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vendredi, 04 novembre 2011

Sound of silence

Un claquement de doigt, un bruit de tonnerre :
et il ne reste du monde extérieur qu'un silence sans fond,
un silence qui ruisselle sur nous
comme un torrent vigoureux et bienfaiteur…

Jack KEROUAC

sound of nb.jpg

Tant que le particulier illustrera le thème du silence entendu par l'homme occidental, jouant contre lui même et contre un désarroi ; on ne pourra pas reconnaître, à ce point délicat, nos limites. Ou simplement les limites de nos capacités d'écoute, il est vrai qu'on ne nous a pas spécialement appris à considérer  le silence ou bien on l'aura fait sans trop de nuances, sous forme d'abord (ça commence à l'école) de discipline puis ensuite comme une chose assez floue n'étant au fond qu'un phénomène qui viendrait toujours s'opposer au bruit, au mieux un espace de relaxation, des choses du genre, etc...  L'abandon où le silence déplacerait la perception au delà, (ou dans l'intervalle d'une musique), c'est différent, nous jetterait, à peine plus loin et déjà nous nous sentirions menacés.

Depuis des siècles, nous devons nous contenter de cela, et bien après celui de Galilée, nous en éprouverons un vertige, c'est le même qu'autrefois. La contemplation du silence absolu de l'homme occidental, redoutant ses ténèbres, on le sait au moins depuis Pascal que le silence est négatif et toujours effrayant. La formule est indémodable :

Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie.

Ce genre de cri à peine audible apparût lorsque l'infinité de l'espace fût enfin révélée via le télescope de Galilée. Bien plus tard, par goût de la recherche, pour l'expérience, on enferma des êtres humains dans des pièces parfaitement insonorisées. Ceux qui entrèrent pour la première fois  en sont ressortis tellement effrayés, qu'ils crurent avoir été enfermés un court instant dans un cercueil. Cette hantise ancestrale revenait, ils ne pouvaient s'en alléger même en sachant, touchant la preuve qu'il ne s'agissait que d'un artifice, une expérience fort brève, ils savaient raisonnablement qu'une pièce isolée (cf. l'expérience du caisson d'isolation sensorielle) ne se refermerait jamais de la même manière qu'un cercueil. Malgré cela, d'instinct, ils pouvaient encore éprouver cette frayeur, de rester là, vivants en présence de la mort, "retenus" pour l'éternité, fermés à l'intérieur. Ce serait la pire mort, comme nous revient, parfois au milieu de la nuit, cette peur superstitieuse (l'enfant ne l'ignore pas), d'être enterrés vivants et de racler ses ongles contre le bois sans que jamais personne ne nous entende hurler. Le silence pourrait-il provoquer cela ? (Rassurez vous, je n'ai pas la réponse).

Ceux qui ont expérimenté les premiers, ces pièces insonorisées ont décrit leur sensation en sortant, (cela une fois au moins, leur traversa l'esprit qu'on pouvait les lâcher et les laisser mourir seuls, là dedans, comme jetés au néant d'où ils ne sortiraient jamais). Toujours pour l'expérience, on leur demanda de parler à l'intérieur de cet espace, il était question de savoir comment ils entendraient le son de leur propre voix, parfaitement isolée du reste du monde, comment tout cela s'écoutait. La plupart ont relaté que lorsqu'on parle dans cet espace, le son semble tomber directement des lèvres au sol, et les oreilles ont encore du mal à capter l'éventualité qu'il pourrait y avoir, au même moment autrepart toujours de la vie sur terre. Quelque chose bruisserait-il à l'extérieur de ce lieu isolé ? Tous ont eu quelques difficultés à l'admettre tant qu'ils n'étaient pas sortis de la pièce. Lorsque John Cage entra pour la première fois dans une pièce insonorisée, il entendit pourtant deux sons : l'un aigu, l'autre grave. Il relate :

Lorsque je le décrivis à l'ingénieur du son responsable, il m'expliqua que le son aigu était celui de la tension de mon système nerveux, le grave, celui de la circulation de mon sang.

John Cage arriva alors à la conclusion suivante, un manifeste qui ne manque pas de toupet :

Le silence n'existe pas.

Il y aura toujours quelque chose pour produire un son. Lorsque l'homme se place au centre de l'univers, le silence ne peut-être considéré que comme approximatif, jamais comme absolu. C'est à partir de cette révélation d'abord éprouvée in situ, que John Cage intitulera avec humour son excellent  livre  "SILENCE", désirant surtout attirer l'attention sur le fait que pour l'homme moderne, l'usage de ce terme se doit d'être encore ironique. Avant John Cage, on pourra trouver chez Edgar Allan Poe, déjà l'esquisse de cette idée dans "Al Aaraaf", il écrivait :

Le calme, nous l'appelons silence qui est le mot le plus simple de tous.

Il faudrait ajouter que la négativité du silence a fait de ce silence dans l'art occidental, l'élément le plus chargé de virtualité parfois obscurément/ confusément, tout dépend, (sujet peut-être à suivre). On pourra scruter ce silence et le revoir à l'avantage, l'enseigner autrement que par toutes sortes d'idées reçues (insignifiant , négatif, vide, absence, néant, négation, lâcheté, camouflage, fuite, discipline, etc...) quand on s'apercevra peut être que ce silence est en très grande partie, perdu : essayons de retrouver dans une ville par exemple, ce silence respectable et vital et l'on se heurtera d'évidence, à une sorte de peine elle aussi perdue. Cet art du silence ne semblant toujours s'envisager comme enseignement véritable qui pourrait considérer le silence comme une valeur équitable à toute forme de conversation ? C'est un regret, le silence contient sans doute hors du cadre, une liberté qui dépasse nos conversations (que cela soit dans la communication avec les autres ou dans nos tergiversations mentales, peu ou pas communicables). Le silence inapte à trouver un alphabet connu qui nous convienne, nous réunit pourtant, au moins autant que la parole aura le pouvoir de créer recréer des liens sans avoir forcément à se liguer contre le silence.

L'esprit peu formé par les sons, abordera d'une moindre écoute ce qui  est pourtant une invitation, ("sound of silence"), on vivra trop souvent le silence comme une agression et replets de notre éducation, il sera toujours préférable, (à notre entendement et par confort), de le couvrir de bruits. Sans toutefois l'affirmer avec certitude, il me semble que ce n'est pas le silence qui serait trop à craindre aujourd'hui, mais davantage la valeur positive qu'on accorde généralement aux bruits (plus souvent encore à l'importance de nos conversations) ; ou à cette pensée qui ne sait se retenir quand elle ne peut plus librement osciller (cf. Paul Valéry), entre le sens et le son, et vient imposer avec assurance une incessante réinjection de nappes taraudantes produisant un bruit de fond, enivré de lui même, cela pour parer, on le pense, à l'angoisse éternelle décrite en peu de mots par Pascal et bien d'autres.

On ne redoutera jamais assez la pensée qui ne se fiant qu'au pouvoir des mots, (réfutant le silence et croyant démasquer en lui un ennemi), ne fait que révéler les limites de sa perception. Tout cela, n'est pas condamnable car, presque rien à ce sujet ne nous aura été appris. Nos apprentissages se font avec l'image, l'image et les conditionnements reviendront toujours au galop (le bon sens près de chez vous) quant à prétendre qu'ils découleraient d'un "naturel" est une autre question. Les enfants évoluent au commencement de leur éducation avec les livres d'images, mais c'est assez idiot de rappeler qu'avant de regarder des images, l'enfant prit sa forme définitive dans un refuge à peu près silencieux (et à peu près sonore), paradis perdu bienheureux pour certains, mystère incommensurabe pour d'autres, bref, ce fût toujours un silence (comme l'entendait John Cage) qui prépara de longs mois le petit d'homme à être propulsé (bruyamment) dans un monde de bruits.

Sommes-nous en train de perdre jusqu'à la notion de silence ? De perdre le silence tout court. C'est possible, ignorant au regard de notre savoir présent (et de nos sociétés recevant de plus en plus d'outils destinés à la perception) ce que le silence contient en informations. Tout semble prêt aujourd'hui pour encore plus le recouvrir. Mais je ne ferai pas de prosélytisme, quand déjà parler du silence est en soi une aberration, bien que ce billet ne traite pas de silence, exactement, (puisqu'il n'existe pas) mais d'un certain déséquilibre qui se crée à toujours construire sa pensée à partir d'une opposition.

