 2000.

Pour découvrir quand et où se trouve la quiétude vous pouvez cliquer sur l'image.banc.JPG

Sur le banc de la quiétude, je me suis assise ce matin, j'y suis restée je ne sais combien d'années, jusqu'à l'heure du coucher du soleil, j'ai pensé à tout un tas de trucs, à tout un tas de machins, sur le banc de la quiétude j'ai pensé.

A l'enthousiasme qui n'est pas un état d'âme d'écrivain, j'ai pensé aux longs chats allongés sur des crêtes, j'ai pensé à tout ce qui peut être l'objet d'un désir honnête, j'ai pensé à la gymnastique, rien qu'à la gymnastique, j'ai pensé aux objets miroitants et fragiles, j'ai pensé à l'amoncellement des volumes informes, j'ai pensé à ce roi qui se couche sur des feuilles après un repas de fruits, j'ai pensé au secret de la beauté, à l'étang lustral, aux lotus, j'ai pensé à l'art d'user des plaisirs, j'ai pensé aux messagers, aux bien aimés, j'ai pensé à ces cages d'escalier, à leur pauvre lumière, j'ai pensé à la transmigration des âmes, aux lucioles et aux vers de terre, j'ai pensé au bateau qui prend forme, aux planchers de sapin usés, j'ai pensé au défi qu'on lance à tous les vices, au repli sans trêve et sans fin, au peuple qui s'engage de son plein gré, sur le banc de la quiétude j'ai pensé.

Midi a sonné à la petite église, il ne m'est pas venu à l'esprit l'idée de déjeûner. Assise sur le banc de la quiétude, j'ai pensé que désormais plus personne n'aurait plus jamais besoin de déjeûner. J'ai pensé à l'arbre de la connaissance, au cloître où sont formé les maîtres, au monstre, à la bête abattue, aux veillées de noël rustiques, j'ai pensé aux fées des roches et des collines, j'ai pensé à la solidité de l'oeuvre, j'ai pensé à la règle bénédictine, aux miradors, aux mirabelles, j'ai pensé au figuier sycomore, aux magnolias, aux immortelles j'ai pensé aux mantilles, à l'évènement ébruité, j'ai pensé aux entrelacs qui se peuplent d'animaux, au spectre de soi qui va et vient entre les murs, j'ai pensé aux âmes des morts ensevelies dans l'étroit cimetière autour d'une église en ruine, j'ai pensé aux hommes visant le gibier, j'ai pensé à l'effeuillement gai, j'ai pensé au rayonnement d'un jour total, au vierge sable osant battre la couche, j'ai pensé aux petites heures et aux grandes heures, j'ai pensé aux livres rangés sur le dos qu'une languette permet d'attraper, j'ai pensé aux confiscations révolutionnaires, à la timidité mortelle. Sur le banc de la quiétude, j'ai pensé.

Je sens que la lumière est moins vive, le jour baisse, assise sur le banc de la quiétude j'ai pensé qu'il devait être plus de cinq heures du soir, j'ai pensé que désormais cinq heures du soir ne voudrait plus jamais rien dire. J'ai pensé que quatre ou cinq c'était comme cinq ou six, j'ai pensé aux chiffres romains, aux racines carrées, aux tables rondes, et au khim, j'ai pensé à l'étincelle en lieu de ce néant, à la main de Damayantî s'en allant vers la capitale du Vidarbha, j'ai pensé à Saint Syméon qui vécut quarante ans sur une colonne, j'ai pensé à l'eau froidement présente, aux grenades entr'ouvertes, aux cloisons de rubis, j'ai pensé à la dispersion et à la perte des livres, aux enluminures romanes et gothiques, j'ai pensé aux moucherons agités qui s'engluent dans la confiture, au rocher que l'on roule devant une porte ouverte, j'ai pensé que très bientôt sur les marchés ça sentirait la mandarine, j'ai pensé aux questions indécises et à la force d'inertie, aux pierres disjointes, j'ai pensé aux intempéries, j'ai pensé à la joie paresseuse, aux perfections des mécanismes, aux gens qui se mordillent la lèvre inférieure avant de se rendre à un rendez-vous, j'ai pensé à la théorie du chaos, aux épaves de la guerre, aux chavirements et aux mouvements de cils d'une biche, aux coeurs qui s'y fient, à l'effacement, j'ai pensé au soleil couchant sur le banc de la quiétude, j'ai pensé.

