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mardi, 14 avril 2015

Rondeur des jours

Que d'années à se défaire du pli, à se délester des chimères, à se décrasser des niaiseries, à rompre le cercle étouffant de la faute et du rachat, à prendre le large loin de ces tenaces mais si touchantes impostures auxquelles butent les furieux élans de l'enfance façonnée dans la cruelle chasteté et le miel du respect, et qui doit tenir sa langue en attendant que vienne l'heure où la rebellion fusera au grand jour comme germe une plante après un long hiver.

LOUIS-RENE DES FORÊTS  in "Ostinato", éditions Gallimard 2000,

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Pour ne plus avoir peur des questions de  Samuel Wood:

 

Comment chanter sur un registre moins pauvre ? 

 

Tout cela qui fut, qui est l’éclat du moment

Étrange sans doute comme les métaphores des rêves

Offre une vision meilleure du temps

Malgré tant de figures réfractaires

Qu’en dépit de plus d’un détour

La langue échoue à prendre dans ses pièges,

Mais bien loin de se tenir à distance

Elles rayonnent assez fort pour que s’exerce

Au-delà des mots leur hégémonie souveraine

Sur l’esprit qui, grâce à elles, y voit plus clair

Quand il ne se laisse pas dévoyer par la phrase

Avec ses trop beaux accords, son rituel trompeur

Auxquels s’oppose en tout la communion silencieuse,

Ce feu profond sans médiation impure.

 

Ici: Rondeau pour une basse continue et des petits tambours. Un aperçu de rude hiver, où les instruments artisanaux dits "en forme de lune" tiennent encore au domaine, (Dieu sait comment !), on appelle ici Dieu, tout ce qu'on ne sait plus nommer.

Demain: de frêles bourgeonnements juste un balbutiement, rien ne se perd, etc, etc...

promesses: la naissance du printemps, Cupidon caresse la Tulipia Grachinea aux jardins engloutis, Rémi et Colette ramassent toutes les violettes dans le pré pour faire une surprise à maman.

En douce: l'effraie au guet des petits animaux de l'aube et de la nuit, redevenus farouches, aucun d'eux désormais n'oseront faire un mouvement.

Ailleurs: les dimanches en famille, sur l'air de "ils cueillent des jonquilles"

De nos refuges, pas un mot pour le dire, rien que du fragmentaire, pas de printemps officiel, un prélude, en hommage aux amis disparus et réapparus, avec récital de bruissements devant une société de colibris-pêcheurs et mésanges d'Amérique, de hérissons très doux, d'écureuils pas très clairs (le panache cache les taches de rousseurs + un soupçon de hold up dans les noisetiers de l'amicale écologiste) et les autres: oryx, algazelles aux abois, "la fée" et sa demeure, fidèle itinérante, lutins bleutés, anachorètes, à pieds ou rossinante, qui vont par les chemins en guêtres de pollen, créatures à l'âme singulière qui ont toutes appris le linta à l'ocèle de l'édoubrille et pourraient réciter par coeur les poèmes de Samuel Wood en charmillon, ils se reconnaîtront.

Laissant courir ailleurs le temps, les mots, le murmure des forêts, demeurera inchangé, même après les travaux, pendant que le bûcheron finira de boire sa bière en jetant les canettes dans la clairière, (à cette nouvelle décharge la beauté, à la serpe) hommage à "Serpe d'or", une bouteille à Nestor, trouvée dans la rivière par les lierres et les algues, "nous sommes liés quelque part", c'est là une évidence même quand la boîte retarde sur un mode unplugged, mes excuses ajournées et des remerciements à ceux qui ont écrit, avec mes voeux de Mai, à ce train là, ils glisseront sur la vasonnette de Juillet, mince indice, les courriers ne partent plus, et je laisse en état, un malin musicien qui ne manquait pas d'humour (enfantin même potache) aurait pris quelques ronces frottées sur un vieux tronc pour écrire "j'ai été coupé", ainsi sortir des bruits, un beau son, et sourire du reste, il l'a peut-être fait... 

Avec des si : du murmure au cri des forêts, il manquerait peut-être un pont qu'on ne sait plus franchir, pas de cri, rien que le souffle du vent qui tient lieu de parole et de souffle, simplement.

Nota : Si vous le souhaitez vous pouvez effleurer les images, pour ceux qui aiment voir les saccages en plus grand ce qui n'est pas mon parti-pris, moi, je ne dis rien de précis, ni vrai, ni édifiant, je montre ce qui existe, des espaces aux limites qui, peut-être nous regardent...

 

Là bas , Frb 2014-2015

samedi, 01 novembre 2014

La mémoire hors des équilibres

But if you could just see the beauty,
These things I could never describe,
This is my one consolation,
This is my one true prize.

JOY DIVISION : "Isolation" extr. du second et dernier album "Closer". (Factory Records, 1980).

Si vous ne comprenez rien à cette histoire vous pouvez toujours cliquer sur l'imagesol cendre.JPG

Ici, on achève patiemment la mémoire du dernier soldat vivant oublié sur la dune, parlant seul aux étoiles, cherchant Orion et la grandeur de l'ourse quand tout finit à l'horizon et qu'il n'a plus assez de munitions pour s'en griller une en silence. On lui envoie bien le poison par signaux de fumée qui montent du fond de la vallée, et le cristal de soufre réanime son berceau. Peut-être est-ce une intention religieuse ? Ou la frénésie collective qu'il attrape de son regard mort aux choses qui persistent dans la gaieté et l'insistant désir de communication. La foule a brûlé son cerveau. Il en a vu tant et tant eu dans la ligne de mire que l'écran diffusant soit disant son histoire sous les grands chapiteaux soit disant financés par des constructeurs d'Algéco, ne lui parait au fond que de facétieuses entourloupes nées des chiffres ignorant la marge de manoeuvre des derniers primitifs, ceux là aux visages oubliés en ont tant vu aussi, que leurs yeux noirs troués de suie, ne peuvent plus supporter l'idée même de la lumière. Cheminant désormais dans la fine poussière des talus, ils biberonnent à tâtons, les veines aux poignets des jeunes filles, baroudent l'âme de ces créatures qui livrent leurs corps de débutantes à ces pourvoyeurs d'anciens mondes. Sur ce gibier doux à mourir, ils folâtrent, accueillent le mouvement de ces vallées à reconstruire où désormais ils ne pourront plus rejoindre leurs épouses sans un regret, ça ressemble au dégoût. C'est rester là, intacts, renoncer à la renommée, ou se trahir et devenir héros, condamnés à transcrire le vieux crime en livres d'images préfacés par des vedettes de la télévision, ou des poètes qui se donnent en spectacle, ils assureront désormais notre avenir. Le pays natal rétrécit. Les enfants collectionnent les livres de dinosaures, des photos de martiens, des panoplies de prédateurs sous forme de combinaisons étanches fabriquées en Chine, imitant l'acier brossé, emballées dans les sarcophages. Les femmes, elles ont le souvenir de ces très jeunes garçons, soldats tristes et vaillants dans leurs costumes de guerre, tandis que meurent près des talus d'augustes vieillards à cheveux gris virant au bleu comme les brumes du couchant. Ce sont les mêmes qui jadis emmenaient tout le monde au manège, ou au cirque, et le dimanche parfois, vêtus de bleu sombre et de blanc, ils allaient à la messe. Ce sont les mêmes qui renversaient les imprudentes et les visaient nues dans les champs, ou leur faisaient la conversation gentiment, en effeuillant la marguerite, premiers pas de la ritournelle... Aux talus vert-de-gris atomisés, tout cela nous revient et se met à tourner en rond. La terre grouille et se fend. Le vent retourne la vallée où se lisent les chiffres alignés des nouvelles numérotations. Dehors sur les bancs des marchés, dehors c'était notre vallée où des constructeurs d'Algéco déroulent avec un gant discret le plan d'un énorme projet qui détruira le Nombre d'Or.

   

Photo :  Un fantôme sur un lac cendré. Tracé quelque part près de la Tour Oxygène, un jour de pluie, dans le quartier de la Part-Dieu à Lyon. Nov 2009.

Retouche : quelques années plus tard, texte revu et corrigé, un jour de pluie, pas loin de la tour Incity près du quartier de la Part-Dieu à Lyon. 

Un ban pour les rivages, et pour tous les voyages lointains ou proches, dédicace en passant aux étranges rêves de Marc**, merci à lui, (Wait and see, amigo...)

Quelque réflection de ma rue s'échappe jusqu'aux attractions nécessaires de Mister Ernesto Timor**. scuzi (l'impardonnable et des crucifixions... ;-), l'ordi demeure en-rade, la crémière unplugged, des champs mu(ai)ent dans les gares, mes champs perdus fumant du caquet des mégères, je n'ai pas re-branché, je remets l'échappée à plus tard, voir très tard, mais pas trop; (I hope so) no soucis (eau de là) peut-être, à Benito ou à Lyno ? Aux forêts de la Céruse ? ... voir le livre ! (sans mourir).

 

Lyon © Frb. Novembre 2014.

vendredi, 20 décembre 2013

De plus en plus léger...

Ainsi la vie n’est que le rêve d’un rêve,

Mais l’état de veille est ailleurs. 

R. M. RILKE

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A l'heure au semblant lourd on s'éveille allégé dans un pays couvert du mot qu'on ne sût dire, quand la neige envoûta chaque son, peu à peu, referma les accès des cabanes aux hameaux, quand la porte du ciel s'entrouvrit, j'aperçus au seuil de ce refuge où je me tiens cachée, le roi de la forêt s'avancer en personne - le roi qui d'ordinaire se contentait toujours de laisser flotter son esprit dans le notre, si bien qu'on avait cru que c'était notre esprit qui s'était enneigé - salua lentement et quand il s'approcha sans ôter son chapeau (un vrai roi des forêt n'ôte jamais son chapeau, s'il le fait, c'est un faux), je sentis remuer un peu ses lèvres blanches, aucun mot n'en sortait, mais je pus lire encore, sur l'étrange visage une liquéfaction qu'aucun roi de la forêt ne devrait dévoiler aux hommes, sinon, un grand malheur ... 
 