Enfin, pour terminer, ("Sound of silence", étant un thème inépuisable), il pourrait y avoir tant de développements que l'embarras du choix dans ce désordre, me poussera paradoxalement encore vers la musique et puisqu'il faut choisir, j'aurais une pensée pour Anton Webern qui composa, (on pourrait le croire), avec une gomme, et mena dans sa création musicale, le silence à sa beauté la plus extrême, une recherche artistique patiente, on pourrait dire, jusqu'au bout du silence ? Peut être... Ironie encore, quand on sait que sa vie s'acheva dans la détonation d'un fusil. Est ce la détonation qui se donne d'ordinaire naturelle contre le silence ? Oui, et non. pour ce cas c'est une triste méprise. A quelques détails près, on dit qu'Anton Webern le soir du 15 Septembre 1945, sortit sur la terrasse de sa maison d'accueil pour fumer un cigare, et  apprécier la nuit. Oubliant le couvre-feu, il fût tué par une sentinelle américaine, par erreur, "Et pan !", il en fût fini de la belle écriture à la gomme. L'esthétique novatrice d'Anton Webern fut souvent comparée aux petits haïkus japonais dont certains auteurs devaient mourir plus volontiers d'ivresse et de noyade par inattention en désirant (c'est un exemple) toucher la lune dont le silence épousait les glougloutement d'un lac ou le reflet gourmand d'une rivière un peu (trop ?) profonde.

De Webern à Kerouac (en passant par le pont au dessus de l'eau où vont les objets flottants silencieux (poissons, algues, origamis, bref, ces haïkus qui ne l'ont pas encore ramenée) il n'y a qu'une passerelle qu'on franchira je l'espère, cette fois sans distorsions, ce blog s'adresse aussi, on ne l'oublie pas, aux lecteurs ou amis en majorité silencieux, qui manifestent sans qu'on en ait la "preuve" (a-t-on besoin de preuve ?), une présence et participent, en silence... Il se peut que parfois sans aucun point d'appui, (et sans flagornerie), on ressente étrangement les mutiples formes de cette participation, improbable enchantement d'un art pourtant réel, de la présence qui ne se dit... Le silence n'a rien d'une bonne planque, il n'a pas tant besoin de se trouver à l'étiquette, verrouillé de définitions, n'étant pas strictement ou ceci ou cela, il ne s'opposera pas non plus à la parole qui n'a jamais trop de difficultés à le réduire à néant ou à le déprécier (le contraire moins envisageable ne se ferait qu'au prix inestimable d'une certaine dépossession). Voici, après ces papotages, la perle tournoyant sur une goutte de pluie, fermant la boite à camembert de la petite crèmerie, les porte-voix et nos boudoirs se trouveront légérement balayés, (une seconde, c'est très peu), par l'oreille du grand voyageur.

 

 

Le son du silence
est toute l'instruction
Que tu recevras

 

 

Photo :  Vestiges (extrait) rencontrés à Cluny (fondée en 909 ou 910), une image simple perdue à la fin de l'été, où le silence roulant encore entre les pierres suggére les figures béates ou les grimaces des sculptures créees par les artisans anonymes du Moyen-âge. Leur parole se fige là, au secret, fidèle à celle des moines recopiant les prières. Ici la clarté et des ombres, le silence profond de l'édifice secoué aux heures ouvrables par les exclamations des touristes, et parfois du vieux rire de la révolution venant avec fracas presque tout démolir, (vingt cinq ans de démolition d'abord tonitruante puis étonnament silencieuse), le bruit et le silence tout entiers confondus, et plus loin, qui sait ? Le frémissement d'une plume d'oiseau ouvragerait les fleurs d'un chapiteau qui se dore au soleil, garde peut-être sous les pierres, la mémoire impossible des voix qui n'ont jamais pu revenir. Photographié, cet été de cette année là.

 

©Frb 2011.

mercredi, 26 octobre 2011

Au mieux l'aphocalypse...

la faute à qui (liss 2).jpg

 

     Words, or words.

 

 

Photo : Le H nuit à l'orthographe ou hante peut être "l'esprit des murs". Le nouveau visage de l'apothéose photographié en bas des pentes de la Croix-Rousse, entre les rues René Leynaud et René Burdeau un graff (ayant fauté ? A qui la faute ?) surtout, nargue l'ancienne église des oratoriens, dite église St Polycarpe (mais jamais Pholycarpe), et sa paroisse, toute dédiée à Saint Irénée (auteur d'un traité contre les hérésies, tiens donc !) et surtout dédiée à Saint Pothin ou plutôt Saint Photin pénétrant dans le corps d'un graff  ou graph ? Et quel grafph ! mais non, mais non ! phaut pas de "H" à Saint Photin  !... Mais si, mais si !

©  Frb 2011.

samedi, 22 octobre 2011

Remuer encore

le montreur de singes
repasse la petite veste
avec la mailloche de foulage

MATSUO BASHÔ

sanglots longs.JPG

Plus ennuyeux que la feuille morte, il y a la feuille de route, déclinant des sonnets plus ennuyeux que les  jours sur la fin, plus avides que le vieux vieillissant, mordu de ses collectionnites, fourbu d'excommunions au nom du merveilleux.

Plus ennuyeux que la feuille morte, il y a l'expression morne de Joachim et son regard d'antan qui pèse sur le mur d'un salon éteignant celui des ancêtres, et fidèle au démon qui parle avec son guide il y a la tête d'un chien sur un calendrier de cuisine, ou devant des chaises de jardin dans une roseraie privée de roses, ce désabusement, un peu de mépris à sa suite, des nouvelles images de l'Egypte à l'index des magazines, l'enfant de Champollion, qui voulant découvrir l'origine de la pépinière retrouve un palimpseste en caressant sans y penser des bourrelets sur une rampe d'escalier.

Plus ennuyeuse que la feuille morte il y a la parole assurée qui s'en va dans le monde, le bon sens, votre guide, qui s'accorde, on le dit, avec les thèmes astraux, toutes ces choses qu'on lit dans le ciel, tôt dévorées, plus mortes que la veille, pour les durs de la feuille, la joie bue par les pluies, des nervures craquant sous nos pas l'écrin fauve d'une châtaigne, il y a une girouette dans ce vide, roulant sur le toit des églises, une crête de coq...

Plus rituelle que la feuille morte, cette girouette qui tourne de plus en plus vite, nous parle sans un son, ce silence nous rentre dans la tête juste à l'heure des infos, nous écouterons comme autrefois, l'unique glas de cette cloche appelée la Marie Charlotte, harcelant le souvenir d'une marquise qui s'ennuyait sec au château rêvant de soupirs dans les bras d'un Marquis du genre "de Carabas", il y a aussi les yeux du chat du café des artistes, les paniers de pommes dégorgeant le poison de la sorcière, une goule dans la forêt de Zil empaillant des effraies pour les clouer contre ta porte.

 

 

 

Plus ennuyeuse que la feuille morte, il y a les facéties du singe grignotant un clavier en forme de poires, le dernier sarment de la vigne, la première gorgée de Bronchokod (au caramel pour nos crèves ventriloques) et toute la nausée qui nous vient de ce qui colle, se décolle, nous précède, ainsi, jusqu'à la fin, on croira, à la traversée : des citadelles reprises, l'inquiétude, les regrets de celui qui se plaint, et ses débris s'en vont sous les brouillards un peu le reconstruire, il y a cette main qui cueille dans un gant de crin la crasse d'un corps revenu de l'été  et l'autre qui frotte ses pieds sur la coupe en brosse écrasée, par les pieds écrasés d'un paillasson retors et ça fait "scrtchhh scrtchhh scrttchhh" comme les hérissons qui se noient dans l'alcool, comme les paillassons tout imbibés de gnôle à l'auberge triste d'Apo, où pas très loin, encore dans les jardins du Luxembourg des jeunes mères promèneront toujours les bébés autour du même bassin, elles écoutent déjà le dernier chant d'oiseaux, bercé des caravelles...

Aussi doux que la feuille morte balayée par les flots, les glouglous d'une fontaine, tirant une langue de vipère au milieu d'une gueule de lion rampant armé, lampassé d'argent au chef d'azur chargé de trois fleurs de lys d'or massif. (C'est peut être un peu trop ? Mais non ! il en faut de l'abondance avant les privations, et tremper dans les flammes son Larousse, "en temps de crise et d'hibernation c'est la moindre des choses" (m'a dit, l'hermine, on est copine) en attendant la Saint Martin, (11 Novembre). Le retour de l'été, (sourire du lecteur adoré) vous rigolez ? A moins de s'accrocher au brin,  je cite un proverbe berrichon :

L'été de la saint-Martin, dure trois jours et un brin.

Aussi douce, il y a cette pluie qui reprend aujourd'hui ce qu'on nous a donné la veille, les courses folles jusqu'à la bétaillère, les cailloux d'un ciel gris, plus gris que le fog de John Donne, par ce vent qui retient la vigueur et rentre par les terres gifler les bouquets des fleuristes, renverse les rangées, alignées, des glaiëuls, mornes fleurs, il y a le chien qui pisse sur ton vieux réverbère, le vent entre les chrysanthèmes, florilèges de la mort, ou prestige des défunts, il y a ce vieux qui rit entre les tombes, fin Octobre plus tranquille et...

