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samedi, 12 avril 2014

L'aube et la nuit

S’épuiser à chercher le secret de la mort

fait fuir le temps entre les plates-bandes

des jardins qui frémissent

dans leurs fruits rouges

et dans leurs fleurs.

L’on sent notre corps qui se ruine

et pourtant sans trop de douleurs.

L’on se penche pour ramasser

quelque monnaie qui n’a plus cours

cependant que s’entendent au loin

des cris de fierté ou d’amour.

Le bruit fin des râteaux

s’accorde aux paysages

traversés par les soupirs

des arracheuses d’herbes folles.

JEAN FOLLAIN  in  "Exister", Gallimard, collection blanche, 1947

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DSCF8039.JPGDSCF8053.JPGDSCF8045.JPGDSCF8112.JPGvert nuit.JPGred.jpeg 

  

Le premier mouvement du printemps, une éclosion, surprise dans la fraîcheur de l'aube, jusqu'au profond silence de la nuit et ses hymnes, qui garde avec les fleurs, nos joies perdues, ce qu'il faut redouter, apaiser et enfouir...

 

 

Au jardin : © Frb 2014

dimanche, 13 octobre 2013

Le dernier vert

Pendant ce temps là, derrière la boîte de nuit ... 

 

clairlov.jpg

 

- Je vous ramène ? 

- Non, vous êtes trop saoul, j'en ai marre, je vais rentrer en taxi.

 

Photo : le vert est dans la feuille, ça ne durera pas toujours, extinction des feux (de l'amour) sur la place Tabareau, et autour, on replie la palette sur l'air des fins d'été. Le vent à demi-fou est venu nous souffler que ça sentira bientôt le roussi de partout, mais les dieux nous recueillent en manteau d'écureuil, l'automne est avec nous, l'éphélide sur la feuille fait des ronds monotones qui s'envolent sur les fleuves, et onecre el tegivre de l'marou, elobrete ! ufex et samflem ecmmo rojosutu... (ec bellit atété étrenetinem esiralé acev foiriefue, draponnez el forvile efulifelé, et quintrez à son terves nasénes ropu mérusé no av ried uqe tse'c sap suot els sojru calife :)

 

Traduction : Si vous avez loupé le début de notre roman-feuilleton, vous pouvez passer par  ICI  et pour le dernier vert c'est en le caressant qu'il grandit dans l'image, magie de certains jours. (Cupidon sponsorise)

 

Sturm und Drang Lyon © Frb 2013.

mardi, 16 avril 2013

La fleur bleue de Novalis

Je n’ai jamais rien éprouvé de pareil : c’est comme si j’avais vécu en songe jusqu’à présent, ou encore comme si j’étais passé en dormant dans un autre monde ; car dans celui où je vivais d’ordinaire, qui donc aurait prêté attention aux fleurs ? Quant à une passion aussi insolite pour une fleur particulière, je n’en avais jamais entendu parler auparavant.

NOVALIS : extr. Henri d’Ofterdingen, traduit de l’allemand par Marcel Camus, éd. GF Flammarion, Paris, 1992. 

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Tout commence ainsi :

le fils de baron Friedrich Von Hardenberg, alias Novalis nom de plume, décrit un rêve de jeune homme, dans son sommeil, il découvre un bassin aux ondes chatoyantes :

Aussitôt, un souffle intérieur le parcourut tout entier, le réconfortant et le désaltérant. Pris d’un irrésistible désir de se baigner, il se dévêtit et descendit dans le bassin. […] Une sensation céleste inonda son cœur […] Et chaque vague de l’adorable élément se pressait contre lui comme une gorge amoureuse.

Le jeune homme s'ouvrit à l'illumination et dans sa nuit rêveuse, eût une autre vision

Il se trouvait à présent étendu sur une molle pelouse au bord d’une source qui jaillissait dans les airs et semblait s’y consumer. Non loin de là, s’élevaient des roches bleuâtres aux veines diaprées. Le jour qui l’entourait lui parut plus clair, plus doux que de coutume ; le ciel, bleu noir, était d’une pureté absolue. Mais ce qui l’attira d’une manière irrésistible, ce fut, dressée au bord même de la source, une grande Fleur d’un bleu éthéré qui l’effleurait de ses hauts pétales éclatants ; autour d’elle se pressaient des milliers de fleurs de toutes les couleurs et dont les suaves parfums embaumaient l’air. Lui, ne voyait que la Fleur bleue, et longtemps il la contempla avec une indicible tendresse. Mais quand il voulut enfin s’approcher d’elle, elle se mit à frémir et à changer d’aspect. Les feuilles, de plus en plus brillantes, se serraient contre la tige qui croissait à vue d’œil ; la Fleur se pencha vers lui : parmi les pétales qui formaient une sorte de collerette bleue, flottait un tendre visage… Son émerveillement grandissait avec cette étrange métamorphose quand soudain la voix de sa mère le réveilla et il se retrouva dans la chambre familiale que dorait déjà le soleil du matin.

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Je me garderai de vous livrer les interprétations des métaphores sublimes nées dans l'esprit du rêveur Henri d’Ofterdingen, dont vous pourrez apprécier plus vastes scintillements ICI ; je n'étriperai pas d'analyse sigmundienne ou jungienne, ces passages de pure grâce afin de ne pas dévoyer ni trahir la beauté suggestive insufflée par l'auteur, et que vienne à chacun cette folle idée d'unir sa vie à ce printemps portant nos figures pâles dans la campagne fraîche. Puissions nous pressentir la puissance alchimique qui bouleverse les coeurs au point qu'il n'est plus d'autre façon d'imaginer vivre autrement que couché au milieu des fleurs, qui sont toutes bleues quoiqu'on dise, sauf peut-être le myosotis qui est rouge comme le sang offert au saccage pictural des chants surréalistes, ils vénéreront avec d'autres, bien plus tard, la grande modernité des romantiques allemands et les oeuvres visionnaires de Friedrich Von H. alias Novalis, du bleu de la fleur au bleu lumineux de la nuit dont nous nous parerons sans doute.

 

Nota : Les conditions impérieuses du petit monde du myosotis se devant toutes d'êtres remplies, par défaut d'entrer dans le rêve du vieux siècle romantique, nous pouvons prier pour la fleur afin qu'elle ne s'étiole pas trop tôt entre nos mains frondeuses, ou dans nos coeurs gros et avides. 

 

Photo : corolle ouverte, accueillants mais farouches et bizarrement difficiles à photographier, Les mini coquelicots de l'Himalaya ont aimablement posé sur ma pente (et pour vos cimes, en tout bien, tout honneur), si par chance là où qu'il soit, (avec des si), Novalis, feu poète nous faisait la fleur (qui tient notre malheur) de nous rêver au profond de ses nuits plus impérissables que nos jours... Je ne termine pas la phrase, le mystère a son charme.

 

Nabirosina : © Frb 2013

samedi, 01 décembre 2012

The last waltz

J’aime l’automne, cette triste saison va bien aux souvenirs. Quand les arbres n’ont plus de feuilles, quand le ciel conserve encore au crépuscule la teinte rousse qui dore l’herbe fanée, il est doux de regarder s’éteindre tout ce qui naguère encore brûlait en vous.

G. FLAUBERT extr. "Fragments de style quelconque" in "Novembre

 

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Ici bas © Frb 2012

samedi, 10 novembre 2012

Vers l'idéal...

L’avenir n’est pas encore venu, le passé est déjà bien loin [...]

Il me plaît de marcher de travers ne gêne pas mes pieds. C’est le moment de laisser faire.

ZHUANG ZI : "Oeuvre de Tchouang-Zeu"

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Adage : Quand les hommes s'en retournent au pays des Anatidés, ça veut dire que l'hiver ne va pas tarder

Bonus : L'affirmation du jour se multipliera sous l'image et la métamorphose sera presque achevée...

Photo : Saisir à la volée du haut (pas trop) d'une falaise lyonnaise (?) une pêche miraculeuse sur les berges du Mississipi qui ressemblent (étrangement ?) à celles de la Saône, par endroits...

 

Mississipi ou presque © Frb 2012

jeudi, 08 novembre 2012

Portrait du poète en chasseur de perdrix et autres fariboles

Suis-moi. sous ces ormeaux ; viens de grâce écouter
Les sons harmonieux que ma flûte respire :
J'ai fait pour toi des airs, je te les veux chanter ;
Déjà tout le vallon aime à les répéter.


ANDRE CHENIER extr. "L'oaristysDaphnis in "Bucoliques. Idylles et fragments d'idylles", (le poème est disponible intégralement ICI)

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Ayant tout dit, tout lu, il croyait en avoir soupé des feuilles mortes et le vent de Verlaine tamisait ces farines sous la plume refroidie d'un oiseau. Pendant que l'homme ordinaire roulait à la taverne, le poète à pipe et chapeau découpait les saveurs de la vigne avec de la Volvic puis miroitant ainsi sur ces monts et merveilles promettait de suer sang et eau pour écrire un sonnet à sa poule qui aimait la liqueur de griottes, l'eau de vie des figues et de nos damassons.