Le roi était si vieux que son corps se voûtait, du moins, j'imaginais. Et quand ses os craquaient, on entendait aussi le bois mort crépiter comme à ces feux de joie nous étions consumés. Je ne sus combien d'heures le roi avait marché pour arriver ici, du ciel jusqu'aux terrasses, où coincés comme les autres sans fenêtres, ni accès nous guettions dans le ciel, si nous pourrions demain dégager les chemins, et nos pas s'enfonçaient vers la molle clairière, les neiges jusqu'au genoux, nous pensions que demain le chasse-neige passerait, demain toujours demain.
 
Le roi de la forêt ne connaît que l'instant où il nous apparaît, parce qu'il est immortel, du moins c'est ce que raconte le marquis quand il boit l'eau de vie de cerise qu'il est saoul à pleurer, jusqu'à perdre le souffle. Hier il s'est vanté d'avoir croisé la reine, au même endroit où moi j'avais croisé le roi, certain qu'un d'entre nous forcément se trompait, sûr aussi que le roi et sa reine invisible sont revenus de loin, pour dire à la forêt ce que tout homme espère, la givrer dans nos yeux qu'elle y vive à jamais, il parait c'est ainsi qu'aux veilles de catastrophes c'est ainsi à ce qu'on dit il parait. C'est écrit.
 
Mais nous on n'en croit rien, ça fait déjà longtemps qu'on se tient loin des bruits du pays des vipères, d'où vient autant d'ennui que toutes les balivernes qu'elles profèrent et le fiel ça tombera comme les pierres qui encombrent nos âmes et c'est à ça qu'on croit, quand l'ennui qui sépare et jacasse à travers, louera ces nouveaux rois chez les coqs de bruyère perchés sur des parpaings bordés de lotissements qui nous font des cimetières autant qu'une porcherie où l'on n'irait même pas gagner une tête de lard au jeu de la marelle tant le relief est lisse, tant d'osselets s'éclatent à cloche-pieds vers l'enfer, tant on se divertit pour oublier la vie, tant les joueurs de cartes finissent mauvais perdants et se foutent sur la gueule à force de vivre toujours dans un décor sans arbres.
 
Enfin, tout ça pour dire que j'ai même vu le roi écrire deux ou trois mots dans la neige du bout de son pied nu givrant deux ou trois fois mon esprit dans un drôle d'alphabet, une dictée lumineuse sur la mousse en paillettes je ne sais si j'ai bien vu les cercles qu'il enlaçait, caressant silencieux, la terre, avec du feu qui crépitait dedans. Puis le blanc fond en pluie, les esprits des forêts qui vivent sous nos habits, ont ramassé le bois, ça ferait une bonne desserte, on donnerait un bal, il y aurait les amis, des anciens du domaine, puis des choses à manger, les confitures de mûres, de la crème de châtaignes, y aurait aussi les bêtes, le petit lièvre et la biche, l'hérisson, l'écureuil, et le loup, (sous réserve).
 
Je ne comprends pas tout bien, j'apprends à lire la neige, elle s'efface à mesure sous mon pas, me rappelle un faire-part qui troué de dentelles autrefois dégustait nos saisons dans la pâte à matefin. Je ne sais où retrouver le sentier qui montait tout près du lac lunaire, c'est notre patinoire, faudrait qu'elle soit brillante qu'elle scintille dans la nuit, faudrait que la clairière ne se referme pas si j'arrivais en retard, moi qui ne sais plus lire l'heure, je ne pourrais pas comprendre qu'on ne la laisse pas courir là où le vent nous mène ainsi que les nuages qui se figent en brouillards. Je ne connais pas ces gens qui brusquement avancent découpant sur nos bois, leurs poutres et leurs tiroirs, je sens le temps qui passe et mon pied doucement cédant aux flocons blancs qui se change en glissade, je n'entends pas ce cri qui monte battre les portes aux ruines des forteresses, le mauvais temps qui règne vient chez nous sur des chars avec les fossoyeurs, ils n'empêcheront jamais ce gros geai de malheur de se goinfrer tout seul des petits grains sucrés qu'on pendait ça et là en filets dans les arbres pour nourrir les mésanges. Un sac à lui tout seul, ils n'ont pu le chasser, ce n'est pas leur métier, à chacun son travail.
 
La nuit ça recommence, on sent l'aile du gros geai hanter notre sommeil, on entend des flonflons c'est au bourg, c'est ailleurs, c'est avant, c'est l'appât des vitraux sans seigneurs, c'est au bal introuvable dans une cathédrale qui aspire l'eau des sources, on a vu les rôdeurs soupeser le royaume ; dans la forêt ça roule avec un dragon jaune écorçant la vallée. Je ne sais même plus pourquoi j'avais ouvert les yeux, le roi était en sang, couché dessous la neige ça faisait des brindilles étoilées de la sève d'un tronc couperosé, je ne sais pas pour quelle chose chaque nuit quand je dors, le roi revient compter le vieux temps qu'il nous reste et penchant lourdement, son corps pris sous le gel, vient fondre dans mes bras. Lui qui ne connaît même pas le langage des humains, a parlé comme un livre, de ces hommes vigoureux qui sont chichement payés pour offrir aux jeunes filles des jupons de résine et les belles toques en plumes de nos mésanges bleues.
 
Le marquis a torché, un dernier, vaporeux, remue ces souvenirs dans l'eau de vie de cerise, parle dans son sommeil, quand l'oiseau de malheur mangera le dernier grain on sera dans la cognée. On a vu les engins, qui remuaient St Cyr, des chenilles avancées, on a vu l'écorcheur détrôner les bonhommes, et les rois et les reines décalquer sur nos figures la courbe d'un rocher.
 
Si notre esprit se meurt d'une légende à peine et si l'oubli nous vient, du festin, la charogne un matin se révèle, déterrant le trésor pour le voir entaillé, du froid tombe les nids sur quelques notes de givre. On ne sait pas trop comment on pourra vivre ainsi. On a cru aux esprits du semblant qui nous vit debout droit dans nos bottes à guetter la ténèbre qui efface mon pays, et nourrit le gros geai.
 
Le fossoyeur creusait les cristaux du palais, on trouva près des nids sur des hectares encore, des arbres endormis couchés dans les genêts, le banquier a salué le roi de la forêt (un vrai roi de la forêt ne salue pas un banquier, s'il le fait c'est un faux), Dieu sait quelle fantaisie de brindilles et d'écorces il pourrait imiter qui viendrait nous charmer pour nous faire endosser ce carcan de bois mort qu'il ne peut plus porter. Peut-être on le suivrait, comme les autres ont suivi quand ce croqueur de sort, s'empara de nos laines et de l'agneau meurtri se fit un blanc manteau, si tu racontes encore qu'il a volé l'habit que tu portais hier avant la catastrophe, personne ne te croirait et cet affreux gros geai qui trame avec le monde que notre banque honore, irait chanter partout qu'on lui faisait du tort, à se mettre en travers ses projets futuristes ; alors on les verrait revenir de la nuit, ces espèces de coucous, les busards, les harpies, et le fameux condor. Dieu sait quels drôles d'oiseaux nous tomberaient dessus...
 
 A suivre si... 
 
 
 
 
 
Photo : Le roi de la forêt coiffé par certains jours. A noter qu'un vrai roi de la forêt ne se laisse jamais coiffer, (même par certains jours), s'il le fait, il enrobe, couvrez bien vos oreilles avec un petit mouflon)
 
 
 
 
 
Pays perdu © Frb 2013

vendredi, 04 janvier 2013

Ne t'efface pas

Il semble que la vie restera toujours inachevée. Mais on demande une chance supplémentaire.

André DHOTEL : extr. "Le pays où l'on n'arrive jamais" éditions Pierre Horay, 1995.

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C'est entre deux temps, l'un volontairement ralenti que je trouvais dans une valise, quelques fragments d'un livre de André Dhôtel, un auteur magistral, dont l'esprit merveilleux à chaque lecture semble nous restituer un pan secret de l'univers. En ouvrant quelques pages du livre à l'aveuglette, je tombais pile sur cet extrait, il semblait que cela pouvait convenir à ce point de l'année (ou de la précédente) grosso-modo à la croisée, de l'heure et du retard, jeu de broderie là bas, et ici ravaudant entre la fin du monde, et les petits commencements coutumiers, des suites à griffonner sur des vitres où le ciel et la terre sont au mieux une image, au pire, un idéal.

A part ça, quelquefois, on ne peut que broder. Il n'y a plus de frontière dans le calendrier. On profite des grisailles, on ne veut rien louper de cette heure quand des brumes tirent les personnages là, au milieu du ciel, dieux du flou, parenthèse incomplète, allant à l'opposé de nos jours saturés, de nos voix vivant moins en nous qu'au dehors - autant d'yeux/ d'autres voix ne cherchent plus entre elles à se persuader qu'elles seraient plus réelles qu'une parole, remueraient ciel et terre pour un mot déplacé, vérités comme une masse à la fin capturée, c'est un seul homme qui clame - je suis vrai- je suivrai la parole d'autres mêmes - et la mienne effacée, se dissout dans l'espace, il n'en reste qu'un trait, un peu de brume encore. Des petits trains muets longeant la voie ferrée, croisant quelques remblais. Ensuite ça redémarre. Toujours on dérivait. On voyait quelques hommes qui passaient leurs mains par la fenêtre, faisaient des moulinets devant l'expostion des tableaux alignés, variés ou tous pareils. Est ce que ça importait ? Vues d'un train, des clôtures aux fenêtres, arrimées à ces lettres: un verrou par sujet, gardant la citadelle. C'était là, le pays où l'on arriverait.

Le cantonnier qui balayait les dernières feuilles est venu ramasser les sapins de Noël. C'est comme l'année dernière, à quelques détails près. Puis l'an d'après ça rebelote : automne hiver printemps été...

On aura trouvé de l'agrément à chercher simplement un quai, dans un endroit paumé sans panneau, ni frontière, pour s'offrir une escale au pays où l'on n'arrive jamais. Moins qu'une formule désespérante ça demeurera toujours un supplément discret ou de la nonchalance et parfois un peu d'ombre nous retrouve en silence. 

Le cantonnier qui volait dans le ciel avec les feuilles mortes ne dévoila pas les secrets que nos coeurs emportaient, son pas l'invitant à marcher sous les arbres, juste avant le passage qui va de l'ombre à la lumière, une étincelle, à peine, tenant encore le reste.