Pareille à la feuille, il y a l'affliction qu'on jurerait fondue au blanc par Bolos de Mendès (pourquoi pas ?) qui remue comme avant, ciel et terre s'inspirant D'Ostanès (on le dit), au temps des grands colloques, une tonalité générale qui n'est pas tombée de la dernière pluie, datée disons d'environ cinq mille ans avant la chute de Troie, et nous vient (Bioman l'ignore), de la virilité des mages :

"La nature se plaît dans la nature, la nature triomphe de la nature, la nature domine la nature". 

Toutes ces certitudes en commun, si solitaires, solidaires par chagrin, on le sait, désormais, c'est la fin, le début des feuilles c'est la fin, sous ce pas qui les foule, il y a la rigueur, il y aura la levée des corps jetant les vivants hors des lieux, le présent hors du monde, et des hommes et des femmes qui pleurent devant des lits défaits, par la peur que l'hiver les sépare et vite ! il y aura l'amour, les mots d'amour, toujours encore, qui nous sauvent puis se perdent à nouveau, ça nous vient de si loin ces fadaises sous les arbres, dans les fusées qui montent, par quels déréglements ? Continuent de monter plus haut, demain on les verra distinctement tomber sur le marbre piqueté de grains roses, ce souffle qu'on déporte et des jours et des jours à se remémorrer, comme les étés heureux, jamais aussi heureux, qu'on le raconte, en vérité.

Plus ennuyeuse, il y la mémoire qui déforme à mesure le récit de nos aventures et d'étranges marelles épuisant dans un rêve les émois et la chair - au foyer, on s'assèche - il y a la porte en bois qui gonfle avec l'humidité, ne se referme pas et cette crécerelle qui hante chaque matin troublant la sérénité nécessaire au petit déjeûner :

-  Mais quand donc appeleras tu enfin le menuisier ? Attends-tu qu'il gèle ou qu'il neige ?

Plus ennuyeuses que la feuille morte, il y a les traditions toujours les mêmes, des rites ou des fictions, les courges imbéciles qui s'en vont à la fête, moins ennuyeux, on trouvera des traités sur les animaux, l'araignée au plafond et des frelons discrets dans la robe de St Emilion ; chaque jour l'indécis se replie sur la veille, et le mal en patience etc... Poursuivons.

Plus ennuyeux que la feuille morte, il y a le poéte accablé du regret de n'avoir pas planté un arbre devant la librairie, il y a la providence qui meurt dans un boulet, rond comme ces lunes siphonnant la rivière, chaque année, elles reviennent grossir le fleuve, déposent la lumière sur des ponts, en dessous de l'eau,  la liqueur de guigne à tes pieds, aux derniers points de vie quand la source est tarie, que la feuille d'automne, dit et redit qu'il n'y aura plus de fruits, pas avant des mois et des mois, après quoi l'animal plus triste, imagine les positions de la petite, de la grande mort et nous voilà...

Plus versatiles que la feuille morte, hébétés devant la facticité de notre art, déployant des panaches qui flambloient (purs trésors) sous les branches, juste là où l'image de la satiété s'arrête, juste une image entre les pierres, ou le visage strié d'éclairs d'un soldat inconnu en habit vert, nous toiserait comme à la guerre, les mains tremblantes, le regard fier, sous sa tenue de camouflage, tout un paquet de nerfs à vif, luttant contre le froid qui bientôt heurtera la pression mise à l'heure d'hiver.

Moins monotone que la feuille d'automne, un brin d'été en demi manteau de laine vierge, avec un demi col en poils de demi-ragondin annonçant l'été de la St Martin, chuchoterait à ton oreille : "ne meurs pas, pas encore, pas avant de connaître la suite"...

Photo : De quoi donner envie de remuer toujours et encore (en attendant la suite). Ici, les facéties des feuilles mortes n'en sont qu'à leurs balbutiements. Photographiées dans une rue, j'ai oublié son nom, quelque part (à la Croix Rousse ! bien sûr !) à Lyon, fin Octobre, de cette année là.

© Frb 2011

jeudi, 20 octobre 2011

Les feuilles dites mortes manqueront toujours aux appels (by HK/ RL)

Le montreur de singes
et le singe ensemble vivent
la lune d'automne

MATSUO BASHÔ

ciel oct.jpg

 

l’automne perd ses feuilles dites mortes      les laisse      glisser
dessus      dessous      ses vents      comme
des surfers californiens
mais      elles sans      combinaisons
aux couleurs criardes et sponsorisées
ni longues ou courtes  "boards"

les feuilles dites mortes
acrobates accomplies
se jouent des vents et des vagues
même un tsunami
ne les effrayerait pas
"adieu vents et vagues et veaux et vaches et cochons"

les feuilles dites mortes
l’automne      elles lui rient à son nez
poudré de rouge et d’ocre

moqueuses assez :
"arrête donc tes clowneries
 vieux cabot d’un seul rôle
 essaye un peu pour une fois
                                         de mourir
non en beauté
mais pour de bon
et foin de tes jeux et feux
et de tes artifices"


HK/RL

Samedi 15 Octobre 2011





Photo : Lueurs d'automne, (ou peut être maison du singe § du montreur de singe ?), sous la (presque) lune d'Octobre. Le sol se dérobera-t il à l'appel ? Feu de feuilles mortes. (Yves Montard is dead et Bashô rit sur la lune).

Remerciements... Au couple mythique et ami KEBO/LAHU, (photographié hors champ pendu aux branches de bambou), d'avoir aimablement offert "les feuilles dites mortes..." (offrande non-solennelle) à Certains jours. Poème et musique remixés par l'antique monkey (artificier à ses heures) du Parc de la Tête d'Or à Lyon, en ce bel automne 2011.

samedi, 08 octobre 2011

Durs de la feuille

Se peut-il que tout soit fini ! je n'ai pas encore vécu cinq fois huit années, il me semble que je suis née d'hier et déjà voici qu'il faut dire, on ne m'aimera plus.

PIERRE LOUŸS, extr. "Les chansons de Bilitis", éditions Albin Michel, 1962.

Si vous avez loupé le début vous devez cliquer dans l'image (et rebelote !) ...dur de la feuille.jpg

 

LUI : - Ecoute, poupée, j'ai envie de changer d'atmosphère, de toute façon je ne te mérite pas. Je crois qu'il vaut mieux qu'on arrête.

ELLE : -  Oh non ! Chouchou ! mais pourquoi ? Après toutes ces années... Ne suis-je donc plus rien pour toi ? Tu m'aimes plus ?... (Sniff sniff  bouhhhh ! sniff ! bouhhhh sniff  bouhhhhh !!!...)

 

Rewind:

 

 

 

Bonus / Malus :

Question du lecteur :

- Et après ?

Réponse de la dame du courrier du coeur :

Après faut aller là ↓

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/02/12/da...

Question du lecteur :

- Et après ? ...

Réponse de l'assistante sociale:

-  Après, faut aller là  ↓

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/05/28/ap...

Question du lecteur :

- Et après ? ...

Réponse (et avis) du psy:

- Après ? Surtout rester soi-même ! ne jamais perdre espoir (c'est mon conseil !) il faut sortir, s'amuser, voir des gens, s'ouvrir aux autres, faire de la gymnastique, jusqu'au jour où ...  ↓

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/05/23/re...

Question du lecteur :

- Et après ? ...

Réponse de la modératrice :

- Allons ! allons ! pas si vite les amis ! pas si vite ! ...

(A SUIVRE)...

 

Photo Drame de la vie conjugale photographié (en douce), sur le cours de l'Emile, un jour d'Octobre de cette année là.

© Frb 2011.

samedi, 01 octobre 2011

Love story

Sur le pont suspendu
nos vies s’enroulent
aux sarments de lierre

BASHÔ  (芭蕉)

jaune_0225.JPGjaune_0228.JPGjaune227.JPGfeukk.JPGfeuill n.JPGfeuilles kkc.JPG

 

 

Nota 1 : Le premier mouvement de l'automne de l'année dernière peut se revoir en cliquant sur le mot "RITOURNELLE".

Nota 2 : Par une coïncidence extra, les conditions idéales étant réunies, nous voilà fin prêts pour la "MOMIJI".

Photos : "Le cycle des saisons" Ou le premier mouvement de l'automne  par les formes sereines d'une saison aussi luxuriante qu'une île lointaine. Et l'or de l'été finit là où tout ce qui finit tout peut renaître... Une orgie de feuilles mortes photographiée dans divers squares de la ville, à Lyon entre le mois de Septembre et d'Octobre.