Les fruits mûrs grands ouverts glissaient dans ses corbeilles. Cela appartenait au grand monde à présent, le pays privé de soleil en cherchait un nouveau, troussant les rondes saisonnières comme les jupons des rousses qui flottaient sur la terre, on ne sût pas comment cet écrin d'amour éphémère fut dépouillé de son velours, on fît mine de ne pas connaitre l'endroit où la pluie croisa la tempête, une forêt poussée sous la brume miraculeusement épargnée cacha tout: douce gemme, mucus fragile louant hier les saponaires et les longs calices tubulés. Le poète soupçonnait le diable de vivre dans une noisette il la mènerait à la casse avant de la croquer.

A la saison d'automne plus tendre que les autres saisons, on croiserait des poèmes en petits en tas serrés posés sur un bureau bien à l'abri des courants d'air. On parlerait d'une voix grave un stylo d'argent sur l'oreille du "voeu" et de l'oaristys puis les mots muteraient en touffes de poils de martre, ce pinceau barbouilllerait les jaquettes qui vous bradent des couchers de soleil, du clair obscur, l'extase portant cette écume à vos lèvres chuchoterait : "l'automne est là" en nous, profond comme le ciel faisait valser hier, des lingots d'or qui voltigeaient sur la clairière pour se rouler dans la rosée, nulle chasse, nulle pêche d'alors, juste une cueillette histoire de dorer quelques verbes en rougir jusqu'à la consomption.

Le poète dût réapparaître, souriant pipe au vent, avec son braque Sultan seul compagnon fidèle et facile à aimer, il sonna à grand cor l'ouverture de la chasse, et promit qu'il nous ramènerait une étole en fourrure de petit lièvre, un pagne en plumes du faisan vénéré, des porte-manteaux en pied de biche, une bague en genêt d'or. Prêt à tout embraser, le poète sortait de la campagne cachant dans sa veste de chasse sa couronne de laurier, les couleurs incendiaires affolant son plumier, il tira en premier sur les pattes en corail d'Yvette, une jolie perdrix aux yeux rouges, qu'il blessa mais ne pût achever.

Nous ne reçûmes pas l'étole en fourrure, ni le pagne, pas le moindre petit morceau d'un porte manteau en pied de biche et la bague en genêt (pour la beauté du geste) arriva si fanée qu'il n'osa pas l'offrir. Yvette ayant troublé follement le coeur du poète, il lui construisit un nid de broussailles dans un petit bois rouge et or, y fit mettre tout le confort, délaissa sa vieille poule pour s'installer dans l'arbre avec la perdrix.  Ils vécurent heureux d'amour et d'eau fraîche coupée d'une quantité épatante de liqueur de griottes, figues et bons damassons. Ca pourrait finir là.

Epilogue:

En automne les histoires d'amour commençent bien, mais c'est sans parler du coucou, l'affreux coucou à poitrine rousse qui de loin avec ses yeux ocres épiait le petit nid d'amour. Le coucou lui aussi un jour partirait à la chasse - la chasse au nid d'amour - mais par respect pour la ronde des saisons, je vous raconterai la fin de cette tragique histoire au printemps. Si j'y pense.

 

Photo : Dans l'image toujours la même question. Sinon, c'est l'automne au jardin, tardif, plus sûrement à venir (et à suivre) ...

 

 

 Là bas © Frb 2012

mardi, 16 octobre 2012

Des jours et des jours à la vogue

Dernière grande fête foraine de l'année à Lyon, la vogue des marrons tire son nom des premiers marrons de l'année et du premier vin blanc qu'on y dégustait, à l'imparfait, rien n'est parfait, bien sûr. La vogue des marrons actuelle a démarré le 6 Octobre elle finira le 11 Novembre 2012.

vogue ballons.jpgQu'on l'apprécie ou non, parler de l'esprit bon enfant de la vogue paraît aujourd'hui déplacé (on ne sait où), même si l'enchantement des jolis manèges hante encore notre époque, c'est une image entre autres, de fête et de flonflons, rien qu'une image légendaire puisque pour la plupart d'entre nous, ces fêtes foraines familiales, bricolées sans manières, nous ne les avons pas connues. Nous savons simplement, malgré la joie délitée, et révolue, peut-être, que si la vogue des marrons, à Lyon, n'existait plus, elle manquerait. Mais je n'ose pas ici employer le mot "fête", la vogue est rituelle, c'est admis dans l'esprit des habitants de cette ville, elle marque un temps dans l'année, juste avant la saison des pluies, les foules du 8 décembre et les marchés de Noël, elle balade aujourd'hui plus d'ennui que de gaieté. On s'accorde à l'idée, on s'y traîne, on y flâne sans penser par exemple qu'au XIXe siècle Lyon totalisait plus de 207 jours de vogue, de Pâques à la Toussaint. Il n'en reste qu'une, c'est celle-ci, on la prend pour ce qu'elle est, entre la vogue et notre esprit il y a des nébuleuses... Nous fermons les yeux sur ce qui manque, ou bien encore heureux, nous nous rattachons aux mémoires idéales de ces mondes enfantins qui suçaient les guimauves une fois l'an,  nous nous contenterons des arômes d'un Chardonnay allégeant l'Homme (et son désir), tenterons d'en retenir le dernier tourbillon sans trouver le raccord entre ces vieilles gravures et les temps à venir qui nous invitent à décharger notre poids soucieux ou abêti, matière poreuse ou bons vivants, nous contemplerons en touristes ces rubans colorés où les  jeux vont sans nous. Nous ne savons pas comment cette grande usine à attractions valdinguera les corps, pourvu qu'elle ne valdingue pas les notres (pas le mien en tout cas), des furies techno-funk à la nostalgie du mashed potatoes via le rock à l'antique (Elvis, tuning, sodas, ice-cream), l'over-bass brutalise. Les engins crachent le feu, les flammes, au propre, au figuré, nul ne devrait s'en plaindre car l'intitulé ne ment jamais (desfois qu'on n'aurait pas su lire les enseignes kitsch and cheap)...

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Âmes vagues décomposées seules ou accompagnées, c'est à peu près pareil, voguant dans l'ennui patent de nos semaines contemporaines qu'il faut absolument secouer de loisirs à grands cris sur la place solidaire plombée par la dérive, l'esprit dans la paillette du pepsi pop, les  défilés se suivent et ne tarderont plus à  nous s'enchaîner, (8 décembre, morne plaine, ma flamme dans leur publicité) ; rameutent ici ou là  un bref éclat entre les bruits, tiraillant nos faiblesses: le caprice d'un enfant qui ne veut pas redescendre du manège, des parents sur des chaises et leurs gueules d'enterrement, des gars avec des franges qui tirent comme Charles Bronson sur des figurines en plastique pour gagner une peluche du bon temps de Pandi Panda,  ça reste divertissant de regarder tout ça afin de n'en tirer aucune réflexion particulière. Juste regarder. Et puis voilà.

vogue in the usa.jpgFlâner entre les hurlements d'humains harnachés par des courroies fixées sur des machines qui montent, tournicotent, gesticulent, brassant l'air, d'accord pour ces crampes d'estomac qu'on se fera à la place des passagers retournés à l'envers, d'accord pour l'empathie-express qui est notre, à ce moment là, superflue, tout-express, même la peur des antres gothiques et ces sorcières qui remuent des balais sur un toit brûlant, même la nuit quand je rentre chez moi, à chaque fois, je suis d'accord avec moi, pour avoir peur de ça. D'accord pour écouter les mécanismes stridulatoires des simulateurs inspirés des plans les plus sombres de L'exorciste qui propulsent mais quoi ? - D'accord pour être propulsée - juste une fois, mais sans rien essayer, parce que la joie d'une vogue c'est aussi de s'y noyer. La vogue n'est qu'une fois dans l'année, alors on peut bien vivre avec son temps une fois, en marchant, pourvu que le boulevard et ses rues parallèles, continuent à sentir la vanille, le nougat, les bonnes gaufres, les crêpes au Nutella... Peut-être vous livrerai-je un jour une traversée by night dans la vogue en sommeil mais je ne promets pas étant donné que c'est déjà un peu ça: une stimulation acharnée qui n'arrive pas à réveiller grand monde, ni grand chose, la nuit au fond de soi, en plein jour, l'émerveillement absent, ou caché sous un air de s'en foutre. Ca validera peut-être cette adhésion sympa à tout ce qui peut plonger l'esprit dans sa paresse, encanailler l'espace avec ses grappes festives d'humanité blasée, toquée de gigantisme, où les bulles énormes font pétiller le corps d'une ville enrobée dans le sucre et la glace à venir. Nous goûtons en deçà, le plaisir monotone de nous disperser puis voguer, ne serait-ce que pour se vouer tout entier à la recherche éperdue du premier cornet de marrons chauds. Chauds, chauds, chauds, les marrons ! où sont-ils ?...