On n'aurait aucun mal à se pavaner tranquillement d'une rue bien pavée jusqu'à l'étendue paisible autonome des fourrés, des forêts et des étangs sauvages pour y cacher son faix, se fondre à l'épopée, retourner cahoter, aborder les sentiers afin d'éprouver les limites de ces foules, de ce corps roulant comme la feuille entre les joncs bleutés, longeant un peu les baies, là bas où l'on se dore, jouant dans les reflets d'une barque retournée à l'envers.

On ramène des images sans chercher à savoir qui tournera la page, s'échouera à moitié, tourne ou sera tourné. On entendra les cornes de brume: un son qui ne dure guère, dont l'écho s'éternise et ne vaut pas qu'on laisse ainsi cingler l'espace.

On serait heurt / spectateur, dans cette marge exsangue retenant l'échappée, elle prend de si loin l'objectif, fait exprès de rater son but, aborde le vieux singe qui se perd sous son arbre. On continue à vivre dans la réalité - je vous jure que tout est vrai, ma bouche, mes yeux, mon nez ! et mes chaussures de marche qui marchent dans ce pays, pour serrer le vieux singe et ses gros doigts carrés, s'il referme sa patte, le pays disparaît.

Toi tu dis - c'est pas vrai ! ça ne peut pas exister, tu parles comme une toupie, on va pas tout gober/ utilité d'un mot allant à l'objectif, louant celui qui joue le rôle de s'échiner, des mots pour amuser. La galerie nous enflamme, quand on veut converser c'est un fragment du bruit. On peut tout laisser dire. On entendra les cornes, un paysage de brume, nous mènerait à l'impasse, désolant comme l'ennui. On s'étonne. Que sais-tu, de l'ennui ? De celui qui l'éloigne ? Qui parle aux animaux et voudrait faire sa vie au pays où l'on n'arrive jamais.

Tu n'es pas étranger près de cet étranger, il paraissait tenu par un autre défi, on voudrait essayer de déjouer l'oubli d'un partage advenu.

Il resterait longtemps assis là, sur sa borne, à attendre, on ne peut pas signifier qu'on s'était lentement perdu dans le langage / ou le plus simple mot/ butant sur cette ronde qui invite à marcher/ la tête dans les épaules. Tout brillait si gaiement, vu d'en bas chargé d'armes, contre les jours maussades, il y a des parades. Faut-il s'en contenter ?

Lui, il conserve sa part, il n'alignera pas ce peu de force vive pour s'égayer d'un bruit, qui va dans les objets émettra le bruit grave de les accumuler ; des peuples s'y enivrent, ces voix dont le prestige est un terrassement encore abstrait, détruiront le réel, on ne sait pas comment, ces voix colleront sur nos bagages un label "qualité" après quoi on pourra s'enfuir, ou bien l'on se retire, et le point de départ sur le point d'arrivée, n'est qu'un pas de côté pour se griller la place. Le corps embarrassant, nous bâterait comme un âne qui voulait lui aussi trottiner sous les arbres au pays où l'on n'arrive jamais.

Quel diable les possédait à vouloir s'évader ? C'est bien pour nous aider qu''un jour ils nous rattrapent / aider ? / ah ? / réussir ? / mais réussir quelles vies ?  

On libérera le livre, il flottera sur l'eau calme pour les cent mille ans à venir. Il passera de main en main, d'aussi près qu'il paraissait n'ouvrir sur rien de précis. Une empreinte animale contre une tête d'homme usée se couronnera de phrases annonçant le déclin de nos civilités.

Des signes extraordinaires dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur la terre, les peuples paralysés de frayeur devant le fracas d'une mer démontée./ (Luc 21.25-27). Là où l'histoire s'arrête, n'en retiendrait-on rien ? 

Ou si peu de nous réunis, s'il n'y avait pas ailleurs un sourire dans les yeux du passeur, posant son galurin près de nous sur la rive, nous voyant à genoux et avançant sa barque, chuchotera encore :

Il y a dans le même pays plusieurs mondes véritablement.  

Le présent, le souvenir, cent mille ans à venir. Laissera-t-on filer l'homme embarqué comme l'enfant parti on ne sait quand avec quelques copains allés si loin, qu'il revient seul, presque au point de départ. Encore si près de nous qu'on croit l'avoir déjà rencontré quelquepart, quand d'autres pourraient jurer qu'ils l'ont vu chaque jour, seulement tourner en rond, depuis les cent mille ans qui ont passé, si vite, et autant à venir.

C'est peu, pensera-t-on, en guettant sur l'horloge l'heure de ce rendez-vous, des milliers de secondes à raconter l'attente. A ne penser à rien ou bien à regarder ces foules au coeur du monde se faire une place au soleil. Quelques cornes qui grondent et la monnaie sonnante dira que tout va mal/ ça ira mieux demain. Rien que de l'ordinaire. Cent mille mots de conquêtes à la fois fausses et vraies, aucune qui n'ait pas balisé d'avance nos trajets. Cent mille jours de silence rendant force à ce souffle dont l'immédiateté repousserait un instant celui de s'effacer, ne pourrait rien connaître de ce patient retour qui toujours nous retient. Où est notre mémoire ? Qu'y'a t-il après rien ? / Que dire pour que tu saches ? / Une terrasse de café/ simplement/ presque rien/ des années-lumière/ une seconde/ où mon pas se glissait/ dans le tien/ pour aller regarder les étoiles.

 

 

  

 

 

photo: Là bas. Une image embarquée. Buisson flottant et des coraux.

 

Nabirosina © Frb 2013

mardi, 01 janvier 2013

Arrive que pyante !

Y z'y a eun'an, tot l'monde d'jot qu'2012 s'rot pas terrible mais qu'y irot mieux en 2013. A çt'heure nos entend dère qu'y s'rot putôt en 2014 et encore, qu'y pourrot s''arrandzi. Y m'fait penser à la Mère Martin qu'fayot avancer sa bourrique en li pendant eune carotte d'vant le nez. Mais la pourre bête arrivot dzamais à la rattraper... Dze crais qu'si nos arrivains à faire ç't'année tot c'que nos ans pas pu faire l'an passé, y s'rot dj'à bié.

Extr . des Libres propos du PERE MATHURIN, extr entretien in "La renaissance" hebdomadaire régional N° du 4 Janvier 2013, n°4062 (1,50 euros seulement, à la maison de la presse de votre bourg)

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Nota primau :D'zai mis le tçépiau à pieume et les sabots d'zai fait un pt'chet discours en patois tçarolais "ordinaire" par la voix du père Mathurin, comme nos dit audzord d'audzord'heu,  p'amusé l'monde y p'faire le pendant au biogue du Drolan mieux connu sous la pieume de Solko, que fait des voeux du tonnerre en patois lyonnais et tot le monde z'ya le droit d'y lire, tant que c'est à l'oeil tot le monde peut y faire en y cliquant dans le bitonio (qu'éto un mot pas de souche patoise ni tçarolaise ni lyonnaise mais que s'adresse au monde qui sait causer dans les gougueilles ou qu'y z'y touitau ou les amis qui vont dans la tête de bique comme les gognants du tsarmillon s'en vont le mardi au marché de la queue rousse.

Le lien qu'étau par dessous faut appuyer dessus un chti coup avec vot' manivelle ou le traque-pattes et :"qui l'aura beau le montrera".

 

 http://solko.hautetfort.com/archive/2012/12/31/qui-l-aura...

 

Nota deuziau: si z'y en a un bon tas qu'mant fait savoir qu'z'y étaint pas bin contents, ou se faison du souci dipeu la fin l'andouze pis l'début de l'antraise où d'zai trainiaudé d'zai dit y'a pas mal d'années qu'ici y'étot que du tç'antier et de la trainiauderie, rin d'autre, y'étot pas autrement dze dis ç'que d'zvoux quand d'zen ai envie y sera pareil à l'antraise mais si un dzeu d'zarrive à êt' moins faignante d'ze ferai t'sonner la cloche, mais d'zm'ai dit qu'au pouyot y faire bié d'boulot d'pu que la bête arrivot dzamais à rattraper ct'engin d'malheur qu'a tchu, et que marchot moins bien que ma bourrique. Mais y m'fait todzos piaisi à y causer aux feunnes et aux gars, à tot l' monde qui irot farfouiller sur ctu biogue depuis un bon moment y'm fait piasi d'autant que si z'y farfouillon pas, n 'y aurait pu rin du tout.

Tant qu'on peut y faire à not' guise qu'on nous donne pas des coups de triques, srot djà bié, mais ct'antraise nos se laisseron pas martsi sur les pieds, srot pas plus mal ainsi.

à toutes et toutes j'y t'chouette 

Bonne Année de l'antraise (et surtout la chantée)

(et n'allez confondre les beaux voeux avec les beaux viaux, même si l'viau doux est toujours d'bout) (j'y r'note un aut'coup, ça veut rin dire c'est juste pour faire une fantaisie) 

Notatreziau : J'ajoute en français (c'tu coussi) que si le patois tç'arolais du Père Mathurin est d'un patois "ordinaire" très correct le mien est approximativement bricolé, m'en excuse auprès des puristes, "y faut bin faire d'z'erreurs avant que de y être parfait" a dit le gars qui a construit le bacarouler du côté de Vendenesse, comme c'est pas si facile de tout y faire entrer d'un coup dans notre serre-veau, je vous laisse ci-dessous des liens si le parler patoisant vous intéresse, vous trouverez là, un atelier de recherche linguistique très sérieux à cliquer ci-dessous : 

http://www.publibook.com/librairie/livre-universitaire.ph...

http://aune.lpl.univ-aix.fr/lpl/personnel/rossi/marioross...

 

Traduction du titre : "Arrive que Pyante" signifie "advienne que pourra", (sous entendu: peu importe ce qui en résultera). ex : "Faut pas s'laissi aller à l'arrive que pyante".

photo: Y'a des quoues d'vatses dans l'cié, i va pyoure d'ici deux dzos.  (Il y a des traînées nuageuses dans le ciel, il va pleuvoir dans les deux jours.). Saisie dans la rue principale du bourg boscomarien qui n'est pas exactement racholais mais nabirosinais faut quand même pas tout y confondre

Very special dedicace et autres précisions : Merci à celles et ceux qui ont participé durant l'andouze à ce blog, évident qu'ils seront bienvenus à l'antraise. Mes excuses assez plates aux amis, lecteurs et commentateurs auxquels je n'ai pu répondre dans un délai raisonnable à cause d'un beugue dans la boîte à maille qui dure depuis des mois, enfin une pensée pour mon ami Jacques qui pédale à cette heure quelque part entre les ch'mins du Sud et les brumes sournoises du Nabirosina. 