© Frb 2011.

lundi, 26 septembre 2011

L'échappée vaine

Je serai l'artisan de mon propre dépaysement

JEAN BERTRAND PONTALIS : "Loin", éditions Gallimard, 1992.

lucien bis6343.JPGComme le grand voyageur, il a tourné les talons, il s'en est allé seul. "Facile de laisser tout". Et leur tronches tous derrière, les gens de sa maison qu'il appelait "les miens", et qui avaient fini par lui ressembler trait pour trait tandis qu'il ne leur ressemblait en rien, portant une quantité d'obligations, d'affections corvéables, tout ce temps à durer, se construire sur un drôle d'équilibre qui n'était ni le leur, ni le sien. A devoir faire plaisir, même quand il bricolait, c'étaient là des moments  tranquilles, mais il y avait toujours un temps où quelqu'un lui criait du fond la cuisine "Tu viens manger ?" ou simplement, "C'est prêt !". Il répondait régulièrement, "j'arrive !" comme hier, comme demain, il arrivait dans la seconde, la tête rentrée dans les épaules déroulant d'un rond de serviette ,sa petite serviette à lui, reliquat d'un trousseau, où l'on avait brodé à la main, point par point son prénom il savait chaque jour qu'il s'appellait "Lucien", à la même place, la place du père en bout de table, à côté de la corbeille à pain, de la bouteille de vin, de la cruche d'eau toute en face de cette cruche de Brigitte, ces cruchons familiaux, il prenait sa becquée, sa couvée, toute en bouche, et là, sur ses épaules un excédent fragile détraquait les chemins.

Comme le grand voyageur il reviendra, (il reviennent tous) pour raconter plus tard ce qu'il a vu, c'est cela qui lui manque, raconter ce qu'il a vu. Comme hier, comme demain, c'est toujours les mêmes tronches. Parfois, il s'agglutine seul dans son coin en douce, et dans le vin qui gonfle ses méninges, il est fils de cette fougue remuée patiemment, il a trop à larguer, d'un seul coup c'est si dur, tout cet attachement, tout ce qu'on lui promet. L'amour de l'entourage ne fait plus désormais qu'assurer le poids du décor, assortir des objets avec quelques tentures, ou des coussins du genre. Tout cet abrutissement dans un monde achevé, abrutissait sa mort, il n'y aurait rien d'héroïque à se sentir aimé, ni à mourir de cette façon.

Comme le grand voyageur, il a dit "je vais tourner la page", si novice à l'époque, ces photos de mariage exposées au salon, la traîne blanche de Brigitte, ces sourires sur la plage, ça lui sort par les yeux, dans les cadres, ça mélange les vacances au camping, les crêpes au carnaval, et Médor dans les bras des cousins à La Plagne. Comment avait-il pu se croire chef au domaine ? Lui, qui depuis longtemps ne décidait de rien, Ce n'était plus vraiment comme hier, sur les photos quand il prenait Brigitte par la taille, celle qu'il avait choisie, à qui il avait dit "tu seras la femme de ma vie pour toujours". Mais quelle vie pour toujours spéculerait sur demain ? Il croyait c'était vrai. Il tenait une femme de sa vie, qui se donnait, était sienne ; aurait-il le coeur si fidèle pour n'aimer qu'une seule femme ? Une seule vie ? Existait-il sur terre, une créature plus belle que Brigitte, et sa traîne ?

Il avait dû comprendre quelque chose qu'on ne doit pas dire, du moins s'était-il arrangé jusqu'à ces derniers jours, pour ne pas laisser échapper ces lièvres qui couraient sous son corps, des milliers de fourmis, des crampes, des entonnoirs, et ces cubits replets de Nuits Saint Georges. Il avait ramassé, depuis ce temps, les couleurs de tous les automnes, collées sur des herbiers, une bonne vingtaine d'années fourbues entre le lierre, le chèvrefeuille, qui dévoraient les murs, partout camouflant les greniers, où l'on avait caché des bas de laine précieux. Pour deux ou trois pièces d'or, chez lui rien ne bougeait. Aujourd'hui c'est la poudre de perlinpin diluée dans l'alcool qui se prend dans le grand soleil d'Octobre, ouvre l'été radieux de sa jeunesse privée de ces jeux qui débordent.

Comme le grand voyageur, le dormeur réveillé au milieu de la nuit par le vent qui frappe aux volets, il veut aller partout et se débarrasser, de ses murs et des siens qui courent, des gens concrets, énergiques, il fait mine de les protéger, lui, qui, sucé jusqu'à la moelle est devenu plus faible qu'eux, lui qui s'en va. Il est parti. "Qu'ils se débrouillent sans moi, avec leurs tronches !" Il se ressert un verre ou deux, il va jusqu'aux champs lumineux de la vigne qui pousse au milieu des bassins du jardin d'acclimatation, il regarde des jeunes filles, au sang chaud, brasser le grain et les fruits rouges, leurs belles mains libres, courent déjà sur son corps. Oui ce sera demain.

Comme le grand voyageur, il a mis les fruits à sa bouche, le feu aux poudres et ça ne ressemblait en rien, aux fruits qu'il mangeait chaque jour. Un instant cueilli comme un prince, s'agréant au désir de ses folles combines qui font tourner la roue. La route, elle tourne aussi ; encore un chariot qui chavire. C'est autant de malheur qui vient. Il a brassé dans la montagne, l'heure tournait, ce n'était pas grave. Il s'est voué aux secrets de ces filles, a pratiqué les ablutions.

Comme le grand voyageur, tire un trait, s'en va libre, il a mis son corps à merci livré son coeur mou à ces filles, une première fois, après quoi l'obsession sera de leur tourner autour, d'y retourner les autres jours, pour ne pas dépérir de l'usure de là bas, dans les belles décombres des pavillons où vont les ballons, les tricycles, le juste prix, les soucis emballés dans de la toile de jouy, il a vu l'heure tourner sur un poignet, qui n'était pas le sien, par la caresse d'une de ces petites putes, allumant, un instant le bon père de famille, et l'incendie dans sa maison. Une vie entière qu'on bousillerait comme ça pour un coup de queue. "Merde alors ! ces filles là, ont le vice dans la peau" aura t-il pensé un instant en remontant ses bretelles, ses chaussettes en coton, en rhabillant l'ivresse sur un demi-litre de vin de table, un demi-verre, par jour, avait dit le Docteur Mollon, à cause de l'albumine ou du cholestérol. Parfait, parfait, puis il regardé le pli du pantalon, repassé comme il faut, ça tombait droit sur la chaussure, qui foulait sans souci des tapis de feuilles mortes.

Comme le grand voyageur qui a froid qui a faim, pris du regret soudain d'avoir failli à sa mission, comme le père fouettard fouette la poudre de perlinpin, il a remis le grain fou de ses grands voyages dans de toutes petites craintes. Que deviendraient ils, eux, sans lui, les miens, les siens ? Bordel à cul, bordel à cons". Il a encore regardé l'heure sur son poignet, c'était le sien. C'était grand temps. Il a eu peur. Il était temps de retourner à la maison. "On ne part pas comme ça". On ne laisse pas tout sur un coup de coeur. Il a voulu s'amender, demander pardon, aux enfants à sa femme, à ces tronches. Tout leur dire. Vivre avec ce poids là, "non, non non ! il n'était pas question" après toutes ces années, après tout leur avoir caché, "pas question de mentir, non non non" ! Il songeait à la belle famille. Ca ferait un beau tintamarre. Puis comme chaque jour, il a repoussé à demain, le moment de le dire, mais le grand vin doré l'abordait d'une lie qui laisserait des empreintes, allant rejouer l'aventure avec ce petit goût heureux de reviens-z'y. Une joie, un frisson, "heureux, heureux".

Il y retournerait demain, et tous les jours qui suivent changeraient de couleur, peu à peu habiteraient dans sa tête qui n'allait plus très bien, ce serait une autre maison, celle du petit bonhomme qui pirouette dans la chanson, un pti bonhomme de rien monté sur des bretelles, porté par des chaussettes en coton, des vignes, et des bassins et la douceur des filles qui sortent toutes nues du bain dans le parc d'acclimatation. Il songea au remords bien plié, à la faute, qu'elle pourrait deviner, elle qui devinait tout, elle qui disait toujours "le connaître comme personne". Tu parles d'une expression ! Des mots, "nos mots à nous", il les anticipait, les connaissait par coeur, quand il se défendait, s'embrouillait, cette réponse. Le soupçon à portée, Brigitte elle concluait :"c'est pas la peine, Lucien j'te connais, j'te connais !".