vogue ours.jpgAu hasard, la plus réaliste de cette expédition en quête de marrons, (chauds, chauds chauds), rend le pas tiède ou triste, mollement nous grillons nos cartouches à l'américaine sur de vraies carabines, tellement bien imitées  (des Kalashnikov, on dirait) sans la moindre biquette à caresser, ni un cheval de bois dont on fait les violons, pas de quoi pousser la chansonnette. Nous croiserons plus tard, le nez de Pinocchio qui s'allonge, s'allongera, grâce aux reflets multicolores d'une flaque d'eau.  Cela vaut les discours sur les fameux marrons, promis en cette vogue, seule vérité discordante, ô spleen de nos nuits sans marrons, moins folâtres que les nuits sans Oscar Wilde, (à ce point d'inanité, je vais me faire un peu de réclame) ;  le marchand de marrons (nous apprendrons le jour d'après, que c'est en fait, une marchande) serait-il du genre lève-tard ou couche-tôt ? Nous le cherchons nous le trouvons. Le stand est minuscule, il est  doux, il sent bon, c'est tout ce qu'on vous dira de cette première tentative sans pouvoir plucher le maroncho,  c'est un peu de ma faute, je ne sais pas jouer des coudes en société, ainsi je n'ai même pas eu le culot de bousculer quelques badauds, pour photographier le fameux stand aux marrons, parce qu'il y avait devant, les personnalités de la colline : Monsieur Marcel Rivière (et sa femme, la grande, dont je ne me rappelle plus le prénom) qui charmillonnaient discrètement avec un Alceste entièrement caché sous une toge recouverte d'écorces avec des feuilles rousses et ocres made in Tabareau collées sur son chapeau évasé par le haut en multiples branches ornées de nids de hulottes revenues de Couzon, je n'osais déranger, et ne fixais pas mon objectif afin d'obtenir un cadrage (presque) parfait sur les mains des personnalités qui tenaient leurs cornets de marrons comme on tient des cierges lors des grandes processions hivernales (par exemple, celle en l'honneur de la Sainte Vierge, nous en reparlerons peut-être...). Il faut dire qu'affecté par les privations, on glissera dans la romance de toutes petites choses pourtant vraies, à ce sujet fragile, j'ouvre une parenthèse puisque je ne peux décemment exposer ici Monsieur Alceste piquant à pleine branchées les marrons de Monsieur Rivière, (à lire prochainement "Les marrons de Monsieur Rivière" un inédit  issu des carnets de la mère Caquelon, poètesse Lyonnaise oubliée, grande copine de la Mère Pompon qui mit au point la recette des quenelles de marrons, plat mythique servant à décupler le courage des canuts lors de la révolte en 1831, - là, j'exagère, mais c'est un des nombreux effets secondaires produit par le manque de cornet aux marrons, quand on en goûte un seul, ensuite, ça dure, une vie parfois - quant au livre, je l'ai déniché récemment dans un vide-grenier de la Tabareau, on ne dira jamais assez - surtout en plein coeur de la vogue - qu'il s'en passe de chouettes sur la Tabareau où la rutilante boule lyonnaise n'a que faire des tournis des manèges; les parties de boule lyonnaise se déroulant dans un monde parallèle, en silence, les manches retroussées, les hommes ne pourraient en être déconcentrés ou seulement par une boule dégommant l'autre boule, pour aller se placer à deux millimètres du cochonnet, on entendra alors un gars qui l'ouvrira plus fort que ses copains, mais pas trop, pour dire "ouhla !  joli !", c'est ici, que le vogueur épuisé viendra se reposer sur un banc pas loin de "la Coquette", qui comme son nom l'indique est une coquette auberge, quand on passe devant ça sent bon  le thym et l'échalote, surtout l'été, mais  je ne peux rien en dire je n'ai  pas encore testé), là je referme la parenthèse, (vogue off). Laissant grésiller en paix les marrons, pour goûter les bonbecs, j'ai compté qu'avec trois picaillons, on peut obtenir 80 grammes d'un diamètre de huit centimètres de réglisse + une bille de gum au milieu, après une telle dépense je n'oserais pas entamer mon dernier billet de mille pour dilapider des restes (?) de jeunesse dans la bétaillère jurassique où la foule, clairsemée sur les feuilles abattues, attend de faire son baptême, happée par le plus fameux des glyptodons de Lyon, relouqué par qui vous savez.

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Enfin, ce qui est bien agréable à la vogue c'est qu'on s'y trouve tous en vadrouille, un peu comme des stars démodées allant incognito, offrant aux sunlights jaunes et verts  nos mines cadavériques, nos lèvres jaunes et nos dents vertes (juste un sourire pour la photo), stars d'un jour flambant à la roulette le mou avant l'hiver, vivotant au sommet, sans se soucier de savoir s'il existe un autre lieu au monde, la colline valant à elle seule, un hémisphère. Une seule fois dans l'année quand la vogue est de retour les Croix-Roussiens vivant en autarcie au  village, se sentent pénétrés du lourd de ces camions beaux comme des barres de la Duchère branchées sur des prises électriques qui  serpentent de la place par les rues et sur les tapis (introuvables) de la place (des tapis), ils croisent aussi les monstres qu'on ne verra (pour de vrai) qu'à la fin du monde, venus culbuter nos grattons, crapahuter sur nos coussins (ces quiétudes ganachées fourrées d'un filet vert, couchés dans leurs boîtes de velours, à se damner). Quelle pagaille, en nos us et coutumes!  quand, soudain, dans les premières heures, du 5 au 6 Octobre, on regarde les gars de la vogue (de magnifiques garçons) déballer le matos afin de monter les engins, on croirait voir construire une ville, elle se fait en un jour ou peut-être une nuit, sous nos yeux se déroulent des kilomètres de câbles et des kilomètres de rallonges sur le bitume courant dans les rigoles, après on s'y balade comme si tout cela avait poussé uniquement par magie, on est dans la vogue-champignon et les jours qui suivront ça scintillera de partout. Je suppose que la vogue des marrons aurait plu à Andy Warhol, ces objets en série multipliés partout, auraient pu lui souffler de sacrés tableaux, l'Amérique qui se pose là, avec ses boîtes en kit, des bistanclaques qui se perdent au milieu d'une foule, cette année, pas trop dense à cause des restrictions. Ce n'était pas complètement étranger à l'oiseau vogueur, lequel, d'une année à l'autre s'était fait grignoter par un sanglier vogueur, voyez qu'il y a quelque changement, (le lecteur assidû, qui s'y connaît forcément en sanglier connaît aussi son paradoxe, toutefois je laisserai ouverte l'interprétation symbolique pour laisser voguer l'homme et son désir dans l'approximation). Bref, chacun sait que le mot sanglier vient du latin "singularis", (au sens isolé, solitaire "singulier") et que le sanglier est aussi ubiquiste, à vrai dire, je ne sais pas ce que signifie sociologiquement cette raréfaction de l'oiseau vogueur au profit plus imposant du sanglier ubiquiste mais je trouve, ma bonne dame, que c'est pas rassurant et peut-être aussi triste que nous autres les festifs désolants qui picorons nos beignets entre les barrières métalliques du boulevard et les autos méchantes, à se demander encore qui a décidé d'encastrer la vogue sur la place des tapis  où l'on entre enjambant des panneaux et des fils alors qu'une partie du boulevard semble plongée dans le gris, sans doute à cause des travaux, d'autre chose, peu importe, on pourrait être ailleurs, déjà à la périphérie, et ce n'est sans doute pas un hasard de trouver de plus en plus de pigeons moches, mal polis (ubiquistes) gouverner sur la tête de notre vénérable inventeur.

et vogue sur la tête au père jacquard  kb.jpegLe lendemain ce fût la même vogue ainsi les jours d'après telle l'année précédente, malgré une fine pluie, (ce retard coutumier de l'automne), après que le thermomètre eût marqué  26° à l'ombre, sous un ciel mitigé, comme on dit chez nous desfois "ça mouillassait", le gros rire (voguenard ?) du sanglion raillant l'inventeur des métiers m'attira sous un stand abrité, c'était une sorte de vestiaire à peluches (peluchons) encore des pantelantes arachnoïdes à cornes et multipattes difformes (soyeuses ? Je n'ai pas approché), je remarquais juste, que l'une des bestioles tristement pendue par les pieds portait entre les oreilles, un bonnet de lutin indécollable qui ressemblait à un cône de Lübeck, pourquoi, des cônes de Lübeck sur la tête de nos bêtes à la vogue ? Vous me direz! alors que des cornets de marrons seraient plus rigolos ? (Vous remarquerez que l'odeur des marrons grillés peut très vite taper sur le système surtout quand on les cherche), enfin voilà pour l'énoncé d'une vogue aux présumés marrons, nous repasserons, (enfonçons un clou dans ce marron), je subodore que si je n'ai point l'occasion de goûter au seul produit annoncé chaque année dans cette vogue, par cet  engouements précaire qui jalonne les recherches de certains jours, (comme leur façon là bas de fabriquer la barbapapa), ça tournera à l'obsession.