 

Bois Ste Marie © Frb 2013.

mardi, 30 octobre 2012

Le premier mouvement de l'automne

je vais entre des galeries de sons,
je flue entre les présences résonnantes,
je vais au travers les transparences comme un aveugle,
un reflet m'efface, je nais dans un autre,
ô forêt de piliers enchantés,
sous les arcs de la lumière je pénètre
les couloirs d'un automne diaphane,

OCTAVIO PAZ : extr. "Pierre de soleil" 1957, traduit par Juliette Schweisgut,

lierre.jpglier gm.jpgpourpre.jpgblues.jpgred.jpgorange.jpgtrio b.jpgpapillon.jpg

 

Nota : Pour visiter un autre premier mouvement de l'automne vous pouvez passer par  ICI

photos : Feuilles de route, un jour d'Octobre dans la forêt.

 

Nabirosina © Frb 2012

mardi, 28 août 2012

On rentre à la maison

Si la maison vous déplaît, en un clic dans l'image tout peut se remplacer.

 

on rentre à la maison,ailleurs,un nid,charme,campagne,dépaysement,pays,nabirosina

 

About the obsolescence :

On ne va pas éternellement s'encombrer de rêvasseries. J'efface donc le trait d'irréalité  et ni vu ni connu le remplace, biffant du même coup la vacance, le courant de rentrée ne s'y prête pas.

A noter qu'il y a peut-être une certaine audace dans l'architecture aiguepersironne qui saura naître, demeurer, disparaître sans l'assentiment de notre regard.

C’est ainsi que, selon l’opinion, ces choses se sont formées et qu’elles sont maintenant et que plus tard elles cesseront, n’étant plus entretenues.

 

Eclairages : http://www.fabula.org/actualites/parmenide-le-poeme-fragm...

Repérages : merci à Paul et Raidi pour.

Photoon the Aigueperse's road, made in Nabirosina.

 

Aigueperse © Paul-Raidi pour-Frb 2012

lundi, 20 août 2012

Roman-photos

monastic.jpgmonastique.jpgromane z.jpgmonastique k.jpgromane ff.jpgromane.jpgromane sd.jpgroman luc.jpg

 

 Photos : fragments d'une balade loin du monde qui est aussi, dans ce village, un beau voyage à travers temps. Ici nous sommes au XIem et début du XIIem siècle, pas très loin de Cluny, berceau de l'occident, au coeur de la pierre romane avec ses tons sublimes, sa blondeur envoûtante aux reflets d'une civilisation qui semble étrangement contempler la notre et même croiser nos préoccupations, (changement de siècle, confrontation à la violence,  à la crainte, relations avec les images et les formes,  fragilité de l'Homme, quête de spiritualité). Photographiés cet été, ce ne sont que quelques détails extérieurs de l'église de Bois Ste Marie ;  hélas, je n'ai pu, accéder à certaines sculptures en façade, que j'aurais beaucoup aimé vous montrer, mais l'église étant actuellement en cours de restauration, ce jour là tout n'était pas accessible, ainsi nous serons un peu privés de quelques curieux modillons, en attendant d'y retourner l'année prochaine sans doute... toujours à propos des curieux modillons (et autre "green man"), vous trouverez un petit éclairage perso :  ICI.

 

Liens et autres éclairages sur thème :

Pour découvrir en images d'autres lieux où l'art roman peut se visiter, le site universitaire du Boston College est une excellente source:

http://www.bc.edu/bc_org/avp/cas/fnart/arch/romanesque_ar...

Le circuit des églises romanes du Brionnais, en un regard qui peut même s'agrandir:

http://cep.charolais-brionnais.net/pages/roman/circuit3.htm

Une bibliographie très intéressante et vivement conseillée (peut accompagner le parcours) :

http://mydas.ath.cx/bourgogneromane/biblio.htm

 

Nota : Pour le jeu de l'été, (il en faut un, c'est comme à la télé), un intrus s'est impunément glissé dans notre roman-photos, le malheureux a dû se tromper d'époque. Le lecteur plein de sagacité saura-t-il le trouver ? On est au Moyen-âge, il n'y a rien à gagner sauf peut-être un séjour au royaume éternel, mais la recette de l'hypocras sera malgré tout offerte à tous les participants, (qu'est ce qu'il ne faut pas faire de nos jours... :)

 

Bois Ste Marie © Frb 2012

vendredi, 10 août 2012

Vitrailler (II)

”Écoute ! Écoute ! C’est moi, c’est Ondine qui frôle de ces gouttes d’eau les losanges sonores de ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ; et voici, en robe de moire, la dame châtelaine qui contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau lac endormi.
Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant, chaque courant est un sentier qui serpente vers mon palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le triangle de feu, de la terre et de l’air. Écoute ! Écoute ! Mon père bat l’eau coassante d’une branche d’aulne verte, et mes sœurs caressent de leurs bras d’écume les fraîches îles d’herbes, de nénuphars et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc et barbu qui pêche à la ligne.”
Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son anneau à mon doigt, pour être l’époux d’une Ondine, et de visiter avec elle son palais, pour être le roi des lacs.
Et comme je lui répondais que j’aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s’évanouit en giboulées qui ruisselaient blanches le long de mes vitraux bleus.

ALOYSIUS BERTRAND : "Gaspard de la nuit", Nouvel Office d’Édition, Poche-Club fantastique, 1965,

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Entre le poème d'Aloysius Bertrand d'inspiration gothique, et le vitrail non figuré d'art roman sacré, restauré finement par le maître verrier Rachid Ben Lahoucine, il y a comme un fil reliant la géométrie, les espaces et le temps. Le rêveur fantastique fusionnera t-il avec l'artisan médiéval pour permettre au promeneur de vitrailler à l'infini entre le soleil excessif, et cette pluie de giboulées ? C'est la question de l'été.

De l'église en campagne, aux palais ondoyants, les murs fondent sur un vitrail. "Qui ne fait chateaux en Espagne ?", c'est de Jean de La Fontaine, c'est aussi un work in progress qui consiste à croiser les lignes de là bas à ici...

Quant à la fascination d'Aloysius Bertrand pour les monastères, l'écho boscomarien filant chez "Gaspard de la Nuit" semble écrit noir sur blanc. Extrait.

 Les moines tondus se promènent là-bas, silencieux et méditatifs, un rosaire à la main, et mesurent lentement de piliers en piliers, de tombes en tombes, le pavé du cloître qu'habite un faible écho.

 

Liens plus ou moins buissonniers :

à propos du "Gaspard de la Nuit" de Maurice Ravel :

http://pianosociety.com/cms/index.php?section=168

à propos de peintres et vitraux :

http://suite101.fr/article/peintres-de-la-lumiere-et-vitr...

à propos du lieu où se trouve ce vitrail :

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/08/09/comme-un-dimanche.html

 

Photo: Le vitrail aux losanges silencieux a été photographié en la petite église de Bois St Marie, par un jour assez doux sous un ciel bleu comme un grand monochrome.

 

Bois ste Marie © frb 2012

mercredi, 01 août 2012

Volets vers...

CHAMELET : département : Rhône, code postal : 69620, population : 690 Habitants,  Altitude : 337 mètres,  superficie : 14.77 km2 ou 14, 50 (tout dépend les sources)...


chamelet gare.jpg

Chamelet-Village, ce nom résonne comme un bon cru. Les habitants y sont nommés  les Chamelois et Chameloises. C'est un lieu fortifié aux charmes qu'aucun adjectif ne saurait décrire, ce qui tombe bien parce que je n'ai rien vu et comme toujours je dirai tout, pour quelque fantaisie qui hante l'esprit du pérégrin dans ses égarements, à ce passage rapide de la correspondance en ces villes ou bourgades dont on ne parle jamais dans les livres, quand deux minutes suffisent  à rallonger le temps, pour glisser des images et un tas d'impressions plus ou moins pédagogiques. On peut lire à son rythme... je remercie vivement Michèle Pambrun d'avoir inspiré cette exploration, (certes, approximative), en m'invitant via une récente correspondance ici même, à retrouver l'oeuvre de Pierre Bayard dont un livre particulier s'accorde semble-t-il au thème de cette page ; à cette question qui obnubile également certains jours, une tentation de déplacements légèrement improbables : "Comment parler des lieux où l'on n'a pas été ?".

chamelet.jpg

Ainsi, sans bouger du train bleu aux banquettes confortables, j'ai pu visiter à travers l'espace-temps, par les reflets d'une fenêtre passée dans une autre fenêtre, l'ancienne place forte des sires de Beaujeu, jadis un centre de tissage et de blanchisseries de toiles. J'ai remarqué les halles en bois du XVIème siècle et un donjon carré également du XVIem, tout cela admirable. Ensuite, je me suis dirigée jusqu'à l'ancien relais de poste puis, croisant là, le Marquis de Chalosset, il m'invita à boire un cruchon de beaujolais au Château (de Chalosset évidemment). Son cousin Gervais de Vaurion jouait là au tric-trac, comme cela est courant à Chamelet en été, (j'en profite pour vous montrer le tableau de Le Nain où le Comte Gervais de Vaurion figure avec son chapeau à plumes qu'il ne quitte jamais, bref, Monsieur le Comte me montra les vestiges du château de Vaurion, ce fût un moment agréable. Ensuite nous allâmes à l'église contempler des vitraux d'une finesse remarquable datant du XVème siècle, et dans le foin nous nous roulâmes, bénis par les ombrages d'une petite chapelle arborée. Profitant ardemment de quelques secondes encore vastes, après avoir vu la maison natale de l'illustre ingénieur hydrolicien, le Baron Gaspard de Prony, dont le nom est inscrit sur la tour Eiffel,  et dans une rue du 17 em arrondissement de Paris, je batifolais un instant avec un ou deux chamelois, chameloises entre la vigne, les pâturages et la forêt. Mais il ne fallait pas traîner, comme on dit "le train n'attend pas le nombre des années" bien que le temps échappât et que j'y fus installée, (dans le train et ce temps étrangement envolés), douillettement calée et galopant par des forces cosmiques assez inexplicables, impatiente de visiter les pierres dorées des édifices, de battre la campagne jusqu'aux coins les plus reculés de Chamelet, tout en savourant la mollesse de somnoler au frais, vautrée comme tout  passager qui se respecte les pieds posés sur la banquette d'en face. Ceux qui ont fréquenté ce genre d'expérience, sauront que deux minutes suffisent à s'abstraire totalement, pour toucher l'insoucieuse déréalité insufflée par le bruit d'une locomotive à l'arrêt. On se retrouve alors comme rien, étranger à soi-même, hors temps si loin du monde et des êtres continuent à courir dans les villes vers toutes sortes d'objectifs dont la quadrature obstinée nous paraît soudain incompréhensible. Ce n'est qu'une impression, produit trompeur de l'oisiveté qui peut parfois revêtir, (gare ! gare ! c'est un piège !) les mêmes certitudes que la vérité la plus sûre. Moralité: Méfions nous de nos impressions...