Il songea au Docteur Mollon avec sa longue tête piriforme, ses cravates à rayures cette tête de bouteille de Perrier ou de gnôle à la poire, sa cravate aussi moche qu'un torchon pour les mains, il songea à Médor, s'il partait, qui en aurait la garde ? Il vit le Docteur Mollon qui le fixait, pas comme d'habitude derrière des grosses lunettes d'écaille, il a vu le Docteur Mollon gracieux comme une porte de prison, tirer comme on dit la sonnette d'alarme -"vous êtes surmené monsieur Bauchier en ce moment, il faudrait passer un scanner, puis consulter au plus vite un psychiatre, je vais vous donner l'adresse d'un confrère, vous verrez il est excellent", il aura répondu sans voir plus loin que le bout de son nez -"Mais moi, j'ai pas besoin de psychiatre, je vais très bien, chui pas fou". Le docteur Mollon il savait ; laissait peser dans le bleu de son cabinet les symptômes et la grande souffrance d'une maladie bizarre "qu'on ne peut pas toujours expliquer qui dépend de facteurs divers et variés, mais qu'il est nécessaire de traiter, pour différentes raisons".

Comme le grand voyageur, il aura pris les escaliers au lieu de l'ascenseur, sous son corps tous les lièvres à présent soulevés n'avaient plus tant d'ardeur, au soupçon de myxomatose, et les bretelles se rattachaient aux chaussettes en coton aux crampes, aux fourmis noires à l'entonnoir et au bouchon en plastique d'une bouteille d'Hépatum. Comme le grand voyageur, il a marché, marché en portant des sacs invisibles. Il a repensé que Brigitte voulait qu'il ramène deux banettes, des oeufs, du lait, de l'aspirine. On l'aura vu passer par la boulangerie, ressortir avec deux banettes, au Franprix on soldait des chaussettes, il en a acheté une série, et du vin, sans raison, ça le calmait. On l'a vu entrer par la porte de derrière de la petite pharmacie, juste à l'écart du centre ville, puis il a glissé l'ordonnance et des billets, des milliers de billets dans les grands décolletés de Nadège et de Sandrine.

 

 

Photo : Lucien rêve. Sur la grande esplanade située juste devant le TNP dans le très beau quartier (Merci Lazare Goujon !) des Gratte-Ciel, à Villeurbanne.

© Frb 2011

vendredi, 23 septembre 2011

Brader la ville

Ce qui est actuel, c'est toujours un présent. Mais justement, le présent change ou passe. On peut toujours dire qu'il devient passé quand il n'est plus, quand le nouveau présent le remplace. Mais cela ne veut rien dire. Il faut bien qu'il passe pour que le nouveau présent arrive, il faut bien qu'il passe en même temps qu'il est présent, au moment où il l'est. Il faut donc que l'image soit présente et passée, encore présente et déjà passée, à la fois, en même temps. Si elle n'était pas déjà passée en même temps que présente, jamais le présent ne passerait. Le passé ne succède pas au présent qu'il n'est plus, il coexiste avec le présent qu'il a été.

GILLES DELEUZE in "L'image-Temps"

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Conséquences (barbares) by Luc Moullet :

 

 

 

Photos : Comme un monde entre ??? De l'architecture utilitaire, plus ou moins diverse (ou la beauté caché du laid ?). Photographiée du quartier République à celui de la Part-Dieu, entre Villeurbanne et le Grand Lyon.

© Frb 2011.

mercredi, 14 septembre 2011

Le dessus des cartes (désir du jour)

ProgrammeAmis de la petite province, je vous promets le bonheur pour tous. (Votez pour moi !). Note à l'attention du lecteur qui n'ose pas regarder sous les jupons des cartes, j'ajouterai, le lien du dyptique, (fin dyptique cartésien, il en faut, et sa synthèse va dans les murs) vous trouverez le voyage dans toute sa complétude en cliquant sur : ICI.

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Photos :  Le dessus des cartes de la rue Descartes ou petit rébus provincial

Restructuration d'une ancienne enseigne d'un atelier artisanal situé rue Descartes à Villeurbanne. © Frb 2011

La suite toujours plus bas

Le dessous des cartes (c'est déjà demain)

Discours d'investiture : Provinchiales, provinchiaux, mes chers compatriotes. Merchi de m'avoir élue. Vous avez fait le bon choix, le choix du bon chenche. Mais la chituachion étant che qu'on chait, et dans le contechte de rechechion qui menache la nachion, nous jalons touche être forchés de retroucher nos manches. L'opchion de l'auchtérité est auchi chelle de la chagèche, pour che faire, nous rechterons jichi enchemble afin de trouver une choluchion qui rende pochible la cholidarité entre touche. Je compte chur votre conchienche chitoyenne, cha demandera des chacrifiches, mais gil en va de l'avenir de la Franche, ch'est bien trichte mais ch"est comme cha  : Vive la Franche !  de droite de gauche, et du chantre !)

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Photos : Le dessous des cartes de la rue Descartes. Ou solution du petit rébus provincial (y'a un proverbe provincial qui  est signé du Riri, qui dit aussi que "c'est bien partout Vendenesse" mais bon, on fait de la politique, (et c'est exceptionnel) on ne va pas se mettre à faire de la philosophie par dessus le marché...

Villeurbanne © Frasby 2012.

(eh  ben oui ! c'est ça l'avant garde, avec une petite longueur d'avance, en toute humilité ! et dans un but, toujours le même, vous distraire, mes chers compatriotes, vous pouvez me remercier, envoyez vos dons !)

dimanche, 11 septembre 2011

Rentrer

Mes espaces sont fragiles : le temps va les user, va les détruire : rien ne ressemblera plus à ce qui était, mes souvenirs me trahiront, l’oubli s’infiltrera dans ma mémoire, je regarderai sans les reconnaître quelques photos jaunies aux bords tout cassés. Il n’y aura plus écrit en lettres de porcelaine blanche collées en arc de cercle sur la glace du petit café de la rue Coquillière :  "Ici, on consulte le bottin" et "Casse-croûte à toute heure".

GEORGES PEREC in "Espèces d'espaces, éditions Galilée 2006.

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rentrer seul_0109.JPGPlus loin par les méandres d'un plan de Vélov' (ou "vélos d'amour"), la rentrée honorera encore le beau temps sous des blancs de cirrocumulus granulant légèrement le bleu qu'on possède encore en lambeaux et l'on remuera l'aventure sur un pied d'appareil photo, espérant du nouveau, à croquer un peu de perspective. Ici, tout semble prévisible. Rien ; sinon cette chaleur de tripot, cet air brut et torpide. Rien ; sinon que du beau dans la ville aux façades rosées cachant son mal entre les ponts, autant de gouffres côtés du Rhône que de guinguettes aux volets clos et de plages interdites, les boites de nuits plongeant sur Vaise neuf et refait avec sa gare qui fût détruite sous les bombardements du 6 Mai 44, une gare en bois, vite reconstruite entre deux évènements, jusqu'à l'espace multimodal d'aujourd'hui et par dessus, tout ça, il y aura les barres vanillées de la Duche qui regardent le bas, plus pour longtemps, barrées déjà par un projet de ville, il transformera bientôt ce quartier en un "pôle attractif", disons "plus attractif", c'est la fine formule, pôle ou quartier, pourvu que tout cela devienne "attractif". Les mots bleus du Grand Lyon, peaufinant sa vitrine en bonnes concertations abonnées à la cool attitude, nebulus à venir. On ne peut rien en dire. On se porte sur les pentes, on coupe par les traboules où vit encore un monstre de légendes mystérieuses ; on croisera même en rêve les fantômes : des gisants de Loyasse, un secret chu à l'observance  puis on retournera comme hier dans les rues en presqu'île, autour de la place de la Bourse, on verra des messieurs dits "d'un âge", des cadres distingués, à l'allure de Clooney raybanés (comme Dutronc), faussement déglingues, (vaguement Borloo), qui vont de table en table, glissant, leur carte de visite, en toute discrétion, aux jeunes filles venues là pour boucler leur fin de mois. C'est secret de Polichinelle mais ce n'est pas dans tous les bars de presqu'île qu'on fait ça...  Chez Jules on causera d'art (mais à la bonne franquette), à la Manille on jouera (à la Manille), ou on lira sous les mêmes globes lumineux qu'autrefois, des journaux du jour ou de la veille, au Moulin joli on s'emmerdera joliment et les nouvelles couleurs de beige à chocolat nous ferons regretter le vieux "Moulin Joli" terne et bruyant, d'avant.

rentree  cc.jpgIl y aura la sortie des classes vers Ampère ou ailleurs, des ados qui ricanent à trois sur un scooter, roulant les pelles, les mécaniques, claquant de la planche, l'Icare niqué sur des genres d'escaliers. Passée vers la mairie de la place Sathonay, il on croisera Mademoiselle Pugeolles, rejoignant sur une trottinette, son petit F2 de la rue Burdeau, un  cartable tout neuf sous le bras, avec des surpiqûres, et des poches intérieures de la taille d'un kleenex.  Il y aura rue de la Ré plein de monde en grappes vers les cinq heures du soir, des groupements sous la cnaf avec toute la culture de Levy à Musso et des livres de Daniel Pennac à moitié prix entassés près des piles de compils de Pavarotti chante Verdi. Il y aura des regards en biais, sur le flottement d'une jupe plissée bourgeoise, s'attardant devant la vitrine d'Yves Rocher, des mains de femmes chez Sephora dépliant la publicité d'un nouveau parfum (pour les femmes) qui leur affine les hanches pendant qu'elles dorment. Il y aura les dernières robes d'été, des chapeaux d'hommes  à l'Argue, à fines rayures noires et blanches genre maquereaux siciliens à porter avec des bottines en daim à demi lacées, exprès, fausse néglige, de la bohème, encore, des bottines de gamines, vraiment ergonomiques à talons de 7 cm, qui font de belles chevilles et qu'on porte avec des collants 15 deniers de teinte biche.