vogua.jpgEnfin, sortant de là, un peu sonnée, seule ou accompagnée, de toutes les façons harassée, je ne rejoindrai pas les copains comme prévu au RV du café du bout du monde où c'était encore convivial de pouvoir causer un brin tranquillement après avoir patassé (comme dit le lyonnais les pieds dans sa bassine de sel) puisqu'ils sont revenus déçus, les copains, de voir le bout du monde remplacé par un bar à bière,  un autre ! dont nous ne pensons à peine moins que rien, le houblon on s'en fiche, au départ on voulait un voyage en ballon de blanc (même de rouge, ô fillette !) avec des cornets de marrons (si je radote, mon lecteur, râle et  indigne toi mais là, minute papillon ! je promets de boucler la boucle et après on n'en reparlera plus jamais), un cornet de rien du tout, pour dire que ce n'était pas demander la lune. Oui, certes, mais il est comme ça le monde, dès qu'on veut quelque chose de simple, même si on on le demande gentiment, ce n'est jamais possible, ou alors ça devient compliqué parce que c'est rare etc... Et s'il faut demain voir en vrai griller des marrons, je serai prête à faire sonner le réveil (sacrilège) vers les 14H00 du matin. C'est vrai qu'à ces heures à la vogue y'a moins de monde. Un tout petit monde, discret , lent, pas  bégueule, du coup ça fait vogue oubliée et certains jours ça paraît bizarrement plus gai bien que beaucoup de stands soient vides, on admire le courage des forains, mine de rien, rude métier !

vogue.jpgEn guise de conclusion (j'ai dit en guise), c'est une bénédiction, pour nous autres gastronomes du plateau, que le citymarché (unanimement fréquenté en colline) ferme ses portes à 21H30,  c'est à dire après la vogue (mais un conseil, allez-y à 21H00 parce qu'après 21H15 les vigiles, qui n'aiment pas voir les gens lambiner se mettent à fouiner dans votre filoche, avec le vocabulaire de Rambo, (surtout un), c'est très laid, mais ce n'est pas à cause de la vogue (très influencée par Rambo également, pas pour les mêmes raisons), donc, le  citymarché, reste un endroit très pratix pour trouver de la vraie crème de marrons Clément Faugier, c'est pas en cornet (heureusement pour les manchons d'hermine de la bourgeoise), mais après ces promesses de vogue aux marrons rarissimes, ça pourra apaiser un peu notre besoin de consolation.

La conclusion, la vraie : à défaut de grives (aux marrons, vogue ! mon pijon) on mangera un merle à la crème de châtaignes. La suite de la vogue une prochaine fois peut-être (avec ou sans marrons, seul ou accompagné, si les petits ânes ne nous mangent pas). la dernière image à cliquer ICI vous donnera l'aperçu vite fait, du sort des animaux de la vogue, sous les yeux de l'enfant tirant pile dans la cible qui s'en retournera, en serrant dans ses bras un authentique Stormtrooper bien utile pour battre les Flogs, les Froschs et neutraliser l'homme vieillot qui cherche avec son groin (ubiquiste) des marrons sous les platanes du boulevards (vogue, vogue !), l'homme vieillot qui ne sait même plus le nom des arbres, ni le nom des fruits qui poussent sur les platanes, qui croit que les marrons tombent tout chauds des platanes et qui pleure et dit à tout le monde que tout fout le camp, et personne ne l'entend, pas une âme ne se lèverait pour lui tendre un cornet, un tout petit cornet de marrons chauds, un cornet de frites à la rigueur, et encore ! ah non, vraiment l'être humain n'est plus ce qu'il était, la fête est triste le monde est moche, on est tous triste on est tous moche. Alors qu'avec un cornet (même tout petit) de marrons chauds, même des châtaignes grillées... suffiraient, suffiront, comme l'écrit lademoiselle Pinturault (que je salue vigoureusement) dans son dernier recueil de poème intitulé "L'hiver des poètes", préfacé par Madeleine Lacroix, (je cite): "Desfois la beauté tient à pas grand chose". Vous pouvez ricaner mais si ça se trouve, elle a raison.

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Lien : oldies but goldies, la vogue 2010, si ça vous dit.

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2010/10/10/le...

 Photos : Boulevard de la Croix-Rousse et un petit peu place des Tapis: quelques vues hasardeuses de la vogue (des marrons) parcourue à pieds, à vélo, saisies de jour et de nuit, + une pensée émue pour l'Auguste Jacquard et son infinie patience. En vrai il ne s'appelle pas Auguste, ni Albert mais je crois l'avoir déjà beaucoup répété, (la vie des blogs tourne comme un manège), pardon au lecteur adoré, puisque tout doit finir par des chansons c'est inécoutable hélas je ne peux y résister, et peut-être que ça fera plaisir à msieur Fernand. (hypothèse hasardeuse j'en conviens)...

 

Lyon Colline © Frb 2012

dimanche, 30 septembre 2012

Les errances du modèle (I)

Je suis vague comme la mer ; je flotte comme si je ne savais où m'arrêter.

LAO-TSEU, extr. Livre I -XX, in "Tao Tö King" (ou Tao Te king ou  Tao Teh Ching) "Le livre de la voie de la vertu", traduit par Stanislas Julien à découvrir intégralement ICI

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 Il allège, il s'abrège, il marche sur les sentines embaumées d'aromates, il prend le large saute la haie une feuille de houx sur les lèvres il marche pour un appeau affine les frontières il marche entre les phares il marche à pas chassés il marche sur ses collègues.

Il marche pour des sommets, il marche sans s'arrêter un fleuve hante son geste même s'il ne paraît pas demeurer sur la rive même s'il paraît s'y perdre il marche dans un musée il part à la recherche d'un secrétaire perpétuel.

Il marche sur des falaises pour le bruit du ressac troublé de vents contraires poussé par la galerne contemple les traînières il marche sur des ressorts pour voir bouger le nerf dans les filets de pêche de cent mugilidés.

Il a dit : "je serai l'homme qui marche" qui titube et perd pied il s'éloigne il arrache ses racines les disperse autrepart il marche sur des quais par les rues encombrées sa marche est inventaire il passe entre les creux d'un lit prisant les feux ou fragmente son verre contre un cri de colère brisant les rondes aimables puis il se radoucit.

Il prend sur lui la pluie les brumes et la tempête il marche dans l'oeil pugnace qui le prend pour un autre il contourne le rire de ces foules les bourrades il marche loin de ces langues qui morcellent le jour tenant encore l'injure pour une délivrance.

Il marche fuit les truelles les engins à chenilles  vibrantes et compactées qui tourmentent l'univers l'entaillent le plissent l'emboutissent il marche jusqu'à ces temples qui cimentent le ciel avec la terre  il marche pour se défaire des torchis de leurs guerres il tourne les talons à ces pieds alignés caressant les moquettes au salon.

Il marche dans la salle à manger dans la chambre dans un hall il marche dans la cuisine à la recherche d'un paquet de chips il marche près des buvettes au milieu des canettes il marche sur les franges des rideaux d'un hôtel et sur les perles roses d'une fille menée par le tempo il marche près des massifs des jardins impériaux il porte à son blason un céleste vitrail marche dans sa lumière

Il marche pour le présent grisé par la promesse "du petit bout de chemin ensemble" il marche de la vie contre la mort pipant en travers elle avant qu'elle le reprenne il marche solitaire dans la blessure la mort de l'autre qui le fera payer courir rire et pleurer il marche sans retenir ceux qui lui portaient peine et ceux qui l'ont aimé ou l'aimeront à nouveau il marche dans sa reine sous un dôme de trois cent quatre vingt quinze mètres il marche sur des fossiles marche comme on se relève d'un sommeil troublé par des monstres aux poumons secs cousus de gueules avides transpirantes.

Il marche dans un tunnel juste après l'accident marche comme un enfant que le premier pas émerveille il marche dans un couloir entre deux infirmières.

Il marche dans la combine marche avec ceux qui règnent marche à pas d'échassiers il marche sur un autel il marche de Bellême à Couronne, dans la forêt d'Ecouves pour voir un éperon rocheux repartir aussitôt il marche pour le schiste bitumineux il marche dans la question qui tournera longtemps il marche devant tout le monde pour se poser devant un drôle de monochrome la marche pourrait cesser ici. Pourtant.

Il marche sous des voûtes gardées par une fraternité d'hommes qui doutent il marche sur des prières qui redresseraient son corps s'il les savait par coeur il marche pour fuir cela il marche une pochette en carton sous le bras jusqu'à la librairie de la rue de Belfort il marche comme un soldat au delà des fossés trop larges il marche entre les arcades d'une cité universitaire rêvant de perdre la parole marche pour disparaître voudrait réapparaître là où on ne l'attend pas il marche il aimera ses arpents plus que le soleil.