chamelet gare poème visuel.jpg

La locomotive toussotant un peu au démarrage, j'y gagnais trente secondes de vitesse hyper lente (qui n'est plus de la vitesse mais une lenteur peut-être plus rapide que la lenteur ordinaire, tout cela difficile à mesurer précisément) puis après avoir exploré de fond en comble, Chamelet, ses alentours, (sans jamais bouger de mon fauteuil, là, j'insiste) je me suis aperçue (avec stupéfaction) que ce qu'on ne mentionne jamais quand on évoque le village de Chamelet c'est le lieu fou de la maisonnette laquelle, très curieusement a pris le nom de gare. A cet endroit qui devient aussi un instant magique, on peut, durant deux minutes s'égarer et le reste s'évase. Ainsi, en contemplant ces discrets joyaux villageois par les fenêtres de la maison du chef de gare, là où s'arrête la modernité, je dus encore me réjouir d'un léger réenchantement des lieux, dans la briéveté du temps qui passe et ne passe pas, devant ces beaux lettrages rouges qu'on croyait disparus, et je vanterai en passant, les bienfaits visuels et spirituels des volets verts, ainsi que la bonté intrinséque des rideaux dits "bonne femme", que l'on glane à des prix imbattables à Lyon, chaque mardi au marché de la colline (qui travaille), on n'exaltera jamais assez l'esthétique de la bonne franquette qui adoucit les moeurs autant que les vins de l'Azergue mettent le palais en sympathie avec la terre... Malgré l'annonce des deux minutes, d'arrêt, (en fait, d'annonce il n'y a pas, c'est au voyageur de faire le calcul et comme le temps moderne est arrêté ce n'est pas mince affaire, à cette heure du départ), il faut être matheux pour demeurer d'équerre sur les rails enfumescents "que nos rêves enfumaient", c'est de L'Emile...  Paisible, je suis restée, à Chamelet, deux minutes égales à longtemps, admettons que ce soit une imitation fort bien faite de l'éternité que je pris pour la vraie, collée à toutes les fenêtres, (ubiquité oblige), sans m'y pencher bien qu'étant fort tentée comme au temps de la lison où l'on pouvait ouvrir à volonté autant que refermer ou tomber de l'autre côté, pour un instant d'inattention,  et mourir dans une cotonnade anthracite, (à lire absolument "les périls colossaux" du philosophe cascadeur, Italien E.P. Sporgersi). Ne pouvant pas entrer le corps dans Chamelet entier (certains détracteurs de Sporgersi ayant cher payé de provoquer l'auteur sur ses mouvants territoires), près de ce quai à trente secondes de ce coup de sifflet d'un chef de gare du genre homme invisible, je voyageais encore dans l'air conditionné d'un wagon de deuxième aussi frais que le petit train des gentianes et après réflexion, je décidais de vous glisser quelques images de l'atmosphère inimitable de Chamelet-gare: une fenêtre par minute...  déjà le train nous presse, mais rien ne sert de courir, en soufflant sur une plume par le vent mythomane, l'oiseau vogueur pourra conduire, éconduire le lecteur de Chamelet à Kharbine en tirant légèrement sur les rails avec ses ailes comme sur un élastique jusqu'à l'oubli certain de nos destinations.

 

 

 

 

 

Nota : Pour voir toujours plus grand, il est recommandé de cliquer sur les images. Pour le titre assez lacunaire vous pouvez complèter ...

Photos : Dans l'ombre d'un train, des fenêtres, les derniers volets vers... peut être. Quelques vues. Tout est là ou plus sûrement ailleurs...

 

Chamelet © Frb 2012

mercredi, 07 mars 2012

Le temps des gueux

"Il fait un froid de gueux"

CARLA BRUNI-SARKOZY, phrase rapportée par le Nouvel Observateur + une pépite encore (hiver 2012)

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Nota : Si vous remarquez quelques incohérences entre la date de parution du nouvel Obs et notre jour de Février c'est bien normal, pour vous livrer l'information avant tout le monde nous avons dû personnaliser un peu notre calendrier. Ce qui s'appelle en d'autres mondes, le "mentir-vrai. En revanche, vous constaterez que nos images sont réalisées sans trucages. La situation est la même partout, que ce soit à Lyon, cours Vitton, quartier naguère prestigieux (photo 1), à Cannes, sur la Croisette, (photo 2), à Paris, face au Fouquet's (photo 3), à Deauville, pas loin du casino (photo 4) à Marne la Vallée, à 300 mètres d'Eurodisney (photo 5), à Lyon-Vaise devant la rutilante médiathèque (photo 6), ou à  la sortie du super U de Courchevel (photo 7), les gueux envahissent nos villes et nos campagnes avec un toupet qui se pose là. Mais le plus inquiétant, nous vient d'une études très sérieuse faite par la commission des  savants mandatés (et chers payés) par l'IEECJ (institut d'expertises et d'évaluations de certains jours) qui a prouvé que non seulement les gueux attirent le froid mais qu'ils en sont les principaux responsables. Les conséquences, on ne peut plus les cacher. Elles vous seront révélées, veuille ou veuille pas, après ce que vous savez. En attendant je confie le soin aux lecteurs de tirer les conclusions qui s'imposent, et de se poser la question : doit-on laisser en toute impunité les gueux prendre leurs aises aux vues de tous ? Quand on voit que certains ramènent le froid par cartons entiers, (cf. photo 1) pour organiser, semble-t-il, une fois encore, entre eux, on ne sait quel trafic de sacs frauduleux, on est droit de se demander si par leur faute, il n'y aura pas de la neige tout l'été...

En attendant, remercions l'ingénuité de notre savoureuse première dame de France, qui étant troubadour d'origine, s'exprime dans une langue moyenâgeuse à ravir. Une invitation à ressortir nos Barthes, (non, ce ne sont pas des baskets) que dis-je ! notre Roland Barthes ! unique, inimitable, qui n'est pas auteur médiéval  souvenez vous, quand il écrivait : "Je vois le langage", en considérant cette condition de voyeur comme une maladie. Enfin, bon, heureusement, chacun sait que là où s'arrête le langage, tout finit par des chansons, (des cerises, et puis des roses, au diable ! le bas de laine !), mais faudra pas confondre la langue spécifique à chacun, avec le langage qui est une généralisation à l'homme, (c'est de Lacan) après quoi, on se tiendra peut-être mieux droit sur dans nos bottes, tout ça pour dire, (ce qui n'a pas grand rapport) que le cynisme moderne ne se raccordera en rien avec l'ancien, nevermore... Nul ne l'ignore, bien sûr, après cinq ans de... Non, rien.

Ligne de fuite (100% médiévale datant de 1876 grosso-modo) :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57802151/f9.image.swf

Photo : nous, les gueux, et nos sacs de légumes, photographiés un peu partout, durant le rude hiver.

© Frasby 2012

lundi, 22 août 2011

Topo d'ici ...

La toponymie n'a pas seulement pour but de retrouver l'étymologie des noms de lieux, les toponymes sont en effet des témoins précieux du passé et permettent à ce titre de reconstituer et l'histoire du peuplement et celle du paysage, qui lui est associée. Les noms de lieux-dits, par exemple, sont liés à la végétation d'une époque particulière et sont de ce fait les témoins d'une double histoire.

ALBERT DAUZAT, cité par MARIO ROSSI in "Les noms de lieux du Brionnais-Charolais", éditions Publibook-Université ou (EPU), 2004.

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Le ciel du soir est comme une aube d'été. Les récits des anciens ici, s'écoutent sans y penser, autour de grandes tables sous les arbres, l'apéro peut se prolonger longtemps et tard dans la soirée, ce sont eux, les anciens, qui illuminent par une mémoire parfois un peu romancée, les légendes minuscules, les faits divers  les  existences probables et improbables de ces gens dont on dit qu'ils étaient des "figures" le tout enrobé d'anecdotes dont il est difficile de vérifier l'authenticité. Les histoires sont allées de maison en maison, les vieux, ils les connaissent sur le bout de la langue, déclinées en patois plus ou moins fidèle à l'original, en français plus ou moins "arrangé". Par leur voix, on retiendra vaguement une liste, les noms des personnes qui ont existé, existent encore et la vie des familles ayant donné leur noms à des hameaux : "les Brancion", "les Desmurs", "les (nombreux) Corneloup" du village bienheureux de Saint Racho, (prononcer St Raco, que les gens d'ici abrègent oralement en "Saracco", et dont les habitants que ceux des villes environnantes appellaient pour "charrier" "les Saracottis"  sont simplement des St Rachois, St Rachoises), digression un instant pour préciser que si vous passez dans cette région, il faudrait visiter une ravissante chapelle érigée sur la montagne de Dun à St Racho (un endroit aux légendes merveilleuses). Cette chapelle est dédiée à l'evêque St Racho d'Autun (ou Rachonis ou Rognabertus) qui fût le premier Franc à occuper ce siège épiscopal, (ça vous donnera une petite idée de l'ancienneté des lieux).