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Antithèse : ICI

Photos : Des filatures fragiles aux quatre points cardinaux d'une ville entre deux ponts et deux collines, du quartier de bureautique (et domotique) aux costumes froissés près des gares (1) juste à proximité de l'école (2), un passage clouté de bellecour en Presqu'île (3) enfin, sortie du temple où la terre promise distribue de la marchandise et pour quelques centimes (de plus) vous avez les cabas recyclables, bien de quoi battre le pavé jusqu'aux prochaines vacances (4). Juste quelques images from Lyon entre déjà hier, dans le vieil aujourd'hui, aussi loin que demain.

 

Lyon vu par © Frb : 2011.

jeudi, 08 septembre 2011

Harpe céleste

Ecoutez bien leur devis,
Détoupez vos oreilles.
Et fa ri ro frere li joli
Ti ti pi ti, chouti toui.
Tu, que dis tu ?

CLEMENT JANEQUIN : extr. "Le chant des Oyseaulx"

Transcription de la partition destinée aux humains, à cliquer sur l'imagetous les oiseaux  B.jpg

- Shéma récapitulatif de la fonction du chant  :  ICI 

- Révision des classiques et autres questions  ci-dessous   :

http://www.freinet.org/creactif/blain/comenius/oiseaux.ht...

Louanges et doux oiseaux-copains by Catherine L. :  ICI

Nota :  Notre canari n'est pas sur le balcon, on l'aura pincé sur une corde de la harpe céleste, suivant une partition pas comme les autres. Selon Clément Janequin, "la doulce saison" se situe plutôt au printemps, mais l'hypothèse vient d'être contestée par le savant de certains jours, qui s'est basé sur notre cadran lunaire à nous, puis a conclu qu'il n'y avait plus de printemps. Ainsi "on ne renaît qu'à l'automne", c'est le sésame de la maison.

Photo : September nous détoupe les oreilles au chouti toui d'oiseau, pendant que la Biennale de Lyon ouvre ses portes, (ce que ne dit pas notre photo),  l'art contemporain sauvage déchiffre sa portée par de minuscules beautés éphémères (sitôt vues, sitôt envolées) et dans les mouvements de la harpe géante caressée par Lily Pinson sous l'aile (invisible) de l'oiseau prophète, (oui,  je sais, c'est un peu compliqué), ne pas confondre avec l'oiseau vogueur, qui ne va pas tarder à nous refaire son manège, souvenez vous...  Finalement plus ça change et plus c'est pareil, à quelques détails près...

Lyon passerelle amarrée © Frb 2011

dimanche, 04 septembre 2011

Presque rien

- En quel endroit de la terre sommes-nous, cher Pisthérère ?
- Ma foi, cher Euélpide, je n'en n'ai pas la moindre idée !

Vous vous souvenez des oiseaux ? Non ? Ils roucoulent encore sous les images. C'était hierpresque rien,comme si la terre penchait,oiseaux,et rebelote !,air,maison,fenêtres,quinconce,flânerie,fantaisie,suite d'oiseaux,septembrer,fil,de visu,la vie des animaux,ville,lyon,migration,plus haut,art contemporain sauvage,chants d'oiseau,aristophane,saisons

En remontant sur le plateau, "les bonnes pentes font les belles ascensions" (a dit Lapalisse), j'en ai vu un, en pleine conversation avec trois autres qui se morfondaient sur un fil, je suis restée là, un peu bête, le nez en l'air, comme on regarde passer les condors (dans un film de Sergio Leone). il m'a semblé que cette année les oiseaux resteraient et les maisons s'envoleraient, mais quand il m'a fallu rentrer, c'était un peu comme si la terre penchait... - Et la tête ? Mademoiselle l'Alouette ? - La tête aussi, Monsieur Pinson !...presque rien,comme si la terre penchait,oiseaux,et rebelote !,air,maison,fenêtres,quinconce,flânerie,fantaisie,suite d'oiseaux,septembrer,fil,de visu,la vie des animaux,ville,lyon,migration,plus haut,art contemporain sauvage,chants d'oiseau,aristophane,saisons,décalage

A  SUIVRE. (Peut-être...)

Photo: Vu rue Pierre Blanc à Lyon, le premier "rassemblement" avant les grandes migrations.

© Frb 2011.

vendredi, 02 septembre 2011

Où sont les femmes ?

Excédé de dégoût, à moitié asphyxié, Durtal voulut fuir. Il chercha Hyacinthe, mais elle n'était plus là. Il finit par l'apercevoir auprès du chanoine ; il enjamba les corps enlacés sur les tapis et s'approcha d'elle. Les narines frémissantes, elle humait les exhalaisons des parfums et des couples - l'odeur du sabbat ! lui dit-elle à mi-voix les dents serrées.

J. K. HUYSMANS in "Là bas" (1892), éditions P. Cogny, GF- Flammarion, 1978.

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Le pape Innocent VIII ayant envoyé deux moines enquêteurs en Allemagne, leur recherche sur l'extension de la sorcellerie donna naissance en 1486, à un rapport intitulé "le Malleus Maleficarum" ( ou "le Marteau des sorcières"), un traité des dominicains allemands Henri Institoris (Heinrich Kramer) et Jacques Sprenger, publié à Strasbourg en 1486 ou 1487. Il s’agit pour la majeure partie du texte d’une codification de croyances préexistantes, souvent tirées de textes plus anciens comme le Directorium Inquisitorum de Nicolas Eymerich (1376), et le Formicarius de Johannes Nider (1435). L'invention de Gutenberg permit de diffuser le manuel à grande échelle pour l'époque et l'ouvrage connut de nombreuses rééditions (au moins 34 entre 1487 et 1669, période principale de la chasse aux sorcières et des polémiques qu'elle suscita).  A l'époque, les femmes étaient surveillées par leur mari ou par le prêtre, car leurs mœurs et leur moralité étaient "naturellement" douteuses. Leur sexualité effrayait les hommes d'autant plus qu'il leur était impossible de la comprendre. Comme l'écrivait Jean Delumeau dans "La peur en Occident", la femme a toujours été diabolisée, les phénomènes de chasse aux sorcières ont traduit cette conviction d'une collusion "naturelle" entre la nature féminine et le monde des ténèbres. Ce sont encore les femmes, livrées à elles-mêmes, qui développèrent la médecine par les plantes, car les médecins à cette époque ne se préoccupaient pas de les soigner. Ces pratiques renforcèrent l'idée qu'il fallait s'en méfier et les femmes firent rapidement l'objet d'enquêtes lors de passages d'inquisiteurs dans les villes et dans les villages. Pendant longtemps la défense des "sorcières" était d'affirmer qu'elles étaient folles et irresponsables, leurs bonnes connaissances des plantes, étant la preuve certaine qu'elles n'étaient pas si simples d'esprit… Pour citer quelques chiffres, on accusa de sorcellerie, entre 1606 et 1650, 31 % d'hommes pour 69% de femmes au Luxembourg, 13% d'hommes pour 87% de femmes en Wallonie. Dans une autre étude, sur 155 cas, 105 sont des femmes ; parmi elles, 32 ont plus de 50 ans, 7 ont moins de 20 ans (dont une enfant de 8 ans et 2 adolescentes de 13 ou 14 ans ). Ce fameux livre, le "Malléus Maleficarum" connut un immense succès et devint une référence quasi obligatoire pour tous les procès en sorcellerie, car il décrivait scrupuleusement ce qu'était une sorcière, ses caractéristiques, et comment la contraindre à avouer ses crimes. En exerçant leur affreux ministère, les inquisiteurs et chasseurs de sorcières, se croyaient non seulement investis d'une mission divine mais ils appliquaient à la lettre les élucubrations écrites dans "Le Marteau des sorcières".