Il marche au bras des égouttiers qui ronronnent sur la ville en roulant des salives aux reflets d'arc en ciel il marche sur une route il marche comme Gulliver il marche sur des plages par les cours d'eau tranquilles foulant des coquillages, à l'affût des sirènes. Il marche pour ces naufrages qui n'en n'ont jamais l'air il marche contre l'aisance pour l'exception qui passe ne s'efface pas ne sait promettre promet effacera il marche loin des cloisons cerclées de minimoog il marche chez les pop dans les pipes et la poudre.

Il marche pour revoir les contrées que l'été n'a pas pu assécher il marche pour approcher ce qui ne peut se dire il marche sur des pays qui se détruisent dès lors qu'on les traverse il marche contre ce mot roulant dans les tranchées jusqu'aux plis de la paume qui caresse en secret des marges infrangibles.

Il marche sur l'Espagne et ses auberges tristes il marche aux côtés d'un ami insolvable et cupide il marche sur des croustines beurrées avec amour il marche dans sa meurette portant son CV d'homme-sandwitch  tourne autour d'un bordel avec des idées noires.

Il marche vers la mer crachant des étincelles tire son char jusqu'aux digues où se meurent les hétérocères il marche pour des sauteries arrangées de cocktails il marche pour le champagne il marche dans ces pailles aspirant les framboises et le jus des sanguines marche au mât de cocagne marche cherchant son île percée par des soleils empestés de furies il marche sur l'eternit marche comme la souris chassait entre les huis d'une geôle le mauvais rêve

Il marche derrière l'amour comme l'agneau s'abreuvait aux lèvres de la petite il marche dans la fontaine marche pour la rouquine qui se perd dans la foule marche pour une fausse blonde vêtue comme une tigresse marche pour une brune sympa qui tapine en Lancia il marche pour une princesse découvrant sous son pois des mires délicieuses il marche les yeux fermés il marche entre les bornes kilométriques tramant l'attaque d'un train de marchandises.

Il marche sur un passage sans ménager son âge il marche de l'impasse aux sentiers à l'aguet de la menthe du thym de l'aubépine il marche à la campagne dans la laine jonquille des épervières en cyme.

Il marche sur l'ardeur comme un faisan blessé perd ses plumes dans ces baies goûte la mûre cède au buisson entier marche sur les bouquets fanés entre les tombes s'y dore près de ce père qui lui apprenait à marcher il marche bercé par le son brut d'une locomotive dans la prospérité des fleurs des plantes des animaux il marche par ces travées pour y faire l'inventaire de ceux qui marcheront sans but il marche sur des tisons battant l'air à brûler un fourneau de miel de bleuet dans sa pipe il marche dans les billettes et les goussets d'azur il marche comme s'il pouvait marcher sur le déluge naviguer dans la terre sur des patins d'osier.

Il marche dans la tête une pointe de plomb fixée sur la verticale épurée d'un plan de monastère
, il marche sur l'histoire il marche sur ses ancêtres et tandis 
qu'il s'allège marche pour confirmer la dispersion il marche pour qui l'approche participe au mouvement céleste, ainsi le verrait-on inexplicablement marcher dans les nuages.

Il marche déjouant la durée il marche comme un page au guet des servitudes marche pour l'approbation marche chemin faisant il marche brouillant ses traces marche en petits fragments détachés parmi d'autres peut-être semblables  
il marche comme l'ange tombé hier de son balcon anônnait un chapelet de prières glossolales il marche jusqu'au péage rêvant d'épargner ses forces vitales pour marcher au delà marcher toujours encore et ne pas s'effondrer au prochain portillon.

 

 

 

 

Nota : Pour retrouver la suite des errances du modèle il suffit simplement de cliquer dans l'image.

Photo : Fragment de filatures, et autres vies modèles, le modèle en partance a été un instant saisi marchant, sur la rue penchée de la république (c'est pas complètement faux qu'elle penche la république et la rue aussi ça va ensemble peut-être) un léger flag' de fugue aux heures hyper-pointées, Le modèle est un poème-fleuve, il ne faudra pas l'oublier si d'aventure vous en suiviez un quelquepart il vous mènerait à coup sûr au pays qui ne s'arrête jamais. CQFD...

 

Lyon-Presqu'île © Frb

samedi, 01 octobre 2011

Love story

Sur le pont suspendu
nos vies s’enroulent
aux sarments de lierre

BASHÔ  (芭蕉)

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Nota 1 : Le premier mouvement de l'automne de l'année dernière peut se revoir en cliquant sur le mot "RITOURNELLE".

Nota 2 : Par une coïncidence extra, les conditions idéales étant réunies, nous voilà fin prêts pour la "MOMIJI".

Photos : "Le cycle des saisons" Ou le premier mouvement de l'automne  par les formes sereines d'une saison aussi luxuriante qu'une île lointaine. Et l'or de l'été finit là où tout ce qui finit tout peut renaître... Une orgie de feuilles mortes photographiée dans divers squares de la ville, à Lyon entre le mois de Septembre et d'Octobre.

© Frb 2011.

dimanche, 11 septembre 2011

Rentrer

Mes espaces sont fragiles : le temps va les user, va les détruire : rien ne ressemblera plus à ce qui était, mes souvenirs me trahiront, l’oubli s’infiltrera dans ma mémoire, je regarderai sans les reconnaître quelques photos jaunies aux bords tout cassés. Il n’y aura plus écrit en lettres de porcelaine blanche collées en arc de cercle sur la glace du petit café de la rue Coquillière :  "Ici, on consulte le bottin" et "Casse-croûte à toute heure".

GEORGES PEREC in "Espèces d'espaces, éditions Galilée 2006.

rentrer,septembre,la rentrée,ville,espace,espèces d'espaces,georges perec,déambulatons,filatures,balades,mouvements,instantanés,saison,lyon,les gens,la ville,démarches,traces,activités,en sarkozie,nouveau monde,uniformité,night and dayEt puis, Septembre remit sur pieds les corps glorieux qui claquaient le jour au défi des tapis roulants et c'était toutes sortes de gens qui revenaient d'on ne sait où, dorés comme des bijoux du manège enchanté de la galerie "Toutor". Ils marchaient au dessus du monde, ils glissaient dans le labyrinthe dont le sol serait bientôt recouvert de feuilles mortes, et par dessus encore, il y aurait le bruit des pas de ceux qui rentrent à reculons, déjà figés dans le décor avec leur tête de d'autruches, les éternels amoureux du dimanche et de l'oisiveté qui ouvrent les yeux comme autant de fenêtres sur de multiples mondes. Il y aurait la beauté intouchable des noctambules qui battent le pavé à minuit, finissent sous les poutres des pigeonniers cours d'Herbouville ou dans ces rues sans avenir la "De nuits", ou la "Longue". Il y aurait du bruit sur la Côte, de la bière et des flics entre Polycarpe et Terraille et puis, dans la fraîcheur, les nuiteux reviendraient à l'aube, claquer leurs derniers sous pour être les premiers dans les boulangeries aux noms qui flattent un peu l'amitié voir l'amour ou juste la mémoire comme "Le banquet" "L'épi d'or", ("Gerbe d'Or", ou "Rodrigue"), il y aurait des orgies de croissants chauds et de chaussons aux pommes. Il y aurait des halos de brumes fondus dans la lessive des particules fines et le couloir de la chimie qui ramènerait les odeurs d'oeufs pourris, à l'heure des ablutions des uns, des réunions des autres, tout se re-mélangerait à la fumée des cigarettes blondes, au goût du shit, au reflux d'arômes tièdes du printemps synthétique qu'on met dans les gamelles de détergents industriels sous le nom de "senteur florale", ça remonterait vers les pelouses du quartier Opéra où l'on se traîne encore, allongeant l'été à loisir, seul à seul multiplié par mille, tous portant le même sac (du positif), et lisant la même revue (de l'actu), celle qu'on nous distribue dans le métro, qui est gratuite, inventée par les concepteurs de la gratuité lucrative ciblant son grand public de publi-reportages voués aux isthmes du Sarko. Ils préparent notre avenir en nous caressant le dos, ça grignote sans nous le dire, nos heures de cerveau disponible durant les pauses ou via nos déambulations de rats des villes ; en toutes constellations où la multitude nous allège du poids de l'ombilic, nous irons. On ira, on va, on va...