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topodici

Certains hameaux portent aussi le nom des rivières locales : "La Genette" ou "La faux", (d'un mot "gaulois" signifiant "hêtre"), les noms des villages sont parfois ceux des arbres "Châtenay" par exemple (extension ancienne du mot "Châtaignier"), d'autres noms de lieux relatent les formes du relief vallonné, par exemple : "La pouge" (rampe, montée), de même le mot de "Brionnais" pourrait provenir du mot "Brie" signifiant "terre grasse et spongieuse". On pourrait parler des étangs, tous naturels qui occupent des creux ou vallons, la présence de l'eau est rappelée par quantité de toponymes : "La Saigne" (mot provenant du bas latin et signifiant "marais bourbeux"), "Le palluet" (du latin "Palus" signifiant "le marais"), "Les mouillières" ou plus explicite "Les étangs". Certains noms de lieux, ici, par leur origine celtique ou latine prouvent aussi l'ancienneté de la présence humaineEn ce qui concerne le Charolais et le Brionnais, (impossible d'aborder ce thème en détail car il faudrait je crois y consacrer un blog entier mais je ne peux m'empecher de citer et recommander vivement à ceux qui sont intéressés par ce sujet, l'ouvrage remarquable de Mr Mario Rossi éminent professeur, qui a pour titre  "Les Nom de lieux du Brionnais-Charolais - Témoins de l'histoire du peuplement et du paysage" (voir références plus haut sous notre photo).  Pour terminer sur le thème un peu élargi, on notera aussi que Mr Mario Rossi a désiré que les droits d'auteurs de ce livre soient affectés à la sauvegarde du patrimoine de Montceaux l'Etoile, dont l'église datant du XIIem siècle est absolument à visiter, surtout pour son portail sculpté datant de 1120-1125 (environ), qui représente l'Ascension du Christ dans une mandorle, qui tient dans sa main droite, le bois de sa croix, au milieu des Apôtres, entouré par deux anges. De source sûre, l'ayant vu de mes yeux, ce portail est considéré, à  juste titre comme un chef-d'œuvre de sculpture d'art roman, je suis un peu étonnée en fouillant dans les archives de CJ de ne pas retrouver un billet qui aurait pu vous le montrer je ne manquerai donc pas, (un certain jour) d'en reparler ; en attendant vous pourrez encore mieux l'admirer en grand format  ICI.

Je signale et recommande encore vivement un autre ouvrage tout à fait passionnant de Mr Mario Rossi, pour les gens qui sont intéressés par les dialectes, et l'étymologie ou plus généralement la langue, l'excellent "Dictionnaire étymologique et ethnologique des parlers brionnais"

Autre lien plus vaste, toponymique aussi, d'ouvrages très bien référencés :

http://jeantosti.com/noms/biblio.htm

A propos des noms de familles (et des évolutions juridiques de la généalogie)

http://www.guide-genealogie.com/guide/noms-famille-nouvel...

topodici

Nota  : La balade peut encore se poursuivre (en mode lecture ultralight) il suffit de cliquer sur les images (pour ceux qui ont la flemme de lire le long topo, on aura tout prévu, c'est ti pas formidable ?)

Photos : parcours flêchés, et saisis à la volée, quelques noms de hameaux nabirosinais, photographiés au hasard d'une balade à vélo en chemins buissonniers.

Photos © Frb 2011.

samedi, 12 mars 2011

Insubmersibles ?

Le premier grand cataclysme s'abattit sur la région d'Osaka à 5 heures 11, le 30 Avril. A 8 heures 03, la chaîne de montagnes Togakure explosa. Les regards du monde entier étaient fixés sur "la mort du dragon". Des dizaines d'avions appartenant à des télévisions de toutes les nationalités volaient au-dessus de l'archipel du Japon qui crachait du feu et des flammes.

 KOMATSU SAKYO : extr. "La submersion du Japon" (traduit par Masumi Shibata 1973) éditions Philippe Picquier, (coll. Picquier poche n° 128), janvier 2000.

Japan.JPGA propos du tremblement de terre du 11 Mars 2011 et du tsunami qui s'en suivit allant impitoyablement ravager les côtes de la région de Sendaï au Japon et meurtrir la population, je n'ai pu m'empêcher de songer au roman d'anticipation (très célèbre), datant de 1973, qui fît grand bruit à sa sortie et reçut même un prix. Le livre s'intitule (sans équivoque) "La submersion du Japon" il est signé Komatsu Sakyo. On ne sera guère surpris que le titre coïncide avec un drame récent, le Japon étant constamment menacé de séïsmes, l'histoire du pays si parsemée de catastrophes que même les enfants dès leur plus jeune âge sont éduqués à adopter certains comportements, face l'éventualité d'un désastre. Toute la culture japonaise est par ailleurs imprégnée de cette peur ancestrale de l'engloutissement. "La submersion du Japon" met en scène un Japon secoué par une recrudescence de tremblements de terre. Les températures deviennent anormales :

"Il avait fait si froid à la saison des pluies qu’on se serait cru en mars mais, aussitôt après, une chaleur intense apparut soudain et, ces jours derniers, on avait invariablement plus de 35°C. Des gens tombaient malades à Tokyo et à Osaka, et même certains succombaient. A cette chaleur extraordinaire s’ajoutait l’habituelle pénurie d’eau jamais résolue [...]"

Les volcans se réveillent, des fissures apparaissent au coeur des bâtiments, les secousses vont de plus en violemment accentuer la destruction. Pour ce qui est du récit même, nous suivrons au fil de ces pages, une équipe de scientifiques (géophysiciens), qui découvrent que certains îlots peu peuplés (ou pas du tout) ont complètement disparus, et pour cause ! ils ont été submergés. Les scientifiques enquêtent, plongent dans les fonds marins, et reviennent avec la conclusion, que le Japon sera englouti à très court terme. Alors que les derniers chercheurs étudient les probabilités d'une telle catastrophe, le gouvernement tente de sauver ce qui peut l'être encore. Ce scénario, déjà à l'époque, s'appuyait sur de nombreuses études scientifiques, les personnages y sont peu décrits, on ne s'attachera pas à leur psychologie, nulle intrigue spéciale ne tiendra le lecteur en haleine, aucun voyeurisme ne s'épanchera dans ce roman assez froid qui décrit des tractations entre politiciens et scientifiques, des manoeuvres secrètes, les doutes, les incrédulités, les prévisions pour évacuer la population, préserver la mémoire d'un peuple, sauver le patrimoine, l'évocation de toutes les négociations pour obtenir des territoires en Australie etc... Si le récit semble un peu traîner en longueurs, il abordait déjà des questions fort intéressantes.

- Qu'adviendrait-il si demain, le Japon (ou un autre pays) disparaissait ?

- Que deviendraient les habitants ?

- Comment procéder à l'évacuation de cent vingt millions de japonais ?

- Où les accueillerait-on ?

- Comment préserver la mémoire d'une culture si un pays se trouvait brutalement rayé de la carte et son peuple dispersé à travers le monde ?

"En dehors de cet archipel et de sa nature, de ces montagnes, de ces rivières, de ces forêts, de ces herbes... Les Japonais n'existent pas. Ils sont unis à eux. Ils ne font qu'un seul corps avec tout cela. Si cette nature délicate et les îles sont détruites et disparaissent, les Japonais n'existent plus [...]"

Les questions sont multiples et on s'apercevra qu'il n'y a pas de réponses préconçues qui tiennent, mais ce qui marque plus encore le roman, c'est "l'esprit japonais", avec le spectre omniprésent de l'engloutissement, mais aussi l'absence de figure héroïque, de sauveur se distinguant des autres par son courage (genre cow boy à l'américaine), au profit d'une action collective anonyme, l'absence de happy end, une organisation implacable. Là encore, on n'évitera pas quelque analogie avec le séïsme de 2011, devant le spectacle d'un chaos permanent, les images cataclysmiques incessantes qui pétrifient d'horreur le monde entier, le peuple japonais reste d'une dignité, qui force l'admiration, pas de pillage, pas de panique... Mais la "Submersion du Japon" n'est qu'un livre d'anticipation, qui n'a rien de si visionnaire, il possède son double sens abordant le thème du naufrage mais aussi celui du déclin du Japon, il faut le reconsidérer dans son époque, l'ouvrage a été rédigé durant la guerre froide au moment où le Japon (3ème puissance mondiale) cherchait à s'affirmer vis à vis des autres puissances. La métaphore semble assez évidente.

Dans ce récit, on ne trouvera aucun mystère : le Japon va couler. Il n'y aura aucune alternative à ce constat, (cf. le titre anglais "Japan sinks", voir également le film adapté du roman :"Nihon Chinbotsu", réalisé par Shinji Higuchi, entre autres, le best seller ayant été adapté plusieurs fois, tant au cinéma qu'en manga). On ne pourra s'empêcher de relier dans un tout autre style, le film "The day after tomorrow" de Roland Emmerich où des images s'ajusteront encore d'une façon invraisemblable à celle d'une réalité qui dépasse aujourd'hui autant la science que la fiction. Le critique (occidental) glané dans un quelconque magazine, des années 80's,  évoquant le roman de Komatsu Sakyo avait-il réellement saisi ce qu'une simple phrase (somme toute "vendeuse" et très banale) pourrait contenir d'effroi quelques années plus tard, lorsqu'il écrivait à l'époque aux lecteurs amateurs de récits de science fiction à propos de la "submersion du Japon" (je cite) : "Un best-seller pour ce livre d'anticipation" qui pourrait devenir réalité"...

 

 

Photo : Nuages de Mars. Sommes nous insubmersibles ? Question.

© Frb 2011.

vendredi, 05 novembre 2010

Loin

fontaine5603.JPGElle regardait des tableaux d'une ville qui n'existait pas, les photos d'un tableau qui ne s'arrêtait pas, peuplé d'êtres inconnus qui semblaient étrangers ou étranges. Il y avait les autres, ceux de l'ordre et de la fête qui ne démentaient pas leurs amitiés vieilles d'avant les apprentissages douloureux de la musique, (des bruits de la vie simple jusqu'aux musiques des machines à courroie, et à cabestan). Il y avait la fée électricité, et les tams tams étourdissants, le rituel, l'architecture et le théatre d'ombres. Une source vitale du ciel, la pluie qui tombe dans les fleuves et les sons cristallins ou lourds, là où siègaient les divinités ouraniennes et les ancêtres rendus à l'origine, à son indifférence, mais elle ne trouva pas dans le tableau, l'empreinte des premiers jours du monde. Le fleuve se répandait le long des branches et des canaux d'irrigation nourrissant chaque vie dans l'espace pyramidal d'un temps vécu par cycles : incarnation, dissolution réincarnation, les cycles luttant pour la stabilité du monde la régénération contre un autre temps linéaire achevé, les cycles jouaient encore contre la mort, contre la ligne droite jusqu'à l'embrasement.