Le fantasme de la nature diabolique de la femme est revenu en force au XIXèm siècle, une période très marquée par la misogynie, et plus précisément la gynophobie que Michel Viegnes (qui a inspiré ce billet) évoque aussi dans son texte "Gynophobia" ou "La peur du féminin dans le récit fantastique" (paru dans les cahiers du Gerf N°6 en 1999 (messieurs n'inversez pas les trois derniers chiffres, de grâce!). Pour les auteurs post-romantiques qui sont majoritairement des hommes, la femme signifie "l'autre", par excellence, d'autant plus inquiétante qu'elle est irrésistible. Salomé devient un grand mythe fin de siècle et la peinture multipliera les représentations ténébreuses de la femme. Le scientisme n'est pas en reste, bien au contraire, l'autorité de Charcot cautionne également d'une toute autre manière, l'appréhension de la femme comme un être porté vers l'irrationnel, l'animalité et surtout l'hystérie (maladie qui hanta ce XIXèm siècle autant que sa littérature), à l'époque on était persuadé que l'hystérie était un mal uniquement féminin, peut être à cause de cette racine du mot ("utérus"), or, on sait aujourd'hui, (les impressionnantes hystéries féminines étant de nos jours, plus rares), que les hommes peuvent aussi souffrir d'hystérie. Ce ne sera qu'assez tardivement, en 1928, avec Dostoïevski et le parricide, que la question de l'hystérie masculine sera abordée pour la première fois dans toute sa dimension analytique. Cela fera peut être l'objet d'un prochain thème ici, mais le sujet est très délicat, en attendant revenons à nos "dames diaboliques" de la fin du XIXem, à cette gynophobie, que certains auteurs (cependant aimés par nous autres, les péronnelles), ne dissimulèrent pas dans leurs récits. Joris Karl Huysmans par exemple, créera une première onde de choc dans sa bible du "décadentisme" : A rebours" (qui se distance du naturalisme de son maître E. Zola sans toutefois en rejeter les méthodes), amorcera l'esprit de "Là bas". Dans "Là bas", Huysmans se met en scène lui même sous les traits de Durtal, un célibataire, écrivain qui travaille à une biographie de Gilles de Rais. Cet alter ego subit les assauts d'une admiratrice passionnée, oyez le nom qui possède si j'ose dire tout son pesant d'obscurité la dame s'appelle Hyacinthe Chantelouve, elle propose à Durtal de l'introduire auprès du chanoine Docre, un prêtre catholique voué au culte de Satan. Durtal se laisse séduire par la proposition, se donnant pour excuse qu'il doit en naturaliste "sérieux", étudier le satanisme contemporain pour mieux saisir celui du Moyen Âge. Il assiste donc à une messe noire qui dépasse en hystérie, tout ce qu'il a pu imaginer et la tentative de séduction qui s'en suit, le révoltera tout à fait. Extrait choisi (gynophiles s'abstenir):

Et elle se déshabilla, jeta par terre sa robe, ses jupes, ouvrit toute grande l'abominable couche, et, relevant sa chemise dans le dos, elle se frotta l'échine sur le grain dur des draps, les yeux pâmés et riant d'aise ! elle le saisit et lui révéla des moeurs de captif, de turpitudes dont il ne la soupçonnait même pas ; elle les pimenta de furies de goule et, subitement, quand il pût s'échapper, il frémit car il aperçut dans la couche des fragments d'hostie (1)

- Oh ! vous me faites horreur, lui dit-il ; allons habillez-vous et partons !

Plus loin ...

- A bientôt , fît Mme Chantelouve d'un ton presque timide, lorsqu'elle fût déposée à sa porte.

-Non, répondit-il ; il n'y a vraiment pas moyen de nous entendre ; vous voulez tout et je ne veux rien ; mieux vaut rompre ; nos relations s'étireraient, se termineraient dans les amertumes et les redites. Oh ! et puis après ce qui vient de se passer ce soir, non, voyez-vous, non !

Et il donna son adresse au cocher et s'enfouit dans le fond du fiacre.

Je vous épargne quelques notes sur le "Salomé" de Oscar Wilde et le moment de rencontre monstrueuse de Salomé avec son désir, mais je glisserai pour le plaisir (des images), un petit baiser nécrophile (à son lecteur chéri) :"The Climax", d'Aubrey Beardsley qui illustra, à merveille ce Salomé. En espérant que ces messieurs n'iront pas soupçonner en toutes les dames les penchants diaboliques d'une Salomé ou d'une Chantelouve, et que nos dames... Nos dames, rien du tout, les dames elles font ce qu'elles veulent et puis c'est tout.

Nota (1) : Les fragments d'hostie dans la couche de la Chantelouve n'étant pas dans les habitudes de Monsieur et Madame Toutlemonde, (nous on préfère les miettes de pain au chocolat), c'est en fait que la dame (a t-on idée ?) avait cachée l'hostie dans son intimité afin quelle soit profanée (l'hostie) lors du coït, mais cela fût sérieusement noté par Huysmans d'après une documentation authentique sur les pratiques courantes du satanisme.

Nota (suite): Ces notes de lectures sont tirées de divers textes choisis et présentés par Michel Viegnes, dont la plupart, extraits du livre "Le fantastique", paru aux éditions Garnier-Flammarion en 2006. Voir l'article ci-dessous :

http://www.fabula.org/revue/document1245.php%20

Photo : Ceci n'est pas une mante religieuse (c'est pas du tout pareil, si vous doutez cliquez sur l'image plus haut, qui ne signifie pas que sous chaque sauterelle se cacherait une mante religieuse, (si ça peut rassurer, Fernand, François, Paul et les autres). Ceci n'est pas une cigale non plus, ni une étoile de mer, c'est une sauterelle du Nabirosina tout ce qu'il y a de plus affectueux, photographiée sur son brin doux d'Août, au début du mois Septembre.

Photo © Frb 2011

mercredi, 31 août 2011

Premier volet de l'exposition

 Art-volet ou volet volé ? Encore une oeuvre qui ne sera pas comprise ...

premier volet de l'expo.JPG"Art signifiant, signifié du mouvement flêché dans l'oeuvre non-signée, du volet blanc de l'exposition fondue au noir repassant au blanc de l'oeuvre volée, le spectateur enfin confondu par la pertinence du sujet retrouve la place qui ne lui fût jamais accordée. Celle du regardeur survolé. Cela faisait bien longtemps qu'on n'avait pas abordé une oeuvre aussi  riche de sens, du nouveau pour les yeux et l'esprit. Un chef d'oeuvre stupéfiant retournant le détournement jusqu'à la plus pure authenticité du quotidien transfiguré par une sublimité à la fois simple et forcément multiple qui cache et révèle la complexité des relations du visiteur à tout ce que l'oeuvre sait lui dissimuler jusqu'à lui enseigner les bases aléatoires d'un réapprentissage des gestes comme "ouvrir" ou "fermer". Le premier volet de l'exposition est sans aucun doute l'évènement le plus intelligent de la rentrée. A ne louper sous aucun prétexte !

 CLAUDE-MARIE CREMOIX, in "L'étherama" n° 8966, pages culture, Juillet 2011.

Photo :  Le premier volet de l'expo, (ou l'infracritique du sub'art' précise l'expert), à ce qu'en dit l'artiste, d'autres viendront. De volets, (suivez un peu, voyons !)

© Frb 2011.

mardi, 30 août 2011

Du peu qu'on ne sait dire...

Je suis long à prendre des déterminations, à quitter des habitudes. Mais quand les pierres, à la fin, me tombent du coeur, elles restent pour toujours à mes pieds et aucune force humaine ensuite, aucun levier n'en peut plus remuer les ruines. Je suis comme le temple de Salomon, on ne peut plus me rebâtir.

FLAUBERT extr. d'une "Lettre à Louise Colet" datant du 6 juin 1853.

du peu qu'on ne sait dire,passé,présent,été hiver,mondes réels,mondes virtuels,correspondances,gustave flaubert,louise colet,pérégrinations,errances,digressions,espaces,inanité,solitude,isolement,multitudeSa mémoire recensait un peu tout ce qui remuait dans l'ombre, d'autres brassaient sur des écrans les nouvelles du soleil à venir, ça donnerait au milieu de Septembre une illusion de feu dans la lumière. Le vieux, il racontait hier, que "lorsqu'on voit sortir le museau des taupes, c'est toujours signe de mauvais temps". En attendant, l'été finissait, éclairant toute chose et même les yeux si parfaitement éteints de nous autres les promeneurs, qui prenions l'ocre pour du jaune, et l'herbe brûlée pour du foin. Ceux qui ne remarquaient rien craignaient juste que la fraîcheur du soir porte en elle les tourments aux heures les plus sombres, tout le dépressionnisme des jours qui précèdent la rentrée des classes, et s'installe longtemps à l'avance, ils redoutaient les nuits noires, de longues nuits où se bousculaient les fantômes, cela réveillait les chagrins qui se figeaient par les brumes au matin. Partout on savait qu'on allait vers une saison plus triste, chaque année c'était toujours comme à la fin, toujours les mêmes célébrations. On revivait la fin du monde une fois l'an, partout où grossissaient les ombres si démesurées qu'elles semblaient pouvoir annuler en chemin, toutes les illuminations de l'été.