rentrer seul_0109.JPGPlus loin par les méandres d'un plan de Vélov' (ou "vélos d'amour"), la rentrée honorera encore le beau temps sous des blancs de cirrocumulus granulant légèrement le bleu qu'on possède encore en lambeaux et l'on remuera l'aventure sur un pied d'appareil photo, espérant du nouveau, à croquer un peu de perspective. Ici, tout semble prévisible. Rien ; sinon cette chaleur de tripot, cet air brut et torpide. Rien ; sinon que du beau dans la ville aux façades rosées cachant son mal entre les ponts, autant de gouffres côtés du Rhône que de guinguettes aux volets clos et de plages interdites, les boites de nuits plongeant sur Vaise neuf et refait avec sa gare qui fût détruite sous les bombardements du 6 Mai 44, une gare en bois, vite reconstruite entre deux évènements, jusqu'à l'espace multimodal d'aujourd'hui et par dessus, tout ça, il y aura les barres vanillées de la Duche qui regardent le bas, plus pour longtemps, barrées déjà par un projet de ville, il transformera bientôt ce quartier en un "pôle attractif", disons "plus attractif", c'est la fine formule, pôle ou quartier, pourvu que tout cela devienne "attractif". Les mots bleus du Grand Lyon, peaufinant sa vitrine en bonnes concertations abonnées à la cool attitude, nebulus à venir. On ne peut rien en dire. On se porte sur les pentes, on coupe par les traboules où vit encore un monstre de légendes mystérieuses ; on croisera même en rêve les fantômes : des gisants de Loyasse, un secret chu à l'observance  puis on retournera comme hier dans les rues en presqu'île, autour de la place de la Bourse, on verra des messieurs dits "d'un âge", des cadres distingués, à l'allure de Clooney raybanés (comme Dutronc), faussement déglingues, (vaguement Borloo), qui vont de table en table, glissant, leur carte de visite, en toute discrétion, aux jeunes filles venues là pour boucler leur fin de mois. C'est secret de Polichinelle mais ce n'est pas dans tous les bars de presqu'île qu'on fait ça...  Chez Jules on causera d'art (mais à la bonne franquette), à la Manille on jouera (à la Manille), ou on lira sous les mêmes globes lumineux qu'autrefois, des journaux du jour ou de la veille, au Moulin joli on s'emmerdera joliment et les nouvelles couleurs de beige à chocolat nous ferons regretter le vieux "Moulin Joli" terne et bruyant, d'avant.

rentree  cc.jpgIl y aura la sortie des classes vers Ampère ou ailleurs, des ados qui ricanent à trois sur un scooter, roulant les pelles, les mécaniques, claquant de la planche, l'Icare niqué sur des genres d'escaliers. Passée vers la mairie de la place Sathonay, il on croisera Mademoiselle Pugeolles, rejoignant sur une trottinette, son petit F2 de la rue Burdeau, un  cartable tout neuf sous le bras, avec des surpiqûres, et des poches intérieures de la taille d'un kleenex.  Il y aura rue de la Ré plein de monde en grappes vers les cinq heures du soir, des groupements sous la cnaf avec toute la culture de Levy à Musso et des livres de Daniel Pennac à moitié prix entassés près des piles de compils de Pavarotti chante Verdi. Il y aura des regards en biais, sur le flottement d'une jupe plissée bourgeoise, s'attardant devant la vitrine d'Yves Rocher, des mains de femmes chez Sephora dépliant la publicité d'un nouveau parfum (pour les femmes) qui leur affine les hanches pendant qu'elles dorment. Il y aura les dernières robes d'été, des chapeaux d'hommes  à l'Argue, à fines rayures noires et blanches genre maquereaux siciliens à porter avec des bottines en daim à demi lacées, exprès, fausse néglige, de la bohème, encore, des bottines de gamines, vraiment ergonomiques à talons de 7 cm, qui font de belles chevilles et qu'on porte avec des collants 15 deniers de teinte biche.

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Antithèse : ICI

Photos : Des filatures fragiles aux quatre points cardinaux d'une ville entre deux ponts et deux collines, du quartier de bureautique (et domotique) aux costumes froissés près des gares (1) juste à proximité de l'école (2), un passage clouté de bellecour en Presqu'île (3) enfin, sortie du temple où la terre promise distribue de la marchandise et pour quelques centimes (de plus) vous avez les cabas recyclables, bien de quoi battre le pavé jusqu'aux prochaines vacances (4). Juste quelques images from Lyon entre déjà hier, dans le vieil aujourd'hui, aussi loin que demain.

 

Lyon vu par © Frb : 2011.

vendredi, 31 décembre 2010

Jour de blanc

 Or ne trouverent ilz point là, sur l'heure, de croye ou de terre blanche pour marquer, à raison de quoy ilz prirent de la farine.

JACQUES AMYOT 

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BEN KAMEN : "Clouds and snow"

podcast

 

Le monde est tellement blanc qu'on se croirait presque au jour de l'an. On pourrait même se souhaiter une bonne année si on osait... Mais je crois qu'on va attendre le retour des animaux... (A suivre)

Photo: Un léger saupoudrage. Neige et fonte des neiges au jardin du Marquis. Nabirosina. Dernier jour de December. © Frb 2010

samedi, 25 décembre 2010

Quelques pas dans la neige...

Le plus bel arrangement est semblable à un tas d'ordures rassemblées au hasard.

 HERACLITE : 
citation in "Les penseurs grecs avant Socrate", trad. Jean Voilquin, éditions, Garnier Flammarion, 1964.

blanc205.JPGEffacées les fadaises, sauteries et vies déplaisent, les neiges vont éternelles, sur le pur iris des narcisses. Un parfum de feuille morte brûle au cordage, ce noeud engrange des voeux tels des graines. La neige vient, nous protège de toutes sortes de chaleurs humaines. L'oeuvre pure a vécu ses heures de grâce. L'oeuvre au noir ne passera pas au blanc. L'alchimique ratage du subtil à l'épais allant à sa cime comme aux déserts ouvre un fossé rempli d'enfants qui jouent sur du papier brillant. L'un renait l'autre meurt, l'un n'est plus au souci de savoir comment renverser ses joujoux, il les range à nouveau bien à leur place, ne les prêtera pas aisément. L'autre s'en accommode tout comme du triste temps. Les ans se suivent, on les relie à peine. Une barque gèle au rivage percée de balles à blanc.

Sur les vaisseaux d'un monde retombé en enfance je me consacre au menuet, "une danse à trois temps gracieuse, et noble, à mouvements modérés".

"Le plus court qu'on peut le faire c'est le meilleur. Mais lorsque l'on est parvenu au point de le bien danser, on peut de temps à autre y faire quelque agrément" (1) 

 

 1 2 : demi-coupé du pied droit
3 4 : demi-coupé du pied gauche
5 : pas élevé du pied droit
6 : pas élevé du pied gauche
(2)


 On pourrait préférer la gigue ou quelque sarabande qu'on danserait un ruban sur les yeux dans un jardin anglais, pour ne pas s'enflammer trop vite, mener l'hiver à l'apogée de quelque réchauffement pas plus intéressant qu'un saut de mésange à tête noire dans la neige blanche comme nos linges qui sèchent à la buanderie au fond d'une machine à sécher, autre cadeau du Père Noël, du beau père, ou d'une belle soeur qui dit "nous, cette année, on offre utile" comme on dit chez les grands. Nous pourrions apparaître soucieux du sentiment. "Mais ça ne risque pas mon pauvre vieux, nous sommes gelés depuis longtemps !", si portés à nous mêmes, effacés des romans, mais encore paradant devant la sarabande tout comme le mousquetaire héroïque nous agitons nos pieds n'importe comment, là, devant l'assemblée, dans la gloire de nous, le désir qu'on nous loue avec la générosité dans notre caractère, nous crions pour la sarabande "Pardieu, si je la sais !", déguisés comme un d'Artagnan, "lui qui ne savait rien du tout, mais qui voulait avoir l’air d’être au courant" (3) 

A peine signifiée l'illusion de nos fêtes réveille aux mesures de l'enfance le souvenir d'une carotte plantée dans un bonhomme de neige en guise de nez grossier ou fin, humant par la vitre d'une fenêtre fermée la truffe dans nos assiettes, ses arômes tout puissants et le sourire qui fuit déjà, nous serons hantés en dedans par l'an qui vient, ce spectre, nous couvrira de cotillons nous abolira d'estampies et nous battrons du pied gaiement par un mouvement d'aise oubliant un instant ce pli de rêveries, la tristesse, ces voeux vieux de l'année dernière qui ne sont jamais advenus. A l'oubli la maldonne, incompris, les joueurs tricheront pour retrouver leur fausse joie d'antan puis s'en iront jeter leurs souliers dans la sapinière, une dernière fois peut-être.

BASEMENT 5 : "Last White Christmas"

podcast

 

Références des citations : (1) et (2), extr "Le Maître à danser" de Pierre Rameau (Paris 1725) / (3): extr. Alexandre Dumas, in "Les Trois Mousquetaires", VIII (115).

Photo : Salut doux de l'hiver par la patte (du loup ou de l'agneau ?) qui vous souhaite bon Noël, (pas si joyeux, point trop n'en faut) photographié le 25em jour de December, quelque part sous un conifère dans les bois du Marquis de Montrouan © Frb 2010.

samedi, 11 décembre 2010

Un léger décalage...

Connais le prix des circonstances le perce-neige lui doit son charme.

PYTHAGORE

fleur et neige se cachent peut être derrière l'image, pour le savoir il faut chercher...serres2481.JPG

Perdu dans le pays de neige, sa ville qu'il ne reconnaît pas, le promeneur (urbain) ne comprend pas pourquoi il n'y a pas de perce-neige au jardin, mais sans doute aura-t-il oublié de se répérer dans le calendrier floral, auquel cas il aurait su que "perce neige" n'arrivera que le 2 Février, (violette de la chandeleur"). Le promeneur déçu aura rêvé trop tôt le printemps, pour ne pas se désespérer à la perspective d'une attente longue, peut-être incertaine, il refermera son herbier se glissera avec légereté dans la légende (dite allemande) à propos de la neige et de la fleur.