Il y avait le monde noble, les grands gamelans avec les gongs et les tambours, des ensembles sacrés de métallophones sur lesquels des hommes lentement initiés exécutaient des contrepoints abscons et les gongs isolés qui enseignaient aux oreilles innocentes la virtuosité jusqu'à l'avènement du contrepoint enchevêtré aux carillons et aux claviers, tout cela au détriment des cordes et des vents. La musique du pays qui ne s'arrêtait jamais devenait inquiétante. L'homme qui s'était laissé possédé avait donné le signal d'un monde qui commençait, recommençait toujours, et pour d'autres, c'était une ronde juste après le silence, la venue de mélodies presque enfantines, c'était l'ostinato de la danse guerrière, raide et coulée, en regardant cette danse on croyait presque entendre les cliquetis d'un squelette pris de contorsions, cette musique n'allait pas sans d'autres danses jouées pour les mauvais esprits invités à dévorer le sacrifice caché sous terre. Ainsi chassait-on les forces surnaturelles après les avoir adorées.

Il y avait les danses pour séduire, des hommes étaient choisis puis déguisés en femmes et les claviers sortaient du grand tableau pour rejoindre les casseroles d'une batterie de cuisine. Elle s'amusait durant des heures à taper fort sur des gamelles, à la fin, elle tournait en rond attendant des nouvelles de l'autre qui était parti loin pour fuir et désormais, (il le lui avait dit), il ne reviendrait plus. Il y avait les divergences qui s'adoucissaient sur des gongs à mamelon, un petit corps dans l'orchestre échappait aux gourous jaloux à la recherche du pur amour. L'amour d'un maître pour son disciple, l'amour du disciple pour son maître, et les rôles s'inversaient jusqu'à l'apprentissage de l'habileté. Il y aurait au delà des imitations, cette mémoire des hymnes comme celle d'une nuit possédée, des corps en mutation, certains perdus, d'autres posés apprenant à coups de cymbalettes à passer d'ouest en est par les forces de la musique, le chamanisme, ou le théâtre de marionnettes.

Elle refermait alors le livre du pays qui n'existait pas, écoutait dans la rue, les frottements métalliques d'un camion qui, par un ronflement continu, fermait la nuit. Tous ces sons des antiques sanghyang et les chants exorcistes des petits hommes qui vidaient les poubelles, ne s'intégraient plus, le jour venu, à aucun monde. Sous la brume bleue, des onomatopées complexes ouvraient la ligne du jour qui revenait avec ses vivants et ses morts, ses survivants et ses fantômes... Plus tard elle croisa le facteur sur un cheval en rotin, qui n'apporta aucune lettre, pas de nouvelles de là bas, depuis mille jours déjà. Le facteur repasserait dans mille jours. "Cela ferait beaucoup de temps à attendre, tout de même !". Elle alla à la banque supplia une sorcière responsable à collerette de lui accorder une avance. - "Avance ? Avance ?". La sorcière ignorait le mot. Le stagiaire vint jouer pour réponse un refrain à la mode issu des mélodies d'appeaux. Des crécelles vivantes lui entraient sous la peau ; la peau, la peau c'est la seule chose qui paraissait vivante dans cette ville qui bougeait tout en mollissant. Mille jours ! elle visualisa l'attente en semis de petits cailloux elle glissait avec eux doucement sous la trémille de la rue des émeraudes qui porte si mal son nom, elle se souvint des dieux d'anciennes danses palatines, puis elle souffla dans une corne de brume en forme de banane, qui pointait l'heure exacte de son arrivée au bureau, elle était là juste à l'heure pile, comme chaque jour trouva à la même place monsieur Jouvenot, elle lui serra la main comme elle le faisait depuis mille jours, et s'efforça de sourire du mieux qu'elle le pouvait aux caméras hypersensibles.

 

Le gamelan de Bali est en écoute ci-dessous :

http://www.deezer.com/listen-3928494

 

Source : "Musiques de Bali à Java". Editions Cité de la musique/ Actes Sud 1995 ; une analyse de la musique de gamelan de référence, écrite magistralement, par Catherine Basset (ethnomusicologue spécialiste des musiques de Bali). Ouvrage vivement recommandé par la maison.

Remerciements à Jacques B. qui m'a fait découvrir ce très beau livre et m'a appris qu'entre le point de départ et le point d'arrivée, il est un autre point encore plus appréciable : le point qui ne s'arrête jamais.

Photo : Le gong des lyonnais (oui, bon.), nommé fontaine d'Ipousteguy, cible idéale (pas Ipoustéguy, la fontaine !), sur laquelle est inscrite ce vers connu de Louise Labé (1524-1566) : "permet m’amour penser quelque folie". Photographié à Lyon, début Novembre tout près du Bordel Opéra, sur une place où l'on glisse. © Frb 2010.

dimanche, 10 janvier 2010

L'air du temps et les métamorphoses

"L'organisation terrestre est ainsi construite que l'Atmosphère est la souveraine de toutes choses et que le savant peut dire d'elle ce que le théologien disait de Dieu lui-même : en elle nous vivons, nous nous mouvons et nous sommes. Condition suprême des existences terrestres, elle ne constitue pas seulement la force virtuelle de la Terre, mais elle en est encore la parure et le parfum. Comme une caresse éternelle enveloppant notre planète voyageuse dans une affection inaltérable, elle porte doucement la Terre dans les champs glacés du ciel, la réchauffant avec une sollicitude incessante, charmant son voyage solitaire par les doux sourires de la lumière et par les fantaisies des météores"

CAMILLE FLAMMARION (1842-1925) : "L'atmosphère : météorologie populaire". Edition Hachette 1888.

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Il était difficile d'avoir quelques nouvelles, les phrases arrivaient dans le désordre sur cette moire dont les cristaux nous lacèraient le sang. Quelques uns se sentaient enfermés dans la neige. Les infos se colportaient par coupons aberrants : "Météo France a levé toute sa vigilance [...] (orange, qu'elle est la vigilance !) mais la neige ne s'arrêtera pas de tomber pour autant" (!). Un journaliste sorti des grandes écoles, annonçait pour Grenoble, vingt centimètres de neige un évènement (dixit) "sans précédent" (depuis 2005 !!!). Cette brouillasse d'information humaine fit le tour de la terre presque instantanément. On aurait dit que tout l'hiver, sa couleur et son blanc, venaient aux spectateurs gobés tout crus par les nouvelles, en cette "exceptionnelle saison sans précédent". Chacun encadra les pépites pour en rire jusqu'au printemps. Les vieux d'ici scrutant le ciel, racontaient que "les vrais ploucs finalement étaient ceux de la ville". Et l'on se régalait, empalant la carotte sur la bouille du bonhomme de neige. On se délectait aussi du vieux sens paysan tandis que le Bébert hilare sous sa casquette, rattrapait son basset par le haut des oreilles : "il se sauve tout le temps c'tu foutu tsin ! il l'en veut après La Youquette". Alerté par les aboiements, le maître de La Youkette, sortait de sa cour en remontant sa culotte de velours. Et du chemin, sa grosse gueule violette qui bougeait toujours en parlant de gauche à droite, de droite à gauche hélait le Bébert et regardait La Youkette slalomer entre les barrières puis retomber sur ses pattes avant : "Ah ben vindiou ! toutes ces bestioles, c'est bien plus agile que les gens !". Il récitait par coeur une liste d'accidents lus dans la Renaissance d'hier. Puis tout s'assombrissait en causant de "la Marivette" dont le fils aîné était mourant. Le visage soudain renfrogné du Bébert, énumérait les endroits de tous les accidents qu'il y avait eu depuis la venue des neiges, à la sortie de la route express, et au virage de l'étang de "La prâle", sur la route de La Caillette. Le maître de La Youquette enchaînait : "Tant qu'y aura pas eu un car scolaire et des enfants morts dans l'étang...". Le Bébert écoutait, contemplant ses grandes bottes caca d'oie en caoutchouc collé au blanc, tandis que le basset, (avec ses pattes qui remuaient l'air) me regardait d'un air émouvant. Le Bébert dit que cet après-midi il mettrait dans les arbres des boules de graisse pour les pinsons, que demain il y aurait du brouillard à pas sortir de la maison, que le Philippe Seguin était mort, que la Marthe était dans le coma. Qu'il y avait encore eu un malheur, un grand malheur chez les Cantat". Il attendit en soupirant, la sentence de son gros voisin qui ralluma son bout de Boyard avec une sixaine d'allumettes et lança après avoir longtemps eu l'air de soupeser les évènements : "Ah ben ma foi que voulez vous c'est ben comme on dit à Vendenesse :

"Brouillards en janvier, mortalité de toutes parts"

Et malgré l'antidate au domaine, les lendemains tous pareils, (c'était mis dans le journal comme ça) = "tous fidèles à eux même, des lendemains sans précédents", se suivirent et se ressemblèrent. Des hommes aimés, des excellents se firent la malle. Et les sanglots du rude hiver fûrent absorbés atmosphériquement, tandis que le maître de la Youkette tournait les pages d'un minuscule carnet qu'il avait toujours dans la poche où se trouvaient le nom des Saints, les commissions, et les dictons pour les récoltes.

"Un mois de janvier sans gelée
N'amène jamais une bonne année."

"Si la Saint-Antoine (1) a la barbe blanche,
Il y aura beaucoup de pommes de terre."

"Garde-toi Du printemps de Janvier."

Ces adages comme des marelles se parcouraient à cloche-pieds. "Tu lances le palet, tu le pousses avec le pied, 1, 2, 3 ... jusqu'à 8 et tu sors !". Si le palet se trouve sur un trait, il faut tout arrêter.

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Plus loin des employés de la municipalité marchaient un peu à travers champs avec des cabas à carreaux ils s'en allaient jusqu'au hameau dit de "L'enfer" apporter du ravitaillement. Le Bébert parla de la Mado qu'en bavait trop avec son homme, faut dire que le Jeannot il trainait le soir à la Caillette avec des gars qui l'embringuaient, à jouer et à boire des canons. C'était lui qu'arrosait les gars. La Mado ça faisait des années qu'elle tirait le diable par la queue et trimait comme une sacrifiée pour pas que la ferme périclite. Quand l'Jeannot il rentrait, raviné au Clapion on l'entendait brailler jusqu'aux cabanes des pépinières, y'en a même qui disaient qu'il tapait la Mado. "Elle est brave c'tu Mado, et le Jeannot  il la mène" répondait le maître de la Youkette "Ben moi, ma feûne si je lui en foutais sur la gueule, ça se passerait pas comme ça ! et pis  c'est pas au mari à faire des choses pareilles! une feûne moi je dit que ça se respecte Vindieu !". Le Bébert tripota le pompon de sa casquette. La neige recommençait à tomber, bien drue. Les deux hommes se regardèrent longtemps, un vrai face à face de western dans un silence très velouté ponctué de "ma foi". Ils passèrent encore en souvenir tous les mois de l'année dernière, la première douceur de Janvier "qu'on ne connaîtrait ma foi pas c't'année" et les mois rassemblés faisaient encore un almanach : Plus de 300 préceptes pour la vie ordinaire et des dictons pour chaque saison :

"Regarde comme sont menées
Depuis Noël douze journées
Car, en suivant ces douzes jours
Les douze mois feront leur cours."