Les vieux buvaient encore sous les platanes, on voyait sur leurs gueules la chaleur qui remonte par les tonneaux de vin. On attendrait qu'il pleuve, ou qu'il vente pour rentrer les bacs à géraniums et les chaises de jardin. Ici, du tonnerre de Juillet on s'en souvenait, par delà les décombres, il avait fait grand bien, balayant les anciennes demeures où le malheur frappait toujours, la foudre était tombée sur le grand chêne rouge, cette fois, il n'en resterait rien. On parlait d'un malheur ici, on espérait encore que la force du vent puisse détruire en même temps le souvenir funeste de ces gens qui portaient le malheur avec eux, trop sûrs d'eux-mêmes pour qui la cruauté semblait une force à offrir en modèle ravivant la faiblesse d'en finir avec nos faiblesses, mais on n'en soufflait mot, ce qu'il restait d'embarrassant, venait comme une maladie qui courait encore dans le ciel et l'on se sentait vaguement étranger, tâchant de se protéger au mieux de ces gravités trop humaines qui creusaient des tombes en dedans. Que n'auraient-ils pas fait, ces ambitieux, pour obtenir l'assentiment du plus grand nombre ? Hélas, ils l'obtenaient. Ils parlaient à tort à travers et les autres écoutaient, attrapés par les belles formules, des mouches attirées par le miel et ces semblants d'amour qui venaient flatter par défaut le manque. Aucun des spectateurs ne saurait dire si la source d'un tel amour n'était pas remplie de poison. On ne pouvait plus répondre aux questions, miel et poison, c'était dans l'air. C'était là notre vie présente, on en ferait un commerce égal à nos fausses compassions. On ne pouvait ni juger, ni s'y plaire, on écoutait en prenant garde de ne pas se trouver happés par la trop vive lumière que des ombres moins prévisibles écraseraient un jour en passant.

Sous la toile aguicheuse patiemment ouvragée, il y avait des doublures, des motifs piqués de frelons, un tissu cachant la vermine, des peaux de bête qui sait ? Et les monstres grimés allaient comme des loups de légende, poser cette caresse aux carrefours où des colporteurs faisaient feu de tout ce qui restait. Jusqu'au bistro d'en face on retrouvait les moues les mêmes, depuis des siècles, des créatures obscènes des chapitaux romans et des masques de plâtre. Les femmes aussi, elles portaient leur silence en dessous, à force de devoir endurer toute la boue que les hommes éconduits avaient dû déverser sur elles. Sous des coiffes impeccables et les fausses dentelles, elles pouvaient ressembler tantôt à des sorcières, tantôt à la Sainte Vierge, dont le visage, sans aspérité révélait une férocité naturelle qui faisait douter de leur sainteté, on ne pouvait plus dire si leur joie apparente était une peine ou leur peine un rire plein de méchanceté, de rancoeur ravalée jusqu'au sacrifice pour leurs mères elles mêmes sacrifiées. Aucune image, ni aucun livre n'avaient osé clairement nous dire si cela était faux ou vrai.

On marchait quelques kilomètres plus haut, la terre couvrait de souvenirs l'histoire de ces conquérants courageux. On retrouvait émerveillés les premiers écrits des trouvères, ceux du jeu de parti sous le palefroi d'un chevalier, dans les formules abolies on prenait soin de s'abolir ainsi, tout alentour allait aux pas de ces anciens poètes-guerriers partis un jour forcer les portes de la terre. On appréciait encore le charme des fenêtres à meneaux, on se promenait dans les chapelles où sous les voûtes en berceaux, on pleurait seul mais tranquille. Après s'être isolé par cette apaisante lumière, on se retrouvait dans la rue d'une ville, on se sentait perdu, vendu, défenestré, redirigé à contre-coeur vers ces nouveaux commerces où plus un seul humain ne pourrait bientôt choisir d'aller seul sans se trouver brusquement isolé, (encore qu'il reste à préciser, la différence à la fois intime et infirme entre la solitude et l'isolement). Ce nouveau monde nous forcerait-il à appartenir, (qu'on le veuille ou non), à quelquechose d'infiniment plus désarmant que la solitude ou que l'isolement ? Oui, et sans grâce, pour l'heure on se sentait presque obligé d'en accepter l'exubérance, et sa loi, cette inanité.

Lentement, on verrait se tramer les éclats de ces petits mondes, un mirage pour chaque chambre, cela nous donnerait-il la somme d'une totalité encore insuffisante ? Des vies où nous ne serions plus ni assez seuls ni assez libres pour réfuter nos dépendances. Cette nouvelle religion était si expressive, si idéalisée, que par mégarde on s'y logeait comme rien, galvaudant nos secrets, jusqu'à ceux qu'on avait juré de ne jamais trahir, pétri par cette masse, embarqué, on acceptait d'y étaler maintenant nos amitiés pareilles aux marchandises, pourvu que nous soit accordée, un court instant, ce peu de reconnaissance qui nous "fait", celle qu'on croit toujours mériter ; comme si tout était histoire de "mérite". Pour quels égards encore, serions-nous prêts à nous laisser "choisir" ? Envisagerions-nous aussi naïvement l'idée que la seule valeur défendable à ce jour fût encore la liberté d'expression ? (de chacun, bien évidemment), une fiction parmi d'autres, tout comme l'intelligence (du coeur ?) que mon ingratitude ne me permettra jamais d'exalter à si bon compte, mais ce regret inconsolé trouvera peut-être plus de sérénité à savoir qu'il est plus facile de montrer ce qu'on n'a pas, que de se regarder au miroir de ses propres contrefaçons.

Bientôt, il y aurait des courses pour chaque histoire, de compétition en compétion, des preuves au transfert de ce mal, le retour de toutes sortes de préventions, maldonne organisée pour le bien du grand nombre : retour de la morale, prise en charge de l'expression de nos forces diminuées et toutes les trahisons de nos plus grands espoirs seraient à mesure consommées. Il y aurait l'oubli de ces merveilleuses constructions, l'écroulement des cabanes pour d'autres garanties, plus solides, tout cela permettrait de nouveaux paysages. On construit déjà les maisons. On met aux loisirs tant de pages, au catalogue quelques balises et des combinaisons pour grimper dans les arbres, le retour à la vie sauvage encadrant les nouvelles colonisations. Il nous paraîtra encore délicat de poser autour de ces miasmes des bâtons d'encens parfumés. Ou bien, on ira dormir dans la crasse, par les ruines volées, imparfaites, un instant détaché de tous, scrutant le vide omni-présent dans la nuit qui vient à rebours et sous la bonne étoile qui nous relie aux trois mille autres, visibles à l'oeil nu, peut-être choisira-t-on de ne pas voir, de n'y puiser que le néant, l'immense empire impénétrable ou le noir à portée, cependant il faut toujours un peu choisir, quoiqu'on en dise ... On cherchera encore ce qu'il y aurait de charme à vivre, pas plus que le présent, pour tout le peu qu'on sait, intraduisible. On cherchera.

Photo : Si l'hiver vient comme un mouton, il s'en ira comme un dragon dit un ancien proverbe hivernal. Mais ce pays n'est pas l'hiver et la bête n'est pas le cerbère du temple de Salomon, c'est juste un doux fauve pétrifié par le temps, saisi là haut sur la montagne, on ne le trouve que si on le cherche, il est caché par les buissons près des cailloux sous lesquels remontent les légendes anciennes comme celle d'un trésor qui se trouvait enseveli sous une pierre tournante, dans ce monde, (le notre) la bête garde encore de nombreux souterrains, je vous ramènerai peut être un (certain) jour quelques extraits de ces  légendes encore vives qui viennent de la Montagne de Dun, dominée par une minuscule chapelle. J'ai sous les yeux les notes de trois érudits de ces mondes (Mr Jean Virey, les abbés Paul Muguet et Henri Mouterde), qui ont narré dans un ouvrage admirable, paru en 1900, l'histoire de "Dun. Autrefois, aujourd’hui". Rien à voir avec notre monde... Petite promesse, peut être à suivre...

Photo: © Frb 2010.