"Quand Dieu fit toutes choses sur la terre, il demanda à la neige d'aller vers les fleurs et de se procurer un peu de couleur de leur part. Une par une les fleurs refusèrent. Alors, très affligée, la neige demanda au perce-neige de lui donner un peu de sa couleur et le perce-neige accepta. En remerciement, la neige lui permet de fleurir le premier chaque fois que le printemps se montre." 

Patience....

Photo :  Ceci n'est pas un arbre à perce-neige. introuvable, perce-neige... Pas vu, mais vu le Parc de la Tête D'Or, (sous un ciel sombre) du côté des serres, méconnaissables, enneigées, et ensauvagées comme jamais, (ou  rarement). Lyon, Décember. © Frb 2010

lundi, 27 septembre 2010

September (part I)

Me voilà entré tout vermoulu dans la zone de noirceur, embroché comme le tournant hémisphère, avec toujours ce sourire idiot qu'un exil de fraîcheur imprime en zézayant sur la face fondante.

TRISTAN TZARA (1896-1963)

Pour lire la suite qui est tout à la fois début de la fin et la fin du début, suivez l'hommesep_0025.JPG

Tu marches à côté d'une route, qui s'allonge à mesure que tu l'imagines. Tu auras un peu honte d'abandonner Madame. Tu laisseras un mot sur la table du salon: "Je suis allé faire un tour du côté du petit train, je reviens". Tu regarderas ta maison disparaître comme un pétard dans l'horizon dont les éclats colleront des petites ailes en carton sous tes semelles, tu auras honte de ne pas avoir prévenu Evelyne, et d'avoir promis à Martine, tout autant qu'à Ghislaine, que tu serais prêt à tout quitter pour elles, si on te laissait faire... Quelqu'un te ramassera ivre mort sous une tôle à mille lieues d'une gare, alors que tu tentes d'apprendre par coeur un poème, Tu as des écouteurs sur les oreilles. Tu écoute "Caravan". Tu espérais qu'ici personne ne pourrait jamais te retrouver. Tu voudrais qu'on se fasse à l'idée que tu disparaisses alors que tu ne t'y accoutumes pas toi même, tu feras tout pour te faire remarquer.

Ici c'est presque la même chose, au delà de l'extrême rigueur que je me suis imposée avant celle de l'hiver il y aura le brouhaha des foules et des tas de papiers comme des avis de releveurs de compteurs avec des carrés à cocher, des lettres menaçantes pour la note d'électricité, complètement oubliée dans les enluminures de Cluny cet été, des mains de fer dans des chaussures de velours, l'omnipotence du corps médical qui met son doigt dans tout ce qui bouge, le roi de la rolex au secours de la retraite, et des gosses somptueux à moitié dévêtus, des colonies de poussins dévertébrés dans le satin qui s'embrasseront la nuit, au secret des folles skins party, un supplément de glam, de dandysme et d'extase, il s'en trouvera bien un de ma génération qui dénoncera le mal, oubliant qu'il voulait rester jeune avant tout. Il y aura le beau dégoût, le m'enfoutisme général, le bon droit, le bon sens, les effets de montre, les corps métrométrès, des sciatiques, des lumbagos fournis par la valeur-travail, l'ombre du général, et le particulier tout petit qui se fait raboter les peaux mortes à l'institut de beauté, le cerveau, le formol, les bocaux de fruits pas frais du Franprix de la rue Anatole. Et puis il y a l'automne qui prend la couleur de mes cheveux. L'écureuil aux yeux bleus est venu ce matin fouiller dans mes papiers, envoyé pour l'enquête d'une femme à moitié folle, l'écureuil qui grignote les lettres compromettantes où l'amour me surprit au point de l'oxymore, où la tendre violence vouée à l'espèce rare se couche à mes côtés sans oser aborder au point G le point d'orgue, dévorant lentement mon âme livrée au vent mauvais de la bonne chanson, par la tranche d'un livre ouvert sur la transformation des digues imperturbables en virées surhumaines, comme si l'on découvrait un jour le poème de Rimbaud privé de ses voyelles collées aux éphélides, (ou bronzage en passeoire) de ces roux maléfiques. Par la rousseur des roux et de la flambloyance, je me grise et m'élance au coeur de la saison sur un lit de feuilles mortes. L'écureuil aux yeux verts, en habits "Carabas" roule sur quelques noix, l'abyssin élégant de mon voisin chinois s'ébat entre deux branches avec une siamoise, le lexo, le formol... Ulysse voyage chez Tennyson, un poème papillon rejoint les migrateurs, un oiseau de malheur glisse dans mon sac à dos, toute chose vire à l'orange et les feux passent au rouge.

Tu es assis hagard, devant ta table de cuisine. Tu bois du vin de Bohème. Tu regardes ta femmes couper le gruyère en lamelles, tu regardes glisser les lamelles sur un plat en gratin. Tu regardes fondre ta femme, puis Ghislaine et Martine dans ta maison pleine des trous du gruyère qui fondent aussi sur ton jardin. Sur ce champ desséché, tu gémis, tu te plains, tu as oublié de téléphoner à Evelyne. Les feuilles de tes arbres préférés tombent un peu plus chaque jour. C'est la fin de l'été. Tu voudrais échapper aux limites communes de l'existence. Tu voudrais tant, tu voudrais plus ... Et tu vis dans les cotillons. Tout ici te retient, dans les cotillons de l'écriture, et dans les cotillons du monde, tu réessayes, en vain. Apprendre par coeur ce poème de Pennequin ce serait mieux que rien.

Il n’y a rien de pire que les choses qui nous tiennent à cœur
C’est comme si on nous amarrait
C’est comme si le corps était notre amarre
Mais qu’on ne pouvait plus se barrer
On ne peut plus que couler dedans « nous »
Pourtant on voudrait bien se barrer, nous
On voudrait bien foutre le camp, nous

Et rejoindre l’autre.

sep_0025.pngMais il y a que tout t'en empêche, et que tout ici te retient : ton canapé en cuir, ton couvre-lit à motifs "Arlequin" que t'a tricoté Ghislaine pour que tu n'aies pas froid l'hiver et surtout que tu penses à elle, le soir, quand tu te couches. Tu tiens à ta commode Louis XV, Louis XVI, Louis XVII, à ton salon de jardin, à ces petites babioles cabossées qui te suivent, ces cadeaux de mariages, ces maquettes de trains, ta collection de canards en bois, à ces assiettes en porcelaine où sont illustrées à la main quelques fables de La Fontaine, tu tiens à ton fauteuil Voltaire à ta lampe Diderot, à ton pot de Werther, à ton épluche-Villon, à ton petit poignard que tu tripotes sans cesse qui déforme le jersey de ton pantalon blanc, à ta sorbetière serbe, à ta cravate à pois, à ta rampe d'escalier, à ton sirop d'orgeat, tu tiens à ton Smecta, à ta pipette d'Haldol, et à ton entonnoir, ta compote.Tu tiens à tout oui, oui. Tu tiens à tout, tout, tout. Et même tu te retiens, car si tout ça ne tenait qu'à toi, tu l'as dit à Nicole une copine de Ghislaine, que si tout ça n'était qu'à toi, tu casserais tout, tout, tout et puis tu t'en irais très loin au bout du monde, et plus personne ici n'entendrait parler de toi. Mais voilà, on te tient, tu ne peux pas partir, tu veux, tu ne peux pas. C'est comme ça, tant pis, c'est tout, c'est un point délicat dont tu ne parles pas. Tu y penses tous les jours et tu tiens et tu bous. Tout est là. Rien ne manque, tu es bien installé, tout se tient, à l'endroit, même cet attirail que t'a offert Evelyne pour mettre la pâtée au chameau, l'attirail il va là, à côté de l'escabeau, et ton blazer pied de poule va dans l'armoire à glace, la laisse du kangourou pendue près du bateau, chaque chose à sa place, une place pour chaque chose, à cause de toute cette merde, tu ne peux pas partir au bout du monde, tu l'as dit à Yvonne une copine de Martine, et tes tables gigognes héritées de la tante Berthe se rangent dans le salon à gauche près du bahut. Ces objets de valeur te tiennent et te retiennent et tu vides les poubelles tout dans les cotillons de ta lampe hallogène, de ton écran macro, tu ne tiens plus, tu tiens tout, tu tiens le bout du rouleau. Il y a même des choses auxquelles tu tiens plus qu'à tout.Tout comme à la prunelle de tes yeux un peu morts, tu tiens au grand chêne rouge quand il pleut dans le jardin, au ruisseau magnifique qui coule entre tes mains, à l'affection du chat, et au chant du serin qui chante soir et matin, au milieu de toute cette merde, tout comme à la prunelle...