Les deux hommes se saluèrent et promirent de se revoir comme ils l'avaient prévu, au banquet pour la St Vincent. Les chasseurs de la giboulette, introniseraient leur président dans la petite salle du comité des fêtes, les vieux feraient cuire le sanglier, les biches, les perdrix, les faisans. La Youkette; le basset grelottaient dans la neige. Il était temps de rentrer. Le maître de la Youkette se retourna et lança l'épilogue qui résonnait dans la grande terre : "salut Bébert, et pis ma foi ! revoyure à la St Vincent ! y z'y ont annoncé que normalement après le 20 ça sera le redoux !" Le Bébert agita sa casquette, cria tout au milieu du champ une de ces phrases de bonne patience qui réenchanta le hameau. Dans cette tonalité parfaite, de moelleuses météores nous effacaient lentement. Tous fondus dans le paysage, nous retrouvions le paradis, juste là où il avait été crée. Cette fine allégeance mollissait en nos corps, biffait le cours des volontés, nous errions comme des plantes lourdes dans ce pays perdu. Le basset, La Youkette courant devant, truffaient quelques flocons. Sur le bout de la langue, quelques bribes savantes, déroulaient des oracles. Une vieille boule de cristal roulait sur les saisons. Il en était jeté de toutes les décisions qu'il nous restait à prendre...

"Saint-Vincent (2) clair et beau,
Plus de vin que d'eau." .

(1) = 17 Janvier - (2) = 22 Janvier

Photo : Neige au hameau et sur le chemin de "La grande terre". Nabirosina. Janvier 2010. © Frb.

mercredi, 06 janvier 2010

Hameaux couverts

"Ils agonisent longuement dans l'herbe poisseuse, et le premier laboureur qui les découvre, à l'aube, imagine déjà les sombres histoires d'amour qui auréoleront le nom déformé de la victime, aux soirées d'hiver, dans vingt ans et plus. "

ROBERT DESNOS in "Le rêve de Foujita". Extr. de "Récits, nouvelles et poèmes". Editions Roblot 1975.

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Le silence revenait en écho. On attendait la neige. Lui, ce qui l'interessait ce n'était pas de regarder la neige. Mais de la fabriquer. Il avait fait courir le bruit, et la lumière avait baissé. Le lendemain sur les chemins défilaient des laines polaires. Dans ce chaos, lent, fascinant, glissaient des corbeaux freux et des pyrrhocorax graculus conversaient à coups de "schkwahk!  schkwahk !". Sur un chariot des paysans chargeant des sacs de sel, de sable parlaient d'une bonne femme dépressive du hameau où vivait la Francine qu'avait tué son homme à coups de carabine.

L'autre, ce qui l'intéressait ce n'était pas de regarder les gens mais de calculer comment la neige viendrait dans leur esprit, y déposer ce grain et la boule de givre qui roulerait sur les évènements, dévorerait les âmes impitoyablement. Le silence feutrait la rumeur, il y avait des on-dit. Au village alentour, une femme avait tué son homme parce qu'il courait. Chacun se demandait : "Son homme courait. Mais avec qui ?". Ils croyaient tous dur comme fer en la neige, celle qui ensevelit, quand leur bonne fée sournoise, viendrait à point fermer les pages remplies de l'encre qui coulait mais n'arrivait pas jusqu'ici. Et sous la paille mauve de la vieille Euphrosine, un épi malheureux caché sous la tripaille, le dernier mouvement d'un rêve anthropophage, ensanglantaient son lit. Ce qu'elle avait rêvé la veille, elle le racontait le lendemain. Et elle le racontait si bien, avec son gros bec de volaille, que tous les villageois se groupaient devant la mairie pour écouter jacter l'aigre et la chevrotine et ils en revenaient la langue bien aussi chargée qu'Euphrosine.

L'autre, ce qui l'intéressait ce n'était pas le bec d'Euphrosine mais le museau des rats qui mangeaient le ver du fruit en accouplant tous les on dit aux candiratonnailles. D'autres nuits revenaient encore, et des longs chats à poils d'or miaulaient sous les fenêtres de ceux qui l'année précédente, sous prétexte d'un voyage à Dyo, avaient donné des coups de couteau au contrat de mariage. La vieille qui n'avait jamais connu d'homme, regardait le haut de la montagne, l'oeil craintif, la croupe sertie dans des cotillons de maille beige frottés aux rosaces d'un panty. Ce que demandait Euphrosine : un geste favorable, c'était fabriquer de la neige avec lui. Sentir le clou dans cette entaille. Fondre dans ce délit.

Là haut, entre meurtières et murailles, l'autre regardait Euphrosine jeter des crosnes dans l'eau bouillie, marmonner seule les saloperies de ses rêves sur ses casseroles. Et ça faisait une vapeur peuplée d'ombres et d'odeurs molles, dont il enrobait Euphrosine qui ressentait alors de ces choses incroyables tout en bas de son ventre. Quand tout cela était fini. Euphrosine redevenait méchante. Autour de sa bouche, une bave. Et c'était reparti.

La neige on l'attendait, pour sûr ! Plus impatiemment que les Rois Mages. On l'attendait comme le messie. Ce qui sourdait dans cette attente déclenchait toutes les avaries et l'eau brune des boutasses du hameau des "Piques" à "La Pelaude", débaroulait sur les cabanes, recouvrait le bourg de sa vase. Un monde devenu limoneux. Mais le limon ne gagnait plus. Chacun restait dans sa cabane. Le coucou parfois chantait l'heure. Des pommes blettes sur un bahut, un peuple de pelles et de pioches, retranché dans ses cabanons, stockait son sucre, en tordant des reinettes dans des bouteilles d'alcool de poire. Tous ici attendaient la neige. Et si la neige ne venait pas, il y aurait encore un drame. C'est ce que racontait Euphrosine.

L'autre, ce qui l'intéressait, quand il fabriquait toute cette neige c'était d'en préciser le blanc. D'en extraire le pesant. Son point d'apparition. De perfectionner la matière, de la goûter jusqu'au moment où il pourrait s'en délivrer. Mais cette fois, il était en retard. Ces infinités de façons, le secret qui vient au flocon, toute la légèreté du cristal, étaient tombés de l'alambic. Et les cotillons de la carne, à l'heure où il crût en pleurer troublait le coeur du papillon qui redevenait larve. Ils avaient tous trop attendu. La méchanceté de la vieille allait faire des petits. L'autre savait qu'il n'y aurait pas assez de neige pour tout le monde. Il ne restait qu'une solution pour empêcher la méchante femme de faire grêler sur le pays des paroles pire que la gale.

A minuit environ, cela vint comme un mauvais charme dans le cabanon d'Euphrosine. Un portail grinça au jardin. Elle se retourna dans son lit, avec son grand bec de volaille, elle cria "Qui est là ?". L'autre avançait à pas de chat, un corps lourd de bête docile et doré comme du pain d'épice. Elle lui tendit les bras, de grands bras en lambeaux. Son bec claquait gaiement, elle bêla : "Tu es beau". Il entra dans le lit, posa doucement sa bouche sur le cou de l'épouvantail et répondit "C'est moi, tu vois, je suis venu". Euphrosine succomba trois fois et sentit par trois fois la neige velouter ses entrailles. A six heures du matin elle s'éveilla seule dans son lit. Il faisait encore nuit. Devant la glace elle s'aperçut que son bec de volaille et le sang sur ses draps avaient miraculeusement disparus. Elle attendrait le petit jour pour en informer le village. Elle désirait que tout le monde sache qu'elle était une autre Euphrosine. Elle demanderait pardon aux habitants, à Jésus, à Sainte Euphrosine. Sous le châtiment du bavard elle irait dire des "Notre Père" à l'Eglise de Bois Ste Marie. Jésus lui pardonnerait contre une messe et des prières, les habitants seraient sans doute moins indulgents, mais ils s'habitueraient. Parce que l'autre, un jour, tôt ou tard, finirait bien par l'épouser.

Le journal avait annoncé quinze centimètres pour la nuit. La Francine réfléchissait. En y allant à dos de mulet elle pourrait arriver aux "Piques", juste avant le lever du jour. C'était un vieux pari stupide. Elle avait promis au bon Dieu que si la neige ne venait pas le 6 janvier exactement au moment du lever du jour, elle dénoncerait Euphrosine. L'autre qui tirait les plans et la neige dans ses alambics ignorait tout du dénouement. Puisqu'il n'y avait pas assez de neige pour tout le monde, il les laisserait ensevelir.

Le jour vint, sans un petit flocon, sans la moindre gouttelette de givre. La Francine à dos de mulet dépassa le bourg de Dyo. Euphrosine pour la première fois, avait mis du senbon, et nettoyé sa paille mauve au Palmolive. Parée d'une toque en Astrakan on pourrait la trouver aimable sans son bec de volaille. La Francine arriva très tôt. Bien avant Euphrosine. Elle avait eu le temps de sonner à toutes les portes, d'avertir les gens du pays. Quarante trois cabanons, plus les maisons des "Piques" et celles de "la "Pelaude". Euphrosine partit en chantant dans sa nouvelle peau d'Euphrosine. La Francine qui parlait jamais mais regardait tout derrière sa vitre, donna le nom de celle qu'avait couché. Quarante trois cabanons, autant de carabines. Euphrosine n'eût pas le temps d'atteindre la place de l'église. Ils visèrent tous en même temps. L'autre rangea ses alambics. Il y eût une mare de sang sous un ciel assez dégagé.

IMG_0049.JPGPhoto 1 : La frontière du hameau des "Piques".

Photo 2 : Le son d'un pas sur "La Pelaude".

Photographiés vers l'ancienne maison d'Euphrosine, par l'autre. Nabirosina. Janvier 2010. © Frb.