Le jour décline, je dors couchée sur le banc de la quiétude, j'y dors toutes les nuits depuis près de deux ans et je rêve que je m'assois chaque matin sur le banc de la quiétude, pour penser à des trucs et à des machins.

Nota : Remerciements à Stéphane Mallarmé, Paul Valéry, Etiemble, Julio Cortazar, Boris Vian, Hermann Hesse, Spinoza, et Corneille qui m'ont quand même un tout petit peu aidée (mais pas trop, hein !) pour la rédaction de ce billet. Je dédie le banc de "La quiétude" et même "La quiétude" entière à Christophe Borhen parce que je sais que c'est un endroit qu'il apprécie et enfin, (belle âme !) je dédie "La quiétude" à tous ceux qui en ont besoin (vous pouvez me remercier :)

Photo : Le banc de "La quiétude" n'est pas un tombeau. "La quiétude" est le nom d'une petite maison plus que charmante, (mais je crois que le lecteur aura compris), découverte et photographiée au coeur du bourg de Vareilles, au mois d'Août de l'année dernière, en contrée nabirosinaise © Frb.

lundi, 16 août 2010

Fin d'été

Jeux trop mûrs, mais bouche ingénue;
Œillet blanc, d'azur trop veiné;
Oh ! oui, rien qu'un rêve mort-né,
Car, défunte elle est devenue.

JULES LAFORGUE, extr. "Complainte de la bonne défunte" in "Complaintes".

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J'ai perdu le centre du monde, des secondes infinies qui peut-être n'ont pas d'importance. J'ai perdu le contentement, celui de la lady, ou celui de l'ami. J'ai perdu le consentement, perdue l'oeuvre, la sainte impatience. Des années-lumières d'une étoile se crashent sur un brise-lame. J'ai perdu le goût ordinaire d'aller chercher le journal en souriant. Ma parole réinjecte ses boucles et les mêle au bruit blanc. J'ai perdu la musique, le chant, quelques balbutiements obsédés d'un trésor, aujourd'hui introuvable. J'ai perdu l'accolade. J'ai perdu la croyance. Nos singularités liées ailleurs sur les notes chahutées d'animaux glissent sous les aromates, jusqu'à ces nuits passées dans l'ombre après qu'un décret aussi froid qu'insensé ait avancé la fin des mondes.

Hier un camion est passé ramasser toutes les saloperies qui trainaient sous les arbres et l'ombre de quelques branches encore abondamment feuillues, on cherche en vain deux ou trois éphélides, deux, trois allumettes à craquer, juste histoire de roussir les pages avant de les brûler. Tant de choses perdues, tant de peines. Tant et plus. Et ce n'est qu'un début...

 

 

 

 

Photo : Le début de l'Automne ou la fin de l'été. Premières rousses. Sitôt apparues, et déjà destinées à une bouche pas très ingénue. Photographiées ici et là, juste à deux pas des oubliettes du bourg de G. (c'est le nom du village, et ça, je le garde au secret). Nabirosina. Aôut 2010.© Frb.

samedi, 14 août 2010

Crève-coeur

Ah ! jusqu'à ce que la nature soit bien bonne, - Moi je veux vivre monotone.

JULES LAFORGUE, extr. "Complainte d'un certain dimanche" in "Complaintes" (1885).

La musique est toujours dans les fleurs, il suffit de cliquer sur l'imagehortensia.JPG...

Le besoin de beauté nous aura transformés en monstres chagrinés. Nous agitons nos parchemins dans la brume, petits pieds, petites têtes, le flou de l'écrivain, les volutes du poète, une cuillère pour Verlaine, une cuillère pour Virgile. Nous sommes très bucoliques dans nos chemises à fleurs avec nos pâleurs émouvantes, ce léger rose qui monte aux joues quand certains mots sont prononcés devant nous, des mots comme "toison", "écume", "harangue" ou les vers du vieux Paul : "Quand les feuilles éparses tremblent commencent à fuir". C'est la fin de l'été. Cette nuit l'orage a tout cassé. Il n'y a plus de jardin. Le domaine est en ruine et je pleure à genoux sur les cendres de mon chien. C'est la fin de l'été, le commencement de rien.

Photo : L'hortensia (du brocanteur de mon village), un peu rompu par un orage de fin d'été. (pas le brocanteur, l'hortensia !). Photo prise le lendemain. Nabirosina. Août 2010. © Frb.