Photos : Le réel et son double, vus, rue de la République à Lyon un lundi de Septembre à midi. ©Frb 2010.

mercredi, 01 septembre 2010

September (Part III)

Des maisons se dressaient alentour puissantes,
mais irréelles, - et aucune
Ne nous connût jamais. Qu'y avait-il de réel dans tout cela ?

R.M. RILKE, extr. "Les sonnets à Orphée", VIII, (trad. Angelloz)

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Quand tu marches sur les cailloux, tu entends un bruit de ferraille, tu cotoies les silhouettes longilignes des petits hommes fluos qui plantent des panneaux de signalisation. Tu roules à St Germain des près avec ta mécanique, tu sais qu'il y a des pistes anticyclables du côté de la Loire. Tu prends les abbayes pour ton propre berceau, tu reviens de Golsone déçue par les hérons, tu vois d'un cimetière arriver les bateaux puis tu sors du tunnel pour nous rejoindre, on sait que tu reviens de loin, peut être de cette plaine qui recouvre deux fois la superficie des prairies.

Ici, c'est presque la même chose, je tombe dans les panneaux des départs, je me colle au sommeil d'une file d'attente interminable en goûtant l'immanence de la situation. Je fréquente les marchands de journaux qu'on appelle des points-presse. Je lis les horoscopes, et puis la météo, les journaux quotidiens rendent hommage à Corneau, je poinçonne à l'envers, m'y reprends à quatre fois en tous sens, j'y arrive, je m'énerve, le temps presse, je m'en vais au quai A, un titre de revue du genre "choc des photos" cite une phrase de Fignon :

"Je n'ai pas peur de la mort, je n'en ai juste pas envie, c'est tout".

Quand tu vas à la banque tu vois les coquillages que tu as oublié de ramasser sur la plage des Issambres un 24 Juillet 2010, d'énormes coquillages vernis et brevetés avec un logo peint sur le côté, qui décorent ta banque, des personnages étranges habitent ton guichet. Tu poses le coquillage à tes oreille et tu entends le bruit d'une cocotte en papier qui te demande de créditer ton compte au plus vite. Tu crédites de très peu. C'est un nouveau départ. Tu prends un rendez vous chez le coiffeur Jacky qui est aussi "visagiste d'art" tu veux être propre et net dès aujourd'hui, pour reprendre ton travail, tu sortiras ravi avec cette impression d'avoir une nouvelle tête, tes bonnes résolutions dureront jusqu'en Octobre, Une septuagénaire s'en ira du salon avec une mise en plis violette. Le parfum d'encens d'une boutique 100% bio te donnera mal à la tête. Tu lis les horoscopes de Voili en cachette, tu t'en défends devant les copains, mais tu y crois dur comme fer, tu achètes le monde 2, le monde 3, et le magazine télé Z. Tu marches sous les yeux inquiétants de mademoiselle Nothomb, notons, notons, que tu as beau marcher mille fois sur son chapeau, tu suis ce que ta ville te montre, puis tu vas à la banque retirer 100 euros pour t'offrir toutes les vagues que ton amour soulève. Tu craqueras aussi pour des cigarillos. Tu en fumeras un devant un bordel de la rue Mercière en pensant que tu as oublié d'envoyer une carte postale des Issambres à Evelyne, que cela fait un mois qu'elle n'a pas eu de tes nouvelles, tout comme Martine et Ghislaine. Tu auras un peu honte de toi. Tu as peur qu'au milieu du mois, ta femme retombe en dépression, tu as rendez-vous à 16H00 chez le vulcanologue pas très loin de la villa des mystères à Pompéï, tu rejoindras demain Evelyne à 17H00 au café des écoles, vous irez à l'hôtel rue du Mail, tu retrouveras ta femme à 20H30, tu lui diras que tu as eu du retard au bureau à cause d'une réunion qui t'auras épuisé, tu maudiras ce crétin de Jouvenot qui pinaille sur les RTT,  tu prendras un effaralgan 1000, tu embrasseras tes quatre enfants, ton chien ton chat et ton chameau et tu prendras une douche avec un truc qui mousse quand tu le pousses. Tu entendras Johnny chanter à la radio. On a tous quelque chose de n'importe quoi ...Tu rêveras d'aller vivre en Pennsylvannie, juste pour voir Bardo Pond en concert, ta femme te montrera le programme du musée de Cluny elle aimerait visiter l'exposition sur l'art gothique en Slovaquie qui aura lieu du 16 septembre 2010 au 11 janvier 2011 à Paris tu diras oui, tu penseras non. Tu regarderas un extrait de "Pick Pocket", tu trouveras ça complètement con. Tu mangeras des rillettes.

Ici c'est presque la même chose. Mes voisines de voyage sont des blondes aux yeux verts, mère et fille si collées l'une à l'autre qu'on les dirait siamoises, la mère parcourt les pages de "L'horizon", elle prend des notes avec un feutre sur un cahier de brouillon parfois elle écrit dans la marge sur "L'horizon", elle souligne des mots à l'aide d'un stabilo. Sa fille porte un mandala vaguement tibétain tatoué sur une seule épaule. Dehors, il y a les vaches comme dans les Lucky Luke, et des petites maisons avec des jardins bordéliques. Des parasols et des tables en plastiques. Parfois on voit des gens au seuil de ces maisons, des gens tout petits qui secouent des tapis par toutes sortes de fenêtres, des jardiniers avec des grands chapeaux qui méticuleusement, ratissent. Dans quelques minutes nous traverserons le Bois d'Oingt et commencera le bout du monde. Je déplie la tablette propre et beige qu'on trouve dans tous les trains, j'y pose un livre et des crayons, des ormes glissent dans mon sac à dos, le ciel se couvre. Je m'intéresse à tout, au cimetière britannique de Bayeux et ses 4648 tombes, au Cardinal de Retz et à Charles Pennequin, je connais maintenant par coeur son poème que j'aime bien qui s'appelle :"Je suis le gruyère" [...]

Et je suis ce que l'autre veut bien de moi
l'autre est dedans ce qu'il veut quand je suis
bien en lui
quand je suis mal à être bien
tout en lui
quand je suis moins en moi
l'autre n'est pas bien
non plus dans son je suis
tout à lui
tout comme moi
je ne suis rien dans le je suis de l'autre

(A SUIVRE...) 

Nota : Pour les précieuses correspondances, je dédie ce billet à Michèle Pambrun et à Marc.

Photo : Le pays de Septembre, vu quelquepart lors d'un voyage, quelques minutes après la pluie, lors d'un léger ralenti entre Le Bois D'Oingt et Poule les Echarmeaux. Et puis d'ailleurs, quelle importance ? Sur la gauche vous pourrez admirer la maison de personne ou du garde-barrière ou de qui vous voulez. Photographiée le 1er Septembre 2010 entre Lyon et Orléans, du train bleu 16846. © Frb.

mardi, 22 septembre 2009

Les automnales de St Nizier

"Semis de Saint Maurice récolte à ton caprice"

Dicton du jour

automnales04.JPG

Le 22 Septembre est le 265 ème jour de l'année au calendrier grégorien. (Plus que 100 jours avant les cotillons). On rend grâce aux Maurice par une géante courge chaussée de coloquintes qui défile dans les rues sur des parachutistes rousses.

Le 22 Septembre. C'est le 29ème jour de la Vierge, folle de sa saison, rêvant place St Nizier d'une gelée de coings-grenades à emporter dans son panier pour manger tout de suite, ou déguster après, sous les parasols vermillon de la Manille, à Tupin.

Le 22 Septembre, Edouard 1er, roi d'Angleterre s'en alla de terre Sainte pour la neuvième croisade, ses esclaves portant au calife, une jarre d'un nectar de raisin de Gloucester (l'équivalent anglais des "tulipes de Juillet du Nabirosina") piqué d'un poison d'amanites vireuses dont le chapeau  couleur blanc crème, pourvu d'un mamelon centré, séduisit diablement notre courge qui passant du orange au rouge en effraya le fragon petit houx.

Le 22 Septembre pieds nus sur les pelouses, qui bordent la grande roseraie du parc de Tête d'or, quelques enfants sautent à pieds joints sur des bogues de châtaignes.

Photo : Le 22 Septembre l'année dernière, le vieux Georges, ajustait la rime à son verbe moyenâgeux. Le 22 Septembre, cette année, le magasin des belles personnes aux doigts verts et autres dames jardinières, oeuvre en façade à la nature morte flamande... Il faut croire que la saison des labours inspire. Heureux, qui comme l'automnal, a savouré en léger décalé, un retard qui s'éternise... Il suffit d'une petite boutique d'art floral. Si cette sublime composition n'était pas si consciencieusement étiquetée, j'enverrais volontiers (par pneumatique) un bouquet d'héliantes divariqués au virtuose étalagiste (on peut quand même le remercier). Vu à Lyon, place St Nizier, juste en face de la belle église du même nom et de surcroit assez gothique. Septembre 2009. © Frb